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Dossier : 2011-940(IT)G

ENTRE :

MYRDAN INVESTMENTS INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel

de Daniel Halyk (2011-943(IT)G),

le 11 octobre 2012, à Calgary (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Curtis R. Stewart

Me Lisa Handfield

Avocat de l’intimée :

Me Robert Neilson

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT MODIFIÉ

 

          L’appel interjeté à l’égard des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition qui se sont terminées le 31 octobre 2006 et le 31 octobre 2007 est accueilli, et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Les parties auront jusqu’au 14 février 2013 pour parvenir à une entente sur les dépens, à défaut de quoi il leur sera ordonné de déposer leurs observations relatives aux dépens au plus tard le 28 février 2013. L’intimée aura jusqu’au 29 mars 2013 pour déposer ses observations en réponse relativement aux dépens. Ces observations ne doivent pas excéder cinq pages.

Le jugement modifié et les motifs du jugement modifiés remplacent le jugement et les motifs du jugement datés du 31 janvier 2013.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de février 2013.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de mai 2013.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


 

Dossier : 2011-943(IT)G

ENTRE :

 

DANIEL HALYK,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel

de Myrdan Investments Inc. (2011-940(IT)G),

le 11 octobre 2012, à Calgary (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelant :

Me Curtis R. Stewart

Me Lisa Handfield

Avocat de l’intimée :

Me Robert Neilson

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT MODIFIÉ

 

          L’appel interjeté à l’égard des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition qui se sont terminées le 31 octobre 2006 et le 31 octobre 2007 est accueilli et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Les parties auront jusqu’au 14 février 2013 pour parvenir à une entente sur les dépens, à défaut de quoi il leur sera ordonné de déposer leurs observations relatives aux dépens au plus tard le 28 février 2013. L’intimée aura jusqu’au 29 mars 2013 pour déposer ses observations en réponse relativement aux dépens. Ces observations ne doivent pas excéder cinq pages.

Le jugement modifié et les motifs du jugement modifiés remplacent le jugement et les motifs du jugement datés du 31 janvier 2013.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de février 2013.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de mai 2013.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

Référence : 2013CCI35

Date : 20130131

Dossier : 2011-940(IT)G

ENTRE :

 

MYRDAN INVESTMENTS INC.,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

ET ENTRE :

Dossier : 2011-943(IT)G

 

DANIEL HALYK,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hogan

 

[1]             Les appels interjetés à l’égard des nouvelles cotisations établies à l’endroit de Myrdan Investments Inc. (« Myrdan » ou l’« appelante ») pour les années d’imposition qui se sont terminées le 31 octobre 2006 et le 31 octobre 2007 et à l’égard de Daniel Halyk (l’« appelant » ou « M. Halyk ») pour l’année d’imposition 2007 portent sur la question de savoir si une camionnette est une « automobile » au sens de la définition qui se trouve au paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») ou si ce véhicule est visé par les exceptions prévues aux sous‑alinéas (ii) et (iii) de l’alinéa d) de cette définition.

 

1.       Le contexte

 

[2]             M. Halyk est le fondateur de Myrdan.

 

[3]             M. Halyk est aussi le fondateur d’une société ouverte à vocation énergétique appelée Total Energy Services Inc. (« Total Energy »). Pendant les années d’imposition en cause, M. Halyk était le PDG de Total Energy.

 

[4]             Total Energy exploite de 30 à 35 succursales dans l’Ouest du Canada et dans le Nord-Ouest des États‑Unis. Total Energy compte trois divisions : Chinook Drilling possède et exploite environ 15 appareils de forage; Bidell Compression exploite une entreprise de compression de gaz; la troisième division s’occupe de location et de transports.

 

[5]             Myrdan est une société privée sous contrôle canadien qui a été constituée en société en vertu des lois de la province d’Alberta. Pendant toute la période en cause, M. Halyk détenait 100 % des actions de Myrdan. Myrdan fournit des services de consultation d’affaires, particulièrement à Total Energy, et investit dans un certain nombre d’autres entreprises. Par exemple, elle est l’unique propriétaire de la société Theo Halyk Company Limited (la société « Theo Halyk »), qui a été fondée par la famille Halyk. Myrdan investit aussi directement dans une entreprise de production de biodiesel, alors appelée Milligan Bio-Tech Inc. (« Milligan »), à Foam Lake, en Saskatchewan.

 

[6]             Myrdan a participé à la constitution de la société Trident Capital Partner (« Trident ») à titre de commanditaire. Trident est une entreprise de placement, qui investit principalement dans des entreprises du domaine de l’énergie telles que Synoil Energy Services et Phoenix Technology Services. Elle est également propriétaire de GBM Trailer Services, entreprise de réparation de remorques-citernes de pétrole brut. Par l’entremise de M. Halyk, Trident a elle aussi investi dans l’entreprise de production de biodiesel Milligan, située à Foam Lake, dans laquelle Myrdan avait des intérêts.

 

[7]             D’une manière générale, le portefeuille de Trident comprend de quatre à six placements principaux à la fois. Myrdan participe aux bénéfices de Trident en sa qualité de commanditaire à 50 %, mais elle a aussi ses propres placements.

