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Dossier : 2009-3419(GST)G

ENTRE :

JAMES K. MARTIN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de
James K. Martin (2009-3420(IT)G),
le 30 mai 2012, à Moncton (Nouveau-Brunswick).

 

Devant : L’honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

 

Me Edward J. McGrath

Avocats de l’intimée :

Me Cecil S. Woon

Me Melanie Petrunia

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté de la nouvelle cotisation établie au titre de la Loi sur la taxe d’accise est accueilli en partie, et la nouvelle cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, conformément aux motifs de jugement ci-joints. Chaque partie assumera ses propres frais.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour d’août 2012.

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ce 9e jour de janvier 2013.

 

 

François Brunet, réviseur

 

 


 

 

 

Dossier : 2009-3420(IT)G

 

ENTRE :

JAMES K. MARTIN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de
James K. Martin (2009-3419(GST)G),
le 30 mai 2012 à Moncton (Nouveau-Brunswick).

 

Devant : L’honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

 

Me Edward J. McGrath

Avocats de l’intimée :

Me Cecil S. Woon

Me Melanie Petrunia

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté de la cotisation établie au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu est accueilli en partie, et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, conformément aux motifs de jugement ci-joints. Chaque partie assumera ses propres frais.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour d’août 2012.

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ce 9e jour de janvier 2013.

 

 

Françcois Brunet, réviseur

 

 


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 239

Date : 20120827

Dossiers : 2009-3419(GST)G,

2009-3420(IT)G

ENTRE :

JAMES K. MARTIN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Angers

[1]             Les présents appels, entendus sur preuve commune, ont tous deux trait aux cotisations établies à l’endroit de l’appelant en sa qualité d’administrateur d’une société appelée Codiac Boring and Drilling Ltd. (« Codiac »). Ces cotisations ont été établies au titre du paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA »), relativement au défaut de Codiac de verser un montant de taxe nette, ainsi qu’au titre de l’article 223 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »), relativement à des retenues à la source et à des cotisations de l’employeur que Codiac avait à payer, plus les intérêts et les pénalités applicables. Dans ces deux appels, il faut rechercher si l’appelant a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le défaut de versement des montants de taxe nette et de retenues à la source que l’aurait fait la personne raisonnablement prudente dans des circonstances comparables.

[2]             Pendant toute la période en cause, l’appelant était l’administrateur et actionnaire de Codiac, ainsi que l’administrateur et actionnaire de plus d’une douzaine d’autres sociétés liées, dont Robinson Construction Company Ltd. (« Robinson »). Toutes faisaient partie d’un groupe de sociétés auxquelles Robinson avait recours pour diverses raisons, dans le cadre de l’exécution de divers contrats, avant les faits qui ont mené aux présents appels. L’appelant est  électricien agréé, qui a acquis ces sociétés au début des années 1980 de son père, lequel avait lui-même succédé au grand-père de l’appelant.

[3]             Robinson a tout d’abord exercé ses activités dans le domaine de l’électricité, mais elle a fini par se spécialiser dans les services d’utilité publique souterrains et ses activités se sont étendues à d’autres canalisations souterraines, car elle était l’une des rares entreprises au Nouveau-Brunswick qui effectuaient des forages directionnels. Robinson et Codiac ont fini par se spécialiser dans les  conduites d’eau et d’égout. Robinson comptait environ trente employés, et Codiac dix.

[4]             Au printemps de 2000, Robinson a conclu un contrat avec MRM Technical Group Inc., appelée Exelon, une société américaine qui avait décroché un contrat auprès d’Enbridge Gas New Brunswick Inc. (« Enbridge »), en vue de l’implantation d’un réseau de distribution de gaz naturel au Nouveau-Brunswick. Robinson est devenue le principal sous-traitant, et les autres sociétés membres du groupe Robinson sont devenues des sous-traitants de Robinson. Codiac était la plus importante d’entre elles, à cause des forages directionnels.

