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Dossier : 2011-245(IT)G

ENTRE :

IMMUNOVACCINE TECHNOLOGIES INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus les 29 et 30 novembre 2012, à Halifax (Nouvelle‑Écosse).

 

Devant : L’honorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Bruce S. Russell, c.r.

Avocats de l’intimée :

Me Daniel Bourgeois

Me Frédéric Morand

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l’égard des déterminations faites par le ministre du Revenu national (le « ministre »), en application de l’alinéa 152(1)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), à l’égard du droit de l’appelante au crédit d’impôt à l’investissement remboursable (le « CIIR ») pour chacune des années d’imposition 2005, 2006, 2007 et 2008, en application du paragraphe 127.1(1) de la Loi, sont rejetés.

 

          Les déterminations en cause, datées du 14 mars 2008 pour les années d’imposition 2005 et 2006 et du 15 juillet 2009 pour les années d’imposition 2007 et 2008, dans lesquelles le ministre a déterminé l’admissibilité de l’appelante au CIIR en tenant compte du fait que les contributions reçues de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique étaient de l’« aide gouvernementale », au sens du paragraphe 127(9) de la Loi, sont confirmées, et les dépens sont adjugés à l’intimée.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d’avril 2013.

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour d’août 2013.

 

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 103

Date : 20130410

Dossier : 2011-245(IT)G

ENTRE :

 

IMMUNOVACCINE TECHNOLOGIES INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

La juge Lamarre

 

 

[1]             Il s’agit d’appels interjetés à l’égard de déterminations faites par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en application de l’alinéa 152(1)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») à l’égard de l’admissibilité de l’appelante au crédit d’impôt à l’investissement remboursable (le « CIIR ») pour chacune des années d’imposition qui se sont terminées entre le 31 mars 2005 et le 31 mars 2008. Le ministre a refusé les montants déduits au titre des activités de recherche scientifique et de développement expérimental et le CIIR connexe pour les années d’imposition en cause en application du paragraphe 127.1(1) de la Loi au motif que les contributions versées à l’appelante par l’Agence de promotion économique du Canada atlantique (l’« APECA »), organisme du gouvernement du Canada, aux termes d’une convention datée du 31 décembre 2004 (la « convention ») (voir la pièce R-1, onglet 2) étaient de l’« aide gouvernementale » au sens du paragraphe 127(9) de la Loi. Le montant d’aide gouvernementale reçu réduit le montant des dépenses donnant droit au CIIR (en application du paragraphe 127(11.1) de la Loi).

 

[2]             L’« aide gouvernementale » est définie de la manière suivante au paragraphe 127(9) de la Loi :

 

127(9)

 

« aide gouvernementale » – Aide reçue d’un gouvernement, d’une municipalité ou d’une autre administration sous forme de prime, subvention, prêt à remboursement conditionnel, déduction de l’impôt ou allocation de placement ou sous toute autre forme, à l’exclusion d’une déduction prévue au paragraphe (5) ou (6).

 

[3]             L’appelante est d’avis que la contribution reçue de l’APECA n’est pas de l’« aide gouvernementale », mais qu’il s’agissait plutôt d’un prêt ordinaire consenti selon des conditions raisonnables pour les besoins commerciaux de l’APECA. Ainsi, pour les années en cause, l’appelante devrait avoir le droit de déduire de son revenu ses dépenses relatives à des activités de recherche scientifique et de développement expérimental et de recevoir le CIIR connexe.

 

 

La question en litige

 

[4]             La question en litige est de savoir si les sommes de 917 731 $, de 692 806 $, de 1 504 137 $ et de 724 931 $ que l’appelante a reçues de l’APECA pendant les années d’imposition 2005, 2006, 2007 et 2008 sont de l’« aide gouvernementale » au sens du paragraphe 127(9) de la Loi.

 

 

Les admissions

 

[5]             L’appelante est une société de recherche et de développement qui a été constituée en société en mars 2000 afin de mettre en œuvre des projets visant la création de vaccins. L’APECA a apporté à l’appelante une contribution de 3 786 474 $  échelonnée sur quatre ans (de 2005 à 2008), pour les frais associés à la réalisation de tels projets.

 

[6]             Les parties ont également admis les faits auxquels il est fait référence dans la réponse de l’appelante à la demande d’aveux, lesquels ont été énoncés dans la demande d’aveux de l’intimée, ces deux documents ayant été déposés à l’audience. Ces faits sont les suivants :

 

            [traduction]

 

1.         En 2004, l’appelante n’avait pas commencé à commercialiser des produits.

2.         Pour les années 2002 à 2004, le revenu brut et les pertes nettes de l’appelante étaient les suivantes :

 

            Année              Revenu brut                            Pertes nettes

           

            2002                5 030 $                                    (564 478 $)

            2003                21 078 $                                  (1 094 063 $)

            2004                25 542 $                                  (1 016 327 $)

 

3.         Au 31 mars 2004, les actifs à court terme de l’appelante s’élevaient à 240 150 $ et ses immobilisations à 58 867 $.

