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Dossier : 2005‑1974(IT)G

ENTRE :

KATHRYN KOSSOW,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu du 26 au 29 avril, du 2 au 6 mai et le 19 juillet 2011,

à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Valerie Miller

Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me A. Christina Tari,

Me Jason Puterman,

Me Cindy Chiu

Avocats de l’intimée :

Me Arnold H. Bornstein,

Me John Grant,

Me Lorraine Edinboro,

Me Patricia Lee

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L’appel des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années 2000, 2001 et 2002 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

L’intimée aura droit aux dépens.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de septembre 2012.

 

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de janvier 2013.

 

 

François Brunet, réviseur


 

 

 

 

Référence : 2012CCI325

Date : 20120914

Dossier : 2005‑1974(IT)G

ENTRE :

KATHRYN KOSSOW,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge V.A. Miller

[1]             En 2000, 2001 et 2002, l’appelante a participé à un régime de dons de bienfaisance par emprunt[1]. L’opération était proposée par Berkshire Funding Initiatives Limited et Talisker Funding Limited (le « Programme Berkshire » et parfois le « Programme »). En tant que participante au Programme Berkshire, l’appelante aurait fait des dons à Ideas Canada Foundation (« Ideas »), qui lui aurait délivré des reçus pour don de bienfaisance de 50 000 $, de 60 000 $ et de 50 000 $ respectivement pour les années 2000, 2001 et 2002 (les « dons »). En l’espèce, les dons effectués par l’appelante étaient financés à hauteur de 20 % par l’argent de l’appelante, et à hauteur de 80 % par un prêt de 25 ans ne portant pas intérêt, consenti à l’appelante par un des promoteurs du Programme Berkshire.

[2]             En 2000, en 2001 et en 2002, l’appelante a demandé un crédit d’impôt au titre de dons de 50 000 $, de 60 000 $ et de 50 000 $. Par des avis de nouvelle cotisation datés du 2 septembre 2004, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé 80 % du crédit d’impôt demandé pour chacune des années en cause. Par une nouvelle cotisation datée du 9 septembre 2005, le ministre a refusé intégralement le crédit d’impôt demandé pour l’année d’imposition 2002.

[3]             Il faut, en l’espèce, rechercher : a) si les dons effectués par l’appelante étaient effectivement des dons au sens du paragraphe 118.1(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »); b) si la disposition générale anti‑évitement a, en l’occurrence, pour effet d’exclure l’appelante les crédits d’impôt en question; et, c) à qui il incombe de démontrer les hypothèses formulées par le ministre lorsque ces hypothèses englobent les activités de tiers.

[4]             Vu mon analyse des faits et du droit, l’appel ne saurait être accueilli. J’ai en effet conclu que la jurisprudence Maréchaux c. La Reine, 2010 CAF 287 fait autorité en ce qui concerne la première question. Cela dit, je conclus qu’il n’y a pas lieu pour moi de me pencher sur la seconde question soulevée en l’espèce. Compte tenu des circonstances de l’appel, il n’est pas nécessaire de dire à qui il incombe de démontrer les hypothèses formulées par le ministre, car les preuves produites à l’audience me permettent à elles seules de statuer.

[5]             À l’audience, l’intimée a appelé comme témoins les personnes ci‑dessous, qui, au cours des années en cause, exerçaient les fonctions indiquées. Hormis l’employée de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), toutes les personnes ont témoigné conformément à une assignation à témoigner délivrée par l’intimée.

 

Yeti Agnew, avocat du MacLaren Art Centre;

 

William Moore, directeur exécutif, jusqu’en décembre 2003, du MacLaren Art Centre;

 

          Jack Keslassy, directeur administratif de Berkshire Funding Initiatives Ltd., président de la Berkshire Foundation Ltd. et de Talisker Funding Ltd.;

 

          Allan Beach, avocat de James Penturn, de Berkshire Funding Initiatives Ltd., Talisker Funding Ltd., de Joan Krawczyk Fine Art Inc. et de Jennings Art Consultants Ltd.;

 

David Sanderson, directeur exécutif d’Ideas;

          Cheryl McCann, spécialiste en évaluation à l’Agence du revenu du Canada.

[6]             De nombreux documents ont été produits en preuve dans le présent appel et l’audition a duré 10 jours.

[7]             Avant de décider si les dons effectués par l’appelante étaient effectivement des dons, et afin de situer ces donations dans leur contexte, je vais résumer les principaux éléments de preuve et, ce faisant, décrire le Programme Berkshire et ce qui arrivait aux dons après leur remise à Ideas.

 

Les faits

[8]             Dans les présents motifs, j’emploie le terme « participant » pour désigner toute personne ayant fait un don à Ideas.

[9]             L’appelante a obtenu de l’Université York, en 1978, une maîtrise en administration des affaires avec spécialisation en marketing. Elle a effectué des recherches en marketing pour le compte de l’industrie pharmaceutique, d’abord à titre de propriétaire unique, puis par l’intermédiaire de Kossow Research and Associates, entreprise qu’elle a créée en 2001.

