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Dossiers : 2011‑3341(CPP)

2011‑3342(EI)

 

ENTRE :

875527 ONTARIO LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

_________________________________________________________________

 

Appel entendu le 4 juin 2012 à London (Ontario)

 

Par : L’honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Michael Van Raay

 

Avocat de l’intimé :

Me Paul Klippenstein

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel visant les décisions du ministre du Revenu national selon lesquelles Lise St. Germain exerçait auprès de l’appelante un emploi assurable et ouvrant droit à pension aux termes de la Loi sur l’assurance‑emploi et du Régime de pensions du Canada pour la période allant du 2 août au 24 octobre 2010, est rejeté et les décisions sont confirmées.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 14jour de juin 2012.

 

 

 

« J. Woods »

Juge Woods

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de juillet 2012.

 

S. Tasset


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 214

Date : 20120614

Dossiers : 2011‑3341(CPP)

2011‑3342(EI)

 

ENTRE :

 

875527 ONTARIO LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Woods

 

[1]             L’appelante, 875527 Ontario Ltd., fabrique et vend de jolis panneaux de bois sur lesquels sont inscrits des prénoms d’enfants. Les ventes s’effectuent à des stands installés temporairement dans des centres commerciaux. Les clients peuvent acheter des panneaux personnalisés déjà peints, ou des trousses pour les monter et les peindre eux-mêmes. L’entreprise s’appelle « Loose Letters ».

 

[2]             En 2010, l’appelante a conclu une entente avec Lise St. Germain pour qu’elle devienne agente des ventes à des stands de Loose Letters dans tout l’Ontario. La question à trancher est de savoir si Mme St. Germain a été engagée comme employée ou comme entrepreneure indépendante pour l’application de la Loi sur l’assurance-emploi et du Régime de pensions du Canada.

 

[3]             À la suite d’une demande de prestations d’assurance-emploi présentée par Mme St. Germain, le ministre a estimé que celle-ci avait été engagée comme employée durant la période allant du 2 août au 24 octobre 2010. L’appelante conteste cette décision.

 

Contexte factuel

 

[4]             L’appelante a été créée par Michael Van Raay, un entrepreneur avec une vaste expérience, notamment dans la conception de mobilier. M. Van Raay est le seul propriétaire et administrateur de l’entreprise, qui emploie un petit nombre de personnes pour la fabrication et la vente de ses produits.

 

[5]             L’appelante passe des contrats avec des centres commerciaux qui lui louent de l’espace pour ses stands pour de courtes périodes, de deux semaines par exemple. Ces contrats impliquent que les stands doivent être ouverts durant les heures d’ouverture du centre, soit approximativement onze heures durant les jours de semaine et moins les fins de semaine.

 

[6]             Mme St. Germain a répondu à une annonce demandant quelqu’un pour exploiter un stand de Loose Letters dans différents centres commerciaux de l’Ontario. La régularité du travail n’était pas garantie. Mme St. Germain allait être engagée en fonction du travail offert dans chaque centre commercial, et alterner quatre jours de travail et quatre jours de congé, durant lesquels elle allait être remplacée par quelqu’un d’autre.

 

[7]             Mme St. Germain a travaillé pendant près de dix semaines dans des centres commerciaux de trois villes de l’Ontario : North Bay, Ottawa et London. Malheureusement, la relation professionnelle s’est ensuite dégradée et a pris fin.

 

Analyse

 

[8]             Les principes juridiques applicables sont présentés dans l’arrêt TBT Personnel Services Inc. c. Sa Majesté la Reine, 2011 CAF 256 :

 

[8] L’arrêt qui fait autorité en ce qui concerne les principes pour établir une distinction entre un contrat de louage de services et un contrat d’entreprise est Wiebe Door Services Ltd. c. M.N.R., [1986] 3 C.F. 553 (C.A.). Le juge Major, rédigeant l’arrêt de la Cour suprême du Canada, a approuvé Wiebe Door dans l’arrêt 67112 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 CSC 59, [2001] 2 R.C.S. 983. Il a résumé, aux paragraphes 47 et 48, les principes pertinents comme suit :

 

47. […] La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui‑même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

 

48. Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

[9] Dans les arrêts Wolf c. Canada, 2002 CAF 96, [2002] 4 C.F. 396 (C.A.), et Royal Winnipeg Ballet c. Canada (Ministre du Revenu national – M.N.R..), 2006 CAF 87, [2007] 1 R.C.F. 35, la Cour a ajouté que lorsqu’il est établi que les parties avaient l’intention commune d’établir une relation juridique entre elles, il est nécessaire de tenir compte de cette preuve, mais il est également nécessaire d’examiner les facteurs exposés dans Wiebe Door afin de déterminer si les faits concordent avec l’intention déclarée des parties.

 

[9]             En vue d’appliquer ces principes à l’espèce, je me pencherai tout d’abord sur l’intention des parties.

 

[10]        M. Van Raay et Mme St. Germain ont négocié l’arrangement par téléphone et n’ont rien mis par écrit. M. Van Raay a déclaré durant son témoignage qu’il cherchait toujours à engager des entrepreneurs indépendants et qu’il pensait s’être entendu là-dessus avec Mme St. Germain. J’accepte ce témoignage. La paye de Mme St. Germain n’a fait l’objet d’aucune retenue à la source et cette dernière n’a rien dit à ce sujet.

