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Dossier : 2008-2622(IT)G

ENTRE :

9098-9005 QUEBEC INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu les 18 et 19 avril 2012 à Montréal (Québec)

 

Devant : L’honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

Représentant de l’appelante :

M. Larry Gitman

Avocat de l’intimée :

Me Grégoire Cadieux

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

Les appels des cotisations et des nouvelles cotisations établies au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition se terminant le 30 novembre 2003, le 30 novembre 2004 et le 30 novembre 2005 sont rejetés, avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d’octobre 2012.

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard

 

Traduction certifiée conforme

ce  12e jour de février  2013.

 

François Brunet, réviseur


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 324

Date : 20121002

Dossier : 2008-2622(IT)G

ENTRE :

9098-9005 QUEBEC INC,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bédard

[1]             Par des cotisations et les nouvelles cotisations datées du 22 août 2007, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé les déductions accordées aux petites entreprises, soit les montants de 16 830 $, 15 156 $ et 14 475 $ réclamés par l’appelante pour les années d’imposition se terminant le 30 novembre 2003, le 30 novembre 2004 et le 30 novembre 2005 respectivement. Il a conclu que l’appelante était une entreprise de prestation de services personnels pendant les années d’imposition visées par l’appel et a donc refusé les déductions accordées aux petites entreprises que réclamait l’appelante. Le ministre a conclu que l’appelante était une entreprise de prestation de services personnels au motif que, si ce n’était de l’existence de l’appelante, il serait raisonnable de considérer M. Gitman comme un cadre ou un employé de l’entité à laquelle ont été assurés les services. L’appelante a interjeté appel des cotisations et des nouvelles cotisations.

 

[2]             Essentiellement, il ressort des éléments de preuve présentés par les parties ont révélé ce qui suit :

 

a)       L’appelante appartient à cent p. cent à Larry Gitman.

 

b)      Au cours des années d’imposition visées par l’appel, l’appelante employait moins de six personnes à temps plein.

 

c)       Mme Rywka Gitman est décédée le 14 décembre 2002. Par son testament, elle léguait ses biens en parties égales (essentiellement 13 immeubles locatifs, de l’argent et une société de fourrures) à ses trois enfants (Larry Gitman, Molly Gruman et Anita Eisenstat). En janvier 2004, les biens de la succession de Mme Rywka Gitman ont été cédés à ses trois enfants en parties égales. Après la cession des biens en question, les trois enfants ont décidé de mettre en commun les 13 immeubles locatifs et de les utiliser pour entreprendre des activités immobilières. Ils ont aussi essayé de développer ensemble l’entreprise de fourrures dont ils avaient hérité. Ils ont même tenté d’acheter une concession d’automobiles. Autrement dit, ils se sont investis dans toutes sortes d’entreprises ou d’entreprises commerciales. En fait, après la cession des biens en question, les trois enfants sont devenus des associés dans une société de fait (la « société de fait »).

 

d)      Du décès de Mme Rywka Gitman jusqu’à la cession des biens de la succession à ses enfants, le seul client de l’appelante était la succession de Mme Rywka Gitman. Après la cession des biens en question, le seul client de l’appelante était la société de fait.

 

e)       En général, les services rendus par l’appelante à la succession de Mme Rywka Gitman et à la société de fait consistaient en la gestion de leurs actifs immobiliers en vue d’entreprendre des activités immobilières, en la gestion et le développement de la compagnie de fourrures et, enfin, en la recherche d’occasions d’affaires dans lesquelles investir. Plus précisément, les services rendus par l’appelante comprenaient :

 

i)                   l’évaluation des risques;

 

ii)                l’analyse des marchés, y compris ceux de l’immobilier et de la fourrure;

 

iii)              la collecte de données sur les marchés, notamment :

 

(A)           les données relatives à des produits tels que les fourrures;

 

(B)            les données relatives aux prix de l’immobilier et aux locations (ce qui comprenait l’examen des descriptions de propriété et l’analyse du rendement éventuel);

 

(C)            les données sur les coûts de construction et la disponibilité de la main-d’œuvre;

 

iv)              la négociation et la rédaction de contrats (notamment les offres d’achat, les contrats de rénovation, les baux, les contrats d’assurance);

 

v)                la gestion des immeubles locatifs;

 

vi)              la tenue de dossiers.

 

f)       Les services rendus par l’appelante à la succession de Mme Rywka Gitman et à la société de fait l’ont été essentiellement par son unique actionnaire, c’est-à-dire M. Gitman. Certains de ces services étaient également rendus par M. Mark Rintoul, qui a reçu de l’appelante, en guise d’honoraires de consultant, les sommes de 39 750 $ en 2003, de 47 550 $ en 2004 et de 51 500 $ en 2005. M. Rintoul travaillait sous la supervision de M. Gitman.

 

g)       Les deux sœurs de M. Gitman ne jouaient absolument aucun rôle dans l’exploitation et la mise en valeur des biens de la succession de Mme Rywka Gitman ainsi que dans l’exploitation et le développement des diverses entreprises de la société de fait. En réalité, la participation des sœurs de M. Gitman dans la gestion de la succession de Mme Rywka Gitman et de la société de fait se limitait à l’exercice de leur droit de vote sur la vente ou l’acquisition de biens ou d’entreprises. Durant la période visée, les deux sœurs n’ont donné aucune directive à leur frère en ce qui a trait à la gestion de l’immobilier ou à la réalisation de projets d’immobilier ou encore, à la gestion ou au développement d’autres entreprises.

