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Dossier : 2017-1650(AE)

ENTRE :

GURMIT SINGH SIDHU,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 12 octobre 2017, à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : L’honorable juge B. Russell


Comparutions :

Représentant de l’appelant :

Daljit Dhanoa

Avocate de l’intimé :

Me Shannon Fenrich

 

JUGEMENT

  La décision du ministre du Revenu national, en date du 11 janvier 2017, est modifiée en y ajoutant que l’appelant a aussi effectué 98 heures d’emploi assurable pour Global Shake and Shingle Ltd. (GSS) en mars 2011 et 56 heures d’emploi assurable pour GSS durant la période du 8 au 21 mai 2011.

Signé à Toronto (Ontario), ce 31e jour de mai 2018.

« B. Russell »

Le juge Russell


Référence : 2018 CCI 101

Date : 20180531

Dossier : 2017-1650(AE)

ENTRE :

GURMIT SINGH SIDHU,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Russell

Introduction :

[1]  Voici les motifs du jugement rendu dans l’appel interjeté par l’appelant aux termes du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (LAE) du Canada. L’appel porte sur une décision rendue par l’intimé le 11 janvier 2017 en application du paragraphe 93(3) de la LAE, décision confirmant la décision rendue le 30 mars 2015 par un agent autorisé du programme des décisions RPC/AE à l’égard de l’appelant.

Contexte :

[2]  La décision, rendue en application du paragraphe 90(3) de la LAE, était que l’appelant avait occupé un emploi assurable auprès de la société Global Shake and Shingle Ltd. (GSS) durant la période du 14 février 2011 au 27 février 2011, mais qu’il n’avait pas continué d’occuper un emploi auprès de GSS durant la période du 28 février 2011 au 20 mai 2011 (période suivante). Le lieu de travail de GSS était une scierie de bardeaux à Maple Ridge, Colombie-Britannique, ou aux alentours.

[3]  L’expression « emploi assurable » est définie à l’alinéa 5(1)a) de la LAE comme comprenant :

l’emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne [...]

[4]  Les alinéas 103(3)a) et d) de la LAE autorisent la Cour à trancher un appel d’une décision du ministre rendue dans le cadre d’un appel aux termes de l’article 91 d’une décision, comme c’est le cas en l’espèce, en annulant, en confirmant ou en modifiant la décision du ministre, avec des motifs que la Cour n’est pas tenue d’exposer par écrit.

Acte de procédure

[5]  Dans son bref avis d’appel, l’appelant indique que durant la période suivante, il a travaillé chez GSS comme employé et a été payé sur une base régulière, qu’il ne recevait pas de participation aux bénéfices de GSS et qu’il travaillait comme journalier.

[6]  Au paragraphe 7 de sa réponse modifiée, l’appelant fait valoir que le ministre, dans sa décision, s’appuie sur certaines « hypothèses de fait » dont il donne la liste, incluant notamment :

a)  la scierie GSS (le payeur) de Maple Ridge a fermé le 22 avril 2011 pour rouvrir à la mi-septembre 2011;

b)  entre le 23 avril 2011 et le 20 mai 2011, aucun travail n’a été effectué à la scierie;

c)  Ravinder Dhaliwal était l’épouse de l’actionnaire à 100 % de GSS, elle dirigeait les opérations quotidiennes de la scierie et prenait les décisions d’affaires pour GSS, et elle n’a pas travaillé entre le 11 avril et le 25 septembre 2011, et personne n’a été embauché ou désigné pour la remplacer durant cette période;

d)  un rapport d’inspection du gouvernement daté du 4 juillet 2011 pour une inspection de la scierie GSS effectuée à cette date indique que la scierie n’était pas en opération;

e)  l’appelant travaillait comme emballeur de bardeaux pour GSS (séparant les bardeaux selon leur qualité et leur taille et les emballant par paquets) et qu’il n’a effectué aucun autre travail à la scierie. Il n’a effectué aucun travail n’apparaissant pas dans les courriels de paie envoyés par GSS à son comptable et indiquant le nombre d’heures de travail effectué par chaque travailleur et le salaire à verser. Ces communications se faisaient uniquement par courriel;

f)  les courriels de paie montrent les heures et les gains bruts de l’appelant comme suit :

