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Dossier : 2009-2898(IT)G

 

ENTRE :

SHIRLEY PATRICIA MCKENZIE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

La présente requête a été jugée sur dossier, comme les parties en ont convenu lors d’une audience sur la gestion de l’instance qui s’est tenue par voie de téléconférence le 13 janvier 2012, à Ottawa (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me David C. Nathanson, c.r.

Me Adrienne K. Woodyard

Avocats de l’intimée :

Me Donna Dorosh

Me Darren Prevost

 

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

VU la requête de l’appelante en prorogation du délai imparti pour demander l’adjudication des dépens sur une base d’indemnisation substantielle après la date d’une offre de règlement;

 

Et une directive selon laquelle l’appelante a droit à de tels dépens, ainsi qu’à des dépens entre parties jusqu’à la date où l’offre de règlement a été signifiée, plus des débours raisonnables et les taxes applicables.

 

ET VU l’affidavit de David C. Nathanson, daté du 3 février 2012, qui a été déposé en preuve à l’appui de la présente requête;

 

ET VU les observations écrites des deux parties;

 

LA COUR ORDONNE QUE, conformément aux motifs de l’ordonnance ci‑joints :

 

1.                             La requête de l’appelante en prorogation du délai imparti pour demander l’adjudication de dépens majorés soit rejetée;

 

2.                             L’appelante ait droit aux dépens selon le tarif applicable, conformément au jugement qui a été rendu;

 

3.                             L’intimée ait droit à ses dépens dans la présente requête.

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 9e jour d’octobre 2012.

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour d’octobre 2013.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 329

Date : 20121009

Dossier : 2009-2898(IT)G

ENTRE :

SHIRLEY PATRICIA MCKENZIE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge Boyle

 

[1]             L’avocat de la contribuable a présenté une demande d’adjudication de dépens majorés considérant que sa cliente a eu entièrement gain de cause sur le fond à l’audience, et que les dépens lui ont été adjugés. Il s’agit d’une demande d’adjudication de dépens sur une base d’indemnisation substantielle soumise après la date d’une offre de règlement présentée par l’appelante et fondée sur les directives sur la procédure no 17 et 18 de la Cour canadienne de l’impôt ainsi que sur le paragraphe proposé 147(3.1) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »).

 

[2]             L’appelante se fonde sur l’offre écrite qu’elle a présentée avant l’audience, dans laquelle elle proposait que l’affaire soit réglée [traduction] « en partant du principe que l’intimée consente à ce que soit rendu un jugement consistant à accueillir l’appel, sans frais ».

 

[3]             Par suite de l’audition de l’appel les 27 et 28 avril 2011, le jugement a été rendu le 9 juin 2011, et l’appel a été accueilli dans sa totalité, avec dépens.

 

[4]             Au terme de l’audition de l’appel, j’ai évoqué avec les parties la possibilité que leurs avocats présentent une demande d’adjudication de dépens. Je leur ai clairement précisé que, si une des parties souhaitait présenter des observations relatives aux dépens après le prononcé du jugement, elles devraient le faire dans les 30 jours suivant le jugement. J’ai demandé à l’avocat de la contribuable si ces conditions étaient satisfaisantes et il a répondu que oui.

 

[5]             Le délai de 30 jours suivant le jugement est conforme au délai de 30 jours qui est établi au paragraphe 147(7) des Règles, qui porte sur les dépens en général.

 

[6]             Dans la première demande d’adjudication de dépens supérieurs à ceux prévus par le tarif qu’il a présentée à la Cour, par voie de lettre datée du 24 novembre 2011, l’avocat de la contribuable a déclaré que l’intimée n’avait fait référence à aucune exigence des Règles ou à aucune décision antérieure étayant sa position selon laquelle la demande avait été présentée hors délai. En outre, il ne se rappelait pas qu’il avait été question du délai de 30 jours à l’audience ni qu’il avait convenu de ce délai.

 

[7]             Le 13 janvier 2012, une audience par voie de téléconférence a été tenue afin d’examiner la question de la demande d’adjudication de dépens majorés de l’appelante. À cette occasion, j’ai lu à l’avocat de l’appelante l’extrait pertinent de la transcription et j’ai attiré son attention sur le paragraphe 143(7) des Règles ainsi que sur le jugement rendu par le juge Rip dans la décision Atcon Construction Inc. c. La Reine, 2003 CCI 174, qui elle-même renvoie à la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada v. Ontario Development Corp., 92 DTC 6121. Un calendrier a été établi jusqu’en mars 2012 en vue de permettre la présentation d’une requête ainsi que d’observations écrites eu égard :

 

1.     à une requête en prorogation du délai imparti pour présenter une demande d’adjudication de dépens majorés;

2.     au respect du délai applicable relativement à la demande déjà présentée;

3.     au bien‑fondé de la demande d’adjudication de dépens majorés dans les deux cas.

