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Dossier : 2010-258(IT)G

 

ENTRE :

BRIAN D. SUMNER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appel entendu le 30 juin 2011, à Winnipeg (Manitoba)

 

Devant : L'honorable juge Valerie Miller

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Sandra M. Hoeppner

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années 2004, 2005 et 2006 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

          Les dépens sont adjugés à l'intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour d'octobre 2011.

 

 

« V. A. Miller »

Le juge V. A. Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de décembre 2011.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 484

Date : 20111017

Dossier : 2010-258(IT)G

 

ENTRE :

BRIAN D. SUMNER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge V. A. Miller

 

[1]              L'appelant a fait appel des nouvelles cotisations établies pour les années d'imposition 2004, 2005 et 2006 dans lesquelles le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé les pertes de 26 425 $, de 29 232 $ et de 32 150 $ déduites par l'appelant. La question en litige dans le présent appel est de savoir si l'appelant avait une source de revenu comprenant ses activités d'excavation, de soudage et d'usinage.

 

[2]              Selon la position de l'appelant, il exploitait une entreprise qui offrait des services d'excavation, de soudage et d'usinage à sa résidence située à Victoria Beach, au Manitoba (la « résidence de Victoria Beach »).

 

[3]              Dans sa déclaration de revenus personnelle, il a déclaré des dépenses, des revenus et des pertes relatifs à des activités d'excavation, de soudage et d'usinage de la façon suivante :

 

Année

Dépenses

Revenu

Perte

2001

23 573 $

néant

23 573 $

2002

35 205 $

520 $

34 685 $

2003

30 105 $

950 $

29 155 $

2004

26 857 $

432 $

26 425 $

2005

29 648 $

416 $

29 232 $

2006

32 710 $

560 $

32 150 $

Total

178 098 $

2 878 $

175 220 $

 

Les faits

 

[4]              Au cours de la période visée, l'appelant travaillait à plein temps comme économiste principal pour Manitoba Hydro à Winnipeg. Il a déclaré qu'il travaillait 38 heures par semaine et qu'il avait congé un lundi sur deux. Il demeurait à Winnipeg durant la semaine.

 

[5]              En 1991, l'appelant a acheté la résidence de Victoria Beach, qui consistait en une maison avec garage double située sur un terrain d'un acre et demi. L'appelant a passé ses fins de semaine et la plupart de ses vacances à la résidence de Victoria Beach.

 

[6]              Du témoignage de l'appelant, je retiens que la région de Victoria Beach était surtout un lieu de villégiature estivale. L'appelant a déclaré qu'environ 250 personnes résidaient dans la région de façon permanente, mais que pendant l'été ce nombre pouvait aller jusqu'à 5 000 durant les fins de semaine.

 

[7]              Selon son témoignage, l'appelant dit s'être rendu compte, vers 2000 ou 2001, de l'existence d'un marché à Victoria Beach pour des services tels le défrichage, l'enlèvement de roches et l'excavation de sous‑sols et de réservoirs. En 2001, afin d'offrir ces services, il a enregistré la raison sociale 4477228 Manitoba. L'appelant a par la suite appelé son entreprise Sumner Mechanical, et j'utiliserai également ce nom pour faire état de ses activités.

 

[8]              L'appelant a déclaré que, pour avoir le matériel nécessaire à son entreprise, il croyait avoir besoin de trois machines et d'un atelier d'entretien. De 2001 à 2006, il a agrandi le garage double de la résidence de Victoria Beach pour en faire son atelier d'entretien et il a acheté une rétrocaveuse, un tracteur et une chargeuse comme il est décrit ci‑après :

 

-                     En 2001, il a acquis une rétrocaveuse d'occasion Case 580K de l'an 1989 au prix de 19 000 $. Celle-ci a requis de nombreuses réparations et l'achat de pièces qui ont entraîné, selon l'estimation de l'appelant, des coûts additionnels de 10 000 $. La rétrocaveuse n'était en état de fonctionner qu'au début 2003. En 2005, elle a eu d'importants problèmes mécaniques et, en 2006, l'appelant a acquis une rétrocaveuse Case plus récente au prix de 31 503 $.

 

-                     En 2003, il a acquis un tracteur routier d'occasion International de l'an 1993 (le « camion ») au prix de 13 000 $, qu'il a converti en un camion de gravier. L'appelant a construit une trémie à gravier et l'a fixée au camion. Le camion n'a été en état de fonctionner qu'en 2005.

 

-                     En 2004, il a acquis une chargeuse d'occasion de l'an 1993 au prix de 13 000 $.

