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Dossier : 2009-1(IT)G

ENTRE :

Dr ROBERT G. MACDONALD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu les 21 et 22 septembre 2011,

à Fredericton (Nouveau-Brunswick).

 

Devant : L’honorable juge J. E. Hershfield

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me J. Paul M. Harquail

 

Avocat de l’intimée :

Me David I. Besler

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2002 est accueilli avec dépens, et la nouvelle cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour d’avril 2012.

 

 

« J. E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de novembre 2012.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste



Référence : 2012 CCI 123

Date : 20120417

Dossier : 2009-1(IT)G

 

ENTRE :

 

 

Dr ROBERT G. MACDONALD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Hershfield

 

Les points litigieux

 

[1]     L’appelant a fait l’objet d’une cotisation par laquelle un dividende imposable de 524 967 $ a été inclus dans son revenu pour l’année d’imposition 2002 en application du paragraphe 84(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Selon cette disposition, un dividende est réputé avoir été reçu lorsqu’une société distribue des fonds à un actionnaire lors de la liquidation, de la cessation de l’exploitation ou de la réorganisation de son entreprise.

 

[2]     Les opérations visées par la cotisation en vertu de cette disposition de la Loi incluaient une vente entre parties ayant entre elles un lien de dépendance des actions que l’appelant détenait dans Robert G. MacDonald Professional Corporation Ltd. (« PC ») en 2002 (la « vente des actions »).

 

[3]     La cotisation était également fondée sur l’article 245 de la Loi, soit la disposition communément connue sous le nom de disposition générale anti-évitement (la « DGAE »).

 

[4]     La cotisation était en outre fondée sur ce que la vente des actions, financée au moyen d’une série d’opérations liées à l’aide de fonds fournis par PC, était un trompe‑l’œil. Ce fondement a été abandonné à l’instruction.

 

[5]     L’appelant avait déclaré le montant en question à titre de gain en capital découlant de la vente des actions, compte tenu du fait qu’il avait reçu un produit de disposition de 525 068 $, le prix de base rajusté étant de 101 $. L’appelant avait la possibilité de déduire des pertes en capital et de reporter prospectivement d’autres pertes en capital (les pertes en capital nettes) disponibles pour mettre à l’abri une partie du gain en capital déclenché par la vente des actions. Selon la cotisation, établie en application du paragraphe 84(2), le montant reçu par l’appelant lors de la disposition, moins le capital versé de 101 $ des actions vendues, était réputé avoir été reçu à titre de dividende[1].

 

[6]     Il s’agit ici de savoir si le paragraphe 84(2) s’applique eu égard aux faits de l’affaire ou si, de toute façon, la DGAE s’applique en vue d’aboutir au même résultat. En outre, si le montant en question doit être traité comme un dividende, l’appelant a soulevé une autre question, à savoir si la production de sa déclaration de revenus pour l’année en question en tant que résident du Canada au moment de la vente des actions était en fait exacte. Une preuve détaillée a été présentée à l’audience au sujet du fait que l’appelant était devenu résident des États‑Unis, de façon à permettre à la Cour de répondre à cette question.

 

[7]     Si l’appelant ne résidait pas au Canada lors de la vente des actions, les règles relatives à la disposition réputée figurant à l’alinéa 128.1(4)b) de la Loi s’appliqueraient et l’impôt payable sur le dividende réputé serait régi par l’article 212 de la Loi et par la Convention fiscale Canada-États-Unis[2].

 

Le mode de présentation de la preuve

 

[8]     Un exposé conjoint partiel des faits a été déposé à l’audience. Cet exposé est joint à l’annexe 1 des présents motifs. Les opérations entourant la vente des actions y sont décrites. En fait, il est reconnu que la vente des actions a été conclue au moyen d’une série d’opérations entre des parties ayant entre elles un lien de dépendance visant à donner à l’appelant l’accès à presque tous les actifs de PC.

 

[9]     Toutefois, l’appelant a également témoigné à l’audience. Son témoignage, dont la crédibilité et la fiabilité ont ouvertement été reconnues par l’avocat de l’intimée, indiquait les circonstances ayant mené à la vente des actions, les opérations liées ainsi que les raisons pour lesquelles ces opérations ont été exécutées de cette façon. Les précisions que l’appelant a données au sujet des opérations ont permis aux avocats de clarifier certains points incertains figurant dans l’exposé conjoint partiel des faits.

 

[10]   De plus, le témoignage de l’appelant donnait des détails assez précis au sujet des événements se rapportant au départ de l’appelant du Canada et au fait qu’il était devenu résident des États-Unis. Cette preuve est pertinente pour ce qui est de l’argument subsidiaire que l’appelant a invoqué, au cas où je conclurais que le paragraphe 84(2) s’applique, à savoir qu’il résidait déjà aux États-Unis au moment du versement du dividende réputé découlant de l’application de cette disposition. Lors de la production de sa déclaration pour l’année en question, l’appelant a pris la position selon laquelle la vente des actions et la réception du gain en capital avaient eu lieu le 25 juin 2002, pendant qu’il résidait encore au Canada. L’intimée n’a jamais contesté cette position et elle rejette la position subsidiaire de l’appelant lorsqu’il affirme avoir changé de résidence avant la vente des actions ou avant la distribution ou l’attribution des actifs de PC.

 

[11]   Il serait peut-être plus facile et plus équitable de nous pencher sur le témoignage de l’appelant avant d’examiner la série d’opérations par lesquelles la vente des actions a été accomplie et de donner des précisions à ce sujet.

 

Le contexte factuel

 

[12]   Comme il en a été fait mention, le témoignage de l’appelant n’a pas été contesté. La preuve que l’appelant a présentée a donc été acceptée comme étant factuelle, sauf lorsqu’il était admis qu’elle était incertaine quant à ce que l’appelant se rappelait de certains événements remontant à l’année 2000, lorsque les événements qui l’ont amené à quitter le Canada se sont initialement produits.

 

[13]   Le témoignage de l’appelant faisait notamment état des circonstances suivantes :

 

·        Après avoir terminé ses études en médecine au Canada, l’appelant a effectué des études supérieures aux États‑Unis, où il a rencontré sa femme, Dale Paley, une citoyenne américaine qui était en train de terminer ses études en médecine vétérinaire. L’appelant était aux États-Unis en vertu d’un visa qui l’obligeait à retourner au Canada à la fin de ses études. Ses études lui ont permis d’obtenir un titre de spécialité en cardiologie, soit celle de chirurgien cardiaque interventionnel. L’appelant est revenu au Canada en 1986 et il a occupé un poste à Halifax. Mme Paley l’accompagnait et ils se sont mariés peu de temps après, ce qui a facilité les études canadiennes de Mme Paley en médecine vétérinaire. Par la suite, en 1991, l’appelant et sa femme se sont installés au Nouveau‑Brunswick, où l’appelant a occupé un poste au Centre cardiaque du Nouveau‑Brunswick, à l’Hôpital régional de Saint John, où il est resté jusqu’à son départ du Canada, en 2002.

 

·        L’appelant fournissait ses services au Centre cardiaque du Nouveau‑Brunswick à titre d’employé de sa société professionnelle (aussi appelée « corporation professionnelle »), la société PC, qui avait été constituée en personne morale en vertu des lois du Nouveau‑Brunswick le 4 septembre 1991. Entre la date de constitution de PC en personne morale et bien après le départ de l’appelant du Canada, en 2002, l’appelant était l’unique administrateur et dirigeant de la société. Il a été l’unique actionnaire de la société jusqu’à la vente des actions. La société PC a changé de nom pour adopter celui de 050509 N.B. Ltd. le 26 juin 2002, dans la série d’opérations qu’il fallait conclure parce que l’appelant s’était installé aux États-Unis et avait cessé d’exercer sa profession de médecin au Nouveau‑Brunswick[3].

 

·        Un grand nombre de praticiens indépendants, dont l’appelant, avaient leur cabinet au Centre cardiaque du Nouveau-Brunswick. L’hôpital louait des locaux à ces praticiens et fournissait des services de secrétariat. Un système de facturation commune avait été établi parmi les praticiens, mais chacun s’occupait de ses propres patients. Pendant les dix années qu’il a passées à Saint John, l’appelant avait réussi à convaincre un grand nombre de praticiens de se joindre à lui à l’hôpital, mais il était demeuré l’unique employé de PC.

 

·        PC recevait son revenu uniquement du régime d’assurance-maladie. La société avait un numéro de facturation (aussi appelé « numéro de médecin »), ce qui était une exigence pour la pratique de la médecine au Nouveau-Brunswick[4]. PC facturait ses services au régime d’assurance-maladie, qui envoyait ensuite à l’appelant un chèque au nom de PC. L’appelant déposait le chèque dans un compte bancaire du bureau. Un nouveau chèque était émis en faveur de PC compte tenu du droit proportionnel de la société.

 

·        Après avoir pratiqué la médecine au Canada pendant plus d’une dizaine d’années, l’appelant s’est rendu compte que sa femme voulait qu’ils retournent aux États-Unis pour y vivre. Il était difficile à celle-ci d’exercer sa profession de vétérinaire et le climat lui posait des problèmes.

 

·        En 2000, l’appelant a commencé à faire des démarches en vue d’émigrer aux États-Unis. Le processus nécessitait un grand nombre de démarches qu’il fallait accomplir et mener à bonne fin d’une façon satisfaisante afin de permettre à l’appelant d’obtenir le statut nécessaire en vue de résider et de travailler aux États-Unis avec sa femme. Ces démarches sont notamment les suivantes :

 

°        Être parrainé par sa femme, une citoyenne américaine, à titre d’immigrant;

 

°        Indiquer son intention de devenir résident des États-Unis, notamment acheter une maison aux États-Unis et mettre sa maison en vente au Canada;

 

°        Signer une lettre d’entente en vue de se joindre à un cabinet à Greenville, en Caroline du Nord[5]. L’appelant avait reçu de ce cabinet une prime de recrutement et une prime à la signature, qu’il était obligé de rembourser s’il ne se joignait pas au cabinet;

 

°        Faire certifier deux voitures que l’appelant avait achetées au Canada en vue de les exporter aux États-Unis, et notamment veiller à ce que les véhicules satisfassent aux règlements américains de l’Environmental Protection Agency et aux exigences fédérales américaines en matière de sécurité[6].

 

·        Le 5 juin 2002, le consulat des États-Unis, à Montréal, a délivré un document intitulé : [traduction] « Visa d’immigrant et inscription au registre des étrangers ». Le visa expirait à minuit, le 4 décembre 2002, ce qui voulait dire que l’appelant devait quitter le Canada et devenir résident américain au plus tard le 4 décembre de cette année‑là.

 

·        L’appelant a quitté le Canada, comme l’exigeait le visa, avant la date d’expiration, en franchissant la frontière avec sa femme. Ils ont franchi la frontière à 17 h 30, heure normale de l’Est, le 25 juin 2002, en apportant tous leurs effets personnels.

 

·        Parmi les démarches additionnelles se rapportant au départ de l’appelant du Canada, il y avait les démarches suivantes :

 

°        La rencontre des représentants de l’entreprise de déménagement, à la frontière, le 25 juin 2002, afin de s’assurer que les documents indiquaient que les effets personnels étaient exportés en permanence aux États-Unis;

 

°        L’établissement de son cabinet aux États‑Unis en adhérant à un grand nombre de corporations et d’associations médicales. L’appelant a obtenu son permis des autorités compétentes de la Caroline du Nord, permis qu’il devait détenir afin de pratiquer la médecine dans cet État. Peu de temps après, l’appelant a obtenu un permis de l’Association médicale de la Caroline du Sud, lequel lui permettait de pratiquer la médecine à l’établissement médical où il travaille encore;

 

°        La remise du permis de conduire du Nouveau-Brunswick et l’obtention d’un permis de la Caroline du Nord;

 

°        L’ouverture d’un compte bancaire en Caroline du Nord.

 

[14]   Les paragraphes précédents décrivent les démarches que l’appelant a faites en vue d’immigrer aux États-Unis, mais il faut exposer la preuve se rapportant plus précisément à la rupture des liens que l’appelant entretenait avec le Canada. Je diviserai cette preuve en deux parties : le témoignage additionnel de l’appelant portant sur la rupture de ses liens personnels et professionnels et la liquidation de ses affaires au Canada; et la preuve que l’appelant a présentée au sujet de son placement dans PC et de la vente des actions. Je traiterai d’abord de la preuve que l’appelant a présentée au sujet de la rupture de ses liens, sauf ceux se rapportant aux actions qu’il détenait dans PC.

 

[15]   En ce qui concerne la rupture de ses liens avec le Canada, indépendamment de son placement dans PC, l’appelant a présenté la preuve suivante :

 

·        Avant le 25 juin 2002, il a vendu sa maison au Nouveau‑Brunswick et il a aliéné un grand nombre de possessions dont il n’avait plus besoin[7].

 

·        Avant le 25 juin 2002, il a laissé expirer son permis de médecin du Nouveau‑Brunswick; il a démissionné et il a cessé d’être membre d’un grand nombre d’associations et de corporations médicales. Toutefois, il est encore membre du Collège royal des médecins.

 

·        Avant le 25 juin 2002, il a avisé l’Hôpital régional de Saint John qu’il cessait de pratiquer la médecine au Nouveau-Brunswick.

 

·        Il a veillé à ce que ses comptables, Teed Saunders Doyle & Co., préparent le formulaire T4 nécessaire faisant état de la rémunération reçue de l’employeur désigné, 050509 N.B. Ltd (autrefois PC). Le feuillet T4, qui a été présenté après le départ de l’appelant, était nécessaire étant donné que le régime d’assurance-maladie effectuait normalement les paiements de six à huit semaines après la facturation des services fournis à la province par un professionnel. Par conséquent, 050509 N.B. Ltd. recevait des fonds après le 25 juin 2002 pour des sommes que PC avait gagnées avant le 25 juin 2002. Ces rentrées de fonds étaient comptabilisées à titre de rémunération versée à l’appelant en sa qualité d’employé de 050509 N.B. Ltd.

 

[16]   Cela m’amène aux relations de l’appelant avec PC.

          [17]   À titre de question préliminaire, je réitère ce dont j’ai déjà fait mention : indépendamment des opérations ici en cause, l’appelant avait des pertes en capital personnelles et des pertes en capital personnelles reportées prospectivement ou des pertes en capital nettes. Ce sont ces pertes qui ont mis à l’abri le gain en capital déclenché par la vente des actions. Je ferai souvent mention de ces pertes en capital personnelles et de ces pertes en capital personnelles reportées prospectivement en tant que telles, comme l’ont fait les parties, quoique, sur le plan technique, il semble qu’il s’agisse des pertes en capital nettes de l’appelant.

 

[18]   Quoi qu’il en soit, la décision de quitter le Canada a amené l’appelant, comme on peut s’y attendre, à demander des conseils fiscaux à son comptable.

 

[19]   Le comptable a informé l’appelant que son départ pourrait causer de gros problèmes fiscaux compte tenu des règles concernant les dispositions réputées figurant dans la Loi. Le problème qui a été décrit à l’appelant était qu’une disposition réputée des actions qu’il détenait dans PC déclencherait un impôt sur le gain en capital au Canada, à l’égard du gain en capital qu’il avait réalisé, mais que les États‑Unis ne comptabiliseraient pas une augmentation du prix de base de ces actions. Par conséquent, au moment de la disposition réelle des actions de PC, après le départ de l’appelant, la totalité du gain en capital serait imposable aux États‑Unis, compte tenu du fait que l’appelant résidait à cet endroit[8].

