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Dossier : 2014-1429(IT)I

ENTRE :

BERND STRUCK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de 468543 B.C. Ltd. 2014-3204(IT)I les 29 et 30 mars 2017, à Victoria (Colombie‑Britannique)

Devant : L’honorable juge Valerie Miller


Comparutions :

Pour les appelants :

M. Bernd Struck

Avocate de l’intimée :

Me Natasha Wallace

 

JUGEMENT

  L’appel interjeté à l’encontre des avis de nouvelle cotisation datés du 20 avril 2012 et établis au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2008, 2009 et 2010 de l’appelant est accueilli, et les nouvelles cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse de nouvelles cotisations, en tenant compte du fait que les avantages conférés à un actionnaire devraient être ramenés à 14 525 $, à 14 521 $ et à 4 840,02 $ pour 2008, 2009 et 2010 respectivement.

  Les pénalités pour faute lourde seront réduites en conséquence.

  À tous autres égards, l’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de mai 2017.

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller


 

 

Dossier : 2014-3204(IT)I

ENTRE :

468543 B.C. LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Bernd Struck 2014-1429(IT)I les 29 et 30 mars 2017, à Victoria (Colombie‑Britannique)

Devant : L’honorable juge Valerie Miller

Comparutions :

Pour les appelants :

M. Bernd Struck

Avocate de l’intimée :

Me Natasha Wallace

 

JUGEMENT

  L’appel interjeté à l’encontre de l’avis de nouvelle cotisation daté du 7 mai 2012 et établi au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition de l’appelante se terminant le 30 novembre 2008 et le 30 novembre 2009 est rejeté, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de mai 2017.

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller


Référence : 2017CCI94

Date : 20170529

Dossier : 2014-1429(IT)I

ENTRE :

BERND STRUCK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

Dossier : 2016-3204(IT)I

ET ENTRE :

468543 B.C. LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge V.A. Miller

I. Aperçu

[1]  M. Bernd Struck (« M. Struck ») a interjeté appel des nouvelles cotisations d’impôt sur le revenu datées du 20 avril 2012 et établies à son égard pour ses années d’imposition 2008, 2009 et 2010. La société 468543 B.C. Ltd. (la « société ») a interjeté appel des nouvelles cotisations d’impôt sur le revenu datées du 7 mai 2012 et établies à son égard pour ses années d’imposition se terminant le 30 novembre 2008 et le 30 novembre 2009. Pendant les années en cause, M. Struck était l’unique actionnaire de la société. Les appels ont été entendus sur preuve commune.

[2]  Avant l’audience, les parties se sont entendues sur un certain nombre de questions soulevées par les nouvelles cotisations. Les seules questions qui demeurent en litige dans l’appel de M. Struck sont les suivantes :

a)  La société a-t-elle conféré à l’actionnaire, M. Struck, des avantages s’élevant à 32 803 $, à 33 493 $ et à 33 493 $ pour les années d’imposition 2008, 2009 et 2010 respectivement, au titre du paragraphe 15(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »)?

b)  M. Struck est-il tenu de payer une pénalité pour faute lourde aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi pour avoir omis d’inclure dans son revenu les avantages conférés à un actionnaire au titre du paragraphe 15(1)?

c)  M. Struck a-t-il à juste titre fait l’objet d’une cotisation au montant de 81 425 $ établie pour l’année d’imposition 2009 à l’égard d’un avantage relatif à un prêt à l’actionnaire au titre du paragraphe 15(2) de la Loi?

[3]  Pour ce qui est de l’appel de la société, les questions en litige sont les suivantes :

a)  La société avait-elle le droit de déduire des frais d’intérêts de 27 402 $ et de 14 039 $ pour les années d’imposition 2008 et 2009 respectivement?

b)  La société avait-elle le droit de déduire des dépenses salariales directes de 8 000 $ et de 10 000 $ pour les années d’imposition 2008 et 2009 respectivement?

c)  La société est-elle tenue de payer une pénalité pour faute lourde aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi?

[4]  Pour les motifs qui suivent, j’ai accueilli en partie l’appel de M. Struck et rejeté l’appel de la société.

II. Bernd Struck

[5]  M. Struck, Mme Leah Norminton, vérificatrice à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), et M. Jason Chow, évaluateur d’entreprise à l’ARC, ont témoigné à l’audience. Comme je l’expliquerai plus loin, j’ai jugé que M. Struck n’était pas un témoin crédible. Il a fait de nombreuses déclarations intéressées, qui n’étaient pas étayées par les documents déposés à l’audience.

A. Les avantages conférés à un actionnaire au titre du paragraphe 15(1)

(1) Les faits

[6]  Dans les années 1980, M. Struck a commencé sa carrière en tant que planteur d’arbres pour une entreprise de la Colombie‑Britannique. Il a par la suite acheté cette entreprise, qu’il a renommée Cardinal Forestry Consulting Co. Limited (« Cardinal »). Il travaillait pendant plusieurs mois consécutifs dans des camps forestiers comme ouvrier forestier et conseiller en contrôle de la qualité. Au début des années 2000, M. Struck a réorienté les activités de Cardinal, qui est devenue une entreprise de construction agréée de maisons garanties. M. Struck a continué de tirer un revenu d’emploi de Cardinal pendant les années en cause.

[7]  En 1994, M. Struck et son père, Horst Struck (« Horst »), ont constitué la société en personne morale sous le régime des lois de la Colombie‑Britannique.

[8]  La société offrait des services de location de propriétés résidentielles. Pendant toute la période pertinente, la société n’avait pas d’employés. M. Struck et son père s’occupaient des réparations mineures, des travaux d’entretien et des tâches quotidiennes que la société devait effectuer à l’égard de ses propriétés. La société engageait Cardinal pour effectuer les réparations et les rénovations plus importantes, au besoin.

[9]  De 1994 à 2005, M. Struck et Horst étaient actionnaires à parts égales de la société.

[10]  Le 1er février 2005, Horst a donné ses actions de la société à M. Struck. Horst n’a pas déclaré cette opération dans sa déclaration de revenus et, en 2008, l’ARC a effectué une vérification de Horst relativement au don de ses actions. Jason Chow, évaluateur d’entreprise à l’ARC, a établi la juste valeur marchande des actions de la société au moment de la disposition. Lors de l’audition des présents appels, M. Chow a témoigné au sujet de son rôle dans le contexte de la vérification menée en 2008.