[5]             Robinson a décidé de s’unir à Exelon au début de 2000. Exelon avait soumissionné pour sept contrats à l’égard desquels Enbridge avait lancé des appels d’offres et elle en avait décroché quatre. La valeur de ces contrats variait entre trois et quatre millions de dollars chacun, et tout le travail devait être exécuté par Robinson. L’un de ces contrats représentait à lui seul l’équivalent d’une année d’activités pour Robinson. Il était évident que celle-ci ne pouvait pas financer les quatre contrats, et il lui fallait donc soit hausser sa marge de crédit, soit trouver un moyen de facturer le travail et de se faire payer sur une base hebdomadaire. Exelon a souscrit à la deuxième formule, ce qui assurait à Robinson des rentrées de liquidités ou un fonds de roulement suffisants pour financer un projet d’une telle ampleur. Codiac n’avait pas de marge de crédit.

[6]             Robinson et Codiac ont dû embaucher trois fois plus d’employés qu’elles n’en avaient jamais eu, et la taille de ces deux sociétés a triplé. Le système de paiements hebdomadaires était le seul moyen qui permettait au groupe d’entreprises Robinson de collaborer Exelon et d’assurer ainsi la poursuite des activités.

[7]             Le contrat avait trait à la mise en place de canalisations payables à l’unité. Le contrat ne prévoyait pas de travaux supplémentaires, sauf s’ils étaient approuvés, et Exelon ne devait effectuer qu’une retenue de 10 p. 100. Les travaux étaient censés débuter en juin 2000, et Robinson et Codiac étaient prêtes à intervenir. Elles avaient embauché leurs travailleurs et loué le matériel nécessaire. Enbridge, par contre, n’avait pas obtenu à temps les permis nécessaires, et le lancement des travaux fut retardé jusqu’au mois d’août. Le délai d’attente consécutif ainsi que le non-paiement de travaux supplémentaires avaient occasionné des pertes immédiates d’un montant allant de 800 000 $ à 900 000 $. En juillet, la marge de crédit de Robinson, d’un montant de 600 000 $, était épuisée.

[8]             À cause du retard dans le démarrage des travaux, il a fallu en exécuter une bonne part durant les mois d’hiver, à un coût supérieur. Outre la retenue de 10 p. 100, une tranche additionnelle de 15 p. 100 a été gardée, et il y a eu aussi des travaux supplémentaires, ce qui, dans l’ensemble, a contribué à causer de graves difficultés financières à Robinson et son groupe d’entreprises. Les fournisseurs de Robinson commençaient aussi à en pâtir financièrement. Après trois mois d’activités environ, c’était la somme d’un million de dollars, soit environ 40 p. 100 des montants facturés par Robinson, qui était retenue.

[9]             Le 11 décembre 2000, l’appelant a retenu les services d’un certain David Ross, comptable agréé, à titre de directeur financier auprès de Robinson et de son groupe d’entreprises. Une fois mis au courant de la situation, il a aussitôt convoqué à une réunion les représentants d’Exelon et d’Enbridge en vue de discuter de la hausse des coûts due aux forages faits l’hiver, ainsi que des retenues, des travaux supplémentaires et des coûts causés par le démarrage tardif des travaux. Des promesses ont été faites, mais non tenues. Robinson s’est vu promettre la somme de 500 000 $, mais elle n’a reçu que 200 000 $. D’autres problèmes se sont également manifestés. Il leur a été demandé de creuser les tranchées plus profondément et d’utiliser plus de matériaux d’assise en sable. Vers le milieu de février, Robinson et son groupe d’entreprises savaient que ces projets étaient voués à l’échéc. Jusqu’en février 2001, Robinson et Codiac étaient parvenues à payer les montants de TPS/TVH et les cotisations sociales qu’elles devaient, mais l’appelant est devenu fort inquiet de la situation à cet égard.