  (i)  du 14 au 27 février 2011 : 20,5 heures et salaire brut de 256,25 $;

  (ii)  du 8 au 21 mai 2011 : 56,0 heures et salaire brut de 700,00 $;

g)  le chèque no 364 de GSS daté du 31 mars 2011, de 1 223,65 $, fait à l’ordre de l’appelant et encaissé le 1er avril 2011, n’était pas pour du travail effectué, et le chèque no 428 de GSS daté du 27 mai 2011, de 627,49 $, fait à l’ordre de l’appelant et encaissé le 30 mai 2011, était un paiement pour des gains particuliers et non un paiement pour du travail effectué;

h)  l’appelant n’a pas travaillé après le 27 février 2011;

i)  GSS n’a pas produite de Relevé d’emploi (RE) lorsque l’appelant a fait une demande de prestations d’Assurance-emploi le 21 février 2011, et l’appelant n’était pas admissible à des prestations à ce moment en raison d’un nombre d’heures insuffisant;

j)  Le 30 mai 2011, l’appelant a présenté une nouvelle demande de prestations d’AE en indiquant avoir travaillé pour GSS du 14 février 2011 au 20 mai 2011, et GSS a remis à l’appelant un RE pour cette même période.

[7]  En outre, le paragraphe 8 de la réponse modifiée plaide les [traduction] « faits substantiels additionnels » suivants :

a)  GSS a été impliquée dans un stratagème frauduleux dans lequel elle émettait de faux RE indiquant qu’il y avait une pénurie de travail;

b)  la déclaration de GSS selon laquelle il y avait une pénurie de travail était fausse;

c)  lorsqu’un travailleur avait été mis à pied, GSS le remplaçait par un nouveau travailleur;

d)  à tout moment, les deux tiers de l’effectif de GSS recevaient des prestations d’AE;

e)  les salaires versés par GSS étaient inférieurs à la norme de l’industrie, pour tenir compte du fait que les travailleurs pouvaient établir leur admissibilité et recevoir des prestations d’AE.

[8]  Les allégations du paragraphe 8 sont de nouvelles allégations, qui n’avaient apparemment pas été présentées lorsque le ministre intimé a porté en appel le jugement maintenant la décision.

[9]  Dans le cadre de cet appel, une audience a été tenue au cours de laquelle la preuve présentée par les deux parties, y compris à l’égard de faits nouveaux, était potentiellement admissible.

[10]  La réponse modifiée se termine par l’affirmation que l’appelant n’était pas un employé de GSS durant la période suivante et qu’il n’occupait donc pas un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la LAE.

[11]  La Cour d’appel fédérale (CAF) a déclaré, à l’égard d’un appel de cette nature aux termes de la LAE devant la Cour, que le rôle du juge « ...consiste à vérifier l’existence et l’exactitude de l’ensemble des faits ainsi que l’appréciation que le ministre en a fait et, au terme de cet exercice, à décider si la décision du ministre paraît toujours raisonnable. » En outre, « Il n’existe aucune manière préétablie d’appliquer les facteurs pertinents et leur importance dépendra des circonstances et des faits particuliers de l’affaire ». Équipe de ski capitale nationale outaouais c. Canada (Revenu national), 2008 CAF 132, au paragraphe 11.)

[12]  De même, dans l’arrêt Sa Majesté c. Georges Laganière, 2004 CAF 68, au paragraphe 14, la CAF déclare que la Cour, pour établir le caractère raisonnable de la décision du ministre,

[...]doit accorder une certaine déférence au ministre en ce qui a trait à l’appréciation initiale de ce dernier et il ne peut pas, purement et simplement, en l’absence de faits nouveaux ou d’une preuve que les faits connus ont été mal perçus ou appréciés, substituer sa propre opinion à celle du ministre.

La preuve :

A. Le témoignage de l’appelant

[13]  L’appelant a témoigné par l’intermédiaire d’un interprète punjabi. Dans sa demande de prestations d’assurance-emploi, il a indiqué avoir un niveau de base d’instruction. Son témoignage a été entièrement livré de vive voix; il n’a pas demandé à déposer de documents en preuve.

