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Dossier : 2017-928(IT)I

ENTRE :

MICHAEL FOX,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Michael Fox 2017-930(GST)I et Michael Fox 2017-932(IT)I

à Vancouver (Colombie-Britannique), le 13 septembre 2017.

Devant : L’honorable juge Russell


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Jamie Hansen

 

JUGEMENT

  L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie à l’égard de l’appelant à titre d’administrateur de Foxtrot Communications Ltd. (la société) le 22 mai 2015 en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) fédérale pour le non-versement de l’impôt fédéral et de l’impôt provincial sur le revenu des employés pour les années d’imposition 2009, 2010, 2011 et 2012 est rejeté, sans dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de février 2018.

« B. Russell »

Juge Russell


Dossier : 2017-930(GST)I

ENTRE :

MICHAEL FOX,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Michael Fox 2017-928(IT)I et Michael Fox 2017-932(IT)I

à Vancouver (Colombie-Britannique), le 13 septembre 2017.

Devant : L’honorable juge Russell

Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Jamie Hansen

 

JUGEMENT

  L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie à l’égard de l’appelant à titre d’administrateur de Foxtrot Communications Ltd. (la société) le 27 mai 2015 en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (LTA) fédérale, pour le non-versement de la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée (TPS/TVH) pour la période du 1er avril 2010 au 30 septembre 2012 est rejeté, sans dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de février 2018.

« B. Russell »

Juge Russell


Dossier : 2017-932(IT)I

ENTRE :

MICHAEL FOX,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Michael Fox 2017-928(IT)I et Michael Fox 2017-930(GST)I

à Vancouver (Colombie-Britannique), le 13 septembre 2017.

Devant : L’honorable juge Russell

Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Jamie Hansen

 

JUGEMENT

  L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie à l’égard de l’appelant à titre d’administrateur de Foxtrot Communications Ltd. (la société) le 22 mai 2015 en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) fédérale, du Régime de pensions du Canada (Canada) (RPC) et de la Loi sur l’assurance-emploi (Canada) (LAE) pour le non-versement des cotisations d’assurance-emploi et des cotisations au RPC pour les années d’imposition 2009, 2010, 2011 et 2012 est rejeté, sans dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de février 2018.

« B. Russell »

Juge Russell


Intitulé : 2018CCI43

Date : 20180228

Dossier : 2017-928(IT)I

2017-930(GST)I

2017-932(IT)I

ENTRE :

MICHAEL FOX,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Russell

Introduction :

[1]  Les motifs suivants s’appliquent aux trois appels régis par la procédure informelle aux présentes de l’appelant, Michael Fox, qui se représente lui-même, concernant les cotisations fondées sur la responsabilité de l’administrateur. Les appels ont été entendus sur preuve commune. Pour chaque appel, la question unique consiste à déterminer si la « défense de diligence raisonnable » est applicable.

[2]  Les cotisations portées en appel sont les suivantes :

a)  appel 2017-928(IT)I, à l’encontre d’une cotisation de l’appelant à titre d’administrateur de Foxtrot Communications Ltd. (la société), interjeté le 22 mai 2015 en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) fédérale pour le non-versement de l’impôt fédéral et de l’impôt provincial sur le revenu des employés pour les années d’imposition 2009, 2010, 2011 et 2012, totalisant un montant de 23 794 $, y compris les intérêts et pénalités, à compter de la période entre le 30 avril 2010 et le 24 avril 2013 inclusivement, et pour laquelle le ministre du Revenu national (le ministre) a établi huit cotisations non versées à la société. Les huit cotisations visaient les années d’imposition 2009 (une), 2010 (deux), 2011 (deux) et 2012 (trois);

b)  appel 2017-930(GST)I, à l’encontre d’une cotisation de l’appelant à titre d’administrateur de la société, interjeté le 27 mai 2015 en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (LTA) fédérale, pour le non-versement de la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée (TPS/TVH) pour la période du 1er avril 2010 au 30 septembre 2012, totalisant un montant de 40 047 $, y compris les intérêts et pénalités, à compter de la période entre le 20 octobre 2011 et le 8 juillet 2013 inclusivement, et pour laquelle le ministre a établi dix cotisations non versées à la société, et

c)  appel 2017-932(IT)I, à l’encontre d’une cotisation de l’appelant à titre d’administrateur de la société, interjeté le 22 mai 2015 en vertu de la LIR, du Régime de pensions du Canada (Canada) (RPC) et de la Loi sur l’assurance-emploi (Canada) (LAE) pour le non-versement des cotisations d’assurance-emploi et des cotisations au RPC pour les années d’imposition 2009, 2010, 2011 et 2012, totalisant 26 249 $, y compris les intérêts et pénalités, à compter de la période entre le 18 janvier 2010 et le 24 avril 2013 inclusivement, et pour laquelle le ministre a établi dix cotisations non versées à la société.