 

L’appelante a présenté sa requête en février 2012 et la Cour a reçu ses dernières observations en mars 2012.

 

I.       Le respect du délai de présentation de la requête en prorogation du délai

 

[8]             Il est clair que l’appelante a présenté sa demande écrite initiale en vue d’obtenir des dépens majorés hors délai, après le délai applicable de 30 jours. Voir le jugement du juge Bowie dans la décision Bibby c. La Reine, 2010 CCI 111.

 

[9]             En l’espèce, nous ne sommes pas en présence d’une situation dans laquelle il conviendrait de faire droit à la requête en prorogation du délai en application des Règles, et ce, pour les raisons suivantes :

 

1.                 L’avocat de l’appelante est un avocat fiscaliste ayant beaucoup d’expérience à la Cour, il était assisté d’une consœur et il fait partie d’un cabinet qui dispose d’excellentes ressources;

 

2.                 Au terme de l’audience, le juge a porté à l’attention de l’avocat de l’appelante le délai imparti de 30 jours. En outre, le juge a demandé à ce dernier si 30 jours allaient suffire et il a répondu que oui;

 

3.                 Le délai de 30 jours est clairement énoncé dans le même article 147 des Règles, qui autorise l’adjudication de dépens majorés dans le cas où une offre de règlement au moins aussi favorable est présentée;

 

4.                 Les dispositions du paragraphe proposé 147(3.1) des Règles relatives aux offres de règlement ne devraient pas s’appliquer de manière automatique ou obligatoire. Avant d’être adopté, ce paragraphe ne limite certainement pas la portée du pouvoir discrétionnaire général conféré au juge en ce qui a trait à l’adjudication des dépens; c’est ce qui ressort implicitement de la directive sur la procédure no 17;

 

5.                 L’avocat de l’appelante n’avait aucune intention de présenter une demande de dépens majorés dans le délai applicable de 30 jours. Même si, comme il l’a avancé, il pensait à tort que le délai de 30 jours commençait à courir à partir du moment où le délai prévu pour interjeter appel avait expiré, il se trouvait toujours en dehors du délai de 30 jours qu’il croyait à tort applicable, étant donné qu’il n’a contacté l’intimée qu’après l’expiration de ce délai.

 

6.                 Le défaut d’attention d’un avocat ne constitue généralement pas une explication raisonnable du retard et ne suffit pas à justifier l’octroi d’une prorogation de délai. Le jugement rendu par l’actuel juge en chef de la Cour dans la décision Atcon Construction Inc. traite clairement de cette question. Le juge Rip, tel était alors son titre, a cité les propos tenus par le juge Heald de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Société de développement de l’Ontario :

 

13 […]

[…] À mon avis, le fait que l’avocat n’était pas familier avec les règles de notre Cour, en matière de dépens, n’étaye pas la demande de prorogation. Jusqu’au 2 avril 1987, la règle 344(7) prévoyait une période de 10 jours seulement pour demander des sommes supplémentaires au titre des dépens. L’expérience a démontré que ce délai était trop court. En 1987, les règles ont été modifiées, portant la période à 30 jours. Il me semble qu’une période de 30 jours est réaliste et raisonnable. Les parties à un litige, surtout en appel, ont le droit d’espérer une issue assez définitive de l’instance dans un cas comme celui-ci, où rien n’indique que l’affaire ira plus loin. En l’espèce, il n’existe aucune circonstance atténuante qui justifie une prorogation du délai imparti par les règles, de 30 jours à environ 100 jours. Si l’intimée avait droit, dans les circonstances décrites aux présentes, à une prorogation représentant plus de trois fois le délai imparti par les règles, il serait difficile d’imaginer un cas où une demande semblable pourrait être refusée. Dans ces circonstances, une prorogation équivaudrait à une modification de la règle 344(7)a).

 

L’analyse et les commentaires formulés à l’égard de ces deux affaires s’appliquent également en l’espèce.

 

II.      Le bien‑fondé de la demande d’adjudication de dépens majorés

 

[10]        Le paragraphe 147(3) prévoit que, quand elle exerce son pouvoir discrétionnaire de fixer les frais et dépens, la Cour peut tenir compte d’une offre de règlement présentée par écrit. Le paragraphe proposé 147(3.1) des Règles n’a pas encore été adopté. Il prévoit que, dans le cas où une offre de règlement au moins aussi favorable est faite dans certaines circonstances, la partie qui a eu gain de cause aura droit à des dépens sur une base d’indemnisation substantielle après la date de l’offre de règlement. Les directives sur la procédure no 17 et 18 de la Cour canadienne de l’impôt traitent de la disposition proposée. La directive sur la procédure no 17 prévoit que, jusqu’à ce que le paragraphe 147(3.1) des Règles entre en vigueur, la pratique de la Cour devra se conformer aux termes de la disposition proposée.