[14]  Il a témoigné avoir travaillé comme emballeur de bardeaux dans deux scieries de Maple Ridge entre le 14 février 2011 et le 20 mai 2011. Il s’agissait de la scierie GSS et de la scierie de Maple Ridge Red Cedar Products (MRRCP), parfois appelée la « scierie Fraser ». L’appelant savait que les propriétaires des deux scieries étaient des amis. Il a témoigné qu’il emballait des bardeaux dans les deux scieries et qu’il y faisait aussi parfois du nettoyage et d’autres travaux. Il a déclaré qu’on l’envoyait d’une scierie à l’autre, puisqu’elles se trouvaient relativement près l’une de l’autre. Il lui a été suggéré que la scierie GSS avait fermé le ou vers le 20 avril 2011. Lorsqu’on lui a demandé s’il y avait travaillé entre le 22 avril et le 20 mai, il a déclaré qu’il ne se souvenait pas des dates où il se trouvait dans l’un ou l’autre des établissements.

[15]  En contre-interrogatoire, l’appelant a déclaré qu’au moment où il a été embauché à la scierie GSS au début de février 2011, il s’attendait à travailler 40 heures par semaine, pendant une période continue. Il sait qu’il a commencé à y travailler le 14 février 2011, mais ne se souvient pas à quel moment il a ensuite appris qu’il n’aurait plus de travail à cet endroit. Il se peut qu’il ait présenté une demande de prestations d’AE le 22 février 2011, mais il ne s’en souvient pas. Il ne se souvient pas s’il y avait une pénurie de travail à cet endroit après le 14 février. Il lui a été suggéré qu’il n’était payé que 12,50 $ l’heure et il a dit qu’il pensait bien que c’était cela. Il emballait des bardeaux huit heures par jour, et il lui arrivait de rester plus longtemps si nécessaire. Il ne se souvient pas combien de fois il est resté plus longtemps. Il ne se souvient pas du dernier jour durant lequel il a travaillé en février. Il ne se souvient pas si les heures pour lesquelles il a présenté une demande en février étaient pour une semaine ou deux.

[16]  Il ne sait pas si le 7 février 2011, indiqué comme première journée de travail à la scierie GSS dans la demande de prestations d’AE (page 8, pièce R-1), est une erreur; il dit être d’accord avec ce qui est inscrit sur la demande (7 février 2011).

[17]  Après sa dernière journée de travail chez GSS, en raison d’une pénurie de travail, il a commencé à travailler chez MRRCP, où il changeait des étiquettes et réemballait les produits. Il ne sait pas si son emploi chez MRRCP était inclus dans sa demande d’AE. Il recevait parfois un chèque de paie de GSS et parfois de MRRCP.

[18]  On a montré à l’appelant une lettre datée du 21 mars 2011 qui lui avait été envoyée par Ressources humaines et Développement des compétences Canada, l’avisant qu’il n’avait pas travaillé un nombre d’heures assurables suffisant entre le 21 février 2010 et le 19 février 2011 pour être admissible aux prestations d’EA (464 heures, alors qu’il en aurait fallu 560). Il ne se souvient pas de cette lettre, mais se souvient d’avoir su à un certain moment qu’il n’avait pas suffisamment d’heures pour avoir droit aux prestations d’AE. Il savait au moment où le travail a pris fin pour lui dans une autre scierie qu’il n’avait pas suffisamment d’heures, c’est pourquoi il est allé travailler à la scierie GSS.

[19]  On a montré à l’appelant la pièce R-3, qui une copie des deux côtés de trois chèques de GSS faits à son ordre. Le premier chèque, de 245,67 $, était daté du 3 mars 2011. L’appelant croit que ce chèque était pour le travail fait du 14 au 22 février 2011. On lui a demandé s’il avait travaillé 21 heures à la scierie GSS entre le 14 et le 27 février. Il a répondu que c’était possible, et peut-être plus. Il a finalement convenu que le paiement pour 21 heures était exact.

