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Dossier : 2017-3305(IT)I

ENTRE :

ERIC VAN STEENIS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Appels entendus le 18 janvier et le 3 avril 2018, à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : L’honorable juge David E. Graham


Comparutions :

Représentant de l’appelant :

M. Trevor Holmgren

Avocate de l’intimée :

Me Mara Tessier

 

JUGEMENT

Les appels de l’appelant concernant les années d’imposition 2013, 2014 et 2015 sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d’avril 2018.

« David E. Graham »

Le juge Graham


Référence : 2018 CCI 78

Date : 20180420

Dossier : 2017-3305(IT)I

ENTRE :

ERIC VAN STEENIS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Graham

[1]  Le présent appel concerne la déduction d’intérêts. Les faits ne sont pas contestés.

[2]  En 2007, Eric Van Steenis a emprunté 300 000 $ (l’emprunt) pour acheter des unités (les unités) d’un fonds commun de placement (le Fonds). Les parties ont convenu qu’au moment de contracter l’emprunt, M. Van Steenis empruntait l’argent afin de tirer un revenu provenant d’un bien.

[3]  Chaque année de 2007 à 2015, M. Van Steenis a reçu un remboursement de capital du Fonds. Le total du remboursement de capital pour cette période s’est élevé à 196 850 $. M. Van Steenis a utilisé une partie de ce remboursement de capital afin de réduire le principal de l’emprunt. Cependant, il a utilisé la majeure partie de ce remboursement de capital à des fins personnelles.

[4]  M. Van Steenis a déduit chaque année tous les intérêts imposés sur l’emprunt. Le ministre du Revenu national a établi une nouvelle cotisation à l’égard des années d’imposition 2013, 2014 et 2015 de M. Van Steenis, par laquelle il a refusé une partie des intérêts déduits [1] . Le ministre a conclu que M. Van Steenis n’était pas en droit de déduire les intérêts concernant les remboursements de capital qui avaient été utilisés à des fins personnelles, car l’argent emprunté à l’égard de ces remboursements de capital n’était plus utilisé pour tirer un revenu.

[5]  M. Van Steenis a interjeté appel de ces nouvelles cotisations.

[6]  L’alinéa 20(1)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu permet au contribuable de déduire de son revenu l’intérêt payé relativement à de l’argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien. Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Shell Canada Ltée c. Canada, il y a quatre conditions à remplir pour pouvoir faire une déduction aux termes de l’alinéa 20(1)c) : « (1) la somme doit être payée au cours de l’année ou être payable pour l’année au cours de laquelle le contribuable cherche à la déduire; (2) elle doit l’être en exécution d’une obligation légale de verser des intérêts sur l’argent emprunté; (3) celui-ci doit être utilisé en vue de tirer un revenu non exonéré d’une entreprise ou d’un bien; et (4) la somme doit être raisonnable compte tenu des trois premiers critères » [2] .

[7]  Seule la troisième condition énoncée dans l’arrêt Shell est en litige en l’espèce. Pour satisfaire à la troisième condition, un contribuable doit établir qu’il y a un lien suffisamment direct entre les sommes empruntées et l’utilisation actuelle de ces sommes en vue de tirer un revenu à partir d’un bien [3] .

[8]  M. Van Steenis affirme que la troisième condition a été satisfaite. Il soutient que l’argent a été emprunté afin d’acheter les unités. Il n’est pas contesté qu’il s’agissait d’une utilisation admissible des fonds. M. Van Steenis soutient que, puisqu’il continue à être le propriétaire de toutes les unités, son utilisation actuelle des sommes empruntées est toujours cette même utilisation admissible. Il affirme que, par conséquent, il a le droit de déduire tous les intérêts versés sur ces sommes.

[9]  M. Van Steenis fait valoir qu’il n’avait aucun contrôle sur la qualification des sommes que le Fonds lui a versées. Le choix de qualifier ces sommes comme des remboursements de capital était un choix fait par le Fonds. M. Van Steenis soutient que le « remboursement de capital » est un terme utilisé par l’industrie des fonds communs de placement. Il souligne que ce terme n’est pas utilisé dans la Loi. Il fait remarquer également que, bien qu’un remboursement de capital représente un remboursement d’une certaine partie du capital détenu par le fonds commun de placement, il ne représente pas nécessairement le remboursement du capital d’un détenteur d’unités en particulier. M. Van Steenis affirme que, puisque les fonds communs de placement distribuent des sommes à un grand nombre de détenteurs d’unités différents, qui ont chacun probablement investi un montant différent, il est possible qu’un détenteur d’unités donné reçoive un remboursement de capital supérieur au montant qu’il a investi. Ainsi, M. Van Steenis soutient qu’il n’y a aucune corrélation entre les sommes décrites comme étant un remboursement de capital et le capital réel d’un détenteur d’unités.

[10]  Je ne suis pas d’accord avec l’explication de M. Van Steenis. M. Van Steenis a emprunté de l’argent pour acheter les unités. Au cours des ans, les deux tiers environ de l’argent qu’il a investi lui a été remboursé. Plus de la moitié de ce remboursement a été utilisé à des fins personnelles. Dans les années en litige, c’était là son utilisation actuelle. Par conséquent, je conclus qu’il n’y avait plus de lien direct entre les sommes empruntées et l’investissement dans les unités. Le fait que M. Van Steenis soit toujours propriétaire de toutes les unités ne change rien à cette analyse. Ainsi, M. Van Steenis n’était pas en droit de déduire les intérêts concernant la partie utilisée à des fins personnelles.

