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Dossier : 2009-782(IT)G

ENTRE :

LARBI ZOUAIMIA,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appels entendus le 23 novembre 2010, à Ottawa (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge Réal Favreau

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

 

l'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Antoine Lamarre

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, datées du 30 octobre 2007 concernant les années d'imposition 2003, 2004 et 2005 sont rejetés avec dépens selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de septembre 2011.

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


 

 

 

Référence : 2011 CCI 436

Date : 20110929

Dossier : 2009-782(IT)G

ENTRE :

LARBI ZOUAIMIA,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Favreau

 

[1]              Il s'agit d'appels à l'encontre de nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), telle que modifiée (la « Loi »), datées du 30 octobre 2007 concernant les années d'imposition 2003, 2004 et 2005. L'année 2003 a été cotisée à l'extérieur de la période normale de cotisation.

 

[2]              Le dossier de l'appelant fait partie du projet de vérification concernant les chauffeurs de taxi opérant dans la ville de Montréal.

 

[3]              La méthode de vérification utilisée a été la méthode des prévisions, laquelle est basée sur le nombre de kilomètres parcourus par l'appelant avec son véhicule taxi. La méthode de vérification est appuyée par une étude de la Commission des transports du Québec, de données provenant du Bureau de taxi de Montréal, de rapports de vérification mécanique de la Société de l'assurance automobile du Québec (la « SAAQ ») ainsi que par des données fournies par l'appelant.

 

[4]              La méthode de vérification basée sur les prévisions a été retenue par l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») en raison de la faiblesse des revenus d'entreprise nets déclarés par l'appelant, du faible contrôle qu'exerçait l'appelant sur sa comptabilité et du fait que la majorité de ses opérations étaient effectuées en argent comptant.

 

[5]              Pour chacune des années en litige, l'appelant a déclaré les revenus suivants :

 

 

Revenus d'entreprise

bruts

$

Revenus d'entreprise

nets

$

Revenus d'emploi

$

2003

25 248,00   

4 800

2004

15 958,78   

4 425

12 000

2005

14,623,59   

1 296

15 000

 

[6]              Par les nouvelles cotisations datées du 30 octobre 2007, les changements suivants furent apportés aux revenus d'entreprise de l'appelant :

 

 

2003

$

2004

$

2005

$

Revenus d'entreprise additionnels

11 928

32 542

33 877

Dépenses refusées

2 800

2 535

2 878

Revenus d'entreprise nets révisés

19 528

39 502

38 051

 

 

 

 

 

Le paragraphe [7] continue à la prochaine page.

 

[7]              Le ministre du Revenu national (le « ministre ») s'est basé sur les données suivantes pour établir les revenus d'entreprise additionnels de l'appelant :

 

 

 

2003

2004

2005

Kms total

62 013 kms

74 416 kms

74 416 kms

Pourcentage de kms personnels

30 %

30 %

30 %

Kms affaires

43 409 kms

52 091 kms

52 091 kms

Pourcentage sans clients

50 %

50 %

50 %

Kms parcourus avec clients

21 705 kms

26 046 kms

26 046 kms

Taux moyen par km

1,20 $

1,30 $

1,30 $

Distance moyenne par course

7 kms

7 kms

7 kms

Nombre de courses dans l’année

3 101

3 721

3 721

Coût de départ

2,50 $

2,75 $

2,75 $

Revenus de base par déplacement

7 751,63 $

10 232,20 $

10 232,20 $

Revenus totaux de taxi

33 797,09$

44 091,48 $

44 091,48 $

Pourboires (10 %)

3 379,71$

4 409 $

4 409 $

Total des revenus bruts

37 176,79 $

48 500 $

48 500 $

Revenus bruts déclarés par l’appelant

25 248 $

15 958,78 $

14 623,59 $

Revenus d'entreprise additionnels

11 928 $

32 542 $

33 877 $

 

 

[8]              Le ministre a également refusé la déduction d’une partie des dépenses réclamées par l’appelant parce que son taux d’utilisation du véhicule à des fins personnelles était de 30 % plutôt que de 100 %, tel que déclaré dans ses déclarations de revenus. Il s'agit essentiellement de dépenses de carburant qui ne sont pas contestées.

