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Dossier : 2012-1145(IT)I

ENTRE :

IAN BROWN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Appels entendus le 14 décembre 2012, à Calgary (Alberta).

 

Par : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Adam Gotfried

 

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JUGEMENT

Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2008 et 2009 sont rejetés, des dépens de 200 $ étant cependant adjugés à l’appelant.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17jour de décembre 2012.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 28jour de janvier 2013.                                              

Espérance Mabushi, M.A. Trad. Jur.


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 452

Date : 20121217

Dossier : 2012-1145(IT)I

ENTRE :

IAN BROWN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge C. Miller

 

[1]             M. Brown interjette appel, sous le régime de la procédure informelle, à l’encontre de la décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») dans laquelle ses demandes de déduction de 10 634 $ pour 2008 et de 5 548 $ pour 2009 au titre de frais de déplacement lui ont été refusées. Les montants concernent les frais supportés par M. Brown, un pilote de ligne chez Cathay Pacific Airways (« Cathay Pacific »), pour des déplacements effectués entre son domicile situé à Calgary et son aéroport d’attache situé à Los Angeles.

 

Les faits

 

[2]             Les faits ne sont pas compliqués. En 2008 et en 2009, M. Brown résidait à Calagary. Il était employé par la USAB Ltd., filiale en propriété exclusive de la Cathay Pacific, laquelle est dûment enregistrée et régie par les lois et règlements de Hong Kong. Bien que la Cathay Pacific ait récemment changé sa politique pour avoir des employeurs locaux partout où elle exerce ses activités, en 2008 et en 2009, toutes les activités étaient dirigées à partir de Hong Kong.

 

[3]             M. Brown, à titre de commandant de bord de la Cathay Pacific, effectuait la plupart de ses vols entre Los Angeles et Hong Kong. Il a supporté des frais de 10 634 $ et de 5 548 $ en 2008 et en 2009, respectivement, pour se déplacer entre Los Angeles et Calgary. Il ne pouvait pas vivre aux États‑Unis. Il m’a permis d’examiner le formulaire de demande de la carte verte des États‑Unis et la demande concernant le prog

 

 
ramme américain de visas attribués par loterie (le « Diversity Visa Program »). Il était manifeste que M. Brown ne pouvait résider et travailler à Los Angeles que s’il était parrainé par la Cathay Pacific. Compte tenu de la politique de la Cathay Pacific à l’époque, le parrainage n’était pas une possibilité. Je suis convaincu que, lorsqu’il travaillait pour la Cathay Pacific en 2008 et en 2009, M. Brown ne pouvait tout simplement pas vivre aux États-Unis. M. Brown a admis que les dépenses supportées se rapportaient aux déplacements entre son domicile et son lieu de travail. Aucun élément se rapportant à l’exercice de ses fonctions à titre de commandant de bord de la Cathay Pacific n’entrait en ligne de compte lorsqu’il effectuait ces déplacements. Il devait tout simplement se rendre à Los Angeles.

 

[4]             M. Brown a également témoigné, une copie de la liste d’ancienneté de la Cathay Pacific à l’appui, que compte tenu du fait que son nom figurait au bas de la liste d’ancienneté, ses chances d’obtenir Vancouver ou Toronto comme aéroport d’attache étaient très limitées, voire inexistantes, à ce stade‑là.

 

La question en litige

 

          i)       Les frais de déplacement supportés par M. Brown sont‑ils déductibles pour 2008 et 2009?