 

[20]   En fait, l’appelant pouvait utiliser ses pertes en capital personnelles et ses pertes en capital reportées prospectivement en vue de compenser le gain en capital réalisé au Canada par suite de la disposition réputée, en vertu de la Loi, des actions qu’il détenait dans PC, mais cela ne lui offrirait aucune protection contre la comptabilisation d’un gain en capital ultérieur possible aux États‑Unis, calculé à l’aide du prix initial de 101 $. En fait, l’appelant perdrait l’avantage économique découlant de l’imputation de ses pertes en capital personnelles au gain réalisé à l’égard des actions qu’il détenait dans PC[9].

 

[21]   Compte tenu de ce problème, le comptable de l’appelant a dirigé celui‑ci vers des experts en fiscalité, dans le domaine juridique ainsi que dans le domaine comptable. Un plan a été élaboré afin d’utiliser les pertes en capital et les pertes en capital reportées prospectivement disponibles au Canada, tout en empêchant, aux États‑Unis, une seconde réalisation imposable des actions que l’appelant détenait dans PC.

 

[22]   Il a tout d’abord été conseillé à l’appelant de vendre les actions qu’il détenait dans PC, au moyen de ce que je pourrais appeler une opération entre parties sans lien de dépendance, mais la chose s’est avérée peu pratique et de fait impossible. Il n’existait aucun marché pour les actions de PC en tant qu’entreprise de prestation des services d’un médecin : aucun médecin ne voudrait hériter des problèmes d’entreprise d’un autre médecin. Il fallait donc transformer la société professionnelle en une société de portefeuille, mais il n’existait encore une fois aucun marché pour ces actions.

 

[23]   Un plan a été élaboré selon lequel les actifs de PC seraient liquidés, les actions étant vendues au beau‑frère de l’appelant, J.S., qui résidait au Canada et qui était l’époux de la sœur de l’appelant[10]. J.S. consentait à acheter les actions si on lui donnait une marge de 10 000 $ entre ce qu’il pouvait obtenir de la société et ce qu’il aurait à verser à l’appelant pour les actions et si on l’indemnisait complètement de toute responsabilité civile qu’il risquait d’encourir par suite de l’achat des actions de PC. Il est reconnu que, conformément aux dispositions de la Loi, l’appelant et J.S. avaient entre eux un lien de dépendance[11], mais il n’a pas été soutenu que les conditions des opérations auxquelles J.S. participait auraient été différentes, ou qu’il aurait fallu qu’elles soient différentes ou sensiblement différentes, si J.S. n’avait eu avec l’appelant aucun lien de dépendance.

 

[24]   Le plan, tel qu’il est décrit dans l’exposé conjoint des faits et tel qu’il a été précisé à l’audience, a été exécuté ainsi :

 

·        Le 20 juin 2002, J.S. a constitué 601798 NB Ltd. (« 601 Ltd. ») en personne morale en vertu des lois du Nouveau‑Brunswick. Cette société a acquis de J.S. les actions de PC le 25 juin 2002, après que J.S. les eut acquises personnellement le même jour[12]. Les opérations sont bien documentées et chaque opération qui a eu lieu le 25 juin 2002 indique l’heure à laquelle elle a été signée. Les opérations sont donc facilement identifiables, dans un ordre particulier.

 

·        L’achat par J.S. des actions de PC a été payé au moyen de la remise d’un billet de J.S. en faveur de l’appelant (le « billet de J.S. »). Le prix d’achat a été fixé selon une formule qui donnait lieu à une contrepartie totale de 525 068 $[13].

 

·        J.S. a transféré les actions de PC à 601 Ltd. en échange de la réception d’actions de 601 Ltd. et d’un billet de 525 068 $ payable par 601 Ltd. en faveur de J.S. (le « billet de 601 Ltd. »).

 

·        Le 25 juin 2002, PC a déclaré deux dividendes, l’un de 500 000 $ et l’autre de 10 000 $. Le même jour, PC a émis deux chèques en faveur de 601 Ltd., en sa qualité d’unique actionnaire de PC au moment où le dividende avait été déclaré, en paiement partiel du dividende de 500 000 $. Un chèque était de 320 000 $ et l’autre de 159 842 $. La société 601 Ltd. a de son côté endossé les chèques en faveur de J.S., en paiement partiel du billet de 601 Ltd., et J.S. a de son côté endossé les chèques en faveur de l’appelant, en paiement partiel du billet de J.S. L’appelant a émis en faveur de PC un chèque dont le montant, de 159 842 $, se rapportait à une dette d’autre source envers PC. Les chèques de 159 842 $ se compensaient et ils ont été comptabilisés en tant que tels, mais ils n’ont jamais été encaissés. Le chèque de 320 000 $ que l’appelant détenait alors n’a jamais été encaissé ni présenté à une banque pour paiement, mais il a été comptabilisé comme étant payable à l’appelant. Tous ces événements se sont produits le 25 juin 2002.

 

·        Comme il en a été fait mention, PC a changé de nom pour adopter celui de 050509 N.B. Ltd. le 26 juin 2002. La chose était compatible avec le fait que PC cessait d’être une société professionnelle étant donné que l’appelant n’était plus un actionnaire de la société et qu’il avait cessé de pratiquer la médecine au Nouveau‑Brunswick. Je continuerai en général à désigner cette société sous le nom de « PC ».

 

·        Le 1er septembre 2002, la société PC a déclaré un dividende final en faveur de 601 Ltd., lequel correspondait au montant encore dû sur le billet de 601 Ltd., à savoir 25 068 $. Ce montant, plus la partie impayée du dividende déclaré le 25 juin 2002, a été, à titre de dette reconnue envers J.S., comptabilisé par PC, conformément aux instructions de J.S., à titre de dette envers l’appelant[14]. Ces instructions visaient à satisfaire à l’obligation que J.S. avait encore en vertu du billet de J.S.

 

·        Le 15 juillet 2002, PC a versé à 601 Ltd., par chèque, le montant de 10 000 $. Le chèque a été déposé le 27 août 2002.

 

·        La société PC a préparé des statuts de dissolution le 31 juillet 2002 et elle a officiellement été dissoute le 4 février 2005.

 

[25]   Il importe de noter que les parties s’entendaient sur le moment de la distribution et de l’attribution des actifs de PC. En somme, bien qu’elles ne s’entendent pas sur l’effet de ces attributions ou distributions, elles s’entendent sur le moment où ces opérations ont eu lieu.

 

[26]   Les chèques et les billets, même s’ils n’ont pas été payés ou présentés pour paiement de la façon habituelle, ont été reconnus comme ayant été remis dans l’ordre indiqué à l’audience et l’intimée a reconnu qu’ils se rapportaient aux distributions ou attributions dont il était question à l’audience[15]. L’effet net était le suivant : il était reconnu que les inscriptions comptables, ou écritures de journal, théoriques ou réelles, créaient de véritables obligations ou dettes comptables qui constituaient des montants pleinement distribués et attribués. La question du moment où l’argent a changé de main, au sens littéral du terme, n’est donc pas pertinente. Somme toute, le moment où les fonds ont réellement, éventuellement, été remis au créancier inscrit, à savoir l’appelant, et la façon dont ils l’ont été, n’ont donc aucune pertinence. Les dates des distributions en question sont les suivantes :

 

·        le 25 juin 2002, avant de franchir la frontière, à 17 h 30 :

 

479 842 $

·        le 1er septembre 2002 :

45 226 $

 

[27]   Le moment où les fonds ont été distribués et attribués n’est pas contesté, mais l’intimée a émis un certain nombre d’hypothèses dans sa réponse à l’avis d’appel (la « réponse ») en ce qui concerne la question de l’objet véritable des opérations. La plupart de ces hypothèses se rapportent à la position prise dans la cotisation, à savoir que les opérations en question constituaient un trompe-l’œil. Étant donné que cette position a été abandonnée à l’instruction, je ne m’y attarderai pas, sauf en ce qui concerne deux hypothèses que l’appelant a contestées :

 

[traduction]

 

La vente des actions à James Stewart n’avait aucun objet véritable, si ce n’est de conférer un avantage fiscal à l’appelant;

 

L’appelant avait principalement l’intention, en concluant la série d’opérations, d’accéder au surplus accumulé de PC d’une façon lui conférant un avantage fiscal;

 

[28]   De plus, en décrivant les opérations conclues par l’appelant, l’hypothèse suivante, qui a été admise, était énoncée dans la réponse :

 

[traduction]

[...]

 

gg)       Le gain, tel qu’il a été allégué, était en partie mis à l’abri par des pertes en capital que l’appelant avait subies au cours de l’année ainsi que par des pertes subies au cours d’années antérieures et reportées prospectivement;

 

[...]

 

[29]   Sous le titre : [traduction] « Moyens invoqués et redressement demandé », il est dit ce qui suit dans la réponse :

 

            [traduction]

 

            [...]

 

18.              En outre, les opérations que l’appelant a conclues ont entraîné un abus dans l’application de la Loi étant donné qu’elles faisaient partie d’un mécanisme visant à contourner l’application du paragraphe 84(2) de la Loi. Les opérations n’avaient pas d’autre objet que celui de fournir à l’appelant la possibilité d’un traitement à titre de gain en capital et d’éviter les conséquences ordinaires des distributions d’actifs d’entreprise au moment de la liquidation et de la cessation de l’exploitation de l’entreprise, donnant lieu à un traitement à titre de dividendes réputés. Par conséquent, le montant de 525 068 $ est à juste titre inclus dans le revenu de l’appelant à titre de dividendes, conformément à l’article 245 de la Loi.

 

            [...]

 

[30]   L’intimée ne détermine expressément nulle part dans la réponse l’« avantage fiscal » qu’il faut déterminer pour l’application de l’article 245. Toutefois, implicitement, étant donné l’hypothèse énoncée à l’alinéa gg) précité de la réponse, il faut considérer l’avantage comme se rapportant à l’utilisation des pertes en capital et des pertes en capital reportées prospectivement qui n’auraient pas pu être utilisées si le paragraphe 84(2) s’était appliqué. Telle était sans aucun doute la position qui a été prise à l’instruction, quoique l’évitement général du traitement à titre de dividende que l’on a cherché à imposer en vertu du paragraphe 84(2), indépendamment de l’avantage fiscal particulier atteint au moyen de l’évitement, semble être une question sous‑jacente pertinente soulevée par l’intimée en l’espèce.

 

[31]   Cela étant, je ne crois pas que mon analyse puisse faire abstraction de cette question, même s’il s’agit tout simplement, me semble‑t‑il, d’un faux‑fuyant prêtant à confusion sinon troublant visant à éviter l’analyse portant sur l’« avantage fiscal » nécessaire en vertu de l’article 245.

 

Les dispositions législatives

 

[32]   Les dispositions pertinentes de la Loi seront reproduites lorsqu’il sera nécessaire de le faire dans les présents motifs. Toutefois, une brève remarque s’avère opportune. Bien que les parties n’aient pas expressément invoqué la chose, je note que l’intimée cherche à donner effet à la cotisation d’une manière qui fait appel à l’alinéa 245(5)c) :

 

245(5) Attributs fiscaux à déterminer. Sans préjudice de la portée générale du paragraphe (2), [...]

 

[...]

 

c) la nature d’un paiement ou d’un autre montant peut être qualifiée autrement;

 

[...]

 

[33]   D’autre part, je note que l’intimée n’a pas expressément invoqué l’article 246.

 

Les prétentions de l’intimée

 

[34]   Les prétentions de l’intimée peuvent être divisées ainsi :

 

a.     Le paragraphe 84(2) s’applique. Les mots « de quelque façon que ce soit » ont une portée générale. La vente complète la liquidation de l’entreprise de PC.

 

b.     L’article 245 s’applique.

                                                             i.      Il existe un avantage fiscal. Il a permis à une rentrée de fonds d’être qualifiée de gain en capital par opposition à un dividende, de sorte que l’appelant a éludé l’impôt sur cette rentrée de fonds du fait qu’il a mis à l’abri le gain en le compensant par des pertes en capital nettes.

                                                           ii.      La vente des actions ne comportait pas d’objet véritable.

                                                        iii.      Il y a eu abus dans l’application du paragraphe 84(2) et de la Loi dans son ensemble. La Loi traite du dépouillement du surplus dans un grand nombre de dispositions, et notamment à l’article 245.

c.      Le Dr MacDonald résidait au Canada au moment où les dividendes réputés ont été reçus.

 

[35]   Sauf en ce qui concerne le sous‑alinéa b)(i) ci‑dessus, sur lequel il n’est pas nécessaire de s’attarder, je donnerai des précisions, quoique d’une façon quelque peu sommaire, au sujet des arguments que l’intimée a invoqués à l’appui de ces prétentions.

 

          Il est satisfait aux exigences du paragraphe 84(2) :

 

·        L’attribution a été effectuée lors de la liquidation ou de la cessation de l’exploitation de l’entreprise de PC. Le DMacDonald mettait fin à sa pratique de la médecine au Canada, laquelle était gérée par l’entremise de PC. L’intimée soutient également que l’attribution a été effectuée lors d’une réorganisation de l’entreprise de PC : c’est‑à‑dire que PC, une société professionnelle, a été réorganisée en une société de portefeuille.

 

·        La décision RMM Canadian Enterprises Inc. v. R.[16] est invoquée. On se fonde en particulier sur l’interprétation large que le juge Bowman (tel était alors son titre) a donnée de l’expression « de quelque façon que ce soit », tel qu’elle est utilisée dans cette disposition. En répondant à la prétention du Dr MacDonald selon laquelle il avait reçu les fonds en sa qualité de créancier, l’intimée souligne un passage de la décision RMM dans lequel le juge Bowman dit que la vente des actions et la liquidation de l’entreprise d’Equilease se complètent. « La vente n’était qu’un aspect de l’opération décrite au paragraphe 84(2), qui donne lieu au dividende réputé »[17]. La qualité de créancier est donc inextricablement liée à la distribution à titre d’actionnaire.

 

·        Il aurait pu être difficile pour l’intimée, en abandonnant l’argument relatif au trompe-l’œil comme fondement de la cotisation, de soutenir que les opérations qui avaient été effectuées n’avaient pas pour effet de conférer à J.S. la propriété légale et la propriété effective des actions de PC au moment où celui‑ci les a transférées à 601 Ltd. Néanmoins, l’avocat de l’intimée a de fait avancé cet argument. En outre, en ce qui concerne le paragraphe 84(2), l’avocat de l’intimée a soutenu que PC avait en fait liquidé ou cessé d’exploiter son entreprise avant le moment où ses actifs ont été attribués au profit de l’appelant, de sorte qu’il était satisfait aux autres exigences du paragraphe 84(2).

 

          Article 245 – Absence d’objet véritable à l’égard de la vente des actions :

 

·        L’intimée se fonde sur le fait que les opérations ne comportaient aucun objet commercial.

 

·        Il est affirmé que l’évitement de la double imposition n’est pas pertinent, pour ce qui est de l’analyse de la DGAE. On se fonde sur la décision RMM. Dans cette décision, le juge Bowman a dit qu’il faut déterminer l’objet principal d’une opération dans le contexte du droit fiscal canadien, et qu’il n’est pas nécessaire de tenir compte des implications internationales.

 

          Articles 245 – Il y a eu abus dans l’application du paragraphe 84(2) et de la     Loi dans son ensemble :

 

·        L’intimée fait valoir que l’article 84 vise à empêcher une société de transformer un dividende imposable en un gain en capital. Elle fait l’historique de la question du « dépouillement du surplus », en remontant à son origine, dans la Loi telle qu’elle était en vigueur avant l’année 1972. Elle fait un examen approfondi de l’ancien paragraphe 247(1). Elle cite la note technique du ministère des Finances et soutient que l’impôt s’applique lorsque l’on retire des fonds d’une entité en sus du montant qui y a été placé. Lorsque la DGAE a été adoptée et que le paragraphe 247(1) a été abrogé, la DGAE devait s’appliquer aux opérations visées au paragraphe 247(1).

