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Dossier : 2011-3660(GST)I

ENTRE :

STANISLAW PAWLAK, JADWIGA PAWLAK,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus le 28 septembre 2012, à Hamilton (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Représentant des appelants :

M. Stanislaw Pawlak

Avocat de l’intimée :

Me Christopher Bartlett

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels interjetés par les appelants en vertu de la Loi sur la taxe d’accise sont accueillis, sans frais, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait que :

 

a)     la taxe nette que les appelants devaient verser pour la période de déclaration qui a pris fin le 31 décembre 2003 s’élève à (11 706,51 $);

 

b)    la taxe nette que les appelants devaient verser pour la période de déclaration qui a pris fin le 31 décembre 2004 s’élève à (10 330,85 $).

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour d’octobre 2012.

 

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de novembre 2012.

 

Alya Kaddour, traductrice

 


 

 

 

 

Référence : 2012CCI355

Date : 20121016

Dossier : 2011-3660(GST)I

 

ENTRE :

STANISLAW PAWLAK, JADWIGA PAWLAK,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Webb

 

[1]             En l’espèce, la question est de savoir s’il aurait fallu, en établissant des cotisations (ou des nouvelles cotisations) en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi ») à l’égard des appelants concernant leur taxe nette pour les périodes de déclaration qui ont pris fin le 31 décembre 2003 et le 31 décembre 2004, tenir compte des crédits de taxe sur les intrants (les « CTI ») pour la TPS payée (ou payable) pour ces périodes de déclaration, et ce, malgré le fait que les appelants ont produit leurs déclarations de TPS pour ces années de déclaration plus de quatre ans après les dates auxquelles ces déclarations auraient dû être produites.

 

[2]             Les appelants exploitent une entreprise, en tant que société de personnes, de vente de forets à béton par Internet. La plupart des clients des appelants se trouvent aux États‑Unis et, par conséquent, la majeure partie des fournitures vendues par les appelants sont des fournitures détaxées au sens de la Loi. Les appelants ont tous deux de sérieux problèmes de santé et ils n’ont produit ni leurs déclarations de revenus ni leurs déclarations de TPS à temps. Ils se sont d’abord attachés à rattraper le retard qu’ils avaient pris dans la production de leurs déclarations de revenus et ils ont ensuite produit leurs déclarations de TPS.

 

[3]             Dans les déclarations de TPS qu’ils ont produites pour les périodes de déclaration qui ont pris fin le 31 décembre 2003 (déclaration transmise le 28 septembre 2009) et le 31 décembre 2004 (déclaration transmise le 24 septembre 2009), les appelants ont demandé à déduire de leur revenu les montants suivants :

 

Date de fin de la période de déclaration

TPS à percevoir

CTI demandés

Taxe nette (remboursement)

le 31 décembre 2003

1 389,54 $

13 096,05 $

(11 706,51 $)

le 31 décembre 2004

3 246,31 $

13 577,16 $

(10 330,85 $)

Total :

4 635,85 $

26 673,21 $

(22 037,36 $)

 

[4]             Les crédits de taxe sur les intrants (les « CTI ») demandés par les appelants se rapportaient principalement à des fournitures importées pour lesquelles les appelants ont dû payer la TPS pour que les fournitures puissent être dédouanées. Au paragraphe 6 de la réponse, il est précisé que les déclarations de TPS des appelants ont fait l’objet de nouvelles cotisations[1]. Lorsque de nouvelles cotisations ont été établies à l’égard des déclarations de TPS des appelants, les CTI ont été ramenés au montant de la TPS percevable, de manière à ce que la taxe nette qui a fait l’objet d’une nouvelle cotisation pour chaque période de déclaration soit égale à zéro. La seule raison donnée dans la réponse pour justifier le fait que le montant des CTI demandé a été ramené au montant de la TPS percevable est que les CTI n’avaient pas été demandés avant l’expiration du délai de prescription prévu par le paragraphe 225(4) de la Loi.