 

[11]        Je n’accepte pas le fait qu’une offre de règlement consistant à ce que l’appel soit accueilli en totalité, sans frais, sous la menace d’une demande de dépens sur une base d’indemnisation substantielle si la Cour devait accueillir l’appel, constitue une offre de règlement à ce titre. Je suis d’avis que, pour que de tels dépens puissent être envisagés, l’offre de règlement doit faire intervenir une certaine part de compromis. Cette interprétation est étayée par les décisions Imperial Oil Resources Ltd. c. Canada (Procureur général), 2011 CF 652, et Hine c. La Reine, 2012 CCI 295.

 

[12]        Dans le cas contraire, la pratique normale des deux parties à chaque appel consisterait à proposer que l’appel soit accueilli ou retiré, sans dépens, en vue de présenter une demande de dépens majorés dans le cas où elles auraient gain de cause, et, ce faisant, elles iraient à l’encontre des règles, des pratiques et des considérations ordinaires qui s’appliquent à l’adjudication des dépens.

 

[13]        Cela peut causer certains problèmes dans le contexte d’offres de règlement « ne pouvant recevoir qu’une réponse de tout ou rien », comme l’ont déclaré la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt CIBC World Markets Inc. c. La Reine, 2012 CAF 3, et la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans la décision OMERS Realty Corporation v. Minister of Finance (dépens), 2012 ONSC 159.

 

[14]        En l’espèce, compte tenu des circonstances, même si la demande de dépens majorés avait été présentée dans le délai imparti, l’offre de règlement sur laquelle l’appelante se fondait n’était pas le type d’offre de règlement susceptible d’être prise en compte en application du paragraphe 147(3) des Règles ou des directives sur la procédure no 17 et 18 de la Cour canadienne de l’impôt, pas plus, selon moi, qu’en application du paragraphe proposé 147(3.1) des Règles s’il doit être adopté tel qu’il est formulé.

 

[15]        Aux termes de l’avis de requête, l’offre de règlement constitue le seul fondement de la demande de dépens majorés de l’appelante. Dans les observations écrites, il n’est que très succinctement fait mention de certaines des autres considérations relatives aux dépens qui apparaissent au paragraphe 147(3) des Règles. Si la demande avait été présentée dans le délai imparti, je ne pense pas que, compte tenu des circonstances générales de l’espèce, il aurait convenu d’adjuger des dépens supérieurs à ceux que prévoit le tarif après avoir pris en considération les critères pertinents énoncés au paragraphe 147(3). Je n’accepte pas le fait que l’audience ou que la préparation de celle‑ci se soit déroulée de manière inefficace. Les parties ont déposé une entente partielle sur les faits. L’audience ne portait que sur une seule question. Aucun fait important n’était en litige. Les parties ont convenu de déposer un recueil conjoint de documents. La preuve était explicite. En plus de la contribuable, seuls deux autres témoins ont comparu. L’intimée n’a appelé aucun témoin à comparaître. Même si elle était nouvelle, la question n’était pas particulièrement complexe. Dans les motifs du jugement, la question en litige fait l’objet d’une description d’un paragraphe d’une seule phrase, les thèses de parties tiennent en trois paragraphes et l’analyse de la Cour en neuf paragraphes.

 

III.    Conclusion

[16]        Dans les circonstances, la requête en prorogation du délai de l’appelante est rejetée et l’appelante est hors délai pour demander l’adjudication de dépens majorés. L’appelante a droit aux dépens selon le tarif applicable, conformément au jugement qui a été rendu. L’intimée a droit aux dépens dans le contexte de la requête.

 

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 9e jour d’octobre 2012.

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour d’octobre 2013.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 329

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2009-2898(IT)G

 

INTITULÉ :                                      Shirley Patricia McKenzie c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :               

 

DATE DE L’AUDIENCE :              

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :   L’honorable juge Patrick Boyle

 

DATE DE L’ORDONNANCE :       Le 9 octobre 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Me David C. Nathanson, c.r.

Me Adrienne K. Woodyard

Avocats de l’intimée :

Me Donna Dorosh

Me Darren Prevost

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                     David C. Nathanson, c.r.
                                                         
Adrienne K. Woodyard

 

                             Cabinet :              DAVIS LLP

                                                          100, rue King ouest, bureau 6000

                                                          1 First Canadian Place

                                                          Toronto (Ontario)  M5X 1E2

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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