 

·        L’intimée affirme que les tribunaux conviennent que l’évitement est inapproprié dans le cas où des opérations effectuées par des parties ayant un lien de dépendance entraînent [traduction] « le retrait des fonds d’une entreprise au moyen de la “fabrication” d’un gain en capital donnant droit à la déduction prévue à l’article 110.6 de la Loi »[18]. Quatre décisions sont citées à l’appui[19] et, en particulier, les remarques que le juge Bowman a faites dans la décision RMM au sujet du dépouillement du surplus qu’il voyait comme un abus dans l’application de la Loi dans son ensemble.

 

·        L’intimée soutient que le moment pertinent, aux fins de l’imposition des dividendes réputés, est celui où ces dividendes sont gagnés, et non celui où ils sont retirés d’un compte bancaire. L’intimée cite le Bulletin d’interprétation IT‑221R3[20] et déclare que le Dr MacDonald fut un résident canadien jusqu’à ce qu’il soit entré aux États‑Unis. En effet :

 

°        Le Dr MacDonald a signé les ententes avant de quitter le Canada;

 

°        Les ententes reconnaissent la résidence canadienne du Dr MacDonald.

 

°        Le Dr MacDonald a signé les déclarations des douanes américaines à titre de non‑résident des États‑Unis;

 

°        Le Dr MacDonald détenait encore des comptes bancaires canadiens et un permis de conduire du Nouveau‑Brunswick, et ses véhicules étaient encore immatriculés au Nouveau‑Brunswick après le 25 juin 2002.

·        Subsidiairement, l’intimée affirme que la résidence du Dr MacDonald pouvait au plus tôt prendre fin au moment où il a franchi la frontière. Les dividendes auraient néanmoins été gagnés avant qu’il franchisse la frontière. Telle était la position de l’appelant lorsqu’il a produit sa déclaration. L’intention de l’appelant était d’avoir sa résidence au Canada, du moins jusqu’à ce qu’il franchisse la frontière. Il est possible de dire que l’attention minutieuse qu’il a portée à son déménagement étaye ce résultat et l’assure. En fait, l’argument invoqué est le suivant : la preuve n’est pas suffisamment claire pour réfuter l’hypothèse de l’intimée, lorsque celle‑ci affirme que l’appelant résidait au Canada pendant la période pertinente.

 

·        Aucune décision portant sur les questions de résidence n’a été présentée. En ce qui concerne une lettre de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») dans laquelle il est dit que le Dr MacDonald était un non‑résident au 25 juin 2002, l’intimée affirme que l’ARC a depuis lors procédé à un examen plus approfondi qui lui a fait changer d’idée. L’intimée cite la décision Ludco v. R.[21] et affirme que la lettre ne lie pas l’ARC.

 

[36]   D’une façon plus générale, l’argument de l’intimée donne intrinsèquement à penser que le paragraphe 84(2) devrait s’appliquer dès qu’un actionnaire a accès à des bénéfices non répartis, directement ou indirectement, pour que la rentrée de fonds soit qualifiée de dividende. Il est affirmé qu’il s’agit de la fin recherchée. En fait, l’intimée veut que le paragraphe 84(2) s’applique de façon que le montant soit traité à titre de dividende, comme cette disposition devait le faire, ce qui aurait pour effet de contrecarrer la fin abusive alléguée que recherche le contribuable dans ce cas‑ci. J’axerai donc mon analyse sur la portée et sur l’objet du paragraphe 84(2) en tant que disposition d’évitement. Si je conclus que le paragraphe 84(2) ne s’applique pas dans ce cas‑ci, l’intimée invoque l’article 245. L’application de la DGAE permettrait à l’intimée de s’assurer que le montant que l’appelant a reçu de PC est considéré comme un dividende que celui‑ci a reçu en sa qualité d’actionnaire, pendant qu’il résidait au Canada.

 


Les prétentions de l’appelant

 

[37]   Les prétentions de l’appelant peuvent être traitées sous les titres des deux dispositions dont il est ici question, à savoir le paragraphe 84(2) et l’article 245. L’argument subsidiaire concernant la résidence de l’appelant sera examiné sous le titre de la résidence.

 

          Paragraphe 84(2) :

 

·        L’argument de l’appelant est qu’au moment de la distribution ou de l’attribution des actifs de PC, il n’était pas un actionnaire. L’appelant cite la décision clé Maccala v. The Queen[22] et il affirme que le paragraphe 84(2) ne peut pas s’appliquer dans ce cas‑ci parce qu’au moment de l’attribution ou de la distribution, il était un créancier de la société et non un actionnaire. La distribution a dans ce cas‑ci été effectuée en faveur de l’actionnaire inscrit – à savoir 601 Ltd. et non l’appelant.

 

·        De plus, si un avantage a été conféré à l’appelant en sa qualité d’actionnaire, il ne s’agissait pas d’un avantage conféré lors de la liquidation ou de la cessation de l’exploitation de l’entreprise de PC étant donné que les activités de la société à l’égard de cette entreprise, comme le fait de s’occuper des créances, se sont poursuivies après l’attribution en faveur de l’appelant.

 

·        L’appelant se fonde également sur le fait que les opérations ont été réalisées à leurs justes valeurs marchandes. Les dispositions de l’article 69 de la Loi ne sont pas pertinentes; de plus, l’appelant n’a tiré aucun avantage de la réalisation des opérations en question du fait qu’il y avait, entre J.S. et lui‑même, un lien de dépendance.

 

          Article 245 :

 

·        L’appelant affirme que, dans ce cas‑ci, il n’y avait aucun avantage fiscal étant donné que les opérations visaient à éviter un impôt américain en créant un gain en capital au Canada avant son départ aux États‑Unis.

 

·        L’appelant cite la décision Evans c. R.[23] et il affirme qu’il n’y a pas d’opération d’évitement. Il fait valoir que le ministre du Revenu national (le « ministre ») ne devrait pas être en mesure de qualifier autrement des opérations qui sont permises en vertu de la Loi comme moyen de repérer un évitement d’impôt.

 

·        L’appelant affirme en outre que les opérations n’étaient pas abusives. Elles ne contrecarrent pas une disposition précise de la Loi visant à empêcher le résultat obtenu; elles n’entraînent pas non plus un abus dans l’application d’une disposition de la Loi; elles ne contournent pas l’objet ou l’esprit des dispositions de la Loi et elles n’entraînent pas d’abus dans l’application des dispositions de la Loi lue dans son ensemble.

 

·        Un débat du Sénat et un débat de la Chambre des communes ont été cités en vue d’indiquer l’intention du législateur d’éviter la double imposition. De plus, l’utilisation de pertes en capital accumulées en vue de mettre à l’abri des gains en capital était clairement un allégement prévu par la Loi.

 

·        D’une façon plus générale, l’appelant soutient qu’il n’y a pas abus dans l’application des dispositions de la Loi lorsque l’on conclut une opération qui permet l’utilisation de pertes passées véritables. Il affirme en outre que s’il est conclu, eu égard aux faits de l’affaire, que l’objet des opérations était de qualifier autrement le revenu, l’objet principal véritable de ces opérations n’était pas de conférer l’avantage fiscal qui consistait à utiliser des pertes en capital disponibles et des pertes en capital reportées prospectivement, mais d’éviter la double imposition à laquelle donneraient lieu les règles concernant les dispositions réputées au Canada et l’omission des dispositions d’imposition américaines, à ce moment‑là, de comptabiliser le prix de base majoré des actions de PC.

 

Résidence de l’appelant :

 

·        À titre subsidiaire, l’appelant me demande de conclure qu’il ne résidait pas au Canada au moment pertinent, si je conclus que la distribution ou attribution alléguée doit être traitée à titre de dividende.

 

·        Il est affirmé que, selon cette approche, la Loi imposerait uniquement une retenue d’impôt sur le dividende au taux de 15 p. 100, ou même de 5 p. 100, selon l’application des dispositions de la Convention Canada‑États‑Unis[24].

 

Analyse

 

Paragraphe 84(2)

 

[38]   Le paragraphe 84(2) est libellé ainsi :

 

84(2) Distribution lors de la liquidation, etc.Lorsque des fonds ou des biens d’une société résidant au Canada ont, à un moment donné après le 31 mars 1977, été distribués ou autrement attribués, de quelque façon que ce soit, aux actionnaires ou au profit des actionnaires de toute catégorie d’actions de son capital-actions, lors de la liquidation, de la cessation de l’exploitation ou de la réorganisation de son entreprise, la société est réputée avoir versé au moment donné un dividende sur les actions de cette catégorie, égal à l’excédent éventuel du montant ou de la valeur visés à l’alinéa a) sur le montant visé à l’alinéa b) :

a) le montant ou la valeur des fonds ou des biens distribués ou attribués, selon le cas;

b) le montant éventuel de la réduction, lors de la distribution ou de l’attribution, selon le cas, du capital versé relatif aux actions de cette catégorie;

chacune des personnes qui détenaient au moment donné une ou plusieurs des actions émises est réputée avoir reçu à ce moment un dividende égal à la fraction de l’excédent représentée par le rapport existant entre le nombre d’actions de cette catégorie qu’elle détenait immédiatement avant ce moment et le nombre d’actions émises de cette catégorie qui étaient en circulation immédiatement avant ce moment.

 

[39]   Le bien que l’appelant a reçu, du moins au début de la série d’événements, est un billet – le billet de J.S. Il ne s’agit pas d’un bien appartenant à PC.

 

[40]   À la suite de la série d’événements, l’appelant a reçu le paiement du billet de J.S. à titre de créancier de PC et il a été payé en tant que tel à l’aide de fonds provenant de PC.

 

[41]   L’intimée me demande de conclure que l’appelant a reçu ces fonds de PC en sa qualité d’actionnaire.

 

[42]   D’autre part, l’intimée a reconnu que chaque opération de la série menant à la réception par l’appelant de fonds de PC était une opération juridiquement valable créant de véritables obligations entre toutes les parties en cause dans la série.

 

[43]   La distribution des fonds de PC à titre de dividende versé à 601 Ltd. en sa qualité d’unique actionnaire était donc un dividende juridiquement valable[25]. Les opérations qui ont suivi, par lesquelles l’appelant est devenu un créancier de PC, étaient également des opérations juridiquement valables. Sur le plan juridique, il ne devrait donc pas vraiment être contesté que l’appelant a reçu les fonds de PC en sa qualité de créancier.

 

[44]   La mention que je fais de la série d’« opérations juridiquement valables » découle de l’abandon de la position qui a été prise dans la cotisation, à savoir que les opérations en question constituaient un trompe‑l’œil. Cela étant, j’ai conclu, eu égard aux faits de l’affaire, que les opérations en question étaient juridiquement valables et qu’elles donnaient lieu aux droits et obligations que les dispositions de ces opérations créaient.

 

[45]   Autrement dit, je suis d’avis que tout droit de l’appelant existe en tant que contrepartie de la vente des actions. Il ne s’agit pas d’un droit vis‑à‑vis de l’appelant et de PC, c’est‑à‑dire que le droit de recevoir 525 068 $ n’est pas un droit vis‑à‑vis de l’appelant et de la société.

 

[46]   Cela étant, le paragraphe 84(2), selon ses termes exprès, ne peut pas s’appliquer pour qu’un dividende soit réputé avoir été versé à l’appelant dans ce cas‑ci.

 

[47]   Néanmoins, l’intimée avance essentiellement trois arguments. Premièrement, elle se fonde sur les mots « de quelque façon que ce soit ». Deuxièmement, elle se fonde sur la décision RMM. Troisièmement, elle se fonde sur une interprétation téléologique plutôt que littérale de la disposition en question. Ce troisième argument mène à l’argument selon lequel le paragraphe 84(2) est une disposition anti‑évitement qui, plus précisément, traite de ce que l’on appelle communément le dépouillement du surplus. En réponse à cet aspect de l’argument de l’intimée, l’appelant a renvoyé la Cour à des décisions anticipées connexes de l’ARC en matière d’impôt sur le revenu, portant sur les opérations concernant le dépouillement du surplus dans un contexte post mortem. J’examinerai ce point comme complément du troisième argument de l’intimée.

 

[48]   L’argument de l’intimée fondé sur les mots « de quelque façon que ce soit » est à mon avis voué à l’échec. Dans ce cas‑ci. les biens de PC ont été distribués sous la forme de dividendes. C’est l’actionnaire, 601 Ltd., qui a tiré parti de cette distribution. Le libellé exprès, « de quelque façon que ce soit », n’a pas pour effet de réacheminer le versement du dividende vers quelqu’un d’autre. La disposition en question porte sur les modalités de distribution en faveur de l’actionnaire au moment de la distribution. Si les fonds étaient distribués autrement que sous la forme d’un dividende, 601 Ltd. serait réputée, conformément au paragraphe 84(2), avoir reçu un dividende (peu importe que la chose comporte ou non une conséquence fiscale pour cet actionnaire à ce moment‑là).

 

[49]   Le droit de l’appelant découle du fait qu’il était créancier du tiers acheteur. Il importe de comparer le libellé du paragraphe 84(2) et celui du paragraphe 84(3). Cette dernière disposition porte sur une acquisition d’actions, un dividende étant réputé avoir été reçu si le montant versé pour les actions acquises excède le capital versé de ces actions. Cette disposition porte uniquement sur l’acquisition par une société de son propre capital‑actions, mais elle confirme qu’une disposition portant d’une façon plus générale sur des montants versés pour des actions acquises aurait expressément pu être libellée d’une façon similaire à l’égard de l’élément « dividende réputé » lorsque la société, directement ou indirectement, finance le paiement du prix d’achat. Le fait que le paragraphe 84(2) ne comporte aucun libellé exprès de ce genre démontre, selon moi, que sa portée n’était pas destinée à s’appliquer à des paiements effectués à titre de contrepartie versée pour une vente d’actions.

 

[50]   De fait, comme je l’ai déjà dit, selon le libellé exprès du paragraphe 84(2), seule la personne qui est actionnaire au moment de la distribution ou de l’attribution peut être réputée recevoir un dividende. Ce libellé, que je reproduirai encore une fois, en le soulignant, est le suivant :

 

Lorsque des fonds ou des biens d’une société [...] ont, [...] été distribués ou autrement attribués, de quelque façon que ce soit, aux actionnaires ou au profit des actionnaires [...] lors de la liquidation, de la cessation de l’exploitation ou de la réorganisation de son entreprise, la société est réputée avoir versé au moment donné un dividende sur les actions de cette catégorie, égal à [...] chacune des personnes qui détenaient au moment donné une ou plusieurs des actions émises est réputée avoir reçu à ce moment un dividende égal à [...] [Non souligné dans l’original.]

 

[51]   Un tel libellé ne permet pas de conclure, en l’espèce, qu’il peut s’appliquer de façon que le prix de vente des actions payé à l’appelant soit réputé constituer un dividende.

 

[52]   En outre, la gestion continue des affaires de PC par l’appelant n’indique pas du tout en quelle qualité l’appelant a obtenu son droit sur les actifs de PC. Cela n’établit pas une propriété effective des actions de PC qui soit différente de la propriété légale. La société 601 Ltd. détenait à la fois la propriété légale et la propriété effective des actions de PC. Le fait que 601 Ltd. détenait des actions dans une société qui possédait des actifs liquides d’une valeur égale à ses obligations et le fait que 601 Ltd. a consenti à laisser l’unique créancier de la société à la tête de la société à titre d’unique dirigeant et administrateur, ou qu’elle a convenu de le faire, n’ont pas en tant que tels pour effet de déclencher l’application de principes de droit qui feraient du créancier un actionnaire.