[10]        En février 2001, M. Ross a consulté Kent Robinson, l’avocat de Robinson et de son groupe d’entreprises, et celui-ci a suggéré de retenir les services d’un expert en faillite, un comptable agréé du nom de David Stevenson. À l’époque, l’appelant s’inquiétait des fournisseurs et des cotisations. L’extrait qui suit présente le contexte, relativement aux arriérés de cotisations possibles :

[traduction]

 

R.        Si nous l’étions, c’est ce qui s’est passé en février. Je crois qu’il est arrivé en… parce que les choses qui auraient été éminentes, c’était que les retenues étaient à verser quelques semaines plus tard, ou quelque chose du genre. C’est donc là l’une des raisons pour lesquelles on a fait appel à lui, pour nous aider à régler ou nous aider à nous préparer à ce qui, en janvier ou en février, nous pouvions le dire, allait être une situation bien difficile.

Q.        Vous avez donc rencontré M. Stevenson et vous avez rencontré Kent Robinson?

R.        Oui.

[11]        La manière dont l’appelant comprenait le processus tout entier à l’époque, et même lors du procès, était le suivant : les versements de TPS/TVH allaient s’éliminer, en ce sens que si l’on envoie une facture et s’il est impossible de percevoir ensuite une part quelconque du montant facturé, il n’y aura pas de TPS/TVH à remettre. Sans perception, il n’y a pas de TPS/TVH à verser. Quant aux retenues à la source à verser, l’appelant était d’avis que ces montants avaient un degré de priorité différent et que, malgré tout, il devait quand même payer ce qu’il appelait les cotisations sociales.

[12]        D’autres réunions ont également eu lieu en février, en vue d’un règlement des difficultés financières découlant des contrats en question. L’affaire était maintenant plus sérieuse encore, car la banque voulait réduire la marge de crédit de Robinson de 600 000 $ à 450 000 $.

[13]        Au 31 janvier 2001, le déficit de Codiac était de 249 000 $. Au 31 août, il avait grimpé à 833 000 $. Quant à Robinson, au mois de juin 2001, Exelon lui devait 3 750 000 $. Des privilèges de construction ont été enregistrés à l’égard du projet et David Ross a fait des démarches auprès de hauts fonctionnaires et de ministres de haut rang du gouvernement du Nouveau-Brunswick, ainsi qu’auprès de la Commission de l’énergie et des services publics du Nouveau-Brunswick, en vue d’obtenir de l’aide. Pour David Ross, il était évident, au 15 avril 2001, que les dés étaient jetés. Il allait être fort ardu de percevoir les comptes à payer. Exelon payait le minimum nécessaire pour maintenir le projet en vie. Elle payait suffisamment d’argent à Robinson pour faire marcher les fournisseurs et payer uniquement les frais de personnel directs. Il a envoyé une lettre au chef des opérations d’Exelon dès janvier 2001, disant qu’il avait besoin de plus d’argent pour s’acquitter de ses obligations fiscales et bancaires, et être à jour à cet égard.

[14]        Au cours du deuxième trimestre de 2001, David Ross et d’autres personnes ont rencontré régulièrement des représentants du bureau de Moncton de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »). Ils ont tenu l’ARC au courant de toutes les mesures qu’ils prenaient pour percevoir leurs créances et ils lui ont transmis des rapports mensuels.

[15]        À l’automne de 2001, Enbridge a commencé à payer directement les fournisseurs de Robinson. Celle-ci a demandé à l’ARC qu’elle délivre des revendications en main tierce à Enbridge et à Exelon, ce qui a été fait.