 

[8]             Pour remplir ses fonctions de PDG de Total Energy, M. Halyk devait se rendre dans un certain nombre d’endroits afin d’y accomplir les opérations commerciales nécessaires à l’exploitation de Total Energy. Total Energy a conclu une entente avec Myrdan selon laquelle elle versait à cette dernière des honoraires de gestion ainsi qu’une allocation mensuelle au titre des frais liés à l’utilisation d’un véhicule qui convenait à M. Halyk dans l’exercice de ses fonctions de PDG de Total Energy. C’est Myrdan qui assumait le coût en capital du véhicule, et les dépenses liées à l’utilisation du véhicule pour l’exploitation de Total Energy étaient assumées par Total Energy.

 

[9]             En décembre 2006, Myrdan a fait l’acquisition d’un GMC Sierra 2007 (le « camion ») pour 69 055 $, TPS incluse. Le camion comprend une cabine à cinq places et une caisse courte. Lorsqu’elle a acheté le camion, l’appelante a reçu 31 395 $ en échange d’un ancien véhicule de même modèle. M. Halyk se servait du camion et de l’ancien camion aux mêmes fins. En l’espèce, la question en litige pour les deux appelants porte sur l’utilisation du camion.

 

[10]        À l’origine, quand Myrdan a produit sa déclaration de revenus, elle a déclaré que le camion était une immobilisation de catégorie 10. Myrdan avait un autre bien de catégorie 10, soit l’ancien camion qui a été repris en 2007 au moment de l’achat du camion. Si le camion faisait aussi partie de la catégorie 10, la cession de l’ancien camion n’aurait pas donné lieu à une récupération d’amortissement. Toutefois, vu que le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une nouvelle cotisation en tenant pour acquis que le camion était une immobilisation de catégorie 10.1 parce qu’il s’agissait d’une automobile, et, par conséquent, d’une voiture de tourisme, la reprise de l’ancien camion a donné lieu à une nouvelle cotisation de 13 048 $ à l’égard de la récupération. Par suite de la reclassification du camion par le ministre, une déduction pour amortissement (« DPA ») de 10 834 $ pour un bien de catégorie 10 a été refusée et une DPA de 4 500 $ pour un bien de catégorie 10.1 a été accordée à la place.

 

[11]        La preuve montre que, tout au long de la période en cause, M. Halyk s’est servi du camion dans l’exercice de ses fonctions de PDG de Total Energy. Il s’est également déplacé un certain nombre de fois pour rendre visite à des entreprises dans lesquelles Myrdan ou Trident avaient investi. M. Halyk estime qu’il consacre environ 60 % de son temps à Total Energy et 40 % de son temps à Trident/Myrdan.

 

[12]        Pendant la période en cause, le camion a également servi pour des déplacements, y compris le transport de passagers, relativement à la Financial Investment and Planning Advisory Commission (FIPAC – Commission des placements et de la planification financière) du gouvernement de l’Alberta. M. Halyk a déclaré que les remboursements de frais et autres paiements (y compris des honoraires de quelque 2 000 $ sur deux ans) qu’il a reçus du gouvernement pour son travail relatif à la FIPAC ont été transmis à Myrdan : M. Halyk a été payé personnellement par le gouvernement, mais il a ensuite remis à Myrdan les sommes qu’il a reçues, y compris les sommes relatives à ses frais de déplacement liés à la FIPAC.

 

[13]        Le ministre a tenu pour acquis que M. Halyk ne possédait pas de véhicule personnel. M. Halyk a déclaré que sa femme et lui utilisaient un même véhicule à des fins personnelles, même si ce véhicule était au nom de sa femme. M. Halyk a ajouté qu’il lui était arrivé à quelques reprises d’utiliser le camion à des fins personnelles, par exemple pour déposer ses enfants à l’école en se rendant au travail.

 

[14]        M. Halyk a également déclaré qu’il se rendait directement de chez lui, où se trouvaient tous les dossiers de Myrdan, aux bureaux de Total Energy à peu près trois fois par semaine. Il a convenu que son domicile était situé à environ 16 km des bureaux de Total Energy, ce qui représentait un trajet aller-retour de 32 km. La preuve montre que, pour 45 semaines sur 52, l’appelant était à Calgary et s’est rendu de son domicile au bureau de Total Energy, ce qui correspond à une distance totale approximative de 4 320 km sur une année. Cette distance parcourue entre le domicile de M. Halyk et le bureau de Total Energy correspondrait à environ 15 % des 28 456 km parcourus par le camion pendant l’année d’imposition 2007 de Myrdan.

 

[15]        M. Halyk transportait toujours du matériel, y compris du matériel de protection individuelle, dans le camion pour s’en servir quand il se rendait sur des chantiers ou dans des régions éloignées du Nord. En plus du matériel de protection individuelle, comme des bottes à embout d’acier, une combinaison ignifuge, un casque protecteur, des lunettes de protection et des protecteurs d’oreilles, il transportait des outils de base, des vêtements d’hiver supplémentaires et une trousse d’urgence. Lors de ses voyages dans le Nord, il lui arrivait aussi d’emporter une réserve d’essence. Il emportait également des dossiers et un ordinateur portable. Il lui arrivait souvent de transporter des passagers.

 

[16]        Quand il se rendait en dehors de la ville pour le compte de Myrdan, de Trident ou de Total Energy, M. Halyk prenait part à des réunions de gestion, participait à des contrôles préalables, faisait des acquisitions, animait des séances de formation sur la sécurité ou réglait des questions commerciales ou financières relatives à des sociétés dans lesquelles Myrdan et Trident avaient investi de manière significative.

