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Dossier : 2011-1462(GST)I

ENTRE :

STEVEN MIGNARDI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 21 mars 2012 et le 24 octobre 2012,

à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge B. Paris

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me William Kelly

Avocate de l’intimée :

Me Alisa Apostle

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’égard de la cotisation établie en vertu de l’article 323 de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 15 novembre 2006, pour la période comprise entre le 1er mai 2000 et le 31 octobre 2002, est accueilli, sans dépens, et la cotisation est annulée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de mars 2013.

 

« B. Paris »

Juge Paris

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour d’avril 2013.

Alya Kaddour‑Lord, traductrice

 


 

 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 67

Date : 20130306

Dossier : 2011-1462(GST)I

 

ENTRE :

STEVEN MIGNARDI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Paris

 

[1]             M. Mignardi interjette appel d’une cotisation établie en vertu de l’article 323 de la Loi sur la taxe d’accise[1] (la « Loi ») relativement à la taxe sur les produits et services (la « TPS ») qu’une société dont il était administrateur, 1313448 Ontario Ltd. (« 1313 » ou la « société »), a prétendument omis de verser. La cotisation prévoit également le paiement d’intérêts et de pénalités sur la taxe non versée.

 

[2]             Le paragraphe 323(1) de la Loi est ainsi libellé :

 

Les administrateurs d’une personne morale au moment où elle était tenue de verser, comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), un montant de taxe nette ou, comme l’exige l’article 230.1, un montant au titre d’un remboursement de taxe nette qui lui a été payé ou qui a été déduit d’une somme dont elle est redevable, sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer le montant ainsi que les intérêts et pénalités afférents.

 

[3]             M. Mignardi s’appuie sur trois moyens de défense pour contester la cotisation qui a été établie à son endroit.

 

[4]             Premièrement, M. Mignardi affirme qu’il a cessé pour la dernière fois d’être administrateur de 1313 plus de deux ans avant l’établissement de la cotisation en cause, et que, par conséquent, cette cotisation est prescrite en application du paragraphe 323(5) de la Loi, qui est ainsi rédigé :

 

L’établissement d’une telle cotisation pour un montant payable par un administrateur se prescrit par deux ans après qu’il a cessé pour la dernière fois d’être administrateur.

 

[5]             Deuxièmement, il prétend qu’en l’espèce, la charge d’établir le montant de la cotisation sous‑jacente relative à la TPS de la société revient à l’intimée, et que celle‑ci ne s’est pas acquittée de cette charge.

 

[6]             Troisièmement, M. Mignardi soutient que s’il devait être conclu que la cotisation a été établie dans les délais prescrits, il ne saurait être tenu responsable de tout manquement à verser la TPS qui serait survenu après le 1er octobre 2001, lorsque le contrôle de la situation financière de 1313 lui a échappé pour passer aux mains d’un créancier de la société.

 

Les faits

 

[7]             À la fin de 1997, M. Mignardi et un ami, Bob Bedard, ont décidé d’ouvrir un cabaret d’humour à Ajax, en Ontario. Ils ont formé une société appelée Mignardi Group Inc. (« MGI »), qui a conclu un contrat de franchise avec Yuk Yuk’s International Inc. (« Yuk Yuk’s ») pour exploiter un cabaret d’humour Yuk Yuk’s en échange du paiement d’un droit de licence et de redevances. M. Mignardi détenait 75 actions de MGI et M. Bedard en détenait 25.  

 

[8]             Pour une raison dont MM. Mignardi et Bedard ont été incapables de se souvenir, ils ont jugé qu’il fallait constituer une autre société pour exploiter le cabaret, et 1313 a été créée à cette fin. MGI détenait 80 actions de 1313. Keith Wilson, troisième investisseur dans le cabaret, détenait 20 actions.

 

[9]             M. Mignardi, M. Bedard ainsi que la compagne de ce dernier, Janice French, ont été nommés administrateurs de 1313. Il a été convenu que M. Mignardi serait responsable de la gestion des activités quotidiennes et des finances du cabaret et que MM. Bedard et Wilson seraient des investisseurs passifs.

 

[10]        Le cabaret a ouvert en 1998 et a connu des débuts prospères. Toutefois, en octobre 2001, la société avait pris du retard dans le paiement du loyer et des redevances dues à Yuk Yuk’s. À ce stade, Yuk Yuk’s a insisté pour que 1313 transfère toutes les tâches de gestion financière du cabaret à un cabinet externe appelé « Paul Simmons Management » (« Simmons »). MM. Mignardi et Bedard ont tous deux déclaré qu’ils avaient eu l’impression de ne pas avoir le choix d’accéder à cette demande parce qu’ils avaient cru comprendre que, dans le cas contraire, Yuk Yuk’s mettrait fin à leur contrat de franchise.

 

[11]        D’après le témoignage de M. Bedard, d’octobre 2001 au 29 juillet 2002, M. Mignardi a continué de gérer le cabaret, exception faite des aspects financiers de la gestion. Pendant cette période, M. Mignardi déposait le revenu généré par le cabaret dans un compte bancaire qui était sous le contrôle de Simmons et il envoyait à cette dernière des récapitulatifs hebdomadaires des recettes. Simmons payait alors les factures du cabaret à partir du compte bancaire.