 

[53]   Quoi qu’il en soit, l’intimée n’a invoqué aucun principe de droit qui permette de faire un tel bond. Ainsi, il n’a pas été soutenu qu’il existait un mandat ou une fiducie. Si un tel argument avait été avancé, il aurait été rejeté. Au mieux, à défaut d’affirmer que le transfert de la propriété légale était artificiel ou qu’il s’agissait d’un trompe-l’œil, la piste contractuelle pertinente dans ce cas‑ci est celle qui se rattache aux fonds. Même s’il était possible de dire, en suivant cette piste, que les sommes distribuées à 601 Ltd. étaient indirectement détenues au profit de l’appelant, le droit de celui‑ci serait encore celui que possède un créancier. À ce moment‑là, l’appelant était un créancier de J.S., qui était un créancier de 601 Ltd. Le fait qu’il est possible de dire que 601 Ltd. a assumé l’obligation que J.S. avait envers l’appelant en paiement de sa dette envers J.S. ne change rien au fait que le droit de l’appelant était celui d’un créancier.

 

[54]   Cela m’amène au deuxième argument de l’intimée, fondé sur la décision RMM. Il s’agit de la principale décision faisant autorité que la Couronne invoque pour affirmer que je devrais reconnaître que l’appelant a reçu les biens de PC à titre d’actionnaire pour l’application du paragraphe 84(2). Un passage de la décision RMM a été cité, dans lequel le juge Bowman (tel était alors son titre) a dit que la vente d’actions et la liquidation d’une entreprise se complétaient. « La vente n’était qu’un aspect de l’opération décrite au paragraphe 84(2), qui donne lieu au dividende réputé »[26]. Cela voulait dire que la qualité de créancier était inextricablement liée à la distribution à titre d’actionnaire.

 

[55]   Je ne suis pas convaincu qu’il soit possible de faire abstraction dans ce cas‑ci de la distinction entre un actionnaire et un créancier. Il est vrai, en l’espèce, que la vente des actions et les distributions effectuées lors de la liquidation étaient complémentaires et que, grâce à un acheteur intermédiaire amical, les fonds d’entreprise se sont retrouvés entre les mains d’un « ancien » actionnaire, à savoir l’appelant. Dans l’affaire RMM, un acheteur d’actions avait également été introduit en tant qu’intermédiaire pratique en vue de permettre à la valeur de la société acquise de se retrouver entre les mains de l’ancien actionnaire, de sorte que, dans ce cas‑là, le contribuable puisse éluder la retenue d’impôt canadienne. Il est donc vrai que les faits de l’affaire RMM ne peuvent pas facilement être distingués de ceux de la présente espèce, si ce n’est que la cible de la cotisation, dans cette affaire‑là, se rapportait à l’évitement de retenues d’impôt canadiennes, ce qui n’est pas ici le cas.

 

[56]   Toutefois, la décision RMM peut être mise en contraste avec la décision McNichol v. The Queen[27]. Dans la décision McNichol, le juge Bonner est arrivé à une conclusion différente au sujet du paragraphe 84(2) : la vente des actions d’une société dont le seul actif était composé de l’encaisse ne déclenchait pas l’application du paragraphe 84(2), même si l’objet de la vente était de permettre au vendeur des actions d’avoir accès à l’exemption pour gains en capital plutôt qu’à un dividende.

 

[57]   Dans cette affaire‑là, comme dans la présente affaire, une entreprise acheteuse accommodante (qui avait par la suite fusionné avec la société) a été utilisée, quoique les fonds de la société utilisés aux fins du versement aux vendeurs d’actions de leur produit de disposition provenaient d’un emprunt. En fin de compte, l’intermédiaire acheteur a utilisé l’argent de la société afin de rembourser l’emprunt qu’il avait contracté afin de financer l’achat des actions. Le juge Bonner a strictement appliqué le texte du paragraphe 84(2) en concluant qu’il ne s’appliquait pas, bien qu’il ait tiré une conclusion défavorable aux contribuables en vertu de la DGAE.

 

[58]   Dans la décision RMM, le juge Bowman a fait une distinction à l’égard de la décision McNichol[28]. La distinction que le juge Bowman a faite semble être fondée sur le recours flagrant ou transparent à l’intermédiaire dans l’affaire RMM. Il serait possible de soutenir que les opérations qui ont été conclues dans l’affaire McNichol étaient elles aussi flagrantes et transparentes.

 

[59]   Avec égards, je ne suis pas d’accord pour dire que les distinctions qui ont été faites dans la décision RMM devraient limiter la portée de la décision qui a été rendue dans l’affaire McNichol. À mon avis, l’approche adoptée dans la décision McNichol, à savoir se fonder sur l’article 245 lorsque le paragraphe 84(2) ne s’applique pas, selon une interprétation stricte de son libellé, est celle qu’il convient d’adopter. Je donnerai ci‑dessous des précisions en analysant la question du dépouillement du surplus, qui est au cœur de ce que j’ai appelé le troisième argument de l’intimée, ainsi qu’en examinant ce point dans l’analyse de la DGAE qui suit.

 

[60]   Premièrement, je note qu’un autre aspect de la décision McNichol vaut la peine d’être mentionné. Il est vrai que l’entente concernant la vente des actions de PC en l’espèce doit avoir prévu l’utilisation des fonds de l’entreprise comme moyen de financer l’achat. Le vendeur actionnaire, tout en étant encore actionnaire, avait l’avantage de savoir que la série d’opérations qui devaient être conclues après la vente était structurée de façon à accomplir cet objectif. C’est également le cas dans l’affaire McNichol, où tous les intéressés savaient que les événements postérieurs à la vente des actions allaient se produire. Néanmoins, selon le juge Bonner, cette connaissance n’entraînait pas d’obligation de déclencher ces événements.

 

[61]   Quoi qu’il en soit, ce n’est pas la promesse ou la prévisibilité d’un avantage pendant qu’une personne est actionnaire qui déclenche l’application du paragraphe 84(2). Cette disposition exige qu’il y ait distribution ou attribution de quelque façon que ce soit au profit d’une personne qui est un actionnaire lors de cette distribution ou de cette attribution. Une structure établie pendant qu’une personne est un actionnaire qui assure, au moyen d’une série d’opérations, l’accès aux fonds de l’entreprise en vue d’acquitter une dette créée par suite du fait que la personne en cause cesse d’être un actionnaire ne veut pas dire que cette personne reçoit ces fonds, ou reçoit un avantage, en sa qualité d’actionnaire.

 

[62]   Par conséquent, je suis encore d’avis que le texte du paragraphe 84(2) n’impose pas une exigence voulant que les paiements effectués en faveur d’un créancier soient qualifiés autrement comme étant des paiements en faveur d’un actionnaire.

 

[63]   Cela m’amène à ce que je considère comme le troisième argument de l’intimée. En plaidant une interprétation téléologique plutôt que littérale du paragraphe 84(2), l’intimée affirme intrinsèquement que, dans ce cas‑ci, il y a eu un abus dans l’application de la Loi, plus grave que celui qui se rapporte à l’interaction des gains en capital et des pertes en capital dans le calcul du revenu et du revenu imposable. Comme il en a déjà été fait mention dans les présents motifs, en ce qui concerne le paragraphe 18 de la réponse, la question plus générale se rapporte à l’évitement des conséquences ordinaires des distributions d’actifs de l’entreprise, à titre de dividendes, qui doivent se produire au moment de la liquidation ou de la cessation de l’exploitation de l’entreprise. Plus précisément, il ne s’agit pas tant d’une question qui se pose quant à un avantage fiscal particulier qui pourrait résulter de la différence d’impôt lorsque les actionnaires ont accès à des bénéfices non répartis à titre de dividende par opposition à lorsqu’ils obtiennent un traitement à titre de gains en capital, mais d’une question découlant de l’idée selon laquelle l’objet du paragraphe 84(2), tel qu’il a été adopté au moyen de la législation portant sur les dispositions d’immobilisations postérieures à l’année 1971, était d’empêcher le traitement à titre de gains en capital. La thèse avancée est qu’il s’agissait, et qu’il s’agit encore, d’une disposition anti‑évitement dont le libellé doit être interprété d’une façon plus générale en vue d’assurer un traitement à titre de dividende lorsqu’un contribuable reçoit indirectement les bénéfices non répartis d’une société qu’il avait le droit de recevoir en sa qualité d’actionnaire.

 

[64]   À mon avis, cette thèse est ténue. C’est un bond encore plus grand que de soutenir que la disposition postérieure à l’année 1971, suivant l’ancien modèle, visait à assurer les restrictions applicables après l’année 1971 quant à l’utilisation de pertes en capital, lorsque ni ces pertes ni ces restrictions n’existaient dans la loi telle qu’elle s’appliquait avant l’année 1972. De fait, les renvois historiques invoqués par l’intimée montrent que ce troisième argument constitue en fait une attaque portant sur les opérations relatives au dépouillement du surplus en tant que telles.

 

[65]   Cela me semble être une question se rattachant à la DGAE, mais avant de procéder à l’analyse, comme l’intimée soutient que ce fondement, en ce qui concerne le paragraphe 84(2), milite contre une interprétation littérale de cette disposition, il importe de faire des remarques additionnelles au sujet du dépouillement du surplus dans le contexte de la disposition en question.

 

[66]   À mon avis, il n’y a rien dans le libellé du paragraphe 84(2) qui permette de conclure à l’existence d’un fondement autre que celui selon lequel les distributions de liquidation qu’une société effectue à ses actionnaires à l’aide de ses bénéfices – ces actionnaires détenant une catégorie particulière d’actions – doivent être traitées comme des dividendes, si la distribution excède le capital versé de la catégorie particulière d’actions détenues par les personnes qui bénéficient de la distribution. Cet énoncé du fondement figure aux alinéas 84(2)a) et b). D’une façon plus générale, ce fondement fait partie d’un thème constant selon lequel les bénéfices non répartis d’une société constituent une source de dividendes et que leur utilisation ou leur retrait au profit d’actionnaires ne devrait pas être assujetti à un traitement fiscal différent de celui qui s’applique aux dividendes[29].

 

[67]   Ceci dit, il est loin d’être certain que le paragraphe 84(2) ait été une disposition anti‑évitement visant à assurer ce résultat dans le cas d’un soi‑disant dépouillement du surplus, soit ce que le plan fiscal de l’appelant visait à accomplir. Le dépouillement du surplus dans ce cas‑ci consistait en ce que les actions de l’appelant avaient été acquises à l’aide des fonds de la société, acheminés par l’entremise d’une société liée sous forme de dividende libre d’impôt. Ce dépouillement classique dans l’ancien régime était assujetti à une disposition anti‑évitement précise, à savoir l’article 138A de l’ancienne Loi qui s’appliquait avant l’année 1972. En 1972, cette disposition a été remplacée par l’article 247, qui a été abrogé en 1988. La disposition qui a survécu est bien sûr l’article 245. Dans ces conditions, c’est cette disposition qu’il faut examiner. C’est essentiellement ce que le juge Bonner a conclu dans la décision McNichol, et je souscris à son avis.

 

[68]   En arrivant à cette conclusion, je ne puis faire abstraction de la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l’arrêt Smythe et al. c. Ministre du Revenu national[30], même si les parties n’en ont pas directement fait mention. Dans cette affaire‑là, la Couronne avait eu gain de cause en appliquant à un dépouillement de dividende le paragraphe 81(1) de la Loi telle qu’elle existait avant l’année 1972 (soit la disposition qui existait avant que le paragraphe 84(2) soit édicté). La Cour suprême du Canada a jugé inutile d’exprimer un avis au sujet de la portée du paragraphe 137(2) de la Loi telle qu’elle existait avant l’année 1972 comme condition de l’application de l’ancien paragraphe 81(1), mais il est intéressant de noter que la Cour de l’Échiquier s’est fondée sur cette ancienne disposition à titre de disposition interdisant le dépouillement d’un dividende. Le paragraphe 137(2) était une disposition portant sur les opérations artificielles. Si une opération conférait artificiellement un avantage, l’avantage était réputé avoir été conféré « nonobstant la forme ou l’effet juridique des opérations ». La Cour suprême du Canada s’est simplement fondée sur le caractère artificiel de l’opération qui donnait lieu au dépouillement de dividende sans se fonder sur l’ancien paragraphe 137(2). Or, en l’espèce, il n’a pas été allégué que les opérations en question étaient artificielles. En outre, et ce qui est important, comme il en a déjà été fait mention dans les présents motifs, l’ancien paragraphe 137(2) a été remplacé dans la Loi postérieure à l’année 1971 par l’ancien article 247, qui est devenu l’article 245 actuel en 1988[31]. Tout cela pour dire que la disposition qu’il convient d’appliquer en l’espèce, puisque la question du trompe-l’œil a été supprimée comme fondement de la cotisation, est à mon avis l’article 245 de la Loi.

 

[69]   Par conséquent, rien ne me permet de conclure qu’une analyse contextuelle téléologique du paragraphe 84(2) commanderait une interprétation moins littérale de son libellé que celle qui doit s’appliquer, selon ce que j’ai conclu, quoiqu’il reste un dernier aspect de cet argument dont il faut traiter.

 

[70]   J’ai ci‑dessus fait remarquer qu’il faut traiter d’un autre aspect de la position que le ministre a prise à l’encontre du dépouillement du surplus. Cet aspect a été soulevé par l’avocat de l’appelant, qui m’a renvoyé à ce qui était selon lui une stratégie de planification fiscale analogue concernant le dépouillement du surplus au sujet de laquelle l’ARC avait rendu des décisions anticipées. Je traiterai plus loin de cette stratégie dans la planification fiscale post mortem comportant une stratégie dite du « pipeline ».

 

[71]   Il va sans dire que les décisions de l’ARC ont normalement peu de poids lorsqu’il s’agit pour la Cour de décider de la façon dont il faut interpréter et appliquer le libellé d’une disposition de la Loi. Toutefois, les pratiques de l’ARC en ce qui concerne les stratégies de planification fiscale visant le dépouillement du surplus dans un autre contexte tendent à montrer jusqu’à quel point il est difficile d’appliquer le paragraphe 84(2) lorsque l’analyse n’est pas uniquement axée sur l’abus.

 

[72]   Le contexte dans lequel les décisions portant sur le dépouillement du surplus sont pertinentes est celui de l’évitement de la double imposition au moment du décès. La planification fiscale post mortem vise habituellement à éviter la double imposition en assurant ou en préservant le traitement à titre de dividende ou le traitement à titre de capital lorsque les fonds d’une société appartenant au défunt au moment du décès sont distribués à la succession.

 

[73]   La double imposition résulte de la disposition réputée des immobilisations au moment du décès, ce qui pourrait déclencher un gain en capital sur les actions détenues par le défunt au moment de son décès, et un dividende imposable subséquent – ou un dividende réputé en vertu du paragraphe 84(2) – sur la distribution des fonds de la société en faveur de la succession. Cette distribution diminue la valeur des actions et crée une perte en capital pour la succession au moment du retrait des actions héritées à un prix de base rajusté (le « PBR ») élevé par suite de la disposition réputée par le défunt à leur juste valeur marchande (la « JVM »)[32]. Si cette liquidation de la société est effectuée au cours de la première année qui suit le décès, la perte en capital de la succession peut être reportée rétrospectivement à l’année du décès du défunt, éliminant ainsi le gain en capital résultant de la disposition réputée conformément au paragraphe 164(6). La chose évite la double imposition, en ce sens que les bénéfices non répartis de la société ont uniquement été imposés une seule fois à titre de dividende entre les mains de la succession. Ce qui est encore plus important, c’est que cela montre également que la Loi, dans ce cas‑ci du moins, ne se préoccupe pas de la différence entre le traitement à titre de gain en capital et le traitement à titre de dividende, c’est‑à‑dire que le traitement à titre de dividende, qu’il soit pleinement intégré ou non, est acceptable.