 

[17]        À l’aide du carnet de route qui a été produit sous la cote A-8, M. Halyk a produit un récapitulatif des endroits éloignés où il s’est rendu pendant l’année d’imposition 2007 de Myrdan. Ce carnet de route lui a servi de base et il a ensuite confirmé les entrées relatives à ses déplacements vers des endroits éloignés à l’aide de l’agenda dont il se servait au bureau de Total Energy et de son calendrier Microsoft Outlook, ainsi qu’en parlant à des personnes qui avaient été ses passagers lors de déplacements vers des endroits éloignés. Avant la présente instance, il n’était pas au courant de l’existence du concept d’endroit éloigné aux fins du calcul de l’impôt. En se fondant sur le récapitulatif qu’il a établi à partir de documents existants, il estime que 55 à 65 % des kilomètres qu’il a parcourus sont visés par la définition de déplacements vers des endroits éloignés du sous‑alinéa 248(1)d)(iii) de la Loi, compris dans la définition d’« automobile ». M. Halyk avait un groupe restreint de passagers qui l’accompagnaient pendant toute la durée de ses déplacements vers des endroits éloignés, même s’il arrivait que certains passagers montent ou descendent en chemin.

 

[18]        La preuve montre que les sociétés dont Trident détenait des titres versaient des honoraires de gestion à Trident, lesquels couvraient les frais engendrés par les déplacements que M. Halyk effectuait en vue de fournir des services aux entreprises pour le compte des sociétés du portefeuille. De manière indirecte, ces honoraires de gestion étaient transmis à Myrdan, en sa qualité de commanditaire à 50 % de Trident.

 

[19]        Lors de ses déplacements, M. Halyk agissait souvent pour le compte de plus d’une entité. Par exemple, il pouvait lui arriver de rendre visite à des succursales de Total Energy et à des sociétés du portefeuille de Myrdan et de Trident au cours d’un même voyage. Généralement, M. Halyk faisait l’attribution du coût du voyage en fonction de l’objectif principal du voyage, mais il essayait en chemin d’en faire le plus possible pour toutes les entreprises dans lesquelles il avait une participation.

 

[20]        En ce qui a trait aux dépens, les appelants ont présenté des éléments de preuve selon lesquels le vérificateur de l’Agence du revenu du Canada (l’ « ARC ») a omis d’examiner une boîte de documents que les appelants avaient préparée et laissée au bureau de M. Halyk et du comptable de Myrdan. Le vérificateur a établi un projet de nouvelle cotisation et a ensuite établi une nouvelle cotisation à l’égard des appelants sans examiner les documents que les appelants avaient préparés. Le fait que le vérificateur n’ait pas examiné les documents que les appelants avaient mis à sa disposition, y compris l’entente conclue entre Total Energy et Myrdan, n’est pas pertinent pour trancher la question qui se trouve au cœur du litige en l’espèce, à savoir l’utilisation du camion.

 

2.       Les questions en litige

 

[21]        La majorité des questions en litige qui ont été soulevées dans les actes de procédure ont été réglées dans le procès‑verbal de transaction. La question qui reste au cœur des présents appels porte sur l’utilisation du camion dont Myrdan était propriétaire et que M. Halyk conduisait. Une analyse relative à l’utilisation du camion permettra d’établir s’il s’agit d’une « automobile » au sens de la définition donnée au paragraphe 248(1) de la Loi et de déterminer quelle méthode devrait être employée pour calculer l’avantage à l’actionnaire ainsi conféré à M. Halyk. Si le camion n’était pas une automobile, le contribuable l’a à juste titre classé dans les immobilisations de catégorie 10. Si le camion était une automobile, la nouvelle cotisation que le ministre a établie en partant du principe que le camion était une « voiture de tourisme » relevant de la catégorie 10.1 est exacte. La définition de « voiture de tourisme » inclut les automobiles. Les appelants sont d’avis que le camion n’est pas une automobile, vu qu’il est visé par au moins une des deux exceptions prévues aux sous‑alinéas d)(ii) et (iii) de la définition d’« automobile » :

 

(ii)        les véhicules de type […] camionnette […] dont la totalité ou la presque totalité de l’utilisation […] est pour le transport de marchandises, de matériel ou de passagers en vue de gagner un revenu,

 

(iii)       les véhicules de type camionnette qui sont utilisés […] principalement pour le transport de marchandises, de matériel ou de passagers en vue de gagner un revenu à un ou plusieurs endroits au Canada qui sont, à la fois :

           

            […]

 

(B) situés à au moins 30 kilomètres du point le plus rapproché de la limite de la plus proche région urbaine, au sens du dernier dictionnaire du recensement publié par Statistique Canada avant l’année en question, qui compte une population d’au moins 40 000 personnes selon le dernier recensement publié par Statistique Canada avant cette même année.

 

[22]        L’intimée est d’avis que le camion n’est visé par aucune des deux exceptions susmentionnées.

 

[23]        En ce qui a trait à l’appel interjeté par M. Halyk, la question en litige est de savoir s’il a reçu un avantage imposable en application du paragraphe 15(1) de la Loi et, le cas échéant, quelle était la valeur de cet avantage. Si le camion était une automobile, la valeur de l’avantage à l’actionnaire est calculée en application du paragraphe 6(2) de la Loi. Si le camion n’était pas une automobile, la valeur de cet avantage doit être établie par d’autres moyens. Dans la nouvelle cotisation établie à l’égard de M. Halyk pour l’année d’imposition 2007, le ministre a calculé un avantage à l’actionnaire de 13 811 $ à l’égard des frais pour droit d’usage de la voiture de tourisme et 3 872 $ à l’égard des frais d’utilisation de la voiture de tourisme.