[11]  Pendant les années en cause, M. Struck était l’unique actionnaire de la société. Il était également un administrateur et un cadre de la société, ainsi que son âme dirigeante. Bien que Horst ait conservé son pouvoir de signer des chèques pour la société, il ne participait plus à la gestion de la société, compte tenu de son âge.

[12]  M. Struck a témoigné qu’au départ la société ne possédait pas d’actifs. En 2009, elle possédait six immeubles locatifs. Il a témoigné que le revenu de location ne suffisait pas à lui seul pour générer un tel niveau de croissance. Selon les états financiers non vérifiés déposés à l’audience, la société n’a enregistré un revenu net qu’en 2002, 2005 et 2006, lorsqu’elle a vendu certains de ses immeubles. Pour toutes les autres années depuis 2001, elle a enregistré une perte nette. Je constate que ces états financiers ont été préparés par M. Struck.

[13]  M. Struck a affirmé que la société avait pu acheter des immeubles uniquement parce que les actionnaires avaient investi personnellement d’importantes sommes d’argent dans la société. Les capitaux investis comprenaient des avances de fonds provenant du produit des hypothèques grevant les résidences personnelles des actionnaires. À cette fin, M. Struck a témoigné que les actionnaires et la société avaient conclu une entente selon laquelle la société assumerait les obligations hypothécaires et effectuerait les paiements hypothécaires correspondants, étant donné que le produit des hypothèques était avancé au profit de la société.

[14]  Comme il est expliqué ci-dessous, j’ai conclu que la preuve documentaire présentée à l’audience contredisait le témoignage de M. Struck. Les éléments de preuve présentés à l’audience relativement aux hypothèques grevant les deux propriétés en question, à savoir a) celle située au 1601, route Keating Cross, à Saanichton, en C.‑B. (la « propriété de la route Keating ») et b) celle située au 2326, avenue Weiler, à Sidney, en C.‑B. (la « propriété de l’avenue Weiler »), n’étayent pas le témoignage de M. Struck, selon lequel le produit des hypothèques a été avancé au profit de la société.

a)  Les hypothèques sur la propriété de la route Keating

[15]  En 2001, M. Struck a acheté la propriété de la route Keating de Robert George Martin, Robert William Martin et Elizabeth Martin (les « Martin ») pour 160 000 $. Il s’est servi de ses économies personnelles pour faire un versement initial de 20 000 $, et les Martin lui ont consenti une hypothèque de 140 000 $ (l’« hypothèque consentie par les Martin »).

[16]  M. Struck a acheté la propriété de la route Keating dans le but d’y construire sa résidence personnelle.

[17]  En mars 2003, M. Struck et Horst ont convenu de prendre une hypothèque de premier rang de 220 000 $ sur la résidence personnelle de Horst, à savoir la propriété de l’avenue Weiler. Cette hypothèque a été enregistrée au bureau d’enregistrement des titres fonciers de la Colombie‑Britannique sous le numéro EV024789 (l’« hypothèque grevant la propriété de l’avenue Weiler »). Le produit de l’hypothèque grevant la propriété de l’avenue Weiler, après déduction des honoraires d’avocats, a été déboursé de la façon suivante :

a)  140 797,68 $ ont servi à rembourser l’hypothèque consentie par les Martin sur la propriété de la route Keating, au profit de M. Struck;

b)  19 456,21 $ ont servi à payer les impôts fonciers reportés dus par Horst personnellement;

c)  le solde, soit 58 028,46 $, a été remis à Horst.

[18]  En 2003, M. Struck et son épouse ont éprouvé des difficultés conjugales, qui ont mené à un divorce. Sur les conseils de son avocat, M. Struck a transféré le titre de la propriété de la route Keating à Horst. En raison de ce transfert, M. Struck a fait l’objet d’une cotisation au montant de 10 000 $ pour son année d’imposition 2003 au titre d’un gain en capital imposable.

[19]  En juillet 2003, Horst a obtenu de la CIBC un prêt hypothécaire de construction de 250 000 $ portant le numéro 6216628 (le « prêt hypothécaire de construction ») sur la propriété de la route Keating. Il porte le numéro EV84590 au bureau d’enregistrement des titres fonciers de la Colombie‑Britannique. M. Struck s’est porté garant du prêt hypothécaire de construction.

[20]  Horst a reçu trois avances au titre du prêt hypothécaire de construction. Le 8 août 2003, il a reçu une première avance de 150 000 $. En mai 2004, le prêt hypothécaire de construction a été modifié pour faire passer le principal du prêt à 350 000 $. Le prêt hypothécaire de construction modifié a été enregistré au bureau d’enregistrement des titres fonciers de la Colombie‑Britannique sous le numéro EW73790. Le ou vers le 15 juin 2004, une somme de 110 546 $ a été avancée sur le prêt hypothécaire de construction. Le 4 février 2005, une troisième avance sur le prêt hypothécaire, s’élevant à 38 650,85 $, a été effectuée. Les avances sur le prêt hypothécaire de construction totalisaient 299 196,85 $.

[21]  Pour l’année d’imposition de la société se terminant le 30 novembre 2005, le prêt hypothécaire de construction a été consigné dans les états financiers non vérifiés de la société comme une dette à long terme. Compte tenu des éléments de preuve présentés, il n’est pas clair si le solde du prêt (c.‑à-d. 350 000 $-299 196,85 $) a été tiré et déboursé et, le cas échéant, si c’est la société, Horst ou M. Struck qui l’a reçu.

[22]  M. Struck a témoigné que certains des fonds provenant du prêt hypothécaire de construction ont été utilisés pour les activités de la société. Cependant, il n’a pu fournir aucune preuve documentaire lors de la vérification ou à l’audience pour appuyer cette prétention.

[23]  À l’audience, M. Struck a affirmé que le prêt hypothécaire de construction ne s’élevait pas à 299 196,85 $, mais plutôt à 195 000 $ seulement. Les éléments de preuve ont établi le contraire.