 

[74]   Il est possible de soutenir qu’il s’agit d’une circonstance exceptionnelle, mais elle n’est pas particulièrement exceptionnelle lorsqu’elle permet au gain en capital d’être traité comme s’il s’agissait d’un dividende. Elle est exceptionnelle lorsqu’elle permet à une perte en capital d’être transférée à un contribuable différent au cours d’une année d’imposition différente. Dans toute autre circonstance, cela déclencherait probablement l’application de la DGAE si la chose était accomplie au moyen d’une opération d’évitement.

 

[75]   Même si cette circonstance est exceptionnelle lorsqu’elle permet au gain en capital d’être traité comme s’il s’agissait d’un dividende, elle le fait au moyen d’une comptabilité ou un rapprochement final des gains en capital et des pertes en capital du défunt. Une situation similaire existe dans le contexte d’un départ du Canada. Assurer un résultat similaire au moyen d’une opération d’évitement ne me semble pas abusif.

 

[76]   Ceci dit, je note que la décision anticipée en matière d’impôt sur le revenu mentionnée par l’avocat de l’appelante se rapporte à l’utilisation par la succession d’une société de portefeuille nouvellement constituée. La succession transfère les actions de la société qui appartenaient au défunt au moment du décès (la « société du défunt ») à la nouvelle société de portefeuille. La contrepartie versée pour le transfert est un billet d’une valeur égale à la JVM des actions transférées, qui ne déclenche pas de gain en capital étant donné le PBR élevé pour la succession des actions de la société du défunt. La société du défunt verse un dividende de liquidation à la société de portefeuille, qui utilise les fonds en vue de payer le billet détenu par la succession. Cela évite un double impôt : les bénéfices non répartis de la société du défunt ont uniquement été imposés une fois, à titre de gain en capital réalisé par le défunt au cours de l’année du décès.

 

[77]   Ce plan post mortem est parfois désigné sous le nom de stratégie du pipeline post mortem. Cette stratégie, comme c’est ici le cas, vise à éviter le traitement à titre de dividende au moyen de mesures destinées à assurer que la personne qui se livre à cette planification fiscale reçoit le dividende de liquidation en sa qualité de créancier. On choisit d’accepter le traitement à titre de gain en capital au moment du décès, par opposition à un traitement à titre de dividende au moment où la succession reçoit les actifs de l’entreprise.

 

[78]   L’ARC a publié des décisions anticipées en matière d’impôt sur le revenu selon lesquelles pareilles opérations effectuées selon la stratégie du pipeline post mortem ne seront pas assujetties au paragraphe 84(2) si la distribution de liquidation n’a pas lieu dans un délai d’un an et qu’au cours de cette période, la société du défunt continue à exercer les activités auxquelles elle se livrait avant le décès[33].

 

[79]   Ce plan post mortem est clairement analogue à celui que l’appelant a adopté dans ce cas‑ci. Dans les deux cas, l’accès aux bénéfices d’une société est assuré de façon à éviter le traitement à titre de dividende. De plus, dans les deux cas, le rapprochement est effectué à un moment précis – au décès ou au départ du Canada. Les conditions imposées aux opérations post mortem, si elles sont imposées dans ce cas‑ci, montreraient que la pratique de l’ARC en matière de cotisation était uniforme lorsqu’il s’agissait de tenter d’appliquer le paragraphe 84(2). Le message semble être le suivant : si le dépouillement est effectué suffisamment lentement pour satisfaire à l’« épreuve olfactive » mise au point, il n’y aura pas de problème.

 

[80]   À mon avis, cet état de choses n’est pas satisfaisant. Le libellé exprès du paragraphe 84(2) ne commande pas les conditions clairement arbitraires qui sont imposées. Selon moi, il s’agit de conditions imposées par la nécessité, sur le plan administratif, de ne pas abandonner, et de fait de respecter, la pratique en matière de cotisation que la décision RMM semble dicter. Si l’on insiste moins sur le caractère artificiel, la menace que présente le paragraphe 84(2) disparaît. Cet état insatisfaisant de choses disparaît d’une façon plus appropriée une fois qu’il est reconnu qu’il faut interpréter le paragraphe 84(2) d’une façon plus littérale dans tous les cas et que la DGAE s’applique aux cas d’abus.

 

[81]   L’analyse qui a été effectuée dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada[34] cadre bien avec cette approche générale :

 

11 [] le caractère détaillé et précis de nombreuses dispositions fiscales a souvent incité à mettre l’accent sur l’interprétation textuelle. Lorsque le législateur précise les conditions à remplir pour obtenir un résultat donné, on peut raisonnablement supposer qu’il a voulu que le contribuable s’appuie sur ces dispositions pour obtenir le résultat qu’elles prescrivent.

 

12 Les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu doivent être interprétées de manière à assurer l’uniformité, la prévisibilité et l’équité requises pour que les contribuables puissent organiser intelligemment leurs affaires. Comme l’affirme la Cour, au par. 45 de l’arrêt Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622 :

 

[E]n l’absence d’une disposition expresse contraire, il n’appartient pas aux tribunaux d’empêcher les contribuables de recourir, dans le cadre de leurs opérations, à des stratégies complexes qui respectent les dispositions pertinentes de la Loi, pour le motif que ce serait inéquitable à l’égard des contribuables qui n’ont pas opté pour cette solution. [Nous soulignons.]

 

Voir également l’arrêt 65302 British Columbia, par. 51, où le juge Iacobucci cite P. W. Hogg et J. E. Magee, Principles of Canadian Income Tax Law (2e éd. 1997), p. 475‑476 :

 

[traduction] La Loi de l’impôt sur le revenu serait empreinte d’une incertitude intolérable si le libellé clair d’une disposition détaillée de la Loi était nuancé par des exceptions qui n’y sont pas exprimées, provenant de la conception qu’un tribunal a de l’objet de la disposition.

 

13 La Loi de l’impôt sur le revenu demeure un instrument dominé par des dispositions explicites qui prescrivent des conséquences particulières et commandent une interprétation largement textuelle. À cet ensemble de dispositions détaillées, le législateur a greffé une disposition d’un genre bien différent, la RGAÉ, qui est une disposition générale destinée à invalider, pour le motif qu’ils constituent de l’évitement fiscal abusif, des mécanismes qui seraient acceptables selon une interprétation littérale d’autres dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu. Comme l’indique l’arrêt Shell (par. 45), dans la mesure où la RGAÉ constitue une « disposition [...] contraire », le principe du duc de Westminster et l’accent mis sur l’interprétation textuelle peuvent être atténués. En définitive, comme le précise l’arrêt Shell, « [i]l incombe aux tribunaux d’interpréter et d’appliquer la Loi telle qu’elle a été adoptée par le Parlement » (par. 45). Les tribunaux doivent, dans la mesure du possible, donner effet simultanément à la RGAÉ et aux autres dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu applicables à une opération donnée.

 

[82]   Il me semble que telle est l’approche à adopter dans ce cas‑ci. Eu égard aux circonstances de l’affaire, il n’y a rien dans le paragraphe 84(2) de la Loi qui invite l’ARC ou la Cour à changer la personne qui reçoit l’avantage, ou encore le statut ou la capacité juridique de la personne qui reçoit l’avantage. Qualifier autrement le statut juridique de l’appelant ou en faire abstraction dans ce cas‑ci nous amène à tenir compte de l’application de l’article 245 de la Loi. C’est exactement ce que le paragraphe 245(5) permet dans certaines circonstances. Ce n’est que dans ces circonstances, et uniquement dans ces circonstances, que les opérations en question doivent être qualifiées autrement. Autrement dit, lorsque la DGAE ne s’applique pas en vue de qualifier autrement l’effet juridique d’une série d’opérations, il ne faut pas trop s’empresser d’élargir la portée d’autres dispositions de la Loi en vue d’obtenir ce résultat lorsque leur interprétation stricte ne commande pas un tel résultat. Il s’agit simplement d’un nouvel énoncé d’un principe que la Cour suprême du Canada a établi dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada :


16 [] La RGAÉ a pour objet de supprimer les avantages fiscaux de certains mécanismes qui sont conformes à une interprétation littérale des dispositions de la Loi, mais qui constituent un abus dans l’application de ces dispositions. [...]

 

[83]   Je tiens à ajouter ici que, plus loin dans les présents motifs, les parties apprendront que même si la DGAE est appliquée, l’appelant aura gain de cause. De fait, il s’agit peut‑être bien d’un cas dans lequel le contribuable a avantage à se prévaloir de la DGAE. Les incertitudes que comporte l’application d’une autre disposition de la Loi, telle que le paragraphe 84(2), à un stratagème d’évitement particulier pourraient être réglées en se fondant sur la DGAE, du moins lorsque l’application de la DGAE renforce l’interprétation de l’autre disposition invoquée par le contribuable dans un cas particulier. En pareil cas, la DGAE pourrait bien être considérée comme un bouclier. Le fait que les décisions faisant autorité exigent qu’elle ne soit pas utilisée comme épée lorsqu’une autre épée n’a pas réussi à venir à bout du contribuable[35] ne veut pas pour autant dire qu’il n’est pas possible dans certains cas de l’utiliser comme bouclier, en ce sens qu’il s’agit d’un meilleur critère décisif à appliquer en vue d’empêcher un évitement illégal plutôt que de chercher à étendre la portée d’une disposition minutieusement libellée telle que le paragraphe 84(2).

 

[84]   Quant à l’argument de l’appelant selon lequel l’entreprise de PC n’avait pas été liquidée, je ne suis pas d’accord. Les termes « lors de la liquidation » employés au paragraphe 84(2) se rapportent à une série d’événements qui font partie du processus de liquidation. À mon avis, les distributions ont clairement été effectuées dans ce cas‑ci lors de la liquidation de l’entreprise de PC.

 

[85]   Même si ce n’était pas le cas, il y a du moins eu réorganisation de l’entreprise de PC. En effet, PC, qui exploitait une entreprise médicale alimentant ses activités de placement, est devenue un moyen de détention d’actifs[36]. Toutefois, les actifs n’étaient détenus qu’aux fins de leur distribution complète. Considérées dans leur ensemble, les distributions dans ce cas‑ci faisaient clairement partie d’un processus de liquidation et elles ont donc été effectuées « lors de la liquidation » pour l’application du paragraphe 84(2).

 

[86]   Néanmoins, pour les motifs ci‑dessus énoncés, le paragraphe 84(2) ne s’applique pas en l’espèce.

 

Article 245

 

[87]   La disposition d’imposition de l’article 245 figure au paragraphe 245(2) :

 

245(2) Disposition générale anti‑évitement [DGAE] – En cas d’opération d’évitement, les attributs fiscaux d’une personne doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer un avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, de cette opération ou d’une série d’opérations dont cette opération fait partie.

 

[88]   Les mots « évitement fiscal » et « avantage fiscal » sont définis à l’article 245 et même lorsqu’il est satisfait aux exigences de cette disposition d’imposition, des exceptions à son application sont prévues au paragraphe 245(4).

 

[89]   La façon générale de traiter l’application de ces éléments de l’article 245 a été énoncée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada, et résumée ainsi dans l’arrêt Copthorne Holdings Ltd. c. R.[37] :

 

          1.       Y a‑t‑il eu avantage fiscal?

 

2.       L’opération ayant généré l’avantage fiscal était‑elle une opération d’évitement?

 

3.       L’opération d’évitement ayant généré l’avantage fiscal était‑elle      abusive?

 

Y a‑t‑il eu avantage fiscal?

 

[90]   L’expression « avantage fiscal » est définie au paragraphe 245(1) :

 

(1) Définitions – Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

 

« avantage fiscal » Réduction, évitement ou report d’impôt ou d’un autre montant exigible en application de la présente loi ou augmentation d’un remboursement d’impôt ou d’un autre montant visé par la présente loi. Y sont assimilés la réduction, l’évitement ou le report d’impôt ou d’un autre montant qui serait exigible en application de la présente loi en l’absence d’un traité fiscal ainsi que l’augmentation d’un remboursement d’impôt ou d’un autre montant visé par la présente loi qui découle d’un traité fiscal.

 

[91]   Il est intéressant de noter que la définition de l’« avantage fiscal » n’indique pas expressément si l’avantage en était un auquel le contribuable aurait eu droit même si les opérations qui y ont donné lieu n’avaient pas été exécutées. D’autre part, la Cour suprême du Canada a fait remarquer, dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada, qu’il pourrait être pertinent d’examiner des situations comparables dans un cas comme celui‑ci et elle a réitéré cette remarque au paragraphe 35 de l’arrêt Copthorne :

 

Notre Cour affirme dans Trustco que l’existence d’un avantage fiscal peut être établie en comparant la situation du contribuable à celle qu’aurait produit un autre mécanisme (par. 20), auquel cas il faut que l’autre mécanisme en soit un qui [traduction] « aurait pu raisonnablement avoir été employé n’eût été l’avantage fiscal » (D. G. Duff, et autres, Canadian Income Tax Law (3e éd. 2009), p. 187). En s’attachant à ce que la société aurait fait si elle n’avait pas cherché à bénéficier de l’avantage fiscal, cette démarche vise à isoler l’effet fiscal avantageux de la motivation non fiscale du contribuable.

 

[92]   En déclarant la contrepartie reçue de J.S. à titre de gain en capital plutôt qu’à titre de dividende reçu de PC, l’appelant a pu utiliser les pertes en capital nettes disponibles en vue de compenser le gain. Indépendamment de la question sous‑jacente que l’intimée a soulevée au sujet du dépouillement du surplus et de l’évitement d’un traitement à titre de dividende au moment de la liquidation d’une entreprise, l’utilisation des pertes en capital est le seul avantage fiscal réel que l’intimée a déterminé. Le recours à une approche comparative nous amène à nous demander ce qui aurait probablement été fait si ce n’était de l’obtention de cet avantage.

 

[93]   Ma réponse pourrait bien être que l’appelant aurait quitté le Canada en tant qu’actionnaire de PC. En pareil cas, il bénéficierait de l’avantage fiscal même auquel le mécanisme contesté a donné lieu, ce qui veut dire, comparativement, qu’il n’y a pas du tout d’avantage fiscal. En somme, si l’appelant s’était installé aux États‑Unis et qu’il avait encore détenu ses actions de PC, il aurait eu la possibilité d’utiliser les pertes en question simplement en vertu de la disposition relative à la disposition réputée dont il a ci‑dessus été fait mention dans les présents motifs.

 

[94]   En toute logique, il serait donc possible de conclure qu’il n’y a pas eu d’avantage fiscal dans ce cas‑ci ou du moins que l’avantage fiscal invoqué par l’intimée comme étant pertinent n’existait pas. D’autre part, l’intimée ne s’est pas fondée sur une approche comparative en vue de déterminer l’avantage fiscal dans ce cas‑ci.

 

[95]   Je ne doute aucunement que la cotisation puisse aller de l’avant sans qu’il soit nécessaire de se fonder sur une comparaison. C’est ce qui ressort de l’arrêt Hypothèques Trustco Canada. En effet, aux paragraphes 19 et 20, la Cour a conclu ce qui suit :

 

19        [] La question de savoir s’il existe un avantage fiscal est une question de fait qui est d’abord tranchée par le ministre, et ensuite par les tribunaux, habituellement la Cour de l’impôt [].

 

20        Dans les cas où une déduction est demandée à l’égard d’un revenu imposable, il est évident qu’il existe un avantage fiscal étant donné qu’une déduction entraîne une réduction d’impôt. Dans d’autres cas, il se peut que l’existence d’un avantage fiscal ne puisse être établie qu’au moyen d’une comparaison avec un autre mécanisme. [...]

 

[96]   La Cour inclut ensuite, au paragraphe 20, le cas où il existe un gain en capital par opposition à un revenu d’entreprise à titre d’exemple de cas dans lequel une approche comparative pourrait être utilisée, mais j’estime que cela n’est pas suffisant pour pousser l’analyse, en l’espèce, au‑delà de l’acceptation de l’avantage fiscal simple et clair déterminé par l’intimée, à savoir la création d’un gain en capital permettant l’utilisation des pertes en capital entraînant une réduction de l’impôt à payer.