 

[24]        L’intimée a soulevé une question accessoire relative à l’admissibilité d’un document récapitulatif préparé par M. Halyk. L’objection reposait sur le fait que ce document récapitulatif ne figurait pas dans la liste de documents des appelants.

 

3.       Droit applicable et analyse

3.1     Question préliminaire : admissibilité du document récapitulatif

 

[25]        Le document préparé par M. Halyk est censé constituer le résumé des déplacements qu’il a effectués pour se rendre dans des endroits éloignés déjà consignés dans le carnet de route produit sous la cote A-8. L’intimée s’oppose à sa présentation au motif qu’il n’en a pas été fait mention dans la liste de documents et qu’il contient de nouvelles informations qui n’ont pas été consignées à l’époque des déplacements en cause. Les informations qui ont été ajoutées ont trait aux passagers que M. Halyk a transportés lors de ces déplacements vers des endroits éloignés.

 

[26]        L’intimée s’est fondée sur la décision Walsh c. La Reine pour écarter le document récapitulatif de la preuve, étant donné que, dans la décision Walsh, la juge Sheridan a conclu que « [r]ien ne justifiait que l’on s’écarte de la règle générale [article 89 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »)] selon laquelle les documents non mentionnés dans les actes de procédure ou dans la liste des documents d’une partie doivent être exclus de la preuve[1] ». Toutefois, cette décision montre que la Cour doit justifier toute décision d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour autoriser la production en preuve d’un document quand il n’en est pas fait mention dans les actes de procédure ou dans une liste de documents. L’appelant est d’avis qu’il est justifié d’exercer le pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 89 des Règles parce que le ministre a eu accès au document longtemps avant la tenue de l’audience. Il est également possible de vérifier le contenu du document récapitulatif en consultant le carnet de route original, qui a été rédigé au moment où les déplacements en cause ont été effectués. L’appelant se fonde sur la décision BG Excel Plumbing & Heating c. La Reine[2], dans laquelle la Cour a admis une reconstitution, vu que celle‑ci était fondée sur des dossiers préexistants ainsi que sur le témoignage de tierces parties.

 

[27]        La Cour a le pouvoir discrétionnaire, en vertu de l’article 89 des Règles, d’autoriser la production d’un document en preuve, et ce, même si ce document ne satisfait pas aux exigences établies par cet article. Le paragraphe 4(1) des Règles prévoit que les Règles doivent recevoir une interprétation large afin d’assurer la résolution équitable sur le fond de chaque instance de la façon la plus expéditive et la moins onéreuse. Je note que les appelants ont fourni le document récapitulatif à la Couronne en décembre 2011, soit 10 mois avant la tenue de l’audience. La Couronne n’a pas été prise au dépourvu à cet égard.

 

3.2     Le camion était‑il une automobile?

3.2.1  L’appelant transportait‑il des « marchandises » ou du « matériel » en vue de gagner un revenu?

 

[28]        L’intimée soutient que le fait que M. Halyk ait transporté du matériel dans le camion ne satisfait pas aux critères établis aux sous‑alinéas d)(ii) et (iii) de la définition d’« automobile » parce que le camion n’était pas utilisé pour le transport de matériel en vue de gagner un revenu. L’intimée s’appuie sur deux affaires qui ont été entendues sous le régime de la procédure informelle; dans un cas, le contribuable transportait des outils et du matériel en tout temps dans sa camionnette[3], et dans l’autre, des réserves d’huile[4]. Dans les deux cas, la Cour a conclu que les articles en cause n’avaient pas été transportés à quelque fin liée au gain d’un revenu.

 

[29]        La preuve montre que M. Halyk se servait du matériel en cause en l’espèce dans le contexte de ses tournées de formation sur la sécurité par exemple, et qu’il devait porter le matériel de protection individuelle pour avoir accès aux chantiers, en plus de quoi il devait servir d’exemple au personnel des diverses entreprises dans lesquelles Myrdan et Total avaient investi. Dans les situations susmentionnées, il a utilisé du matériel de sécurité dans l’intention manifeste de gagner un revenu. Ma conclusion à cet égard est conforme à la conclusion de la Cour dans la décision Pronovost c. La Reine[5] (qui a aussi été entendue sous le régime de la procédure informelle), dans laquelle du matériel tel que des outils et des trousses de premiers soins était conservé dans un camion en tout temps, mais était toujours considéré comme « transporté » pour l’application des exceptions prévues dans la définition d’« automobile ».

 

3.2.2  L’utilisation du camion par M. Halyk pour accomplir du travail auprès de toutes les entreprises auxquelles il a rendu visite peut‑elle être considérée comme une utilisation en vue de gagner un revenu pour le compte de Myrdan?

 

[30]        L’appelant prétend que, dans l’examen des critères visant à établir s’il faut exclure le camion de la définition d’« automobile », il faudrait considérer l’utilisation du camion tant pour les besoins de Myrdan que pour ceux de Total Energy comme une utilisation en vue de gagner un revenu, et ce, en raison de l’entente conclue entre Myrdan et Total Energy selon laquelle Myrdan fournit un véhicule à M. Halyk pour qu’il s’en serve dans l’exercice de ses fonctions auprès de Total Energy.