[11]  Mes conclusions sont soutenues par l’esprit de la loi. Le législateur considère le remboursement de capital exactement comme cela : un remboursement d’une partie ou de la totalité du montant qu’un contribuable a investi. Un fonds commun de placement est une fiducie. Un contribuable peut recevoir de l’argent d’un fonds commun de deux façons, soit à titre de distribution du revenu du Fonds, soit à titre de distribution du capital du Fonds. De façon générale, le revenu payé ou payable aux détenteurs d’unités est déduit du revenu du Fonds et inclus dans le revenu du détenteur d’unités [4] . En revanche, les distributions de capital aux détenteurs d’unités (y compris le capital sur lequel l’impôt a déjà été payé) ne sont pas imposables. Le sous-alinéa 53(2)h)(i.1) réduit le prix de base rajusté versé par le détenteur d’unités dans le Fonds par le montant du capital qui lui a été distribué. Cela reflète la réalité selon laquelle une distribution de capital à un détenteur d’unités est, essentiellement, un remboursement du capital de ce détenteur d’unités. Le détenteur d’unités n’a plus autant d’argent investi. Si un détenteur d’unités reçoit une distribution de capital qui est supérieure à son investissement, le paragraphe 40(3) traite le prix de base rajusté négatif qui en résulte comme un gain en capital. Cela reflète également la réalité voulant que dans les cas où un détenteur d’unités a reçu un remboursement supérieur au montant investi dans le Fonds, le montant qu’il a reçu doit être un gain. Le fait que les distributions de capital ne sont pas traitées comme un revenu tant qu’elles ne dépassent pas le montant investi par un détenteur d’unités indique clairement que le législateur voyait les distributions de capital comme étant des remboursements du propre investissement du détenteur d’unités.

[12]  M. Van Steenis fait référence à la déclaration de la Cour suprême selon laquelle « en l’absence d’une disposition expresse contraire de la Loi ou d’une conclusion selon laquelle l’opération en cause est un trompe‑l’œil, les rapports juridiques établis par le contribuable doivent être respectés en matière fiscale » [5] . Il soutient que le fait de réduire la partie admissible des intérêts par les remboursements de capital est une tentative illégitime d’imposition basée sur la réalité économique de la situation, plutôt que sur les transactions qui ont réellement eu lieu. Je ne suis pas d’accord. Les transactions qui ont eu lieu et la réalité économique de ces transactions sont une seule et même chose. M. Van Steenis a investi de l’argent dans le Fonds et le Fonds lui a remboursé une certaine partie de cette somme. Cette partie de son investissement n’est plus investie. Si le Fonds avait fait des distributions de revenu à M. Van Steenis, son investissement n’aurait pas changé. Il aurait été en mesure de continuer à déduire les intérêts versés au complet. Cependant, ce n’est pas ce qu’a fait le Fonds, qui lui a plutôt remboursé une partie de son capital. En rejetant une partie de la déduction d’intérêts de M. Van Steenis, le ministre a respecté ce rapport juridique.

[13]  M. Van Steenis s’appuie également sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Tennant c. M.R.N. [6] . Dans cet arrêt, la Cour a conclu que, si un investissement fait avec des fonds empruntés est vendu à perte et que tout le produit est réinvesti, les intérêts sur le prêt en entier continuent à être déductibles. En toute déférence, j’estime que les faits en l’espèce peuvent être distingués des faits dans l’arrêt Tennant.

[14]  Compte tenu de tout ce qui précède, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d’avril 2018.

« David E. Graham »

Le juge Graham

Traduction certifiée conforme

Ce 19e jour d’août 2019

Lionbridge


RÉFÉRENCE :

2018 CCI 78

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2017-3305(IT)I

INTITULÉ :

ERIC VAN STEENIS c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATES DE L’AUDIENCE :

Le 18 janvier et le 3 avril 2018

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge David E. Graham

DATE DU JUGEMENT :

Le 20 avril 2018

COMPARUTIONS :

Représentant de l’appelant :

M. Trevor Holmgren

Avocate de l’intimée :

Me Mara Tessier

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

[EN BLANC]

 

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Canada)

 

 



[1]   M. Van Steenis a demandé des déductions de 9 545 $, 8 975 $ et 7 843 $ en 2013, 2014 et 2015 respectivement. Le ministre a rejeté des déductions de 4 546 $, 4 603 $ et 4 304 $ de ces montants respectivement. Même si M. Van Steenis a initialement soulevé un argument subsidiaire concernant la façon dont la partie rejetée des intérêts devrait être calculée, il a abandonné cette question le deuxième jour de l’audience.

[2]   [1999] 3 R.C.S. 622, 1999 CarswellNat 1809, au paragraphe 28.

[3]   Shell, au paragraphe 31.

[4]   Paragraphes 104(6) et (13).

[5]   Shell, au paragraphe 39

[6]   1996 CarswellNat 51, 96 DTC 6121, [1996] 1 R.C.S. 305.

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