 

h)      L’appelante a imposé des frais annuels de 150 000 $ à la succession de Mme Rywka Gitman et, après la cession des biens de la succession, à la société de fait.

 

[3]             Les points en litige sont les suivants :

 

a)                 Le ministre a-t-il conclu à juste titre que l’appelante était une entreprise de prestation de services personnels pendant les années d’imposition s’étant terminées le 30 novembre 2003, le 30 novembre 2004 et le 30 novembre 3005, conformément au paragraphe 125(7) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »)?

 

b)                Le ministre a-t-il eu raison de refuser les déductions accordées aux petites entreprises, soit les montants de 16 830 $, 15 156 $ et 14 475 $ réclamés par l’appelante pour les années d’imposition s’étant terminées le 30 novembre 2003, le 30 novembre 2004 et le 30 novembre 2005 respectivement, au titre du paragraphe 125(1) de la Loi?

 

[4]             Je relève d’ores et déjà que le ministre a admis que, si ce n’était de l’existence de l’appelante, il serait raisonnable de considérer M. Gitman comme l’employé de l’entité à laquelle ont été assurés les services. Je voudrais souligner que le ministre affirme seulement qu’il serait raisonnable de considérer M. Gitman comme un cadre de l’entité à laquelle ont été fournis les services. Par conséquent, la seule question qui appelle une réponse est la suivante : si ce n’était de l’existence de l’appelante, serait-il raisonnable de considérer M. Gitman comme un cadre de l’entité à laquelle ont été assurés les services?

 

 

Analyse

La signification des mots « charge », « fonctionnaire » ou « cadre », « employé » et « emploi » figurant dans la Loi

 

Les définitions de la loi

 

[5]             Le paragraphe 248(1) de la Loi définit ainsi les mots « charge », « fonctionnaire » ou « cadre », « employé » et « emploi » :

 

« charge »  Poste qu’occupe un particulier et qui lui donne droit à un traitement ou à une rémunération fixes ou vérifiables, y compris une charge judiciaire, la charge de ministre de la Couronne, la charge de membre du Sénat ou de la Chambre des communes du Canada, de membre d’une assemblée législative ou de membre d’un conseil législatif ou exécutif et toute autre charge dont le titulaire est élu au suffrage universel ou bien choisi ou nommé à titre représentatif, et comprend aussi le poste d’administrateur de société; « fonctionnaire » ou « cadre » s’entend de la personne qui détient une charge de ce genre, y compris un conseiller municipal et un commissaire d’école.

 

« employé »  Sont compris parmi les employés les cadres ou fonctionnaires.

 

« emploi »  Poste qu’occupe un particulier, au service d’une autre personne (y compris Sa Majesté ou un État ou souverain étrangers); « préposé » ou « employé » s’entend de la personne occupant un tel poste.

“office” means the position of an individual entitling the individual to a fixed or ascertainable stipend or remuneration and includes a judicial office, the office of a minister of the Crown, the office of a member of the Senate or House of Commons of Canada, a member of a legislative assembly or a member of a legislative or executive council and any other office, the incumbent of which is elected by popular vote or is elected or appointed in a representative capacity and also includes the position of a corporation director, and “officer” means a person holding such an office;

 

 

 

“employee” includes officer;

 

 

“employment”: means the position of an individual in the service of some other person (including Her Majesty or a foreign state or sovereign) and “servant” or “employee” means a person holding such a position.

 

 

Les précisions apportées par la jurisprudence au sens des mots « charge » et « fonctionnaire » ou « cadre »

 

[6]             Parce que la Loi définit simplement le « fonctionnaire » ou « cadre » comme étant une personne qui détient une « charge », il n’est pas surprenant de constater que la jurisprudence a surtout analysé jusqu’à présent la définition de la « charge » énoncée dans la Loi. Trois décisions clés servent de point de départ à notre analyse : Guérin v. M.N.R., 52 DTC 118 (C.A.I.R.); MacKeen v. M.N.R., 67 DTC 281 (C.A.I.); Merchant v. The Queen, 84 DTC 6215 (C.F. 1re inst.).

 

[7]             Dans l’affaire Guérin, l’appelant, un juge de la Cour des sessions de la paix, a suspendu son activité de juge afin de siéger comme président de divers conseils d’arbitrage de conflits de travail. La rémunération de l’appelant était fixée à 12,50  $ pour chaque jour de séance. Dans l’exercice de ses fonctions, l’appelant assumait les frais de déplacement et ses dépenses personnelles qu’il a cherché à déduire de son revenu comme si ses services avaient été rendus dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise, et non, ainsi que l’a fait valoir le ministre, dans l’exercice des fonctions d’une charge ou d’un emploi. Même si le président Monet de la Commission d’appel de l’impôt sur le revenu a rapidement décidé que l’appelant n’était pas un employé, la question de savoir si celui-ci détenait une charge a été soulevée.