 

[31]        L’intimée fait valoir que les critères visant à établir si un véhicule a été utilisé pour gagner un revenu ne peuvent s’appliquer qu’au revenu gagné pour le compte du propriétaire du véhicule, c’est‑à‑dire Myrdan. Par conséquent, l’utilisation que M. Halyk a faite du camion pour le compte d’autres entreprises dont Myrdan et Total Energy sont propriétaires ne devrait pas être prise en considération lors de l’examen des critères d’utilisation prévus aux sous‑alinéas (ii) et (iii), vu que le lien avec le revenu gagné par Myrdan est trop ténu.

 

[32]        En ce qui a trait aux visites aux succursales de Total Energy, l’appelant a fait référence à l’entente de service conclue entre Myrdan et Total Energy pour montrer que Myrdan a gagné un revenu en facturant à Total Energy des honoraires pour les services de gestion de M. Halyk, qui incluaient un montant pour l’utilisation du camion. Ainsi, le travail accompli aux succursales de Total Energy visait clairement à gagner un revenu pour le compte de Myrdan. En outre, les sociétés du portefeuille de Trident versaient des honoraires de gestion à la société en commandite, lesquels étaient ensuite retransmis à Myrdan en tant que propriétaire à 50 % de Trident.

 

[33]        L’intimée a également soutenu qu’il ne fallait pas tenir compte de tous les kilomètres parcourus pour le compte de la FIPAC, étant donné que l’utilisation du camion à cette fin ne visait pas à gagner un revenu. Je conviens du fait que ces déplacements ne satisfont pas à l’exigence exprimée par le terme « principalement » qui s’applique aux endroits éloignés, étant donné qu’il s’agissait de déplacements entre Calgary et Edmonton. Cependant, les déplacements effectués pour la FIPAC incluaient le transport de passagers, et ils visaient à gagner un revenu en ce sens que la participation de M. Halyk à un comité gouvernemental était susceptible de donner une plus grande visibilité à ce dernier et, par extension, à Myrdan. En outre, Myrdan elle‑même recevait une compensation (par le truchement de M. Halyk) pour l’utilisation qui était faite du camion lors de ces déplacements.

 

[34]        L’intimée s’appuie sur la décision Lyncorp International Ltd. c. La Reine[6] pour soutenir qu’il ne faut pas tenir compte des kilomètres parcourus par M. Halyk pour rendre visite à la société Theo Halyk, filiale à 100 % de Myrdan. Dans la décision Lyncorp, la société qui avait interjeté appel s’est vu refuser la déduction des dépenses engagées par son propriétaire au titre des déplacements effectués pour rendre visite à des entreprises dans lesquelles Lyncorp avait investi. Lyncorp payait les dépenses générées par les déplacements que son propriétaire effectuait en vue d’offrir gracieusement des services de soutien aux entreprises. Dans la décision Lyncorp, la Cour a conclu que le lien avec le revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien était trop ténu, étant donné que Lyncorp ne tirerait profit de ces dépenses que sous la forme d’un revenu de dividendes futur généré par ses investissements dans les entreprises commerciales, si ceux-ci devaient s’avérer rentables.

 

[35]        La position adoptée par l’intimée à l’égard des déplacements liés à des visites à la société Theo Halyk contredit la position adoptée par l’ARC à l’égard du sous‑alinéa 20(1)c) de la Loi, qui énonce l’exigence à satisfaire pour pouvoir déduire des intérêts sur de l’argent emprunté. La disposition prévoit que, pour que l’intérêt soit déductible, l’argent emprunté doit être utilisé pour tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien. L’ARC accepte néanmoins que l’intérêt sur l’argent emprunté qui a été utilisé pour consentir un prêt sans intérêt soit déductible dans le contexte suivant :

 

25. Les frais d’intérêt sur l’argent emprunté et utilisé pour faire un prêt sans intérêt n[e sont] généralement pas déductible[s], étant donné que l’emprunt est utilisé directement pour acquérir un bien qui ne peut pas générer de revenus. Toutefois, lorsqu’on peut démontrer que l’utilisation directe peut avoir néanmoins une incidence sur la capacité du contribuable de gagner un revenu, l’intérêt pourrait être déductible. Ce fut le cas dans l’affaire Canadian Helicopters, où le tribunal a conclu que le contribuable avait une attente raisonnable de revenu découlant de l’utilisation indirecte de l’argent emprunté et directement utilisé pour consentir un prêt sans intérêt. L’intérêt est généralement déductible lorsque l’argent emprunté est utilisé pour consentir un prêt sans intérêt à une filiale à cent pour cent (ou, dans le cas de nombreux actionnaires, lorsque les actionnaires consentent un prêt sans intérêt en fonction du nombre d’actions détenues) et que le produit a une incidence sur la capacité de la société de gagner un revenu, augmentant ainsi les dividendes pouvant être versés. Ces observations s’appliquent également à l’intérêt sur l’argent emprunté et utilisé pour effectuer un apport de capital dans une société dont l’emprunteur est actionnaire (ou dans une société de personnes dont l’emprunteur est un associé). L’intérêt peut également être déductible dans d’autres cas où l’argent emprunté est utilisé pour consentir des prêts sans intérêt; selon les circonstances particulières d’une situation donnée[7].

                                                                        [Non souligné dans l’original.]

 

Il est raisonnable de conclure que le service que M. Halyk a fourni à la société Theo Halyk a amélioré la capacité de cette dernière de verser des dividendes à Myrdan. En outre, la décision Lyncorp se distingue de l’espèce eu égard au fait que Lyncorp n’était propriétaire à 100 % d’aucune de ses filiales.