[16]        Robinson a finalement réglé sa poursuite de 3 750 000 $ pour 545 000 $ en 2005. L’appelant envisageait – et il avait donné instruction à son avocat de s’en assurer – qu’une partie des fonds du règlement, soit 200 671 $, servît à payer les montants de retenues à la source que devait Codiac, ainsi qu’à payer les autres créances de Robinson envers l’ARC. Là encore, dans son propre esprit, l’appelant était persuadé que le compte de TPS/TVH de Codiac disparaîtrait, parce que celle‑ci ne pouvait pas percevoir de TPS/TVH auprès de Robinson et que cela donnerait lieu à ce qu’il a qualifié d’opération sans effet fiscal. Il croyait que tous les problèmes fiscaux de Robinson et de Codiac se régleraient, car la totalité du produit du règlement était versée à l’ARC. Malgré les instructions données, l’ARC a imputé la totalité du produit aux créances fiscales de Robinson.

[17]        Robinson, Codiac et les autres membres du groupe d’entreprises fonctionnaient toutes selon un régime de trésorerie consolidé, c’est-à-dire sans comptes distincts. Les salaires étaient versés par l’intermédiaire d’une société de services de paie, et les comptes étaient tenus de telle façon que l’on savait pour quelle entreprise du groupe il était nécessaire d’effectuer ses versements. Pour le projet, Robinson facturait Exelon et, ensuite, la comptabilité interne permettait à chaque entreprise de recevoir les fonds nécessaires pour s’acquitter de ses obligations. Codiac faisait des factures à Robinson.

[18]        Les détails de la nouvelle cotisation qui a été établie à l’endroit de Codiac, en rapport avec les retenues à la source et les cotisations de l’employeur, et pour lesquelles l’appelant a été l’objet d’une cotisation, sont présentés à l’annexe A de la réponse à l’avis d’appel (2009‑3420(IT)G). La ventilation est la suivante :

 

Année d’impo-sition

Taxes fédérales

 

$

Taxes provin-ciales

$

RPC

 

 

$

AE

 

 

$

Pénalités et intérêts

 

$

Total

 

 

$

2001

66 287,95

34 255,89

26 617,16

20 756,90

136 679,21

284,597,11

 

[19]        Les renseignements relatifs à la cotisation établie à l’endroit de Codiac, en rapport avec son défaut de verser un montant de taxe nette, et pour lequel l’appelant a été l’objet d’une cotisation, sont présentés ainsi dans la réponse de l’intimée à l’avis d’appel (2009‑3419(GST)G) :

 

Date de fin de la période

Taxe
[nette non versée]

Intérêts

Pénalités

Total

2001-03-31

 5 501,75 $

 6 784,90 $

 12 286,65 $

2001-06-30

 81 940,30 $

 42 846,00 $

36 157,63 $

160 943,93 $

2001-09-30

 26 173,48 $

 11 142,19 $

 8 317,95 $

 45 633,62 $

2001-12-31

105 623,89 $

 61 512,06 $

13 858,90 $

180 994,85 $

TOTAL 

213 737,67 $

121 002,00 $

65 119,38 $

399 859,05 $

 

[20]        Codiac avait fait l’objet d’une cotisation de TPS/TVH pour la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003. Après un appel interjeté devant la Cour, la cotisation a été rajustée en vue de tenir compte de la décision de la Cour, ce qui a abouti au même ajustement de la cotisation établie à l’endroit de l’appelant au titre du paragraphe 323(1) de la LTA. Selon M. Ross, le directeur financier de Robinson, si Codiac avait pu se prévaloir d’un crédit pour créance irrécouvrable le montant de TPS/TVH à payer aurait été nettement inférieur. Il leur était impossible de le faire, parce que Robinson et Codiac étaient des sociétés liées et qu’elles avaient donc un lien de dépendance. Le paragraphe 231(1) n’autorise le crédit pour créance irrécouvrable que si les parties n’ont aucun lien de dépendance. Si les sociétés avaient été des personnes étroitement liées au sens donné à cette expression pour les besoins de la TPS et si elles avaient exercé l’option prévue à l’article 156 de la LTA, c’est-à-dire faire en sorte que les fournitures effectuées entre elles soient réputées être effectuées sans contrepartie, le résultat aurait été nettement différent.