 

L’analyse

 

[5]             La disposition pertinente de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») est l’alinéa 8(1)h). Elle est ainsi libellée :

 

(1)      Sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant : 

 

[…]

 

h)         lorsque le contribuable, au cours de l’année, à la fois :

 

(i)                 a été habituellement tenu d’exercer les fonctions de son emploi ailleurs qu’au lieu d’affaires de son employeur ou à différents endroits,

 

(ii)               a été tenu, en vertu de son contrat d’emploi, d’acquitter les frais de déplacement qu’il a engagés pour l’accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi,

 

les sommes qu’il a dépensées pendant l’année (sauf les frais afférents à un véhicule à moteur) pour se déplacer dans l’exercice des fonctions de son emploi, sauf s’il a, selon le cas :

 

(iii)             reçu une allocation pour frais de déplacement qui, par l’effet des sous-alinéas 6(1)b)(v), (vi) ou (vii), n’est pas incluse dans le calcul de son revenu pour l’année,

 

(iv)             demandé une déduction pour l’année en application des alinéas e), f) ou g);

 

[…]

 

[6]             Il est bien établi en droit que les frais de transport pour se rendre au travail et en revenir ne sont pas déductibles. Cela a été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Hogg c. Canada[1], qui se fonde sur l’arrêt de principe anglais Ricketts v. Colquhoun[2]. Il existe des similitudes entre les faits de l’affaire Hogg et la situation de M. Brown en l’espèce, en ce sens que, dans les deux cas, les intéressés ont affirmé qu’ils n’avaient vraiment pas le choix : M. Hogg pour des raisons de sécurité et M. Brown à cause de restrictions en matière d’immigration. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a insisté sur le fait que, compte non tenu de la raison pour laquelle les frais sont supportés, la disposition exige que, pour être déductibles, les frais doivent être engagés par l’employé dans l’accomplissement de ses fonctions. M. Hogg n’a exercé aucune fonction lorsqu’il était en transit, et M. Brown n’a pas non plus exercé de fonction lorsqu’il voyageait pour se rendre à Los Angeles. Ainsi que l’a fait observer le juge en chef Rip dans la décision O’Neil v. R.[3], qui est également citée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Hogg, le fait de se déplacer dans l’exercice de sa charge ou de son emploi suppose nécessairement la prestation d’un service et ce déplacement ne consiste pas simplement à se rendre au lieu de travail.

 

[7]             Les considérations ci‑dessus seraient normalement de nature à mettre fin à l’analyse permettant de rejeter la demande de M. Brown, n’eussent été les deux autres éléments suivants à prendre en considération :

 

a)       les conséquences d’un choix personnel, ou de l’absence d’un tel choix, quant à la distinction entre les frais personnels et les frais de déplacement, selon la description faite par le juge Jorré dans la récente décision Blackburn c. La Reine[4];

 

b)      les conséquences d’un jugement sur consentement rendu par la juge Woods dans la décision Hayden c. La Reine[5], une affaire entendue sous le régime de la procédure générale, dans laquelle la Couronne a accepté la déduction de dépenses similaires supportées par un pilote de ligne pour se rendre à son lieu de travail situé à l’extérieur du Canada.

 

La décision Blackburn

 

[8]             M. Brown soutient qu’il n’avait d’autre choix que de vivre au Canada et de faire la navette entre Calgary et Los Angeles, et que, par conséquent, les frais de déplacement seraient déductibles, étant donné qu’il ne s’agissait pas de frais personnels. Dans la décision Blackburn, le juge Jorré s’est penché sur le cas d’un employé qui devait temporairement travailler très loin de son domicile. Le juge Jorré a fait les observations suivantes :

 

44.       À quel moment est-ce que la décision de se déplacer plutôt que de déménager devient-elle un choix personnel? On ne pourrait raisonnablement conclure que le fait de ne pas déménager sa résidence pour un voyage d’affaires de quelques semaines est un choix personnel. Par contre, si quelqu’un prend un poste permanent dans une autre ville lointaine, il ne peut y avoir de doute qu’il s’agit d’un choix personnel si la personne garde sa maison et sa famille dans la ville d’origine et choisit de voyager tous les lundis matins et vendredis soirs entre les deux villes et de louer un petit appartement dans la ville où il travaille.

 

45.       Dans ce cas, il est très important de mentionner que l’appelant travaillait déjà pour Équipement Fédéral au moment où il a pris le poste basé à Sherbrooke et qu’il s’attendait à travailler dans ce poste pendant seulement cinq à six mois.

