Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2008-2139(IT)G

 

ENTRE :

McCLARTY FAMILY TRUST,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Joel McClarty (2008‑2129(IT)G), Brayden McClarty (2008‑2118(IT)G), et Devon McClarty (2008‑2121(IT)G), le 6 juin 2011, à Saskatoon (Saskatchewan).

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Kurt G. Wintermute

 

Avocates de l'intimée :

Me Brooke Sittler

Me Karen Janke-Curliss

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2003 et 2004 sont accueillis, avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mars 2012.

 

 

« François Angers »

Le juge Angers

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de juin 2012.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Dossier : 2008-2129(IT)G

 

ENTRE :

JOEL McCLARTY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de la McClarty Family Trust (2008‑2139(IT)G), Brayden McClarty (2008‑2118(IT)G), et Devon McClarty (2008‑2121(IT)G), le 6 juin 2011, à Saskatoon (Saskatchewan).

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Kurt G. Wintermute

 

Avocates de l'intimée :

Me Brooke Sittler

MKaren Janke-Curliss

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2003 et 2004 sont accueillis, avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mars 2012.

 

 

« François Angers »

Le juge Angers

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de juin 2012.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Dossier : 2008-2118(IT)G

 

ENTRE :

BRAYDEN McCLARTY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de la McClarty Family Trust (2008‑2139(IT)G), Joel McClarty (2008‑2129(IT)G), et Devon McClarty (2008-2121(IT)G), le 6 juin 2011, à Saskatoon (Saskatchewan).

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Kurt G. Wintermute

 

Avocates de l'intimée :

Me Brooke Sittler

Me Karen Janke-Curliss

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2003 et 2004 sont accueillis, avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mars 2012.

 

 

« François Angers »

Le juge Angers

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de juin 2012.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Dossier : 2008-2121(IT)G

 

ENTRE :

DEVON McCLARTY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de la McClarty Family Trust (2008‑2139(IT)G), Joel McClarty (2008‑2129(IT)G), et Brayden McClarty (2008‑2118(IT)G), le 6 juin 2011, à Saskatoon (Saskatchewan).

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Kurt G. Wintermute

 

Avocates de l'intimée :

Me Brooke Sittler

Me Karen Janke-Curliss

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2003 et 2004 sont accueillis, avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mars 2012.

 

 

« François Angers »

Le juge Angers

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de juin 2012.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 80

Date : 20120321

Dossiers : 2008-2139(IT)G, 2008-2129(IT)G,

2008-2118(IT)G, 2008-2121(IT)G

 

ENTRE :

McCLARTY FAMILY TRUST,

JOEL McCLARTY,

BRAYDEN McCLARTY,

DEVON McCLARTY,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers

 

[1]              Ces appels ont été entendus sur preuve commune. Le 30 mai 2007, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi de nouvelles cotisations à l'égard de la fiducie appelante, la McClarty Family Trust (la « fiducie »), pour ses années d'imposition se terminant le 31 décembre 2003 et le 31 décembre 2004. Le ministre a appliqué l'article 245 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « LIR »), appelé la disposition générale anti‑évitement (la « DGAÉ »), à certaines des opérations dont la Cour est saisie et a refusé les gains en capital déclarés par la fiducie, traitant plutôt les montants ainsi déclarés comme des dividendes de 47 999 $ pour chacune de ces années d'imposition.

 

[2]              Le 17 avril 2007, le ministre a établi de nouvelles cotisations à l'égard des années d'imposition 2003 et 2004 des trois autres appelants en appliquant également la DGAÉ aux mêmes opérations. Cela a eu comme conséquence fiscale que le ministre a inclus dans le revenu de chacun des appelants pour chaque année d'imposition visée par les appels le montant de 16 000 $ à titre d'autres revenus ou de dividendes plutôt qu'à titre de gain en capital.

 

[3]              Les questions en litige sont celles de savoir si l'article 245 de la Loi s'applique aux opérations de telle sorte que les gains en capital que la fiducie a déclarés lors de l'aliénation des dividendes en actions qu'elle avait reçus en 2003 et en 2004 doivent être refusés, si les aliénations devraient être traitées comme donnant lieu à des dividendes totalisant 47 999 $ dans chacune des années d'imposition en question de la fiducie, et si le montant de 16 000 $ devrait être inclus dans le revenu de chacun des trois autres appelants à titre d'autres revenus ou de dividendes pour chacune des années d'imposition visées par les appels. Autrement dit, l'intimée conteste le résultat suivant lequel Darrell McClarty a pu fractionner son revenu avec ses enfants malgré l'impôt sur le revenu fractionné, dit « impôt des enfants mineurs », prévu à l'article 120.4 de la Loi qui vise à empêcher une telle chose. Les passages pertinents de l'article 120.4 sont ainsi rédigés :

 

120.4(1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

 

[...]

 

« particulier déterminé » Quant à une année d'imposition, particulier qui répond aux conditions suivantes :

 

a) il n'avait pas atteint l'âge de 17 ans avant l'année;

 

b) il n'a été un non-résident à aucun moment de l'année;

 

c) son père ou sa mère a résidé au Canada à un moment de l'année.

 

« revenu fractionné » S'agissant du revenu fractionné d'un particulier déterminé pour une année d'imposition, le total des montants (sauf les montants exclus) représentant chacun, selon le cas :

 

a) un montant à inclure dans le calcul du revenu du particulier pour l'année :

 

(i) soit au titre de dividendes imposables reçus par le particulier relativement à des actions du capital‑actions d'une société (sauf des actions d'une catégorie cotée à une bourse de valeurs désignée et des actions du capital-actions d'une société de placement à capital variable),

 

[...]

 

b) [revenu provenant d'une société de personnes]

 

c) une partie d'un montant inclus, par l'effet des paragraphes 104(13) ou 105(2) relativement à une fiducie (sauf une fiducie de fonds commun de placement), dans le calcul du revenu du particulier pour l'année, dans la mesure où la partie répond aux conditions suivantes :

 

(i) elle n'est pas incluse dans le montant visé à l'alinéa a),

 

(ii) il est raisonnable de considérer que la partie, selon le cas :

 

(A) se rapporte à des dividendes imposables reçus au titre d'actions du capital-actions d'une société (sauf des actions d'une catégorie cotée à une bourse de valeurs désignée et des actions du capital-actions d'une société de placement à capital variable),

 

(B) [avantages aux actionnaires]

 

(C) est un revenu provenant de la fourniture de biens ou de services par une société de personnes ou une fiducie à une entreprise exploitée par l'une des personnes suivantes, ou à l'appui d'une telle entreprise :

 

(I) une personne qui est liée au particulier à un moment de l'année,

 

(II) une société dont une personne liée au particulier est un actionnaire déterminé à un moment de l'année,

 

(III) une société professionnelle dont une personne liée au particulier est un actionnaire à un moment de l'année.