Hypothèses de fait du ministre :

[3]  Les trois réponses de l’intimée invoquent les hypothèses du ministre pour l’établissement des cotisations fondées sur la responsabilité de l’administrateur et faisant l’objet des trois appels. Les trois séries d’hypothèses sont identiques. En résumé, ces hypothèses reposent sur les faits suivants : la société a été incorporée le 2 juin 2000; son exercice se faisait selon l’année civile; l’appelant était l’unique administrateur et dirigeant de la société; au cours de la période pertinente, la société a payé un salaire à ses employés sans procéder aux retenues à la source requises à retenir et à remettre, et a également généré des revenus sans verser de TPS/TVH; la société a omis de verser ces diverses sommes; l’appelant n’a pas fait d’efforts raisonnables pour prévenir le défaut de la société de verser les sommes retenues; l’appelant a décidé que la société paierait ses fournisseurs et autres créanciers avant les déductions ou autres sommes à retenir et à remettre en vertu de la loi au cours de la période applicable; les sommes non versées sont décrites au paragraphe ci-dessus.

[4]  Les hypothèses invoquées par le ministre sont décrites aux présentes et présumées correctes par la jurisprudence à moins de preuve prima facie soumise par l’appelant contribuable permettant de les réfuter.

[5]  Dans chacun des trois avis d’appel, l’appelant a invoqué son droit juridique à une défense de diligence raisonnable concernant les cas de non-versement en question.

Preuve : 

[6]  L’appelant a témoigné en disant qu’il était travailleur indépendant et seul actionnaire et administrateur de la société, incorporée en 2000. La société œuvrait dans le secteur de l’édition. En septembre 2008, elle a acquis d’une autre maison d’édition les publications existantes intitulées Independent Times et The Prospector News (Prospector News). L’objectif de la publication Prospector News était, selon l’appelant, d’aider les jeunes sociétés minières à raconter leur histoire dans le but d’attirer des investisseurs. Deux semaines plus tard, à la mi-septembre, est survenu ce que l’on appelle le krach boursier de 2008. S’en est suivie assez rapidement une baisse de la valeur des actions des jeunes sociétés minières de l’ordre de 40 à 60 %, selon son témoignage. Il a affirmé que le revenu de la société provenant des ventes de Prospector News dépendait étroitement du rendement du marché dans le secteur des ressources. Le flux de trésorerie de la société provenant des frais d’abonnement de Prospector News en a ainsi souffert.

[7]  L’appelant ne s’opposait pas aux sommes non versées alléguées par l’intimée. Deux membres du personnel de la société ont été remerciés au début de 2009. L’appelant a témoigné en disant qu’il a payé les employés de sa poche, à l’aide de marges de crédit personnelles. Il est allé à sa banque pour faire augmenter sa marge de crédit, mais a essuyé un refus en plus du retrait complet de cette dernière. Puis, en juin/juillet 2009, son ordinateur a cessé de fonctionner. En 2010, l’ordinateur a apparemment encore cessé de fonctionner, et à la suite de ces défaillances, selon l’appelant, il n’avait aucun autre mécanisme pour tenir à jour les obligations de la société en matière de retenues à la source et de remises de TPS/TVH dues.

[8]  En septembre 2010, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a communiqué avec l’appelant concernant le non-versement des sommes dues. L’appelant a témoigné en disant qu’au cours de 2010, 2011 et 2012, il a tenté de satisfaire aux exigences de l’ARC tout en étant endetté et à la recherche de solutions de financement. Il a tenté sans succès d’emprunter 100 000 $ avec comme plan d’action de remettre les sommes dues à l’ARC, de rembourser ses marges de crédit et de tenter de se mettre à jour et d’y demeurer avec ses remises à l’ARC. Le marché de l’industrie minière a subi un long ralentissement jusqu’à la mi-2016. Les abonnés du Prospector News quittaient l’industrie minière. L’appelant a tenté sans succès de convaincre diverses connaissances d’investir dans la société.