 

[12]        M. Bedard a déclaré qu’en 2002, Yuk Yuk’s en est venue à douter du fait que M. Mignardi déposait tous les revenus du cabaret dans le compte bancaire, comme il en avait été convenu. Le 29 juillet 2002, Yuk Yuk’s a tenu une assemblée à laquelle ont pris part M. Mignardi, M. Bedard et des membres du personnel de Simmons et au cours de laquelle elle a demandé à M. Mignardi de renoncer à tout contrôle sur l’exploitation du cabaret et à ce qu’une personne nommée par Yuk Yuk’s le remplace.

 

[13]        Les souvenirs de M. Mignardi relatifs à la date de cette assemblée différaient de ceux de M. Bedard. M. Mignardi a déclaré que l’assemblée s’était tenue en mai 2002 plutôt qu’en juillet 2002. Bien que le moment auquel cette assemblée s’est tenue ait très peu d’incidence sur la suite des choses, j’accepte le témoignage de M. Bedard relatif à ces évènements parce qu’il est corroboré par deux documents qui ont été préparés pendant la période pertinente. Le premier de ces documents était un [traduction] « Avis de manquement » préparé par Yuk Yuk’s et daté du 30 juillet 2002, qui précisait les détails de l’assemblée du 29 juillet 2002, y compris le fait que M. Mignardi [traduction] « cesserait sur le champ de gérer les aspects financiers et opérationnels du cabaret ». Le second document était un sommaire des recettes du cabaret préparé et signé par M. Mignardi pour la semaine qui s’est terminée le 28 juillet 2002, ce qui montre que M. Mignardi avait continué de diriger le cabaret jusqu’à cette date.

 

[14]        M. Mignardi n’est pas retourné au cabaret après l’assemblée et il a déclaré qu’il ne s’était plus mêlé en rien de l’exploitation du cabaret. M. Bedard, qui a joué un plus grand rôle dans l’exploitation du cabaret après le départ de M. Mignardi, a confirmé que ce dernier n’avait plus été mêlé aux affaires du cabaret après le 29 juillet 2002. Il a toutefois déclaré que M. Mignardi lui avait donné un chèque de 2 500 $ à la fin de 2002 ou au début de 2003 pour payer la TPS non versée de 1313 dès qu’il a été su que 1313 avait pris du retard dans le versement de la TPS. Il semble que 1313 a fait l’objet d’une vérification relative à la TPS et qu’il a été établi que la société avait manqué à son obligation de verser la taxe nette pour les périodes qui se sont terminées entre le 31 juillet 2000 et le 31 juillet 2002.

 

[15]        En 2003, M. Bedard a fondé une nouvelle société et a conclu un nouveau contrat de franchise avec Yuk Yuk’s pour exploiter un cabaret humoristique au même emplacement que celui que 1313 avait exploité.

 

[16]        En mars 2003, M. Mignardi a été contacté par un agent de recouvrement de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») au sujet de l’engagement possible de sa responsabilité au titre de la TPS non versée, en sa qualité d’administrateur de 1313. L’ARC a également contacté M. Bedard, qui a démissionné de ses fonctions d’administrateur de 1313 en 2004. M. Mignardi a déclaré qu’il n’avait jamais démissionné parce qu’il avait eu l’impression d’avoir été [traduction] « démis » de ses fonctions de gestionnaire et d’administrateur lors de l’assemblée du 29 juillet 2002.

 

[17]        Le 15 mars 2004, un autre agent de recouvrement de l’ARC a écrit à M. Mignardi pour l’informer qu’il pourrait être tenu responsable de la dette de TPS de 1313.

 

[18]        Le 7 avril 2004, l’avocat de M. Mignardi a écrit à l’agent de recouvrement pour lui demander une ventilation détaillée de la dette de 1313. Sa demande est restée sans réponse. Le 16 janvier 2006, un autre agent de recouvrement de l’ARC a écrit à M. Mignardi pour l’informer une fois de plus qu’il pourrait être tenu responsable de la dette de TPS de 1313. Le 26 janvier 2006, l’avocat de M. Mignardi a répondu à cette lettre, en précisant que la ventilation qu’il avait demandée par le passé ne lui avait pas été fournie, et il a réitéré sa demande. Une fois encore, sa demande est restée sans réponse.

 

[19]         Le 15 novembre 2006, une cotisation de 72 357 $ relative au manquement de 1313 à verser la TPS nette ainsi qu’à des pénalités et à des intérêts imposés en application de la Loi a été établie à l’égard de M. Mignardi. Le 7 décembre 2006, l’avocat de M. Mignardi a redemandé à l’agent de recouvrement de lui envoyer la ventilation de la dette de 1313. M. Mignardi a déclaré que cette demande était encore une fois restée sans réponse. L’avocat de M. Mignardi a alors déposé un avis d’opposition à l’égard de cette cotisation. L’avocat de M. Mignardi a écrit à Simmons à deux reprises en 2008 au sujet des documents financiers de 1313, mais il n’a pas eu de réponse. Le 12 août 2008, l’avocat de M. Mignardi a écrit à l’agent des appels responsable du traitement de l’opposition pour lui demander des copies des déclarations qui avaient été produites par 1313 pour toutes les périodes visées par la cotisation et jusqu’au moment où 1313 avait cessé ses activités. M. Mignardi a affirmé qu’aucune copie de ces documents ne lui avait été fournie. L’intimée n’a réfuté aucune de ces affirmations.