 

[9]              Le ministre a de plus appliqué la pénalité pour faute lourde prévue au paragraphe 163(2) de la Loi sur les montants ajoutés aux revenus pour chacune des années en litige, soit :

 

2003 : 100 $

2004 : 6 177,95 $

2005 : 6 550,63 $

 

[10]         En établissant la cotisation en litige, le ministre a tenu pour acquis les faits suivants, décrits au paragraphe 12 de la Réponse à l'avis d'appel :

 

a)      l'appelant réside sur la rue Rodrigue-Bourdages à Laval; [admis]

b)      le 22 novembre 2002, l'appelant a acquis un permis de taxi et un véhicule Buick Regal 1995 au montant de 156 000 $; [admis mais la date d'acquisition est le 24 janvier 2003]

c)      l'appelant exploite une entreprise de taxi depuis le 24 janvier 2003; [admis]

d)      le permis de taxi détenu par l'appelant lui permet de travailler à la grandeur de l'île de Montréal, à l'exclusion de l'Aéroport International de Montréal; [nié]

e)      le point de repère de l'appelant est situé à l'intersection de la rue Saint-Paul et Saint‑Laurent dans le Vieux-Montréal; [admis]

f)       le 18 novembre 2003, l'appelant a acquis, en remplacement du véhicule Buick, un véhicule Chrysler Intreprid ES 2000 pour l'exploitation de son entreprise; [admis]

g)      l'appelant travaille entre 20 et 25 heures par semaine, à raison de six jours par semaine; [admis]

h)      l'appelant est affilié à la compagnie Taxi Champlain et reçoit des appels de service de cette dernière; [admis]

i)       l'appelant a parcouru 61 805 km, 74 416 km et 74 416 km durant chacune des années en litige avec son véhicule taxi; [nié]

j)       l'utilisation personnelle effectuée par l'appelant de son véhicule taxi représente 30 % des kilomètres totaux parcourus par année; [admis]

k)      l'appelant ne louait pas son véhicule taxi à des tiers; [admis]

l)       le taux chargé à ses clients par kilomètre parcouru était de 1,20 $ en 2003 et de 1,30  $ en 2004 et 2005;

m)     le taux de base fixe par course chargé à ses clients était de 2,50 $ en 2003 et de 2,75  $ en 2004 et 2005; [admis pour le taux de 2003 mais ignoré pour le taux de 2004 et 2005]

n)      la distance moyenne parcourue par course était de 7 km; [admis]

o)      le pourcentage de pourboires reçus par l'appelant par course représentait 10% de ses revenus bruts; [nié]

p)      les revenus d'entreprise bruts moyens générés par l'exploitation d'un permis de taxi s'élèvent à environ 60 000 $ durant les années en litige. [nié]

 

[11]         Le paragraphe d) ci-dessus a été nié parce que le permis T-11 permet d'exploiter une entreprise de taxi seulement dans le centre-ville de Montréal et à Montréal-Nord.

 

[12]         Le paragraphe i) ci-dessus a été nié parce que l'appelant n'est pas d'accord avec la méthode utilisée par la vérificatrice de l'ARC pour déterminer le kilométrage parcouru par l'appelant avec sa voiture taxi.

 

[13]         Le taux de base fixe de 2,75 $ par course chargé au client en 2004 et 2005 énoncé au pagraphe m) ci-dessus a été ignoré par l'appelant à l'audience alors qu'il l'avait accepté dans sa réponse à la demande d'aveux (voir les faits numéros 30 et 34).

 

[14]         Le paragraphe o) ci-dessus a été nié par l'appelant parce que, selon lui, 50% des clients versaient $1 de pourboire par course.

 

[15]         Le paragraphe p) ci-dessus a été nié par l'appelant parce que la cotisation ne repose pas sur une analyse des revenus des chauffeurs de taxi.

 

[16]         L'appelant est en désaccord complet avec la méthode de vérification adoptée par la vérificatrice et avec la façon dont le kilométrage de sa voiture taxi a été déterminé.

 

[17]         Selon le rapport de vérification, une analyse des dépôts et retraits bancaires a été effectuée de même qu'une esquisse d'avoir net qui a démontré des écarts pour chacune des années en litige. Les informations fournies par l'appelant concernant les dépenses personnelles pour une famille de six personnes, incluant sa conjointe qui n'a pas d'emploi et ses quatre enfants dont une fille souffrant d'autisme, sont insuffisantes pour couvrir les frais reliés au coût de la vie. L'analyse des retraits a démontré que l'appelant avait retiré de ses comptes bancaires les montants suivants :

 

2003 : 32 158 $

2004 : 54 970 $ (retraits personnels 43 437 $)

2005 : 67 837 $ (retraits personnels 54 510 $)

 

[18]         La vérification a également démontré que l'appelant a remboursé en 2004 un montant de 23 672 (capital et intérêts) sur l'emprunt contracté pour faire l'acquisition du permis de taxi et, en 2005, un montant de 19 092 $ (capital et intérêt) sur l'emprunt contracté pour le permis de taxi et pour l'hypothèque de la résidence acquise en 2005.