 

[8]             Dans sa décision, le président Monet a d’abord observé que l’appelant avait été expressément autorisé à faire partie de tels conseils d’arbitrage par le Procureur général du Québec. Étant alors considéré en congé sans solde, ce n’était donc pas à titre de juge qu’il faisait partie de ces conseils. Même si la rémunération était le montant stipulé par jour de séance, le nombre de séances auxquelles l’appelant était appelé à participer n’était pas connu à l’avance, de sorte que le président Monet a décidé que la rémunération n’était ni fixe ni véritable au point de départ. Voici ses observations à cet égard à la page 121 :

 

          [traduction]

 

Selon la définition donnée ci-dessus, le contribuable ne doit pas être considéré comme détenant une charge simplement parce qu’il occupe un poste. Le poste doit lui donner droit à un traitement ou à une rémunération fixes ou vérifiables. À défaut de quoi, le poste n’est pas une « charge » au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu. […]

 

Par « poste ouvrant droit à un traitement ou à une rémunération fixes ou vérifiables », le législateur, à mon avis, entendait le poste assorti d’une rémunération telle que, lorsqu’elle est acceptée, l’intéressé sait exactement combien il recevra pour les services qu’il est chargé de rendre. Je crois que c’est la véritable signification qu’il faut donner à la « charge », au sens de l’alinéa 127(1)aa) précité, eu égard aux personnes mentionnées dont les fonctions constituent une charge. Je crois également que la « charge » ainsi qu’elle est définie, a une connotation de continuité et de permanence. Il ne peut certainement être dit qu’il y a continuité ou permanence dans les fonctions du membre d’un conseil d’arbitrage.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[9]             Dans l’affaire MacKeen, il fallait rechercher si l’appelant, nommé membre d’une commission royale d’enquête, exerçait une charge ou un emploi ou avait plutôt rendu ses services dans le cadre d’une entreprise, comme il le soutenait. Le commissaire Boisvert de la Commission d’appel de l’impôt a décidé que l’appelant n’était pas un employé et qu’il n’occupait pas non plus une charge. Dans ses motifs, il a observé à la page 284 :

 

          [traduction]

 

G. S. A. Wheatcroft dans The Law of Income Tax, Surtax and Profits Tax (1962), à la page 1057, 1-107, signale que « le terme “charge” désigne un poste durable, permanent et important qui existe indépendamment de la personne qui l’occupe, et qui est occupé à tour de rôle par des titulaires successifs ». Intervenir en qualité de commissaire siégeant à une commission spéciale et limitée, royale ou autre, dont la mission et la durée sont limitées, ne présente aucune des caractéristiques d’une charge ou d’un emploi.

 

[10]        Par la décision Merchant, la juge Reed de la Cour fédérale, Section de première instance, a critiqué les décisions rendues dans Guérin et MacKeen. Dans l’affaire Merchant, il fallait rechercher si les dépenses engagées par un candidat à la course à la direction d’un parti politique étaient déductibles.

 

[11]        La juge Reed a déclaré que les mots introductifs de la définition de la « charge » au paragraphe 248(1) de la Loi ne sont pas de nature inclusive, mais confèrent un caractère obligatoire à la définition. Elle a souligné que, pour être considérée comme un revenu tiré d’une « charge », la rémunération doit être fixe et vérifiable.

 

[12]        La juge Reed a ensuite fait les observations suivantes sur la décision rendue dans l’affaire MacKeen, à la page 6217 :

 

          [traduction]

 

[…] Cette décision était fondée sur un certain nombre de motifs (p. ex. le poste de commissaire n’était pas permanent et le contribuable avait consenti, au moment de sa nomination, au montant des frais de déplacement fourni par le gouvernement). Par conséquent, je n’insiste pas trop sur cette partie du jugement qui estimait que le revenu du contribuable n’était pas vérifiable. En effet, je pense que ce revenu est vérifiable. Je suis d’avis que ce mot signifie que le montant à payer peut être confirmé ou peut être déterminé, mais non qu’un montant précis doit être connu par le titulaire au début de l’occupation de la charge. Le mot doit avoir un sens au-delà du qualificatif « fixe », ou bien il est complètement redondant.

 

[13]        Quant à la décision Guérin, la juge Reed l’a ainsi commentée aux pages 6217 et 6218 :

 

[traduction]

 

Je ne suis pas convaincue que le contribuable doit connaître, dès son entrée en fonction, le montant qu’il recevra. Il me semble qu’une indemnité journalière fixe ou un montant précis pour chaque séance confère au revenu un caractère suffisamment vérifiable pour qu’il corresponde à la définition contenue au paragraphe 248(1). Toutefois, dans l’affaire Guérin, d’autres facteurs rendaient le revenu non vérifiable et auraient dû, à mon avis, être au centre de l’affaire :

 

Il a été établi que l’appelant devait lui-même assumer les services d’une secrétaire à temps partiel et qu’il devait également assumer ses frais de papeterie, l’utilisation d’une dactylo et toutes les autres fournitures […] Il a été en outre établi que l’appelant était souvent incité à payer le transport de sa secrétaire et des autres personnes agissant à titre de conseillers et que, souvent, il devait payer les repas de ses adjoints et conseillers. Il me semble que ce sont des facteurs essentiels qui font en sorte que la rémunération reçue, du fait d’occuper le poste d’arbitre, ne peut être vérifiable.