[9]  Après septembre 2010, lors de ses communications avec l’ARC, un agent de recouvrement de l’ARC a fait référence à la responsabilité de l’administrateur auprès de l’appelant, le 30 août 2011 selon les comptes de l’ARC, intitulés les « T2020 ». L’appelant a tenté d’hypothéquer son condo de Vancouver, mais sa demande a été refusée en mai 2012. Il a affirmé qu’à la fin de 2012, il avait essayé toute tentative d’option de financement. En 2013, ses comptes bancaires ont été saisis. Durant la période de 2010 à 2012, il avait mis à pied de nombreux membres du personnel de la société, et avait mis un terme à la publication de la société portant sur le domaine du spectacle intitulée City Reels.

[10]  En contre-interrogatoire, l’appelant a témoigné en disant qu’alors qu’il tentait d’obtenir du financement, il devenait de plus en plus inquiet de la capacité de la société à poursuivre ses affaires. Il a affirmé qu’il faisait le strict minimum pour arriver à faire avancer la société. Il a témoigné en disant qu’il avait utilisé tous ses fonds personnels et moyens de crédit personnels pour payer les salaires des employés. Les revenus d’affaires avaient chuté de 65 % par rapport à 2007. Il n’a jamais remis sa démission à titre d’administrateur. Il a tenté de conclure une entente avec l’ARC.

[11]  L’agente de recouvrement Crystal Isaac a témoigné pour l’ARC. Elle était responsable du dossier de recouvrement de l’ARC de la société à la mi-2013. Elle était responsable de la mise en appel des cotisations. Une somme totale de 2 600 $ a été remboursée par l’appelant pour des cotisations de TPS/TVH non versées. Elle a affirmé dans son témoignage que le remboursement de l’ARC ne faisait pas partie des priorités de l’appelant. Elle est responsable de l’émission de brefs de saisie-exécution contre la société visant deux certificats déposés à la Cour fédérale en août 2014, au montant de 48 048 $ de dettes en vertu de la LIR plus intérêts, et de 40 259 $ de dettes en vertu de la LIR plus les pénalités et intérêts. Il y a eu une tentative de signification des brefs à l’adresse de la société au début de novembre 2014, mais il n’y a eu aucune réponse lorsque l’huissier s’est rendu à cette adresse. Les brefs ont été retournés à l’ARC avec la mention « incapable de repérer les biens à saisir ».

[12]  La pièce A-14 déposée par l’appelant, à savoir une note de service de l’ARC datée du 13 mai 2015 de la part de Mme Isaac à une autre personne de l’ARC, ayant pour but de demander l’autorisation d’évaluer la situation de l’appelant en matière de responsabilité de l’administrateur, énonce en partie concernant [traduction « l’activité de recouvrement » que [traduction« des ententes volontaires ont été sollicitées sans succès. » La note de service énonce également que la société [traduction« est inopérante et sans actif. »

[13]  La pièce A-4, déposée par l’appelant, est une copie du compte rendu du service de recouvrement de l’ARC en ce qui concerne les communications avec l’appelant en lien avec la société au cours de la période du 24 juin 2010 au 6 décembre 2012. Ce compte rendu indique que l’appelant a avisé un examinateur des fiducies de l’ARC en janvier 2011 qu’aucune remise n’avait été versée [traduction« à cause de graves problèmes d’encaisse », et que la société comptait un ou deux employés et que l’année 2010 avait été meilleure économiquement que 2009, et qu’il avait l’intention de rembourser sa dette en 2011. L’appelant a avisé l’ARC en novembre 2010 qu’il avait [traduction« des problèmes avec son ordinateur et n’était pas en mesure de payer les frais de réparation étant donné ses problèmes financiers ». Les déclarations de TPS de la société pour 2009 n’avaient pas encore été soumises. L’examen des fiducies de l’ARC était obligatoire puisque l’historique de la société affichait plus de trois mois de non-versement.