 

[19]         Comme le nombre de kilomètres totaux parcourus représente l'élément clé de la méthode des prévisions, il y a lieu de rapporter la façon dont le kilométrage a été déterminé par la vérificatrice. Pour les années 2004 et 2005, elle a pris la différence entre l'odomètre apparaissant au certificat de vérification mécanique de la SAAQ du 29 novembre 2005, soit 224 996 kms, et l'odomètre à l'achat de la voiture Chryslter Intrepid ES 2000, le 18 novembre 2003, soit 76 163 kms; la différence étant de 148 833 kms sur deux ans, soit 74 416 kms par année. Pour l'année 2003, des estimations ont dû être effectuées vu l'absence d'informations complètes concernant l'utilisation de la Buick Régal qui a cessé d'être utilisée en novembre 2003. La vérificatrice a donc pris les 10/12 de l'estimation basée sur le kilométrage des années 2004 et 2005 en y apportant des ajustements afin d'exclure les mois de janvier et de décembre de l'année 2003, vu que l'appelant a débuté l'exploitation de son entreprise le 24 janvier 2003 et que le mois de décembre était déjà inclus dans le calcul du kilométrage pour les années 2004 et 2005, et aucun kilométrage n'a été pris en compte pour le mois de décembre de l'année 2005. Le résultat de ce calcul a donné 61 805 kms (soit 74 166 kms x 10/12).

 

[20]         Le kilométrage estimé pour l'année 2003 a été corroboré par les informations suivantes :

 

a)  dans sa déclaration de revenu pour l'année 2003, l'appelant a déclaré un revenu d'entreprise brut supérieur à ceux des années 2004 et 2005 et il a réclamé à titre de déduction une dépense de carburant de 6 640 $, ce qui représente approximativement 72 524 kms, selon le calcul suivant :

 

montant d'essence réclamé :            640,33 $

   ÷

prix moyen du litre d'essence :        0,7630 ¢

   =

litres d'essence consommés :                    8 702,92

   ÷

consommation (litre/kilomètre) :      0,12

   =

kilomètres parcourus :                    72 524,36

 

b)  selon le rapport de vérification mécanique de la SAAQ du 5 mai 2003, l'odomètre de la Buick Régal indiquait 233 637 kms; selon une facture de Canadian Tire en date du 30 juillet 2003, l'odomètre de la Buick Régal indiquait 254 678 kms; donc, sur une période de trois mois, le véhicule a parcouru 21 041 kms, soit 84 164 kms par année.

 

Analyse

 

[21]         Dans la décision Borno c. Sa Majesté la Reine, 2011 CCI 119, laquelle n'était pas rendue lors de l'audition de la présente cause, j'ai eu à traiter des mêmes questions qui sont soulevées dans le présent litige, à savoir les méthodes de vérification, les cotisations arbitraires, les cotisations hors de la période normale de nouvelle cotisation, les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi et le fardeau de la preuve. Je me permets donc de reproduire ici les commentaires formulés aux paragraphes 14 à 23 de cette décision :

 

Cotisations arbitraires et cotisations hors de la période normale de nouvelle cotisation

 

[14] Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Hsu c. Canada, 2001 CAF 240, paragraphe 22, le ministre peut établir des cotisations arbitraires en employant toute méthode appropriée dans les circonstances:

 

Le paragraphe 152(7) de la Loi permet d’établir des cotisations « arbitraires » en employant toute méthode appropriée eu égard aux circonstances. […]

 

Le paragraphe 152(8) énonce une présomption de bien‑fondé de ces cotisations et impose initialement au contribuable la charge de réfuter les faits présumés par le ministre […]. Même si pareille cotisation est « arbitraire », le ministre est tenu de divulguer le fondement précis sur lequel cette cotisation repose […]. Autrement, le contribuable ne serait pas en mesure de s’acquitter de l’obligation initiale qui lui incombe de démolir les « présomption exactes qu’a utilisées le ministre, mais rien de plus » […]

 

[15] L'expression « période normale de nouvelle cotisation » est définie de la façon suivante au paragraphe 152(3.1) de la Loi :

 

152(3.1) Période normale de nouvelle cotisation Pour l’application des paragraphes (4), (4.01), (4.2), (4.3), (5) et (9), la période normale de nouvelle cotisation applicable à un contribuable pour une année d’imposition s’étend sur les périodes suivantes :

 

a) quatre ans suivant soit le jour de mise à la poste d’un avis de première cotisation en vertu de la présente partie le concernant pour l’année, soit, s’il est antérieur, le jour de mise à la poste d’une première notification portant qu’aucun impôt n’est payable par lui pour l’année, si, à la fin de l’année, le contribuable est une fiducie de fonds commun de placement ou une société autre qu’une société privée sous contrôle canadien;

            b) trois ans suivant le premier en date de ces jours, dans les autres cas.