 

[5]             Le paragraphe 225(4) de la Loi prévoit en partie ce qui suit :

 

 

*       225(4)  La personne qui demande un crédit de taxe sur les intrants pour sa période de déclaration donnée doit produire une déclaration aux termes de la présente section au plus tard le jour suivant :

 

[…]

 

b) dans le cas où la personne n’est pas une personne déterminée au cours de la période donnée, le jour où la déclaration aux termes de la présente section est à produire pour la dernière période de déclaration de la personne se terminant dans les quatre ans suivant la fin de la période donnée;

 

[6]             Les appelants n’étaient pas des personnes déterminées au sens du paragraphe 225(4.1) de la Loi pendant les périodes de déclaration en cause. La dernière période de déclaration qui a pris fin dans les quatre ans suivant la période de déclaration qui s’est terminée le 31 décembre 2003 aurait pris fin le 31 décembre 2007. Vu que l’entreprise était exploitée par la société de personnes, et vu qu’une société de personnes est une personne (« person ») au sens de la Loi[2] (et non un particulier (« individual »)[3] au sens de la Loi), les appelants auraient dû produire leur déclaration de TPS pour 2007 au nom de la société de personnes au plus tard le 31 mars 2008. De même, la dernière période de déclaration qui a pris fin dans les quatre ans suivant la période de déclaration qui s’est terminée le 31 décembre 2004 aurait pris fin le 31 décembre 2008 et les appelants auraient dû produire leur déclaration de TPS pour cette période de déclaration au plus tard le 31 mars 2009. Les CTI pour 2003 et 2004 n’ont été demandés dans aucune déclaration produite dans les délais prévus par le paragraphe 225(4) de la Loi.

 

[7]             L’intimée a renvoyé à la décision Layte c. La Reine, 2010 CCI 281, 2010 G.T.C. 66, [2010] G.S.T.C. 80, pour appuyer sa position selon laquelle les appelants ne devraient pas avoir droit à des CTI en l’espèce. Toutefois, dans l’affaire Layte, il n’a pas été question du paragraphe 296(2) de la Loi, lequel prévoit ce qui suit :

 

*       296(2) Le ministre, s’il constate les faits ci-après relativement à un montant (appelé « crédit déductible » au présent paragraphe) lors de l’établissement d’une cotisation concernant la taxe nette d’une personne pour une période de déclaration donnée de celle-ci, prend en compte le crédit déductible dans l’établissement de la taxe nette pour cette période comme si la personne avait demandé le crédit déductible dans une déclaration produite pour cette période[4] :

*        

a) le crédit déductible aurait été accordé à titre de crédit de taxe sur les intrants pour la période donnée ou à titre de déduction dans le calcul de la taxe nette pour cette période s’il avait été demandé dans une déclaration produite aux termes de la section V pour cette période à la date limite où la déclaration pour cette période était à produire et si les exigences en matière de documentation, énoncées aux paragraphes 169(4) ou 234(1), qui s’appliquent au crédit avaient été remplies ;

 

b) le crédit déductible n’a pas été demandé par la personne dans une déclaration produite avant le jour où l’avis de cotisation lui est envoyé ou, s’il l’a été, a été refusé par le ministre;

 

c) le crédit déductible serait accordé à titre de crédit de taxe sur les intrants ou de déduction dans le calcul de la taxe nette de la personne pour une de ses périodes de déclaration s’il était demandé dans une déclaration produite aux termes de la section V le jour où l’avis de cotisation est envoyé à la personne, ou serait refusé s’il était demandé dans cette déclaration du seul fait que le délai dans lequel il peut être demandé a expiré avant ce jour.

 

[8]             Par conséquent, si les conditions énoncées dans cette disposition sont remplies, lorsque le ministre établit une cotisation (ou une nouvelle cotisation) concernant la  taxe nette d’une personne pour une période de déclaration donnée, cette personne doit se voir accorder un crédit pour les CTI qu’elle n’a pas demandés pour cette période, et ce, même si la cotisation (ou la nouvelle cotisation) est établie après l’expiration du délai prévu pour demander ces CTI.