[24]  Les notes annexées aux états financiers de la société pour 2005 montrent que le prêt hypothécaire de construction s’élevait à 299 196,85 $.

[25]  M. Struck a terminé la construction de sa résidence personnelle sur la propriété de la route Keating en janvier 2006.

[26]  Dans son témoignage, M. Struck a déclaré que Horst lui avait probablement retransféré la propriété en 2006.

[27]  Malgré ce témoignage, je conclus que la propriété de la route Keating est demeurée au nom de Horst pendant toutes les années en cause. Ma conclusion est fondée sur les éléments de preuve suivants. Le 14 janvier 2006, le prêt hypothécaire de construction de 299 196,85 $ a été converti en hypothèque ordinaire sur la propriété de la route Keating (l’« hypothèque grevant la propriété de la route Keating »). L’hypothèque grevant la propriété de la route Keating s’élevait à 199 190,85 $. Elle a été consentie par la CIBC et portait le numéro 6216629. Malgré la conversion du prêt hypothécaire de construction en hypothèque ordinaire, Horst a continué d’être le débiteur hypothécaire de l’hypothèque grevant la propriété de la route Keating, comme en font état les relevés annuels d’hypothèque de 2008 et 2009.

[28]  Cependant, l’hypothèque grevant la propriété de la route Keating a continué d’être consignée comme une dette à long terme dans les états financiers non vérifiés de la société pour les années d’imposition se terminant le 30 novembre 2006, le 30 novembre 2007, le 30 novembre 2008 et le 30 novembre 2009.

[29]  La preuve documentaire la plus ancienne qui montre la propriété de la route Keating au nom de M. Struck est un document enregistré au bureau d’enregistrement des titres fonciers de la Colombie‑Britannique (CA153192). Il s’agit d’une hypothèque de 585 000 $ enregistrée le 21 avril 2010 et consentie à M. Struck par la First National Financial Corporation sur la propriété de la route Keating. Le produit de l’hypothèque a été déboursé de la façon suivante :

a)  179 985,37 $ ont servi à rembourser l’hypothèque grevant la propriété de la route Keating;

b)  298 958,99 $ ont servi à rembourser la marge de crédit personnelle de M. Struck;

c)  le solde de 104 950,29 $ a été versé à M. Struck.

[30]  Dans une lettre datée du 27 avril 2010, la First National Financial Corporation a félicité M. Struck pour l’achat de sa nouvelle maison.

[31]  Dans son témoignage, M. Struck a déclaré que la société n’avait effectué aucun paiement hypothécaire depuis avril 2010.

[32]  La propriété de la route Keating est la résidence personnelle de M. Struck depuis 2006.

[33]  Le ministre a établi une cotisation à l’égard de M. Struck au titre du paragraphe 15(1) de la Loi, au motif que la société lui avait conféré un avantage en effectuant des paiements hypothécaires de 14 525 $, de 14 521 $ et de 14 521 $ en 2008, 2009 et 2010 respectivement, à l’égard de la propriété de la route Keating.

[34]  Cependant, le ministre a procédé à la vérification de la société pour ses années d’imposition 2008 et 2009 seulement. Pour l’année d’imposition 2010, il a présumé que le montant des paiements hypothécaires effectués pour la propriété de la route Keating était le même qu’en 2009 (14 521 $).

[35]  Compte tenu des éléments de preuve présentés à l’audience, l’intimée a reconnu que le montant inclus dans le revenu de M. Struck pour 2010 relativement à la propriété de la route Keating devrait être ramené à 4 840,02 $, pour tenir compte du fait que la propriété de la route Keating avait été enregistrée au nom de M. Struck en avril 2010 et que M. Struck a affirmé avoir effectué les paiements hypothécaires à compter de cette date.

b)   Les hypothèques sur la propriété de l’avenue Weiler

[36]  Pendant toute la période pertinente, la propriété de l’avenue Weiler a été la résidence personnelle de Horst.

[37]  Comme je l’ai déjà mentionné, en 2003, tandis qu’il était toujours actionnaire à 50 p. 100 de la société, Horst a convenu de grever la propriété de l’avenue Weiler d’une hypothèque. Le produit de l’hypothèque de 220 000 $ a été distribué comme je l’ai décrit au paragraphe 17 ci-dessus.

[38]  L’hypothèque grevant la propriété de l’avenue Weiler, à savoir l’hypothèque de la CIBC numéro 6130483 enregistrée au bureau d’enregistrement des titres fonciers de la Colombie‑Britannique sous le numéro EV024789, a été comptabilisée comme un élément de passif dans les livres de la société de 2004 à 2009.

[39]  Pendant toute la période pertinente, Horst a été le débiteur hypothécaire de l’hypothèque grevant la propriété de l’avenue Weiler. Cependant, l’hypothèque grevant la propriété de l’avenue Weiler est consignée comme un élément de passif dans les états financiers non vérifiés de la société.

[40]  Dans son témoignage, M. Struck a déclaré que Horst et lui avaient convenu que la société assumerait la dette relative à l’hypothèque grevant la propriété de l’avenue Weiler, parce que Horst avait prêté ses économies personnelles, d’une valeur de 160 000 $, à la société.

[41]  Je ne crois pas M. Struck pour plusieurs raisons. Il n’a présenté aucune preuve documentaire pour corroborer son témoignage. Il n’a pas appelé Horst à témoigner, et j’en ai tiré une conclusion défavorable. Par ailleurs, la vérificatrice de l’ARC, Mme Norminton, a déclaré dans son témoignage que M. Struck n’avait fait aucune mention de ce prêt prétendu lors de la vérification.

[42]  Pendant les années d’imposition 2008 et 2009, la société a effectué des paiements totalisant 18 278 $ et 18 972 $ respectivement sur l’hypothèque grevant la propriété de l’avenue Weiler.

[43]  En mars 2010, Horst a hypothéqué de nouveau la propriété de l’avenue Weiler en contractant une hypothèque de 400 000 $ auprès de MCAP Service Corporation. Le produit de l’hypothèque a été déboursé de la façon suivante : (i) 157 266,39 $ ont servi à rembourser l’hypothèque grevant la propriété de l’avenue Weiler; (ii) 811,63 $ ont servi à payer les honoraires d’avocats; (iii) le solde de 241 906,38 $ a été versé à Horst. Cette somme a été déposée dans le compte bancaire personnel de Horst.