[20]  On lui a demandé à quel moment il avait commencé à travailler à la scierie GSS en mars, compte tenu du chèque de 1 223,65 $ que GSS lui avait fait le 31 mars 2011. L’appelant a répondu qu’il ne se souvenait pas de la date exacte, mais qu’il y était certainement. Il a dit qu’il travaillait cinq jours par semaine et parfois aussi le samedi. Il ne se souvient pas de ses dates de travail en mars. On lui a demandé s’il avait quitté GSS à la fin de février 2011 en raison d’une pénurie de travail pour y revenir déjà en mars 2011. Est-ce qu’il reconnaît que la scierie GSS a fermé le 23 avril 2011? Il a répondu que cela remontait à longtemps et qu’il ne s’en souvenait pas. Il a dit que si la scierie GSS était fermée, il aurait travaillé à la scierie MRRCP.

[21]  Quand on lui a demandé s’il avait présenté une nouvelle demande de prestations d’AE en mai 2011, sa réponse a été [traduction] « Peut-être, cela fait tellement longtemps. » Il a dit qu’il avait été à la scierie MRRCP durant toute l’année 2011 lorsqu’il n’était pas à la scierie GSS.

B. Témoignage de Mme Zubrinic

[22]  L’intimé a appelé comme témoin Mme J. Zubrinic, de Service Canada. Elle a témoigné avoir mené une enquête lorsque des RE de MRRCP ont commencé à être émis pour des employés de GSS. Elle a déclaré que Service Canada émet les RE aux employeurs et fait le suivi du numéro de série de chaque RE émis. Elle a témoigné qu’un oncle et son neveu étaient respectivement propriétaires de MRRCP et de GSS. Ils partagent également le même commis à la paie.

[23]  L’enquête de Mme Zubrinic sur MRRCP a été interrompue afin qu’elle puisse faire enquête sur GSS, une entreprise plus importante. Son enquête sur GSS a révélé que les deux tiers des employés de GSS avaient été mis à pied, et que c’était plus que le nombre requis pour exploiter la scierie. Elle a témoigné que le problème tenait au fait que des RE étaient émis en raison d’une pénurie de travail et que de nouveaux employés étaient ensuite embauchés. Elle a indiqué que cette pratique avait une incidence sur les droits aux prestations d’AE. Ceci explique probablement, a-t-elle dit, pourquoi GSS payait ses employés sous le taux du marché. Elle n’a jamais relancé l’enquête sur MRRCP puisque cette scierie a brûlé en octobre 2014, avec tous ses dossiers, croit-elle. Elle a témoigné que les employeurs ne pouvaient remplir et émettre pour leurs employés que les formulaires de RE qui leur avaient été fournis par Service Canada; ils ne peuvent pas remplir et émettre des formulaires de RE fournis par Service Canada (présumément au nom de la Commission de l’assurance-emploi du Canada) à un autre employeur.

[24]  Elle a reconnu la demande de prestations d’AE du 22 février 2011 de l’appelant, qui indique un emploi assurable auprès de GSS pour la période du 7 au 11 février 2011 (pièce R-1). Elle a également reconnu la lettre du 21 mars 2011 de Service Canada à l’appelant, avisant ce dernier qu’il lui manquait des heures assurables pour la période d’un an ayant débuté le 21 février 2010 (pièce R-2).

[25]  Mme Zubrinic a reconnu le groupe de photocopies mentionné ci-dessus représentant le recto et le verso de chacun des trois chèques de GSS faits à l’ordre de l’appelant. Le chèque no 364 du 3 mars 2011 était de 245,67 $, le chèque no 428 du 31 mars 2011 était de 1 223,65 $ et le chèque du 27 mai 2011 était de 627,49 $. L’endos des chèques montre que chacun d’eux a été encaissé. Le chèque du 3 mars 2011 a été accepté par Mme Zubrinic comme paiement pour le travail de l’appelant chez GSS du 14 au 27 février 2011.