 

(2) Est ajouté à l'impôt payable en vertu de la présente partie par un particulier déterminé pour une année d'imposition le montant représentant 29 % du revenu fractionné du particulier pour l'année.

 

[4]              Subsidiairement, l'intimée demande à la Cour de déterminer si la fiducie est réputée avoir reçu un dividende en vertu du paragraphe 84(3) de la Loi dans chacune de ses années d'imposition, de telle sorte que les montants de 16 000 $ ont été inclus à juste titre comme dividendes dans le revenu de chacun des trois particuliers appelants pour chacune des années d'imposition visées par les appels.

 

[5]              Les faits qui ont mené aux opérations susmentionnées mettent en cause M. Darrell McClarty, qui est le personnage central dans ces appels. Bien qu'il ne soit pas l'appelant, il est le père des trois appelants mineurs ainsi qu'un des fiduciaires de la fiducie.

 

[6]              Darrell McClarty est un ingénieur qui s'est spécialisé en génie géotechnique, puis, plus tard, en informatique. Avant l'été 2001, il travaillait à la division de l'informatique de Clifton Associates Ltd., connue sous le nom d'Envista. Alors qu'il y travaillait, il a conçu et commercialisé le logiciel d'Envista appelé le [TRADUCTION] « système de comptabilité pour l'environnement ».

 

[7]              Monsieur McClarty est toutefois devenu insatisfait des activités de Clifton à cette époque, et il a cherché à acquérir la division Envista de Clifton lors d'un rachat par les cadres. Les discussions avec Clifton ne sont pas allées très loin, et M. McClarty a donc démissionné de son poste chez Clifton le 15 juin 2001. Son départ a fait beaucoup de vagues. Quelques jours après son départ, Derin Hildebrandt, un autre employé de Clifton, a également démissionné. Cela a mené à une rencontre avec le président de Clifton pour discuter de la situation et en particulier de la nécessité que M. McClarty revienne et stabilise les activités de Clifton. C'est lors de cette réunion qu'un projet de déclaration en vue d'une action que Clifton songeait à intenter contre M. McClarty a été présenté à celui‑ci et qu'on lui a dit que l'action serait intentée s'il ne revenait pas chez Clifton.

 

[8]              Peu après, deux autres employés de Clifton, soit Colin Denison et Catherine Marisi, sont partis. Les quatre sont entrés en communication avec Cameco Corporation (« Cameco ») et ont été invités à présenter une offre en vue de la mise au point d'un système de contrôle de l'exposition des employés de Cameco à des radiations dans ses mines. Projectline Solutions Inc. (« PSI ») a donc été constituée en personne morale le 24 août 2001 en vertu des lois de la Saskatchewan aux fins de la présentation de l'offre. Darrell McClarty détenait 31 actions ordinaires et les trois autres détenaient chacun 23 actions ordinaires.

 

[9]              PSI a par la suite développé des produits pour Cameco à l'automne 2001 et a décroché un autre contrat en août 2002 malgré la concurrence de la division Envista de Clifton. Le succès de PSI était dû, selon M. McClarty, au fait qu'elle proposait de mettre au point de nouveaux logiciels à partir de zéro en fonction des besoins de Cameco tandis que la proposition d'Envista consistait simplement à étendre le logiciel d'Envista alors utilisé au site de Cameco à la rivière MacArthur à l'ensemble de son exploitation. Pendant tout ce temps, des lettres ont été échangées entre les avocats de Clifton et de PSI au sujet de divers différends.

 

[10]         C'est en août ou au début de septembre 2002 que Darrell McClarty a rencontré son comptable pour discuter de la constitution d'une société de portefeuille. Il a été aiguillé vers Evan Shoforost. Ils ont discuté de la meilleure façon d'organiser PSI. Ils avaient besoin de services de comptabilité de base pour PSI et d'une protection contre les créanciers, étant donné que M. McClarty s'inquiétait toujours de poursuites éventuelles de la part de Clifton et se souciait également de responsabilités éventuelles reliées aux systèmes qui étaient créés, puisque des erreurs pouvaient se produire. Il a été convenu que l'organisation existante — selon laquelle les quatre actionnaires détenaient des actions personnellement — devrait être remplacée par des sociétés de portefeuille et des sociétés de gestion ainsi que des fiducies familiales. Ainsi, McClarty Professional Services Inc. (« MPSI ») a été constituée en personne morale en vertu des lois de la Saskatchewan le 7 octobre 2002.

 

[11]         Darrell McClarty détenait 100 % des actions de catégorie A avec droit de vote de MPSI tandis que la fiducie détenait 100 % des actions de catégorie B sans droit de vote. MPSI a ensuite souscrit 31 actions de catégorie A de PSI.

 

[12]         Les autres actionnaires ont remplacé leurs actions de catégorie A par leur propre catégorie d'actions avec droit de vote dans la même proportion que les actions qu'ils détenaient à l'origine, soit 23 actions de catégorie B, 23 actions de catégorie C et 23 actions de catégorie D. Lorsque Catherine Marisi a quitté PSI en 2009, PSI a racheté ses actions et les actions ont été détenues à raison de 31‑23‑23.

 

[13]         La fiducie a été constituée par Vaughan McClarty, le père de Darrell McClarty, le 27 septembre 2002, au moyen d'une pièce en or. Darrell McClarty et son épouse, Karen, étaient les fiduciaires. Les bénéficiaires étaient Darrell McClarty, Karen McClarty et leurs enfants Devon, Joel et Brayden, les trois autres appelants. Tous les trois étaient mineurs à l'époque.

 

[14]         Enfin, 101051392 Saskatchewan Ltd. (la « société 101 ») a été constituée en personne morale le 17 décembre 2003, avec Darrell McClarty comme unique actionnaire et administrateur. Selon Darrell McClarty, la société 101 avait pour objet de recueillir des investissements futurs et de faciliter le régime de protection contre les créanciers.