[44]  Le 25 mars 2010, Horst a retiré 235 000 $ de son compte bancaire et les a déposés dans le compte bancaire de la société.

[45]  La société a émis des chèques les 30 mars 2010, 5 avril 2010 et 7 avril 2010. Chaque chèque était de 50 000 $. Le chèque du 5 avril 2010 a été fait à l’ordre de M. Struck. M. Struck n’a pas présenté une copie des chèques datés du 30 mars et du 7 avril 2010. La preuve ne permettait pas de savoir si les chèques du 30 mars et du 7 avril ont été utilisés à des fins d’entreprise. Elle ne permettait pas non plus de savoir si le solde de 85 000 $ a été utilisé à des fins d’entreprise.

[46]  Le ministre a établi une cotisation à l’égard de M. Struck, au titre du paragraphe 15(1) de la Loi, au motif que la société lui avait conféré un avantage en effectuant des paiements hypothécaires de 18 278 $, de 18 972 $ et de 18 972 $ en 2008, 2009 et 2010 respectivement, à l’égard de la propriété de l’avenue Weiler.

(2) Analyse

a)  Les avantages conférés à un actionnaire

[47]  Le paragraphe 15(1) de la Loi est ainsi libellé :

15.(1) La valeur de l’avantage qu’une société confère, à un moment donné d’une année d’imposition, à un actionnaire ou à une personne en passe de le devenir est incluse dans le calcul du revenu de l’actionnaire pour l’année sauf dans la mesure où cette valeur est réputée par l’article 84 constituer un dividende si cet avantage est conféré autrement que : [...]

[Non souligné dans l’original.]

[48]  Bien que le libellé de cette disposition soit plutôt large, il ne vise clairement que les avantages conférés par une société (i) à un actionnaire ou (ii) à une personne en passe de le devenir. Le paragraphe 248(1) de la Loi prévoit que sont compris parmi les actionnaires « les membres ou autres personnes ayant le droit de recevoir paiement d’un dividende ».

[49]  À mon avis, le paragraphe 15(1) n’est pas suffisamment large pour viser les paiements hypothécaires effectués par la société à l’égard de la propriété de l’avenue Weiler. À cet égard, la société a conféré un avantage à Horst, qui n’était pas un actionnaire à l’époque pertinente. Il est bien établi en droit que le paragraphe 15(1) de la Loi ne s’applique que si l’avantage est conféré à une personne en sa qualité d’actionnaire : MNR v Pillsbury Holdings Ltd, 64 DTC 5184 (C de l’É).

[50]  La société n’a pas conféré un avantage à M. Struck relativement aux paiements hypothécaires effectués à l’égard de la propriété de l’avenue Weiler.

[51]  Elle a, toutefois, conféré un avantage à M. Struck lorsqu’elle a effectué les paiements hypothécaires sur la propriété de la route Keating pendant les années en cause. La société a payé l’hypothèque grevant la résidence personnelle de M. Struck. C’est certainement un avantage conféré à M. Struck.

[52]  Dans ses observations écrites, l’avocate de l’intimée a fait valoir que l’alinéa 15(1.4)c) de la Loi permet au ministre d’établir à l’égard de M. Struck une cotisation au titre d’un avantage pour l’ensemble des paiements hypothécaires. Je ne suis pas d’accord. L’alinéa 15(1.4)c) est une disposition interprétative. Il dispose :

15(1.4) Les règles ci-après s’appliquent au présent paragraphe et au paragraphe (1) :

[…]

c) l’avantage conféré par une société à un particulier est un avantage conféré à un actionnaire de la société, à un associé d’une société de personnes actionnaire de la société ou à un actionnaire pressenti de la société — sauf dans la mesure où le montant ou la valeur de l’avantage est inclus dans le calcul du revenu du particulier ou d’une autre personne — si le particulier est un particulier, autre qu’une fiducie exclue relativement à la société, qui a un lien de dépendance avec l’actionnaire, l’associé ou l’actionnaire pressenti, selon le cas, ou lui est affilié;

[Non souligné dans l’original]

[53]  L’alinéa 15(1.4)c) n’était pas en vigueur pendant les années en cause. Il a été ajouté par L.C. 2013, ch. 34, paragraphe 177(3), et ne s’applique qu’aux avantages conférés après le 30 octobre 2011.

[54]  Les avantages conférés à un actionnaire inclus dans le revenu de M. Struck sont ramenés à 14 525 $, à 14 521 $ et à 4 840,02 $ pour 2008, 2009 et 2010 respectivement.

b)  Les pénalités pour faute lourde

[55]  Je suis d’avis que les pénalités pour faute lourde imposées relativement aux paiements hypothécaires effectués par la société à l’égard de la propriété de la route Keating doivent être maintenues.

[56]  Pendant la période pertinente, M. Struck était l’unique actionnaire et l’âme dirigeante de la société. Il a intentionnellement donné instruction à la société d’effectuer les paiements relatifs à l’hypothèque grevant la propriété de l’avenue Weiler et à l’hypothèque grevant la propriété de la route Keating. Il a mis en commun ses dépenses personnelles et les dépenses de la société. Il a préparé les livres de la société.

[57]  Le produit des diverses hypothèques a été utilisé pour le paiement ou la construction de la résidence personnelle de M. Struck.

[58]  M. Struck n’a présenté aucun élément de preuve crédible pour démontrer que le produit de l’hypothèque grevant la propriété de l’avenue Weiler ou celui de l’hypothèque grevant la propriété de la route Keating a été utilisé pour les activités de la société. Je conclus que les pénalités pour faute lourde imposées à l’égard de la propriété de la route Keating seulement ont été imposées à bon droit.

c)  L’inclusion du prêt à l’actionnaire

(i) Les faits

[59]  M. Struck a admis qu’il n’avait jamais tenu le compte de prêt à l’actionnaire en conformité avec les principes comptables généralement reconnus (les « PCGR »). Il n’a pas tenu un registre des entrées et des sorties de fonds. Il a plutôt effectué le suivi du solde du compte en se fondant sur une méthode qu’il a inventée.

