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Dossier : 2011-1404(IT)G

 

ENTRE :

DEVON CANADA CORPORATION,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

 

Requête entendue le 29 novembre 2012, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Al Meghji

Me Pooja Samtani

Avocats de l’intimée :

Me Josée Tremblay

Me Marie-France Camiré

Me Ryan Gellings

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

 

          L’appelante ayant déposé, conformément à l’alinéa 58(1)a) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »), une requête visant à faire trancher, avant l’audience, la question de droit suivante :

 

[traduction]

 

Est-il raisonnable de considérer, par l’effet des alinéas 66.7(10)j) et 66.7(10)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu et par suite de l’acquisition du contrôle de Home Oil […] et du transfert des [avoirs d’Anderson] par la [société de personnes Anderson] à la [société de personnes Devon], qu’une part proportionnelle du revenu tiré des [avoirs d’Anderson] détenus par l’intermédiaire de la société de personnes Devon, part attribuée à la société de personnes Anderson puis à Home Oil, est attribuable à la production tirée d’un avoir minier particulier dont le propriétaire, avant l’acquisition, était un propriétaire obligé pour l’application des paragraphes 66.7(1) à (5)?

 

            Vu les observations des avocats et les documents déposés;

 

          LA COUR ORDONNE :

 

1.     La question sera tranchée par un juge des requêtes.

2.     Les parties communiqueront avec le coordonnateur des audiences au plus tard le 31 janvier 2013 en vue de fixer la date de l’audition de la requête.

3.     L’ordonnance portant la date du 24 avril 2012 est annulée; les parties communiqueront avec le coordonnateur des audiences au plus tard le 31 mai 2013 en vue d’établir un nouvel échéancier pour la tenue des interrogatoires préalables, la production des réponses aux engagements et les autres communications avec le coordonnateur des audiences.

Les dépens suivront l’issue de la cause.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de janvier 2013.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour d’août 2013.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 4

Date : 20130108

Dossier : 2011-1404(IT)G

ENTRE :

DEVON CANADA CORPORATION,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge Hogan

 

[1]             Dans la présente requête, l’appelante, Devon Canada, sollicite une ordonnance en vertu de l’article 58 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles ») en vue de faire trancher, avant l’audition de son appel, une question de droit que soulèvent, selon elle, les actes de procédure.

 

Contexte

 

[2]             L’appelante a interjeté appel concernant l’application des « règles relatives aux sociétés remplaçantes » prévues à l’article 66.7 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »). Ces règles prévoient que le propriétaire successeur d’avoirs miniers peut, dans certaines circonstances prévues par règlement, déduire de son revenu les frais relatifs à des ressources que la cédante des avoirs a engagées.

 

[3]             Généralement, lorsque le propriétaire obligé transfère la totalité, ou presque, de ses avoirs miniers à une société remplaçante, celle-ci peut déduire la partie inutilisée des frais relatifs aux ressources de la cédante du revenu qu’il est raisonnable de considérer comme étant attribuable à la production tirée des avoirs. Autrement dit, les déductions inutilisées ne peuvent servir qu’à soustraire à l’impôt le revenu tiré des avoirs miniers transférés.

 

[4]             Lors de l’acquisition du contrôle d’une société, celle-ci devient assujettie aux règles relatives aux sociétés remplaçantes prévues au paragraphe 66.7(10). En vertu des dispositions de ce paragraphe, la société est réputée se succéder à elle‑même, de sorte que, par la suite, les déductions relatives à ses avoirs miniers ne peuvent être utilisées que pour mettre à l’abri de l’impôt le revenu qu’il est raisonnable d’attribuer aux avoirs miniers qui lui appartenaient avant l’acquisition du contrôle.

 

[5]             Une règle de jumelage semblable s’applique dans le cas où la société est un associé d’une société de personnes qui est propriétaire d’avoirs miniers. Suivant cette règle, la société est réputée avoir acquis sa propre quote‑part des avoirs miniers de la société de personnes immédiatement avant l’acquisition du contrôle[1]. Une « règle de transparence » énoncée au sous‑alinéa 66.7(10)j)(ii) permet à la société de déduire de sa part du revenu de la société de personnes les frais engagés relativement aux avoirs miniers de la société de personnes. Comme on peut le constater dans les actes de procédure, le ministre du Revenu national (le « ministre ») est d’avis que la règle de transparence n’a d’effet que si la société est un associé direct de la société de personnes propriétaire d’avoirs miniers. Selon lui, la règle de transparence ne s’applique pas aux avoirs détenus par une société de personnes « de palier inférieur ». Dans un tel cas, il semble que le ministre estime que les déductions se rapportant aux avoirs sont perdues.