 

[20]        Les hypothèses formulées dans la réponse à l’avis d’appel sont ainsi rédigées :

 

         [traduction]

 

(i)      1313 a omis de verser une somme de TPS nette de 44 328,17 $;

(ii)     le 13 janvier 2006, un certificat a été enregistré à la Cour fédérale, comme le prévoit l’article 316 de la Loi, certificat qui attestait que 1313 avait omis de verser une somme de taxe nette et de payer des intérêts et des pénalités, soit un total de 66 545,07 $;

(iii)    la Cour fédérale a délivré un bref de saisie-exécution;

(iv)    le bref n’a pas pu être exécuté, et le shérif a produit un procès‑verbal de carence le 4 juillet 2006.

 

Première question en litige : M. Mignardi a‑t‑il cessé d’être administrateur le 29 juillet 2002?

 

[21]        L’avocat de M. Mignardi soutient que son client a cessé d’être administrateur de 1313 par suite de sa mise à l’écart des activités de la société lors de l’assemblée qui, comme je l’ai conclu, s’est tenue le 29 juillet 2002. L’avocat de M. Mignardi a prétendu qu’à l’occasion de cette assemblée, son client avait été destitué de ses fonctions d’administrateur de la société, conformément à l’article 2.06 des règlements administratifs de 1313 [2], qui étaient ainsi rédigés :

 

[traduction]

 

2.06 Destitution – Les actionnaires peuvent, au moyen d’une résolution ordinaire adoptée au cours d’une assemblée d’actionnaires, destituer tout administrateur de ses fonctions avant l’expiration de son mandat et peuvent, par vote majoritaire tenu au cours de l’assemblée, élire une personne pour le remplacer pour le reste de son mandat.

 

[22]        L’avocat de M. Mignardi a invité la Cour à conclure que, étant donné que son client et M. Bedard détenaient la majorité des actions de 1313 et qu’ils étaient tous deux présents à l’assemblée du 29 juillet 2002, il s’agissait bien d’une assemblée d’actionnaires, et que le fait que MM. Mignardi et Bedard aient accédé à la demande de Yuk Yuk’s selon laquelle M. Mignardi ne devait plus participer à la gestion du cabaret équivalait à un vote majoritaire en faveur de sa destitution de ses fonctions d’administrateur de 1313.

 

[23]        L’avocat de M. Mignardi s’est appuyé sur la décision Perricelli v. The Queen[3], dans laquelle le juge C. Miller de la Cour a conclu qu’un administrateur avait effectivement démissionné de ses fonctions d’administrateur en annonçant verbalement aux deux autres administrateurs qu’il quittait la société à l’occasion d’une assemblée. Le juge C. Miller s’est exprimé en ces termes :

 

Je suis convaincu que M. Perricelli a démissionné au cours de l’été 1990. Il l’a fait lorsque les trois administrateurs et actionnaires étaient tous ensemble. Il faut déterminer si la démission a pris effet conformément aux lois de l’Ontario. L’un des trois hommes a-t-il déclaré : « Nous renonçons à l’avis de convocation »? Probablement pas. MM. Cuthbert et Lishman ont-ils dit : « Nous acceptons la démission de M. Perricelli et nous nous élisons tous les deux en tant qu’administrateurs permanents »? Là encore, probablement pas. Toutefois, les trois hommes ont-ils quitté la réunion en sachant bien que M. Perricelli ne remplirait plus ses fonctions d’administrateur? Oui, sans aucun doute[4].

 

[24]        Le juge C. Miller a ensuite conclu que le libellé du paragraphe 121(2) de la Loi sur les sociétés par actions[5] de l’Ontario était ambigu quant à la question de savoir si la démission d’un administrateur devait être donnée par écrit. Le paragraphe 121(2) est ainsi libellé :

 

La démission d’un administrateur prend effet à la date de réception par la société d’un écrit à cet effet ou à la date postérieure qui y est indiquée.

 

Le juge C. Miller s’est ainsi exprimé :

 

À n’en pas douter, en cas de démission donnée par écrit, le moment où celle-ci prend effet est régi par le paragraphe 121(2). À mon avis, la disposition n’empêche pas qu’il y ait démission valable dans des circonstances telles que celles en l’espèce, lorsque tous les actionnaires, qui constituent par ailleurs l’ensemble des administrateurs, se rencontrent et conviennent qu’un des leurs ne doit plus être administrateur. Le libellé du paragraphe 121(2) est suffisamment ambigu. On ne m’a pas renvoyé à un jugement dans lequel la disposition a été interprétée de manière à ce qu’une démission juridiquement valable doive nécessairement être donnée par écrit et que, par conséquent, une démission verbale en présence de tous les administrateurs et actionnaires ne soit pas valable[6].