[60]  Dans son année d’imposition 2009, la société a déclaré que le solde du compte de prêt à l’actionnaire était de zéro. Or, dans le bilan de la société en 2009, un montant de 423 230,88 $ était inscrit au compte des montants dus aux actionnaires. C’est en raison de cette incohérence que la vérification des contribuables a été amorcée en 2011. Cette vérification a mené aux nouvelles cotisations en litige.

[61]  Durant la vérification, M. Struck a dit à la vérificatrice, Mme Norminton, que ni l’un ni l’autre de ces montants n’était exact. Il lui a par la suite présenté différentes observations et a donné chaque fois un solde différent. En fin de compte, M. Struck est arrivé à un solde débiteur de 81 425 $ pour le compte de prêt à l’actionnaire à la fin de l’année d’imposition 2009 de la société. Le ou vers le 30 janvier 2012, il a révisé les états financiers de 2009 de la société pour qu’ils reflètent ce montant.

[62]  La vérificatrice a témoigné n’avoir reçu aucune pièce justificative ni aucun registre des transactions qui lui auraient permis de vérifier les chiffres avancés par M. Struck. Elle a fini par accepter les observations de M. Struck, selon lesquelles il devait 81 425 $ à la société, et le ministre a établi une cotisation en conséquence sous le régime du paragraphe 15(2) de la Loi.

[63]  L’année d’imposition 2010 de la société n’a pas fait l’objet d’une vérification, parce que la déclaration de revenus pour 2010 n’avait pas encore été déposée lorsque la vérification a pris fin. La vérificatrice n’a donc pas vu vérifier si le solde débiteur du compte de prêt à l’actionnaire avait été remboursé en 2010, parce que la société n’a pas conservé un relevé des transactions relatives à ce compte.

[64]  M. Struck a reconstitué le compte de prêt à l’actionnaire pour les années d’imposition 2008, 2009 et 2010 de la société pour l’audition de son appel. Il a affirmé l’avoir fait suivant les instructions de son avocat.

[65]  Selon la reconstitution, le compte de prêt à l’actionnaire avait un solde créditeur de 223 367 $ au début de l’année d’imposition 2009 de la société. M. Struck a affirmé avoir fait diverses contributions totalisant 248 122 $ sous forme d’avances provenant de sa marge de crédit personnelle, d’achats au comptant et de paiements des services publics pour le compte de la société. Toujours selon cette reconstruction, M. Struck a reçu des avantages qui ont été consignés en tant que prêts de la société, par exemple des paiements totalisant 552 914 $ sur le compte VISA personnel de M. Struck. Cette somme a fait passer le solde du compte de prêt à l’actionnaire d’un solde créditeur de 223 367 $ à un solde débiteur de 81 425 $ à la fin de l’année d’imposition 2009, ce qui représente le montant de la cotisation.

[66]  En ce qui concerne l’année d’imposition 2010, M. Struck a soutenu au procès qu’il avait remboursé, en 2010, le solde du prêt à l’actionnaire dû à la fin de l’année d’imposition 2009. Il a fait valoir que la reconstruction du compte de prêt à l’actionnaire qu’il avait préparée et qui figurait à la pièce A-2, onglet 23, appuyait sa position. Le tableau indique que, pendant l’année d’imposition 2010, M. Struck a fait des contributions et des paiements totalisant 124 717 $ pour le compte de la société. Il a également reçu des paiements semblables totalisant 84 829 $, qui ont été consignés en tant que prêts consentis par la société. Cependant, dans son calcul de la contribution nette de l’actionnaire pour 2010, M. Struck n’a pas inclus la somme de 50 000 $ qu’il a reçue de la société le 7 avril 2010. Il a inscrit la mention suivante à côté de cette somme : [traduction] « versement sur l’hypothèque grevant la propriété située au 1601, route Keating – ne pas inclure dans les prêts aux actionnaires ». Il aurait donc emprunté 34 829 $ à la société en 2010. Ainsi, la contribution nette de l’actionnaire ou le remboursement net des sommes dues par l’actionnaire s’élevait à 89 888 $, ce qui fait en sorte que le solde du compte de prêt à l’actionnaire serait passé à un solde créditeur de 8 463 $ à la fin de l’année d’imposition 2010 de la société.

[67]  L’intimée est d’avis que M. Struck n’a pas effectué un remboursement net de 89 888 $ en 2010 à l’égard du compte de prêt à l’actionnaire. Elle a fait valoir que le témoignage de M. Struck était douteux et que les reconstructions du compte de prêt à l’actionnaire présentées à la pièce A-2, onglets 23 à 25, avaient été fabriquées pour les besoins du procès et qu’aucun poids ne devrait leur être accordé, car M. Struck n’a présenté aucune pièce justificative permettant de vérifier les entrées qu’elles contiennent.

[68]  L’intimée a fait valoir, subsidiairement, que, même si l’on accepte l’ensemble des autres contributions et remboursements tels qu’ils ont été reconstruits par M. Struck, la somme de 50 000 $ versée par la société à M. Struck relativement à l’hypothèque grevant la propriété de la route Keating aurait dû être incluse à titre de prêt à l’actionnaire en 2010. Par conséquent, le compte de prêt à l’actionnaire devrait avoir un solde débiteur de 41 537 $ (c.-à-d. 39 888 $-81 425 $), et ce montant devrait être inclus dans le calcul du revenu de M. Struck pour son année d’imposition 2009.

(ii) Analyse

[69]  Le paragraphe 15(2) de la Loi dispose :

(2) La personne [...] actionnaire d’une société donnée [...] qui, au cours d’une année d’imposition, obtient un prêt ou contracte une dette auprès de la société donnée, [...] est tenue d’inclure le montant du prêt ou de la dette dans le calcul de son revenu pour l’année.

[70]  Le paragraphe 15(2.6) de la Loi prévoit une dispense à l’application du paragraphe (2) dans les cas où la dette est remboursée dans un délai d’un an suivant la fin de l’année d’imposition de la société au cours de laquelle elle a été contractée. La disposition était ainsi libellée pendant les années en cause :

15(2.6) Le paragraphe (2) ne s’applique pas aux prêts ou aux dettes remboursés dans un délai d’un an suivant la fin de l’année d’imposition du prêteur ou du créancier au cours de laquelle ils ont été consentis ou contractés, s’il est établi, à la suite d’événements postérieurs ou autrement, que le remboursement n’a pas été fait dans le cadre d’une série de prêts, de remboursements ou d’autres opérations.