[10]        C’est en octobre 2000 que l’appelante a eu connaissance du Programme Berkshire par son conseiller en placements, Donnovan DePass, du Capital Management Group. C’est par l’intermédiaire de M. DePass qu’en 2000 et en 2001, elle est devenue participante au Programme. En 2002, c’est après avoir rencontré en personne Jack Keslassy[2] (« M. Keslassy ») qu’elle est devenue participante. (Je décrirai un peu plus loin le rôle de M. Keslassy dans le Programme Berkshire.)

[11]        Selon l’appelante, ce qui l’a attirée dans le Programme Berkshire est que, d’après les documents publicitaires, Ideas effectuait des dons à plusieurs organisations actives dans le domaine des arts et que le Programme lui permettrait de soutenir les arts en effectuant des dons plus importants qu’elle n’aurait pu autrement le faire. Selon l’appelante, le fait que cela lui permettrait d’économiser de l’impôt était accessoire.

[12]        Je note que de 1988 à 1999, l’appelante a fait des dons de bienfaisance allant de 201 $ à 1 360 $.

Le Programme Berkshire

[13]        Je ne sais pas à quelle époque l’idée sur laquelle repose le Programme Berkshire fut conçue. Selon Allan Beach (« M. Beach »), associé du cabinet Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l. (« Fasken »), c’est au début de l’été 2000 qu’il a lui‑même commencé à collaborer au Programme Berkshire.

[14]        Le Programme Berkshire a été conçu par un groupe spécialisé dans la collecte de fonds et un groupe de marchands d’œuvres d’art, les deux groupes ayant élaboré le Programme de concert.

[15]        Les personnes composant le groupe spécialisé dans les collectes de fonds sont James Penturn (« M. Penturn »), Richard Glatt (« M. Glatt ») et Jack Keslassy (« M. Keslassy »). Ce sont eux qui ont eu l’idée de faire en sorte que les dons effectués par les participants comprennent à la fois un apport financier et un prêt sans intérêt.

[16]        Les marchands d’œuvres d’art étaient Hazel Hett (« Mme Hett »), Gerard Jennings (« M. Jennings »), Joan Krawczyk (« Mme Krawczyk ») et Elizabeth Sumption. Les entreprises faisant partie du groupe étaient Jennings Art Consultants Limited (« Jennings Art »), Joan Krawczyk Fine Art Inc. (« JKFA ») et Gower Street Gallery Limited, renommée ultérieurement GSG Limited, et ci‑après appelée « GSG ». Les marchands d’œuvres d’art s’étaient organisés de manière à ce que les œuvres d’art soient, avec les fonds réunis par le Programme Berkshire, acquis par le MacLaren Art Centre (le « Centre MacLaren »). Le Centre MacLaren est situé à Barrie (Ontario).

a) Le groupe spécialisé dans la collecte de fonds

[17]        Les personnes faisant partie du groupe de collecte de fonds ont, à divers moments, participé à la vente d’abris fiscaux.

[18]        M. Keslassy était au service de MM. Penturn et Glatt depuis le début des années 1990. Avant le Programme Berkshire, il avait été directeur administratif de AFE Consultants Limited, un abri fiscal reposant sur l’achat et le don d’œuvres d’art. Il affirme avoir, à AFE Consultants Limited, été au service de M. Penturn. Lorsque cet abri fiscal a subi les conséquences du budget de février 2000, le Programme Berkshire a été mis sur pied.

[19]        Dès le 25 août 2000, M. Keslassy, en sa qualité de directeur administratif de la Berkshire Foundation Limited, a communiqué avec des particuliers et des conseillers en placements pour susciter leur intérêt dans le Programme Berkshire. La Berkshire Foundation Limited fut plus tard renommée Talisker Funding Limited (« Talisker »), et je l’appellerai Talisker dans les présents motifs. M. Keslassy en était le président, administrateur et unique actionnaire et c’est lui qui était chargé des écritures pour la Berkshire Funding Initiatives Limited (« Berkshire »).

[20]        Berkshire et Talisker assuraient toutes deux la promotion du Programme Berkshire. Berkshire était le collecteur de fonds et Talisker prêtait l’argent aux participants.

[21]        M. Penturn et M. Glatt n’ont ni l’un ni l’autre témoigné à l’audience. Les témoignages recueillis ont, cependant, établi qu’ils étaient coprésidents de Berkshire.

[22]        Le 21 août 2000 au plus tard, M. Penturn a embauché David Sanderson comme directeur exécutif d’Ideas. David Sanderson avait travaillé pour James Penturn et pour le père de celui‑ci, Norton Penturn, depuis les années 1980, dans divers programmes d’abri fiscal.

[23]        Ideas, constituée en tant que fiducie caritative le 22 septembre 2000, est devenue un organisme de bienfaisance enregistré le 1er novembre 2000[3]. Dans le Programme Berkshire, le rôle de cet organisme consistait à délivrer aux participants des reçus pour dons de bienfaisance, à faire des dons à des organismes de bienfaisance et à faciliter le mouvement circulaire des dons déposés dans un compte de garantie bloqué.

[24]        Berkshire a, pour l’aider à vendre le Programme Berkshire, recruté des avocats, des comptables et des conseillers en placements dans l’ensemble du pays. Les agents de vente concluaient avec Berkshire une entente de représentation et recevaient une commission en fonction des dons qu’ils recueillaient[4].

