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Dossier : 2011-2415(IT)I

 

 

ENTRE :

 

ALLEN D. GALLANT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 22 mars 2012, à Vancouver (Colombie‑Britannique)

                            

Devant : L’honorable juge J.M. Woods

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

Basil Jessome

 

Avocat de l’intimée :

 

Me Jonathan Wittig

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2006 et 2007 est rejeté.

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 11e jour d’avril 2012.

 

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

       Traduction certifiée conforme

            ce 14e jour de mai 2012

 

            Hélène Tremblay, traductrice


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 119

Date : 20120411

Dossier : 2011-2415(IT)I

 

ENTRE :

ALLEN D. GALLANT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

La juge Woods

 

[1]              À la fin de 2005, Allen Gallant avait accumulé des montants pour études, pour frais de scolarité et pour manuels prévus par la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), qui pouvaient être reportés sur des années d’imposition ultérieures. Le montant total reporté s’élevait à 32 479 $. Il s’agit de déterminer de quelle manière ce montant devrait être appliqué aux années d’imposition 2006 et 2007.

 

[2]              L’appelant avance qu’il devrait avoir le droit de reporter 25 780,47 $ sur l’année 2006 et 6 698,53 $ sur l’année 2007. L’intimée est d’avis que l’appelant doit reporter 29 521,31 $ sur l’année 2006 et 2 957,69 $ sur l’année 2007.

 

[3]              La question n’a aucune incidence sur l’impôt à payer pour l’année d’imposition 2006, étant donné qu’aucun impôt n’est à payer pour cette année‑là, quel que soit le scénario retenu. La question a une incidence sur l’impôt à payer pour l’année d’imposition 2007 seulement.

 

[4]              La disposition qui s’applique est l’article 118.61 de la Loi, qui était rédigé en ces termes en 2007.

 

     118.61(1) Crédits d’impôt inutilisés pour études, frais de scolarité et manuels. Pour l’application du présent article, la partie inutilisée des crédits d’impôt pour études, pour frais de scolarité et pour manuels d’un particulier à la fin d’une année d’imposition correspond à la somme obtenue par la formule suivante :

 

A + (B - C) - (D + E)

 

A   représente la somme déterminée selon le présent paragraphe relativement au particulier à la fin de l’année d’imposition précédente;

 

B    le total des sommes dont chacune est déductible en application des articles 118.5 ou 118.6 dans le calcul de l’impôt à payer par le particulier en vertu de la présente partie pour l’année;

 

C   la valeur de l’élément B ou, si elle est inférieure, la somme qui correspondrait à l’impôt à payer par le particulier en vertu de la présente partie pour l’année si aucune somme, sauf celles visées au présent article et aux articles 118, 118.01, 118.02, 118.03, 118.3 et 118.7, n’était déductible en application de la présente section;

 

D   la somme que le particulier peut déduire en application du paragraphe (2) pour l’année;

 

E    les crédits d’impôt pour études, pour frais de scolarité et pour manuels que le particulier a transférés pour l’année à son époux ou conjoint de fait, son père, sa mère, son grand‑père ou sa grand‑mère.

 

(2)   Déduction du montant reporté. Le moins élevé des montants suivants est déductible dans le calcul de l’impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d’imposition :

 

a) la somme déterminée selon le paragraphe (1) relativement au particulier à la fin de l’année d’imposition précédente;

 

b) la somme qui correspondrait à son impôt payable en vertu de la présente partie pour l’année si aucune somme, sauf celles visées au présent article et aux articles 118, 118.01, 118.02, 118.03, 118.3 et 118.7, n’était déductible en application de la présente section.

 

(3)  Crédits d’impôt pour frais de scolarité et pour études inutilisés à la fin de 2000. [Abrogé, 2007, ch. 2, par. 24(3).]

*                    

(4) Modification du taux de base. Pour ce qui est du calcul du montant déductible en application des paragraphes (2) ou 118.6(2.1) dans le calcul de l’impôt à payer par un particulier pour une année d’imposition dans le cas où le taux de base pour l’année diffère de celui pour l’année d’imposition précédente, la partie inutilisée des crédits d’impôt pour études, pour frais de scolarité et pour manuels du particulier à la fin de l’année précédente est réputée correspondre à la somme obtenue par la formule suivante :

 

A/B × C

 

 

A   représente le taux de base pour l’année;

 

B   le taux de base pour l’année précédente;

 

C   la somme qui correspondrait à la partie inutilisée des crédits d’impôt pour études, pour frais de scolarité et pour manuels du particulier à la fin de l’année précédente si le présent article s’appliquait compte non tenu du présent paragraphe.