[71]  Le ministre a accepté la déclaration de M. Struck selon laquelle le compte de prêt à l’actionnaire avait un solde débiteur de 81 425 $ à la fin de l’année d’imposition, et il a établi une cotisation en conséquence, étant donné que la déclaration d’impôt de la société pour l’année d’imposition 2010 n’avait pas encore été déposée au moment de la vérification. Il n’y avait aucune façon de vérifier si la somme due avait été remboursée. M. Struck a soutenu que le prêt à l’actionnaire contracté en 2009 avait été remboursé avant la fin de l’année d’imposition 2010 de la société. Ainsi, aux termes du paragraphe 15(2.6) de la Loi, le solde débiteur ne devrait pas être inclus dans le calcul de son revenu en 2009. M. Struck a présenté une liste des entrées et des sorties de fonds du compte de prêt à l’actionnaire, pièce A-2, onglet 23, qu’il a préparée en prévision du procès. À l’appui de sa réconciliation, M. Struck a simplement produit des bordereaux de dépôt, des relevés de compte bancaire et d’autres documents similaires.

[72]  Je conclus que M. Struck n’a pas démontré qu’il a remboursé la somme de 81 425 $ qu’il devait à la société à la fin de l’année d’imposition 2009.

[73]  Aucun document n’a été présenté pour me permettre de vérifier les chiffres figurant à la pièce A-2, onglet 23, et de déterminer si les sommes en question se rapportaient à des dépenses personnelles ou d’entreprise.

[74]  La fiabilité du témoignage de M. Struck à l’égard du remboursement du prêt à l’actionnaire en 2010 est pour le moins douteuse. M. Struck a témoigné qu’il n’avait pas suivi les PCGR et qu’il avait plutôt utilisé sa propre méthode pour calculer la valeur du compte de prêt à l’actionnaire. Il a admis qu’il n’avait tenu au jour le jour aucun registre des transactions depuis que la société avait été constituée en 1994. Il a donné dans les états financiers de la société des chiffres complètement faux relativement au compte des [traduction] « Montants dus aux actionnaires », chiffres qui étaient incompatibles avec les déclarations de revenus produites par la société pour les années en cause. Ces deux documents avaient été préparés par M. Struck. À l’étape de la vérification et de l’opposition, il a présenté diverses observations à la vérificatrice, qui, en fin de compte, n’a eu d’autre choix que d’accepter l’estimation qu’il a présentée pour l’année d’imposition 2009.

[75]  Par ailleurs, comme l’intimée l’a fait remarquer à juste titre, l’onglet 23 montre aussi un paiement de 50 000 $ versé par la société à M. Struck le 7 avril 2010, avec la mention [traduction] « versement sur l’hypothèque grevant la propriété située au 1601, route Keating – ne pas inclure dans les prêts aux actionnaires ». M. Struck a expliqué que l’hypothèque grevant la propriété de la route Keating était une dette de la société. Les éléments de preuve ont démontré que cette explication était tout simplement incorrecte.

[76]  Je ne suis pas convaincue que M. Struck a payé le solde dû à l’égard du compte de prêt à l’actionnaire avant la fin de l’année d’imposition 2010. Le témoignage de M. Struck était intéressé. Il n’a présenté aucun élément de preuve convaincant pour appuyer ses déclarations.

[77]  Par conséquent, je conclus que le solde du prêt à l’actionnaire, s’élevant à 81 425 $, a été inclus à juste titre dans le revenu de M. Struck pour 2009.

III. 468543 BC Ltd (la « société »)

A. Les frais d’intérêts rejetés

(1) Les paiements d’intérêts sur l’hypothèque grevant la propriété de l’avenue Weiler et l’hypothèque grevant la propriété de la route Keating

[78]  En plus des avantages conférés à un actionnaire au titre desquels M. Struck a fait l’objet d’une cotisation en sa qualité d’actionnaire de la société, le ministre a établi une cotisation à l’égard de la société pour les années d’imposition 2008 et 2009 et a refusé la déduction : (i) des frais d’intérêts hypothécaires de 8 713 $ et de 3 923 $ versés par la société relativement à l’hypothèque grevant la propriété de l’avenue Weiler, et (ii) des frais d’intérêts hypothécaires de 9 100 $ et de 8 823 $ relativement à l’hypothèque grevant la propriété de la route Keating.

[79]  L’alinéa 20(1)c) de la Loi prévoit que le paiement d’intérêts sur « de l’argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien » peut être déduit.

[80]  M. Struck a fait valoir que le produit de l’hypothèque grevant la propriété de l’avenue Weiler et celui de l’hypothèque grevant la propriété de la route Keating avaient été avancés à la société pour ses activités, notamment pour lui permettre de faire l’acquisition d’immeubles locatifs. Plus particulièrement, M. Struck a soutenu que le produit des hypothèques avait été utilisé pour acheter la propriété située au 9609, 5e Rue, à Sidney, en C.‑B. (la « propriété située au 9609, 5e Rue ») libre de toute charge.

[81]  Compte tenu des éléments de preuve, je ne suis pas convaincue que le produit des hypothèques a été utilisé à des fins d’entreprise.

[82]  Pour ce qui est de l’hypothèque grevant la propriété de l’avenue Weiler, la preuve documentaire montre que, en mars 2003, aucune somme provenant de cette hypothèque n’a été utilisée pour les activités de la société. Voir le paragraphe 17, ci-dessus, où j’indique la façon dont le produit de l’hypothèque a été déboursé. L’hypothèque consentie par les Martin a été remboursée, après quoi un montant de 58 000 $ a été remis à Horst.