 

[15]         Les opérations en cause ont commencé le 30 septembre 2003 lorsque MPSI a déclaré un dividende en actions à l'égard de ses actions ordinaires de catégorie B détenues par la fiducie (le « dividende en actions »). Le dividende en actions consistait en 48 000 actions privilégiées sans droit de vote de catégorie E de MPSI ayant un capital versé et un prix de base rajusté de 1 $ et un prix de rachat de 1 $ l'action. La fiducie a ensuite vendu ces actions de catégorie E à Darrell McClarty le même jour au prix de 48 000 $ en contrepartie d'un billet à ordre payable sur demande portant intérêts au taux de 0 %, mais dont le taux passerait à 10 % lorsque le paiement serait exigé.

 

[16]         Cette opération a généré un gain en capital de 47 999 $ pour la fiducie. La fiducie a distribué ce gain en capital aux trois bénéficiaires mineurs, à raison de 15 999 $ chacun, en émettant à chacun un billet à ordre payable sur demande assorti des mêmes conditions quant aux intérêts que le billet à ordre de Darrell McClarty. Il en est résulté pour chaque bénéficiaire mineur un gain en capital imposable de 7 999 $ qui a été déclaré dans leurs déclarations de revenus respectives.

 

[17]         Le même jour, soit le 30 septembre 2003, Darrell McClarty a payé 48 000 $ à MPSI en remboursement de prêts et d'avances antérieurs à un actionnaire. MPSI a ensuite versé 48 000 $ à la fiducie à titre de prêt à un actionnaire. La fiducie a ensuite consenti à Darrell McClarty un prêt, appelé le prêt à un fiduciaire. Darrell McClarty a ensuite payé une deuxième somme de 48 000 $ à MPSI en remboursement d'autres prêts à un actionnaire.

 

[18]         Le 31 décembre 2003, Darrell McClarty a vendu les actions de catégorie E qu'il détenait dans MPSI à la société 101 en échange d'un billet à ordre de 48 000 $ sans intérêts. Le même jour, MPSI a racheté les actions de catégorie E du dividende en actions à un prix de rachat de 1 $ l'action, pour un total de 48 000 $. La société 101 a reçu un dividende réputé comme résultat du rachat, mais il n'y avait aucun impôt payable sur l'opération puisque le dividende réputé provenait d'une société canadienne imposable (voir l'article 112 de la LIR).

 

[19]         Toujours le même jour, la société 101 a payé 48 000 $ à Darrell McClarty. Les parties ne s'entendent pas ici quant à savoir ce que Darrell McClarty a en fait remboursé au moyen des 48 000 $ qu'il avait reçus de la société 101. L'intimée allègue qu'il a remboursé le billet à ordre émis à la fiducie relativement à la vente des actions du dividende en actions dont j'ai parlé plus tôt comme étant le prêt à un fiduciaire, tandis que les appelants soutiennent que le paiement à ce moment représentait le remboursement d'un prêt distinct à un fiduciaire. Quoi qu'il en soit, les deux parties conviennent que, le 31 décembre 2004, Darrell McClarty avait 104 400,37 $ en billets à ordre impayés dus à la fiducie et que la fiducie avait des billets à ordre impayés de 96 000 $ dus aux bénéficiaires mineurs.

 

[20]         Pour compléter les opérations du 31 décembre 2003, la fiducie a payé 48 000 $ à MPSI en règlement du prêt à un actionnaire qu'elle avait reçu de MPSI le 30 septembre 2003, et MPSI a payé 48 000 $ à Darrell McClarty en remboursement d'un autre prêt d'actionnaire.

 

[21]         Les opérations de 2004 ont pris essentiellement la même forme que les opérations de 2003, à quelques différences près. Le 30 septembre 2004, MPSI a versé à la fiducie un dividende en actions à l'égard des actions de catégorie B sans droit de vote consistant en 48 000 actions de catégorie E ayant un capital versé, un prix de base rajusté et un prix de rachat de 1 $ l'action. Il en est résulté un dividende réputé de 1 $ pour la fiducie. La fiducie a ensuite vendu les actions de catégorie E à Darrell McClarty au prix de 48 000 $, et Darrell McClarty a émis un billet à ordre de ce montant à la fiducie. La fiducie a de nouveau distribué le gain en capital à parts égales aux trois bénéficiaires mineurs, qui ont reçu un montant de 15 999 $ chacun, entraînant pour chacun un gain en capital imposable de 7 999 $. Ils ont déclaré ce montant dans leurs déclarations de revenus.

 

[22]         Contrairement à ce qui s'était produit en 2003, le 30 septembre 2004, la fiducie a ensuite versé 36 500 $ à MPSI en remboursement d'un prêt à un actionnaire et 11 500 $ à Darrell McClarty à titre de prêt à un fiduciaire. Darrell McClarty a ensuite versé les 11 500 $ à MPSI en remboursement d'un prêt à un actionnaire.

 

[23]         Le 31 décembre 2004, Darrell McClarty a émis un billet à ordre de 56 400 $ à la fiducie, en indiquant que cela représentait la totalité des avances en espèces nettes en 2004. Le même jour, Darrell McClarty a vendu les actions de catégorie E à la société 101 au prix de 48 000 $. La société 101 a reçu encore une fois un dividende réputé de 47 999 $ et a demandé la déduction correspondante au titre d'un dividende.

 

[24]         Toujours à la même date, la société 101 a transféré 48 000 $ à Darrell McClarty en règlement du billet à ordre de la société lié à l'achat d'actions de catégorie E. Darrell McClarty a ensuite transféré ce montant à la fiducie à titre de paiement partiel de son billet à ordre de 56 000 $. La dernière étape le 31 décembre 2004 était que MPSI a remboursé à PSI le montant de 48 000 $.

 

[25]         À la suite de ces opérations, et comme il a été indiqué précédemment, la fiducie devait 32 000 $ à chacun des trois bénéficiaires mineurs au titre des billets à ordre impayés. Darrell McClarty avait des billets à ordre impayés dus à la fiducie de 104 400,37 $ (48 000 $ pour 2003 + 48 000 $ pour 2004 + 8 400 $ d'avances en espèces). Les comptes des autres sociétés se compensaient entre eux.

 

L'analyse relative à la DGAÉ

 

[26]         Je traiterai tout d'abord de la question de savoir si la DGAÉ peut être utilisée pour qualifier autrement le gain en capital reçu par la fiducie. Les parties s'entendent sur le fait qu'il faut appliquer le cadre d'analyse établi par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601, 2005 CSC 54. Cet arrêt précède l'arrêt Copthorne Holdings Ltd. c. Canada, 2011 CSC 63, de la Cour suprême. Voici les directives énoncées au paragraphe 66 de l'arrêt Hypothèques Trustco Canada, précité :

 

L'approche relative à l'art. 245 de la Loi de l'impôt sur le revenu peut se résumer ainsi.

