Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossier : 2011-3986(IT)I

ENTRE :

ROSS J. CUNNINGHAM,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 12 avril 2012, à London (Ontario).

 

 

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Paul Klippenstein

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2009 de l’appelant est rejeté, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de juillet 2012.

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de septembre 2012.

 

Marie-Christine Gervais

 


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 279

Date : 20120726

Dossier : 2011-3986(IT)I

ENTRE :

ROSS J. CUNNINGHAM,

appelant,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Boyle

 

[1]             M. Cunningham a fait appel du rejet de sa demande de crédit d’impôt pour personne à charge en 2009, pour son fils Alex, fondée sur l’alinéa 118(1)b.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Il a interjeté appel sous le régime de la procédure informelle. Il a exposé son cas d’une manière très précise et il connaît bien la Loi et le système fiscal. Les faits ne sont nullement contestés.

 

Les faits

 

[2]             L’appelant et son épouse se sont séparés en 2007 et ont divorcé en 2010. En 2009, ils ont conclu un accord de séparation. En ce qui concerne leur enfant unique, Alex, l’accord de séparation prévoit qu’ils en auront la garde partagée. Alex a en fait vécu avec chacun de ses parents environ la moitié du temps.

 

[3]             L’accord de séparation envisage de la manière suivante la pension alimentaire se rapportant à Alex :

 

a)                 L’appelant devait verser à son épouse, au titre de la garde partagée, une pension alimentaire de 261 $ par mois en 2009. Il est clair que ce chiffre s’inspire précisément des tables des Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, d’une manière qui tient compte de leurs revenus respectifs. Plus exactement, le montant que l’appelant s’engageait à verser à son épouse était la différence exacte entre (i) la pension que, selon la table applicable, il devrait lui verser à elle compte tenu de son revenu à lui pour un enfant dont elle avait la garde, et (ii) la pension que, selon la table applicable, elle devrait lui verser à lui compte tenu de son revenu à elle pour un enfant dont il avait la garde. L’accord précisait la pension alimentaire nette, qui était le chiffre obtenu après que la pension alimentaire qui serait payable par son épouse aux termes des tables des Lignes directrices a été déduite de la pension alimentaire qui serait payable par lui-même aux termes des mêmes tables, chaque pension étant calculée comme si l’autre avait la garde exclusive de l’enfant.

b)                Une pension additionnelle de 250 $ par mois était payable durant 24 mois à compter de 2009.

c)                 Les « dépenses spéciales ou extraordinaires », supportées dans une mesure raisonnable, devaient être partagées à raison de 60 % pour l’appelant et de 40 % pour son épouse. On notera que cette répartition n’est pas exactement proportionnelle à leurs revenus respectifs à la date de l’accord de séparation. Elle s’en écarte d’un peu plus de 1 % dans chaque direction.

d)                Les frais d’école privée et les leçons de musique devaient également être supportés à raison de 60 % par l’appelant et de 40 % par son épouse.

e)                 L’appelant et son épouse avaient convenu de demander à tour de rôle, c’est‑à‑dire une année lui et l’année suivante elle, la prestation fiscale canadienne pour enfant et le crédit pour personne à charge admissible à l’égard d’Alex. Aux termes de l’accord, l’épouse reconnaissait que l’appelant aurait droit auxdits montants en 2009.

 

[4]             L’accord de séparation précisait que les parties admettaient et reconnaissaient qu’ils s’étaient entendus sur la pension alimentaire pour enfant en se fondant sur l’article 9 des Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, une disposition qui concerne la garde partagée, et qu’ils avaient pris en compte les coûts accrus entraînés par la formule de la garde partagée, à savoir logement convenable, transport et dédoublement des choses nécessaires à la vie.

 

Le droit

 

[5]             L’alinéa 118(1)b.1) prévoit un crédit d’impôt pour la personne à charge d’un contribuable âgé de moins de 18 ans.

 

[6]             Le paragraphe 118(5) prévoit que ce crédit n’est pas offert pour une personne à charge à l’égard de laquelle le contribuable a payé une pension alimentaire pour enfant à son époux ou conjoint de fait ou à son ex‑époux ou ancien conjoint de fait.

 

[7]             Le paragraphe 118(5.1) prévoit que la restriction énoncée au paragraphe 118(5) ne s’appliquera pas si son application a pour effet de refuser le crédit aux deux parents. Dans un tel cas, il faudra alors s’en rapporter à l’alinéa 118(4)b.1), qui prévoit que, si les deux parents ont droit au crédit pour personne à charge, ils doivent s’entendre sur celui d’entre eux qui le demandera annuellement, à défaut de quoi le crédit sera à nouveau refusé à l’un et à l’autre.

 

Thèse du contribuable

 

[8]             L’appelant ne conteste pas qu’il devait payer à son épouse une pension alimentaire pour Alex en 2009 et que, pour cette raison, il tombe sous le coup du paragraphe 118(5).

 

[9]             Cependant, il soutient que le paragraphe 118(5.1) a également pour effet de rétablir son droit au crédit d’impôt pour personne à charge parce que son épouse et lui se versaient réciproquement une pension alimentaire pour enfant en vertu de l’accord de séparation, au titre de leur garde partagée d’Alex. Il soutient que, n’eut été le paragraphe 118(5.1), ni lui ni son épouse n’auraient donc droit au crédit d’impôt pour Alex et, de ce fait, comme l’indique le paragraphe 118(5.1), la restriction énoncée au paragraphe 118(5) ne s’applique à aucun d’entre eux.