[25]        Les agents de vente se voyaient remettre à l’intention des clients des documents publicitaires décrivant le Programme. Voici certains des aspects du Programme tels qu’ils sont décrits dans ces documents :

-         Soutien à établissements d’enseignement et à des institutions culturelles;

-        Apport en argent égal à 30 % du don; 20 % à titre de don et 10 % à titre de dépôt de garantie;

          -        Prêt équivalant à 80 % du don;

          -        Prêt de 25 ans ne portant pas intérêt;

-        Investissement du dépôt de garantie par le prêteur, qui garantit un rendement égal ou supérieur au taux de rendement de référence;

          -        Frais d’administration du prêt de 1 à 5 %;

-        Avis fiscal du cabinet Thorsteinssons, le plus gros cabinet d’avocats canadien à œuvrer uniquement dans le domaine de la fiscalité;

-        Avantage cumulé au titre de la variation nette de trésorerie, de 40,88 % en 2000, et de 52 % en 2002 pour les résidents de l’Ontario ayant fait un don de 50 000 $;

-        Principaux avantages – dons en argent; aucun risque en ce qui concerne l’évaluation; avantages fiscaux.

[26]        Le Programme Berkshire a duré de 2000 à 2003. Au cours de cette période, Talisker a accordé pour plus de 160 000 000 $[5] de prêts à environ 1 200 participants. Talisker a cessé de consentir des prêts en février 2003[6] en raison des modifications qu’il était envisagé d’apporter à la Loi[7].

[27]        En 2003, un nouveau programme, appelé Millennium Charitable Foundation, a été créé, et l’appelante y a participé par l’intermédiaire de M. Keslassy. Je n’ai aucun détail concernant la Millennium Charitable Foundation, si ce n’est que l’appelante y a versé 16 000 $ et a reçu en contrepartie un reçu pour don de bienfaisance de 48 000 $.

b) Les marchands d’œuvres d’art et les œuvres d’art

[28]        Selon ce volet du programme, 88 % des dons faits à Ideas étaient déposés dans un compte de garantie bloqué ouvert au nom de Fasken au titre d’un don qu’Ideas souhaitait faire au Centre MacLaren. Le Centre MacLaren n’exerçait cependant aucun contrôle sur 87,5 % des fonds en question. L’argent devait servir à l’achat d’œuvres d’art que les marchands d’œuvres d’art proposaient au Centre MacLaren à des prix qu’ils imposaient eux‑mêmes.

[29]        Après examen des éléments de preuve produits, je conclus que c’est Mme Hett qui a organisé le volet œuvres d’art du Programme Berkshire. Quelque temps avant le 4 octobre 2000[8], elle a convenu d’aider William Moore à réunir, par l’intermédiaire d’Ideas, des fonds destinés au Centre MacLaren. Leur intention était de voir le Centre MacLaren se porter acquéreur d’un certain nombre de bronzes de Rodin qu’il pourrait alors revendre sur plusieurs années afin de recueillir des fonds[9]. Le Centre MacLaren entendait lancer, à Barrie, en Ontario, un projet de construction appelé Art City.

[30]        Mme Hett a négocié un accord avec Gary Snell, propriétaire de Gruppo Mondiale (« Gruppo »), en vertu duquel Gruppo fabriquerait, en Italie, pour le Centre MacLaren, 12 jeux de bronzes de Rodin. Chaque jeu devait comporter 51 bronzes, soit 612 statues au total. Ces bronzes devaient constituer ce qui a été appelé la MacLaren Edition (ci‑après appelée la « Série MacLaren »). Aux termes d’une entente négociée par Mme Hett, les bronzes de la Série MacLaren seraient vendus à JKFA pour 6 000 000 $US[10].

[31]        En deux jours, quatre contrats ont été signés concernant les bronzes de Rodin de la Série MacLaren. En deux jours, le prix de ces bronzes s’est vu multiplié par 18, passant de 6 000 000 $ à 108 840 000 $US. Voici les détails de l’affaire.

[32]        Le 30 novembre 2000, JKFA a signé avec Gruppo un contrat portant sur les bronzes de Rodin de la Série MacLaren. À la même époque, JKFA a également reçu 612 [traduction] « contrats de vente et certificats de titre » devant être remis au Centre MacLaren, au fur et à mesure que Gruppo serait payé pour chaque jeu de statues. Aux termes du contrat, la livraison, l’inspection et la réception des bronzes devaient avoir lieu en Italie, aux frais de JKFA.

[33]        Le jour suivant sa signature du contrat avec Gruppo, JKFA a cédé à GSG sa participation dans le contrat. Mme Hett était une des conseillères de GSG. Le même jour, c’est‑à‑dire le 1er décembre 2000, GSG a consigné les bronzes de la Série MacLaren à Jennings Art pour la somme de 108 840 000 $US. Cette vente était régie par un [traduction] « Contrat de commercialisation et de consignation » conclu par les parties le 15 août 2000.

[34]        Toujours le 1er décembre 2000, Jennings Art a convenu de vendre les bronzes de Rodin de la Série MacLaren au Centre MacLaren pour 108 840 000 $US. Le prix à acquitter par le Centre MacLaren n’a fait l’objet d’aucune négociation. Ce prix a en effet été fixé par le vendeur[11] au moyen d’une soi‑disant [traduction] « évaluation sommaire » préparée par Stewart Waltzer. Je dis soi‑disant évaluation, car cette évaluation ne correspondait pas à la réalité. Elle avait en effet été préparée avant même que les bronzes ne soient fabriqués; elle reposait sur de [traduction] « nombreuses suppositions », Stewart Waltzer n’ayant même pas vu les plâtres au moyen desquels les bronzes seraient fabriqués.