 

[14]        Dans l’affaire Payette c. Canada (Ministre du Revenu national), [2002] A.C.I. no 386 (QL), le juge Dussault a entendu les appels interjetés par les membres d’un comité d’examen de l’aide juridique provincial et il était appelé à rechercher si des cotisations devaient être versées en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, du fait que les membres occupaient un emploi assurable. Même s’il s’agissait d’un cas d’assurance-emploi, le juge Dussault a minutieusement examiné dans ses motifs la jurisprudence antérieure pertinente au sujet des mots « charge » et « fonctionnaire » ou « cadre », ainsi qu’ils sont employés dans la Loi. Après avoir soigneusement examiné les principales lignes directrices énoncées dans les jurisprudences Guérin et MacKeen, le juge Dussault a critiqué l’effet du jugement de la juge Reed dans Merchant; au paragraphe 24, il a formulé les observations suivantes :

 

Toutefois, dans ses commentaires sur la décision dans l’affaire Guérin précitée, la juge Reed semble tenir pour acquis que la rémunération dans ce cas n’était pas vérifiable principalement en raison des dépenses que devait assumer l’appelant. Je ne suis pas d’accord avec cette position. Les termes « traitement » et « rémunération » s’entendent de montants bruts et non de revenu net une fois les dépenses déduites. Ceci apparaît clairement du libellé du paragraphe 5(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Par ailleurs, l’utilisation du qualificatif « véritable » ou « constatable » doit, il me semble, référer à quelque chose qu’il est possible de vérifier ou de constater a priori car autrement ces qualificatifs n’auraient aucune portée puisque tout peut être vérifié ou constaté a posteriori. Ainsi, si le « traitement » ou la « rémunération » n’est pas fixe, encore faut-il pouvoir l’établir à l’avance avec un minimum d’exactitude par l’utilisation d’une formule quelconque ou la référence à certains éléments déterminés. C’est là, à mon avis, le sens des décisions dans les affaires Guérin et MacKeen précitées.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[15]        La Cour canadienne de l’impôt a ultérieurement examiné à plusieurs occasions la jurisprudence précitée. Dans Guyard c. Canada (Ministre du Revenu national, [2007] A.C.I. no 183 (QL), la Cour a d’abord passé minutieusement en revue les principes énoncés antérieurement par les jurisprudences Guérin et MacKeen. Le juge Angers a affirmé que, à son avis, lorsque le législateur avait ajouté à la suite des mots « donnant droit à une rémunération déterminée ou constatable » (dans la définition de la « fonction » ou de la « charge » donnée au paragraphe 2(1) du Régime de pensions du Canada), une liste de fonctions qu’il considérait être des charges, il avait exprimé son intention de ne viser que les contribuables dont l’occupation avait un caractère permanent, ou qui présentait du moins un certain élément de permanence et de continuité pour ne pas dire d’exclusivité (paragraphe 27). Le juge Angers a souligné le fait que, ce qui importe vraiment, c’est que la charge a une existence propre indépendamment de la personne qui occupe ces postes (paragraphe 33).

 

[16]        De plus, dans l’affaire Succession Vachon c. Canada, 2009 CAF 375, [2009] A.C.F. no 1630 (QL), la Cour d’appel fédérale a entendu l’appel de 14 appelants qui étaient des militants syndicaux au service d’un conseil central. Le point en litige portait sur la fiscalisation de certaines allocations versées par leurs syndicats, parce que le ministre avait, dans un premier temps, conclu que ces allocations étaient imposables au titre des articles 5 et 6 de la Loi. La Cour canadienne de l’impôt avait conclu que les allocations en question n’étaient ni imposables ni assurables, puisqu’elles n’avaient pas été versées dans le cadre d’une charge ou d’un emploi, mais suite à l’exercice de fonctions syndicales remplies sur une base bénévole. Au paragraphe 38, le juge Noël a fait les observations suivantes :

 

L’existence de ce deuxième critère est assujettie à deux conditions. La charge ou le poste occupé doit « donner droit » à une rémunération, et cette rémunération doit être « fixe ou vérifiable » ou « déterminée ou constatable ». L’aspect fixe ou vérifiable de la rémunération semble acquis puisque les militants connaissaient avec précision les conditions monétaires rattachées à leur libération syndicale dès qu’ils posaient leur candidature à un poste syndical (Témoignage de Pierre Morel, dossier d’appel, vol. III, p. 707).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[17]        Les mots « donnant droit » à un traitement ou à une rémunération s’entendent simplement du poste occupé en contrepartie d’une rémunération : voir Ministre du Revenu national c. Real Estate Council of Alberta, 2012 CAF 121.

 

[18]        Enfin, la question de savoir si oui ou non une partie est titulaire d’une charge fut de nouveau posée dans l’affaire Société de gestion des déchets nucléaires c. Ministre du Revenu national, 2012 CCI 217. La seule question en litige était alors de savoir si les membres du conseil consultatif de l’appelante occupaient une charge ou une fonction.

 

[19]        Le juge Hershfield a observé que la définition du mot « charge » ou « fonction » dans le Régime de pensions du Canada (comme pour la définition du terme « charge » dans la Loi) débute par une définition générale qui est suivie par quelques exemples qui sont expressément énumérés. En admettant que la présomption d’absence de tautologie signifie que le législateur évite les mots dépourvus de sens, le juge Hershfield a conclu que la liste des postes expressément énumérés était simplement ajoutée « pour préciser qu’il faut inclure certaines personnes précises qui, à cause de leur fonction de service public ou de la façon plutôt unique dont elles ont obtenu leur poste, peuvent avoir été considérées comme n’étant pas visées par la définition initiale générale de la charge ou de la fonction” » (voir les paragraphes 24 à 26).