 

1.         Trois conditions sont nécessaires pour que la RGAÉ s'applique :

 

(1)        il doit exister un avantage fiscal découlant d'une opération ou d'une série d'opérations dont l'opération fait partie (par. 245(1) et (2));

 

(2)        l'opération doit être une opération d'évitement en ce sens qu'il n'est pas raisonnable d'affirmer qu'elle est principalement effectuée pour un objet véritable — l'obtention d'un avantage fiscal n'étant pas considérée comme un objet véritable;

 

(3)        il doit y avoir eu évitement fiscal abusif en ce sens qu'il n'est pas raisonnable de conclure qu'un avantage fiscal serait conforme à l'objet ou à l'esprit des dispositions invoquées par le contribuable.

 

2.         Il incombe au contribuable de démontrer l'inexistence des deux premières conditions, et au ministre d'établir l'existence de la troisième condition.

 

3.         S'il n'est pas certain qu'il y a eu évitement fiscal abusif, il faut laisser le bénéfice du doute au contribuable.

 

4.         Les tribunaux doivent effectuer une analyse textuelle, contextuelle et téléologique unifiée des dispositions qui génèrent l'avantage fiscal afin de déterminer pourquoi elles ont été édictées et pourquoi l'avantage a été conféré. Le but est d'en arriver à une interprétation téléologique qui s'harmonise avec les dispositions de la Loi conférant l'avantage fiscal, lorsque ces dispositions sont lues dans le contexte de l'ensemble de la Loi.

 

5.         La question de savoir si les opérations obéissaient à des motivations économiques, commerciales, familiales ou à d'autres motivations non fiscales peut faire partie du contexte factuel dont les tribunaux peuvent tenir compte en analysant des allégations d'évitement fiscal abusif fondées sur le par. 245(4). Cependant, toute conclusion à cet égard ne constituerait qu'un élément des faits qui sous‑tendent l'affaire et serait insuffisante en soi pour établir l'existence d'un évitement fiscal abusif. La question centrale est celle de l'interprétation que les dispositions pertinentes doivent recevoir à la lumière de leur contexte et de leur objet.

 

6.                  On peut conclure à l'existence d'un évitement fiscal abusif si les rapports et les opérations décrits dans la documentation pertinente sont dénués de fondement légitime relativement à l'objet ou à l'esprit des dispositions censées conférer l'avantage fiscal, ou si ces rapports et opérations diffèrent complètement de ceux prévus par les dispositions.

 

7.         Si le juge de la Cour de l'impôt s'est fondé sur une interprétation correcte des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu et sur des conclusions étayées par la preuve, les tribunaux d'appel ne doivent pas intervenir en l'absence d'erreur manifeste et dominante.

 

Avantage fiscal

 

[27]         En ce qui concerne la première exigence qui doit être satisfaite pour pouvoir qualifier autrement une opération en vertu de la DGAÉ, les appelants ont concédé qu'un avantage fiscal découle des opérations.

 

L'opération est-elle une opération d'évitement?

 

[28]         Pour ce qui concerne la deuxième exigence, les appelants soutiennent que les opérations en cause ont été réalisées principalement pour placer Darrell McClarty hors de la portée de ses créanciers en mettant des billets à ordre payables sur demande entre les mains de la fiducie. L'intimée réplique que l'objet véritable allégué n'est pas étayé par une appréciation raisonnable des faits et des circonstances des opérations, puisque la mise à l'abri des créanciers était inefficace, la documentation révèle que les opérations étaient circulaires, et les opérations étaient en fait un plan fiscal tout fait d'avance.

 

[29]         Dans l'arrêt Hypothèques Trustco Canada, précité, au paragraphe 29, la Cour suprême du Canada a donné des directives pour examiner la question de savoir s'il y avait un objet véritable :

 

[...] l'examen porte sur les faits. Le contribuable ne peut se soustraire à l'application de la RGAÉ en déclarant simplement que l'opération a été principalement effectuée pour un objet non fiscal. Le juge de la Cour de l'impôt doit soupeser la preuve pour décider s'il est raisonnable de conclure que l'opération n'a pas été principalement effectuée pour un objet non fiscal. Cette décision fait appel au caractère raisonnable, ce qui indique qu'il faut envisager objectivement la possibilité que les événements se prêtent à diverses interprétations.

 

[30]         Autrement dit, il doit y avoir « une évaluation objective de l'importance relative des motivations auxquelles obéissait l'opération » (voir le paragraphe 28 de l'arrêt Hypothèques Trustco Canada). Dans l'arrêt OSFC Holdings Ltd. c. Canada, [2002] 2 C.F. 288, 2001 CAF 260, au paragraphe 46, le juge Rothstein a affirmé que le moment pertinent aux fins de cette évaluation est le moment où l'opération avait été effectuée et non quelque moment ultérieur avec le bénéfice du recul.

 

[31]         Une bonne part du témoignage de Darrell McClarty a porté sur ses craintes après qu'il eut quitté Clifton et son poste chez Envista. Peu après son départ, d'autres ont aussi commencé à quitter Envista et sont devenus ses associés. Il a rencontré Wayne Clifton, le président de Clifton, qui a insisté sur l'importance de son retour chez Envista et a clairement indiqué que s'il ne revenait pas, d'importantes conséquences juridiques pourraient s'ensuivre. On a présenté à Darrell McClarty un projet de déclaration alléguant qu'il avait comploté en vue de nuire directement aux affaires d'Envista et qu'il avait volé la propriété intellectuelle d'Envista. Cette déclaration n'a pas été délivrée, mais elle a été utilisée comme menace.

 

[32]         La déclaration n'a pas été produite en preuve au procès, mais il y avait d'autres documents qui corroboraient son existence, en plus des témoignages de Darrell McClarty et de son avocat à l'époque, Me Bill Warren. Il y a une lettre de Me Bill Warren à titre d'avocat de Darrell McClarty affirmant qu'il était en possession du projet de déclaration et mettant en garde contre son caractère potentiellement diffamatoire. Une autre lettre, en réponse, de Me Cory J. Furman du cabinet Furman & Kallio, avocats de Clifton Associates Ltd., confirme que la déclaration n'avait pas été délivrée ni diffusée. Il y a également un courriel de Paulette Popadynec de la Saskatchewan Labour Board (Commission du travail de la Saskatchewan) à Darrell McClarty indiquant qu'il n'y aurait pas de paiement du solde de la paye de vacances parce que Clifton intentait une action en justice.

