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Dossier : 2009-982(EI)

ENTRE :

JEANNINE CROISETIÈRE,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

GMO ASPHALTES INC.,

intervenante.

Appel entendu le 8 février 2010, à Trois-Rivières (Québec).

 

Devant : L’honorable juge Gaston Jorré

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

 

Avocat de l’intimé :

Me Alain Gareau

 

 

Représentant de l’intervenante :

Gabriel Gervais

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Selon les motifs du jugement ci-joints, l’appel est rejeté et la décision que le ministre du Revenu national a rendue le 26 mars 2009 en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi est confirmée.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 27e jour de septembre 2011.

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré


 

 

Référence : 2011 CCI 454

Date : 20110927

Dossier : 2009-982(EI)

ENTRE :

JEANNINE CROISETIÈRE,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

GMO ASPHALTES INC.,

intervenante.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Jorré

 

[1]              L’appelante, Jeannine Croisetière, appelle d’une décision que le ministre du Revenu national (ministre) a rendue le 26 mars 2009 où il a conclu que l’appelante n’occupait pas un emploi assurable pendant la période du 23 juin au 3 octobre 2008.

 

[2]              Il y a un lien entre l’appelante et le payeur, GMO Asphaltes inc., et, en conséquence, l’alinéa 5(2)i) de la Loi sur l’assurance-emploi (LAE) s’applique. Le ministre est arrivé à la conclusion « qu’un contrat de travail à peu près semblable n’aurait pas été conclu s’il n’y avait pas eu de lien de dépendance entre l’employée et l’employeur » avec la conséquence que l’emploi n’était pas assurable.

 

[3]              Les dispositions pertinentes sont l’alinéa 5(2)i) et le paragraphe 5(3) de la LAE :

 

(2) N’est pas un emploi assurable :

 

[…]

 

i) l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance.

 

(3) Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

 

a) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu;

 

b) l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[4]              L’existence du lien n’est pas contestée. L’appelante est mariée à l’unique actionnaire du payeur, Gabriel Gervais.

 

[5]              Par contre, l’appelante et l’intervenante contestent la décision quant à l’application du paragraphe 5(3) de la LAE.

 

[6]              Le payeur exploitait une entreprise saisonnière de pose d’asphalte et de scellant ainsi que d’excavation. L’entreprise était active de la mi-avril à la mi‑novembre. Durant cette période, le payeur embauchait deux employées.

 

[7]              Le payeur utilisait la résidence familiale comme bureau.

 

[8]              Avant d’être inscrite au journal des salaires en juin 2008, l’appelante a témoigné qu’elle avait commencé à exécuter ses tâches pour le payeur dès avril 2008.

 

[9]              Elle travaillait bénévolement environ 20 heures par semaine avant d’être embauchée. Elle faisait la comptabilité y compris la tenue de livres, les paiements, la facturation et les dépôts. Elle rencontrait également le comptable, surtout au début, car n’ayant pas fait de comptabilité depuis plusieurs années, elle devait se remettre à niveau.

 

[10]         L’appelante fut embauchée le 23 juin 2008 en tant que commis à la facturation. En plus de la tenue de livres, elle sollicitait des contrats de porte en porte et elle faisait parfois du travail manuel.

 

[11]         Son mari et elle ont affirmé que son changement de statut a été causé par l’addition de nouvelles tâches.

 

[12]         Sa rémunération était fixée à 600 $ par semaine, soit 15 $ l’heure, et lui était versée hebdomadairement par chèque. C’est le mari de l’appelante qui décidait de la rémunération de cette dernière.

 

[13]         Elle consignait un temps de travail de 40 heures par semaine dans le journal des salaires. Bien que l’appelante faisait des heures supplémentaires, elle ne les consignait pas et n’était pas rémunérée pour ces heures supplémentaires.

 

[14]         L’appelante a témoigné qu’elle passait environ 20 heures par semaine, essentiellement le matin, à faire  le  travail de comptabilité. Vers la fin de la journée, elle faisait de la sollicitation de porte en porte pour deux ou trois heures. Finalement, à l’occasion elle faisait du travail manuel lié à la pose de scellant : nettoyage, réparation des fissures et application du scellant.

 

[15]         Elle a été congédiée le 3 octobre 2008 pour manque de travail.

 

[16]         Après sa mise à pied, l’appelante a continué à rendre des services au payeur, mais à une fréquence moindre; entre autres, l’appelante a témoigné qu’elle a continué à s’occuper des livres du payeur à raison d’environ deux à cinq heures par semaine.

 

[17]         Le mari de l’appelante, M. Gervais, a soutenu que celle-ci ne faisait que l’aider en avril et en mai. Par la suite, selon M. Gervais, à cause des mauvaises conditions climatiques, il a dû se remettre à faire du scellant. C’est à ce moment-là que sa femme a proposé de travailler pour la compagnie.