[21]        M. Ross a également déclaré, dans son témoignage, que Codiac aurait pu, aux termes du paragraphe 232(2) de la LTA, soustraire des montants qu’elle avait facturés les montants imputés, mais non payés et, ainsi, réduire le montant de TPS/TVH à payer conformément aux règles énoncées au paragraphe 232(3) de la LTA. Cependant, ils ont découvert ces dispositions trop tard, parce qu’elles doivent être invoquées dans un délai de quatre ans. M. Ross a présenté un certain nombre de calculs qu’il a faits et qui font état d’une nette différence dans le montant de TPS/TVH à payer (pièce A‑3), et ce, à un point tel que Codiac n’aurait eu aucun montant de TPS/TVH à payer. Il a ajouté que l’autorisation de ces crédits aurait eu l’effet suivant : les cotisations sociales et les montants de TPS/TVH applicables à Robinson et à Codiac auraient été l’objet d’un paiement en trop d’environ 160 000 $.

Les dispositions pertinentes

[22]        La responsabilité des administrateurs pour défaut de verser un montant de taxe nette au titre de la LTA est exposée à l’article 323 de cette loi, et les passages pertinents sont les suivants :

Les administrateurs d’une personne morale au moment où elle était tenue de verser, comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), un montant de taxe nette ou, comme l’exige l’article 230.1, un montant au titre d’un remboursement de taxe nette qui lui a été payé ou qui a été déduit d’une somme dont elle est redevable, sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer le montant ainsi que les intérêts et pénalités afférents.

(2) RestrictionsL’administrateur n’encourt de responsabilité selon le paragraphe (1) que si :

a) un certificat précisant la somme pour laquelle la personne morale est responsable a été enregistré à la Cour fédérale en application de l’article 316 et il y a eu défaut d’exécution totale ou partielle à l’égard de cette somme;

b) la personne morale a entrepris des procédures de liquidation ou de dissolution, ou elle a fait l’objet d’une dissolution, et une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable a été établie dans les six mois suivant le premier en date du début des procédures et de la dissolution;

c) la personne morale a fait une cession, ou une ordonnance de faillite a été rendue contre elle en application de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, et une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable a été établie dans les six mois suivant la cession ou l’ordonnance.

(3) Diligence [défense de diligence raisonnable] —L’administrateur n’encourt pas de responsabilité s’il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement visé au paragraphe (1) que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

[23]        La responsabilité des administrateurs pour défaut d’effectuer les retenues qu’exige la Loi de l’impôt sur le revenu est exposée à l’article 227.1, dont les passages pertinents sont les suivants :

 (1) Responsabilité des administrateurs pour défaut d’effectuer les retenues — Lorsqu’une société a omis de déduire ou de retenir une somme, tel que prévu aux paragraphes 135(3) ou 135.1(7) ou aux articles 153 ou 215, ou a omis de verser cette somme ou a omis de payer un montant d’impôt en vertu de la partie VII ou VIII pour une année d’imposition, les administrateurs de la société, au moment où celle-ci était tenue de déduire, de retenir, de verser ou de payer la somme, sont solidairement responsables, avec la société, du paiement de cette somme, y compris les intérêts et les pénalités s’y rapportant.

(2) Restrictions relatives à la responsabilité — Un administrateur n’encourt la responsabilité prévue au paragraphe (1) que dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) un certificat précisant la somme pour laquelle la société est responsable selon ce paragraphe a été enregistré à la Cour fédérale en application de l’article 223 et il y a eu défaut d’exécution totale ou partielle à l’égard de cette somme;

b) la société a engagé des procédures de liquidation ou de dissolution ou elle a fait l’objet d’une dissolution et l’existence de la créance à l’égard de laquelle elle encourt la responsabilité en vertu de ce paragraphe a été établie dans les six mois suivant le premier en date du jour où les procédures ont été engagées et du jour de la dissolution;

c) la société a fait une cession ou une ordonnance de faillite a été rendue contre elle en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et l’existence de la créance à l’égard de laquelle elle encourt la responsabilité en vertu de ce paragraphe a été établie dans les six mois suivant la date de la cession ou de l’ordonnance de faillite.