 

[9]              En 2001, l'appelant a offert uniquement des services de soudage. Il ne s'attendait pas à retirer un profit de cette activité; toutefois, il avait espéré qu'elle puisse le faire connaître dans la région. Je souligne qu'il n'a déclaré aucun revenu en 2001.

 

[10]         De 2002 à 2006, l'appelant a placé des annonces publicitaires pour Sumner Mechanical dans diverses publications locales de Victoria Beach. Il a aussi fait paraître son entreprise dans les pages jaunes de l'Est du Manitoba.

 

[11]         L'appelant a témoigné qu'il savait que quelques années seraient nécessaires pour assurer la rentabilité de Sumner Mechanical, mais il avait espéré assurer la croissance de ses activités de sorte que lorsqu'il quitterait Manitoba Hydro pour partir à la retraite, il aurait une entreprise. Cependant, il a subi une opération à l'oeil en 2007 et a cessé, depuis, d'exploiter Sumner Mechanical.

 

La loi

 

[12]         Les pertes déclarées par l'appelant sont déductibles seulement si l'appelant avait une source de revenu. La Cour suprême du Canada, dans Stewart c. Canada, 2002 CSC 46, [2002] 2 R.C.S. 645, a recommandé une méthode à deux volets pour trancher la question de la source de revenu. Elle a déclaré :

 

50        [...] Comme nous l'avons vu, une activité commerciale qui ne constitue pas véritablement une entreprise peut néanmoins être une source de revenu constituée d'un bien. De même, il est clair que certaines démarches de contribuables ne sont ni des entreprises, ni des sources de revenu constituées d'un bien, mais sont uniquement des activités personnelles. On peut recourir à la méthode à deux volets suivante pour trancher la question de l'existence d'une source :

 

(i) L'activité du contribuable est‑elle exercée en vue de réaliser un profit, ou s'agit‑il d'une démarche personnelle?

 

(ii) S'il ne s'agit pas d'une démarche personnelle, la source du revenu est‑elle une entreprise ou un bien?

 

Le premier volet du critère vise la question générale de savoir s'il y a ou non une source de revenu; dans le deuxième volet, on qualifie la source d'entreprise ou de bien.

 

[13]         Le premier volet de l'enquête est celui de déterminer si l'activité en cause comporte un aspect personnel. Au paragraphe 60 de l'arrêt Stewart, la Cour suprême a déclaré :

 

60        En résumé, la question de savoir si le contribuable a ou non une source de revenu doit être tranchée en fonction de la commercialité de l'activité en cause. Lorsque l'activité ne comporte aucun aspect personnel et qu'elle est manifestement commerciale, il n'est pas nécessaire de pousser l'examen plus loin. Lorsque l'activité peut être qualifiée de personnelle, il faut alors déterminer si cette activité est ou non exercée d'une manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu. [...]

 

[14]         Dans le cas où l'activité comporte un aspect personnel, il reste encore à déterminer si elle est exercée d'une manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu. Le fait que le contribuable ait une intention subjective de réaliser des profits ne suffit pas pour déterminer si une source de revenu existe. Cette détermination se fait par la prise en compte d'une variété de facteurs objectifs dont certains figurent au paragraphe 55 de l'arrêt Stewart :

 

55        Les facteurs objectifs énumérés par le juge Dickson dans Moldowan, précité, p. 486, étaient (1) l'état des profits et pertes pour les années antérieures, (2) la formation du contribuable, (3) la voie sur laquelle il entend s'engager, et (4) la capacité de l'entreprise de réaliser un profit. Comme nous le concluons plus loin, il n'est pas nécessaire pour les besoins du présent pourvoi d'ajouter d'autres facteurs à cette liste; nous nous abstenons donc de le faire. Nous tenons cependant à réitérer la mise en garde du juge Dickson selon laquelle cette liste ne se veut pas exhaustive et les facteurs diffèrent selon la nature et l'importance de l'entreprise. Nous tenons également à souligner que, même si l'expectative raisonnable de profit constitue un facteur à prendre en considération à ce stade, elle n'est ni le seul facteur, ni un facteur déterminant. Il faut déterminer globalement si le contribuable exerce l'activité d'une manière commerciale. [...]

 

Analyse

 

[15]         En ce qui concerne le premier volet du critère, je conclus que l'activité de l'appelant comportait un aspect personnel. La rétrocaveuse et les autres machines ont été surtout utilisées pour des travaux de déblaiement, de défrichage ou de déneigement à la résidence de l'appelant à Victoria Beach. Le seul contrat obtenu par Sumner Mechanical où la rétrocaveuse a été utilisée était en 2004. L'entreprise n'a pas autrement utilisé la machinerie lourde dans ses activités commerciales.