 

[25]        L’avocat de M. Mignardi a soutenu que, comme dans l’affaire Perricelli, MM. Bedard et Mignardi ne tenaient pas d’assemblées d’actionnaires formelles pour discuter de leurs affaires et que, du fait de la manière informelle avec laquelle ils menaient les affaires de 1313, il serait raisonnable de qualifier l’assemblée de mai 2002 d’assemblée d’actionnaires, et de qualifier la destitution de M. Mignardi de ses fonctions de gestionnaire du cabaret de destitution de ses fonctions d’administrateur.

 

[26]        Je ne souscris pas à l’opinion voulant que l’assemblée du 29 juillet 2002 était une assemblée d’actionnaires ou que ce qui s’est produit lors de cette assemblée équivalait à la destitution de M. Mignardi de ses fonctions d’administrateur de 1313.

 

[27]        Aucune preuve ne montre qu’un avis d’assemblée a été donné pour l’assemblée qui s’est tenue le 29 juillet 2002, conformément à l’article 6.02 des règlements administratifs de la société, qui est ainsi rédigé :

 

[traduction]

 

6.02 Avis d’assemblées – Un avis des date, heure et lieu de chaque assemblée doit être envoyé entre le dixième et le cinquantième jour précédant la date de l’assemblée au vérificateur de la société, à chaque administrateur et à chaque personne désignée dans les registres de la société à l’heure de fermeture des bureaux la veille de la communication de l’avis comme étant un actionnaire habile à voter à l’assemblée[7].

 

[28]        Le paragraphe 96(1) de la Loi sur les sociétés par actions[8] de l’Ontario exige également qu’un avis soit envoyé :

 

Avis des assemblées d’actionnaires

 

96.  (1)  Un avis des date, heure et lieu de l’assemblée des actionnaires est envoyé, dans le cas d’une société faisant appel au public, entre le cinquantième et le vingt et unième jour qui la précèdent et, dans les autres cas, entre le cinquantième et le dixième jour :

 

a) à chaque actionnaire habile à y voter;

b) à chaque administrateur;

c) au vérificateur de la société.

 

[29]        Étant donné qu’il n’y a aucune preuve du fait que Keith Wilson, actionnaire à 20 % de 1313, a jamais été avisé de la tenue de l’assemblée, je ne suis pas en mesure de conclure que l’assemblée du 29 juillet 2002 qui s’est tenue au cabaret Yuk Yuk’s était une assemblée des actionnaires de 1313. Je suis également incapable d’assimiler la demande formulée par Yuk Yuk’s à l’occasion de l’assemblée, selon laquelle M. Mignardi devait être destitué de ses fonctions de gestionnaire du cabaret, à une résolution consistant à destituer M. Mignardi ses fonctions d’administrateur, ou d’interpréter le fait que MM. Mignardi et Bedard aient accédé à cette demande comme constituant un vote des actionnaires. Pour ces motifs, je conclus que les faits de l’espèce se distinguent de ceux de l’affaire Perricelli et que M. Mignardi n’a pas démontré qu’il avait cessé d’être administrateur de 1313 en date du 29 juillet 2002.

 

 

Deuxième question en litige : Incombe‑t‑il à l’intimée de prouver la dette de 1313, et, le cas échéant, s’est‑elle déchargée du fardeau de la preuve?

 

[30]        L’avocat de l’appelant a soutenu qu’il revenait à l’intimée de prouver l’existence de la dette fiscale sous‑jacente de 1313, et que vu que l’intimée n’a présenté aucun élément de preuve montrant comment elle avait calculé le montant de cette dette, l’appel devait être accueilli.

 

[31]        L’appelant se fonde sur la décision de la Cour dans l’affaire Gestion Yvan Drouin Inc. c. La Reine[9], dans laquelle la contribuable interjetait appel d’une cotisation établie à son égard en vertu du paragraphe 160(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement à des taxes impayées par une société liée qui avait transféré des biens à la contribuable sous forme de dividendes. Il a été allégué qu’à l’époque où les dividendes ont été payés à la contribuable, la société liée avait une dette fiscale dont le montant était supérieur à celui des dividendes. Dans cette affaire, le juge Archambault a accepté l’argument de la contribuable selon lequel c’était à l’intimée qu’incombait la charge d’établir l’existence de la dette fiscale de la société liée. Le juge Archambault s’est ainsi exprimé :

 

[113]  Dans le cas qui nous occupe, Gestion n’est pas en position de produire sans difficulté la preuve pertinente contraire pour attaquer la validité de la cotisation de DPCI puisqu’il ne s’agit pas de ses impôts mais de ceux d’une tierce partie dans laquelle elle ne détient aucun intérêt. Gestion n’a pas accès à la déclaration de revenu et à l’avis de cotisation de DPCI, ni aux registres comptables, aux pièces justificatives ou aux autres documents similaires de cette dernière pour faire la preuve que la cotisation est erronée. Lui imposer la charge de faire cette preuve la mettrait dans une situation tout à fait inéquitable.