[26]  Elle a reconnu un RE émis par GSS concernant l’appelant et reçu le 30 mai 2011 (pièce R-5), indiquant que ce dernier avait travaillé pour GSS du 14 février 2011 au 20 mai 2011, au taux horaire de 15,82 $. Elle a également reconnu une demande de prestations d’AE de l’appelant reçue le 30 mai 2011, indiquant qu’il avait travaillé chez GSS du 14 février 2011 au 20 mai 2011. Elle a déclaré qu’il n’y avait aucune mention dans cette demande de travail effectué chez MRRCP. Enfin, elle a reconnu un RE déposé par MRRCP pour l’appelant et émis le 26 novembre 2012, pour du travail entre le 11 avril 2010 et le 16 novembre 2012, totalisant 1 202 heures assurables et des gains assurables de 9 263,15 $ (pièce R-7).

[27]  En contre-interrogatoire, elle a témoigné que la scierie GSS avait été en exploitation en 2011 jusqu’à sa fermeture le ou vers le 22 avril 2011, que l’exploitation avait repris en septembre 2011 et que la scierie avait ensuite fermé définitivement ses portes en décembre 2011 ou peut-être au début de janvier 2012.

[28]  La pièce R-5 est le RE susmentionné émis par GSS pour l’appelant le 27 mai 2011 et indiquant que l’appelant avait travaillé du 14 mars 2011 au 20 mai 2011. Mme Zubrinic a témoigné que ce RE portait un numéro de série attribué à MRRCP, indiquant qu’il ne s’agissait pas d’un formulaire de RE ayant été émis à GSS. Elle a témoigné que si ce RE reflétait du travail effectué pour le compte des deux scieries durant la période indiquée, il avait été [traduction] « rempli de façon incorrecte, techniquement ». Le représentant de l’appelant lui a demandé ses commentaires sur le fait que son client ait présenté en toute bonne foi une demande de prestations d’AE sur la base du travail effectué dans les deux scieries liées tout étant pris, sans faute de sa part, dans le partage inapproprié des formulaires de RE par les deux scieries. Mme Zubrinic a répondu comprendre où le représentant [traduction] « [voulait] en venir ». Elle ne savait pas si l’appelant était retourné travailler pour GSS lorsque la scierie a rouvert en septembre 2011. Il faudrait pour cela qu’elle revoie ses dossiers au bureau.

Question en litige

[29]  La question est de savoir si les éléments de preuve présentés à l’audience confirment les faits allégués par le ministre intimé, incluant les « faits substantiels additionnels »; et si, compte tenu de cela, la preuve démontre que la décision du ministre intimé « semble toujours raisonnable » tout en accordant à cette décision une certaine déférence (en ne substituant pas simplement ma décision à la sienne), à moins qu’il n’existe de nouveaux faits ou de nouveaux éléments de preuve démontrant que les faits connus ont été mal perçus ou appréciés.

Observations

A.  Appelant

[30]  L’appelant fait valoir qu’il a occupé un emploi assurable durant la période suivante (du 28 février 2011 au 20 mai 2011), en travaillant à la scierie GSS et à la scierie MRRCP, lesquelles appartiennent respectivement à des personnes apparentées et utilisant le même commis à la paie. À ce titre, il occupait un emploi assurable durant cette période. Sa position ne devrait pas être désavouée maintenant en raison du défaut de reconnaître qu’il a travaillé à la scierie voisine de MRRCP durant cette période, en plus de son travail à la scierie GSS.

B.  Intimé

[31]  L’intimé fait valoir que la déposition orale de l’appelant était vague et non corroborée. Il ne se souvenait pas des dates. Il n’y pas de raison de préférer son témoignage aux faits plaidés soutenant la décision du ministre portée en appel, en plus des « faits substantiels additionnels » plaidés dans la réponse modifiée.