 

[5]              L’interprétation des dispositions reproduites ci‑dessus n’est pas contestée dans le présent appel. Le représentant de l’appelant, qui a préparé les déclarations de revenus, admet que les cotisations ont été établies conformément à ces dispositions.

 

[6]              La question soulevée par l’appelant ne porte pas sur la loi mais sur un formulaire (Annexe 11) que les contribuables doivent utiliser pour calculer la déduction et joindre ensuite à leur déclaration de revenus.

 

[7]              Le problème tient au fait que la déduction demandée par l’appelant sur la foi de l’Annexe 11 est plus élevée que la déduction prévue par la loi.

 

[8]              L’appelant a utilisé le formulaire pour calculer la déduction. Le calcul a été accepté dans un premier temps, puis rejeté, après que l’appelant a demandé une modification à la déclaration de revenus en 2009. Une nouvelle cotisation a alors été établie afin que la déduction soit conforme à la loi.

 

[9]              L’appelant affirme que l’Agence du revenu du Canada (ARC) est malvenue d’utiliser, dans ses calculs, une méthode différente de celle contenue dans ses propres formulaires.

 

[10]         Le problème que pose l’Annexe 11 est que le montant de la déduction qui est calculée à l’aide de ce formulaire est plus élevé lorsque le taux marginal d’imposition du contribuable est supérieur aux taux minimal. Le problème est décrit ci-après dans un passage d’une lettre de l’agent d’appels à l’appelant.

 

[traduction]

 

La méthode de calcul utilisée dans l’Annexe 11 pour établir le montant à reporter s’appuie sur l’hypothèse que les crédits pour frais de scolarité et l’impôt à payer sont calculés selon le même taux d’imposition. Le formulaire ne tient pas compte du fait qu’un montant plus élevé peut être requis lorsque le montant reporté au titre des frais de scolarité est appliqué à une année d’imposition au cours de laquelle une partie du revenu du contribuable est assujetti à un taux d’imposition plus élevé. Il aurait fallu que votre client reporte un montant de 29 520 $ au titre des frais de scolarité pour ramener à néant l’impôt fédéral payable pour l’année d’imposition 2006.

 

Analyse

 

[11]         Je tiens à dire en commençant que je suis de l’avis de l’appelant quant à ce qu’il soit injuste que l’ARC demande à un contribuable d’utiliser un formulaire pour calculer une déduction et utilise ensuite une méthode différente pour établir une nouvelle cotisation. Les contribuables devraient pouvoir utiliser en toute confiance les formulaires qu’ils doivent joindre à leurs déclarations de revenus. Aucune indication n’a été donnée que les contribuables ont été prévenus du problème lié à l’Annexe 11.  

 

[12]         La situation est aggravée, en l’espèce, par le fait que l’ARC n’a relevé le problème que fortuitement, lorsque l’appelant a demandé d’apporter une modification à sa déclaration de revenus. J’en déduis que la cotisation établie à l’égard de la plupart des contribuables est fondée uniquement sur les calculs contenus dans le formulaire.  

 

[13]         Il ne suffit pas, cependant, que le contribuable ait été traité de façon inéquitable par l’ARC. En général, cela ne donne pas droit à un recours devant la Cour.

 

[14]         En l’instance, le représentant de l’appelant affirme que les motifs de la préclusion en equity devraient s’appliquer, car il y a eu une assertion inexacte de fait.

 

[15]         Il va de soi que la théorie de la préclusion ne peut pas lier la Couronne en ce qui concerne la loi : Goldstein v The Queen, 96 DTC 1029 (CCI). Cette théorie peut cependant s’appliquer dans le cas d’assertions inexactes de faits : Rogers v The Queen, 98 DTC 1365 (CCI).

 

[16]         L’argument qui joue en faveur de l’application de la théorie de la préclusion en l’espèce est le fait que l’ARC a indiqué à tort à l’appelant que l’article 118.61 serait appliqué conformément au formulaire. Pour autant que je sache, le formulaire n’a jamais été modifié.