(3) Idem [défense de diligence raisonnable] — Un administrateur n’est pas responsable de l’omission visée au paragraphe (1) lorsqu’il a agi avec le degré de soin, de diligence et d’habileté pour prévenir le manquement qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.

[24]        En l’espèce, la Cour est uniquement appelée à rechercher si l’appelant a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le défaut de versement que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans des circonstances comparables. Dans deux décisions récentes de la Cour d’appel fédérale (Balthazard c. Canada, 2011 CAF 331, et Canada c. Buckingham, 2011 CAF 142), le juge Mainville a fait des observations sur les principes juridiques encadrant le moyen de défense fondé sur le soin, la diligence et la compétence. Dans l’arrêt Balthazard, il a résumé ce cadre en ces termes, au paragraphe 32 :

a.   La norme de soin, de diligence et de compétence exigée au paragraphe 323(3) de la LTA est une norme objective comme l’a énoncé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Magasins à rayons Peoples inc. (Syndic de) c. Wise, 2004 CSC 68, [2004] 3 R.C.S. 461. Cette norme objective écarte le principe de common law selon lequel la gestion d’une société par un administrateur doit être jugée suivant les compétences, les connaissances et les aptitudes personnelles de celui-ci. Une norme objective ne signifie toutefois pas que les circonstances propres à un administrateur ne doivent pas être prises en compte. Ces circonstances doivent être prises en compte, mais elles doivent être considérées au regard de la norme objective d’une « personne raisonnablement prudente ».

b.   L’examen de la conduite de l’administrateur aux fins de cette norme objective commence lorsqu’il devient évident pour l’administrateur, agissant raisonnablement et avec le soin, la diligence et la compétence qui sont requises, que la société entame une période de difficultés financières.

c.   Une société qui fait face à des difficultés financières pourrait se hasarder à réaffecter les versements dus à la Couronne afin de payer d’autres créanciers et ainsi assurer la poursuite de ses activités. C’est précisément une telle conjoncture que l’article 323 de la LTA vise à éviter. Le moyen de défense prévu au paragraphe 323(3) de la LTA ne doit pas servir à encourager de tels défauts de versement en permettant aux administrateurs d’invoquer une défense de soin, de diligence et de compétence lorsqu’ils financent les activités de leur société à l’aide de remises dues à la Couronne, en espérant ou non remédier plus tard à ces défauts.

d.   Puisque la responsabilité des administrateurs à ces égards n’est pas absolue, il est possible qu’une société puisse ne pas effectuer des remises à la Couronne sans que la responsabilité solidaire des administrateurs soit engagée.

e.   Ce qui est requis des administrateurs, c’est qu’ils démontrent qu’ils se sont effectivement préoccupés des versements fiscaux et qu’ils se sont acquittés de leur obligation de soin, de diligence et de compétence afin de prévenir le défaut de la société de verser les montants en cause.

[25]        Il ne fait aucun doute que les faits qui ont mené aux déboires financiers de Robinson et de Codiac ont été, c’est le moins qu’on puisse dire, plutôt imprévisibles. L’appelant a vu dans ce projet une chance pour ses entreprises d’acquérir une expertise pour l’avenir, notamment dans ce qui allait devenir une nouvelle industrie pour le Nouveau-Brunswick. Il s’agissait cependant d’une entreprise d’une taille nettement plus grande – trois fois plus grande, en fait – que tout ce à quoi Robinson et son groupe avaient jamais pris part antérieurement. Il fallait beaucoup de main-d’œuvre et de matériel et, par-dessus tout, des rentrées de fonds suffisantes pour financer le projet.