Analyse

[32]  Comme nous l’avons indiqué plus haut, la première question est de savoir si les éléments de preuve présentés à l’audience confirment les faits plaidés par le ministre, incluant les « faits substantiels additionnels ». J’ai conclu que la preuve confirme les faits plaidés par le ministre, sous réserve des points suivants. Il n’existe aucune preuve ou référence associant les « courriels de paie » de GSS plaidés dans la réponse modifiée à la conclusion du ministre voulant qu’aucun travail autre que celui présenté dans ces courriels n’ait été effectué. La deuxième question de fait plaidée dans la réponse modifiée mais qui n’a pas été traitée ou confirmée à l’audience touche tout qui a été allégué concernant la situation de Ravinder Dhaliwal à titre de conjointe de l’actionnaire à 100 % de GSS et le fait qu’elle dirigeait les opérations quotidiennes de GSS et qu’elle ne s’y trouvait pas entre le 11 avril et le 25 septembre 2011. La troisième question de fait qui a été plaidée sans à peu près aucune vérification à l’audience, même si Mme Zubrinic l’a répétée, est l’allégation selon laquelle aucun travail n’a été fait à la scierie GSS entre le 23 avril et le 20 mai 2011. Enfin, les faits plaidés dans la réponse modifiée, qui est au cœur de l’appel, soit que l’appelant n’a pas travaillé pour GSS après le 27 février 2011, ont bien entendu été contestés par l’appelant dans son témoignage, qui constitue un nouvel élément de preuve.

[33]  L’aspect restant de la question en l’espèce est de savoir, en tenant compte des faits plaidés par le ministre qui ont et n’ont pas été confirmés à l’audience, si la décision du ministre semble toujours « raisonnable », tout en accordant à cette décision une certaine déférence (en ne substituant pas simplement ma décision à la sienne), en l’absence nouveaux faits ou de nouveaux éléments de preuve tendant à démontrer que les faits connus ont été mal perçus ou appréciés.

[34]  Je note que dans le contexte du contrôle judiciaire, qui n’est pas complètement différent, la Cour suprême du Canada a, dans son arrêt de principe Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190, identifié le « caractère raisonnable » comme l’une des deux normes applicables au contrôle judiciaire (l’autre étant la norme de la « décision correcte »), et affirmé ce qui suit, au paragraphe 47. Le caractère raisonnable « tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

[35]  Maintenant, à savoir si la décision du ministre était raisonnable, en tenant compte de ce qui n’a pas été confirmé à l’audience, je suis d’accord pour dire que le témoignage de l’appelant était général, et qu’il était vague dans ses détails quant aux détails comme les dates réelles auxquelles il a travaillé et à quel moment les demandes de prestations d’AE ont été déposées. Je ne considère pas que ses réponses ont été évasives. Ces questions, qui portent principalement sur des dates précises, ne sont pas de celles que quelqu’un garderait habituellement en mémoire sur une période de six ans. Son témoignage à l’effet qu’il avait travaillé dans les deux scieries durant la période suivante, celle de GSS et celle de MRRCP, était cohérent. À cet égard, comme il a été noté plus haut, la preuve fait également état d’un RE déposé par MRRCP indiquant qu’il avait travaillé pour MRRCP pendant une longue période comprenant ladite période suivante. À la lumière de ce RE distinct signé par MRRCP, je ne suis pas en désaccord avec la conclusion apparente du ministre que le RE de GSS ne reflète pas aussi le travail effectué chez MRRCP. L’intimé n’a pas précisément abordé ce point, autrement que lorsque Mme Zubrinic a dit que le fait d’inclure du travail effectué pour plus d’un employeur sur un relevé d’emploi était techniquement inapproprié.

[36]  Comme il est mentionné ci-dessus, l’intimé plaide, parmi ses faits présumés [réponse modifiée, au paragraphe 7t)], que conformément à certains « courriels de paie » entre GSS et son comptable, l’appelant a travaillé pour GSS pendant 20,5 heures entre le 14 et le 27 février 2011 (ce que la décision a accepté), et pendant 56 heures entre le 8 mai et le 21 mai 2011. L’intimé a également plaidé [réponse modifiée, au paragraphe 7s)] que l’appelant n’avait effectué aucun travail n’apparaissant pas dans les courriels de paie; il a également plaidé [réponse modifiée, au paragraphe 7h)] qu’aucun travail n’a été effectué à la scierie GSS entre le 23 avril et le 20 mai 2011.

[37]  Comme il a été indiqué, je suis d’avis que ces allégations n’ont pas été confirmées par des éléments de preuve déposés à l’audience.