 

[33]         De plus, Clifton, par l'intermédiaire de ses avocats, MacPherson Leslie & Tyerman, a envoyé des lettres à la Comisión interinstitucional de la cuenca hidrográfica del Canal de Panamá et à l'Agence canadienne de développement international pour signaler à ces organismes que Darrell McClarty et Derin Hildebrandt, par l'intermédiaire d'une société dénommée Can Global, [TRADUCTION] « prétendaient avoir le pouvoir de concéder sous licence, de vendre, d'utiliser, d'appliquer ou de commercialiser autrement le logiciel d'Envista et qu'ils prétendaient être des représentants d'Envista ».

 

[34]         Ces documents et les éléments de preuve présentés par Darrell McClarty indiquent clairement que ce dernier était menacé d'une action en justice lorsqu'il a quitté Clifton en 2001. La menace d'action en justice a continué de planer lorsqu'Envista et Clifton ont continué par la suite à faire concurrence à PSI jusqu'à ce qu'Envista cesse ses activités aux environs de 2005‑2006. Durant cette période de concurrence directe avec Envista et Clifton, comme Darrell McClarty l'a résumé dans son témoignage, PSI craignait que la conclusion de contrats en vue de la mise au point de systèmes là où Envista et Clifton l'avaient fait auparavant puisse être motif à poursuites judiciaires et puisse continuer de leur causer des problèmes juridiques avec Clifton.

 

[35]         La position de l'intimée repose principalement sur l'argument selon lequel la mise à l'abri des créanciers était inefficace. L'intimée soutient que, quoi qu'il soit fait, Darrell McClarty serait personnellement responsable à titre d'administrateur de MPSI pour avoir déclaré des dividendes qui avaient rendu MPSI insolvable. Les avocates de l'intimée ont cité les propos d'Evan Shoforost dans le texte de la communication qu'il avait livrée à la Prairie Provinces Tax Conference (conférence fiscale des provinces des Prairies) de 2002 (Association canadienne d'études fiscales), à la page 7, où il affirmait que les professionnels ne pouvaient pas se mettre à l'abri de la responsabilité pour négligence professionnelle, mais pouvaient le faire à l'égard de la responsabilité dans d'autres contextes, comme la responsabilité de l'employeur. La Couronne s'appuie sur l'article 40 et le paragraphe 113(2) de la loi intitulée Business Corporations Act (Loi sur les sociétés par actions) de la Saskatchewan (la « BCA »), qui sont ainsi rédigés :

 

[TRADUCTION]

 

40 La société ne peut déclarer ni payer de dividende s'il existe des motifs raisonnables de croire, selon le cas, que :

 

a) celle‑ci ne peut ou, de ce fait, ne pourrait acquitter son passif à échéance;

 

b) la valeur de réalisation de son actif serait, de ce fait, inférieure au total de son passif et de son capital déclaré de toute catégorie.

 

113(2) Les administrateurs qui ont, par vote ou acquiescement, approuvé l'adoption d'une résolution autorisant, selon le cas :

 

[...]

 

c) le versement d'un dividende contrairement à l'article 40;

 

[...]

 

sont solidairement tenus de restituer à la société les sommes ainsi versées que celle‑ci n'a pas recouvrées autrement.

 

[36]         L'intimée n'a pas dit comment cela neutraliserait le plan de protection contre les créanciers en l'espèce. Étant donné que la majorité des éléments de preuve concernant la mise à l'abri des créanciers est centrée sur la crainte d'une poursuite de Clifton and Associates, cela soulève la question de savoir si l'alinéa 40a) de la BCA s'applique dans le cas de créanciers futurs qui établiront seulement l'existence d'une dette lorsqu'un jugement sera prononcé. L'alinéa 40a) de la BCA s'applique lorsqu'une société est incapable d'acquitter son passif à échéance. Il n'est pas tout à fait certain que des créanciers éventuels puissent invoquer l'alinéa 40a) de la BCA. Dans la décision Devry c. Atwood's Furniture Showrooms Ltd., 11 B.L.R. (3d ) 227, [2000] O.J. no 4283 (QL), aux paragraphes 26 et 27, la Cour supérieure de justice de l'Ontario a statué que des créanciers judiciaires éventuels ne pouvaient pas invoquer la disposition équivalente de la Loi sur les sociétés par actions de l'Ontario.

 

[37]         L'intimée a également cité le juge Archambault de notre Cour, qui a statué, dans Gestion Yvan Drouin Inc. c. La Reine, [2000] A.C.I. no 872 (QL), 2001 D.T.C. 72, au paragraphe 71 :

 

[...] selon les lois régissant les sociétés [...] les administrateurs d'une société ne peuvent déclarer de dividendes qui auraient comme conséquence de la rendre incapable de faire face à ses dettes envers ses créanciers. Si des administrateurs déclaraient et versaient un dividende en violation d'une telle obligation, ils seraient tenus responsables des sommes dues aux créanciers de la société. Des recours pourraient aussi être exercés contre les actionnaires pour obtenir le remboursement des dividendes. [...]

 

[38]         Cette affaire concernait le paragraphe 160(1) de la LIR et son application, et non la Loi canadienne sur les sociétés par actions. La remarque faite par le juge Archambault avant de statuer que la cotisation établie en vertu du paragraphe 160(1) ne pouvait être maintenue était une remarque incidente. De plus, la remarque a été faite à l'égard d'une dette fiscale, qui devient exigible à la date d'exigibilité du solde et ne dépend pas de l'obtention préalable d'un jugement.

 

[39]         Je ne crois pas que l'article 40 de la BCA s'applique ici. Le désir de se mettre à l'abri des créanciers est fondé sur le fait que Darrell McClarty craignait une action en justice éventuelle de Clifton. Selon les éléments de preuve, MPSI n'a pas déclaré de dividendes supérieurs à ses bénéfices non répartis. Étant donné que Clifton était tout au plus un créancier judiciaire éventuel, cette dette éventuelle ne devait pas obligatoirement figurer au bilan de MPSI pour l'application du critère de l'insolvabilité avant la déclaration de dividendes. La situation aurait toutefois pu être différente s'il y avait eu un litige en instance, mais il n'y en avait aucun en l'espèce.