[35]        D’après M. Beach, un différend est né entre JKFA et Gruppo, et seulement 10 des 12 jeux de bronzes ont été achevés, inspectés et transférés à MacLaren pour ce qui est du titre de propriété. JKFA a payé les 10 jeux de bronzes cinq millions de dollars américains. Aucun de ces bronzes n’est arrivé au Canada. Le Centre MacLaren n’a reçu aucun des bronzes de la Série MacLaren.

[36]        Il ne ressort d’aucun des éléments produits devant la Cour l’existence des bronzes de Rodin de la Série MacLaren. Aucun des témoins ayant comparu devant moi ne les a vus ni inspectés. Les déclarations d’inspection des bronzes ont été remplies soit par Mme Hett, Gerard Jennings ou Joan Krawczyk[12], les marchands d’œuvres d’art qui avaient participé à la mise sur pied du Programme Berkshire. Les déclarations d’inspection n’ont pas été versées au dossier et aucun des documents produits ne me permet de conclure que les bronzes de Rodin de la Série MacLaren ont effectivement été fabriqués.

[37]        Le Centre MacLaren s’est vu reconnaître un droit sur 10 des jeux de bronzes de Rodin. Cependant, même après qu’il fut devenu évident que le Centre MacLaren n’obtiendrait aucun titre de propriété pour les deux derniers jeux de bronzes de Rodin, des fonds ont continué à être déposés, pour le compte du Centre MacLaren, dans le compte de garantie de Fasken. Les marchands d’œuvres d’art avaient dû s’organiser de manière à ce que le Centre MacLaren achète d’autres œuvres d’art afin de justifier les sommes déposées dans le compte de garantie bloqué. Ils avaient alors fait en sorte que, au lieu des deux derniers jeux de bronzes, le Centre MacLaren reçoive une collection de gravures de Henry Moore. Aux termes d’une lettre en date du 25 octobre 2002, M. Jennings a convenu de vendre au Centre MacLaren un jeu de 676 gravures de Henry Moore au prix de 35 millions de dollars américains.

[38]        La collection intégrale était composée de 693 gravures de Henry Moore. Cette collection avait été vendue le 11 février 2002 à JKFA pour 1 450 000 $US par Gilles Abrioux, un marchand d’œuvres d’art de Chicago.

[39]        Mme Hett a également organisé la vente au Centre MacLaren de 17 plâtres de Rodin, dont elle était propriétaire. Ces plâtres ont été vendus au Centre MacLaren au prix de 3 256 000 $. Aucune preuve n’a été produite à l’égard de ce que ces plâtres avaient coûté à Mme Hett. Aucun élément de preuve n’a été présenté quant à leur valeur.

c) L’appelante en tant que participante

[40]        Afin de devenir une participante au Programme Berkshire, l’appelante a dû accomplir les formalités suivantes, ce qu’elle a fait en 2000, en 2001 et en 2002 :

 

a)       signature d’un engagement envers Ideas pour le montant intégral de son don;

 

b)      présentation d’une demande de prêt de 25 ans ne portant pas intérêt, correspondant à 80 % de son don à Talisker (que j’appellerai le « montant du prêt »);

 

c)       signature d’un chèque d’un montant équivalant à 20 % de son don, payable à Talisker [traduction] « à titre de mandataire »;

 

d)      versement à Talisker d’un dépôt de garantie correspondant à 10 % du montant du prêt, dépôt qui devait être investi afin d’atteindre, en 25 ans, le montant du prêt;

 

e)       versement à Talisker de frais d’administration du prêt, de 1 à 5 % du montant du don;

f)       signature d’un document appelé billet à ordre pour le montant du prêt, payable 25 ans après la date inscrite sur le billet.

[41]        Le nom d’Ideas figurait sur les demandes de prêt en tant qu’organisme de bienfaisance désignée, et le montant des prêts ne pouvait servir qu’à effectuer des dons à Ideas.

[42]        Le don était conditionnel à l’approbation de la demande de prêt. Si la demande avait été rejetée, le dépôt de l’appelante (égal à 20 % du don) lui aurait été remboursé.

[43]        Talisker a transmis le montant des prêts et les fonds qui lui étaient versés [traduction] « à titre de mandataire » à Ideals, qui délivrait à l’appelante des reçus pour don de bienfaisance.

[44]        Voici le détail des opérations effectuées par l’appelante :

 

Année

Don

Montant

du prêt

20 % du

don

Dépôt

de garantie

Frais

d’adminis-

tration du

prêt

Reçu pour

don de

bienfaisance

2000

50 000 $

40 000 $

10 000 $

5 000 $

2 000 $

50 000 $

2001

60 000 $

56 400 $[13]

12 000 $

6 000 $

2 400 $

60 000 $

2002

50 000 $

40 000 $

10 000 $

5 000 $

2 000 $

50 000 $

[45]        Compte tenu des reçus pour don bienfaisance qui lui avaient été délivrés par Ideas, l’appelante a demandé les crédits d’impôt suivants :

 

Année

Crédits d’impôt

2000

20 046 $

2001

24 060 $

2002

20 045 $

[46]        En vertu d’une procuration, Talisker a investi les dépôts de garantie dans des fonds communs de placement choisis par l’appelante à partir d’une liste dressée par Talisker.