[83]  M. Struck a fait valoir que Horst avait avancé la somme de 58 000 $ à la société pour qu’elle puisse acheter la propriété située au 9609, 5e Rue. À l’appui de son témoignage, M. Struck a produit une copie du relevé bancaire de la société pour le mois de juin 2004, qui montre qu’un dépôt de 60 000 $ a été effectué le 18 juin 2004. Je n’accorde aucune importance à cette preuve. Aucun document n’a été présenté pour établir un lien entre cette somme de 60 000 $ et Horst. Les montants sont différents, et le dépôt de 60 000 $ a été effectué plus d’un an après que le produit de l’hypothèque grevant la propriété de l’avenue Weiler a été remis à Horst. Par ailleurs, rien n’indique que des sommes provenant du prêt hypothécaire de construction relatif à la propriété de la route Keating ont été avancées à la société pour ses activités.

[84]  Les appelants se fondent également sur le témoignage de M. Chow pour affirmer que la propriété de la route Keating et la propriété de l’avenue Weiler, ainsi que les hypothèques qui s’y rapportent, étaient des éléments d’actif et de passif de la société. Je ne suis pas d’accord. M. Chow a clairement déclaré dans son témoignage qu’il se fiait simplement aux observations de M. Struck dans son évaluation et qu’il n’avait pas lui-même procédé à la vérification des hypothèques. Lors de la vérification de l’établissement de la valeur, menée en 2008, M. Struck a dit à M. Chow que l’hypothèque grevant la propriété de l’avenue Weiler et celle grevant la propriété de la route Keating étaient des éléments de passif de la société. Le ministre n’est assurément pas lié par les avis antérieurs de M. Chow concernant l’appréciation de la valeur ni par les fausses déclarations faites par M. Struck à M. Chow. Le témoignage de M. Chow n’est pas pertinent dans le contexte des appels dont je suis saisie.

[85]  En conclusion, j’estime qu’il n’y avait tout simplement aucun élément de preuve crédible pour démontrer qu’une partie quelconque du produit de l’hypothèque grevant la propriété de l’avenue Weiler ou de l’hypothèque grevant la propriété de la route Keating a réellement servi à financer les activités de la société. Au contraire, la preuve documentaire montre que la majeure partie, sinon la totalité, du produit des hypothèques a été utilisée pour payer les dépenses personnelles de M. Struck et de Horst. Ainsi, la déduction des frais d’intérêts hypothécaires dont la société a tenté de bénéficier au cours des années en cause a été, à juste titre, refusée par le ministre, puisque l’hypothèque grevant la propriété de l’avenue Weiler et celle grevant la propriété de la route Keating ne peuvent pas être considérées comme « de l’argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien » aux termes de l’alinéa 20(1)c) de la Loi.

(2) Les écarts relatifs aux intérêts

[86]  Pour les années d’imposition de la société se terminant le 30 novembre 2008 et le 30 novembre 2009, le ministre a refusé la déduction de 9 589 $ et de 2 968 $ respectivement, en raison de l’absence de documents justificatifs. Ces sommes ont été qualifiées d’écarts relatifs aux intérêts.

[87]  Dans son témoignage, M. Struck a déclaré que la plus grande partie du montant de 9 589 $ qu’il avait cherché à déduire pour l’année d’imposition 2008 se rapportait à une facture oubliée de l’avocat de la société. La facture visait un montant de 9 355 $ et se rapportait à une dépense engagée en 2007. Au lieu de produire une nouvelle déclaration de revenus pour 2007 pour la société, M. Struck a demandé la déduction dans la déclaration de revenus de la société pour 2008. Il a demandé à la Cour d’accepter ce montant en 2008. Il a prétendu que l’effet serait le même, car la société avait accusé des pertes en 2007 et en 2008.

[88]  L’intimée a soutenu que la société avait le droit de réclamer la dépense de 9 589 $ pour l’année d’imposition 2007 et qu’elle pouvait présenter une T2 rajustée pour cette année-là accompagnée des documents à l’appui. L’avocate de l’intimée a affirmé que, si la Cour accepte la déduction de la dépense engagée par la société pendant l’année d’imposition 2007 dans sa déclaration pour 2008, il n’existe aucun mécanisme dans la Loi pour empêcher la société de modifier par la suite son feuillet T2 pour 2007. Autrement dit, l’intimée est préoccupée par la possibilité que la société profite deux fois de la même déduction. Je suis d’accord.

[89]  C’est un principe fondamental en matière de droit fiscal canadien qu’une dépense ne devrait être déduite que dans l’année au cours de laquelle elle a été engagée. La dépense en cause, qui a été engagée pendant l’année d’imposition 2007 de la société, ne peut pas être déduite dans la déclaration pour l’année d’imposition 2008. Pour demander la déduction de cette dépense, la société devrait modifier son feuillet T2 pour l’année d’imposition 2007.

[90]  Pendant la vérification, la société a dit à la vérificatrice que d’autres frais d’intérêts de 4 133 $ auraient dû être réclamés et acceptés pour l’année d’imposition 2009. La vérificatrice a accepté les observations de la société, et la nouvelle cotisation établie le 7 mai 2012 tient compte de ces rajustements. Dans ses observations écrites, M. Struck semble être d’avis que les rajustements n’ont pas été faits, et il a demandé la déduction de frais d’intérêts de 2 968 $ en 2009.

[91]  J’ai vérifié les documents pertinents. Le redressement demandé par la société relativement à l’écart de 2009 a déjà été apporté conformément à la demande de la société. La vérificatrice a fait un rajustement de 7 100 $, qui tient compte de la somme non déclarée et de l’écart. Aucune autre mesure n’est nécessaire.

(3) Le dédoublement de la déduction des intérêts par l’actionnaire dans sa T1

[92]  Le ministre a refusé la déduction de frais d’intérêts de 1 924 $, qui a été demandée et par la société dans sa déclaration de revenus pour 2009 et par M. Struck dans sa déclaration de revenus.

[93]  M. Struck a reconnu au procès que cette question n’était pas en litige.

(4) Les frais d’intérêts se rapportant à des propriétés situées aux États‑Unis

[94]  En septembre 2009, la société a grevé trois de ses propriétés d’une hypothèque. Une partie du produit des hypothèques a été utilisée par une société américaine appelée Kool Holdings Inc. (« Kool Holdings »), une société immobilière constituée en 2009 dans le but d’acheter des propriétés aux États‑Unis et dont M. Struck et son épouse étaient copropriétaires. Le ministre a calculé la portion des paiements d’intérêts correspondant au produit utilisé par les activités de la société canadienne, et il a refusé les frais d’intérêts de 3 501 $ se rapportant aux activités de Kool Holdings aux États‑Unis, dont la société demandait la déduction.