 

[40]         Pour ce qui concerne l'argument selon lequel la documentation révèle des opérations totalement circulaires, l'intimée a beaucoup insisté sur la question de savoir si les paiements de 48 000 $ de Darrell McClarty à la fiducie représentaient le remboursement du billet à ordre lié à la vente des actions du dividende en actions ou le remboursement du prêt impayé à un fiduciaire. Les appelants ont soutenu que les prêts à un fiduciaire avaient été remboursés, et ils ont invoqué à cet égard deux billets à ordre distincts émis en 2003 et en 2004 et une note rédigée par une certaine Michelle Mack, qui travaillait au cabinet comptable de MPSI, dans laquelle elle expose le plan des opérations et mentionne le remboursement des 48 000 $ que la fiducie avait prêtés à Darrell McClarty.

 

[41]         L'intimée a répliqué en invoquant deux autres notes rédigées par Michelle Mack expliquant toutes les étapes des opérations, en particulier l'étape 6, où elle dit que Darrell McClarty a remboursé le billet à ordre de la fiducie avec 48 000 $ en espèces, et elle renvoie à l'étape 2 qui décrit la vente des actions du dividende en actions. Les appelants ont répondu en affirmant que Michelle Mack avait omis cela par erreur dans les instructions données à Me Bill Warren, l'avocat de Darrell McClarty.

 

[42]         D'autres documents, comme le grand livre général de la fiducie, ont été invoqués pour tenter de déterminer si c'étaient les billets à ordre liés à la vente des actions qui avaient été remboursés ou ceux liés au prêt à un fiduciaire. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire que je tire une conclusion quant à savoir quel billet à ordre a effectivement été remboursé par ces paiement de 48 000 $. L'argent que Darrell McClarty a reçu lors du rachat des actions a été utilisé pour rembourser une dette impayée due à la fiducie. Les deux parties ont convenu que Darrell McClarty avait des billets à ordre impayés d'environ 104 000 $ à la fin de 2004.

 

[43]         La dernière observation de l'intimée au soutien de sa position selon laquelle il n'y avait pas d'objet véritable est que le plan d'ensemble avait été mis en place par Evan Shoforost, qui avait créé le plan tout fait d'avance. En contre‑interrogatoire, il a reconnu que tout plan fiscal est général au départ, puis la situation factuelle est examinée pour voir s'il y a des raisons commerciales véritables d'utiliser certains des éléments du plan général. Je crois qu'il y avait des raisons commerciales véritables en l'espèce. Il ressort clairement des éléments de preuve que Darrell McClarty était menacé d'une action en justice lorsqu'il a quitté Clifton et a commencé à faire directement concurrence à cette société. Il y avait une raison non fiscale véritable de réaliser les opérations en question.

 

[44]         L'intimée a soutenu qu'au moins une des opérations de la série n'avait pas été réalisée pour un motif non fiscal véritable. Dans sa plaidoirie, l'intimée a invoqué la déclaration de dividendes en actions dans les deux années en cause et la vente de ces actions à Darrell McClarty au soutien de ce point de vue.

 

[45]         Les appelants ont soutenu que le transfert d'actif à des fins de protection contre les créanciers sans entraîner les coûts fiscaux importants qui auraient découlé du versement d'un dividende à la fiducie est un but non fiscal véritable valide sous le régime de la LIR.

 

[46]         Le dividende en actions déclaré dans les deux années en cause a entraîné un transfert de la valeur d'actifs de MPSI à la fiducie. Cela s'accorde avec une stratégie de mise à l'abri des créanciers. Les actifs de Darrell McClarty dans MPSI ont été partiellement réduits au profit de la fiducie et, une fois rachetés, les actifs seront entièrement hors des mains de MPSI et de Darrell McClarty. Je ne considère pas que cette opération soit une opération d'évitement. Comme les appelants l'ont soutenu, si MPSI avait versé un dividende à la fiducie, attribué le revenu aux bénéficiaires mineurs au moyen de billets à ordre et prêté les fonds à Darrell McClarty, une certaine protection contre les créanciers aurait pu être obtenue, mais cela aurait été moins efficace à cause du taux d'imposition plus élevé applicable au dividende aux bénéficiaires mineurs et, par voie de conséquence, moins de fonds auraient été disponibles pour établir la dette entre la fiducie et les bénéficiaires mineurs.

 

[47]         Dans l'arrêt Hypothèques Trustco Canada, précité, la Cour suprême du Canada a affirmé, au paragraphe 30 :

 

[...] Il est utile de se demander ce qui n'est pas suffisant pour établir l'existence d'une opération d'évitement au sens du par. 245(3). Les notes explicatives précisent ceci, à la p. 495 :

 

Le paragraphe 245(3) ne permet pas de « requalifier » une opération afin de déterminer s'il s'agit ou non d'une opération d'évitement. Autrement dit, il ne permet pas de considérer une opération comme une opération d'évitement parce qu'une autre opération, qui aurait pu permettre d'obtenir un résultat équivalent, se serait traduite par des impôts plus élevés.

 

[48]         Selon les notes explicatives mentionnées dans l'extrait qui précède, le législateur a reconnu le principe du duc de Westminster selon lequel la planification fiscale en vue de payer le moins d'impôt possible est une dimension légitime et admise du droit fiscal canadien.

 

[49]         L'autre opération mentionnée par l'intimée est la vente des 48 000 actions de catégorie E de la fiducie à Darrell McClarty. Les appelants soutiennent que cette opération avait pour objet de créer la dette entre Darrell McClarty et la fiducie afin de protéger une partie des avoirs propres de MPSI et de PSI en cas de problème, tout en permettant à Darrell McClarty d'utiliser les fonds personnellement pour continuer à développer l'entreprise.

 

[50]         Les circonstances entourant les opérations en question comprennent la menace d'action en justice qui pesait sur Darrell McClarty lorsqu'il a quitté Clifton en 2001. L'élément déclencheur de toute la série d'opérations était le désir de protéger les actifs de MPSI contre cette menace. Lorsque le dividende en actions a été distribué, un élément d'actif a été transféré de MPSI à la fiducie, de telle sorte que les actifs de Darrell McClarty dans MPSI ont été partiellement réduits au profit de la fiducie.

