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Référence : 2012 CCI 247

Date : 20120711

Dossier : 2010-2144(IT)G

ENTRE :

JAMES AVRAMS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l’audience le 11 juillet 2012, à Toronto (Ontario)),

La juge V. A. Miller

 

[1]             Le 12 juillet 2007, il a été demandé à l’appelant de produire ses déclarations de revenus pour les années d’imposition 2001 à 2006, inclusivement. Il a produit ses déclarations le 10 août 2007; cependant, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi la cotisation de l’appelant en se fondant sur sa valeur nette, conformément au paragraphe 152(7).

 

[2]             La question qui se pose dans le présent appel consiste à savoir si l’appelant a eu des revenus non déclarés de 34 339 $, de 21 584 $, de 26 114 $ et de 43 573 $ dans les années d’imposition 2003, 2004, 2005 et 2006, respectivement.

 

[3]             L’appelant a été la seule personne à témoigner à l’audience. Il a lu une déclaration toute faite et n’a produit aucune pièce. L’intimée a déposé un recueil de documents contenant, notamment, les déclarations de revenus, l’avis d’opposition et des avis de nouvelle cotisation.

 

[4]             Dans ses déclarations de revenus relatives aux années d’imposition 2002, 2003, 2004, 2005 et 2006, l’appelant avait déclaré des revenus bruts de 8 000 $, de 9 017,26 $, de 9 613,06 $, de 9 286,09 $ et de 10 004,54 $, respectivement. La seule déduction qu’il avait déclarée était le paiement de cotisations au Régime de pensions du Canada en 2003, 2004, 2005 et 2006. Plus tard (aucune date ne m’a été indiquée), l’appelant a déclaré au ministre qu’il avait touché un revenu de location de 2003 à 2006, inclusivement. Il a écrit qu’il ignorait que le revenu de location devait être inclus dans ses déclarations de revenus. Dans son calcul du revenu de location net, il a indiqué que le revenu de location annuel s’élevait à 6 000 $ et que les dépenses de location représentaient 30 % des dépenses engagées à l’égard du bien.

 

[5]             L’appelant a contesté les calculs de l’analyse de la valeur nette en mettant l’accent sur deux inscriptions : les sommes d’argent dont sa sœur lui avait fait don, ainsi que le montant des dépenses de location applicables aux années 2005 et 2006. Il alléguait que sa sœur, Mary, lui avait fait don de 35 000 $, de 30 000 $, de 32 000 $ et de 33 000 $ en 2003, 2004, 2005 et 2006, respectivement. Cependant, dans les annexes relatives à la valeur nette, le ministre a seulement reconnu que l’appelant avait touché les sommes de 6 000 $, de 13 000 $ et de 1 000 $ en 2003, 2004 et 2005 en guise de dons de sa sœur. L’appelant a également exprimé l’avis que, contrairement à ce qu’il avait déclaré antérieurement au ministre, une part de 70 % de son domicile avait été utilisée comme bien locatif en 2005 et 2006 et qu’il y avait lieu de réduire d’autant les dépenses personnelles incluses dans le calcul de sa valeur nette.

 

[6]             L’appelant était un ex-toxicomane quand, en décembre 2002, son père est mort subitement et que, un mois plus tard, son jeune frère s’est suicidé; il a donc eu une rechute. Selon son témoignage, il était sans emploi au cours de la période en question et n’avait pas de revenus réguliers.

 

[7]             Il a hérité d’une somme de 40 000 $ de la succession de son père et, selon lui, Mary a hérité de 400 000 $. Il a dit que sa sœur avait aidé à prendre soin de lui à une époque où il se trouvait dans le besoin. Elle lui avait fait don de près de 130 000 $ pendant les quatre années visées par l’appel.

 

La cotisation fondée sur la valeur nette

 

[8]             Dans le présent appel, les calculs relatifs à la valeur nette ont été fondés sur une analyse de dépôts bancaires, de relevés bancaires, de relevés hypothécaires, de placements et de relevés de carte de crédit.

 

[9]             On a recours à la méthode de la valeur nette quand un contribuable n’a pas produit de déclaration de revenus ou ne détient pas de documents[1], ou quand les documents sont en mauvais état ou ne sont nullement fiables. Dans la décision Dao c. La Reine, 2010 CCI 84, la juge Campbell a résumé le droit relatif à la méthode de la valeur nette et a fait remarquer ce qui suit :

 

Par conséquent, la méthode, par sa nature même, donne lieu à une estimation inexacte du revenu du contribuable. Cette méthode peut produire des résultats insatisfaisants, mais elle est fondée sur l’hypothèse selon laquelle, dans un régime d’autocotisation, le contribuable est celui qui est le mieux placé pour connaître le montant exact du revenu gagné sur une période donnée. S’il conserve les documents appropriés, il est facile au contribuable de signaler concrètement les erreurs commises dans la cotisation établie par le ministre et de justifier de manière appropriée les modifications proposées à la cotisation à l’aide de documents ou d’autres éléments de preuve appropriés.