4.         De l’année 2000 à 2011, les sources de revenus bruts de l’appelante étaient les suivantes :

 

            Année              Source de revenus bruts

 

            2000                Zéro

            2001                Inconnue

            2002                Inconnue

            2003                Recouvrement des coûts

            2004                Recouvrement des coûts

            2005                Zéro

            2006                Zéro

            2007                Zéro

            2008                Droits de signature d’un contrat de licence payés par Pfizer

            2009                Droits de signature d’un contrat de licence payés par Pfizer

            2010                Droits de signature d’un contrat de licence payés par Pfizer

            2011                Zéro

 

5.         Aux termes de la convention conclue avec l’APECA en date du 31 décembre 2004, l’appelante a effectué les remboursements suivants :

 

            Année              Montant du remboursement

 

            2008                4 896,30 $

            2009                2 116,60 $

            2010                28 408,24 $

            2011                1 552,10 $

 

6.         L’appelante a présenté des demandes et a reçu du financement aux termes de la convention conclue avec l’APECA le 31 décembre 2004, conformément aux renseignements énoncés dans le tableau qui se trouve sous l’onglet 52 du volume 3 des réponses aux engagements de l’appelante.

            [Le tableau a été produit sous la cote R-1, onglet 1]

 

 

Les faits divulgués à l’audience

 

[7]             La convention conclue entre l’APECA et l’appelante le 31 décembre 2004 a été produite sous la cote R-1, onglet 2, et elle est reproduite ci‑dessous :

 

            [traduction]

 

Fonds d’innovation de l’Atlantique

 

                                                                                       Numéro de contrat : 181989

 

La présente convention est conclue

 

ENTRE :       L’AGENCE DE PROMOTION ÉCONOMIQUE DU CANADA AtlantiQUE

                                                            (ci‑après appelée l’« APECA »)

 

ET :                IMMUNOVACCINE TECHNOLOGIES INC.,

société dûment constituée en vertu des lois de la Nouvelle‑Écosse, dont le siège social est situé au 1819, rue Granville, bureau 303,

Halifax (Nouvelle‑Écosse)  B3J 3R1

                                                      (ci‑après appelée « le promoteur »)

 

 

ATTENDU QUE l’APECA a mis en place un programme, le Fonds d’innovation de l’Atlantique (FIA), en vue de renforcer l’économie du Canada atlantique en appuyant le développement de l’industrie du savoir. Grâce au FIA, la région sera mieux à même de mener des activités de recherche et de développement de pointe qui contribueront directement à la mise en place d’un nouveau secteur technologique au Canada atlantique;

 

ATTENDU QUE le promoteur a soumis une proposition de projet en réponse à la demande de proposition de projets de l’APECA datée du 23 août 2002.

 

EN CONTREPARTIE de leurs obligations respectives énoncées ci‑dessous, les parties à la présente convention conviennent de ce qui suit :

 

Article 1 – Délai de réception de la convention signée

1.1       Le promoteur doit signer la présente convention, et l’APECA doit la recevoir, au plus tard le 31 décembre 2004, à défaut de quoi elle sera nulle et sans effet.

 

Article 2 – Documents faisant partie de la présente convention

2.1       Les documents suivants font partie intégrante de la présente convention :

Les articles de la convention

Annexe 1 – Conditions générales

Annexe 2 – Description des travaux

Annexe 3 – Demandes de remboursement et principes d’établissement des coûts du projet du FIA

Annexe 4 – Commercialisation

Annexe 5 – Exigences en matière de rapports

Annexe 6 – Fiche de renseignements sur le projet pour le communiqué

Annexe 7 – Équipement spécial

Annexe 8 – Paiement préalablement autorisé/Autorisation de dépôt direct

 

2.2       En cas de conflit ou de divergence, l’ordre de priorité applicable sera le suivant :

Les articles de la convention

Annexe 1 – Conditions générales

Annexe 2 – Description des travaux

Autres annexes

 

Article 3 – Obligations du promoteur

3.1       Le promoteur réalisera le nouveau projet de vaccins à base de peptides (« le projet ») tel qu’il est décrit à l’annexe 2, Description des travaux, présentera des demandes de remboursements conformément à l’annexe 3, procédera à la commercialisation conformément aux dispositions de l’annexe 4, produira les rapports exigés aux termes de l’annexe 5 et se conformera à toutes les autres obligations prévues par la présente convention d’une manière diligente et avec professionnalisme, en ayant recours à du personnel qualifié.