[95]  Dans une lettre datée du 13 juin 2013, M. Struck a indiqué, au nom de la société, que cette question était toujours en litige.

[96]  La société n’a toutefois pas soulevé la question au procès. De plus, elle n’a présenté aucun élément de preuve pour contredire la présomption de fait que le ministre a tirée dans ses actes de procédure, à savoir que les intérêts en cause se rapportaient à des sommes d’argent empruntées pour les activités de Kool Holdings aux États‑Unis.

[97]  La cotisation établie par le ministre à l’égard de ce montant est donc maintenue.

B. Les dépenses salariales directes

[98]  La société a déposé des feuillets T5 et des T5 sommaires pour ses années d’imposition 2008 et 2009 relativement aux dividendes de 8 000 $ et de 10 000 $ qu’elle a versés, respectivement, ces années-là.

[99]  Dans sa déclaration de revenus des particuliers pour 2008, M. Struck a déclaré un revenu de dividendes de 11 600 $. Ce montant incluait les dividendes de 8 000 $ qu’il avait reçus de la société, ainsi que des dividendes provenant des actions qu’il détenait dans son compte de négociation.

[100]  Par contre, dans sa déclaration de revenus des particuliers pour 2009, M. Struck n’a déclaré aucun revenu de dividendes : il a déclaré un gain en capital imposable de 12 104,74 $. Dans son témoignage, M. Struck a déclaré qu’il avait fait une erreur dans sa déclaration et que ce montant aurait dû être inclus comme revenu de dividendes.

[101]  L’intimée a fait valoir que M. Struck manquait de crédibilité à cet égard. En particulier, M. Struck a admis en contre-interrogatoire qu’il avait activement fait des opérations sur ses actions pendant les années en cause. La preuve documentaire a montré que, pendant l’année d’imposition 2009, M. Struck avait déclaré des dispositions d’actions totalisant 411 365 $, ainsi qu’un gain en capital de 24 209 $ en découlant.

[102]  Malgré ce qui précède, la société a déclaré les dividendes comme frais d’exploitation dans ses états financiers et comme dépenses salariales dans ses déclarations de revenus pour les années en cause.

[103]  Le ministre a refusé les dépenses salariales aux termes de l’alinéa 18(1)a) de la Loi, au motif que les montants visés ne constituaient pas des dividendes versés sur les profits de la société et qu’ils ne pouvaient donc pas être caractérisés comme des dépenses engagées en vue de tirer un revenu.

[104]  M. Struck n’a pas contesté le fait que les montants visés étaient des dividendes. Dans une lettre datée du 13 juin 2013 et adressée à la vérificatrice, M. Struck a écrit qu’il convenait de la réduction des dépenses salariales. Dans ses observations écrites, M. Struck a soulevé de nouveau la question et a demandé le redressement suivant :

[traduction]

Je demande à la Cour de permettre à la société à dénomination numérique de déclarer dans son feuillet T5 pour 2008 et 2009 les dividendes payés à Bernd Struck, qui seront consignés dans les états financiers de la société à dénomination numérique pour les années visées.

[105]  Les observations de M. Struck n’indiquent pas clairement le redressement qu’il demande à cet égard. S’il demande que les montants soient acceptés comme dépenses pour les années d’imposition 2008 et 2009 de la société, la demande est refusée.

[106]  M. Struck a clairement confondu la notion de dividende et celle de salaire. Un dividende est versé sur les profits après impôts d’une société, alors qu’une dépense salariale est déduite du calcul des profits de la société aux fins de la détermination du revenu imposable et de l’impôt payable de la société.

[107]  Le ministre a refusé à juste titre la déduction des paiements de dividendes en tant que dépenses salariales de la société.

C. Les pénalités pour faute lourde

[108]  Le paragraphe 163(2) de la Loi est ainsi libellé :

(2) Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d’imposition pour l’application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d’une pénalité [...]

[Non souligné dans l’original.]

[109]  Dans la décision Venne c Canada, [1984] CTC 223, le juge Strayer a décrit la faute lourde de la façon suivante :

La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu’un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la loi.

[110]  Le ministre s’est acquitté du fardeau de prouver que la société était tenue de payer les pénalités pour faute lourde aux termes du paragraphe 163(2) relativement aux dépenses refusées. M. Struck était l’âme dirigeante de la société pendant les années en cause. C’est lui qui a préparé les livres de la société. Bien que M. Struck possède de nombreuses années d’expérience en affaires, il a mis en commun ses dépenses personnelles et les dépenses d’entreprise de la société. Je conclus que M. Struck a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde ou correspondant « à une action délibérée » ou à une « indifférence », donné instruction à la société de déduire des dépenses qui n’auraient pas dû être déduites, par exemple (i) les frais d’intérêts hypothécaires qui étaient clairement de nature personnelle; (ii) les frais d’intérêts engagés relativement aux activités d’une autre société; (iii) les paiements de dividendes.

IV. Conclusion

[111]  L’appel de M. Struck est accueilli, et les avantages conférés à un actionnaire sont ramenés à 14 525 $, à 14 521 $ et à 4 840,02 $ pour 2008, 2009 et 2010 respectivement. Les pénalités pour faute lourde seront réduites en conséquence. À tous autres égards, son appel est rejeté.

[112]  L’appel de la société est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de mai 2017.

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller


RÉFÉRENCE :

2017CCI94

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-1429(IT)I

2014-3204(IT)I

INTITULÉ :

BERND STRUCK ET SA MAJESTÉ LA REINE

468543 B.C. LTD. ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Victoria (Colombie‑Britannique)

DATE DE L’AUDICENCE :

Les 29 et 30 mars 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Valerie Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 29 mai 2017

COMPARUTIONS :

Pour les appelants :

M. Bernd Struck

Avocate de l’intimée :

Me Natasha Wallace

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

[BLANK / EN BLANC]

Cabinet :

[BLANK / EN BLANC]

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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