[26]        L’appelant est électricien de métier qui, au fil des ans, est devenu l’actionnaire et administrateur de Robinson et de son groupe. Il connaît très bien le volet « construction » de l’entreprise et il avait un effectif approprié pour gérer le volet « administration » de l’entreprise, même avec la marge de crédit restreinte dont Robinson disposait. Il savait que la taille du projet allait exiger des conditions différentes en matière de paiements et il était parvenu à obtenir d’Exelon qu’elle s’engage à payer Robinson sur une base hebdomadaire. C’était, semble-t-il, un fait exceptionnel dans le secteur de la construction, mais il s’agissait d’un élément essentiel de ce projet et des rapports entre Exelon et Robinson.

[27]        Malgré le démarrage tardif et les coûts connexes additionnels auxquels donnait lieu cette situation, et malgré les retenues et les travaux supplémentaires non approuvés, Robinson, et surtout Codiac, sont parvenues à s’acquitter de leurs obligations en matière de versement des retenues à la source et aussi des montants de TPS/TVH que Codiac percevait sur ce qu’elle facturait à Robinson. Ces versements sont restés à jour jusqu’à la fin de février 2001 au moins. L’appelant a su très tôt dans le projet, et plus particulièrement au courant de l’automne de 2000, que le temps que cela prenait pour obtenir le paiement de ses factures allait finir par causer de graves difficultés financières. Les pertes immédiates et le coût du temps d’attente étaient de l’ordre de 900 000 $. L’hiver approchait et, en janvier, les retenues de garantie avaient atteint à elles seules la somme d’un million de dollars, ce qui représentait 40 p. 100 des factures de Robinson.

[28]        Pour contrer cette crise financière particulière, causée par le refus d’Enbridge de payer Exelon et l’incapacité dans laquelle se trouvait Exelon de régler la situation, l’appelant a retenu les services d’un directeur des finances le 11 décembre 2000. Deux jours plus tard, ce directeur a rencontré les parties en cause, mais, en définitive, il n’est parvenu qu’à obtenir la somme de 200 000 $ sur les 500 000 $ demandés.

[29]        L’appelant a également consulté l’avocat de Robinson et, en février 2001, il a retenu les services d’un comptable agréé, craignant que Robinson et son groupe d’entreprises fassent faillite. Même si, à cette époque, Robinson et Codiac étaient à jour sur le plan de leurs versements, tous, l’appelant inclus, s’inquiétaient de la TPS/TVH et des versements de retenues à la source. L’appelant croyait que, pour ce qui était des versements de TPS/TVH, le résultat final serait, en fin de compte, une opération sans effet fiscal, pour la simple raison que l’on ne peut pas verser ce que l’on n’a pas perçu. Étaient également du même avis le directeur financier et le comptable dont les services venaient tout juste d’être retenus. Les retenues à la source étaient un problème moins sérieux et, dès le mois de mars 2001, des réunions ont eu lieu avec des représentants de l’ARC afin de les tenir au courant des problèmes financiers et des efforts qui étaient faits pour percevoir des fonds d’Exelon et d’Enbridge.

[30]        L’appelant et ses deux conseillers n’avaient pas tort de penser que la situation relative à la TPS/TVH se traduirait par une opération sans effet fiscal. Ce que tous ignoraient c’était que le groupe d’entreprises de Robinson n’était pas un groupe d’entreprises étroitement liées au sens donné à cette expression pour les besoins de la TPS/TVH et qu’il ne pouvait donc pas bénéficier des dispositions du paragraphe 231(1) de la LTA. En conséquence, Codiac n’avait accès à aucune créance irrécouvrable, pas plus qu’elle ne pouvait bénéficier d’une réduction à l’égard des factures impayées aux termes du paragraphe 232(2) de la LTA et réduire ainsi au moyen de notes de crédit, en vertu du paragraphe 232(3) de la LTA, le montant de taxe à payer. Codiac n’avait donc aucun recours. Ces faits ont eu lieu au printemps de 2001, soit dix ans environ après l’introduction de la TPS. Compte tenu du peu de temps qui s’était écoulé depuis ce temps, il n’est pas surprenant que l’on ne connût pas tous les rouages de la TPS. Ce qui est surprenant, par contre, vu les bons rapports que Robinson et son groupe d’entreprises entretenaient avec les fonctionnaires de l’ARC, c’est qu’on n’ait pas communiqué d’informations à l’appelant et à son conseiller sur l’allègement dont disposait Codiac à l’égard de ses versements de TPS/TVH, pas plus qu’on ne leur ait fait des suggestions à cet égard quand ils ont rencontré les représentants de l’ARC susmentionnés pour discuter du problème au printemps de 2001. Le montant de TPS/TVH que devait Codiac n’est pas controversé en l’espèce, mais je n’ai aucune raison de douter que, à cause des mesures appropriées qui n’ont pas été prises, la créance de TPS/TVH de Codiac a été l’objet d’un paiement en trop de plusieurs milliers de dollars, comme l’a laissé entendre David Ross. Sans ce paiement en trop, il aurait pu rester suffisamment de fonds pour payer les retenues à la source.