 

[9]             En l’espèce, les seules hypothèses de fait que le ministre a énoncées dans la réponse portent sur l’entreprise des appelants, les montants que les appelants ont demandés à titre de CTI dans les déclarations de TPS qu’ils ont produites et les dates auxquelles ces déclarations de TPS ont été produites. Le ministre n’a formulé aucune hypothèse de fait concernant la question des documents que les appelants avaient (ou n’avaient pas) relativement aux CTI qu’ils ont demandés. Dans l’arrêt Canada c. Loewen, 2004 CAF 146, la juge Sharlow, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale, a formulé les commentaires suivants :

 

[11]     Les contraintes imposées au ministre lorsqu'il invoque des hypothèses n'empêchent cependant pas Sa Majesté de soulever, ailleurs dans la réponse, des allégations de fait et des moyens de droit qui sont étrangers au fondement de la cotisation. Si Sa Majesté allègue un fait qui ne fait pas partie des faits présumés par le ministre, la charge de la preuve repose sur elle. Ce principe est bien expliqué dans la décision Schultz c. Canada, [1996] 1 C.F. 423, [1996] 2 C.T.C. 127, 95 D.T.C. 5657 (C.A.F.) (autorisation d'appel refusée [1996] A.C.S.C. no 4).

 

[10]        Le seul élément de preuve qui a été produit lors de l’audition de l’appel était la déclaration d’un des appelants, à savoir que les CTI ont été demandés au titre de la TPS que les appelants avaient payée pour des fournitures importées qui servaient à l’exploitation de leur entreprise et à savoir qu’il existait des documents de douane qui justifiaient les montants demandés. Vu que le ministre n’a formulé aucune hypothèse relative à une absence de documents justifiant les CTI demandés, et vu que le seul élément de preuve que les appelants ont produit a confirmé qu’il existait des documents justifiant les montants demandés, je ne vois aucune raison de rejeter la demande de CTI des appelants pour insuffisance de documents. Les appelants exploitaient une entreprise et faisaient l’acquisition de fournitures dans le cadre de leurs activités commerciales; par conséquent, ils se seraient vu accorder les CTI en cause s’ils avaient produit leurs déclarations de TPS dans les délais impartis. Par conséquent, les conditions énoncées à l’alinéa 296(2)a) de la Loi sont remplies.

 

[11]        L’alinéa 296(2)b) de la Loi est ainsi rédigé :

 

b) le crédit déductible n’a pas été demandé par la personne dans une déclaration produite avant le jour où l’avis de cotisation lui est envoyé ou, s’il l’a été, a été refusé par le ministre;

 

[12]        Dans la réponse, il n’a pas été fait mention de la date à laquelle l’avis de nouvelle cotisation[5] a été envoyé aux appelants, et aucun élément de preuve n’a été présenté à cet égard. Il semble toutefois logique de penser que l’avis de cotisation aurait été envoyé quelque temps après la date à laquelle les appelants ont produit leurs déclarations de TPS. Par conséquent, le jour où l’avis de nouvelle cotisation a été envoyé aux appelants, ceux‑ci avaient déjà demandé les CTI dans une déclaration et, avant que les nouvelles cotisations soient établies, les CTI demandés n’avaient pas été refusés. Selon une interprétation littérale de cet alinéa, les appelants ne rempliraient pas les conditions prévues par l’alinéa. Toutefois, s’agit‑il de l’interprétation correcte dudit alinéa?

 

[13]        Dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, 2005 DTC 5523 (angl.), [2005] 5 C.T.C. 215, 340 N.R. 1, 259 D.L.R. (4e) 193, [2005] 2 R.C.S. 601, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit :

 

[10]     Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux.

 

[14]        Dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re.), [1998] 1 R.C.S. 27[6], le juge Iacobucci, qui s’exprimait au nom de la Cour suprême du Canada, a déclaré ce qui suit :

 

[27]     À mon avis, les conséquences ou effets qui résultent de l’interprétation que la Cour d’appel a donnée des art. 40 et 40a de la LNE ne sont compatibles ni avec l’objet de la Loi ni avec l’objet des dispositions relatives à l’indemnité de licenciement et à l’indemnité de cessation d’emploi elles-mêmes. Selon un principe bien établi en matière d’interprétation législative, le législateur ne peut avoir voulu des conséquences absurdes. D’après Côté, op. cit., on qualifiera d’absurde une interprétation qui mène à des conséquences ridicules ou futiles, si elle est extrêmement déraisonnable ou inéquitable, si elle est illogique ou incohérente, ou si elle est incompatible avec d’autres dispositions ou avec l’objet du texte législatif (aux pp. 430 à 432). Sullivan partage cet avis en faisant remarquer qu’on peut qualifier d’absurdes les interprétations qui vont à l’encontre de la fin d’une loi ou en rendent un aspect inutile ou futile (Sullivan, Construction of Statutes, op. cit., à la p. 88).

