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Dossier : 2010-3092(EI)

ENTRE :

COREEN GEDDES,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 31 mars 2011 à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

 

Devant : L’honorable juge Johanne D’Auray

 

Comparutions :

 

Avocate de l’appelante :

MGwendoline Allison

Avocat de l’intimé :

MShankar Kamath

 

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JUGEMENT

L’appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi est rejeté, et la décision du ministre du Revenu national est confirmée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d’août 2011.

 

 

« Johanne D’Auray »

Juge D’Auray

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de septembre 2011.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.


 

 

 

Référence : 2011 CCI 381

Date : 20110808

Dossier : 2010-3092(EI)

 

ENTRE :

COREEN GEDDES,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge D’Auray

[1]     La question à trancher dans le présent appel est de savoir si l’appelante avait accumulé un nombre suffisant d’heures assurables pour avoir droit à des prestations d’assurance‑emploi.

 

[2]     Afin de statuer à cet égard, je dois répondre aux deux questions suivantes. La première est de savoir si les montants que l’employeur a versés à l’appelante à titre de supplément aux prestations d’assurance-emploi pour le congé de maternité constituent une rémunération assurable. La deuxième question est de savoir si le montant forfaitaire reçu par l’appelante à l’égard de la perte de son emploi constitue une allocation de retraite.

 

 

LES FAITS

 

[3]     L’appelante a commencé son emploi auprès de la Lyons Gate Hospital Foundation ( la « fondation ») en février 1999.

 

[4]     L’appelante était directrice du programme de dons annuels pour la fondation et relevait de la présidente de la fondation, Mme Savage.

 

[5]     Le 10 octobre 2007, l’appelante a commencé son congé de maternité après la naissance de sa fille ce jour-là.

 

[6]     Pendant son congé de maternité, l’appelante a reçu de la fondation un supplément aux prestations d’assurance-emploi pour le congé de maternité.

 

[7]     Le 31 juillet 2008, Mme Savage a envoyé un courriel à l’appelante pour lui demander quand elle retournerait au travail. Mme Savage a également déclaré dans son courriel ce qui suit :

 

          [traduction]

 

Nous pourrons alors prendre des dispositions pour tenir une réunion afin de discuter des changements intervenus au bureau au cours de l’année passée et de vos fonctions.

 

[8]     Le même jour, l’appelante a répondu qu’elle devait retourner au travail le 9 octobre 2008.

 

[9]     Le 1er août 2008, Mme Savage a répondu qu’il n’y aurait pas de problème pour que l’appelante retourne au travail le 9 octobre 2008.

 

[10]    Le 5 septembre 2008, Mme Savage a envoyé un courriel à l’appelante pour lui demander de participer à une réunion qui devait se tenir le 9 septembre 2008 afin de discuter de certains changements intervenus dans la structure organisationnelle de la fondation.

 

[11]    Le 9 septembre 2008, l’appelante a participé à la réunion comme demandé. Toutefois, la réunion a pris une tournure inattendue pour l’appelante. Au lieu de discuter avec l’appelante de son retour au travail et de certains changements intervenus dans la structure organisationnelle de la fondation, Mme Savage a avisé l’appelante que l’emploi de cette dernière prendrait fin le 9 octobre 2008.

 

[12]    L’appelante a été informée par Mme Savage qu’il y avait eu une reclassification de son poste, et que, par conséquent, le poste de l’appelante avait été éliminé et remplacé par un poste reclassifié.

 

[13]    Après la réunion du 9 septembre 2008, l’appelante n’est pas retournée au travail.

 

[14]    La fondation a offert à l’appelante comme indemnité de cessation d’emploi une continuation de salaire pour 5 mois (du 9 octobre 2008 au 9 mars 2009) à titre d’indemnité en guise de préavis : voir pièce A-1.

 

[15]    L’appelante n’a pas accepté l’offre initiale de la fondation. Après négociations, l’appelante et la fondation sont arrivées à un accord aux termes duquel l’appelante recevrait un montant forfaitaire équivalent à quatre mois de salaire et, en plus, 20 pour 100 de quatre mois de salaire en guise d’avantages sociaux. À la demande de l’appelante, le chèque devait être daté du 1er janvier 2009.

 

[16]    L’appelante a signé une renonciation en faveur de la fondation aux termes de laquelle elle libérait la fondation de toute obligation liée à une réclamation découlant de son emploi, de la cessation de son emploi et de la perte de toute pension, ou s’y rapportant.

