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Dossier : 2011-2806(IT)I

ENTRE :

MARIA LUCARELLI,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 5 juillet 2012 à Hamilton (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge J.M. Woods

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

Avocate de l’intimée :

Me Alisa Apostle

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’encontre d’une cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2009 est accueilli, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l’appelante a droit au crédit d’impôt pour frais médicaux à l’égard des frais de scolarité payés à la TALC Academy. L’appelante a droit à ses dépens.

 

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 22e jour d’août 2012.

 

 

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour d’octobre 2012.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 301

Date : 20120822

Dossier : 2011-2806(IT)I

ENTRE :

 

MARIA LUCARELLI,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

La juge Woods

 

[1]             L’appelante, Maria Lucarelli, a demandé un crédit d’impôt pour frais médicaux relativement à des frais de scolarité payés à une école privée spécialisée pour un des ses enfants à l’égard duquel un diagnostic de trouble d’apprentissage avait été établi. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé la déduction des frais dans une nouvelle cotisation établie pour l’année d’imposition 2009.

 

[2]             L’alinéa 118.2(2)e) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») décrit la dépense pour laquelle Mme Lucarelli a demandé une déduction. Cette disposition est ainsi libellée :

 

118.2(2)  Frais médicaux ‑ Pour l’application du paragraphe (1), les frais médicaux d’un particulier sont les frais payés :

 

[…]

 

e)  [école, institution, etc.] ‑ pour le soin dans une école, une institution ou un autre endroit — ou le soin et la formation — du particulier, de son époux ou conjoint de fait ou d’une personne à charge visée à l’alinéa a), qu’une personne habilitée à cette fin atteste être quelqu’un qui, en raison d’un handicap physique ou mental, a besoin d’équipement, d’installations ou de personnel spécialisés fournis par cette école ou institution ou à cet autre endroit pour le soin — ou le soin et la formation — de particuliers ayant un handicap semblable au sien;

 

 

[3]             La question en litige dans le présent appel porte sur l’obligation de produire une attestation d’une personne habilitée. En l’espèce, plusieurs lettres ont été rédigées par des professionnels concernant les besoins de l’enfant. La Couronne soutient que les lettres ne sont pas suffisamment précises pour répondre à l’obligation de produire une attestation.

 

[4]             Il n’est pas contesté que les circonstances de l’espèce suscitent de la compassion. De toute évidence, l’enfant avait besoin d’obtenir des soins et de la formation spécialisés relativement à un trouble d’apprentissage, et l’école en question était capable de fournir ces soins et cette formation. Le problème, selon la Couronne, réside simplement dans le fait qu’il n’a pas été satisfait à l’obligation de fournir une attestation.

 

Contexte factuel

 

[5]             En 2007, un médecin a recommandé à Mme Lucarelli qu’une évaluation des difficultés d’apprentissage soit effectuée à l’égard de son enfant âgé de sept ans par la Dre Nancy Johnston, qui est une psychologue agréée affiliée à l’Université Brock.

 

[6]             Après un examen approfondi, la Dre Johnston a préparé rapport bien rédigé et détaillé qui confirmait l’existence de plusieurs problèmes, dont le plus important est une [traduction] « grave lacune en lecture et en écriture ». À la fin du rapport, la Dre Johnston a formulé huit recommandations précises. Celle qui est la plus pertinente en l’espèce est reproduite ci‑après :

 

          [traduction]

 

Il est recommandé de tenir une réunion du comité d’identification, de placement et de révision (le CIPR) afin de mettre en place un plan d’enseignement individualisé (le PEI) pour X. Celui‑ci aura besoin d’avoir le soutien d’une ressource d’apprentissage individualisée pour lui permettre de surmonter ses difficultés, d’accroître les capacités d’adaptation et d’améliorer les formules compensatoires.

 

[7]             Il semble que la réunion du comité d’identification, de placement et de révision n’a pas eu lieu. La Dre Johnston a plutôt approuvé le choix que l’enfant demeure à l’école Montessori qu’il fréquentait à condition que l’école puisse lui fournir une assistance supplémentaire. L’enfant a reçu cette assistance, et il est resté à cette école pendant deux ans durant lesquels une amélioration a pu être constatée, particulièrement en ce qui concerne les habiletés motrices. Il y a eu peu d’amélioration en lecture et en écriture.

