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Dossier : 2012-1109(GST)I

ENTRE :

 

Alex Blouin

s/n Cantin Électronique AB Enr.,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 12 février 2013, à Sherbrooke (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Chantale Paris

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

        L’appel de la cotisation établie par l’entremise de l’Agence du revenu du Québec en date du 23 décembre 2010 relativement à la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise pour les périodes du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2006, du 1er octobre 2007 au 31 décembre 2007, du 1er octobre 2008 au 31 décembre 2008 et du 1er octobre 2009 au 31 décembre 2009, est accueilli simplement pour annuler la pénalité. En tout autre aspect, la cotisation du 23 décembre 2010, est maintenue.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de février 2013.

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 68

Date : 20130222

Dossier : 2012-1109(GST)I

 

ENTRE :

Alex Blouin

s/n Cantin Électronique AB Enr.,

appelant,

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

 

La juge Lamarre

 

 

[1]             L’appelant en appelle d’une cotisation établie en date du 23 décembre 2010 par l’entremise de l’Agence du revenu du Québec (ministre) relativement à la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (LTA) pour les périodes du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2006, du 1er octobre 2007 au 31 décembre 2007, du 1er octobre 2008 au 31 décembre 2008 et du 1er octobre 2009 au 31 décembre 2009.

 

 

Point en litige

 

[2]             L’appelant exploite une entreprise de vente d’appareils électroniques. En effectuant une vérification des affaires de l’appelant, le ministre a constaté des écarts entre les ventes déclarées par l’appelant sur lesquelles il a prélevé la taxe sur les produits et services (TPS) et les ventes apparaissant aux états financiers durant la période visée.

 

[3]             Ainsi, le ministre a déterminé que l’appelant avait omis de remettre un montant total de TPS de 4 691,04 $.

 

[4]             L’appelant est d’avis qu’il ne devait pas remettre ce montant puisque les sommes reçues sur lesquelles aucune TPS n’aurait été versée provenaient de ristournes promotionnelles ou de « rabais-volumes » de fournisseurs, lesquelles ne sont pas des fournitures taxables, par application de l’article 232.1 de la LTA. Cet article se lit comme suit :

 

Loi sur la taxe d’accise

 

232.1 Ristournes promotionnelles — Pour l’application de la présente partie, les présomptions suivantes s’appliquent lorsqu’un inscrit donné acquiert un bien meuble corporel exclusivement en vue de le fournir par vente à un prix en argent dans le cadre de ses activités commerciales et qu’un autre inscrit qui a effectué des fournitures taxables par vente du bien meuble corporel au profit de l’inscrit donné ou d’une autre personne verse à l’inscrit donné, ou porte à son crédit, un montant en échange de la promotion du bien meuble corporel par ce dernier ou accorde un tel montant à titre de rabais ou de crédit sur le prix d’un bien ou d’un service (appelé « bien ou service réduit » au présent article) qu’il lui fournit :

 

a)   le montant est réputé ne pas être la contrepartie d’une fourniture effectuée par l’inscrit donné au profit de l’autre inscrit;

 

b) si le montant est accordé à titre de rabais ou de crédit sur le prix du bien ou service réduit :

 

(i)   dans le cas où l’autre inscrit a déjà exigé ou perçu de l’inscrit donné la taxe prévue à la section II calculée sur tout ou partie de la contrepartie de la fourniture du bien ou service réduit, le montant du rabais ou du crédit est réputé être appliqué en réduction de la contrepartie de cette fourniture pour l’application du paragraphe 232(2),

 

(ii) dans les autres cas, la valeur de la contrepartie de la fourniture du bien ou service réduit est réputée égale à l’excédent éventuel de la valeur de la contrepartie déterminée par ailleurs pour l’application de la présente partie sur le montant du rabais ou du crédit;

 

c) si l’alinéa b) ne s’applique pas, le montant est réputé être une remise relative au bien meuble corporel pour l’application de l’article 181.1.

 

[5]             Le ministre a plutôt conclu que ces revenus correspondaient à des commissions sur ventes reçues par l’appelant de ses fournisseurs, lesquelles sont des fournitures taxables.

 

 

Faits

 

[6]             L’appelant a soumis en preuve des exemples de talons de chèques qui lui ont été payés par Bell Canada (Bell) (son fournisseur principal) et qui font l’objet du présent litige.

 

[7]             L’appelant invoque qu’aucune mention n’apparaît sur ces documents démontrant qu’une partie du montant payé correspond à la TPS qui aurait été versée par le fournisseur.