 

[15]        Il me semble qu’une interprétation littérale de l’alinéa 296(2)b) de la Loi produirait des résultats illogiques. Supposons, par exemple, qu’au lieu de demander les CTI dans les déclarations de TPS qu’ils ont produites en 2009, les appelants avaient produit des déclarations de TPS dans lesquelles ils avaient seulement déclaré la TPS percevable et que, dans une lettre à part, ils avaient désigné les montants payés comme étant des montants de TPS payée pour des fournitures qu’ils avaient achetées. Dans cet exemple, les appelants auraient rempli les conditions de l’alinéa b) parce qu’ils n’auraient pas demandé les CTI dans une déclaration. Une interprétation littérale de la disposition aurait des conséquences illogiques, à savoir que le fait de demander les CTI dans une déclaration produite en dehors des délais impartis ferait en sorte que les appelants ne pourraient pas obtenir que ces CTI soient pris en considération dans le calcul de leur taxe nette, mais que le fait de ne pas inclure ces CTI dans une déclaration produite en dehors des délais impartis ferait en sorte que les appelants pourraient voir ces CTI pris en considération dans le calcul de leur taxe nette, en supposant que le ministre serait en mesure de calculer lesdits CTI. De même, si un vérificateur de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») avait soumis les appelants à une vérification et qu’il avait conclu qu’il fallait leur accorder des CTI, la condition aurait été remplie, mais le fait de demander ces CTI dans une déclaration produite en dehors des délais impartis les désavantagerait par rapport à une situation où ils feraient l’objet d’une vérification pour ce qui est du calcul de la taxe nette. Je ne crois pas que le législateur ait voulu un tel résultat, et je crois qu’une interprétation littérale produirait des résultats illogiques.

 

[16]        En l’espèce, l’intimée n’a pas prétendu que les appelants ne remplissaient pas les conditions énoncées à l’alinéa 296(2)b) de la Loi. Lorsque le ministre a établi des nouvelles cotisations à l’égard des appelants, il leur a accordé des CTI de 1 389,54 $ pour 2003 et de 3 246,31 $ pour 2004. Étant donné que tous les CTI ont été demandés dans les mêmes déclarations, il semble que l’intimée reconnaissait que, au moins pour ce qui est de ces CTI‑là, les dispositions du paragraphe 296(2) de la Loi s’appliquaient et que les appelants avaient rempli les conditions énoncées à l’alinéa 296(2)b) de la Loi. Autrement, sur quel fondement le ministre aurait‑il accordé aux appelants des CTI de 1 389,54 $ pour 2003 et de 3 246,31 $ pour 2004?

 

[17]        Si on souscrivait à une interprétation littérale de l’alinéa 296(2)b) de la Loi et que la Cour rendait une ordonnance, comme le prévoit le paragraphe 309(1) de la Loi, exigeant du ministre qu’il établisse une nouvelle cotisation à l’égard de la taxe nette des appelants conformément au paragraphe 296(2) de la Loi, alors, quand les nouvelles cotisations seraient établies à l’égard des appelants conformément à ladite ordonnance, les conditions énoncées à l’alinéa 296(2)b) de la Loi seraient remplies, étant donné qu’à la date d’établissement des nouvelles cotisations, les CTI demandés auraient été auparavant refusés par le ministre. Je ne crois pas que le législateur voulait que les personnes visées par une cotisation de taxe nette se voient refuser la possibilité de bénéficier des dispositions prévues par le paragraphe 296(2) de la Loi pour ensuite voir cet avantage restauré par une ordonnance de la Cour demandant au ministre d’établir une nouvelle cotisation à leur égard.