 

[8]             En novembre 2008, une évaluation a été effectuée à l’égard de l’enfant par des professionnels au Dyslexia Resource Centre. Ils ont confirmé que les capacités de l’enfant en lecture ne s’étaient pas sensiblement améliorées depuis l’évaluation faite par la Dre Johnston . La nouvelle évaluation était moins approfondie, et moins chère, que l’évaluation initiale faite par la Dre Johnston.

 

[9]             Mme Lucarelli devait trouver une nouvelle école pour son enfant à partir de septembre 2009 étant donné que l’école Montessori n’offrait des cours qu’à de plus jeunes enfants. Elle a entrepris des recherches poussées et a envisagé de nombreuses possibilités, dont l’école publique locale.

 

[10]        Le choix s’est arrêté sur la TALC Academy, qui est une école privée spécialisée dans l’éducation des enfants ayant le même genre de troubles d’apprentissage que celui dont souffre l’enfant de Mme Lucarelli. L’école était située à une distance raisonnable du domicile de l’appelante.

 

[11]        Mme Lucarelli a payé des frais de scolarité de 6 125 $ à la TALC Academy pour l’étape d’automne en 2009. C’est ce montant qui est en cause en l’espèce.

 

[12]        L’enfant a continué à fréquenter la TALC Academy à partir de la première étape en 2009. Il s’est extrêmement bien débrouillé à la TALC Academy, et on s’attend à ce qu’il puisse continuer ses études à l’école secondaire dans le système d’enseignement public.

 

[13]        Le directeur de la TALC Academy, David Fisher, a témoigné à l’audience. En ce qui concerne l’obligation de produire une attestation, il a déclaré que, chaque année, il fournit aux parents une lettre qui leur permet de demander le crédit d’impôt pour frais médicaux. Voici en partie la teneur de la lettre fournie à Mme Lucarelli :

 

          [traduction]

 

[…] Afin de réussir et de réaliser son plein potentiel, X a besoin de suivre le programme spécialisé qui est offert par la TALC Academy. […]

 

[14]        Au soutien de sa demande de déduction, en 2010, Mme Lucarelli a demandé à la Dre Johnston une autre lettre qui portait précisément sur la TALC Academy. Apparemment, la Dre Johnston n’était pas au courant de l’existence de cette école lorsque le rapport initial avait été rédigé. La Dre Johnston s’est ainsi exprimée :

 

[traduction]

 

C’est avec beaucoup de plaisir que j’ai appris que X continue à faire des progrès dans un programme qui lui offre un environnement éducatif individualisé permettant de répondre à ses difficultés d’apprentissage particulières. L’occasion qui lui est offerte de surmonter ses difficultés, tout en suivant librement des cours dans les domaines où il excelle, lui permettra non seulement d’évoluer en fonction de ses capacités, mais contribuera aussi à son développement affectif et social et à son estime de soi.

 

Le programme que vous avez décrit à l’« École TALC » respecte plusieurs recommandations faites dans mon rapport d’évaluation psychologique de 2007. Compte tenu des progrès réalisés par X en ce qui concerne l’attitude et l’épanouissement académique, je suis persuadée qu’un passage à son école communautaire se fera dans un avenir proche.

 

À titre de parents, vous méritez des félicitations pour avoir su faire preuve de détermination et répondre aux exigences financières qui s’imposaient afin d’offrir à X cette opportunité dont il avait grand besoin. J’espère que notre province et la collectivité vous accorderont leur soutien dans la réalisation de votre objectif de donner à X la chance de réaliser son plein potentiel.

 

Analyse

 

[15]        Il est peut‑être utile de faire une observation générale concernant le crédit d’impôt pour frais médicaux prévu par la Loi à l’égard des frais de scolarité payés à une école comme la TALC Academy qui se concentre sur les difficultés en lecture et en écriture. Dans la décision Rannelli v The Queen, 91 DTC 816 (CCI), il a été conclu que ce genre d’établissement était admissible. Ce point n’est pas contesté par la Couronne.