 

[97]   Je note en outre que le fait de chercher au‑delà de cet avantage fiscal clair que l’intimée a déterminé ne serait pas compatible avec l’approche analytique énoncée dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada, à laquelle l’arrêt Copthorne n’a rien changé.

 

[98]   Au paragraphe 63 de l’arrêt Hypothèques Trustco Canada, sous le titre « Fardeau de la preuve », la Cour a fait la remarque suivante :

 

La détermination de l’existence d’un avantage fiscal et d’une opération d’évitement au sens des par. 245(1), (2) et (3) commande des décisions relatives aux faits. Voilà pourquoi le fardeau de la preuve est le même que dans n’importe quelle instance fiscale où le contribuable conteste la cotisation établie par le ministre et les présomptions de fait qui la sous‑tendent. Au départ, il incombe au contribuable de « réfuter » ou de mettre en doute les présomptions de fait du ministre, en contestant l’existence d’un avantage fiscal [...]

 

[99]   Les hypothèses formulées par le ministre doivent donc être suffisantes pour permettre de déterminer un avantage fiscal particulier sur lequel l’analyse fondée sur l’article 245 met l’accent. Bref, je n’accepte pas cette mention du fardeau qui incombe au contribuable de réfuter l’existence d’un avantage fiscal comme libérant le ministre de l’obligation de déterminer avec certitude l’avantage fiscal auquel ont donné lieu les opérations d’évitement, opérations qui, est‑il allégué, sont abusives. Il ne devrait y avoir aucun doute au sujet de ce que l’appelant doit réfuter. Le fardeau incombe au ministre à cet égard.

 

[100] Toutefois, je dois ici également faire remarquer que la détermination sélective d’un avantage fiscal particulier, par opposition à un autre avantage, comporte un élément arbitraire qui est quelque peu troublant dans ce cas‑ci. Il était clairement loisible au ministre d’établir une cotisation à l’égard des opérations en question en se fondant sur le fait que l’avantage fiscal consistait à éliminer l’impôt de la partie XIII.

 

[101] Il aurait facilement été possible de se fonder sur la situation comparable dans laquelle l’appelant se serait trouvé s’il s’était installé aux États‑Unis sans conclure la vente des actions, s’il avait utilisé ses pertes en capital, et s’il avait ensuite liquidé PC après son déménagement. En fait, tel est le résultat que l’appelant est prêt à accepter selon son argument subsidiaire. Toutefois, le présent appel ne porte pas sur une telle situation. Le ministre a reconnu que les opérations contestées ont effectivement été complétées, comme on l’avait prévu, par un résident du Canada. Néanmoins, comme je l’ai déjà dit, je ne suis pas convaincu que mon analyse sera complète si je me contente de mettre l’accent sur l’avantage fiscal invoqué par le ministre dans ce cas‑ci. À mon avis, l’analyse fondée sur la DGAE ne sera complète que si j’examine de front la question sous‑jacente que l’intimée a soulevée dans le présent appel, à savoir la question du dépouillement du surplus en soi. Je traiterai de cette question sous un titre distinct, soit celui de l’« abus », où je conclurai qu’il est loin d’être certain que, dans un régime intégré société‑actionnaire, il soit possible de dire qu’un dépouillement du surplus en soi constitue un abus de l’esprit et de l’objet de la Loi lue dans son ensemble.

 

[102] Par ailleurs, il est clair que l’analyse fondée sur la DGAE doit à juste titre être axée sur l’avantage fiscal particulier qui, selon le ministre, résulte du dépouillement du surplus, à savoir l’utilisation des pertes en capital nettes de l’appelant.

 

[103] Tel était l’avantage découlant du surplus et, en vertu de la DGAE, c’est cet avantage qui a une pertinence cruciale.

 

[104] Il importe de noter le passage suivant de l’arrêt Hypothèques Trustco Canada :

 

64 [...] La Cour d’appel fédérale [dans OSFC] a statué qu’aucun fardeau ne pèse sur l’une ou l’autre des parties à l’étape de l’interprétation des dispositions en cause, puisqu’il s’agit là d’une question de droit qu’il incombe en fin de compte à la cour de trancher. Elle a ajouté, au par. 68, que « dans une perspective pratique, le ministre doit [...] énoncer la politique générale en mentionnant les dispositions de la Loi ou les moyens extrinsèques sur lesquels il s’appuie ».

 

65 En pratique, c’est le dernier énoncé qui est important. Une fois qu’il a démontré qu’il respecte le libellé d’une disposition, le contribuable ne devrait pas avoir à prouver qu’il n’a pas, de ce fait, contrevenu à l’objet ou à l’esprit de la disposition. Il appartient au ministre qui tente d’invoquer la RGAÉ de décrire l’objet ou l’esprit des dispositions qui auraient été contournées, selon une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique des dispositions de la Loi. Le ministre est mieux placé que le contribuable pour présenter des observations sur l’intention du législateur dans le but d’interpréter les dispositions de façon harmonieuse avec le régime législatif général qui s’applique à l’opération en cause.

 

[105] Il est uniquement possible de dire qu’il y a eu abus de l’objet et de l’esprit d’une disposition particulière de la Loi lorsqu’un avantage fiscal non voulu a été conféré. La question qui se pose ici se rapporte donc aux objectifs et aux politiques de la Loi concernant l’utilisation restreinte des pertes en capital, et non à quelque thème général concernant l’accès aux bénéfices non répartis de l’entreprise autrement qu’à titre de dividende. En somme, l’analyse devrait être axée sur le présumé avantage fiscal non voulu créé par le dépouillement – l’utilisation des pertes en capital.

 

[106] Je procéderai donc sur cette base.

 

L’opération ayant généré l’avantage fiscal était‑elle une opération d’évitement?

 

[107] La DGAE peut uniquement s’appliquer lorsqu’il y a une opération d’évitement, telle qu’elle est définie au paragraphe 245(3) :

 

245(3) Opération d’évitementL’opération d’évitement s’entend :

 

a) soit de l’opération dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s’il est raisonnable de considérer que l’opération est principalement effectuée pour des objets véritables — l’obtention de l’avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable;

 

b) soit de l’opération qui fait partie d’une série d’opérations dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s’il est raisonnable de considérer que l’opération est principalement effectuée pour des objets véritables — l’obtention de l’avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable.

 

[108] Il est bien établi qu’« [u]ne opération d’évitement peut produire un avantage fiscal de façon indépendante ou [qu’]elle peut faire partie d’une série d’opérations dont découle cet avantage »[38].

 

[109] Étant donné l’« avantage fiscal » déterminé ci‑dessus, il n’est pas strictement nécessaire d’examiner la série d’opérations dans ce cas‑ci. L’avantage fiscal a été obtenu lorsque l’appelant a vendu à J.S. les actions de PC. Toutefois, il est juste de dire que la vente des actions dans ce cas‑ci n’existe pas dans le vide : chaque opération, du début à la fin, a été effectuée et complétée en prévision de chaque autre opération. Le reste de la série d’opérations a donné lieu à d’autres avantages fiscaux, internes et étrangers, mais ces opérations ne sont pas pertinentes dans le contexte de l’avantage fiscal qui est ici en cause. Plus précisément, si je vais au‑delà de la vente des actions et que je reconnais que l’appelant a eu accès aux fonds de PC, au moyen de la série d’opérations, en sa qualité de créancier, de façon à éviter l’impôt de la partie XIII et la double imposition aux États‑Unis, cela ne change rien au fait que la vente des actions en soi n’a pas été conclue à quelque autre fin que celle d’obtenir l’avantage fiscal que comportait l’utilisation des pertes en capital de l’appelant au Canada.

 

[110] S’il est reconnu que la vente des actions en faveur de J.S. donne lieu à l’avantage fiscal, il est clair que l’appelant a effectué cette opération principalement, et de fait uniquement, en vue d’obtenir l’avantage fiscal. Cette conclusion ne semble pas remarquable, étant donné que l’utilisation des pertes en capital de l’appelant était assurée même si celui‑ci ne faisait rien d’autre que de s’installer aux États‑Unis avec ses actions de PC en main, mais il s’agit d’une opération qui a entraîné l’avantage fiscal déterminé par l’intimée.

 

[111] Au risque de me répéter, puisque j’ai conclu que la vente des actions visait principalement à permettre à l’appelant d’utiliser les pertes en capital, je tiens à dire clairement que je ne retiens pas la preuve de l’appelant lorsque celui‑ci déclare que l’avantage fiscal non canadien qui consiste à éviter la double imposition aux États‑Unis constituait l’objet principal de la vente des actions. Une telle assertion est beaucoup trop simple. Il s’agissait d’un objet qui devait être atteint de manière à ne pas faire perdre à l’appelant l’avantage que comportait l’utilisation de ses pertes en capital. Pour atteindre cet objet, l’appelant a conclu qu’il fallait vendre les actions pendant qu’il résidait au Canada. La vente des actions en soi visait donc uniquement, comme il en a été fait mention, à permettre l’utilisation des pertes en capital, comme le maintient l’intimée. En outre, même si la série d’opérations visait à éviter un impôt étranger, la réalisation de cette fin aurait pour effet de préserver l’avantage économique que comportait l’utilisation des pertes en capital canadiennes. Cela étant, cela ne changerait rien à mon avis à la conclusion que j’ai tirée, à savoir que l’appelant cherchait principalement à préserver l’avantage associé à l’utilisation des pertes en capital.

 

La vente des actions était‑elle abusive du fait qu’un gain en capital compensant les pertes en capital était créé?

 

[112] Il est possible de considérer le paragraphe 245(4) comme une disposition d’exception, faisant en sorte que la DGAE ne s’applique pas en vue de rendre légitimes les opérations de minimisation de l’impôt :

 

245(4) Non‑application du par. (2) – Le paragraphe (2) ne s’applique qu’à l’opération dont il est raisonnable de considérer, selon le cas :

 

a) qu’elle entraînerait, directement ou indirectement, s’il n’était pas tenu compte du présent article, un abus dans l’application des dispositions d’un ou de plusieurs des textes suivants :

 

(i) la présente loi,

(ii) le Règlement de l’impôt sur le revenu,

(iii) les Règles concernant l’application de l’impôt sur le revenu,

(iv) un traité fiscal,

(v) tout autre texte législatif qui est utile soit pour le calcul d’un impôt ou de toute autre somme exigible ou remboursable sous le régime de la présente loi, soit pour la détermination de toute somme à prendre en compte dans ce calcul;

 

b) qu’elle entraînerait, directement ou indirectement, un abus dans l’application de ces dispositions compte non tenu du présent article lues dans leur ensemble.

 

[113] L’analyse de cette question a été formulée par la juge en chef McLachlin et par le juge Major dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada :

 

L’interprétation contextuelle et téléologique des dispositions de la Loi invoquées par le contribuable et l’application des dispositions interprétées correctement aux faits d’une affaire donnée sont au cœur de l’analyse fondée sur le par. 245(4). Il faut d’abord interpréter les dispositions générant l’avantage fiscal pour en déterminer l’objet et l’esprit. Il faut ensuite déterminer si l’opération est conforme à cet objet ou si elle le contrecarre. L’analyse globale porte donc sur une question mixte de fait et de droit. L’interprétation textuelle, contextuelle et téléologique de dispositions particulières de la Loi de l’impôt sur le revenu est essentiellement une question de droit, mais l’application de ces dispositions aux faits d’une affaire dépend nécessairement des faits[39].

 

[114] L’intimée soutient que la vente des actions constitue un abus dans l’application du paragraphe 84(2). À mon avis, cette prétention est erronée. Il y a la question qui a déjà été soulevée et examinée, à savoir l’objet du paragraphe 84(2) qui, selon ce que j’ai conclu, n’est pas une disposition interdisant le dépouillement du surplus et ne fait rien d’autre que de traiter de l’accès de l’actionnaire aux fonds de la société en sus du capital versé des actions que celui‑ci détient, mais il est encore plus clair qu’il n’est pas possible de dire que le paragraphe 84(2) a quelque chose à voir avec un objet visé par la Loi, à savoir empêcher les pertes en capital de mettre à l’abri un revenu autre qu’un gain en capital. Indirectement, cette disposition peut avoir cet effet dans ce cas‑ci, mais on ne saurait dire qu’il s’agit de son objet. La disposition de la Loi qui établit cet objet figure à l’article 3. La véritable question est donc de savoir si un abus a été commis dans l’application de l’article 3 de la Loi.

 

[115] La vente des actions a donc changé la nature d’une rentrée de fonds financée au moyen de distributions effectuées par PC en transformant un revenu de dividendes en un gain en capital, et elle contrecarrait donc l’objectif légal exprimé à l’article 3. Cette disposition empêche l’utilisation des pertes en capital visant à mettre à l’abri autre chose qu’un gain en capital et, au départ, elle donne à penser qu’il serait abusif de structurer des opérations d’une façon qui fait échec à cet objectif. Toutefois, même si l’on accepte que telle est la preuve que l’appelant doit réfuter, bien que l’intimée n’ait pas débattu la question d’une façon aussi précise, je ne suis pas convaincu que la politique législative puisse être appliquée si strictement compte tenu de la façon dont la Loi dans son ensemble tend à permettre diverses façons d’utiliser des pertes en capital même par des moyens plutôt artificiels.

 

[116] De fait, la Loi ne décourage nullement le déclenchement de gains en capital aux fins de l’utilisation de pertes en capital. Les transferts en faveur d’une société, sans qu’un choix soit exercé en vertu de l’article 85, peuvent être utilisés pour que des gains en capital soient réalisés, comme c’est le cas pour les transferts entre époux. La réalisation de gains en capital dans le seul but d’utiliser des pertes en capital nettes disponibles n’a rien d’abusif.

 

[117] Après avoir déclenché un gain en capital au moment d’une disposition, on peut probablement acquérir de nouveau le même actif et bénéficier d’un prix de base majoré. Le gain en capital réalisé en pareil cas est plutôt artificiel ou apparent. Toutefois, aucune règle n’empêche la cristallisation de gains apparents dans le seul but d’utiliser des pertes en capital.

 

[118] En l’espèce, je ne vois pas comment l’opération créant l’avantage fiscal peut être considérée comme abusive. De fait, compte tenu des dispositions de la Loi portant sur les pertes apparentes et d’autres règles expresses restreignant les pertes, on pourrait croire qu’il est possible, sinon probable, qu’une règle précise anti‑évitement dans le cas de la réalisation d’un gain en capital dans le contexte d’une planification fiscale a en principe été rejetée.

 

[119] Le fait que la Loi tolère l’utilisation de pertes en capital véritables indique que la Loi est encore largement fondée sur des principes fondamentaux équitables : elle vise à imposer un impôt sur l’accroissement du pouvoir économique, ce qui constitue une approche basée sur la capacité de payer. Il est vrai que les pertes de revenu et les pertes en capital sont traitées différemment sur le plan fiscal, mais une perte en capital peut fondamentalement avoir une incidence énorme sur la capacité d’une personne de payer. Les pertes, dans ce cas‑ci, ne sont pas artificielles, et elles ne sont pas apparentes. Il s’agit de pertes véritables et, à mon avis, la planification de ses affaires de façon à assurer la constatation de ces pertes n’a rien d’abusif. Le fait que le plan assurait la constatation des pertes de l’appelant sans qu’il y ait une diminution attribuable à des conséquences étrangères défavorables renforce encore plus ce point. Il ne s’agit pas ici d’un cas comme celui qui existait dans l’affaire 1207192 Ontario Limited c. La Reine[40], où le juge Paris a conclu que la perte en question n’avait pas réduit le pouvoir économique du contribuable.