 

[51]         On pourrait soutenir que la vente des actions de la fiducie à Darrell McClarty suivie des ventes subséquentes à la société 101 ont été effectuées essentiellement pour atténuer les conséquences fiscales du plan de mise à l'abri des créanciers, mais ces opérations n'auraient jamais eu lieu en l'absence du besoin de protéger les actifs de MPSI. Elles faisaient partie intégrante de la stratégie visant à protéger ces actifs. Comme il a été affirmé dans l'arrêt Hypothèques Trustco Canada, précité, si une opération est motivée par des considérations fiscales et non fiscales, il faut déterminer s'il est raisonnable de conclure que la motivation non fiscale était prédominante. Si tel est le cas, la DGAÉ ne peut pas être appliquée pour refuser l'avantage fiscal.

 

[52]         Soutenir que la vente des actions devrait être considérée comme une opération d'évitement parce qu'une autre opération aurait pu produire un résultat similaire, mais à un coût fiscal plus élevé, serait, à mon avis, incompatible avec les commentaires de la Cour suprême dans l'arrêt Hypothèques Trustco Canada et avec les notes explicatives relatives à l'article 245 de la LIR.

 

[53]         Je suis d'avis que toutes les opérations qui constituent la série ont été réalisées pour un objet véritable autre que l'obtention de l'avantage fiscal. L'intention de protéger les avoirs était la principale motivation qui sous‑tendait chaque opération. Quant à Darrell McClarty personnellement, il sera imposé de la même manière lorsque les fonds seront retirés de la société 101 qu'il le serait si l'argent était retiré de MPSI.

 

[54]         Puisque j'ai conclu que nous n'avons pas affaire ici à une opération d'évitement découlant d'une série d'opérations, il n'est pas nécessaire de continuer l'analyse et de déterminer s'il y a eu un évitement fiscal abusif.

 

[55]         Le législateur a clairement laissé une lacune lorsqu'il a édicté l'article 120.4 de la LIR. Je souscris aux propos de mon collègue le juge Paris dans la décision Landrus c. La Reine, 2008 CCI 274, selon lesquels, comme le notait l'ancien juge en chef Bowman, il est inapproprié pour le ministre d'utiliser la DGAÉ pour combler les lacunes laissées par le législateur. Le juge Paris a affirmé ce qui suit au paragraphe 124 :

 

Le ministre utilise donc la RGAE en l'espèce en vue de combler les lacunes laissées par le législateur au paragraphe 85(5.1). Il s'agit d'une utilisation inappropriée de la RGAE, comme l'a fait remarquer le juge en chef adjoint Bowman dans la décision Geransky v. The Queen :

 

[...] La Loi de l'impôt sur le revenu est remarquable par sa particularisation et regorge de dispositions anti‑évitement conçues pour contrecarrer tout abus particulier perçu. Lorsque le contribuable applique ces dispositions et réussit à éviter les pièges, le ministre ne peut lui dire : « Parce que vous avez su éviter les écueils et les obstacles de la Loi et que vous n'avez pas effectué votre opération commerciale de manière à payer le maximum d'impôt, je vais invoquer la RGAE pour éviter toute échappatoire que n'aurait pas prévue la multitude de dispositions anti‑évitement particulières ».

 

Le paragraphe 84(3) s'applique-t-il dans les circonstances de l'espèce?

 

[56]         L'autre question est celle de savoir si la fiducie est réputée avoir reçu un dividende de MPSI en vertu du paragraphe 84(3) de la Loi durant chacune de ses années d'imposition se terminant le 31 décembre 2003 et le 31 décembre 2004 malgré le fait que les actions étaient détenues par la société 101. Si tel est le cas, les montants de 16 000 $ ont été inclus à juste titre comme dividendes dans le revenu de chacun des bénéficiaires mineurs de la fiducie pour chacune de leurs années d'imposition 2003 et 2004.

 

[57]         L'intimée invoque la décision de notre Cour dans RMM Canadian Enterprises Inc. c. La Reine, no 94‑1732(IT)G, 10 avril 1997, [1997] A.C.I. no 302 (QL), au soutien de la prétention selon laquelle les mots « de quelque façon que ce soit » aux paragraphes 84(2) et 84(3) doivent recevoir une interprétation large de manière à ce que la personne qui ne détenait pas les actions immédiatement avant le rachat soit visée par les mots « chacune des personnes » au paragraphe 84(3). Autrement dit, un rachat « de quelque façon que ce soit » n'est pas nécessairement un événement instantané; il peut s'entendre d'un rachat en plusieurs étapes.

 

[58]         Les appelants, en revanche, soutiennent que toutes les opérations en cause étaient réelles, avaient un effet juridique et avaient une raison d'être économique. La fiducie ne détenait pas les actions du dividende en actions de 2003 ou de 2004 au moment du rachat de ces actions par MPSI. C'était la société 101 qui les détenait en vertu d'une convention d'achat d'actions entre la société 101 et Darrell McClarty ayant force juridique. Les appelants soutiennent que le paragraphe 84(3) s'est appliqué comme il se devait à l'égard d'opérations ayant force juridique lorsque MPSI a racheté les actions du dividende en actions de 2003 et de 2004.

 

[59]         De manière générale, l'article 84 de la LIR a pour objet de réputer certains événements qui ne sont pas des versements de dividendes selon le droit des sociétés être des versements de dividendes selon le droit fiscal. En vertu du paragraphe 84(3), tous les montants qu'une société résidant au Canada paie lors du rachat de toute catégorie d'actions et qui excèdent le capital versé de ces actions sont imposés à titre de dividendes. Un tel rachat de ses propres actions « de quelque façon que ce soit » par une société résidant au Canada a comme conséquence que la société est réputée avoir versé un dividende et les actionnaires sont réputés avoir reçu un dividende.

 

[60]         L'argument de l'intimée est fondé sur une décision interprétant le libellé du paragraphe 84(2) de la Loi. Je reproduis ci-dessous, à des fins de comparaison, les paragraphes 84(2) et 84(3).

 

84(3) Lorsque, à un moment donné après le 31 décembre 1977, une société résidant au Canada a racheté, acquis ou annulé de quelque façon que ce soit (autrement que par une opération visée au paragraphe (2)) toute action d'une catégorie quelconque de son capital‑actions :

 

a) la société est réputée avoir versé au moment donné un dividende sur une catégorie distincte d'actions constituée des actions ainsi rachetées, acquises ou annulées, égal à l'excédent éventuel de la somme payée par la société lors du rachat, de l'acquisition ou de l'annulation, selon le cas, de ces actions sur le capital versé relatif à ces actions, existant immédiatement avant ce moment;

 

bchacune des personnes qui détenaient au moment donné une ou plusieurs actions de cette catégorie distincte est réputée avoir reçu à ce moment un dividende égal à la fraction de l'excédent déterminé en vertu de l'alinéa a) représentée par le rapport existant entre le nombre de ces actions que détenait cette personne immédiatement avant ce moment et le nombre total des actions de cette catégorie distincte que la société a rachetées, acquises ou annulées, à ce moment.