 

[16]        Quant à l’obligation de produire une attestation, qui est la question au cœur du présent appel, il s’agit d’une question sur laquelle la Cour a eu à se prononcer dans plusieurs décisions, dont un bon nombre ont été portées à mon attention par les parties.

 

[17]        Les observations suivantes de la juge Sharlow dans l’arrêt Canada c Title, Succession, 2001 CAF 106, 2001 DTC 5236, constituent un bon point de départ :

 

[5]        À notre avis, une attestation prévue à l’alinéa 118.2(2)e) doit au moins préciser le handicap mental ou physique qu’a le patient, et l’équipement, les installations ou le personnel dont le patient a besoin afin d’obtenir le soin ou la formation nécessaire pour faire face à ce handicap. Les attestations en l’espèce sont tout simplement trop vagues pour répondre à cette exigence.

 

[18]        J’aimerais également faire observer que dans la décision Lang c La Reine, 2009 CCI 182, 2009 DTC 1127, le juge C. Miller a exprimé le point de vue selon lequel l’attestation doit aussi mentionner l’école précise qui est en cause. Selon le raisonnement du juge C. Miller, le législateur s’attendait à ce que cette mission soit accomplie par le professionnel et non par le juge.

 

[19]        En l’espèce, la Couronne ne s’est pas fondée sur la décision Lang. L’avocate de l’intimée a plutôt soutenu que la formation spécialisée qui était nécessaire n’avait pas été suffisamment détaillée dans le rapport de la Dre Johnston. Un autre facteur était que le rapport avait été préparé deux ans avant que l’enfant ne soit inscrit à la TALC Academy.

 

[20]        En l’espèce, je suis convaincue qu’il a été satisfait à l’obligation de produire une attestation au moyen d’une combinaison du rapport initial de la Dre Johnston et de l’évaluation de suivi effectuée par le Dyslexia Resource Centre. Le rapport de la Dre Johnston énonçait de façon très détaillée les difficultés précises éprouvées par l’enfant, et la Dre Johnston recommandait qu’une formation individualisée soit offerte à l’enfant, permettant de surmonter les problèmes rencontrés.

 

[21]        Bien qu’aucune des deux évaluations n’ait porté sur une école en particulier, il ressort de la preuve produite par le directeur de la TALC Academy que la méthodologie de l’école consistait à suivre exactement la recommandation de la Dre Johnston, qui consistait à enseigner d’une manière qui permette à l’enfant de surmonter ses difficultés. À titre d’exemple, on faisait passer les examens au moyen de questions orales plutôt qu’écrites. La Dre Johnston a écrit de façon très détaillée au sujet des difficultés qui se posaient et il semble que la TALC Academy ait tenu compte de ces difficultés suivant les recommandations de la Dre Johnston. La lettre de suivi de la Dre Johnston étaye cette conclusion.

 

[22]        Il me semble qu’il a été satisfait aux exigences prévues par la loi dans la situation où le rapport de la Dre Johnston précise la nature du handicap et le genre de formation qui est nécessaire, et la preuve établit que la TALC Academy est spécialisée pour offrir ce type de formation aux enfants ayant ce handicap.

 

[23]        Quant à la période située entre le rapport de la Dre Johnston et l’inscription de l’enfant à la TALC Academy, la deuxième évaluation faite par le Dyslexia Resource Centre en novembre 2008 suffit amplement pour combler ce vide.

 

[24]        Je suis convaincue que l’évaluation initiale faite par la Dre Johnston et l’évaluation de suivi faite par le Dyslexia Resource Centre satisfont à l’obligation de produire une attestation imposée par le sous‑alinéa 118.2(2)e) de la Loi. L’appel est accueilli, avec dépens.

 

 

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 22e jour d’août 2012.

 

 

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 4jour d’octobre 2012.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 301

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2011-2806(IT)I

                                                         

INTITULÉ :                                      MARIA LUCARELLI c.

 

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Hamilton (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 5 juillet 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge J.M. Woods

 

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 22 août 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

 

L’appelante elle‑même

 

Pour l’intimée :

MAlisa Apostle

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

      

             Nom :                                  

 

             Cabinet :                             

                                                         

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

 

 

 

 

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