 

[17]    Pendant toute la période des négociations, la fondation a continué à verser un salaire à l’appelante, à savoir du 9 octobre 2008 au 31 décembre 2008.

 

[18]    Le 9 mars 2008, l’appelante a présenté une demande de prestations d’assurance‑emploi.

 

[19]    Au moyen d’une lettre datée du 13 mai 2009, Ressources humaines et Développement des compétences Canada (« RHDCC ») a avisé l’appelante qu’elle ne remplissait pas les conditions requises pour recevoir des prestations étant donné qu’elle avait accumulé 345 heures d’emploi assurable entre le 2 mars 2008 et le 28 février 2009, alors qu’elle avait besoin de 700 heures pour avoir droit à des prestations.

 

[20]    Le 16 septembre 2009, à la suite d’une demande de décision de RHDCC, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a avisé l’appelante de ce qui suit :

 

          [traduction]

 

Vous ne remplissiez pas les conditions requises pour recevoir des prestations d’assurance‑emploi pour la période du 9 octobre 2008 au 12 décembre 2008, étant donné que vous receviez des paiements de maintien de salaire et que le total des heures assurables était de 345, telles qu’elles ont été calculées par votre employeur. » […] Nous avons aussi déterminé que, pour la période du 13 décembre 2008 au 9 avril 2009, vous avez reçu un paiement forfaitaire. Ce paiement est considéré comme un paiement en guise de préavis, et est assujetti aux cotisations d’A‑­E, toutefois, il n’y a pas d’heures assurables qui sont liées à ce paiement[1].

 

 

 La thèse de l’appelante

 

[21]    En ce qui concerne la question du traitement à réserver au supplément aux prestations d’assurance-emploi pour le congé de maternité, l’appelante soutient que le supplément aux prestations et la paie de vacances sont considérés comme une rémunération assurable.

 

[22]    Quant à la question du traitement à réserver au montant forfaitaire, l’appelante soutient qu’il n’y a aucune distinction à faire entre les paiements de maintien de salaire et le paiement forfaitaire. Selon l’appelante, comme l’ARC a accepté une forme de paiement comme étant assurable, l’ARC doit aussi accepter le reste.

 

 

L’analyse

 

[23]    Dans la décision Mulvenna c. M.R.N.[2], mon collègue, le juge Campbell Miller, a décidé que le supplément aux prestations d’assurance‑emploi pour le congé de maternité constituait une rémunération assurable.

 

[24]    Compte tenu de cette décision, j’ai accueilli l’appel oralement au cours d’une audience tenue par conférence téléphonique le 15 avril 2011. Je me suis rendue compte que, par suite de la décision Mulvenna, une modification a été apportée au Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations (le « RRAPC »), laquelle modification exclut de la rémunération assurable le supplément aux prestations d’assurance‑emploi pour le congé de maternité en application de l’article 10.11 du Règlement sur l’assurance-emploi (le « RAE ») et du sous‑alinéa 2(3)f)(ii) du RRAPC.

 

[25]    Étant donné que le jugement que j’avais rendu n’était pas signé, j’ai demandé au coordonnateur de la Cour le 19 avril 2011, de convoquer une nouvelle conférence téléphonique afin de me permettre de modifier le jugement et les motifs du jugement que j’avais rendus. La deuxième conférence téléphonique a été tenue le 17 mai 2011.

 

[26]    Au cours de la conférence téléphonique, j’ai avisé l’appelante que, compte tenu de la modification, je ne pouvais pas considérer le supplément aux prestations d’assurance‑emploi pour le congé de maternité comme une rémunération assurable. J’ai demandé à l’appelante si elle voulait faire d’autres observations. Le 21 juin 2011, j’ai reçu des observations écrites de l’appelante.

 

[27]    Dans ses observations écrites, l’appelante soutient qu’elle remplit les conditions requises sans le supplément aux prestations d’assurance‑emploi pour le congé de maternité, étant donné que l’ARC aurait dû tenir compte, en plus de ses 345 heures représentant la continuation de salaire, de 241,29 heures représentant la paie de vacances et de 45 heures de rémunération due. Cela reviendrait à 631,29 heures. Toutefois, même si je devais retenir cet argument, l’appelante ne remplirait pas les conditions requises étant donné qu’en application de l’article 7 de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « LAE »), elle avait besoin de 700 heures[3].