 

[18]        Je ne crois pas qu’il faille interpréter l’alinéa b) comme signifiant qu’une personne se verrait refuser les avantages prévus par les dispositions du paragraphe 296(2) de la Loi si cette personne demande des CTI dans une déclaration produite en dehors des délais impartis, mais qu’elle pourrait bénéficier de ces avantages si elle ne demande pas les CTI en cause (et que l’ARC établit qu’elle a droit à des CTI par suite d’une vérification ou en fonction de renseignements complémentaires fournis en dehors d’une déclaration). Je ne crois pas non plus que le législateur voulait qu’on considère que les conditions énoncées au paragraphe 296(2) de la Loi ne seraient pas remplies parce que les CTI ont été demandés dans la déclaration à l’égard de laquelle la cotisation (ou nouvelle cotisation) a été établie (ladite cotisation ou nouvelle cotisation refusant les CTI), alors que ces conditions seraient remplies si le ministre devait ensuite établir une nouvelle cotisation par suite d’un appel interjeté devant la Cour relativement à la cotisation initiale (ou nouvelle cotisation) en question.

 

[19]        Il me semble que la condition énoncée à l’alinéa 296(2)b) de la Loi a pour but de faire en sorte que le contribuable n’ait pas déjà bénéficié des CTI au moment où sa taxe nette est calculée pour une période de déclaration donnée. Par conséquent, la condition énoncée à l’alinéa 296(2)b) de la Loi est remplie pourvu que des CTI n’aient pas déjà été accordés au moment où la taxe nette de la personne concernée est calculée pour une période de déclaration donnée. En l’espèce, les appelants remplissent cette condition.

 

[20]        La dernière condition énoncée à l’alinéa 296(2)c) de la Loi prévoit que les CTI seraient accordés ou refusés du seul fait que le délai dans lequel ils peuvent être demandés a expiré. Étant donné que la seule raison invoquée pour refuser les CTI est le délai de production des déclarations de TPS, les appelants remplissent cette condition.

 

[21]        Par conséquent, de nouvelles cotisations devraient être établies à l’égard des appelants, compte tenu du fait que leur taxe nette pour 2003 s’élevait à (11 706,51 $) et leur taxe nette pour 2004 à (10 330,85 $).

 

[22]        L’avocat de l’intimée a également fait référence au paragraphe 296(4) de la Loi. Cette disposition est ainsi rédigée :

 

296(4) Un paiement en trop de taxe nette pour la période de déclaration d’une personne et les intérêts y afférents, prévus aux alinéas (3)b) et c) :

 

a) d’une part, ne sont appliqués aux termes de l’alinéa (3)b) en réduction d’un montant (appelé « montant impayé » au présent alinéa) qui est à payer ou à verser par la personne que dans le cas où le crédit de taxe sur les intrants ou la déduction auquel le paiement en trop est attribuable aurait été accordé à ce titre dans le calcul de la taxe nette pour une autre période de déclaration de la personne si celle-ci avait demandé le crédit ou la déduction dans une déclaration produite aux termes de la section V le jour où elle a omis de payer ou de verser le montant impayé et si elle n’était pas une personne déterminée pour l’application du paragraphe 225(4);

 

b) d’autre part, ne sont remboursés en application de l’alinéa (3)c) que dans le cas où le crédit de taxe sur les intrants ou la déduction aurait été accordé à ce titre dans le calcul de la taxe nette pour une autre période de déclaration de la personne si celle-ci avait demandé le crédit ou la déduction dans une déclaration produite aux termes de la section V le jour où l’avis de cotisation lui est envoyé[7].

 

[23]        Cette disposition impose des restrictions à l’application d’un paiement en trop de taxe nette[8] et au versement d’un remboursement d’un paiement en trop de taxe nette. Elle n’a pas d’incidence sur le montant qui fait l’objet de la cotisation.

 

[24]        La compétence de la Cour est définie dans la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt. L’article 12 de la Loi est ainsi rédigé, en partie :

 

12(1) La Cour a compétence exclusive pour entendre les renvois et les appels portés devant elle sur les questions découlant de l’application de la [] partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, […] dans la mesure où ces lois prévoient un droit de renvoi ou d’appel devant elle.