 

[10]        Finalement, il dit que l’application de l’alinéa 118(4)b.1) a pour résultat ultime qu’il a droit au crédit en 2009 parce que son épouse et lui en ont convenu dans leur accord de séparation.

 

Analyse

 

[11]        Cette question a été examinée plusieurs fois par la Cour, laquelle a toujours rejeté les appels de contribuables dans les cas de garde partagée. Voir les motifs de la juge Woods dans la décision Perrin c. Sa Majesté la Reine, 2010 CCI 331, ceux du juge Webb dans la décision Melnyk c. Sa Majesté la Reine, 2007 CCI 733, et ceux de la juge Lamarre dans la décision Ladell c. Sa Majesté la Reine, 2011 CCI 314. Dans chacune de ces affaires, la Cour a jugé que, pour ce qui est des accords de garde partagée régis par les Lignes directrices, il n’y a pas compensation des deux pensions alimentaires payables par les parents et qu’un seul des deux parents doit payer la pension.

 

[12]        Dans les décisions Melnyk et Ladell, la Cour s’est fondée explicitement sur un arrêt de la Cour suprême du Canada, Contino c. Leonelli‑Contino [2005] 3 RCS 217, où celle‑ci a jugé que, dans les cas de garde partagée relevant de l’article 9 des Lignes directrices, la pension alimentaire pour enfant n’était pas payable selon la formule compensatoire, d’après laquelle c’est au parent ayant le revenu le plus élevé qu’il revient de verser la pension nette correspondant à la différence entre les deux pensions alimentaires. Plus exactement, l’article 9 des Lignes directrices commence plutôt par une compensation simple, mais requiert que d’autres facteurs soient pris en compte et que les rajustements nécessaires soient faits dans l’établissement de la pension alimentaire pour enfant. Dans l’arrêt Contino, la Cour suprême mettait en contraste les exigences de l’article 9 dans les cas de garde partagée avec les exigences de l’article 8 dans les cas de garde exclusive (chaque parent ayant la garde d’enfants différents), qui, elles, prévoient tout simplement une compensation.

 

[13]        Dans l’accord de séparation que l’appelant et son épouse ont conclu, il ressort clairement des clauses relatives à la pension alimentaire pour enfant que la pension doit être versée selon l’approche prescrite par l’article 9 des Lignes directrices, et explicitée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Contino. Plus exactement, les montants prévus dans les tables pour chaque parent étaient le point de départ, et il était ensuite tenu compte, en vue de rajustements, des autres dépenses spéciales et extraordinaires entraînées par la prise en charge et la garde d’Alex.

 

[14]        Je ne vois aucune raison de m’écarter du raisonnement suivi par la Cour dans les trois décisions susmentionnées. L’épouse de l’appelant n’était pas tenue de verser à l’appelant une pension alimentaire pour enfant. Pour cette raison, l’appel doit être rejeté.

 

[15]        L’appelant a voulu invoquer une décision de la juge Lamarre, Rabb c. Sa Majesté la Reine, 2006 CCI 140. Cependant, il est tout à fait clair que cette affaire portait sur un accord de garde exclusive, visé par l’article 8 des Lignes directrices, et non sur un accord de garde partagée, visé par l’article 9 des Lignes directrices. Comme il est mentionné plus haut, les deux cas – garde exclusive et garde partagée – appellent des approches différentes dans le calcul de la pension alimentaire aux termes des Lignes directrices. Pour ce motif, la décision Rabb n’appuie pas la thèse de l’appelant.

 

[16]        Je ne suis pas insensible au fait que l’appelant ne reçoive pas le bénéfice du crédit d’impôt pour personne à charge en 2009, alors même que son ex-épouse et lui avaient convenu que ce serait lui qui aurait le droit d’en bénéficier au cours de cette année-là de garde partagée. J’apprends que c’est plutôt elle qui a bénéficié de la déduction en 2009. Cependant, l’accord des parties ne saurait modifier les exigences de la Loi. Je ne suis pas non plus insensible au fait que l’appelant, un fiscaliste, ait du mal à distinguer la raison ou le principe à l’origine de conséquences fiscales si différentes pour la garde partagée et la garde exclusive, Néanmoins, il est clair que les dispositions des Lignes directrices et celles relatives au crédit d’impôt pour personne à charge, telles qu’elles sont formulées et telles qu’elles ont été interprétées par les tribunaux, ne permettent pas à M. Cunningham d’obtenir gain de cause dans son appel.

 

Conclusion

 

[17]        L’appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de juillet 2012.

 

 

                                                     « Patrick Boyle »

                             Juge Boyle

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de septembre 2012.

 

Marie-Christine Gervais

 


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 279

 

N° DU DOSSIER DE LA COUR :   2011-3986(IT)I

 

INTITULÉ :                                      ROSS J. CUNNINGHAM c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                London (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 12 avril 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Patrick Boyle

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 26 juillet 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Paul Klippenstein

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                    

 

                          Cabinet :                

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.