 

[114]  Comme c’est le ministre qui exerce le recours contre un tiers pour recouvrer la dette fiscale qui lui est due par le débiteur fiscal, il m’apparaît tout à fait raisonnable que ce soit à lui qu’incombe la charge d’établir prima facie l’existence de la dette fiscale. Pour y arriver, le ministre a normalement en sa possession la déclaration de revenu du débiteur fiscal et, s’il a effectué une vérification, il peut détenir des copies des pièces justificatives ou de tout autre document pertinent à l’appui de sa cotisation. C’est donc lui qui est en meilleure position pour établir le montant de la dette fiscale. J’en viens donc à la conclusion que c’est au ministre qu’incombe généralement la charge de faire la preuve prima facie de la dette fiscale lorsqu’il y a une cotisation établie en vertu du paragraphe 160(1) de la Loi.

 

[115]  À mon avis, il n’est pas suffisant de produire l’avis de cotisation visant le débiteur fiscal, à moins que le montant établi par le ministre dans la cotisation corresponde à celui indiqué par le débiteur fiscal dans sa déclaration de revenu. […]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[32]        Dans la décision Simon c. La Reine[10], le juge Archambault a tiré la même conclusion; il s’agissait d’un appel interjeté à l’égard d’une cotisation ayant trait à la responsabilité d’un administrateur relativement à des retenues à la source que la société du contribuable n’avait pas versées.

 

[33]        La décision Gestion Yvan Drouin Inc. a également été suivie dans la décision Cappadoro c. La Reine[11], dans laquelle il était fait appel d’une cotisation ayant trait à la responsabilité d’un administrateur relativement à des montants de TPS non versés. Dans cette affaire, la juge Lamarre a conclu que l’intimée avait établi une preuve prima facie de la dette fiscale de la société.

 

[34]        L’appelant se fonde également sur la décision Lavie v. The Queen[12]. Dans cette affaire, une cotisation avait été établie à l’égard du contribuable relativement à un montant de TPS non versé se rapportant à de prétendues ventes de cocaïne. La juge Lamarre a conclu qu’il incombait au ministre de prouver que le contribuable était la personne dont il était question dans les dossiers saisis chez les Hells Angels, dossiers sur lesquels le ministre se fondait pour affirmer que le contribuable avait acheté de grandes quantités de cocaïne. La juge a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour associer le contribuable à un nom de code qui apparaissait dans les dossiers, et elle a rejeté l’appel.

 

[35]        L’avocat de M. Mignardi a affirmé que vu que son client n’avait plus participé aux affaires financières de 1313 après octobre 2001, vu qu’il n’était plus mêlé aux affaires de 1313 quand les déclarations de TPS en cause ont été produites et que la vérification a eu lieu, et vu que les déclarations étaient en la possession du ministre, ce dernier était le seul à avoir connaissance des faits relatifs à la dette fiscale, et que pour ce motif, il conviendrait d’imposer au ministre la charge de la preuve de l’existence de la dette fiscale de 1313.

 

[36]        L’avocat de M. Mignardi a également fait valoir que la preuve était loin d’établir l’existence de la dette fiscale de 1313. Le seul témoin cité à comparaître par l’intimée a été l’agent des appels de l’ARC, qui n’avait aucune connaissance directe de la manière dont la dette de 1313 a été calculée.

 

[37]        Pour les motifs suivants, je conviens du fait qu’il revient à l’intimée de prouver la dette fiscale sous‑jacente de 1313.

 

[38]        La Cour suprême du Canada a défini la règle générale qui s’applique quant au fardeau de la preuve dans les appels en matière fiscale dans l’arrêt Hickman Motors Ltd. v. Canada[13], dans lequel la juge L’Heureux-Dubé s’est ainsi exprimée :

 

[92] […] En établissant des cotisations, le ministre se fonde sur des présomptions : (Bayridge Estates Ltd. c. M.N.R., 59 D.T.C. 1098 (C. de l’É.), à la p. 1101), et la charge initiale de « démolir » les présomptions formulées par le ministre dans sa cotisation est imposée au contribuable (Johnston c. Minister of National Revenue, 1948 CanLII 1 (SCC), [1948] R.C.S. 486; Kennedy c. M.R.N., 73 D.T.C. 5359 (C.A.F.), à la p. 5361). Le fardeau initial consiste seulement à « démolir » les présomptions exactes qu’a utilisées le ministre, mais rien de plus : First Fund Genesis Corp. c. La Reine, 90 D.T.C. 6337 (C.F. 1re inst.), à la p. 6340.

 

[39]        Dans l’arrêt Transocean Offshore Ltd. c. Canada[14], la Cour d’appel fédérale a déclaré que le principe général selon lequel, dans un appel en matière d’impôt, les hypothèses factuelles de la Couronne sont considérées comme vraies à moins d’être réfutées comportait des exceptions. La Cour a déclaré qu’il se pouvait que l’équité exige que l’on ne fasse pas porter au contribuable le fardeau de réfuter une hypothèse factuelle de la Couronne, et la Cour a cité à titre d’exemple le cas d’un fait dont seule la Couronne aurait connaissance.