 

[16] Le sous‑alinéa 152(4)a)(i) de la Loi précise de la façon suivante les circonstances qui permettent au ministre d’établir les nouvelles cotisations en dehors de la période normale de nouvelle cotisation :

 

152(4) Cotisation et nouvelle cotisation [délai de prescription] — Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu’aucun impôt n’est payable pour l’année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d’imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

 

a)   le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

 

(i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

 

[17] Concernant le fardeau de preuve du ministre pour établir de nouvelles cotisations en dehors de la période normale de nouvelle cotisation, le juge Strayer a déclaré ce qui suit au deuxième paragraphe de ses conclusions dans l’arrêt Venne c. Canada, [1984] A.C.F. no 314 (C.F. 1re inst.) :

 

Je suis convaincu qu'il suffit au Ministre, pour invoquer son pouvoir en vertu de l'alinéa 152(4)a)(i) de la Loi, de démontrer la négligence du contribuable, à l'égard d'un ou plusieurs éléments de sa déclaration de revenus au titre d'une année donnée. Cette négligence est établie s'il est démontré que le contribuable n'a pas fait preuve de diligence raisonnable. C'est sûrement là le sens des termes "présentation erronée des faits, par négligence", en particulier avec d'autres motifs comme l'inattention ou l'omission volontaire qui font référence à un degré de négligence plus élevé ou à une mauvaise conduite délibérée. […]

 

[18] Le juge Pelletier de la Cour d’appel fédérale a formulé le commentaire suivant dans l’arrêt Lacroix c. Canada, 2008 CAF 241, au paragraphe 32 :

 

[...] Dans la mesure où la Cour canadienne de l'impôt est persuadée que le contribuable touche un revenu qu'il n'a pas déclaré et que l'explication offerte par le contribuable pour l'écart constaté entre son revenu déclaré et l'accroissement de son actif est non crédible, le ministre s'est acquitté du fardeau de preuve qui lui incombe aux termes du sous-alinéa 152(4)(a)(i) et du paragraphe 162(3) [sic].

 

[19] Le juge Pelletier a de plus appuyé sa pensée en référant aux propos suivants du juge Létourneau de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Molenaar c. Canada, 2004 CAF 349, au paragraphe 4 :

 

À partir du moment où le ministère établit selon des données fiables un écart, substantiel dans le cas présent, entre les actifs d'un contribuable et ses dépenses et où cet écart demeure inexpliqué et inexplicable, le ministère a assumé son fardeau de preuve. Il appartient alors au contribuable d'identifier la source et d'établir la nature non imposable de ses revenus.

 

Pénalités

 

[20] Le paragraphe 163(2) de la Loi permet au ministre d’imposer au contribuable qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à une faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration de revenus. Le paragraphe 163(2) de la Loi se lit comme suit :

 

163(2) Faux énoncés ou omissions Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition pour l'application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total des montants suivants : […]

 

[21] Par contre, le paragraphe 163(3) de la Loi impose au ministre le fardeau de prouver les circonstances justifiant l’imposition d’une pénalité pour faute lourde. Le paragraphe 163(3) se lit comme suit :

 

(3) Charge de la preuve relativement aux pénalités Dans tout appel interjeté, en vertu de la présente loi, au sujet d'une pénalité imposée par le ministre en vertu du présent article ou de l'article 163.2, le ministre a la charge d'établir les faits qui justifient l'imposition de la pénalité.

 

[22] Dans l’arrêt Venne, précité, le juge Strayer a précisé ce que l’on doit entendre par l’expression « faute lourde » :

 

[…] La faute « lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu’un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la Loi. […]

 

[23] Dans l’arrêt Lacroix, précité, la Cour d’appel fédérale a conclu que le contribuable a produit une fausse déclaration de revenus, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, parce qu’il n’a pas été en mesure de fournir une explication crédible quant à la source de revenus qu’il n’a pas déclarée :

 

29. […] En l’instance, le ministre constate un revenu non déclaré qu’il demande au contribuable de justifier. Celui-ci fournit une explication que ni le ministre ni la Cour canadienne de l’impôt ne jugent crédible. Il n’y a donc pas d’hypothèse viable et raisonnable qui pourrait porter le décideur à accorder le bénéfice du doute au contribuable. La seule hypothèse offerte est jugée non crédible.