 

[8]             Il a fait référence à l’énoncé de politique sur la TPS/TVH P-243 sur les ristournes promotionnelles (qu’il a déposé parmi ses documents, en liasse sous la cote A-1). Dans cet énoncé, l’appelant se réfère à l’exemple no 2. On y mentionne que le fabricant A effectue des fournitures taxables par vente à des distributeurs et détaillants. Le détaillant B acquiert la fourniture du fabricant A exclusivement en vue de la revendre dans le cadre de ses activités commerciales. Le fabricant A accepte de donner une ristourne ou un boni au détaillant B pour l’inciter à signer une nouvelle entente de marchandisage. Dans ce cas, la ristourne n’est pas assujettie à la TPS. L’appelant soutient que son cas est similaire à cet exemple.

 

[9]             L’intimée a fait témoigner monsieur Marc Breton, directeur des ventes pour Bell. Le talon de chèque auquel faisait référence l’appelant et qu’on a reproduit à la pièce I-1, onglet 5, lui a été soumis.

 

[10]        Monsieur Breton a expliqué qu’il s’agissait bien d’une commission sur les ventes qui était versée au marchand suite à une entente de distribution. Selon cette entente, explique monsieur Breton, on prévoit le versement des commissions sans facturation.

 

[11]        Il a expliqué que lorsque le marchand vend les produits de Bell, celui-ci enregistre la vente dans un système informatisé. Ceci permet à Bell d’en prendre connaissance et de lui payer une commission. Il peut s’agir d’une commission d’activation (pour un premier client) ou tout simplement du paiement au marchand en compensation pour l’installation qu’il a faite lui-même à la place de Bell. Les paiements se font mensuellement et le marchand peut vérifier le détail de chacun de ces paiements dans le système informatique, en allant sur son compte.

 

[12]        Le détail de ce compte, eu égard au chèque donné en exemple par l’appelant, a été produit dans le document déposé sous la cote I-1, onglet 6. Ce document indique clairement qu’il s’agit du paiement d’une commission.

 

[13]        On y voit très bien le détail du montant de la commission ou de la compensation versée, de même que le total de la TPS, et de la taxe de vente provinciale. Le total correspond au montant du chèque versé. Madame Josiane Déry, la technicienne comptable agissant pour l’appelant, a souligné que normalement on doit percevoir la TPS seulement si le fournisseur indique son numéro d’inscription de TPS, et que celui-ci n’apparaissait pas sur le talon de chèque. Elle en a donc conclu que les paiements faits par Bell ne comprenaient aucune TPS versée.

 

[14]        En fait, le fournisseur inscrit son numéro d’inscription sur les factures qu’il produit. Dans ce cas-ci, monsieur Breton a expliqué que Bell remettait les commissions en se basant sur l’information électronique entrée par le marchand sur ses ventes. Aucun document écrit n’est envoyé par mesure d’économie. Ce système informatique existe depuis 2005. Monsieur Breton a également mentionné que Bell ne faisait pas de ristournes et ne faisait que très rarement des « rabais-volumes ».

 

[15]        De son côté, l’appelant a indiqué qu’il avait communiqué avec les représentants de Bell et qu’on lui avait simplement répondu que toutes les informations nécessaires se retrouvaient sur le talon de chèque. Il a acheté son commerce en 2004 et reconnaît qu’il n’a pas fait attention à l’existence d’une entente de distribution avec Bell. Lui-même un petit commerçant, devait passer par une agence intermédiaire pour commercialiser les produits de Bell.

 

[16]        Cette agence intermédiaire lui a fourni un document qu’il a déposé dans sa liasse de documents (pièce A-1), indiquant le plan de compensation. On comprend de ce document très sommaire que pour des activations de forfaits, le marchand a droit à certains montants. Monsieur Breton a dit que ce document ne provenait pas de Bell, mais probablement de l’agence intermédiaire, et que les compensations indiquées étaient les montants avant taxes. Monsieur Breton a aussi répondu à l’appelant qu’il existait un service de ventes internes à la disposition des marchands pour répondre à leurs questions. Il a expliqué qu’il revenait à chaque fournisseur de vérifier sur son compte électronique l’état de ses transactions. Tous les clients ont été avisés du transfert de la correspondance papier à l’électronique, afin de limiter les coûts.

 

 

Analyse

 

[17]        L’appelant soutient qu’il a reçu des ristournes promotionnelles et qu’il n’avait pas à percevoir de taxe. Il s’appuie sur la définition du dictionnaire (Le Petit Larousse) qui définit une ristourne comme une commission versée à un intermédiaire occasionnel.