[14]  Le service de recouvrement de l’ARC a communiqué avec l’appelant en novembre 2011. Ce dernier a indiqué qu’un paiement pourrait être effectué dans les deux semaines, mais il n’était pas certain du montant. L’ARC a exigé des versements mensuels et, en mai 2011, l’appelant a indiqué que toutes les remises ainsi que les déclarations de TPS/TVH seraient soumises et payées avant le 30 juin. En juillet 2011, l’ARC a effectué un suivi auprès de l’appelant, lequel a indiqué [traduction« qu’il avait eu de graves problèmes informatiques en 2008/2009 qui causaient les retards. En plus, il était occupé et en manque de personnel et devait tout faire lui-même. » L’ARC a répondu à l’appelant indiquant que les problèmes informatiques de 2008-2009 n’avaient rien à voir avec les remises de 2011. On a également informé l’appelant que les remises non versées étaient exigibles avant le 25 juillet, et que les déclarations de TPS devaient être soumises dès que possible, précisant qu’une société doit soumettre une formule T2 peu importe si des taxes sont exigibles. Aucun paiement n’a été effectué. En septembre 2011, l’ARC a demandé à l’appelant de contracter un emprunt personnel sur valeur domiciliaire de 158 000 $, en plus de libérer une partie de son CRIF, et d’envisager d’affacturer les comptes débiteurs de la société. On remarque également un commentaire selon lequel une évaluation de responsabilité de l’administrateur serait envisagée si aucune option de financement présentée n’était acceptée. Provisoirement, un versement mensuel de 1 200 $ a été accepté, mais il n’est pas clair si cette entente a été respectée.

[15]  Ces notes du service de recouvrement poursuivent dans la même veine. En octobre 2012, l’appelant [traduction« avait l’espoir de trouver de nouveaux investisseurs pour renflouer l’encaisse de la société. »

[16]  L’enregistrement de la société datant de 2002 en Colombie-Britannique a été annulé, apparemment à la demande de l’appelant, à compter du 1er janvier 2014. L’ARC a ensuite procédé à une extension de deux ans à la date de dissolution de la société, tout en poursuivant son examen des retenues à la source et des déclarations de TPS/TVH non versées.

Question en litige et positions des parties :

[17]  Tel qu’indiqué précédemment, la question pour les trois appels de cotisations à l’égard de la responsabilité de l’administrateur consiste à déterminer si la « défense de diligence raisonnable » est applicable. À l’égard de la cotisation de l’appelant pour impôts non versés, une disposition de responsabilité de l’administrateur est établie en vertu du paragraphe 227.1(1) de la LIR, et la défense de diligence raisonnable en vertu du paragraphe 227.1(3). Ces deux dispositions se lisent comme suit :

Responsabilité des administrateurs pour défaut d’effectuer les retenues

227.1(1) Lorsqu’une société a omis de déduire ou de retenir une somme, tel que prévu aux paragraphes 135(3) ou 135.1(7) ou aux articles 153 ou 215, ou a omis de verser cette somme ou a omis de payer un montant d’impôt en vertu de la partie VII ou VIII pour une année d’imposition, les administrateurs de la société, au moment où celle-ci était tenue de déduire, de retenir, de verser ou de payer la somme, sont solidairement responsables, avec la société, du paiement de cette somme, y compris les intérêts et les pénalités s’y rapportant.

[]

Idem [défense de diligence raisonnable]

(3) Un administrateur n’est pas responsable de l’omission visée au paragraphe 227.1(1) lorsqu’ il a agi avec le degré de soin, de diligence et d’habileté pour prévenir le manquement qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.

[18]  En ce qui concerne la cotisation pour non-versement de TPS/TVH, la responsabilité de l’administrateur est décrite en vertu du paragraphe 323(1) de la LTA, et la défense de diligence raisonnable est décrite au paragraphe 323(3). Ces deux dispositions décrivent ce qui suit :

Responsabilité des administrateurs

323.(1) Les administrateurs d’une personne morale au moment où elle était tenue de verser, comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), un montant de taxe nette ou, comme l’exige l’article 230.1, un montant au titre d’un remboursement de taxe nette qui lui a été payé ou qui a été déduit d’une somme dont elle est redevable, sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer le montant ainsi que les intérêts et pénalités afférents.

[]

Diligence

(3) L’administrateur n’encourt pas de responsabilité s’il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement visé au paragraphe (1) que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

[19]  De la même façon, les paragraphes 21.1(1) et (2) du RPC abordent la question de la responsabilité de l’administrateur et de la défense de diligence raisonnable comme suit :

Responsabilité

21.1 (1) En cas d’omission par un employeur personne morale de verser ou de déduire un montant de la manière et au moment prévus au paragraphe 21(1), les personnes qui en étaient les administrateurs à la date de l’omission sont solidairement responsables envers Sa Majesté du paiement de ce montant ainsi que des intérêts et pénalités qui s’y rapportent.