 

[120] Les motifs permettant de conclure que l’utilisation des pertes en capital ne constituait pas un abus en l’espèce sont encore plus convaincants compte tenu du mandat énoncé dans la Loi, selon lequel les gains en capital et les pertes en capital doivent être comptabilisés au moment du départ du Canada. Ce mandat même donne aux contribuables la possibilité d’effectuer un rapprochement de leurs dettes fiscales au Canada. C’est ce qui est expressément prévu à l’alinéa 128.1(4)b) de la Loi :

 

128.1(4) Émigration – Pour l’application de la présente loi, les règles suivantes s’appliquent au contribuable qui cesse de résider au Canada à un moment donné :

 

[...]

 

b) Présomption de disposition – le contribuable est réputé avoir disposé, au moment (appelé « moment de la disposition » au présent alinéa et à l’alinéa d)) immédiatement avant le moment immédiatement avant le moment donné, de chaque bien lui appartenant, à l’exception des biens ci‑après s’il est un particulier, pour un produit égal à la juste valeur marchande du bien au moment de la disposition, et ce produit est réputé être devenu à recevoir et avoir été reçu par lui au moment de la disposition.

 

[121] Le départ de l’appelant du Canada aurait déclenché le gain en capital même réalisé au moment de la vente des actions en assurant ainsi le rapprochement de ses gains en capital et de ses pertes en capital. Refuser un avantage fiscal auquel l’appelant avait droit en vertu d’une disposition expresse de la Loi parce que celui‑ci l’a obtenu en utilisant un moyen différent juridiquement valable est franchement bizarre.

 

[122] Le terme « bizarre » est peut‑être trop fort, mais d’une certaine façon, il souligne le point que je veux faire valoir, à savoir que la véritable question qui se pose ici ne se rapporte pas tant à l’utilisation des pertes en capital qu’à l’acceptation ou à la non‑acceptation du dépouillement du surplus en soi. Cela semble être une question avec laquelle le ministre est aux prises dans diverses circonstances.

 

[123] Toutefois, les circonstances de la présente affaire ne justifient pas un débat. Dans ce cas‑ci, on ne saurait tout simplement pas dire que l’objet de la Loi, à savoir limiter l’utilisation des pertes en capital pour compenser les gains en capital, est contrecarré par le dépouillement du surplus.

 

[124] Par conséquent, puisque j’ai conclu que l’objet et l’esprit des dispositions qui limitent l’utilisation des pertes en capital ne sont pas aussi restrictifs que l’affirme l’intimée dans le contexte de planifications fiscales visant à déclencher des gains en capital et puisque j’ai conclu que la création du gain en question dans ce cas‑ci ne contrecarrait pas l’objet et l’esprit de ces dispositions, je suis convaincu que l’opération d’évitement donnant lieu à l’avantage fiscal n’était pas abusive. De fait, je considère que l’utilisation que l’appelant a faite de ses pertes en capital ne contrecarrait pas l’objet et l’esprit des dispositions de la Loi relatives aux pertes en capital, mais qu’elle lui assurait plutôt l’obtention d’un avantage fiscal auquel celui‑ci avait droit sans subir de conséquences défavorables.

 

[125] La décision qui a été rendue dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada assure aux contribuables que le principe énoncé dans l’arrêt Inland Revenue Commissioners v. Duke of Westminster[41] n’a pas été abandonné et que la planification fiscale légitime à laquelle l’appelant s’est livré dans ce cas‑ci ne reflète rien de plus qu’un plan qui a été mis sur pied non pas tant en vue de minimiser les impôts payables, ce qui est en soi légitime, mais plutôt en vue d’assurer le rapprochement des gains en capital et des pertes en capital de l’appelant au Canada avant son départ, tout en assurant que la réalisation de cet objectif n’entraîne pas de conséquences fiscales défavorables. La DGAE confère une certaine latitude ministérielle et judiciaire lorsqu’il s’agit de décider s’il est raisonnable de considérer une opération comme n’entraînant pas d’abus[42]. Malgré la myriade de principes que le législateur a énoncés dans la Loi, cette conclusion doit être fondée sur l’application équitable des principes d’imposition qu’il faut considérer comme régissant une affaire particulière.

 

La vente des actions était‑elle abusive du fait qu’elle évitait un traitement à titre de dividende au moment de la distribution des bénéfices non répartis?

 

[126] Comme il en a déjà été fait mention dans les présents motifs, un élément moteur de la cotisation était une attaque portant sur l’aspect « dépouillement de surplus » de la série d’opérations contestées.

 

[127] J’ai considéré que l’intimée prenait implicitement la position selon laquelle le paragraphe 84(2) a été édicté en vue d’empêcher un traitement à titre de gain en capital dans le cas où il y a dépouillement du surplus ou plus particulièrement lorsque, au moment de la liquidation ou de la cessation de l’exploitation d’une entreprise, les bénéfices non répartis de la société ont servi à financer un achat d’actions. Toutefois, il s’agit d’une position qui ne détermine pas expressément un avantage fiscal. Cela étant, une analyse fondée sur l’article 245 ne peut pas être effectuée.

 

[128] Pour qu’il puisse être affirmé que le maintien d’un régime de dividendes en soi est nécessaire afin de maintenir l’intégrité de l’économie de la Loi dans le contexte de la distribution des bénéfices non répartis au moment de la liquidation ou de la cessation de l’exploitation d’une entreprise, il faut conclure que le paragraphe 84(2) a une application plus étendue que ce que prévoit son libellé exprès. Or, j’ai conclu le contraire. À mon avis, c’est ce qui convient. Une interprétation appropriée des dispositions en question commande une seule approche : conclure que l’avantage est abusif et se fonder sur la DGAE en vue de maintenir l’intégrité de l’économie de la Loi dans le contexte de la distribution des bénéfices non répartis au moment de la liquidation ou de la cessation de l’exploitation d’une entreprise.

 

[129] Cela devrait mettre un point final à l’affaire, mais j’estime être obligé de traiter d’un autre aspect de la position à l’encontre du dépouillement du surplus, qui est au cœur de la question soulevée par le ministre dans le présent appel.

 

[130] La réalité, dans ce cas‑ci, est qu’indépendamment de l’utilisation des pertes de l’appelant, l’impôt sur les gains en capital, au Nouveau‑Brunswick, en 2002, était fort différent de l’impôt sur les dividendes. De fait, dans le cas d’une société privée telle que PC, le manque d’intégration, au moment où les opérations en question ont été effectuées, favorisait le traitement à titre de gain en capital jusqu’à concurrence d’environ neuf pour cent, au Nouveau‑Brunswick, par rapport à l’impôt sur un dividende du même montant[43]. On pourrait donc se demander si un dépouillement du surplus en soi peut être abusif pour le simple motif qu’il contrecarre l’application de deux régimes fiscaux fort différents.

 

[131] La chose pourrait nous amener à adopter une approche différente quant à la façon dont la DGAE doit s’appliquer, ou une interprétation différente du paragraphe 84(2). À mon avis, il serait tout à fait injustifié de changer d’approche.

 

[132] L’évitement de l’impôt et l’avantage fiscal résultant d’un manque d’intégration dans ce cas‑ci sont systémiques. Il n’y a pas de lacune fiscale non voulue dans ce sens et, cela étant, la DGAE ne peut pas être utilisée en vue d’empêcher une approche de planification fiscale visant à assurer l’accès aux bénéfices non répartis. Autrement dit, ni le paragraphe 84(2) ni la DGAE ne peuvent être utilisés en vue de combler une lacune entre deux approches concernant l’imposition du montant réalisé par un actionnaire individuel à l’aide de fonds accumulés après impôt dans une société. Il doit y avoir plus. Le paragraphe 84(2) n’emploie pas un langage qui vise les cas d’abus fiscal découlant du dépouillement du surplus. Cependant, l’article 245 emploie un tel langage. Comme il en a déjà été fait mention dans les présents motifs, il s’agit d’un meilleur critère décisif permettant de déterminer les dépouillements qui vont à l’encontre de l’esprit et de l’objet de la Loi lue dans son ensemble. À moins qu’un avantage fiscal abusif ne découle de la série d’opérations d’évitement visant le dépouillement, le résultat fiscal demeure le même. Les opérations d’évitement à elles seules ne contrecarrent pas les principes énoncés dans l’arrêt Duke of Westminster.

 

[133] Par conséquent, je réitère la conclusion que j’ai tirée sous le titre précédent, portant plus précisément sur l’avantage fiscal que l’intimée invoque en appliquant l’article 245, à savoir que les opérations de dépouillement effectuées par l’appelant ne constituent pas un abus dans l’application des dispositions de la Loi lue dans son ensemble. Encore une fois, l’article 245 ne s’applique pas.

 

[134] En dernier lieu, il convient de mentionner qu’implicitement dans les présents motifs, je n’ai pas conclu que le recours à une série d’opérations conclues entre des parties liées dans des conditions qui correspondent en bonne partie à une absence de lien de dépendance ou que le fait d’assurer la disponibilité des fonds au moyen de la liquidation d’actifs en vue de permettre un paiement en faveur de l’appelant sont des facteurs pertinents eu égard aux circonstances de l’affaire, pour ce qui est de la conclusion selon laquelle les opérations contestées n’étaient pas abusives. Ces opérations permettaient simplement un départ bien planifié du Canada.

 

Le changement de résidence

 

[135] L’appelant reconnaît que, si les distributions en question doivent être qualifiées de dividendes, il pourrait être tenu de payer l’impôt de la partie XIII de la Loi. Il se fonde à cet égard sur le fait qu’il pourrait être conclu que sa résidence a changé avant le moment où les distributions ont été effectuées.

 

[136] Je n’estime pas nécessaire de me lancer dans une analyse approfondie de la question de la résidence. L’appelant ne m’a pas demandé de réexaminer la question de sa résidence, à moins que je ne conclue que les distributions en question devaient être qualifiées de dividendes. Or, je n’ai pas tiré une telle conclusion. De plus, j’accepte la position que l’appelant a prise en produisant sa déclaration, à savoir qu’il résidait au Canada tant qu’il n’a pas franchi la frontière, le 25 juin 2002. Il est justifié d’admettre une position acceptée qui a été prise lors de la production de la déclaration, reflétant une séquence bien pensée d’événements visant à assurer que l’appelant résidait au Canada tant qu’il n’avait pas franchi la frontière américaine avec un permis d’immigration qui l’autorisait à entrer aux États‑Unis à titre de résident de ce pays. Il n’est pas toujours possible de tracer une ligne de démarcation aussi claire, mais compte tenu des préparatifs nécessaires pour procéder à un changement de résidence, lesquels exigent la rupture des liens avec le Canada et la création de nouveaux liens résidentiels avec un autre pays, il n’est peut‑être pas déraisonnable dans des cas comme celui‑ci de considérer la date et l’heure du départ de l’appelant lui-même comme étant la date et l’heure d’un changement de résidence. Dans ce cas‑ci, il est possible de tirer une conclusion aussi précise quant au moment du changement; cela indique le détachement mental, familial et personnel de l’appelant du Canada en tant qu’endroit où celui‑ci résidait tant qu’il n’a pas franchi la frontière et cela coïncide avec ce détachement.

 

[137] En outre, et ce fait est peut‑être encore plus important, une hypothèse a été formulée dans la réponse, selon laquelle l’appelant résidait au Canada lors des distributions qui sont ici en cause. L’appelant ne s’est pas acquitté de l’obligation qui lui incombait de réfuter cette hypothèse.

 

Conclusion

 

[138] Puisque j’ai conclu que le paragraphe 84(2) ne s’applique pas en vue de changer la nature des sommes reçues par l’appelant dans ce cas‑ci que l’opération d’évitement, en ce qui concerne l’utilisation par l’appelant de ses pertes en capital nettes, n’était pas abusive et que l’avantage fiscal allégué par l’intimée par inférence pour ce qui est de l’aspect du dépouillement du surplus de la série d’opérations ici en cause n’était ni important ni abusif, je conclus qu’il faut accueillir l’appel.

 

[139] En conclusion, je tiens à ajouter qu’en omettant d’appliquer la DGAE à la vente des actions, je tiens bien compte de ce qui a été énoncé plus d’une fois dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada, à savoir que l’analyse fondée sur la DGAE exige que l’équité soit prise en considération. De fait, au premier paragraphe de l’arrêt Hypothèques Trustco Canada, la Cour suprême du Canada a dit que le contexte de la DGAE devrait donner des résultats équitables. On obtient un résultat équitable en accueillant le présent appel. Un plan fiscal qui assure le rapprochement de véritables pertes en capital ne devrait pas faire l’objet d’une cotisation fondée sur la DGAE, du moins dans les présentes circonstances, à moins que la Loi ne l’empêche expressément.

 

[140] Pour ces motifs, l’appel est accueilli avec dépens.

 

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour d’avril 2012.

 

 

« J. E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de novembre 2012.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


ANNEXE 1

 

[TRADUCTION]

 

 

2009‑1(IT)G

 

COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

 

ENTRE :

 

Dr ROBERT G. MACDONALD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

 

 

L’appelant et l’intimée, par l’entremise de leurs avocats, admettent l’exactitude des faits ci‑après énoncés ainsi que de tout autre élément de preuve présenté à la Cour, les faits admis ne valant toutefois qu’aux fins de la présente instance et de tout appel en résultant :

 

1.       L’appelant est un médecin qui exerçait sa profession à titre de cardiologue interventionnel au Centre cardiaque du Nouveau‑Brunswick, Hôpital régional de Saint John;

 

2.       Robert G. MacDonald Professionnal Corporation Ltd. (« P.C ». ou « 050509 NB Ltd. ») a été constituée en personne morale en vertu des lois du Nouveau‑Brunswick, le 4 septembre 1991;

 

3.       L’appelant pratiquait la médecine au Centre cardiaque du Nouveau‑Brunswick, mais il était employé par l’entremise de P.C.;

 

4.       Entre le moment où P.C. a été constituée en personne morale et l’année 2002, l’appelant était l’unique administrateur et actionnaire de la société; il détenait les 100 actions ordinaires et les 100 actions privilégiées émises et en circulation de la société;

 

5.       James Stewart est résident du Canada et il est l’époux de la sœur de l’appelant;

 

6.       La société 601798 NB Ltd. a été constituée en personne morale en vertu des lois du Nouveau‑Brunswick, le 20 juin 2002; les actions émises et en circulation ont en tout temps été détenues par James Stewart;

 

7.       Les actifs de P.C. étaient principalement composés de titres négociables, de l’encaisse et de comptes débiteurs;

 

8.       Au cours des mois qui ont précédé le 25 juin 2002, l’appelant a fait en sorte que P.C. liquide ses placements;

 

9.       Le 25 juin 2002, l’appelant a conclu une entente avec James Stewart en vue de vendre à celui‑ci les 100 actions ordinaires et les 100 actions privilégiées de P.C.;

 

10.     L’entente prévoyait que le prix d’achat était le suivant : 1) la valeur comptable des comptes débiteurs, plus 2) l’encaisse, moins 3) les dettes, moins 4) la somme de 10 000 $;

 

11.     Les comptables, Teed Saunders Doyle, ont calculé une valeur fondée sur le bilan interne du 25 juin 2002, qui indiquait ce qui suit :

 

ACTIF

 

Encaisse

330 550 $

Comptes débiteurs

70 437 $

Comptes débiteurs – Actionnaire

163 246 $

 

564 233 $

PASSIF ET CAPITAUX PROPRES

 

Comptes fournisseurs

23 292 $

Impôts sur le revenu à payer

8 788 $

Capital‑actions

101 $

Bénéfices non répartis

532 052 $

 

564 233 $

 

12.     James Stewart a accepté l’offre d’achat telle qu’elle avait été présentée;

 

13.     Selon l’entente, James Stewart devait payer le prix d’achat au moyen d’un billet à vue ne portant pas intérêt émis en faveur de l’appelant;