[31]        L’appelant aurait pu facilement abandonner la partie, mais les conséquences auraient été désastreuses pour son groupe d’entreprises. Exelon remettait à Robinson juste assez de fonds pour qu’il puisse subsister, comme il l’a dit, dans l’espoir d’être payé un jour. Même si ses efforts ont été faits pour le compte de Robinson, ils visaient sans aucun doute la totalité des entreprises du groupe, car toutes dépendaient du fait que Robinson puisse être payée.

[32]        Il est devenu évident aux yeux de l’appelant, à l’automne de 2000, que Robinson et son groupe d’entreprises allaient manquer de fonds. Même si Codiac était restée à jour dans ses versements jusqu’à la fin de février 2001 sur le plan des retenues à la source, et jusqu’à la fin de mars 2001 sur le plan de la TPS/TVH, l’appelant a retenu les services d’un directeur financier, d’un avocat et d’un comptable agréé pour l’aider à résoudre la crise financière. Son souci au cours des mois d’hiver a été d’acquitter les retenues en premier. Il a refusé qu’Enbridge paye directement les fournisseurs, car il pouvait se servir de cet argent pour payer les retenues. De plus, si Robinson et son groupe d’entreprises avaient été convenablement conseillés sur les problèmes liés à la TPS, il y aurait eu suffisamment de fonds pour effectuer les versements de retenues à la source.

[33]        À mon avis, l’appelant a bel et bien porté son attention sur les versements exigés et, dans les circonstances de l’espèce, il a bel et bien agi avec autant de soin, de diligence et de compétence que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans des circonstances comparables. Par ces motifs, je suis d’avis d’annuler la nouvelle cotisation établie à l’égard de l’appelant en rapport avec le montant de TPS/TVH à payer pour les périodes se terminant le 31 mars, le 30 juin et le 30 septembre 2001, ainsi qu’en rapport avec les retenues à la source pour l’année d’imposition 2001.

[34]        Quant au montant de TPS/TVH à payer pour la période se terminant le 31 décembre 2002, je conclus que les efforts de l’appelant n’étaient plus axés à ce stade sur l’évitement des défauts de versement.

[35]        Les appels sont accueillis en partie, et les cotisations sont renvoyées au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation, conformément aux présents motifs. Chaque partie assumera ses propres frais.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour d’août 2012.

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ce 9e jour de janvier 2013.

 

 

 

François Brunet, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                 2012 TCC 239

 

Nos DE DOSSIER DE LA COUR :    2009-3419(GST)G

                                                          2009-3420(IT)G

 

INTITULÉ :                                      James K. Martin c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Moncton (Nouveau-Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 30 mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 27 août 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

 

Me Edward J. McGrath

Avocats de l’intimée :

Me Cecil S. Woon

Me Melanie Petrunia

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     Edward J. McGrath

                         Cabinet :                  Anderson Sinclair

                                                          Moncton (Nouveau‑Brunswick)

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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