 

[36]        M. Halyk a également déclaré qu’au cours de son déplacement du 29 décembre 2006 pour se rendre au bureau de la société Theo Halyk à Foam Lake, il avait également fait un arrêt à Milligan[8]. Milligan était une société du portefeuille de Myrdan et de Trident. La preuve montre que Milligan payait des honoraires de gestion. Ainsi, les kilomètres parcourus pour se rendre à Foam Lake, y compris les kilomètres qui auraient pu être parcourus pour rendre visite à la société Theo Halyk, peuvent raisonnablement être visés par les critères exprimés par les expressions « la totalité ou la presque totalité » et « utilisés […] principalement » comprises dans l’énoncé des exceptions prévues dans la définition d’« automobile » au paragraphe 248(1) de la Loi.

 

3.2.3    Combien de kilomètres M. Halyk a-t-il parcourus à des fins personnelles?

 

[37]        Lorsqu’il a établi une nouvelle cotisation à l’égard de M. Halyk, le ministre s’est fondé sur l’hypothèse selon laquelle, pendant l’année civile 2007, M. Halyk avait parcouru 17 599 km dans le camion à des fins personnelles. Il n’est pas fait état d’un tel chiffre dans la nouvelle cotisation établie à l’égard de Myrdan pour l’année d’imposition qui s’est terminée le 31 octobre 2007.

 

[38]        Sur la foi du témoignage de M. Halyk, je conclus qu’il a utilisé le camion à des fins personnelles pour parcourir environ 4 320 km pendant l’année d’imposition de Myrdan qui s’est terminée le 31 octobre 2007. Cette estimation est fondée sur les trois déplacements hebdomadaires que M. Halyk effectuait entre son domicile et le bureau de Total Energy, lesquels se trouvaient à une distance de 16 km l’un de l’autre, ce qui correspondait à une distance aller-retour de 32 km pour chaque déplacement, soit à 96 km par semaine. La preuve montre que, pour 45 semaines sur 52, M. Halyk se trouvait à Calgary pour effectuer ces déplacements entre son domicile et le bureau de Total Energy, de telle sorte que ces déplacements correspondent à un total d’environ 4 320 km pour une année. Sur le total de 28 456 km parcourus dans le camion pendant l’année d’imposition 2007 de Myrdan, 4 320 km représentent environ 15 % des kilomètres parcourus entre le domicile de M. Halyk et le bureau de Total Energy.

 

3.2.4    Le critère de « la totalité ou la presque totalité » : l’utilisation pour le transport de marchandises, de matériel ou de passagers en vue de gagner un revenu

 

 

[39]        Dans la décision Pronovost, le juge en chef adjoint Bowman (tel était alors sont titre) a formulé l’observation suivante :

 

La règle des 90 p. 100 utilisée par l’ADRC n’a aucun fondement législatif, bien qu’il se peut qu’un certain critère rigide doive être appliqué par l’administration. Cela ne signifie pas que la Cour doive la respecter[9]. […]

 

[40]        Dans la décision 547931 Alberta, le juge Bowie a adopté un point de vue similaire :

 

[…] si le législateur avait voulu que la règle des 90 p. 100 soit utilisée, ou tout autre pourcentage déterminé, il l’aurait dit dans la loi au lieu d’utiliser ce qui est de toute évidence, comme l’a indiqué le juge Bowman dans l’affaire Ruhl c. La Reine, des termes qui « se prêtent à diverses interprétations[10] ». […]

 

[41]        Dans la décision Ruhl c. Canada, le juge Bowman (tel était alors son titre) a examiné la souplesse dont les tribunaux peuvent faire preuve dans l’interprétation de termes tels que « principalement » et « presque totalité » :

 

Les mots « la totalité, ou presque » se prêtent à diverses interprétations. On a dit qu’ils ne rendaient pas très bien l’idée d’une proportion du total susceptible d’être déterminée. Il n’est pas nécessaire de leur accoler un pourcentage ou un chiffre absolus[11].

 

[42]        Compte tenu de ce qui précède, les appelants ont démontré qu’ils avaient satisfait au critère de « la totalité ou la presque totalité » prévu au sous‑alinéa d)(ii) de la définition d’« automobile », au paragraphe 248(1) de la Loi.

 

3.2.5  Le critère du véhicule « utilisé […] principalement » : l’utilisation pour le transport de marchandises, de matériel ou de passagers en vue de gagner un revenu dans des endroits éloignés

 

[43]        Les appelants ont également démontré que l’utilisation du camion était visée par le sous‑alinéa 248(1)d)(iii) de la définition, qui exige que le véhicule soit utilisé principalement en vue de gagner un revenu dans des endroits éloignés. L’intimée a prétendu que « principalement » correspondait à une norme d’au moins 50 %; toutefois, cette norme, tout comme la norme de « la totalité ou la presque totalité » est souple.