 

[18]         La réponse de M. Gervais était :

 

Accumule tes heures, puis à partir du mois de juin, si j’ai mes contrats, j’ai dit, je vais t’engager. Je vais avoir juste une employée, je vais avoir juste toi parce que les autres affaires, on va les faire ensemble[1].

 

[19]         M. Gervais a témoigné que l’appelante travaillait 70 heures par semaine et qu’il n’aurait pu embaucher une autre personne pour faire le même travail même s’il offrait un salaire de 1 000 $ par semaine[2].

 

[20]         Le chèque de paye du 9 octobre 2008 de l’appelante avait été déposé dans le compte de la compagnie et non dans le compte conjoint de l’appelante et de son mari où les autres chèques de paye de l’appelante avaient été déposés. Ce chèque du 9 octobre 2008 a été déposé dans le compte de la compagnie probablement parce que la compagnie avait besoin d’argent[3].

 

[21]         De mai à novembre 2008, il y a eu environ 250 inscriptions de paiements et de dépôts dans les livres de la compagnie. Le nombre d’inscriptions mensuelles a varié d’environ 45 à un peu plus de 80.

 

[22]         J’accepte que l’appelante a travaillé au-delà des 40 heures par semaine payées, mais je ne suis pas convaincu par le témoignage de M. Gervais qu’elle travaillait 70 heures toutes les semaines; par contre, je peux accepter qu’elle a travaillé 70 heures au cours de certaines semaines.

 

[23]         Toutefois, même si je conclus que l’appelante a probablement passé un peu plus de temps à faire la comptabilité au début quand elle devait consulter le comptable plus souvent et se remettre à niveau en comptabilité et, qu’en conséquence, la moyenne de 20 heures par semaine jusqu’au 3 octobre 2008 correspondait à un peu plus de 20 heures vers le début de la période et à un peu moins de 20 heures vers la fin, je ne peux accepter qu’en octobre et en novembre le travail de comptabilité ne représenterait que deux à cinq heures par semaine, car le nombre d'inscriptions à faire en octobre et en novembre était quand même supérieur à la moitié du nombre d’inscriptions qui ont été faites dans les deux mois où les inscriptions étaient les plus nombreuses, soit en août et en septembre. Il n’y a rien qui me permettrait de conclure qu’en octobre et en novembre les inscriptions pouvaient se faire beaucoup plus vite qu’avant cela.

 

[24]         J’accepte également que M. Gervais n’aurait pu, même en payant plus, trouver un autre employé pour faire le même travail que l’appelante vu la disponibilité et la flexibilité de l’appelante.

 

[25]         Y aurait-il eu un contrat à peu près semblable avec un autre employé non lié au payeur?

 

[26]         Je regrette, mais je suis obligé de conclure qu’un contrat à peu près semblable n’aurait pas eu lieu en l’absence du lien. J’arrive à cette conclusion, entre autres, à cause des éléments suivants :

 

a)    Au cours de la période d’emploi rémunéré, il y a eu un nombre significatif d’heures de travail non rémunéré.

b)    M. Gervais a reconnu qu’il n’aurait pu embaucher une autre personne pour faire le même travail que l’appelante au salaire qui lui était versé. (C’est le facteur auquel j’attache la plus grande importance.)

c)    À une reprise, quand la compagnie a manqué de fonds, l’appelante a déposé son chèque de paye dans le compte de la compagnie. (Ceci est un facteur mineur.)

d)    Il y a eu du travail bénévole significatif avant et après la période d’emploi.

 

Globalement, ces éléments sont incompatibles avec un contrat qui aurait été fait avec une personne non liée.

 

[27]         En conséquence, la conclusion du ministre est raisonnable et l’appel sera rejeté.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 27e jour de septembre 2011.

 

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 454

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2009-982(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              JEANNINE CROISETIÈRE c. M.R.N. et GMO ASPHALTES INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Trois-Rivières (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 8 février 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge Gaston Jorré

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 27 septembre 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

 

Avocat de l’intimé :

Me Alain Gareau

 

 

Représentant de l’intervenante :

Gabriel Gervais

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)

 



[1]  Transcription, pages 50 et 51. Comme je l’ai indiqué au paragraphe 6, il y avait deux employées à part M. Gervais, soit l’appelante et Nathalie Gervais qui, elle, a commencé et a terminé son emploi trois semaines après l’appelante. L’appelante et N. Gervais ont travaillé chacune 600 heures en 2008 pour le payeur (pièce I-2, première et troisième pages).

[2]  Ibid., page 56 : « Je l’ai payée à la semaine quarante (40) heures par semaine. Ils ont divisé pour un salaire 15 $ de l’heure. Mais je vais vous dire une affaire, je n’aurais jamais quelqu’un comme ça pour 1 000 $ par semaine, parce qu’elle faisait soixante-dix (70) heures par semaine. »

[3] Ibid., questions 167 à 173.

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