Application de la Loi de l’impôt sur le revenu

(2) Les paragraphes 227.1(2) à (7) de la Loi de l’impôt sur le revenu s’appliquent, compte tenu des adaptations de circonstance, à l’administrateur d’une personne morale visée au paragraphe (1).

[20]  De plus, les paragraphes 83(1) et (2) de la LAE abordent la question de la responsabilité de l’administrateur et de la défense de diligence raisonnable comme suit :

Responsabilité des administrateurs

83 (1) Dans les cas où un employeur qui est une personne morale omet de verser ou de déduire un montant de la manière et au moment prévus au paragraphe 82(1), les administrateurs de la personne morale au moment de l’omission et la personne morale sont solidairement responsables envers Sa Majesté de ce montant ainsi que des intérêts et pénalités qui s’y rapportent.

Application de la Loi de l’impôt sur le revenu

(2) Les paragraphes 227.1(2) à (7) de la Loi de l’impôt sur le revenu s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, à l’administrateur de la personne morale.

[21]  L’appelant soutient qu’il a effectivement pris les mesures suffisantes pour rendre applicable la défense de diligence raisonnable à l’égard des cotisations de responsabilité de l’administrateur qui lui sont imputées. Il cite en particulier à titre d’appui jurisprudentiel le jugement de la Cour dans William Campbell c. R, 2010 CCI 100. L’intimée soutient que l’appelant n’est pas admissible à la défense de diligence raisonnable, que les cotisations imputées à l’appelant sont appropriées et que ces trois appels doivent être rejetés.

Discussion :

[22]  La décision de la Cour d’appel fédérale (CAF) dans R c. Buckingham, 2011 CAF 142 demeure la cause type à l’égard de l’applicabilité de la défense de diligence raisonnable pour les appels interjetés à l’encontre de cotisations fondées sur la responsabilité de l’administrateur. Buckingham a établi, à la lumière du jugement de la Cour suprême du Canada dans Peoples Department Stores et al. c. Wise, 2004 CSC 68, que la norme « objective subjective » établie précédemment par la CAF dans Soper c. Canada, [1998] 1 CF 124 (CA) pour mesurer la norme de soin, de diligence et d’habileté requise par les défenses de diligence raisonnable était devenue une norme purement « objective ». Cela permet l’application de « normes plus strictes » pour déterminer l’application de la défense (Buckingham, par. 38). Toutefois, « [] des circonstances propres à un administrateur…doivent être prises en compte, mais [] [maintenant] [] au regard de la norme objective d’une "personne raisonnablement prudente" ». (par. 39).

[23]  De plus, Buckingham met l’accent sur le fait que la défense ne s’applique qu’à l’égard des efforts visant à s’assurer que les remises sont versées en temps opportun, et non sur les efforts visant à rembourser les remises dues. Au paragraphe 56 :

[56]  L’administrateur [] ne peut établir une défense fondée [] sur le paragraphe 227.1(3) de la [LIR] qui avalise la poursuite des activités de sa société en réaffectant à d’autres fins des retenues à la source sur les salaires. Tout le régime de l’article 227.1 de la [LIR], lu dans son ensemble, est précisément conçu pour éviter de telles situations. En l’espèce, l’intimé avait une attente raisonnable (mais erronée) que la vente de la division de production de cours en ligne donnerait lieu à un paiement important pouvant servir à satisfaire les créanciers, mais il a consciemment fait assumer par la Couronne une partie des risques associés à cette transaction en continuant les activités tout en sachant que les retenues à la source ne seraient pas versées. Il s’agit précisément du méfait que le paragraphe 227.1(3) de la [LIR] vise à éviter.

[24]  Plusieurs mois plus tard, la CAF a eu l’occasion de réitérer Buckingham, dans Balthazard c. R, 2011 CAF 331. Dans ce dossier, la CAF a particulièrement mis l’accent sur le fait que (par. 37) l’administrateur appelant « s’est préoccupé des versements fiscaux de [la société] dès le début des difficultés financières de cette entreprise, et qu’il a pris plusieurs mesures tant pour redresser l’entreprise que pour s’assurer que les remises de la taxe nette liée à la TPS soient effectuées. » Parmi ces mesures, le directeur des arrangements financiers de la société était tenu de faire une mise à jour régulièrement au conseil d’administration précisant que les retenues et remises de la taxe nette liée à la TPS ont été versées en temps opportun. De plus, lorsque les difficultés financières sont survenues, l’administrateur a personnellement pris la tête des discussions auprès de l’ARC pour s’assurer que les remises étaient payées par versements de façon à garantir un remboursement complet avant le 30 juin 2006.