[47]        D’après son témoignage, l’appelante estime maintenant que les placements effectués ne permettront pas de rembourser le montant des prêts à leurs dates d’échéance. Elle affirme avoir effectué d’autres placements afin de pouvoir répondre à ses obligations à l’échéance des prêts. Son témoignage ne s’appuyait, cependant, sur aucune preuve documentaire.

[48]        Je relève que Talisker a cédé à GSG les dettes de l’appelante, ainsi que les sommes déposées par celle‑ci en garantie. D’après les relevés de compte que l’appelante a reçus depuis 2003, ses dépôts de garantie ont été versés dans un compte de sûreté accessoire de GSG. Elle affirme ne pas s’être renseignée au sujet des sommes ainsi placées.

d) La circulation du montant des prêts

[49]        Le mouvement circulaire du montant des prêts est décrit de manière succincte dans les conclusions écrites de l’intimée :

 

[traduction]
En un mot, Talisker a dû, pour pouvoir consentir des prêts aux participants, emprunter auprès d’un prêteur canadien. Talisker a dû ensuite emprunter à un prêteur étranger pour rembourser le prêteur canadien. L’argent prêté à Talisker par le prêteur étranger était l’argent des « dons » qui lui avaient été envoyés. Les opérations menées avec des parties autres que les participants donnaient à Talisker les moyens de rembourser le prêteur canadien[14].

[50]        En 2000, Talisker a contracté un emprunt auprès de la Standard Mercantile Bancorp., Limited Partnership (la « Standard ») au moyen d’une facilité de crédit datée du 4 décembre 2000. L’argent emprunté à la Standard a été utilisé pour accorder les prêts aux participants[15].

[51]        Voici en quels termes M. Beach a décrit le flux circulaire des fonds en question :

 

[traduction]
Son prêt était vu – excusez‑moi, le prêt accordé par Standard était vu comme un prêt intrajournalier qui, je pense, permettait en l’occurrence de faire passer l’argent par toute une série de comptes, de comptes bancaires, ouverts au nom de chacune des parties, dans un véritable enchaînement de versements. Ainsi, une partie au moins, sinon l’intégralité du prêt en question, reviendrait entre les mains de la Standard dans les 24 ou 48 heures[16].

[52]        Le remboursement à la Standard dans les 24 à 48 heures, du montant des prêts, n’était possible que grâce au compte de garantie ouvert par Fasken, aux instructions rédigées par M. Beach et aux comptes bancaires ouverts par les divers intervenants de la chaîne de paiements auprès de succursales de la Banque TD à Toronto.

[53]        Les personnes intervenant dans la chaîne de paiements, les instructions et le mouvement des fonds peuvent être décrits en ces termes (par souci de clarté, j’ai joint à l’annexe A aux présents motifs un schéma qui illustre la circulation du montant des prêts) :

a)     Les avances consenties par la Standard étaient déposées dans le compte bancaire d’Irwin Singer (« M. Singer »), en fiducie, qui avait ordonné à la Banque TD de porter ces avances au crédit du compte bancaire de Talisker.

b)    Talisker a ordonné à la Banque TD de mettre en commun les avances consenties par la Standard et les sommes qui lui étaient versées, à elle, [traduction] « à titre de mandataire », et d’émettre à Ideas des traites bancaires au nom de chacun des participants et correspondant à l’intégralité de leur don. Talisker avait fourni à la Banque TD la liste des participants et le détail des dons effectués par chacun.

c)     Ideas a ordonné à la Banque TD de déposer dans son compte le produit des traites bancaires. Ideas a alors autorisé la Banque TD à débiter son compte de 88 % des dons et à remettre à Fasken un chèque où une traite bancaire du même montant au titre d’un don qu’Ideas ferait au Centre MacLaren.

d)    Ideas a ordonné à Fasken de déposer 88 % (parfois 86 %) des dons dans un compte de garantie bloqué détenu en fiducie pour le compte du Centre MacLaren. (Ideas remettait 11 % des dons à Berkshire pour ses services de collecte de fonds. Le solde, soit 1 % des dons, était utilisé par Ideas pour ses frais de fonctionnement et le salaire de ses employés et pour faire des dons à des organismes de bienfaisance choisis par Sanderson.)

e)     Le Centre MacLaren a donné l’ordre et l’autorisation à Fasken de verser à Jennings Art l’intégralité des sommes reçues d’Ideas, moins 0,5 %. Ce 0,5 % a été versé au Centre MacLaren pour son fonds de construction.

f)      Jennings Art a ordonné à Fasken de verser à GSG certaines sommes. Je suppose que Jennings Art touchait une commission, mais le pourcentage de celle‑ci n’a pas été présenté en preuve.

g)     GSG a ordonné à Fasken de remettre [traduction] « les sommes qui pourraient de temps à autre lui être demandées » par écrit, par Wigmore Investments Limited (« Wigmore »).

h)    Wigmore a ordonné à Fasken de verser à Talisker les montants que Fasken avait reçus de GSG pour le compte de Talisker. Les éléments de preuve et les témoignages recueillis m’amènent à conclure que GSG a reçu au moins 80 % des dons et qu’elle a ordonné que le montant des prêts soit versé à Wigmore, qui a ordonné que les sommes soient remises à Talisker[17]. Elizabeth Sumption, à la Barbade, donnait des instructions à la fois à GSG[18] et à Wigmore[19]. Selon M. Beach, les sommes en questions étaient les avances consenties à Talisker par Wigmore aux termes de leur convention de prêt[20].

i)       Talisker a demandé à Fasken de déposer les sommes reçues de Wigmore dans le compte bancaire de Talisker à la Banque TD.

j)       Talisker a demandé à la Banque TD de porter 80 % du don (le montant du prêt) au crédit du compte détenu en fiducie par Irwin Singer.