 

[44]        L’estimation de l’appelant, qui est fondée sur le tableau récapitulatif qu’il a lui‑même dressé, est que, sur les 28 456 km qu’il a parcourus dans le camion, il a parcouru 15 407 km pour des déplacements vers des endroits éloignés qui répondent à la description donnée au sous‑alinéa (iii). En outre, M. Halyk a déclaré que 55 % à 65 % des kilomètres parcourus dans le camion l’ont été pour se rendre à des endroits éloignés. L’avocat de l’intimée a souligné le fait que le carnet de route ne suffisait pas en soi à prouver que l’appelant avait satisfait à la norme établie. Même s’il est vrai que le carnet qui a été rempli au moment des déplacements ne précise que le kilométrage dont l’odomètre du camion faisait état à des points donnés de ravitaillement en essence, il fait mention d’endroits éloignés précis, tels que Foam Lake, Lloydminster et Estevan. Ces éléments corroborent le témoignage oral de M. Halyk.

 

[45]        L’intimée soutient que le critère des 50 % n’a pas été rempli pour les endroits éloignés si le paramètre est le nombre de jours consacrés à des déplacements vers des endroits éloignés, par opposition aux kilomètres parcourus. Cette observation est fondée sur un commentaire formulé dans la décision Pronovost, soulignant que la règle des 90 % du ministre (pour le critère de « la totalité ou la presque totalité ») ne précise pas de paramètre (par exemple en kilomètres ou en temps) et que l’application d’un tel « critère rigide » n’a aucun fondement législatif et ne lie pas la Cour[12]. Le type de véhicule acheté (un véhicule qui puisse rouler hors route) et le matériel et les matériaux transportés dans le camion (le matériel d’urgence et la réserve d’essence) donnent à entendre que l’utilisation prévue, et l’utilisation réelle visaient principalement des déplacements vers des endroits éloignés.

 

[46]        L’intimée soutient que le temps passé pour se rendre à Nisku, ou les kilomètres parcourus à cette fin, ne devraient pas être inclus dans le calcul des déplacements dans des endroits éloignés, vu qu’Edmonton et Nisku sont pratiquement voisines. Nisku ne se trouve pas à 30 km ou plus d’Edmonton, qui compte une importante population. Nisku ne satisfait pas au critère des 30 kilomètres du sous‑alinéa (iii). Cependant, je note que M. Halyk n’a pas tenu compte de Nisku en tant que destination dans le tableau récapitulatif de ses déplacements dans des endroits éloignés. Il n’en est fait mention que comme d’un arrêt en cours de route alors qu’il se rendait à Foam Lake, de telle sorte que le fait d’être passé par Nisku ne devrait pas réduire le nombre de kilomètres parcourus pour se rendre à Foam Lake.

 

[47]        L’intimée prétend que, si on traverse une « agglomération urbaine » (comptant une population d’au moins 40 000 habitants) en se rendant à un endroit éloigné, les kilomètres qui séparent cette agglomération urbaine d’une autre devraient être exclus pour l’application du critère prévu au sous‑alinéa (iii). Par exemple, un déplacement effectué du 16 au 21 mars 2007 a amené l’appelant à se rendre à Foam Lake, à Weyburn, à Lampman et à Regina. L’intimée fait valoir que tout déplacement entre Regina et une autre agglomération urbaine (ce qui pourrait faire référence à Edmonton, à Calgary ou à Saskatoon) devrait être exclu du calcul dans lequel la notion de « principalement » entrerait en ligne de compte.

 

[48]        L’avocat des appelants a à juste titre remarqué que le libellé du sous‑alinéa (iii) n’allait pas dans le sens de cette interprétation. Si M. Halyk se rendait d’Edmonton à Estevan pour son travail, le fait de prendre ou de déposer des passagers à Regina en chemin ne faisait pas en sorte que les kilomètres parcourus entre Edmonton et Regina devaient être exclus. Le déplacement vers la destination finale, Estevan, est visé par la définition du sous‑alinéa (iii). Edmonton et Regina n’étaient que des haltes sur le chemin d’endroits éloignés où le travail était effectué.

 

[49]        L’intimée soutient que deux autres déplacements mentionnés dans le tableau récapitulatif de M. Halyk devraient être exclus du calcul prévu au sous‑alinéa (iii), vu qu’aucun passager ni matériel n’a été transporté dans le camion. Plus précisément, il s’agit de déplacements à Rocky Mountain House du 22 au 26 janvier 2007 (410 km) et à Lloydminster et à Estevan du 5 au 10 septembre 2007 (2 630 km). Il est vrai qu’il n’est pas fait mention de passagers dans le tableau récapitulatif. Toutefois, comme il a été mentionné précédemment, la preuve montre que M. Halyk a en tout temps transporté du matériel en vue de gagner un revenu.

 

4.1            L’avantage conféré à M. Halyk

 

[50]        Vu que le camion n’est pas une automobile, les dispositions de la Loi portant sur l’avantage relatif à l’utilisation d’une automobile, soit le paragraphe 15(5), l’alinéa 6(1)e), le paragraphe 6(2) et l’alinéa 6(1)k), ne s’appliquent pas.

 

[51]        L’intimée n’a proposé aucune méthode de calcul de l’avantage à l’actionnaire conféré à M. Halyk dans le cas où, comme je l’ai conclu, le camion ne serait pas une automobile. Les appelants sont d’avis que la Cour devrait s’appuyer sur la méthode proposée dans la décision McHugh (B.J.) c. Canada[13]. Quand l’utilisation d’un bien à des fins personnelles est liée à l’utilisation commerciale qui a motivé l’acquisition du bien, la décision McHugh suggère d’adopter une méthode d’évaluation fondée sur la « juste valeur locative » de l’utilisation faite par l’actionnaire du bien dont la société est propriétaire.