[25]  Mais, selon l’ARC, il y a eu une période de trois mois où l’administrateur n’a apparemment fait que peu ou rien du tout pour réparer le manquement continu de la société à verser des remises. La CAF a statué que : « Il y a là manque de diligence » (par. 51), à l’égard de cette période pour laquelle la Cour n’a par conséquent pas permis à l’appelant de bénéficier de la défense de diligence raisonnable. La CAF a noté, cependant, (par. 56) que. pour d’autres périodes :

[…] plusieurs faits militent en faveur du succès d’une telle défense dans ce cas-ci. Je souligne en particulier la préoccupation constante de l’appelant au sujet des versements fiscaux de sa société, les nombreux efforts de l’appelant pour assurer le versement de la taxe nette depuis le début des difficultés financières de [la société], ses nombreux apports additionnels de fonds pour soutenir la société durant toute la période de ses difficultés financières, le fait que la taxe nette a été entièrement versée pour [une] période [...]

[26]  L’intimée a également fait référence à la décision 2012 de la Cour de l’impôt Kevin D’Amore c. R, 2012 CCI 373. Dans D’Amore, l’administrateur appelant a admis avoir remboursé ses créanciers pour maintenir l’entreprise « à flot ». L’administrateur n’a pas permis à la société de faire des retenues à la source ni de remises de taxe nette liée à la TPS/TVH. Il a injecté 22 000 $ pour payer des fournitures de bureau [traduction] (« pas d’alcool, pas de nourriture – pas d’entreprise »), plutôt que de verser des remises. Le juge C. Miller a jugé ce comportement insuffisant pour permettre à l’administrateur d’éviter l’obligation de cotisation de responsabilité de l’administrateur selon une défense de diligence raisonnable, étant donné les efforts de l’administrateur à maintenir à flot la société en dépit des manquements continus de versement de remises. La Cour a cité Buckingham et Balthazard dans sa décision. Et, aux par. 27 et 28, la Cour a considéré la décision susmentionnée dans Campbell comme suit, la démarquant quant au fait que l’administrateur dans cette affaire a tenté au moins en partie « de verser les sommes dues à l’ARC » :

[27]  On ne m’a informé d’aucune affaire dans laquelle un administrateur avait invoqué avec succès le moyen de défense de diligence raisonnable dans des circonstances où l’administrateur d’une société aux prises avec des difficultés financières avait délibérément fait en sorte que cette société paie ses créanciers, sauf l’ARC, en vue de maintenir l’entreprise à flot, dans l’espoir que celle-ci dégage en fin de compte un profit et soit ensuite en mesure de payer les versements destinés au gouvernement.  J’ai porté ce point à l’attention de l’avocat de l’appelant, lequel m’a cité la jurisprudence Campbell c La Reine. Ceci dit, avec égards, les faits de cette affaire ne ressemblent pas aux faits dont il est question en l’espèce. Les passages qui suivent exposent les mesures que l’administrateur a prises dans l’affaire Campbell :

42.  […] L’appelant a alors proposé de faire d’autres arrangements informels, CRL s’engageant à payer la somme de 1 000 $ trois fois par mois. Jim Fitzgerald, agent de recouvrement à l’ARC, a accepté cette proposition. L’appelant a témoigné qu’il avait constamment été en contact avec l’ARC, en particulier avec M. Fitzgerald, tout au long de cette période. Il a également témoigné que, pour que CRL puisse honorer certains des chèques qu’elle avait faits, il avait adopté un stratagème lui permettant de s’assurer que les sommes que les clients versaient à CRL soient déposées dans le compte d’entreprise le même jour que celui où le chèque remis à l’ARC serait compensé. Cela permettait de s’assurer que la banque n’ait pas le temps d’empêcher le paiement des chèques remis à l’ARC. L’appelant a témoigné que, jusqu’à ce que la banque mette fin à cette pratique, il cherchait à savoir le temps qu’il allait faire et espérait du mauvais temps, ce qui aurait pour effet de retarder les avions qui transportaient les chèques à une chambre de compensation en Nouvelle-Écosse, ce qui arrivait en fait souvent dans la province. Cela donnait à CRL un délai de grâce supplémentaire d’un jour pour s’assurer que les chèques remis à l’ARC seraient compensés. Steve Lawlor a confirmé l’existence de cette pratique ainsi que les diverses mesures prises par l’appelant pour faire en sorte que l’ARC soit payée. L’appelant a par ailleurs déclaré qu’il avait aidé l’ARC en proposant que l’on signifie une demande péremptoire à l’un des principaux débiteurs de CRL, probablement Hibernia. L’appelant avait en outre fait en sorte que CRL aide l’ARC à recouvrer directement l’argent que d’autres débiteurs devaient à la société.