 

[6]             Les actes de procédure indiquent que les règles susmentionnées sont pertinentes en l’espèce. L’acquisition du contrôle d’Anderson Exploration Ltd., société mère de Home Oil Company of Canada, devenue Devon Canada (l’« acquisition du contrôle ») par le groupe de sociétés Devon a déclenché l’application des règles relatives aux sociétés remplaçantes. Avant cette acquisition du contrôle, Home Oil détenait ses avoirs miniers (les « avoirs d’Anderson ») par l’intermédiaire d’une société de personnes dont elle était un associé direct (la « société de personnes Anderson »). Consécutivement à l’acquisition du contrôle, la société de personnes Anderson a transféré la totalité de ses avoirs à une société de personnes qui était sa filiale (la « société de personnes Devon »). Les actes de procédure révèlent que le ministre a établi, à l’égard de Devon Canada, une nouvelle cotisation par laquelle il rejetait les déductions que cette dernière demandait à titre de société remplaçante et qui étaient attribuables aux avoirs d’Anderson compte tenu du fait que la « règle de transparence » énoncée à l’alinéa 66.7(10)j) avait cessé de s’appliquer après le transfert de ces avoirs à la société de personnes Anderson. Dans sa réponse, l’intimée affirme que l’appelante ne peut se prévaloir des déductions consenties aux sociétés remplaçantes pour l’année d’imposition en cause parce qu’elle n’a aucun revenu qu’il est raisonnable d’attribuer aux avoirs d’Anderson. L’appelante ne souscrit pas à l’interprétation du ministre et soutient que la « règle de transparence » figurant à l’alinéa 66.7(10)j) de la LIR continue de s’appliquer malgré que les avoirs d’Anderson soient détenus par l’intermédiaire d’une société de personnes de palier inférieur. Tout ce débat relève de ce qu’il y a lieu d’appeler la « question de la société remplaçante[2] ».

 

[7]             La lecture des actes de procédure révèle également que la cotisation pose un problème de calcul, problème qu’il faudrait aborder, notamment, si la Cour concluait que les déductions demandées par la société remplaçante et attribuables aux avoirs d’Anderson n’étaient pas perdues comme le prétend le ministre. Cette question accessoire concerne trois déductions qui, aux dires du ministre, réduisent la part proportionnelle du revenu de l’appelante attribuable aux avoirs d’Anderson (la « question du calcul[3] »).

 

[8]             L’appelante soutient que la question de la société remplaçante soulève la question de droit suivante, susceptible de pouvoir être tranchée selon l’alinéa 58(1)a) des Règles :

 

[traduction]

 

Est-il raisonnable de considérer, par l’effet des alinéas 66.7(10)j) et 66.7(10)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu et par suite de l’acquisition du contrôle de Home Oil […] et du transfert des [avoirs d’Anderson] par la [société de personnes Anderson] à la [société de personnes Devon], qu’une part proportionnelle du revenu tiré des [avoirs d’Anderson] détenus par l’intermédiaire de la société de personnes Devon, part attribuée à la société de personnes Anderson puis à Home Oil, est attribuable à la production tirée d’un avoir minier particulier dont le propriétaire, avant l’acquisition, était un propriétaire obligé pour l’application des paragraphes 66.7(1) à (5)?

 

[9]             Lors de l’audition de la requête, l’appelante, en réponse à une question posée par la Cour, a tenté d’élargir la portée de la question soumise en ajoutant les mots [traduction] « ou de toute autre disposition de la Loi » juste après le renvoi à l’alinéa 66.7(10)j) de la LIR.

 

Analyse

 

[10]        L’alinéa 58(1)a) des Règles est ainsi libellé :

 

(1) Une partie peut demander à la Cour,

a) soit de se prononcer, avant l’audience, sur une question de droit, une question de fait ou une question de droit et de fait soulevée dans une instance si la décision pourrait régler l’instance en totalité ou en partie, abréger substantiellement l’audience ou résulter en une économie substantielle des frais;

 

[11]        L’alinéa 58(1)a) des Règles commande une démarche en deux étapes. Premièrement, avant d’ordonner que la question soit tranchée, je dois être convaincu de ce qui suit :

a)                 la question posée par l’appelante est une question de droit ou une question de droit et de fait;

b)                                                          b)      la question est soulevée dans les actes de procédure;

c)                 la décision pourrait régler l’appel en totalité ou en partie, abréger substantiellement l’audience ou résulter en une économie substantielle des frais.

 

[12]        Si la réponse est affirmative dans tous les cas, la Cour peut renvoyer la question devant un juge des requêtes pour qu’il la tranche.

 

[13]        La question proposée englobe incontestablement celle de la société remplaçante que relèvent les parties dans leurs actes de procédure.

 

[14]        L’intimée soutient que la question ne devrait pas être tranchée par un juge des requêtes du fait que certains faits pertinents sont toujours litigieux. Je suis conscient que certains faits demeurent contestés, mais ceux-ci sont sans rapport avec la question de la société remplaçante. Ils concernent plutôt la question du calcul, aussi soulevée dans les actes de procédure. À mon sens, la question qui se pose n’est pas de savoir s’il y a des faits en litige, mais bien si ces faits litigieux ont quelque rôle à jouer pour trancher la question proposée.