 

[25]        Par conséquent, les seules questions à l’égard desquelles la Cour a compétence relativement aux appels interjetés en vertu de la partie IX de la Loi (les dispositions en matière de TPS) ont trait aux appels prévus par la Loi. L’article 309 de la Loi prévoit ce qui suit :

 

309(1) La Cour canadienne de l’impôt peut statuer sur un appel concernant une cotisation en le rejetant ou en l’accueillant. Dans ce dernier cas, elle peut annuler la cotisation ou la renvoyer au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

 

[26]        Les seules réparations que la Cour peut accorder si elle accueille un appel sont directement liées à la cotisation. La Cour n’a pas le pouvoir d’ordonner au ministre d’effectuer un remboursement. Par conséquent, vu que le paragraphe 296(4) de la Loi n’affecte pas la cotisation et ne porte que sur le versement d’un remboursement (en l’espèce), la Cour n’est pas compétente pour décider si les dispositions de ce paragraphe privent les appelants d’un remboursement. Malheureusement pour les appelants, si cette question devait être tranchée, il faudrait qu’elle soit entendue en premier lieu par la Cour fédérale.

 

[27]        Par conséquent, les appels interjetés par les appelants en vertu de la Loi sont accueillis, sans frais, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait que :  

 

a)     la taxe nette que les appelants devaient verser pour la période de déclaration qui a pris fin le 31 décembre 2003 s’élève à (11 706,51 $);

 

b)    la taxe nette que les appelants devaient verser pour la période de déclaration qui a pris fin le 31 décembre 2004 s’élève à (10 330,85 $).

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour d’octobre 2012.

 

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de novembre 2012.

 

Alya Kaddour, traductrice


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 355

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2011-3660(GST)I

 

INTITULÉ :                                      Stanislaw Pawlak et Jadwiga Pawlak c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Hamilton (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 28 septembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 16 octobre 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant des appelants :

M. Stanislaw Pawlak

Avocat de l’intimée :

MChristopher Bartlett

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

                     Nom :                          

 

                     Cabinet :                      

                                                         

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] En l’espèce, il ne semble pas que des cotisations aient été établies à l’égard des appelants relativement à la taxe nette pour les périodes de déclaration en cause. La référence à une « nouvelle cotisation » peut simplement renvoyer au fait que l’Agence du revenu du Canada était en désaccord avec les montants que les appelants demandaient. Contrairement au paragraphe 152(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui prévoit que le ministre examine la déclaration de revenu d’un contribuable et fixe l’impôt à payer, le paragraphe 296(1) de la Loi prévoit que le ministre peut établir une cotisation pour déterminer la taxe nette. Le paragraphe 229(1) de la Loi prévoit également que le ministre verse (à condition que la personne ait produit toutes les déclarations qu’elle devait produire en application des lois énumérées au paragraphe 229(2) de la Loi) le remboursement de taxe nette payable à la personne après que cette personne a produit sa déclaration, sans qu’il soit fait référence à la question de savoir si une cotisation a été établie à l’égard de cette personne avant que le remboursement soit effectué. Toutefois, le ministre ne peut prendre des mesures de recouvrement que si le montant a fait l’objet d’une cotisation (paragraphe 315(1) de la Loi).

[2] La définition de « personne » qui est donnée par le paragraphe 123(1) de la Loi prévoit qu’une société de personnes est une personne pour l’application de la Loi.

[3] Dans la version anglaise de la Loi, le paragraphe 123(1) définit un particulier (« individual ») comme une personne physique (« natural person »).

[4] À compter du 1er avril 2007, l’expression « sauf demande contraire de la personne », qui apparaissait dans la première partie de cette disposition, a été supprimée. Étant donné que les appelants n’ont pas fait de « demande contraire », cette modification n’a pas d’incidence en l’espèce.

[5] La définition de « cotisation » donnée au paragraphe 123(1) de la Loi prévoit qu’une cotisation désigne aussi bien une cotisation qu’une nouvelle cotisation.

[6] Cette décision a été citée avec approbation par le juge Fish, qui s’exprimait au nom de la majorité des juges de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Middleton, [2009] 1 R.C.S. 674.

[7] Il s’agit de la version actuelle de cette disposition. Au moyen d’une modification qui a pris effet le 1er avril 2007, une partie de l’alinéa b) a été étoffée et est devenue le paragraphe 296(7) de la Loi.

[8] La définition de « paiement en trop de taxe nette » se trouve au paragraphe 296(8) de la Loi et un paiement en trop de taxe nette inclut le montant du remboursement de taxe nette si cette taxe est négative.

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