 

[20]        Le juge Hershfield a aussi souligné que « la durée pendant laquelle une personne particulière occupe cette charge ou cette fonction ou en est titulaire ne devrait pas, en règle générale du moins, être pertinente lorsqu’il s’agit de déterminer si une charge ou une fonction existe ou si son titulaire occupe une charge ou une fonction » (voir le paragraphe 34).

 

 

La distinction entre la « charge » et l’ « emploi »

 

[21]        La « charge » et l’ « emploi » se distinguent par le fait que celle-là n’exige pas que l’intéressé soit au service d’autrui, parce que cela impliquerait une relation de travail. Par exemple, les juges, les ministres de la Couronne et les membres d’une assemblée législative ou du Parlement sont des « fonctionnaires » et ne sont pas des employés aux fins de l’impôt : voir Vern Krishna, The Fundamentals of Canadian Income Tax, 8e éd. (Toronto, Thomson Carswell, 2004). Les commentaires de Hogg, Magee et Li dans Principles of Canadian Income Tax Law, 7e éd. (Toronto, Carswell, 2011), p. 115, résument le mieux la différence existant entre la « charge » et l’ « emploi », observations que je reproduis ci-dessous intégralement :

 

          [traduction]

 

La différence s’explique par une expression contenue dans la définition de l’emploi qui est absente de la définition de la charge, à savoir « au service d’une autre personne ». Cela nécessite un contrat de travail (ou d’emploi) entre le contribuable et l’employeur. Lorsqu’un pareil contrat existe, le contribuable est « employé » et sa rémunération est un revenu provenant d’un emploi. Cependant, lorsqu’il y a rémunération fixe ou vérifiable, mais aucun contrat de travail, le contribuable est un « fonctionnaire » ou un « cadre » et sa rémunération sera un revenu provenant d’une charge. Parmi les exemples de charge (qui figurent dans la définition de la charge), mentionnons celle de juge, de ministre de la Couronne, de membre de corps législatifs et d’administrateur de sociétés. Ces exemples illustrent que la charge, contrairement à l’emploi, ne résulte pas ou ne dépend pas d’un contrat de travail entre un employeur et le titulaire concerné. La charge est créée par une loi ou un autre instrument, indépendamment de la personne qui occupe le poste, et le poste est pourvu à tour de rôle par des titulaires successifs.

 

Le résumé de la définition de « charge »

 

[22]        En résumé, la Loi définit la « charge » ainsi :

 

·        poste donnant droit à un traitement ou à une rémunération fixes ou vérifiables;

·        désigne un poste durable, permanent et important qui existe indépendamment de la personne qui l’occupe;

·        n’exige pas que l’intéressé soit au service d’autrui;

·        est créée par une loi ou un autre instrument au lieu de résulter ou de dépendre d’un contrat de travail entre un employeur et le titulaire du poste en question.

 

[23]        La période pendant laquelle une personne donnée occupe un poste n’est pas pertinente.

 

 

[24]        Le fait que le poste doit « donner droit » à un traitement ou à une rémunération signifie simplement que le poste occupé l’est contre rémunération.

 

 

Un associé peut-il occuper le poste de cadre au sein de sa propre société?

 

[25]        Même si la réponse à cette question peut sembler ne pas être claire, je crois qu’il faut répondre par l’affirmative.

 

 

[26]        D’abord, il est vrai que la Loi énonce, à l’article 96, plusieurs règles à l’égard des sociétés de personnes. Plus précisément, dans cette disposition, le législateur a codifié le principe selon lequel la société de personnes n’est pas une personne distincte de ses associés : voir les alinéas 96(1)a) et c) de la Loi. Non seulement ce principe est reconnu depuis longtemps par la common law (voir : The Queen v. Holdings Pinot Limited, 99 DTC 5772 (C.A.F.), p. 5778; The Queen v. Lachance, 94 DTC 6360 (C.A.F.), p. 6362; Metro-Can Construction Ltd. c. Canada, [1998] A.C.I. no 888 (QL), conf. par [2000] A.C.F. no 994 (QL) (C.A.F.), demande d’autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada rejetée [2000] S.C.C.A. no 445 (QL); Molson Brewery B.C. Ltd. c. Canada, [2001] A.C.F. no 87 (QL) (C.F. 1re inst.), au paragraphe 9), mais il est également consacré au Québec par la décision rendue par la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Québec (Ville de) c. Compagnie d'immeubles Allard ltée, [1996] R.J.Q. 1566. En effet, la jurisprudence et la doctrine semblent maintenant accepter, dans une certaine mesure, le fait que les sociétés de personnes au Québec n’ont pas de personnalité juridique[1]. Contrairement à la société à responsabilité limitée, l’entreprise d’une société de personnes est celle des associés et les actifs de la société de personnes appartiennent aux associés.

 

 

[27]        Ainsi, il semble bien établi que l’associé ne peut pas être employé par sa propre société de personnes[2]. Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s’oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d’une autre personne : voir l’article 2085 du Code civil du Québec. Puisqu’en tant qu’associé, il participe aux prises de décision de la société dans la poursuite de l’objectif commun de la société, qu’il en partage les profits et les pertes, il en a automatiquement la maîtrise et ne peut donc agir en même temps à titre de subalterne pour lui-même, et ce, même s’il y a plusieurs associés. En outre, l’associé ne peut s’engager lui-même par contrat.