 

[15]        Comme le souligne à juste titre l’appelante dans ses observations écrites, les actes de procédure montrent que les faits qui sous-tendent la question proposée ne sont pas en litige :

 

[traduction]

 

(i)                 l’unique actionnaire de Home Oil (Anderson Exploration Ltd.) a été acquis par la Devon Acquisition Corporation, ce qui a donné lieu à l’acquisition du contrôle de Home Oil (alinéas 14d) et e) de la réponse);

(ii)               avant cette acquisition, Home Oil détenait un droit afférent à un avoir minier canadien (c.‑à‑d. l’avoir d’Anderson), qu’elle a transféré à la société de personnes Anderson, de telle sorte qu’au moment de l’acquisition, elle détenait une participation dans la société de personnes Anderson, qui détenait l’avoir d’Anderson (alinéas 14b) et c) de la réponse);

(iii)             du fait de l’acquisition, l’avoir d’Anderson a été assujetti aux règles relatives aux sociétés remplaçantes, y compris à l’alinéa 66.7(10)j) (alinéa 14f) de la réponse);

(iv)             consécutivement à l’acquisition, la société de personnes Anderson a transféré la totalité de son actif, y compris l’avoir d’Anderson, à la société de personnes Devon (alinéa 14dd) de la réponse)[4].

 

[16]        Pour trancher la question proposée, le juge des requêtes doit examiner une question de droit distincte, soit celle de savoir si la « règle de transparence » prévue à l’alinéa 66.7(10)j) s’applique dans le cas où les avoirs miniers sont détenus par une société de personnes de palier inférieur.

 

[17]        Le ministère public affirme que le fait de statuer sur la question proposée n’aura pas forcément pour effet d’abréger l’audience ou de régler l’appel en totalité, car il restera à décider de la question du calcul. Je conviens que la tenue d’une audience peut encore être nécessaire si les parties ne parviennent pas à régler la question du calcul avant l’audience. Toutefois, je suis d’avis qu’en cas de réponse affirmative à la question proposée, l’audition de l’appel s’en trouvera considérablement écourtée. Dans l’affaire qui nous occupe, la question du calcul est de moindre importance parce qu’elle n’a d’influence que sur le moment où il est permis de déduire les frais relatifs à des ressources. Si l’appelante obtient gain de cause quant à la question de la société remplaçante, les frais relatifs à des ressources pourront être déduits si un revenu est tiré des avoirs d’Anderson. Le cas échéant, la question du calcul pourra très bien se prêter à quelque forme de règlement entre les parties. À l’inverse, la question de la société remplaçante n’admet pas de solution mitoyenne. Si la thèse du ministre est exacte, la société remplaçante pourrait ne pas pouvoir déduire de son revenu les déductions attribuables aux avoirs d’Anderson.

 

[18]        Je ne suis pas disposé à accéder à la demande de l’appelante visant à modifier le libellé de la question figurant dans le dossier de sa requête, car je ne suis pas convaincu que les parties s’entendent sur l’ensemble des faits pertinents nécessaires au règlement de la question selon le nouveau libellé que propose l’appelante.

 

[19]        Pour tous ces motifs, je suis convaincu que, si une décision était rendue quant à la question formulée au départ par l’appelante dans son dossier de requête, une partie importante de l’appel s’en trouverait réglée, ce qui ferait économiser des frais aux parties. Par conséquent, la question doit être tranchée par un juge des requêtes.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de janvier 2013.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan  

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour d’août 2013.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 4

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2011-1404(IT)G

 

INTITULÉ :                                      DEVON CANADA CORPORATION c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

                                                                      

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 29 novembre 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :   L’honorable juge Robert J. Hogan

 

DATE DE L’ORDONNANCE :       Le 8 janvier 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelant :

Me Al Meghji

Me Pooja Samtani

Avocats de l’intimée :

Me Josée Tremblay

Me Marie-France Camiré

Me Ryan Gellings

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :                       

 

                          Nom :                     Al Meghji

                                                          Pooja Samtani

 

                            Cabinet :               Osler, Hoskin & Harcourt

                                                          Toronto (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] Sous‑alinéa 66.7(10)j)(i) de la LIR.

[2] L’appelante résume la question à l’alinéa 22a) de son avis d’appel; l’intimée y fait référence aux paragraphes 19, 20 et 21 de sa réponse à l’avis d’appel.

[3] Cette question est relevée à l’alinéa 22b) de l’avis d’appel ainsi qu’aux paragraphes 24 et 25 de la réponse de l’intimée.

[4] Paragraphe 15 des observations écrites de l’appelante.

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