 

[10]        Dans le présent appel, l’appelant n’a conservé aucun document à l’appui des déclarations de revenus qu’il a produites. En fait, il a dit que les montants inscrits dans ses déclarations étaient fictifs; ils avaient été établis par la personne qui avait rempli ses déclarations.

 

[11]        Dans les circonstances du présent appel, le ministre n’a pas eu d’autre choix que d’établir l’obligation fiscale de l’appelant en recourant à la méthode de la valeur nette.

 

L’analyse

 

[12]        L’appelant a déclaré qu’il était sans emploi au cours de la période visée par l’appel, mais il a admis en contre-interrogatoire que, au cours de cette période, il avait travaillé comme messager; il avait donné des cours d’informatique et il avait  travaillé comme concepteur Web. Il n’avait peut-être pas un emploi régulier, mais il avait tout de même plusieurs sources de revenus.

 

[13]        Selon la preuve documentaire, la sœur de l’appelant a hérité de la somme de 252 844,88 $ de la succession de son père. Cette somme figurait aussi au paragraphe 13 de l’avis d’appel. Je suis d’avis que l’appelant a gonflé le montant de l’héritage de sa sœur afin d’essayer d’étayer sa position selon laquelle cette dernière avait suffisamment d’argent pour lui faire don de 130 000 $. Aucune preuve documentaire n’appuyait le fait que la sœur de l’appelant avait hérité de 400 000 $.

 

[14]        L’avis d’opposition qui a été déposé auprès du ministre pour le compte de l’appelant contenait une déclaration solennelle (la déclaration) dans laquelle la sœur de ce dernier disait lui avoir fait don de 35 000 $, de 30 000 $, de 32 000 $ et de 33 000 $ entre 2003 et 2006. Le ministre a accordé à l’appelant un dégrèvement correspondant aux montants qui étaient corroborés par des documents. J’ai énuméré ces derniers au paragraphe 5 qui précède.

 

[15]        Je suis d’avis que la déclaration n’est pas fiable et je n’accorde aucun poids à ce qui y est énoncé. Dans ce document, sa sœur indique qu’elle détenait de nombreux comptes bancaires mais, dans une note jointe à la déclaration, elle écrit qu’elle n’aimait pas les banques et que c’était pour cela que des sommes d’argent avaient été remises au comptant à l’appelant. Dans la même note, elle écrit que les montants en argent ont été soit remis en personne à l’appelant, soit envoyés à ce dernier par messager. Dans la déclaration, elle dit aussi que certaines sommes d’argent comptant ont été envoyées à l’appelant par messager. Cependant, l’appelant a rayé le mot « messager » et inscrit à la place « Postes Canada ». Tant dans la note que dans la déclaration, la sœur de l’appelant écrit qu’elle a fait une estimation des montants qu’elle a donnés à son frère.

 

[16]        Le témoignage de l’appelant m’a aussi confirmé que la déclaration n’est pas fiable. Il a dit ne pas se souvenir parfaitement de ce qui s’est passé au cours de la période visée par l’appel, car, à cette époque, il [traduction] « livrait son combat contre la toxicomanie ». Il a déclaré aussi que les souvenirs de sa sœur n’étaient peut-être pas très clairs, car, au cours de la période en question, elle souffrait d’une accoutumance à l’égard de médicaments d’ordonnance.

 

[17]        L’appelant n’a pas montré que sa sœur lui avait fait don de sommes d’argent, à part celles que le ministre a déjà reconnues. Il n’a pas montré non plus que sa déclaration initiale de dépenses de location pour 2005 et 2006 était supérieure aux dépenses qui ont été admises.


[18]        Après avoir examiné la totalité des éléments de preuve, j’ai conclu que l’appelant n’a pas fourni d’éléments de preuve susceptibles de démolir les hypothèses du ministre. L’appel est rejeté. Dans les circonstances de l’espèce, je n’adjuge aucuns dépens.

 

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 11e jour de juillet 2012.

« V. A. Miller »

Juge Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23jour de novembre 2012.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 


 

 

 

RÉFÉRENCE :                                 2012CCI247

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2010-2144(IT)G

 

INTITULÉ :                                      James Avrams c. La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 9 juillet 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Valerie Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 11 juillet 2012

 

DATE DES MOTIFS
RENDUS ORALEMENT :               Le 11 juillet 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimée :

 

Me John Grant

 

AVOCATS INSCRITS
AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                       Nom :                        

 

                  Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] Bigayan v. The Queen, [2000] 1 C.T.C. 2229(CCI)

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