 

[28]        Cependant, la « charge » et l’« emploi » se distinguent par le fait que la première n’exige pas que l’intéressé soit au service d’autrui : voir Khrisna, précité, et Hogg, Magee et Li, précités, p. 115. Par conséquent, il serait raisonnable de soutenir que l’associé peut être un « cadre » de sa propre société de personnes, puisqu’une « charge » au sens de la Loi ne résulte pas ou ne dépend pas d’un contrat de travail entre un employeur et le titulaire en particulier de la charge. La « charge » est créée par une loi ou un autre instrument, indépendamment de la personne qui occupe le poste.

 

[29]        Par conséquent, aussi longtemps que le poste occupé par l’associé lui donne droit à un traitement ou à une rémunération, et qu’il revêt un caractère durable, permanent et important, il peut certainement être assimilé à une « charge », terme qui est défini dans la Loi et est interprété par la jurisprudence pertinente.

 

Les principes d’interprétation applicables au paragraphe 125(7) de la Loi

 

[30]        Il est intéressant de noter que, en rédigeant la définition de « entreprise de prestation de services personnels », au paragraphe 125(7) de la Loi, le législateur a précisé qu’il ciblait en fait l’entreprise de fourniture de services où un particulier qui assure des services pour le compte d’une société (employé constitué en société) est un actionnaire déterminé de la société et où il serait raisonnable de considérer l’employé constitué en société comme étant un cadre ou un employé de la personne ou de la société de personnes à laquelle sont assurés les services.

 

[31]        Au procès, l’avocat de l’intimée a fait observer à notre Cour qu’il était curieux de voir que le législateur avait employé les mots « employé » et « fonctionnaire » ou « cadre » dans la définition susmentionnée, étant donné qu’il est précisé au paragraphe 248(1) de la Loi que les « cadres » ou « fonctionnaires » sont englobés par les « employés ». À première vue, aucune raison apparente ne justifiait le besoin qu’avait le législateur de distinguer les mots « fonctionnaire » ou « cadre » et « employé ».

 

[32]        L’avocat de l’intimée a rappelé à la Cour la présomption d’absence de tautologie, qui signifie que le législateur évite les mots dépourvus de sens. Par conséquent, il est soutenu que c’est seulement aux fins de l’application du paragraphe 125(7) de la Loi qu’une distinction doit être opérée entre l’ « employé » et le « fonctionnaire » ou le « cadre », nonobstant la définition donnée au paragraphe 248(1) de la Loi.

 

[33]        En effet, le législateur est présumé ne pas utiliser de mots superflus ou dénués de sens, ne pas se répéter inutilement ni s’exprimer en vain : McDiarmid Lumber Ltd. c. Première nation de God’s Lake, [2006] 2 R.C.S. 846. Chaque mot d’une loi est censé avoir un sens et le juge doit interpréter la loi de manière à attribuer un sens à chaque mot utilisé par le législateur : M.N.R. v. Kitsch et al., 2003 DTC 5540 (C.A.F.); Trans World Oil & Gas Ltd. v. The Queen, 95 DTC 260 (C.C.I.).

 

[34]        Cependant, il est également vrai que le juge doit éviter de retenir une interprétation qui prive une partie de la loi de tout son sens ou qui la rend redondante : Placer Dome Canada Ltd c. Ontario (Ministre des Finances), [2006] 1 R.C.S. 715. Suivant les règles subsidiaires d’interprétation des lois, chacune des parties d’un texte législatif doit avoir un sens et le juge doit interpréter une disposition dont le sens est matière à controverse au regard des dispositions législatives connexes afin d’assurer la cohérence de l’ensemble : Novak v. Bond, (1999), 172 D.L.R. (4th) 385 (C.S.C.); eBay Canada Limited et al. v. M.N.R., 2008 DTC 6728 (C.A.F.).

 

[35]        Par l’arrêt Alberta Wheat Pool et al. v. The Queen, 99 DTC 5198, la Cour d’appel fédérale a refusé de retenir l’interprétation d’une disposition avancée qui aurait rendu une autre disposition inopérante, parce qu’on ne peut supposer que le législateur adopte des lois qui n’ont aucun effet.

 

[36]        Dans l’affaire Allcolour Chemicals Ltd. et al. v. The Queen, 93 DTC 1194 (C.C.I.), le juge Bonner a rejeté une interprétation de la Loi qui aurait eu pour effet soit d’attribuer un deuxième droit à la réclamation de certaines déductions, soit de rendre un article de la Loi superflu; le juge Bonner a invoqué le passage suivant tiré de Construction of Statutes de Elmer A. Driedger :

 

          [traduction]

 

Non seulement faut‑il tenir compte de toute la loi, mais il faut, si possible, donner un sens à chaque disposition de la loi; donc s’il y a des interprétations opposées, le principe général veut qu’il faille adopter l’interprétation qui donne un effet à l’ensemble de la loi ou aux dispositions examinées de préférence à celle qui priverait de sens une partie de la loi (p. 1196).

 

Voir Elmer A. Driedger, Construction of Statutes 2e éd., Toronto, Butterworths, 1983, aux pages 91 et 92.