 

[40]        Dans l’arrêt Canada c. Anchor Pointe Energy Ltd[15] et dans l’arrêt Voitures Orly Inc. c. Canada[16], la Cour d’appel fédérale a de nouveau accepté que, dans certaines circonstances, il pouvait être justifié de renverser le fardeau de la preuve. Dans l’arrêt Anchor Pointe, la Cour d’appel fédérale s’est ainsi exprimée :

 

[35]  Il est bien établi en droit que, sauf exception, le fardeau de preuve initial à l’égard des hypothèses de fait retenues par le ministre lorsqu’il a établi l’obligation fiscale du contribuable et le montant à payer incombe au contribuable. Dans l’arrêt Voitures Orly Inc. c. Canada, 2005 CAF 425 (CanLII), 2005 CAF 425, au paragraphe 20, la Cour a réaffirmé dans les termes suivants l’importance de la règle :

 

En résumé, nous ne trouvons aucun mérite aux prétentions de l’appelante selon lesquelles celle‑ci n’a plus la charge de réfuter les hypothèses faites par le ministre. Nous souhaitons réaffirmer fermement et fortement le principe selon lequel le fardeau de la preuve imposé au contribuable ne doit pas être renversé à la légère ou arbitrairement. L’attribution du fardeau de la preuve au contribuable repose sur un motif très simple et concret énoncé il y a plus de 80 ans dans les arrêts Anderson Logging Co. c. British Columbia, 1924 CanLII 20 (SCC), [1925] R.C.S. 45; Pollock c. Canada (Ministre du Revenu National) (1993), 161 N.R. 232 (C.A.F.); Vacation Villas of Collingwood Inc. c. Canada, reflex, (1996) 133 D.L.R. (4th) 374 (C.A.F.); Anchor Pointe Energy Ltd. c. Canada, 2003 CAF 294 (CanLII), 2003 CAF 294. Ce motif est qu’il s’agit de l’entreprise du contribuable. C’est lui qui sait comment et pourquoi son entreprise fonctionne comme elle le fait et pas autrement. Il connaît et possède des renseignements dont le ministre ne dispose pas. Il possède des renseignements qui sont à sa portée et sur lesquels il exerce un contrôle. Le système fiscal est fondé sur l’autocotisation. Tout renversement de la charge du contribuable de fournir et de rapporter les renseignements dont il a connaissance ou qu’il contrôle peut mettre en danger l’intégrité, le caractère contraignant et, par conséquent, la crédibilité du système. Ceci dit, nous reconnaissons que dans certaines circonstances le renversement du fardeau de la preuve peut être justifié, mais ce n’est pas le cas en l’espèce.

 

[36]  Je conviens avec le juge en chef adjoint Bowman, qu’il peut y avoir des cas où les hypothèses de fait invoquées relèvent de la connaissance exclusive ou particulière du ministre et que la règle concernant le fardeau de la preuve peut avoir des conséquences inéquitables au point de justifier une mesure corrective : voir la décision Holm c. Canada, au paragraphe 20.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[41]        Je reviens maintenant sur la proposition qui semble découler de la décision Gestion Yvan Drouin Inc., selon laquelle il incombe au ministre de prouver l’existence de la dette fiscale sous‑jacente dans tous les appels interjetés à l’égard d’une cotisation fondée sur la responsabilité dérivée établie en vertu du paragraphe 160(1) ou de l’article 227.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu ou des articles 323 ou 325 de la Loi. Je souscris à l’opinion de l’avocate de l’intimée selon laquelle une telle conclusion va à l’encontre des arrêts de la Cour suprême et de la Cour d’appel fédérale auxquels j’ai fait référence. Ce n’est que lorsque le ministre a une connaissance exclusive ou particulière des faits relatifs à la dette fiscale sous‑jacente que le fardeau de la preuve est renversé. Chaque affaire repose sur des faits qui lui sont propres. Bien qu’il puisse y avoir des situations dans lesquelles seule la Couronne est au fait de la dette fiscale du débiteur fiscal d’origine, dans la majorité des cas, le contribuable peut obtenir ces renseignements auprès du débiteur fiscal d’origine. Il convient de rappeler que la relation qui unit une personne au débiteur fiscal constitue l’un des fondements de la cotisation dont cette personne fait l’objet en vertu de ces dispositions, que ce soit dans le cas d’un administrateur d’une société débitrice, comme c’est le cas en l’espèce, ou dans celui d’une partie ayant un lien de dépendance avec le débiteur fiscal. Du fait de cette relation, il se peut très bien qu’un contribuable dispose déjà des informations nécessaires à la vérification de l’existence ou du montant de la dette fiscale, ou qu’il soit en mesure de les obtenir.

 

[42]        Je crois qu’en l’espèce, les circonstances justifient que le fardeau de la preuve soit renversé en ce qui a trait à l’exactitude du montant de la dette de TPS de 1313.