[38]  Et pourtant, nous avons en preuve le chèque no 428 de GSS, au montant de 627,49 $, établi à l’ordre de l’appelant et daté du 27 mai 2011.

[39]  Ce chèque indique que l’appelant a effectivement travaillé pendant 56 heures pour GSS durant ladite période du 8 au 21 mai 2011, comme l’indique le plaidoyer de l’intimé, travail pour lequel l’appelant a reçu paiement sous la forme du chèque de 627,49 $ de GSS. Comme il a été indiqué plus haut, la fermeture de la scierie GSS durant cette période n’a pas, à mon avis, été confirmée lors de l’audience. En outre, l’appelant a témoigné qu’il avait aussi effectué des travaux de nettoyage dans une des scieries ou dans les deux, un type de travail qui aurait pu être effectué pendant que la scierie en question était « fermée ».

[40]  L’appelant a également reçu de GSS le chèque no 428 de 1 223,65 $, daté du 31 mars 2011. L’intimé ne dispose d’aucun élément de preuve indiquant que le témoignage de l’appelant selon lequel il a travaillé pour GSS en mars 2011, comme il est indiqué dans sa demande de prestations d’AE du 30 mai 2011, n’était pas authentique. À mon avis, ce chèque suffit à corroborer la position de l’appelant et à permettre d’accepter qu’il ait travaillé pour GSS durant la plus grande partie de mars 2011. L’intimé fait valoir que c’était peu probable, puisque de l’avis de l’intimé l’appelant venait tout juste de cesser de travailler pour GSS à la fin du mois précédent en raison d’une pénurie de travail. Si c’était le cas, cela aurait fort bien pu être tout simplement le résultat de fluctuations à court terme dans l’offre et la demande pour les petits exploitants dans l’industrie du bois d’œuvre.

[41]  Je souligne au passage que je comprends que Mme Zubrinic a dit qu’un employeur peut uniquement présenter un RE rempli sur un formulaire que la Commission de l’assurance-emploi du Canada a émis à cet employeur. À cet égard, je note que le paragraphe 19(2) du Règlement sur l’assurance-emploi, pris en application de la LEA, prévoit que :

L’employeur établit un relevé d’emploi (c.-à-d. un RE), sur le formulaire fourni par la Commission, lorsque la personne qui exerce un emploi assurable à son service subit un arrêt de rémunération.

[42]  Ce paragraphe stipule que le formulaire de RE utilisé par un employeur doit avoir été fourni par ladite Commission, mais non que le formulaire doit avoir été fourni à ce même employeur (même si je suis certain que ce serait généralement le cas). Par conséquent, un formulaire de RE fourni par ladite commission à MEECP mais rempli et utilisé par GSS (probablement par le commis à la paie utilisé conjointement par les deux entreprises) ne semblerait pas contrevenir aux dispositions du paragraphe 19(2).

Conclusion

[43]  Pour les motifs énoncés ci-dessus, j’ai conclu en toute déférence que la décision du ministre était raisonnable pour une partie seulement de la période suivante en litige. Par conséquent, je modifierais a décision, seulement pour indiquer que l’appelant a aussi effectué 98 [1]  heures d’emploi assurable pour GSS en mars 2011 (selon son chèque no 364 de GSS daté du 31 mars 2011, au montant de 1 223,65 $), et 56 heures d’emploi assurable pour GSS durant la période du 8 au 21 mai 2011 (selon son chèque no 428 de GSS daté du 27 mai 2011).

Signé à Toronto (Ontario), ce 31e jour de mai 2018.

« B. Russell »

Le juge Russell


RÉFÉRENCE :

2018CCI101

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2017-1650(AE)

INTITULÉ :

GURMIT SINGH SIDHU ET MRN

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 12 octobre 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable Juge B. Russel

DATE DU JUGEMENT :

Le 31 mai 2018

COMPARUTIONS :

Représentant de l’appelant :

Daljit Dhanoa

Avocate de l’intimé :

Me Shannon Fenrich

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

[EN BLANC]

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l’intimé :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] Cette référence aux 98 heures est tirée des observations écrites de l’intimé, au paragraphe 21.

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