 

[11]        Mme St. Germain a déclaré qu’elle n’avait réfléchi à la nature de la relation qu’après coup et qu’elle avait tout simplement présumé qu’elle était une employée. Le fait que l’absence de retenues à la source ne lui ait inspiré aucune réaction peut donner à penser qu’elle reconnaissait sa qualité d’entrepreneure indépendante. Cependant, la relation ayant été si brève, j’accepte le témoignage voulant qu’elle n’ait pas approfondi la question.

 

[12]        Je conclus que les parties n’avaient pas d’intention commune en ce qui touche la nature de leur relation.

 

[13]        Je me tourne à présent vers les facteurs de l’arrêt Wiebe Door ayant trait au degré de contrôle, à l’outillage, aux chances de profit et au risque de perte.

 

[14]        S’agissant du degré de contrôle, la question pertinente est de savoir si l’appelante pouvait contrôler la manière dont le travail était effectué.

 

[15]        J’estime que M. Van Raay exerçait relativement peu de contrôle sur la manière dont le travail s’effectuait. Les heures de travail étaient soumises à un contrôle, mais ce n’est pas là un facteur significatif aux fins de l’analyse de l’arrêt Wiebe Door puisqu’il s’agissait d’une exigence des centres commerciaux.

 

[16]        Cela dit, le critère ne consiste pas à déterminer si un contrôle était effectivement exercé, mais si l’appelante était en mesure de l’exercer.

 

[17]        M. Van Raay a déclaré qu’il connaissait les lignes directrices de l’ARC concernant la distinction entre un employé et un entrepreneur indépendant, et qu’il n’avait pas eu l’intention d’exercer un contrôle. Dans sa lettre d’opposition adressée à l’ARC, il a indiqué qu’il se serait montré plus exigeant à l’égard des méthodes de ventes de Mme St. Germain si elle avait été une employée.

 

[18]        J’accepte de reconnaître que M. Van Raay saisissait la différence entre un employé et un entrepreneur indépendant, mais je ne suis pas convaincue qu’il a pris des mesures suffisantes pour garantir une absence de contrôle. À cet égard, les manuels de formation conservés dans les stands sont particulièrement préoccupants : ils décrivent dans le menu détail les techniques de vente et la gestion adéquate du stand. Certaines de ces techniques sont qualifiées de [traduction] « suggestions » plutôt que de directives, mais je ne trouve pas cette nuance significative. Dans l’ensemble, les documents donnent l’impression que l’appelante était en droit d’exercer un contrôle considérable sur la manière dont les agents des ventes travaillaient.

 

[19]        Bien que M. Van Raay sache que le degré de contrôle est un facteur pertinent pour établir le statut d’entrepreneur indépendant, l’emploi des manuels laisse entendre que la capacité de l’exercer était jugée nécessaire pour l’entreprise.

 

[20]        M. Van Raay a déclaré que ces manuels avaient été rédigés par un consultant indépendant, et il a laissé entendre qu’ils ne démontraient pas son intention d’exercer un contrôle. C’est le fait que ce soit l’appelante qui ait décidé de placer ces manuels dans les stands qui me pose problème.

 

[21]        Tout bien considéré, je conclus que le facteur relatif au degré de contrôle va dans le sens d’une relation employeur-employé.

 

[22]        Pour ce qui est de l’outillage, des chances de profit et des risques de perte, j’estime qu’il s’agit là d’éléments neutres qui sont aussi courants dans le cas d’employés que dans le cas d’entrepreneurs indépendants.

 

[23]        En ce qui concerne les outils, Mme St. Germain utilisait sa propre voiture et son téléphone cellulaire, mais aucun autre outil d’importance n’était requis.

 

[24]        Quant aux profits et aux pertes, Mme St. Germain était payée sur une base horaire et n’avait droit à aucun avantage, hormis le remboursement de ses dépenses.

 

[25]        Compte tenu de l’ensemble des facteurs de l’arrêt Wiebe Door, je conclus que, même si elle a souhaité engager Mme St. Germain à titre d’entrepreneure indépendante, l’appelante n’a pas pris les mesures nécessaires pour s’assurer qu’elle ne serait pas à même de contrôler la manière dont le travail serait effectué. L’ensemble des facteurs indique plutôt une relation employeur-employé.

 

[26]        L’appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 14e jour de juin 2012.

 

 

 

« J. Woods »

Juge Woods

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de juillet 2012.

 

S. Tasset

 


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 214

 

Nos DE DOSSIERS DE LA COUR : 2011‑3341(CPP)

                                                          2011‑3342(EI)

 

INTITULÉ :                                      875527 ONTARIO LTD. c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                London (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 4 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge J.M. Woods

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 14 juin 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Michael Van Raay

Avocat de l’intimé :

Me Paul Klippenstein

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :                     

 

                          Nom :                      s. o.

 

                      Cabinet :                     

                                                         

 

       Pour l’intimé :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)

 

 

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