 

[37]        A l’occasion de l’affaire Re WykesWill Trusts, [1961] 1 All E.R. 470, le juge Buckley a fait les observations suivantes (p. 477) :

 

          [traduction]

 

[…] L’intention du législateur, comme l’intention du testateur, doit avant tout être établie par la lecture des mots employés, et il ne revient pas au présent tribunal de modeler cette intention, si elle est clairement exprimée, dans une forme qui s’accorde mieux avec une notion juridique qu’avec le sens naturel des mots utilisés. Plus précisément, je crois qu’il doit en être ainsi lorsque l’on s’intéresse à un article définitoire, où l’on doit supposer que le législateur serait particulièrement précis et prudent dans son choix de mots.

 

 

[38]        Par conséquent, il me semble que c’est un principe élémentaire de droit que l’interprétation qui ne rend pas redondante une partie de la loi doit être préférée à celle qui a cet effet : Shell Canada Resources Ltd. v. M.N.R., 84 DTC (C.A.F.).

 

[39]        Néanmoins, même en interprétant le paragraphe 125(7) de la Loi, je refuse de faire abstraction de la définition de l’ « employé » figurant au paragraphe 248(1); en outre, il convient encore de souligner que l’utilisation des mots « sont compris » dans une définition statutaire ne diminue en rien la portée générale des autres termes : Caisse populaire Desjardins de l’Est de Drummond v. The Queen, 2009 DTC 5951 (C.S.C.).

 

[40]        Selon les règles normales d’interprétation, la définition donnée dans un texte de loi n’est pas exhaustive lorsqu’elle est suivie des mots « sont compris » : Zellers Inc. c. New Brunswick (Minister of Finance), [1998] 3 C.T.C. 55 (B.R.N.‑B.); Séguin c. R., [1998] 1 C.T.C. 2453 (C.C.I.).

 

[41]        Dans la définition de l’ « employé », il est précisé que les cadres ou les fonctionnaires font partie de cette catégorie, mais l’inclusion ne se limite pas seulement aux cadres ou aux fonctionnaires et s’étend à toute autre chose que le mot signifie selon son sens naturel : Storrow v. The Queen, 78 DTC 6551 (C.F. 1re inst.).

 

[42]        Par conséquent, ainsi qu’il est expliqué ci-dessus, les mots « fonctionnaire » ou « cadre » et « employé » se différencient simplement par le fait que le premier est englobé par la définition du dernier. Si le législateur n’avait utilisé que le mot « fonctionnaire » ou « cadre » dans le libellé de ses dispositions, alors l’ « employé » embauché dans le cadre d’un contrat de travail régulier ne serait pas visé par cette disposition.

 

[43]        Par conséquent, je conclus qu’il faut prendre en considération la définition de l’ « employé » figurant au paragraphe 248(1) de la Loi en lisant le paragraphe 125(7) de la Loi. Cependant, il faut bien noter qu’il y a effectivement une différence à faire entre les termes « fonctionnaire » ou « cadre » et « employé ».

 

[44]        Cela dit, si ce n’était de l’existence de l’appelante, serait-il raisonnable de considérer M. Gitman comme un cadre de l’entité à laquelle les services ont été assurés, compte tenu des éléments de preuve présentés?

 

[45]        Encore une fois, en résumé, la Loi définit ainsi le poste de « fonctionnaire » ou « cadre » :

 

(i)      il s’agit d’un poste donnant droit à un traitement ou à une rémunération fixes ou vérifiables;

(ii)     il désigne un poste durable, permanent et important qui existe indépendamment de la personne qui l’occupe;

(iii)           il n’exige pas que l’intéressé soit au service d’autrui;

(iv)           il est créé par une loi ou un autre instrument au lieu de résulter ou de dépendre d’un contrat de travail entre l’employeur et le titulaire du poste en question.

 

[46]        Je tiens aussi à souligner que la durée du terme pendant lequel une personne occupe un poste n’est pas pertinente et que le fait que le poste doit donner « droit » à la personne à un traitement ou à une rémunération signifie simplement que le poste occupé l’est contre rémunération.

 

[47]        Je suis d’avis que, si ce n’était de l’existence de l’appelante, il serait raisonnable de considérer M. Gitman comme une personne nommée par les associés pour gérer les affaires de la société de fait, ainsi qu’il est prévu aux articles 2212 et 2213 du Code civil du Québec, dont voici le texte :

 

2212. Les associés peuvent faire entre eux toute convention qu’ils jugent appropriée quant à leurs pouvoirs respectifs dans la gestion des affaires de la société.

 

2213. Les associés peuvent nommer l’un ou plusieurs d'entre eux, ou même un tiers, pour gérer les affaires de la société.

 

L’administrateur peut faire, malgré l’opposition des associés, tous les actes qui dépendent de sa gestion, pourvu que ce soit sans fraude. Ce pouvoir de gestion ne peut être révoqué sans motif sérieux tant que dure la société; mais s’il a été donné par un acte postérieur au contrat de société, il est révocable comme un simple mandat.

 

Les fonctions exercées par M. Gitman dans la société de fait étaient de même nature que celles qui sont exercées par un administrateur d’entreprise.