 

[52]        La décision McHugh ne prescrit pas de méthode pour définir la juste valeur locative d’un véhicule qui serait fondée sur la véritable utilisation qui en est faite. En l’absence de renseignements sur le marché relatifs à la juste valeur locative d’un camion tel que celui que l’appelant conduit, il semble raisonnable d’appliquer le taux d’imposition prévu par la loi pour calculer l’avantage conféré à un employé au titre de l’utilisation d’un véhicule de tourisme à des fins personnelles. Si on applique le taux de 22 % aux 4 320 km parcourus à des fins personnelles, l’avantage conféré à l’actionnaire s’élève à 950,40 $.

 

5. Conclusion

 

[53]        Pour l’ensemble des motifs susmentionnés et compte tenu du procès‑verbal de transaction signé par les parties et déposé à l’audience, les appels sont accueillis et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu des éléments suivants :

 

L’année d’imposition de Myrdan qui s’est terminée le 31 octobre 2006

1.       Myrdan n’était pas une entreprise de prestation de services personnels.

2.        Le revenu gagné par Myrdan au titre de la fourniture de services à Total Energy était un revenu tiré d’une entreprise exploitée activement.

3.        Myrdan a le droit de déduire des frais de publicité supplémentaires de 4 097 $.

4.        Myrdan a le droit de déduire des frais d’assurance supplémentaires de 746 $.

5.        Myrdan a le droit de déduire des frais de réparation et d’entretien supplémentaires de 1 147 $.

6.        Myrdan a le droit de déduire des frais de déplacement supplémentaires de 3 217 $.

7.        Myrdan n’a pas le droit de déduire d’autres frais supplémentaires que ceux qui sont mentionnés ci‑dessus.

 

L’année d’imposition de Myrdan qui s’est terminée le 31 octobre 2007

1.           Myrdan n’était pas une entreprise de prestation de services personnels.

2.           Le revenu gagné par Myrdan au titre de la fourniture de services à Total Energy était un revenu tiré d’une entreprise exploitée activement.

3.           Myrdan a le droit de déduire des frais de publicité supplémentaires de 4 676 $.

4.           Myrdan a le droit de déduire des frais d’assurance supplémentaires de 1 044 $.

5.           Myrdan a le droit de déduire des frais de réparation et d’entretien supplémentaires de 1 406 $.

6.           Myrdan a le droit de déduire des frais de déplacement supplémentaires de 3 978 $.

7.           La DPA (déduction pour amortissement) de 12 000 $ calculée à l’égard de l’autocaravane demeurera inchangée.

8.           La camionnette de Myrdan fait partie du matériel automobile relevant de la catégorie 10 de l’annexe II du Règlement de l’impôt sur le revenu et n’est pas une voiture de tourisme relevant de la catégorie 10.1.

 

L’année d’imposition 2007 de M. Halyk

1.    L’avantage de 6 544 $ qui avait été inclus dans le revenu au titre de l’utilisation personnelle de l’autocaravane doit être déduit du revenu.

2.    Les frais d’utilisation de 1 785 $ calculés dans la cotisation à l’égard de l’autocaravane doivent être déduits du revenu.

3.    L’utilisation que M. Halyk a faite de la camionnette de Myrdan à des fins personnelles a donné lieu à un avantage imposable global de 950,54 $.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de janvier 2013.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de mai 2013.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 35

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :       2011-940(IT)G

                                                          2011-943(IT)G

 

INTITULÉS :                                    Myrdan Investments Inc. c. Sa Majesté la Reine

                                                          Daniel Halyk c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 11 octobre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Robert J. Hogan

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 31 janvier 2013

 

DATE DU JUGEMENT

MODIFIÉ :                                        Le 13 février 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Me Curtis R. Stewart

Me Lisa Handfield

Avocat de l’intimée :

Me Robert Neilson

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

               Nom :                                 Curtis R. Stewart

                                                          Lisa Handfield

 

               Cabinet :                            Heddema & Partners LLP

                                                          Calgary (Alberta)

 

Pour l’intimée :                                 William F. Pentney

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] Walsh c. La Reine, 2009 CCI 557, 2009 DTC 1372, au paragraphe 25.

[2] BG Excel Plumbing & Heating c. La Reine, 2006 CCI 252, [2006] G.S.T.C. 65, au paragraphe 6.

[3] Myshak c. Canada, [1997] G.S.T.C. 59, 5 G.T.C. 1147, notamment les paragraphes 13, 17 et 18.

[4] 547931 Alberta Ltd. c. La Reine, 2003 CCI 170, [2003] G.S.T.C. 68, notamment aux paragraphes 7, 13 et 15.

[5] Pronovost c. La Reine, 2003 CCI 139, 2003 DTC 720, aux paragraphes 6 et 21.

[6] Lyncorp International Ltd. c. La Reine, 2010 CCI 532, 2010 DTC 1351; confirmée par 2011 CAF 352, 2012 DTC 5032.

[7] Bulletin d’interprétation IT‑533, Déductibilité de l’intérêt et questions connexes.

[8] Transcription, page 81.

[9] Pronovost, précité (note 5), au paragraphe 20.

[10] 547931 Alberta Ltd., précité (note 4), au paragraphe 7.

[11] Ruhl c. Canada., [1998] G.S.T.C. 4, à la page 4-3.

[12] Pronovost, précitée (note 5), au paragraphe 20.

[13] McHugh (B.J.) c. Canada, [1995] 1 C.T.C. 2652 aux pages 2665 à 2666

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