 

[16]         Je conclus également que l'appelant n'a pas exploité Sumner Mechanical d'une manière commerciale.

 

[17]         L'appelant a acquis ses connaissances, son expérience et ses habiletés relativement à la machinerie lourde lorsqu'il a travaillé dans l'industrie de la construction avant son entrée à l'université. Toutefois, il n'a pas acquis d'expérience ni reçu de formation quant à l'exploitation d'une entreprise d'excavation ou d'une entreprise mécanique.

 

[18]         Selon le témoignage de l'appelant, deux entreprises offraient les mêmes services que lui dans la région de Victoria Beach. L'appelant a présenté des images d'une partie de l'équipement que ces entreprises possédaient afin de démontrer qu'il avait acheté le même type d'équipement. Du témoignage de l'appelant, je conclus que le seul point commun entre ses activités et celles des autres entreprises d'excavation de la région était l'équipement. Les autres entreprises étaient exploitées à plein temps, tandis que Sumner Mechanical ne pouvait offrir ses services que lorsque l'appelant se trouvait à sa résidence de Victoria Beach pendant les fins de semaine ou lors de ses vacances.

 

[19]         Même si l'appelant a annoncé ses services dans les journaux saisonniers, il n'a rien fait d'autre pour promouvoir Sumner Mechanical comme entreprise. Il a déclaré que son principal problème était qu'il n'était pas connu dans la région. Pourtant, il n'a pas apporté de preuve démontrant qu'il avait cherché des moyens de se faire connaître.

 

[20]         Selon le témoignage de l'appelant, en période estivale, lorsqu'il n'était pas au travail à Winnipeg, il passait quatre ou cinq jours par semaine à Victoria Beach. Au cours de la saison hivernale, il allait à Victoria Beach une fin de semaine sur trois et chaque longue fin de semaine. Je déduis de son témoignage que Sumner Mechanical était exploitée seulement pendant l'été.

 

[21]         L'appelant n'a jamais préparé de plan d'affaires quant à la manière de rentabiliser ses démarches. Ses activités d'entreprise se résumaient à une exploitation saisonnière de fin de semaine et il n'y a pas de preuve que Sumner Mechanical, telle qu'elle était exploitée par l'appelant, pouvait devenir rentable. L'appelant n'a pas tenu compte des revenus exigés pour générer un profit. Selon son témoignage, il a trouvé plus important de consacrer du temps à construire son atelier d'entretien et à réparer la machinerie lourde que de préparer un plan d'affaires pour Sumner Mechanical.

 

[22]         L'appelant n'a pas exercé ses activités d'une manière commerciale. Il a assuré le camion pour la période du 23 août au 2 novembre 2004 pendant qu'il s'exerçait dans le but d'obtenir son permis de conduire de classe 3. En dehors de cette période, la machinerie lourde qu'il possédait n'était pas assurée. De plus, l'appelant n'avait pas le permis de conduire requis pour conduire sa rétrocaveuse sur la voie publique. Il a déclaré qu'au Manitoba, un permis de classe 5 était nécessaire pour conduire une rétrocaveuse sur la voie publique. Il ne détenait qu'un permis de conduire de classe 3.

 

[23]         L'appelant a déclaré des pertes importantes pour chacune des années en cause. La plupart de ces pertes consistaient en des déductions pour amortissement demandées par l'appelant. L'appelant a présenté seulement trois factures pour des travaux réalisés par Sumner Mechanical. Il ressort des factures que l'appelant a exécuté un travail en 2003 ainsi que deux autres en 2004. Les réponses de l'appelant étaient vagues et n'engageaient à rien lorsqu'on lui a demandé à quel nombre s'élevaient les travaux exécutés en 2005 et en 2006. Cependant, le livre de bord de sa voiture a révélé que ce nombre était nul en 2005 et qu'il ne s'élevait qu'à un en 2006.

 

[24]         Compte tenu de l'ensemble de la preuve, je conclus qu'en 2004, en 2005 et en 2006 l'appelant n'avait pas de source de revenu comprenant ses activités d'excavation, de soudage et d'usinage. L'appel est rejeté et les dépens sont adjugés à l'intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour d'octobre 2011.

 

 

« V. A. Miller »

Le juge V. A. Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de décembre 2011.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 484

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2010-258(IT)G

 

INTITULÉ :                                       BRIAN D. SUMNER c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 30 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L'honorable juge Valerie Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 17 octobre 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Sandra M. Hoeppner

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelant :

 

                   Nom :

 

                   Cabinet :

 

          Pour l'intimée :       Myles J. Kirvan

                                       Sous-procureur général du Canada

                                       Ottawa, Canada

 

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