 

[48]        Le poste occupé par M. Gitman dans la société de fait peut-il être considéré comme une charge au sens de la Loi? Je suis d’avis que, si ce n’était de l’existence de l’appelante, il serait raisonnable de considérer M. Gitman comme un cadre de la société de fait pour les motifs suivants :

 

(i)      M. Gitman avait droit à une rémunération fixe (rétribution annuelle de 150 000 $).

(ii)     Le poste qu’il occupait était un poste durable, permanent et important qui existait indépendamment de la personne qui l’occupait.

(iii)    Le poste avait été créé par le contrat de société de personnes.

 

[49]        Je suis aussi d’avis que, si ce n’était de l’existence de l’appelante, il serait raisonnable de considérer M. Gitman comme la personne nommée par les deux liquidateurs de la succession de Mme Rywka Gitman pour gérer les affaires de la succession en question. Les fonctions exercées par M. Gitman à l’égard de la succession étaient également de même nature que celles qui sont exercées par un administrateur d’entreprise.

 

[50]        Les fonctions exercées par M. Gitman à l’égard de la succession peuvent-elles être considérées comme une charge au sens de la Loi? Je suis d’avis que, si ce n’était de l’existence de l’appelante, il serait raisonnable de considérer M. Gitman comme un administrateur de la succession pour les motifs suivants :

 

(i)      M. Gitman avait droit à une rémunération fixe (rétribution annuelle de 150 000 $.

(ii)     Le poste qu’il occupait était un poste durable, permanent (pour la durée de la succession) et important qui existait indépendamment de la personne qui l’occupait.

(iii)    Le poste avait été créé par le testament.

 

[51]        Par conséquent, je suis d’avis que le ministre a conclu à juste titre que l’appelante était une entreprise de prestation de services personnels pendant les années d’imposition s’étant terminées le 30 novembre 2003, le 30 novembre 2004 et le 30 novembre 3005 respectivement, conformément au paragraphe 125(7) de la Loi. Par conséquent, le ministre a eu raison de refuser les déductions accordées aux petites entreprises, soit les montants de 16 830 $, 15 156 $ et 14 475 $ réclamés par l’appelante pour les années d’imposition s’étant terminées le 30 novembre 2003, le 30 novembre 2004 et le 30 novembre 2005 respectivement, au titre du paragraphe 125(1) de la Loi.

 

[52]        Pour ces motifs, les appels sont rejetés avec dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d’octobre 2012.

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce  12e jour de février  2013.

 

François Brunet, réviseur

 

 


RÉFÉRENCE :                                           2012 CCI 324

 

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :             2008-2622(IT)G

 

 

INTITULÉ :                                                9098-9005 QUEBEC INC. ET SA   MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Les 18 et 19 avril 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       L’honorable juge Paul Bédard

 

 

DATE DU JUGEMENT :                           Le 2 octobre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Larry Gitman

Avocat de l’intimée :

Me Grégoire Cadieux

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :                      s.o.

 

                               Nom :               

 

                            Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Canada)



[1] Coopérants, société mutuelle d’assurance-vie (liquidateur de), [2002] J.Q. no 194 (QL) (C.A. Qué.), aux par. 35 à 37; R. c. Paul, [1997] A.Q. no 1643 (QL) (C.S. Qué.), aux par. 5 à 11; Marion c. Ministre du Revenu national, 2003 CCI 456 (assurance-emploi), aux par. 20 à 24; Fredette c. Canada., [2001] A.C.I. no 170 (QL), au par. 50; Parent c. Canada (Ministre du Revenu national), [1999] A.C.I. no 83, assurance-emploi; Molson Brewery B.C. Ltd. c. Canada, précitée, au par. 10; René Roy, « Les sociétés de personnes: enjeux civils et répercussions fiscales », dans Congrès 2004, Association de planification fiscale et financière, 23:1 à 34; École du Barreau, Droit des affaires, faillite et insolvabilité, Collection de droit, 2003-2004, vol. 9, (Cowansville (Qc) : Éditions Yvon Blais), aux p. 50 à 52; Générosa Bras Miranda, « La propriété collective. Est-ce grave docteur? — Réflexion à partir d'une relecture de l'arrêt Allard », Revue du Barreau, 2003, vol. 63, no 1, p. 29; Charles P. Marquette, « Les sociétés de personnes, aspects civils 1998 », Revue de planification fiscale et successorale, vol. 20, no 2,247 à 303; Nicole Prieur, « Règles fiscales affectant les sociétés de personnes » (1998), Revue de planification fiscale et successorale, vol. 20, no 2305‑409, aux p. 314, 329 et 330.

 

[2] Pour les décisions de la présente Cour appliquant ce principe au Québec, voir Auray-Blais c. La Reine., 2005 CCI 417; Marion c. Ministre du Revenu national, précitée; Parent c. Canada (Ministre du Revenu national), précitée, au paragraphe 27. Pour des exemples provenant de provinces de common law : Crestglen Investments Ltd., [1993] A.C.I. n° 121 (QL), citant à l’appui Re Thorne and New Brunswick Workme’s Compensation Board (1962), 48 M.P.R. 56 (C.A. N.‑B.), conf. oralement par la CSC; Janicek v. M.N.R., 1992 DTC 1265 (C.C.I.), p. 1270. Voir aussi : Paul K. Tamaki et Alisa Ruvinsky, « Salaried Partners and Old Interpretation Bulletin IT-138R », Business Vehicles, Federated Press, 2002, aux p. 416 à 418.

 

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