43.  L’appelant a témoigné que, parmi les efforts déployés pour accorder la priorité à l’ARC, CRL maintenait un compte distinct (no 106‑2017) pour les retenues à la source, compte qui a été fermé en décembre 2000.  Généralement, les fonds étaient déposés dans le compte général de CRL et immédiatement transférés au compte utilisé pour les versements. D’après l’appelant, la banque permettait le transfert de fonds à ce compte uniquement si la société était à jour en ce qui a trait au remboursement du prêt.

44.  En 1995, l’appelant a convaincu le gestionnaire des comptes de la Banque Royale de permettre à la société d’avoir un découvert, pour que celle-ci puisse remettre les retenues à la source. Plus tard, en 1996, les vérificateurs de la banque ont mis fin à cette pratique et substitué un emprunt garanti au découvert bancaire. La banque a suggéré à CRL de demander des conseils à des comptables professionnels, ce que la société a fait par la suite. CRL n’a toutefois pas été en mesure de continuer à se prévaloir de tels services en raison des frais plus élevés qu’on exigeait d’elle.

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46.  L’appelant avait également envisagé d’endosser les chèques que les clients de CRL lui remettaient afin de les faire directement parvenir à l’ARC, mais, étant donné que la banque surveillait de près les créances de la société, l’appelant a estimé que la banque mettrait simplement fin à cette pratique si elle était appliquée. 

[]

49.  Au cours de cette période, l’appelant a investi dans la société plus de 140 000 $ tirés de son épargne personnelle pour verser les sommes dues à l’ARC et rembourser les prêts; il a en outre tenté à plusieurs reprises d’obtenir du financement d’autres sources.  L’appelant a également témoigné qu’il avait lui‑même décidé de ne pas toucher de salaire de CRL, là encore pour faire en sorte que la priorité soit accordée au versement des sommes dues à l’ARC. De fait, le nom de l’appelant ne figure sur aucune des feuilles de paie de la société de 1996 (onglet 7 de la pièce A‑1), de 1997 (onglet 15 de la pièce A‑1), de 1998 (onglet 17 de la pièce A-1) et de 1999 (onglet 23 de la pièce A-1).

[28]  C’est le dernier paragraphe cité qui est le plus important. Dans l’affaire Campbell, l’administrateur avait injecté des fonds « pour verser les sommes dues à l’ARC ». M. D’Amore a reconnu qu’il avait injecté des fonds dans l’entreprise en vue de payer d’autres créanciers. Tel est le « méfait » même qu’a décrit la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Buckingham et que la disposition présente dans la Loi et la LTA vise à contrer.  Non, M. D’Amore, au cours de la seconde période, n’a rien fait pour éviter le défaut de versements; il a plutôt délibérément maintenu le cap. Il ressort clairement de la lettre de l’avocat de M. D’Amore, datée d’août 2008, que ce dernier était bel et bien au courant de cette obligation ainsi que de la responsabilité qui en découlait.

[27]  Les extraits précités de Campbell décrivent diverses mesures prises par l’administrateur dans cette affaire, « pour verser les sommes dues à l’ARC », tel que mis en lumière par la Cour. Parmi ces mesures, l’appelant a remis une série de chèques postdatés lui permettant de s’assurer que les sommes que les clients versaient à CRL soient déposées dans le compte d’entreprise le même jour que celui où le chèque remis à l’ARC serait compensé, permettant de s’assurer que la banque n’a pas le temps d’empêcher le paiement des chèques remis à l’ARC; il cherchait à savoir le temps qu’il allait faire pour accorder ainsi un jour additionnel avant que les chèques soient envoyés à une chambre de compensation en Nouvelle-Écosse; il proposait à l’ARC de signifier une demande péremptoire à l’un des principaux débiteurs et autres comptes des dépôts de tierces parties; il maintenait un compte distinct pour les retenues à la source; et a convaincu la banque de permettre à la société d’avoir un découvert, pour que celle-ci puisse remettre les retenues à la source.