[54]        La convention de prêt entre Talisker et Wigmore a été signée le 12 octobre 2000. Aux termes de cette convention, les avances consenties à Talisker ne pouvaient servir qu’au Programme Berkshire. Toute somme avancée à Talisker par Wigmore ne portait aucun intérêt jusqu’au 31 décembre 2010.

[55]        En 2000 et en 2001, Talisker comptait sur les avances consenties par la Standard pour pouvoir prêter l’argent nécessaire aux participants du programme. En 2002, Talisker a commencé à financer le montant des prêts avec ses propres fonds[21]. Cependant, même en 2002, le montant des prêts passait par Wigmore avant de revenir à Talisker.

[56]        Lors de son contre‑interrogatoire, il a été demandé à M. Beach pourquoi GSG avait demandé que les versements soient effectués à Wigmore à partir du compte de garantie bloqué. Voici la question qui lui a été posée, et sa réponse :

[traduction]
Q.                          Pourquoi la Gower Street Gallery autorisait-elle que soient effectués des versements à Wigmore par votre cabinet, ou par l’intermédiaire de votre compte de garantie bloqué?

R.                           Il y avait donc ce mécanisme – cela faisait partie du prêt intrajournalier en question, mais c’est comme cela qu’une partie ou l’intégralité des sommes provenant à l’origine d’Irwin Singer pouvait finir par lui être remboursée[22].

 

On lui a plus tard reposé la même question, mais il a répondu qu’il n’en connaissait pas la réponse.

[57]        Enfin, je n’ai pas pu préciser le montant exact des sommes qui furent transférées à Jennings, GSG et Wigmore. Le témoignage de M. Beach, et la pièce R‑7, onglet C1, page 24, m’amènent cependant à conclure que le montant des prêts passait par le compte de garantie bloqué, mais revenait à la Standard dans un délai de 24 à 48 heures.

 

e)       Montants inscrits dans les déclarations de renseignements

[58]        Dans ses déclarations de renseignements, Ideas a fait état des sommes suivantes. À noter que son exercice financier se terminait le 31 août.

 

 

31 août 2001

31 août 2002

31 août 2003

Dons reçus

81 725 350 $

85 551 485 $

37 894 705 $

Dons au

Centre MacLaren

71 771 420 $

75 605 932 $

33 157 540 $

Dons à d’autres

organismes de

bienfaisance

     235 458 $

    183 500 $

      15 000 $

[59]        M. Beach avait fait savoir au Centre MacLaren que les versements suivants avaient été effectués pour son compte.

 

Du 11 décembre 2000

au

31 août 2001

Du 1er septembre 2001

au

31 août 2002

Du 1er septembre 2002

au

18 février 2003

71 771 420 $

75 405 932 $

32 986 620 $

Il lui a écrit que 141 831 761 $ avaient servi à l’achat de deux jeux de bronzes de Rodin; 3 256 000 $, à l’achat de 17 plâtres de Rodin, et 35 076 211 $, à l’achat de 433 gravures de Henry Moore. Le Centre MacLaren a également reçu une contribution de 1 314 817 $ à son fonds de construction.

[60]        Dans ses déclarations de renseignements, le Centre MacLaren a indiqué qu’au cours de l’exercice financier prenant fin le 31 décembre 2000, il avait reçu 63 975 933 $ et, qu’au cours de l’exercice financier prenant fin le 31 décembre 2001, il avait reçu, de la part d’un organisme de bienfaisance enregistré, 71 124 299 $. Il a déclaré n’avoir rien reçu d’un organisme de bienfaisance enregistré lors de l’exercice financier prenant fin le 31 décembre 2002.

[61]        Le Programme Berkshire consistait essentiellement en ce que de petits dons en argent soient faits à quelques organismes de bienfaisance. Le Centre MacLaren, quant à lui, était tenu d’affecter les dons qui lui étaient faits à l’achat d’œuvres d’art qui lui étaient vendues par ceux qui avait mis sur pied le programme.

[62]        Je note, pour conclure, que lorsqu’elle est devenue participante au Programme Berkshire, l’appelante ignorait l’existence de la plupart de ces personnes et des opérations exposées ci‑dessus. Les volets du Programme qui la touchaient directement ont été exposés à la rubrique « L’appelante en tant que participante ».

[63]        Lorsque l’appelante a adhéré au Programme Berkshire, elle n’était pas au courant du rôle joué par Ideas. Elle n’a, par contre, posé aucune question à cet égard et n’a pas non plus pris connaissance des détails de sa participation au Programme. Elle a signé la demande de prêt et la procuration sans prendre connaissance de leurs modalités.