 

[28]    L’appelante soutient aussi que les heures associées à son paiement forfaitaire devraient être considérées comme des heures assurables. Elle avance que le paiement forfaitaire devrait être traité par l’ARC de la même manière que les paiements de maintien de salaire pour la période du 9 octobre 2008 au 31 décembre 2008.

 

[29]    Je ne partage pas l’opinion de l’appelante. À mon avis, le montant forfaitaire que la fondation a versé à l’appelante pour la perte de son emploi constitue une allocation de retraite. Les allocations de retraite sont exclues de la rémunération assurable en vertu de l’article 10.11 du RAE et de l’alinéa 2(3)b) du RRAPC. Les dispositions pertinentes sont ainsi libellées :

 

[L’article 10.11 du RAE]

 

Pour l’application de l’article 10.1, il n’est pas tenu compte, dans l’établissement du nombre d’heures d’emploi assurable, des sommes exclues, au titre du paragraphe 2(3) du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations, de la rémunération assurable que l’assuré reçoit.

 

[L’alinéa 2(3)b) du RRAPC]

 

Rémunération provenant d’un emploi assurable

(3) Pour l’application des paragraphes (1) et (2), sont exclus de la rémunération :

      […]

            bles allocations de retraite;

 

[L’article 1 du RRAPC définit une allocation de retraite de la manière suivante] :

 

- Somme qu’une personne reçoit :

 

            a) soit en reconnaissance de longs états de service au moment où elle prend sa retraite d’une charge ou d’un emploi ou par la suite;

 

            b) soit à l’égard de la perte de sa charge ou de son emploi, que la somme soit reçue ou non à titre de dommages-intérêts ou conformément à une ordonnance ou un jugement d’un tribunal compétent.

 

[30]    Le libellé de la renonciation signée par l’appelante en dit long quant à la raison pour laquelle la fondation a payé le montant forfaitaire. Cette renonciation est en partie rédigée de la manière suivante :

 

          [traduction]

 

Libère à tout jamais la fondation de toute action […] découlant de la cessation d’emploi de la renonciatrice par la renonciataire ou s’y rapportant […] il s’agit d’un règlement amiable d’une demande contestée […] que cette renonciation est signée et ladite contrepartie acceptée par la renonciatrice en vue de conclure un règlement complet, définitif et irrévocable de toute demande quelle qu’elle soit […] voir pièce A‑10.

 

[31]    À mon avis, cette renonciation démontre que le montant reçu par l’appelante en tant que montant forfaitaire est une allocation de retraite. La fondation a payé le montant forfaitaire relativement à la cessation d’emploi de l’appelante et, manifestement, ce montant forfaitaire n’a pas été versé à titre de paiement de maintien de salaire[4]. En signant la renonciation, l’appelante a cessé d’être une employée de la fondation.

 

[32]    Il est regrettable qu’une femme qui perd son emploi après son congé de maternité ne puisse pas recevoir des prestations d’assurance‑emploi, mais je n’ai d’autre choix que d’appliquer la loi.

 

[33]    L’appel est donc rejeté.

 

         

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d’août 2011.

 

 

« Johanne D’Auray »

Juge D’Auray

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de septembre 2011.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.


CITATION :                                      2011 CCI 381

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2010-3092(EI)

 

INTITULÉ :                                       COREEN GEDDES

                                                          c.

                                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 31 mars 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Johanne D’Auray

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 8 août 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l’appelante :

Me Gwendoline Allison

Avocat de l’intimé :

Me Shankar Kamath

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      Gwendoline Allison

 

                          Cabinet :                  Valkyrie Law Group LLP

                                                          Vancouver (Colombie‑Britannique)    

 

       Pour l’intimé :                             Myles J. Kirvan

                                                          Sous- procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1][1] RHDCC n’avait pas compétence pour déterminer les heures assurables de l’appelante. Cela explique pourquoi RHDCC a adressé une demande de décision à l’ARC. L’ARC aurait dû considérer la période du 9 octobre 2008 au 31 décembre 2008. Les heures assurables seraient toutefois restées les mêmes (345 heures).

[2] Mulvenna c. M.R.N. 2003 CCI 390 (CanLII)

[3] Étant donné que l’appelante résidait dans la région du Grand Vancouver, et que le taux de chômage était de 5,1 %, elle avait besoin de 700 heures d’emploi assurable dans la période de référence en application de l’article 7 de la LAE.

[4] Voir : Lefebvre c. M.R.N., 2004 CCI 131. Wronski c. M.R.N., 1999 CCI 319. Merck Frost Canada Ltd c. M.R.N., 2008 CCI 538.

 

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