 

[17]         Il m’est difficile d’accorder une réparation, car je dois tenir compte du principe primordial selon lequel la théorie de la préclusion ne peut pas être invoquée pour empêcher l’exercice d’une obligation prévue par la loi. Le principe a été exposé par le juge suppléant Chevalier dans l’arrêt Ludmer v The Queen, 95 DTC 5311 (C.A.F.), à la page 5314 :

 

Dans l'arrêt Canada v. Lidder, [1992] 2 C.F. 621, monsieur le juge Marceau écrit (page 625) :

 

On ne saurait invoquer la théorie de la fin de non-recevoir pour empêcher l'exercice d'une obligation prévue par la loi — en l'occurrence, l'obligation pour l'agent de traiter la demande présentée — ni pour conférer un statut défini par la loi à une personne qui n'est pas, à l'évidence, visée par la définition légale. En fait, le bon sens dicterait qu'on ne puisse omettre d'appliquer la règle en raison de la déclaration fausse, de la négligence ou de la simple présentation inexacte des faits de la part d'un fonctionnaire gouvernemental.

 

Au cours du débat, on a laissé entendre que si la théorie de la fin de non‑recevoir ne pouvait s'appliquer, la théorie connexe de « l'expectative raisonnable ou légitime » le pourrait peut-être. Cette proposition était vaine parce que cette théorie connaît la même limite qui restreint la théorie de la fin de non‑recevoir. Une autorité publique se trouve peut-être liée par ses engagements quant à la procédure qu'elle va suivre, mais elle ne peut en aucun cas se mettre en situation de conflit avec ses obligations et faire fi des exigence [sic] de la loi. Comme l'a récemment répété le juge Sopinka lorsqu'il a rédigé l'arrêt de la Cour suprême Renvoi relatif au Régime d'assistance publique du Canada (C.-B.), [1991] 2 R.C.S. 525, aux pages 557 et 558 :

 

Or, ni la jurisprudence canadienne, ni celle d'Angleterre, n'appuient la position suivant laquelle la théorie de l'expectative légitime peut créer des droits fondamentaux. Cette théorie fait partie des règles de l'équité procédurale auxquelles peuvent être soumis les organismes administratifs. Dans les cas où elle s'applique, elle peut faire naître le droit de présenter des observations ou d'être consulté. Elle ne vient pas limiter la portée de la décision rendue à la suite de ces observations ou de cette consultation.

 

[18]         Il n’est pas loisible à la Cour de réexaminer ce principe. Je tiens également à noter que l’obligation qui est faite par la loi d’établir les cotisations conformément à la loi a récemment été confirmée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt CIBC World Markets Inc. v The Queen, 2012 FCA 3. Au paragraphe 22, le juge Stratas a déclaré :

 

[traduction]

 

22     La Cour est liée par la décision qu’elle a rendue dans l’arrêt Galway c. Ministre du Revenu national, [1974] 1 C.F. 600 (C.A.). Dans cette décision, le juge en chef Jackett, s’exprimant au nom de la Cour, a déclaré (page 602) que « le Ministre a l'obligation, aux termes de la Loi, de fixer le montant de l'impôt exigible d'après les faits qu'il établit et en conformité de son interprétation de la loi. » « Il s'ensuit », dit‑il, « qu[e le Ministre] ne peut établir une cotisation pour un certain montant fixé afin de donner effet à un compromis ». Le Ministre est obligé d’établir la cotisation « d'après les faits et en conformité de la loi, et non pour donner effet à un compromis ». Voir également l’arrêt Cohen v. The Queen, [1980] C.T.C. 318 (C.A.F.).

 

[19]         Je dois donc rejeter l’appel, mais c’est avec infiniment de regret que je prends cette décision. Vu la situation injuste dans laquelle se trouve l’appelant, j’exhorterais l’intimée à renvoyer le dossier au ministère concerné afin qu’on examine la possibilité d’accorder une mesure de réparation discrétionnaire.

 

[20]         Pour finir, je tiens à noter que l’appel relatif à l’année d’imposition 2006 serait rejeté de toute façon, car la cotisation porte qu’aucun impôt n’est payable : Canada c Interior Savings Credit Union, 2007 CAF 151, 2007 DTC 5342.

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 11e jour d’avril 2012.

 

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

       Traduction certifiée conforme

            ce 14e jour de mai 2012

 

            Hélène Tremblay, traductrice

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2012 CCI  119

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2011-2415(IT)I

 

INTITULÉ :                                       ALLEN D. GALLANT c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 22 mars 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge J.M. Woods

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 11 avril 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelant :

Basil Jessome

 

Avocat de l’intimée :

 

Me Jonathan Wittig

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     

 

                          Cabinet :                 

                                                         

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)

 

 

 

 

 

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