 

[43]        Aux termes de la cotisation relative à la responsabilité des administrateurs établie à l’égard de M. Mignardi le 15 novembre 2006[17], la dette de TPS de 1313 a été établie par avis de cotisation daté du 9 mai 2003. M. Bedard a déclaré que la TPS avait été calculée à la suite d’une vérification menée par l’ARC à l’égard de 1313 aux bureaux de Simmons. Il a ajouté que 1313 avait effectué des paiements mensuels de 2 500 $ en vue du remboursement de cette dette, et que M. Mignardi lui‑même avait versé la somme de 2 500 $ pour payer les arriérés. Pour des raisons inconnues, il n’est pas fait état de ces paiements dans la cotisation qui a été établie à l’égard de M. Mignardi.

 

[44]        Comme je l’ai mentionné plus tôt, M. Mignardi, par le truchement de son avocat, a demandé à plusieurs reprises à ce qu’on l’informe du détail des cotisations qui avaient été établies à l’égard de 1313. Je suis convaincu que malgré ces demandes répétées et effectuées en temps opportun, le ministre a manqué à son obligation de fournir suffisamment d’informations au sujet de la vérification menée à l’égard de 1313 et des cotisations établies à l’endroit de cette société pour permettre à l’appelant de donner adéquatement suite à la cotisation relative à sa responsabilité d’administrateur qu’il a été proposé d’établir en mars 2004 et qui a finalement été établie en novembre 2006. Ce manquement à fournir ces informations a également empêché l’appelant de contester efficacement la dette sous‑jacente à l’audience. Vu que 1313 a cessé ses activités au début de 2003, et compte tenu du manquement du ministre à fournir à M. Mignardi des copies des déclarations ou des détails relatifs à la vérification ou aux cotisations établies à l’égard de 1313, je crois que les faits concernant les cotisations établies à l’égard de 1313 relèvent à ce stade de la connaissance particulière du ministre et que l’équité exige que le fardeau de la preuve soit renversé.

 

[45]        L’avocate de l’intimée soutient que sa cliente s’est acquittée de la charge qui lui incombait de prouver le montant de la dette sous‑jacente quand elle a produit une copie de l’avis de cotisation qui avait été établi à l’égard de M. Mignardi, ainsi que quand elle a produit une copie du certificat produit par la Cour fédérale en application de l’article 316 de la Loi, lequel certificat précise que 1313 devait une somme de 66 545,07 $. Je suis d’avis qu’aucun de ces documents ne permet raisonnablement à M. Mignardi de comprendre ou de contester le fondement de la dette de 1313, et qu’ils ne constituent pas une preuve prima facie de l’exactitude des cotisations sous‑jacentes. Je conclus par conséquent qu’aucune preuve prima facie n’a été présentée. Le manquement du ministre à répondre aux demandes répétées de renseignements de M. Mignardi et le manquement de l’intimée à son obligation de produire des documents relatifs à la vérification ou des déclarations à l’audience justifient cette conclusion.

 

Troisième question en litige : La diligence raisonnable

 

[46]        La dernière question dont je suis saisi est de savoir si M. Mignardi a fait preuve de diligence raisonnable pour prévenir le manquement de la société à verser la TPS nette qui devait être payée après le 1er octobre 2001. Compte tenu de la conclusion que j’ai tirée sur la deuxième question en litige, il n’est pas strictement nécessaire que je tire une conclusion à l’égard de la question de la diligence raisonnable, mais je pense que cela pourrait s’avérer utile.

 

[47]        L’avocat de M. Mignardi a fait valoir qu’à compter du jour où la responsabilité de la gestion financière du cabaret est passée aux mains de Simmons, son client n’a plus eu de contrôle sur le paiement des sommes dues par le cabaret, et qu’il devrait par conséquent ne pas être tenu responsable des montants de taxe nette que Simmons a omis de verser pour le compte de 1313. En outre, l’avocat de M. Mignardi affirme qu’il était raisonnable que son client se fie à Simmons en ce qui a trait aux questions de gestion financière du cabaret, vu que Simmons était un cabinet spécialisé en gestion.

 

[48]         Le cadre juridique applicable à la défense de diligence raisonnable prévue au paragraphe 323(5) de la Loi a été établi par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada c. Buckingham[18] et résumé au paragraphe 32 de l’arrêt Balthazard c. Canada[19] de la manière suivante :

 

a.                   La norme de soin, de diligence et de compétence exigée au paragraphe 323(3) de la LTA est une norme objective comme l’a énoncé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Magasins à rayons Peoples inc. (Syndic de) c. Wise, 2004 CSC 68 (CanLII), 2004 CSC 68, [2004] 3 R.C.S. 461. Cette norme objective écarte le principe de common law selon lequel la gestion d’une société par un administrateur doit être jugée suivant les compétences, les connaissances et les aptitudes personnelles de celui-ci. Une norme objective ne signifie toutefois pas que les circonstances propres à un administrateur ne doivent pas être prises en compte. Ces circonstances doivent être prises en compte, mais elles doivent être considérées au regard de la norme objective d’une « personne raisonnablement prudente ».

 

b.                  L’examen de la conduite de l’administrateur aux fins de cette norme objective commence lorsqu’il devient évident pour l’administrateur, agissant raisonnablement et avec le soin, la diligence et la compétence qui sont requises, que la société entame une période de difficultés financières.