 

84(2) Lorsque des fonds ou des biens d'une société résidant au Canada ont, à un moment donné après le 31 mars 1977, été distribués ou autrement attribués, de quelque façon que ce soit, aux actionnaires ou au profit des actionnaires de toute catégorie d'actions de son capital-actions, lors de la liquidation, de la cessation de l'exploitation ou de la réorganisation de son entreprise, la société est réputée avoir versé au moment donné un dividende sur les actions de cette catégorie, égal à l'excédent éventuel du montant ou de la valeur visés à l'alinéa a) sur le montant visé à l'alinéa b) :

 

a) le montant ou la valeur des fonds ou des biens distribués ou attribués, selon le cas;

 

b) le montant éventuel de la réduction, lors de la distribution ou de l'attribution, selon le cas, du capital versé relatif aux actions de cette catégorie;

 

chacune des personnes qui détenaient au moment donné une ou plusieurs des actions émises est réputée avoir reçu à ce moment un dividende égal à la fraction de l'excédent représentée par le rapport existant entre le nombre d'actions de cette catégorie qu'elle détenait immédiatement avant ce moment et le nombre d'actions émises de cette catégorie qui étaient en circulation immédiatement avant ce moment.

 

 

[61]         La décision RMM, précitée, étaye la prétention selon laquelle les mots « de quelque façon que ce soit » doivent recevoir une interprétation large. Lorsqu'il a appliqué le paragraphe 84(2) aux faits de cette affaire, le juge Bowman (tel était alors son titre) a concentré son attention sur le libellé du paragraphe, et il a affirmé au paragraphe 22 :

 

Les mots « distribués ou autrement attribués, de quelque façon que ce soit, lors de la liquidation, de la cessation de l'exploitation ou de la réorganisation de son entreprise » ont une portée fort large et visent un bon nombre de façons de remettre aux actionnaires les fonds de l'entreprise. Voir Merritt (précité); Smythe et al. v. M.N.R., 69 D.T.C. 5361 (C.S.C.). Les fonds ont incontestablement été reçus lors de la liquidation ou de la cessation de l'exploitation d'EL et il est impossible de dire que les fonds qui se sont en fin de compte retrouvés entre les mains d'EC n'étaient pas vraiment les fonds d'EL, malgré la brève intervention de la banque et de RMM.

 

[62]         La question en litige dans RMM concernait la question de savoir comment et pourquoi les fonds en question s'étaient retrouvés entre les mains d'EC alors qu'en réalité il s'agissait des fonds d'EL. Pour répondre à cette question, il faut, en ce qui concerne l'attribution, analyser comment ces fonds ont abouti entre les mains de l'actionnaire, et les mots « de quelque façon que ce soit » visent de nombreuses situations qui donnent lieu à l'application de ce paragraphe.

 

[63]         Le paragraphe 84(3), en revanche, vise une société qui a racheté, acquis ou annulé certaines de ses actions de quelque façon que ce soit. Ce libellé commanderait une analyse de la façon dont les actions en question ont été rachetées, acquises ou annulées, en ce sens que le mode de rachat, d'acquisition ou d'annulation pourrait avoir une incidence sur la question de savoir quelles personnes détiennent réellement les actions. Ce n'est pas la façon dont la personne qui détient les actions rachetées, acquises ou annulées en est venue à les posséder qui doit être déterminée pour l'application du paragraphe 84(3).

 

[64]         Cela est particulièrement vrai dans la présente situation factuelle où aucune des opérations n'est fictive ou dépourvue de raison d'être économique. Je suis d'accord avec les appelants pour dire que toutes les opérations en cause avaient force juridique et que le paragraphe 84(3) s'est appliqué comme il se devait lorsque MPSI a racheté les actions du dividende en actions de 2003 et de 2004. Les rachats d'actions en l'espèce sont le résultat d'un événement unique.

 

[65]         Même si j'examinais la façon dont les actions ont été rachetées, je devrais considérer les opérations comme autant d'étapes du processus de rachat, d'acquisition ou d'annulation, ce que je ne crois pas être le cas en l'espèce. Les étapes en l'espèce ont été entreprises pour une raison véritable, et je ne crois pas que, dans ces circonstances, le paragraphe 84(3) puisse être appliqué de manière à pouvoir déclarer que la fiducie avait reçu un dividende réputé lors du rachat des actions du dividende en actions de 2003 et de 2004.

 

[66]         La Cour suprême du Canada a clairement établi, dans de nombreuses décisions, qu'en l'absence d'une disposition expresse contraire, il n'appartient pas à la Cour d'empêcher les contribuables d'avoir recours à la structure sophistiquée de leurs opérations, organisées de telle sorte qu'il soit satisfait aux exigences des dispositions particulières de la LIR, au motif que permettre cela serait inéquitable pour les contribuables qui ont choisi de ne pas structurer leurs opérations de cette façon (Shell Canada ltée c. La Reine, [1999] 3 R.C.S. 622, Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, R. c. Singleton, [2001] 2 R.C.S. 1046).

 

[67]         Sauf dans le contexte de la DGAÉ, les directives données dans les décisions précitées demeurent valides.

 

[68]         Les appels sont accueillis avec un seul mémoire de frais.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mars 2012.

 

 

« François Angers »

Le juge Angers

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de juin 2012.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                            2012 CCI 80

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :          2008-2139(IT)G, 2008-2129(IT)G, 2008‑2118(IT)G, 2008-2121(IT)G

 

INTITULÉS :                                              McClarty Family Trust c. Sa Majesté la Reine,

                                                                   Joel McClarty c. Sa Majesté la Reine,

                                                                   Brayden McClarty c. Sa Majesté la Reine,

                                                                   Devon McClarty c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Saskatoon (Saskatchewan)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           Le 6 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                L'honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :                             Le 21 mars 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat des appelants :

Me Kurt G. Wintermute

 

Avocates de l'intimée :

Me Brooke Sittler

Me Karen Janke-Curliss

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour les appelants :

 

                   Nom :           Kurt G. Wintermute

                   Cabinet :      MacPherson Leslie & Tyerman LLP

                                       Saskatoon (Saskatchewan)

 

          Pour l'intimée :       Myles J. Kirvan

                                       Sous-procureur général du Canada

                                       Ottawa, Canada

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