 

14.     Le 25 juin 2002, James Stewart a également acquis toutes les actions de la société 601798 NB Ltd. qui venait d’être constituée en personne morale;

 

15.     Le 25 juin 2002, James Stewart a transféré les actions de P.C. à 601798 NB Ltd. en échange de 100 actions ordinaires de 601798 NB Ltd. et d’un billet de 525 068 $;

 

16.     Le 25 juin 2002, P.C. a déclaré deux dividendes payables à 601798 NB Ltd., de 500 000 $ et de 10 000 $;

 

17.     Le 25 juin 2002, P.C. a émis des chèques de 320 000 $ et de 159 842 $ en paiement partiel du dividende de 500 000 $, mais ces chèques n’ont jamais été compensés par l’intermédiaire du compte bancaire;

 

18.     La société 601798 NB Ltd. a ensuite versé un montant de 479 842 $ à James Stewart en paiement partiel du billet payable en faveur de celui‑ci et James Stewart a versé un montant de 479 842 $ à l’appelant en paiement partiel du billet payable à l’appelant; la chose a été accomplie au moyen de l’endossement de chèques et d’écritures rectificatives de journal;

 

19.     Le 25 juin 2002, l’appelant a établi en faveur de P.C. un chèque de 159 842 $ sur son compte personnel à titre de remboursement du montant qu’il devait à P.C., mais ce chèque n’a jamais été compensé par l’intermédiaire de son compte bancaire;

 

20.     Le 25 juin 2002, l’appelant, P.C., James Stewart et 601798 NB Ltd. ont tous conclu une entente additionnelle confirmant les opérations susmentionnées et prévoyant ce qui suit :

 

i)       le 1er septembre 2002, P.C. devait verser un dividende final à 601798 NB Ltd., d’un montant égal à ses soldes de trésorerie, moins toutes les dettes, soit un montant de 25 068 $;

 

ii)      la société 601798 NB Ltd. devait demander à P.C. de verser à James Stewart les dividendes en espèces impayés de 20 158 $, plus le dividende final de 25 068 $ en paiement du solde restant du billet que 601798 NB Ltd. devait payer à James Stewart;

 

iii)     James Stewart devait de son côté demander à 601798 NB Ltd. de verser les montants de 20 158 $ et de 25 068 $ à l’appelant en paiement du solde restant du billet que James Stewart devait à l’appelant;

 

21.     Le 26 juin 2002, P.C. a présenté une demande en vue de faire changer son nom de Robert G. MacDonald Professional Corporation à 050509 NB Ltd.;

 

22.     Le 15 juillet 2002, 050509 NB Ltd. a émis un chèque de 10 000 $ en faveur de 601798 NB Ltd.;

 

23.     Le 27 août 2002, le chèque de 10 000 $ a été déposé dans un compte bancaire de 601798 NB Ltd. qui venait d’être ouvert;

 

24.     À part le dividende de 10 000 $, tous les dividendes étaient versés au moyen d’écritures de journal et de l’endossement de chèques;

 

25.     Le 31 juillet 2002, des statuts de dissolution ont été préparés pour 050509 NB Ltd. et ils ont été signés par l’appelant, bien que la société ait été officiellement dissoute le 4 février 2005 seulement;

 

26.     Jusqu’au moment de la dissolution, l’appelant était encore l’unique administrateur de 050509 NB Ltd.;

 

27.     Dans sa déclaration de revenus de l’année d’imposition 2002, l’appelant a déclaré ainsi la disposition des actions qu’il détenait dans 050509 NB Ltd. à titre de gain en capital :

 

Produit

525 068 $

Moins : PBR

101 $

Gain en capital

524 967 $

 

28.     James Stewart n’était pas un professionnel de la santé et n’avait aucune raison de posséder une corporation professionnelle;

 

FAIT à Saint John (Nouveau‑Brunswick), ce 20e jour de septembre 2011.

 

Stewart Mc Kelvey Stirling Scales

Avocats

Avocats de l’appelant

 

Par : _______________________

J. Paul M. Harquail

Avocat de l’appelant

 

Stewart McKelvey Stirling Scales

Avocats

44 Chipman Hill, bureau 1000

B.P. 7289, succursale « A »

Saint John (Nouveau-Brunswick)

E2L 4S6

 

 

Téléphone : 506‑632‑8313

Télécopieur : 506‑634‑3579

 

FAIT à Halifax (Nouvelle‑Écosse),

ce 20e jour de septembre 2011.

 

 

Myle J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Avocat de l’intimée

 

Par : _______________________

David I. Besler

Avocat de l’intimée

 

Direction des services du droit fiscal

Ministère de la Justice Canada

Bureau régional de l’Atlantique

Bureau 1400, tour Duke

5251, rue Duke

Halifax (Nouvelle-Écosse)

B3J 1P3

 

Téléphone : 902‑426‑5895

Télécopieur : 902‑426‑8802

 

AU : greffier de la Cour canadienne de l’impôt, Ottawa (Ontario)


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 123

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2009-1(IT)G

 

INTITULÉ :                                      Dr ROBERT G. MACDONALD c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Fredericton (Nouveau‑Brunswick)

 

DATES DE L’AUDIENCE :            Les 21 et 22 septembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge J. E. Hershfield

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 17 avril 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me J. Paul M. Harquail

Avocat de l’intimée :

Me David I. Besler

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     J. Paul M. Harquail

 

                          Cabinet :                 Stewart McKelvey Stirling Scales

                                                          Avocats

                                                          44 Chipman Hill, bureau 900

                                                          B.P. 7289, succursale A

                                                          Saint John (Nouveau-Brunswick)

                                                          E2L 4S6

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] De plus, la cotisation avait pour effet d’augmenter le produit de disposition des actions d’un montant de 10 000 $, ce montant ayant été traité à titre de gain en capital. Ce fondement a été abandonné à l’instruction.

 

[2] Convention entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Washington D.C., le 26 septembre 1980, modifiée par des protocoles datés des 14 juin 1983, 28 mars 1984, 17 mars 1995 et 29 juillet 1997 (la « Convention fiscale Canada‑États‑Unis »).

[3] Il n’est pas contesté que PC perdrait et qu’elle a en fait perdu son statut de corporation professionnelle médicale lors de la vente des actions. L’alinéa 31(3)f) de la Loi médicale du Nouveau-Brunswick, L.N.B. 1981, ch. 87, exige que la propriété légale et la propriété effective de toutes les actions avec droit de vote émises d’une corporation professionnelle médicale soient détenues par au moins un membre du Collège des médecins et chirurgiens du Nouveau-Brunswick.

 

[4] Lorsqu’une corporation professionnelle médicale cesse de détenir son permis, le numéro de médecin n’est pas automatiquement radié. Selon le paragraphe 11(1.5) du Règlement général – Loi sur le paiement de services médicaux du Nouveau-Brunswick, le numéro de médecin peut être utilisé tant qu’il n’est pas révoqué par le ministère de la Santé du Nouveau-Brunswick.

 

[5] Peu de temps après s’être joint à ce cabinet, l’appelant s’est installé en Caroline du Sud en vue de se joindre à un établissement médical différent.

 

[6] La dernière étape a été accomplie après que l’appelant eut obtenu son visa, mais avant son départ; toutefois, les véhicules ont continué à être immatriculés au Canada tant qu’ils n’ont pas été immatriculés de nouveau après le départ de l’appelant. Toutes les autres étapes énumérées dans cette série de paragraphes en retrait ont été accomplies avant l’obtention du visa.  

[7] Je crois comprendre qu’à deux exceptions près, l’appelant n’a conservé aucun actif au Canada au moment de son départ, à part les droits qu’il détenait par suite de la vente des actions. Les deux exceptions étaient les suivantes : un cheval qui a été expédié après le départ de l’appelant et un Régime enregistré d’épargne-retraite (« REER ») que l’appelant n’a pas liquidé avant de quitter le Canada. La valeur du REER avait diminué de beaucoup, et ce, pour la même raison que celle pour laquelle l’appelant a subi les pertes en capital dont il sera ci‑dessous question dans les présents motifs. Il n’y a pas eu d’activités dans le REER de l’appelant depuis que celui‑ci a quitté le Canada.

[8] Il est à noter que cette question de double imposition a par la suite été réglée au moyen de protocoles modifiant la Convention fiscale Canada-États-Unis. Voir la Convention fiscale Canada‑États-Unis, paragraphe XIII(5).

 

[9] Il importe de noter que, s’il avait simplement quitté le Canada sans vendre les actions qu’il détenait dans PC et s’il avait ensuite liquidé PC pendant qu’il était aux États-Unis, l’appelant aurait mis à l’abri le gain en capital réalisé sur ses actions de PC au Canada au moment du départ; il aurait payé l’impôt de la partie XIII au Canada sur le dividende de liquidation et il y aurait eu une perte en capital au Canada par suite de l’annulation des actions de PC, compte tenu de la réduction du produit de disposition réalisé par l’appelant en vertu de l’article 54 de la Loi. D’un point de vue purement canadien, l’appelant a évité l’impôt de la partie XIII au risque de perdre une perte en capital nette au Canada, laquelle n’a peut-être aucune valeur pour l’appelant en sa qualité de non-résident.

 

[10] L’exposé conjoint des faits indique que les actifs de PC étaient principalement composés de titres négociables, de l’encaisse et de comptes débiteurs et qu’au cours des mois qui ont précédé le 25 juin 2002, l’appelant a fait en sorte que PC liquide ses placements.

 

[11] Article 251 de la Loi.

                                        

[12] L’appelant a témoigné que J.S. avait peut-être essayé d’utiliser 601 Ltd. à d’autres fins que celle qui consistait à détenir les actions de PC, mais que ces activités avaient été de courte durée. Le témoignage par ouï-dire que l’appelant a présenté au sujet des activités de 601 Ltd., bien qu’il n’ait fait l’objet d’aucune objection, n’était pas suffisant pour réfuter l’hypothèse figurant dans la réponse à l’avis d’appel de l’appelant, selon laquelle 601 Ltd. a en tout temps été une société de portefeuille inactive, dont toutes les actions émises et en circulation appartenaient à J.S.

 

[13] Les pièces produites à l’audience indiquaient que le billet de J.S. était de 500 000 $. Toutefois, les parties semblaient le considérer comme correspondant au plein montant de la contrepartie globale payable à l’égard de la vente des actions, lequel s’élevait à 525 068 $. J’ai considéré le billet comme les parties l’ont fait.

 

[14] Au mois de septembre, la résidence de l’appelant était aux États-Unis. Si un dividende avait été versé à l’appelant au mois de septembre, il n’y aurait une retenue d’impôt que sur ce dividende.

[15] Transcription de l’audience, page 252, lignes 15 et 16.

 

[16] 97 DTC 302.

 

[17] Page 307.

 

[18] L’intimée inclut également les gains protégés par les exemptions prévues par la convention.

 

[19] McNichol v. R., 97 DTC 111 (C.C.I. (procédure générale)) [McNichol]; RMM, précitée; Nadeau v. R., 99 DTC 324 (C.C.I. (procédure informelle)); Desmarais c. R., 2006 CCI 44 (procédure générale).

 

[20] Agence du revenu du Canada, Bulletin d’interprétation IT-221R3, « Détermination du statut de résident d’un particulier » (4 octobre 2002).

 

[21] (1993), [1994] 1 C.T.C. 368 (C.F. 1re inst.), infirmée pour d’autres motifs (1994), [1996] 3 C.T.C. 74 (C.A.F.).

 

[22] 95 DTC 398 (C.C.I.).

 

[23] 2005 CCI 684 (procédure générale).

[24] Voir la Convention fiscale Canada-États-Unis, article X.

[25] Les questions de séquence des opérations présentées par ces faits peuvent prêter quelque peu à confusion. Dans le contexte du traitement des gains en capital, le moment pertinent aux fins du calcul du gain est celui de la vente des actions, qui correspond ici au moment de la remise du billet de J.S. La même approche est utilisée à l’égard de la cotisation pour ce qui est de la séquence, en ce qui concerne l’application du paragraphe 84(2) et de la DGAE, indépendamment du moment où les dividendes ont réellement été versés. Si les dividendes réels avaient été considérés comme pertinents, le dividende du mois de septembre aurait été assujetti à l’impôt de la partie XIII. Selon mon analyse, les dividendes réels sont pertinents, mais pas d’une façon qui fait entrer la partie XIII en ligne de compte. Le dividende réel confirme la façon dont les fonds de PC ont été distribués à l’actionnaire pertinent au moment pertinent pour l’application du paragraphe 84(2).

[26] RMM, précitée, page 307.

 

[27] Précitée.

 

[28] RMM, précitée, page 308.

[29] Les articles 15 et 84 sont les exemples les plus évidents des situations précises dont je fais mention.

 

[30] [1970] R.C.S. 64.

 

[31] Il est intéressant de noter que, dans la décision McNichol, le juge Bonner a fait une distinction à l’égard de la décision Smythe, compte tenu du fait que les opérations, dans l’affaire McNichol, ne pouvaient pas être qualifiées d’artificielles. La similarité entre les opérations conclues dans l’affaire McNichol et celles qui ont été conclues en l’espèce pourrait donner à penser que l’intimée n’aurait peut-être pas eu gain de cause même si elle avait pris la position selon laquelle la série d’opérations en cause était artificielle, quoique, en pareil cas, la décision RMM (dans laquelle il était également fait mention de la décision Smythe) aurait peut-être bien eu plus de poids.

 

[32] Le contribuable décédé dispose de ses actions à leur juste valeur marchande en vertu de l’alinéa 70(5)a), et la succession les acquiert à leur juste valeur marchande, en vertu de l’alinéa 70(5)b).

[33] Voir les décisions 2002-0154223 et 2005-0142111R3. Il convient également de faire mention du TI 2006‑0170641E5 et d’une table ronde publiée dans Congrès 2009 (Montréal, Association de planification fiscale et financière, 2010), vol. 2, à 47:35-38.

[34] [2005] 2 R.C.S. 601.

[35] Dans Geransky v. R., 2001 DTC 243, le juge Bowman (tel était alors son titre) a dit que, lorsqu’un contribuable élude des dispositions anti-évitement précises, le ministre ne peut pas par la suite utiliser la DGAE en vue de combler les lacunes de la Loi. Cette approche a été confirmée, après qu’une décision eut été rendue dans l’affaire Hypothèques Trustco Canada, dans la décision Landrus c. R., 2008 CCI 274, confirmée à 2009 CAF 113. Voir également la décision Collins & Aikman Products Co. et autres c. R., 2009 CCI 299, paragraphe 109.

 

[36] Le juge Cattanach, qui examinait la disposition qui s’appliquait avant que le paragraphe 84(2) soit édicté, a dit, dans la décision Kennedy v. M.N.R., 72 DTC 6357 (C.F. 1re inst.), que les mots « liquidation » et « cessation » comportent un « élément de caractère définitif ». Il était donc logique de penser que le mot « réorganisation » présupposait la fin de l’exploitation de l’entreprise sous une forme et sa poursuite sous une forme différente. Voir également la décision McMullen c. R., 2007 CCI 16, paragraphes 18 à 20.

[37] 2011 CSC 63.

[38] Copthorne, paragraphe 39.

[39] Précité, paragraphe 44.

[40] 2011 CCI 383.

 

[41] [1936] A.C. 1 (C.L.).

 

[42] Hypothèques Trustco Canada, paragraphe 37.

 

[43] Cela résultait principalement des modifications apportées à la Loi en 2000, prévoyant un taux d’inclusion des gains en capital de 50 p. 100. Auparavant, les dispositions concernant le crédit d’impôt pour dividendes avaient en réalité pour effet d’accorder aux propriétaires de sociétés privées un avantage fiscal à l’égard des dividendes.

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