[64]        J’ai rappelé, plus haut, que l’appelante affirme avoir été attirée par le Programme Berkshire car il devait lui permettre de faire, en faveur des arts, des dons plus importants qu’elle n’aurait pu le faire autrement, et que la question de l’impôt que cela lui permettrait d’économiser était pour elle était accessoire.

[65]        Je suis d’avis, après avoir examiné les éléments de preuve produits, que l’impôt que cela devait lui permettre d’économiser était, pour l’appelante, la principale raison l’ayant porté à faire un don.

Analyse

[66]        L’article 118.1 de la Loi accorde un crédit d’impôt aux personnes qui effectuent des dons à un organisme de bienfaisance enregistré, ou à d’autres organisations. En voici le texte :

 

118.1(1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

« total des dons de bienfaisance » En ce qui concerne un particulier pour une année d’imposition, le total des sommes représentant chacune la juste valeur marchande d’un don (sauf un don dont la juste valeur marchande est incluse dans le total des dons à l’État, le total des dons de biens culturels ou le total des dons de biens écosensibles du particulier pour l’année) qu’il a fait au cours de l’année ou d’une des cinq années d’imposition précédentes (mais non au cours d’une année pour laquelle il a demandé une déduction en application du paragraphe 110(2) dans le calcul de son revenu imposable) à un donataire reconnu, dans la mesure où la somme n’a pas été incluse dans le calcul d’une somme déduite en application du présent article dans le calcul de son impôt payable en vertu de la présente partie pour une année d’imposition antérieure;

[67]        Dans l’affaire Maréchaux c. La Reine, 2010 CAF 287, la Cour d’appel fédérale devait se pencher sur un programme de dons de bienfaisance financé par emprunt. La Cour a retenu la définition de « don » que la juge Woods avait, en première instance, reprise de l’arrêt The Queen v. Friedberg, 92 DTC 6031 (CAF), à la p. 6032. Selon la Cour d’appel, pour l’application de l’article 118.1 :

 

[…] un don est le transfert volontaire du bien d’un donateur à un donataire, en échange duquel le donateur ne reçoit pas d’avantage ni de contrepartie.

[68]        La Cour d’appel fédérale a également retenu la thèse de la juge Woods portant que M. Maréchaux n’avait pas fait un « don » au sens de l’article 118.1 de la Loi étant donné qu’il avait fait le paiement à la fondation en s’attendant à recevoir en retour un « avantage important ». Cet avantage était un prêt sans intérêt qui lui était accordé.

[69]        En l’espèce, les dons que Mme Kossow a faits à Ideas n’étaient pas distincts du financement que lui accordait Talisker. Ses dons dépendaient de l’approbation de ses demandes de prêts sans intérêt. J’en conclus que, ainsi qu’il en était dans l’affaire Maréchaux, Mme Kossow n’a pas fait un don au sens de l’article 118.1 de la Loi. Les prêts sans intérêt remboursables en 25 ans étaient des « avantages importants » qu’elle a reçus en échange de ses dons. L’appelante a ainsi pu transférer à Ideals, en 2000, en 2001 et en 2002 respectivement, 50 000 $, 60 000 $ et 50 000 $ en n’avançant que 17 000 $, 20 400 $ et 17 000 $ de ses propres fonds. Elle a pu faire cela sans payer les intérêts qu’aurait occasionnés un prêt commercial lui avançant la différence.

[70]        Dans l’affaire Maréchaux, l’appelant avait en outre bénéficié d’un deuxième avantage, en l’occurrence une « option de vente ». Il n’est cependant pas nécessaire que deux avantages soient consentis pour que la donation soit viciée. Le fait qu’un avantage a été conféré à Mme Kossow en échange de son don démontre à lui seul qu’il ne s’agissait pas d’un don au sens de la Loi. Les observations de la juge Woods à cet égard dans la décision Maréchaux c. La Reine, 2009 CCI 587 sont pertinentes en l’espèce :

[35] J’aimerais également faire remarquer que, même en l’absence de l’option de vente, le financement conférait un important avantage. Il est évident en soi qu’un prêt de 20 ans ne portant pas intérêt constitue un avantage économique considérable pour le débiteur.

[71]        Les avocats de Mme Kossow soutiennent qu’une donation n’est viciée que lorsque l’on peut démontrer l’existence d’une contrepartie entre le donataire et le donateur. À l’appui de cette thèse, les avocats de l’appelante citent un récent arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario, McNamee v. McNamee, 2011 ONCA 533, où la Cour d’appel a dit :

 