 

c.                   Une société qui fait face à des difficultés financières pourrait se hasarder à réaffecter les versements dus à la Couronne afin de payer d’autres créanciers et ainsi assurer la poursuite de ses activités. C’est précisément une telle conjoncture que l’article 323 de la LTA vise à éviter. Le moyen de défense prévu au paragraphe 323(3) de la LTA ne doit pas servir à encourager de tels défauts de versement en permettant aux administrateurs d’invoquer une défense de soin, de diligence et de compétence lorsqu’ils financent les activités de leur société à l’aide de remises dues à la Couronne, en espérant ou non remédier plus tard à ces défauts.

 

d.                  Puisque la responsabilité des administrateurs à ces égards n’est pas absolue, il est possible qu’une société puisse ne pas effectuer des remises à la Couronne sans que la responsabilité solidaire des administrateurs soit engagée.

 

e.                   Ce qui est requis des administrateurs, c’est qu’ils démontrent qu’ils se sont effectivement préoccupés des versements fiscaux et qu’ils se sont acquittés de leur obligation de soin, de diligence et de compétence afin de prévenir le défaut de la société de verser les montants en cause.

 

[49]        Comme l’établit le paragraphe b) de ce résumé, l’examen de la conduite de l’administrateur commence lorsqu’il devient évident que la société éprouve des difficultés financières. En l’espèce, il est clair qu’au 1er octobre 2001, 1313 éprouvait des difficultés financières. En pareilles circonstances, une personne raisonnablement prudente agissant à titre d’administrateur se serait inquiétée de savoir si la société s’acquittait de ses obligations financières, y compris des versements de taxe. Par conséquent, après que Simmons a été nommée, on aurait pu s’attendre à ce que les administrateurs de 1313 s’efforcent de savoir si Simmons parvenait à extraire le cabaret de ses difficultés financières et plus précisément, si Simmons effectuait les versements requis pour le compte de 1313. Une autre source d’inquiétude aurait pu provenir du fait que Simmons aurait pu représenter les intérêts de Yuk Yuk’s plutôt que ceux de 1313, et que ses décisions relatives à l’affectation des fonds pourraient favoriser Yuk Yuk’s au détriment des autres créanciers. Toutefois, il n’y a aucune preuve du fait que M. Mignardi a effectué quelque démarche que ce soit pour surveiller les actions de Simmons.

 

[50]        M. Mignardi affirme qu’il a [traduction] « perdu le contrôle » des finances de 1313 au profit de Simmons. Il m’apparaît toutefois qu’il a en fait consenti à l’arrangement. Il n’a pas été démontré que Yuk Yuk’s avait le pouvoir de nommer un gestionnaire ou un séquestre pour exploiter le cabaret, seulement qu’elle avait usé de son influence pour obtenir le consentement de MM. Mignardi et Bedard à l’intervention de Simmons. Je ne suis pas convaincu du fait que Simmons ou Yuk Yuk’s ont empêché M. Mignardi d’exercer ses prérogatives d’administrateur et de superviser la gestion financière du cabaret, seulement du fait que M. Mignardi a convenu de s’abstenir d’exercer ces prérogatives afin de permettre au cabaret de continuer ses activités. Dans de telles circonstances, je ne suis pas en mesure de conclure que M. Mignardi s’est effectivement préoccupé du versement des taxes après le 1er octobre 2001, ou qu’il a fait preuve de diligence raisonnable pour prévenir les omissions de verser la TPS de 1313 après cette date.

 

Conclusion

 

[51]        L’appel est accueilli et la cotisation établie à l’égard de M. Mignardi est annulée. Étant donné que la somme en litige est supérieure à 7 000 $, aucuns dépens ne seront adjugés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de mars 2013.

 

 

« B. Paris »

Juge Paris

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour d’avril 2013.

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 67

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2011-1462(GST)I

 

INTITULÉ :                                      Steven Mignardi c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 21 mars 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge B. Paris

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 6 mars 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me William Kelly

Avocate de l’intimée :

Me Alisa Apostle

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

               Nom :                                 William Kelly

 

               Cabinet :                            Kelly Barrister and Solicitor

                                                          Oshawa (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           L.R.C., 1985, ch. E-15.

[2]           Pièce A‑2, Règlements administratifs, à la page 3.

[3]           [2002] G.S.T.C. 71.

[4]           Précitée, à la note 3, au paragraphe 32.

[5]           L.R.O. 1990, c. B.16.

[6]           Précitée, à la note 3, au paragraphe 35.

[7]               Précité, à la note 2, à la page 7.

[8]               précitée, à la note 5

[9]           [2000] A.C.I. no 872.

[10]          [2001] A.C.I. no 526.

[11]          [2012] A.C.I. no 211.

[12]          [2006] A.C.I. no 521.

[13]          [1997] 2 R.C.S. 336.

[14]          2005 CAF 104.

[15]          2007 CAF 188.

[16]          [2005] A.C.F. no 2116.

[17]          Pièce R-1, sous l’onglet 8.

[18]          2011 CAF 142.

[19]          2011 CAF 331.

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