 

[18]        Selon l’énoncé de politique sur la TPS/TVH P-243 émis en mai 2004 par l’Agence du revenu du Canada (ARC) sur l’article 232.1 déposé par l’intimée, à la page 3, cet article s’applique lorsque : un inscrit donné [l’appelant] acquiert un bien meuble corporel d’un fournisseur [Bell ou une agence intermédiaire], exclusivement en vue de le fournir par vente à un prix en argent dans le cadre de ses activités commerciales et qu’un autre inscrit [Bell] verse au revendeur [l’appelant], ou porte à son crédit, un montant en échange de la promotion du bien meuble corporel par ce dernier, ou accorde au revendeur un tel montant à titre de rabais ou de crédit sur le prix d’un bien ou d’un service qu’il lui fournit.

 

[19]        Ainsi, pour être considéré comme une ristourne, il doit y avoir entente entre le fournisseur et le revendeur que le paiement en question soit versé pour la promotion du produit, ou que le fournisseur accorde un crédit ou un rabais sur le prix du bien.

 

[20]        Dans le cas présent, plusieurs éléments dans la preuve permettent de conclure que l’appelant ne recevait pas de ristournes promotionnelles, tel que suggéré par l’appelant.

 

[21]        Sur le talon de chèque lui-même, la mention « comm » ou « dealer compens » apparaît clairement (pièce I-1, onglet 5). Selon le témoignage de monsieur Breton, ces commissions étaient versées lorsqu’il y avait activation d’un nouveau client, ou en compensation pour l’installation par le marchand. Il ne s’agit pas d’un montant donné pour signer une nouvelle entente de marchandisage, tel que c’était le cas dans l’exemple donné par l’appelant. Finalement, l’élément le plus important est que monsieur Breton a fait la démonstration que la taxe avait bel et bien été versée et faisait partie du total du chèque versé à l’appelant (pièce I-1, onglet 6). Monsieur Breton a clairement dit qu’il s’agissait de commissions sur lesquelles Bell payait la TPS.

 

[22]        Il ressort de la jurisprudence que lorsqu’un montant de taxe est versé à un inscrit, ce dernier doit obligatoirement remettre cette taxe au gouvernement, même s’il croit qu’il ne devait pas percevoir cette taxe (voir Gastown Actors’ Studio Ltd c. Canada, [2000] A.C.F. no 2047, au para. 10 :

 

10     Nous sommes d'avis que la défenderesse est tenue de verser toute la TPS qu'elle a perçue relativement à son programme de deux ans à temps plein et à son programme de formation autonome, même s'ils constituent des fournitures exonérées, tout comme celle qu'elle a perçue relativement à ses programmes à temps partiel. Nous sommes d'accord avec la Couronne pour dire qu'un contribuable qui a effectivement perçu des montants de TPS pour des services, peu importe que ceux-ci soient taxables ou qu'ils soient plus tard reconnus comme des fournitures exonérées, doit verser ces montants et peut faire l'objet d'un avis de cotisation s'il ne les verse pas. […]

 

[23]        Ainsi, l’appelant n’ayant pu démonter que les montants reçus constituaient des ristournes au sens de l’article 232.1 de la LTA, et de façon plus importante, l’intimée ayant démontré que les versements à l’appelant incluaient les montants de TPS, l’appelant devait obligatoirement remettre ces taxes aux gouvernements respectifs.

 

[24]        En ce qui concerne la pénalité imposée en vertu de l’article 280 de la LTA, je suis d’avis de l’annuler. En effet, l’appelant dit ne pas avoir été mis au courant de l’état de compte détaillé établi par Bell sur le système informatisé. Il a appelé Bell à quelques reprises et s’est fait répondre que toute l’information se retrouvait sur les talons de chèques. Or, le montant de TPS versé n’était pas indiqué sur le talon de chèque. Son comptable et sa technicienne comptable lui ont fait comprendre qu’il s’agissait de ristournes, sur lesquelles aucune TPS ne devait être perçue.

 

[25]        Je considère donc que l’appelant a démonté qu’il avait commis une erreur de fait raisonnable dans sa compréhension des faits en cause (voir Comtronic Computer Inc. c. La Reine, 2010 CCI 55, paragraphe 34 et 35).

 

[26]        L’appel est accueilli simplement pour annuler la pénalité. En tout autre aspect, la cotisation du 23 décembre 2010 dont il est fait appel est maintenue.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de février 2013.

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 68

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :    2012-1109(GST)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            Alex Blouin s/n Cantin Électronique AB Enr. c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Sherbrooke (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 12 février 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :     L'honorable juge Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :                 le 22 février 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Chantal Paris

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                          

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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