[traduction]
31. Il ne faut pas oublier que la question n’est pas de savoir si le donateur (voire le donataire) a reçu quelque avantage du gel de la succession (M. McNamee père a atteint les objectifs qu’il s’était fixés dans sa planification d’entreprise et les fils ont reçu leurs actions ordinaires). La question est de savoir si le donataire a accordé au donateur une contrepartie en échange de la cession des actions. Pour les raisons exposées ci‑dessus, l’appelant n’a, à cet égard, accordé aucune contrepartie. Le fait que M. McNamee père ait atteint les objectifs qu’il s’était fixés dans sa planification d’entreprise – ayant pu notamment plafonner à deux millions de dollars sa participation dans la société, avec le droit d’en retirer davantage s’il le souhaitait; la protection contre les créanciers; et l’atténuation des éventuelles incidences fiscales de son décès – ne constitue pas une contrepartie que lui aurait accordée l’appelant. En outre, le fait, pour McNamee Concrete, de continuer à employer l’appelant ne constitue pas non plus, vu les circonstances de l’affaire, une contrepartie accordée en échange de la cession des actions. L’appelant, comme employé de l’entreprise, est correctement rémunéré pour ses services, et le vague espoir qu’il entretenait de voir ses fils conserver l’entreprise ne constitue pas une contrepartie que lui auraient accordée les garçons. Les actions n’ont pas été cédées afin d’assurer que les fils continuent à s’occuper de l’entreprise; elles ont été cédées pour permettre le gel de la succession. Les motifs d’un don ne sont pas la même chose que la contrepartie que pourrait accorder le donataire. [Non souligné dans l’original.]

[72]        Je suis d’avis que l’appelante a cité hors contexte les observations de la Cour d’appel de l’Ontario, et mal interprété leur portée. Ce qui est dit dans l’arrêt McNamee se rattache à des faits qui relèvent du droit de la famille où un désaccord était né quant à la question de savoir si les actions qu’un mari avait reçues de son père faisaient partie des biens matrimoniaux. Il s’agissait de décider si les actions en question constituaient, pour le mari, un don de la part de son père.

[73]        Ajoutons que les observations relevées dans l’arrêt McNamee n’étaient pas censés s’appliquer de manière générale. Ils doivent être interprétés au regard des faits de cette espèce. La Cour d’appel de l’Ontario n’a imposé aucune restriction à la définition du mot « don ». Elle n’entendait pas modifier la définition de concept de « don ». Elle s’est prononcée sur le fondement de la définition suivante de ce terme :

 

[traduction]

24     Les éléments essentiels de ce qui constitue un don valable au sens de la Loi ne sont aucunement contestés. Il faut qu’il y ait (1) l’intention, de la part du donateur, de faire un don, sans contrepartie et sans s’attendre à aucune rémunération, (2) l’acceptation du don par le donataire et (3) un acte de remise ou de cession du bien suffisant afin de conclure l’opération : Cochrane v. Moore, (1890), 25 Q.B.D. 57 (C.A.), aux p. 72 et 73; Mossman et Flanagan, précité à la p. 441, Bruce Ziff, Principles of Property Law, 5e éd., Toronto, Carswell, 2010, à la p. 157.

[74]        Les avocats de l’appelante ont, par ailleurs, soutenu que, dans l’hypothèse où l’appelante aurait, d’après moi, reçu un avantage en contrepartie de son don, l’appelante devrait avoir doit à un crédit d’impôt pour la part du don qu’elle a fait en argent comptant en 2002, soit 10 000 $.

[75]        Je rejette cette thèse. Comme dans l’affaire Maréchaux, il n’y a eu « qu’un seul arrangement interdépendant ». Le don en question ne comporte aucun élément qui ait été donné sans que soit attendue de contrepartie.

[76]        L’appel est rejeté et l’intimée a droit aux dépens.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de septembre 2012.

 

 

 

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de janvier 2013.

 

 

François Brunet, réviseur

 


Annexe « A »

 

Programme Berkshire

 


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 325

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2005-1974(IT)G

 

INTITULÉ :                                      KATHRYN KOSSOW c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :            Du 26 au 29 avril, du 2 au 6 mai et le

19 juillet 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Valerie Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 14 septembre 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Me A. Christina Tari,

Me Jason Puterman,

Me Cindy Chiu

Avocats de l’intimée :

Me Arnold H. Bornstein,

Me John Grant,

Me Lorraine Edinboro,

Me Patricia Lee

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                     A. Chritina Tari,

                                                          Jason Puterman,

                                                          Cindy Chiu

 

                          Cabinet :                 Richler and Tari

 

       Pour l’intimée:                           Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] Dans un programme de dons de bienfaisance financés par emprunt, une partie du don est composé d’argent emprunté qui devra être remboursé.

[2] Transcription, page 126

[3] Avis d’appel, paragraphe 4.5

[4] Transcription, pages 807 et 808

[5] Pièce R-6, onglets 81, 98, 101 et 107

[6] Transcription, page 818

[7] Transcription, page 815

[8] Pièce R-3, onglet 2

[9] Pièce R-3, onglets 1, 2, 3, 5

[10] Pièce R-3, onglet 11

[11] Transcription, page 608.

[12] Transcription, page 1108

[13] Pièce AR-1, onglets 20 et 22. L’appelante a, le 14 septembre 2001, remboursé à Talisker la somme de 4 800 $ au titre des prêts, et le 14 décembre 2001, 3 600 $ au même titre.

[14] Observations de l’intimée, paragraphe 48

[15] Transcription, page 877

[16] Transcription, pages 1112 et 1113

[17] Voir pièce R-7, onglets A‑3 et C‑1, page 24

[18] Transcription, page 1069

[19] Transcription, page 1124

[20] Transcription, page 1129

[21] En 2000, en 2001 et en 2002, les frais d’administration des prêts constituaient l’unique source de revenu de Talisker.

[22] Transcription, pages 1124 et 1125

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