 

46.       Vu l’effort que demande un déménagement et un redéménagement, on ne peut qualifier de choix personnel le fait que quelqu’un soit muté par son employeur dans une autre ville sur une base temporaire pour une période relativement courte.

 

47.       Si l’emploi temporaire se prolonge, il y a un moment où le choix de déménager devient personnel.

 

[9]             Il ressort implicitement du raisonnement du juge Jorré que les frais de déplacement supportés par un employé tenu par l’employeur de travailler temporairement loin de son domicile sont en effet engagés pour l’accomplissement de ses fonctions et ne sont pas des frais personnels. Cependant, le juge Jorré a admis que, à un certain moment, le choix devient personnel. À mon avis, l’accent reste mis, avec raison, sur la question de savoir si les frais ont été supportés dans l’accomplissement de ses fonctions. En l’espèce, ce n’est pas la Cathay Pacific qui exigeait à M. Brown d’effectuer un tel voyage et, en effet, il n’y avait rien de temporaire quant à l’arrangement. M. Brown a accepté le poste à temps plein en sachant très bien que la navette lui coûterait cher. Je ne vois pas en quoi la décision Blackburn est utile à la cause de M. Brown.

 

La décision Hayden

 

[10]        Dans un jugement sur consentement rendu en juin 2005, la juge Woods a accepté le marché conclu par les parties et a accueilli l’appel en ce qui concerne les frais de déplacement engagés par une personne qui se trouvait dans une situation semblable à celle de M. Brown relativement au déplacement qu’elle devait effectuer pour se rendre à un lieu de travail situé à l’extérieur du Canada. Malheureusement, je n’ai guère eu plus de précisions. L’avocat de l’intimée n’avait pas davantage d’explications quant à la raison pour laquelle la Couronne pourrait avoir accepté un tel règlement, mais c’est la cause sur laquelle M. Brown a décidé de se fonder.

 

[11]        Il est regrettable que M. Brown, et d’une manière générale les contribuables, puisse penser, et non sans justification, qu’en raison de ce jugement sur consentement, de tels frais de déplacement sont déductibles, vraisemblablement d’un point de vue administratif. Bien qu’il demeure un jugement de la Cour, il s’agit d’un jugement sur consentement, d’une entente conclue par les parties et non d’une décision prise finalement par un juge après délibération dans le contexte d’une instance. En l’absence de tout raisonnement ou de toute analyse susceptible de faire l’objet d’un examen, je ne suis pas disposé à me fonder sur cette décision à laquelle je n’accorde aucune valeur de précédent. La décision semble aller à l’encontre de la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale et de la jurisprudence en général en ce qui a trait à cette question.

 

[12]        Il ne peut pas être reproché à M. Brown d’avoir cru que, parce que le gouvernement avait accordé à un collègue la déduction qu’il avait demandée à l’égard de frais similaires, il devrait avoir droit à un traitement semblable. M. Brown a soigneusement préparé sa cause et n’a pas ménagé ses efforts pour fournir des documents. Dans ces conditions, malgré l’issue de la cause, j’accorde à M. Brown des dépens de 200 $. Les appels sont toutefois rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de décembre 2012.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28jour de janvier 2013.

                                                

Espérance Mabushi, M.A. Trad. Jur.


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 452

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2012-1145(IT)I

                                                         

INTITULÉ :                                      IAN BROWN c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 14 décembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Campbell J. Miller

 

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 17 décembre 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

 

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimée :

MAdam Gotfried

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :                       

      

            Nom :                                    s/o

 

            Cabinet :                               s/o    

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1]           2002 CAF 177.

 

[2]           (1925), (1926) (AC1 UKHL).

 

[3]           [2001] 1 C.T.C. 2091.

 

[4]           2007 CCI 284.

 

[5]           1998 CCI 96774.

 

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