[28]  L’appelant a soutenu que Campbell est un cas de jurisprudence pertinent dans la présente instance devant la Cour. Sa requête soutient que, dans les deux cas, des facteurs externes ont causé les problèmes d’encaisse, dans les deux cas, les dossiers de la société avaient été détruits par inadvertance, dans les deux cas, l’administrateur a apporté des fonds personnels, dans les deux cas, il y a eu des restrictions dans le personnel de la société et les dépenses, dans les deux cas, l’administrateur n’a touché aucun salaire, et, dans les deux cas, les administrateurs ont tenté de négocier un emprunt bancaire (dans Campbell, cette mesure a été fructueuse). L’appelant fait valoir que, dans les deux cas, les administrateurs ont [traduction] « pris toutes les mesures raisonnables possibles ».

[29]  L’intimée soutient que la société a une historique de retard dans la remise des déclarations de TPS/TVH et T2, et que la priorité de l’appelant était de soutenir les affaires de la société. Il n’y a eu aucune preuve que l’appelant a pris des mesures pour compenser le défaut de faire des versements. L’intimée a affirmé qu’il ne s’agissait pas de diligence raisonnable. Il n’y avait aucun compte distinct pour le paiement des remises dans la présente affaire, contrairement à Campbell. Les fonds épargnés par le non-versement des remises dans la présente affaire étaient utilisés pour soutenir les activités de la société. Dans la présente affaire, il n’y a eu aucun versement de TPS/TVH nette autre qu’une somme totale de 2 600 $.

[30]  Je suis d’accord avec l’intimée pour dire que, dans la présente affaire, l’appelant n’a pas établi son admissibilité à la défense de diligence raisonnable en réponse à la cotisation relative à la responsabilité de l’administrateur contre lui. Citant Buckingham et Belthazard, je ne suis pas d’avis que l’appelant avait comme priorité de résoudre les non-versements, mais plutôt de continuer à omettre de faire ces versements, tout en tentant de soutenir les affaires de la société pour que, éventuellement, quelqu’un puisse l’acquérir ou y investir des fonds, et ainsi obtenir du financement pour présumément rembourser l’ARC. À la lecture des comptes rendu du service de recouvrement concernant l’appelant, ils démontrent que l’ARC cherchait à communiquer avec l’appelant et, de façon générale, à solliciter des solutions et des versements beaucoup plus que n’était engagé l’appelant à trouver des mesures pour satisfaire l’ARC à propos des non-versements continus. À cet égard, les efforts faits par l’administrateur dans Campbell, susmentionnés, présentent en comparaison un engagement beaucoup plus soutenu envers la recherche de mesures pour corriger les non-versements, lesquelles ont à tout le moins apaisé l’ARC dans une certaine mesure.

[31]  En outre, pour autant que l’appelant cite et s’appuie principalement sur l’affaire Campbell, en fait cette décision, qui précède de peu l’arrêt de principe de la CAF dans Buckingham, laquelle incluait un langage incitant à ce que des « normes plus strictes » soient utilisées dans l’application de la défense de diligence raisonnable dans les cas de responsabilité de l’administrateur. Buckingham est la jurisprudence applicable, et non Campbell.

[32]  Compte tenu de ce qui précède, j’estime que l’appelant n’a pas été en mesure d’établir son admissibilité à une défense de diligence raisonnable dans ces trois appels, entendus sur preuve commune.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de février 2018.

« B. Russell »

Juge Russell


RÉFÉRENCE :

2018CCI43

NO DE DOSSIER DE LA COUR :

2017-928(IT)I

2017-930(GST)I

2017-932(IT)I

INTITULÉ :

MICHAEL FOX ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 septembre 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge B. Russell

DATE DU JUGEMENT :

Le 28 février 2018

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Jamie Hansen

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

[BLANK / EN BLANC]

Cabinet :

[BLANK / EN BLANC]

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Canada)

 

 

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