 

30. Les faits en preuve, dans un tel cas, sont que la déclaration de revenu du contribuable fait une présentation erronée des faits et que la seule explication offerte par le contribuable est jugée non crédible. Évidemment, il doit y avoir une autre explication pour ce revenu. Il faut donc conclure que le contribuable a une source de revenu qu’il n’a pas déclarée, qu’il est au courant de cette source et qu’il refuse de la divulguer puisque les explications qu’il a offertes n’ont pas été jugées crédibles. En de telles circonstances, la conclusion que la fausse déclaration de revenu a été produite sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde me semble inéluctable. Cela justifie non seulement l’imposition d’une pénalité mais aussi l’établissement de la nouvelle cotisation hors de la période statutaire.

 

Conclusion

 

[22]         Tout comme dans la décision Borno, précitée, les faits mis en preuve révèlent que les déclarations de revenu de l’appelant pour chacune des années d’imposition 2003, 2004 et 2005 ont fait une présentation erronée des faits et que les explications offertes par l’appelant sont jugées non crédibles et non corroborées. Dans de telles circonstances, la conclusion inéluctable est que les fausses déclarations de revenu ont été produites sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde. Cela justifie non seulement l’imposition d’une pénalité mais aussi l’établissement de la nouvelle cotisation hors de la période normale de nouvelle cotisation à l’égard de l’année d’imposition 2003.

 

[23]         Le ministre s’est acquitté de son fardeau de la preuve. Il a démontré des écarts importants entre les revenus d’entreprise bruts déclarés par l’appelant et les revenus d’entreprise bruts calculés selon la méthode des prévisions. Les revenus d'entreprise additionnels représentent 30% du revenu d'entreprise total de l'appelant en 2003 et près de 70% du revenu d'entreprise total de l'appelant pour 2004 et 2005.

 

[24]         L'esquisse de l’avoir net préparée par la vérificatrice a démontré que les revenus totaux gagnés par l’appelant et par sa conjointe étaient nettement insuffisants pour couvrir les frais reliés au coût de la vie d’une famille composée de six personnes. L’appelant n’a pas offert d’explications crédibles pour justifier l’écart entre le coût de la vie de sa famille et les faibles revenus nets déclarés. À ce niveau de revenus nets déclarés, il est difficile de justifier le coût d'acquisition du permis de taxi de 156 000 $ au 24 janvier 2003.

 

[25]         Les données utilisées par le ministre pour établir le kilométrage annuel parcouru par l'appelant proviennent directement de la lecture de l'odomètre du véhicule taxi pour les années 2004 et 2005 et d'une estimation pour l'année 2003 (voir les explications fournies à ce sujet au paragraphe 19 ci-dessus). Les autres données retenues par le ministre proviennent de la réglementation applicable à l’industrie du taxi ou de statistiques établies par la Commission des transports du Québec suite à une enquête publique ayant pour but de fixer les tarifs applicables à l’île de Montréal et ailleurs au Québec. Lesdites statistiques furent acceptées par les diverses associations qui ont pris part aux débats publics au nom des chauffeurs de taxi de l’île de Montréal (voir à ce sujet les commentaires formulés par le juge Hogan dans l’arrêt Maurice Mompérousse c. La Reine, 2010 CCI 172, au paragraphe 15).

 

[26]         L’appelant ne reconnaît pas la validité de la méthode de calcul du ministre et des hypothèses utilisées mais il n’offre en contrepartie aucune méthode de remplacement fiable. L’appelant ne tenait pas de livres et de registres comptables adéquats lui permettant de préciser le nombre de courses rémunérées qu’il a effectué et les revenus en découlant. L’appelant n’a pas rencontré le fardeau de la preuve requis.

 

[27]         L’imposition des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005 est justifiée compte tenu de l’importance des revenus non déclarés, soit 30 % du revenu d’entreprise total pour l’année d’imposition 2003, et près de 70 % du revenu d'entreprise total pour chacune des années d’imposition 2004 et 2005, et compte tenu du fait que l’appelant ne tenait aucun registre comptable et procédait par « approximation » de ses revenus et dépenses lors de la production de ses déclarations de revenu.

 

[28]         Pour ces motifs, les appels des nouvelles cotisations sont rejetés avec dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de septembre 2011.

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 436

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2009-782(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Larbi Zouaimia c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 23 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Réal Favreau

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 29 septembre 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

 

l'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Antoine Lamarre

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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