3.2       Le promoteur veillera à ce que le projet soit achevé au plus tard le 30 septembre 2007 (« la date d’achèvement du projet »), à moins que l’APECA n’en convienne autrement par écrit.

3.3       Dans le cas où la réalisation du projet exige la collaboration d’autres parties, le promoteur fournira à l’APECA, préalablement à tout versement de fonds, une preuve satisfaisante attestant qu’une convention adéquate est en vigueur afin de garantir que les rôles et les responsabilités de chaque partie sont définis.

 

Article 4 – Contribution

4.1       Sous réserve des autres dispositions de la présente convention, l’APECA versera au promoteur une contribution pour le projet correspondant au moindre des deux montants suivants :

a)   51,825 % de tous les autres coûts admissibles (estimés à 7 306 297 $); ou

b)   3 786 474 $.

4.2       L’APECA ne versera aucune contribution au titre des coûts admissibles engagés par le promoteur avant le 27 novembre 2002 ni après la date d’achèvement du projet, à moins que l’APECA n’en convienne autrement par écrit.

4.3       L’APECA versera au promoteur la contribution à l’égard des coûts admissibles engagés sur présentation de demandes de remboursement détaillées conformément aux procédures établies à l’annexe 3.

4.4       L’APECA peut retenir jusqu’à dix pour cent (10 %) de la contribution jusqu’à l’achèvement du projet ou jusqu’à ce que la vérification que l’APECA pourrait exiger ait été effectuée. Si aucune vérification n’a été effectuée douze (12) mois après la réception de la demande de remboursement finale, tout montant ainsi retenu est alors versé au promoteur.

4.5       Si elle le désire ou à la demande du promoteur, l’APECA  peut verser des paiements conjoints au promoteur et à un fournisseur à l’égard des frais admissibles engagés.

4.6       a)   Si l’APECA le désire, elle peut verser un paiement anticipé au promoteur.

b)   Le promoteur qui souhaite obtenir un paiement anticipé doit présenter un formulaire de demande de paiement anticipé (fourni par l’APECA) rempli, y compris des prévisions des flux de trésorerie mensuels associés aux coûts admissibles qui devraient être engagés pendant la période visée par le paiement anticipé. Ces documents doivent démontrer qu’un paiement anticipé est essentiel à la réussite du projet. Chaque paiement anticipé doit être justifié, à la satisfaction de l’APECA, dans les quarante‑cinq (45) jours suivant la fin de la période visée par le paiement anticipé.

c)   Si l’APECA décide de verser un paiement anticipé, ce versement sera effectué conformément à la Politique sur les paiements de transfert du Conseil du Trésor.

 

Article 5 – Remboursement

5.1       Le promoteur doit rembourser la contribution à l’APECA au moyen de versements annuels calculés selon un pourcentage des revenus bruts. Le montant dû à l’APECA pour chaque versement doit être calculé de la manière suivante :

a)   2 % des revenus bruts pour l’exercice précédant immédiatement la date d’échéance du paiement respectif quand ceux‑ci sont inférieurs à 5 000 000 $;

b)   10 % des revenus bruts pour l’exercice précédant immédiatement la date d’échéance du paiement respectif quand ceux‑ci sont égaux ou supérieurs à 5 000 000 $.

5.2       Le premier remboursement est dû le 1er décembre 2008, et les remboursements suivants seront dus chaque année jusqu’au remboursement total de la contribution.

5.3       Le promoteur convient que son exercice débute actuellement le 1er avril et se termine le 31 mars, et accepte de n’y apporter aucune modification sans l’approbation préalable de l’APECA.

 

Article 6 – Autre aide gouvernementale

6.1       Le promoteur confirme par la présente convention qu’il n’a demandé ni reçu aucune autre aide financière fédérale, provinciale ou municipale à l’égard des coûts admissibles du projet, en dehors de celle qui est décrite à l’article 7.1 de l’annexe 2, et qu’il ne demandera ni ne recevra une telle aide financière.

6.2       Le promoteur informera promptement l’APECA par écrit de toute autre aide fédérale, provinciale ou municipale (exception faite des crédits d’impôt, des déductions ou des allocations au titre de la recherche scientifique et du développement expérimental) à recevoir à l’égard des coûts admissibles du projet, et l’APECA se réserve le droit de réduire la contribution versée aux termes de la présente convention proportionnellement à ladite aide.

 

Article 7 – Financement du projet

7.1       Avant la date du premier versement, le promoteur devra fournir à l’APECA  une copie de ses états financiers vérifiés pour l’exercice qui s’est terminé le 31 mars 2004.

7.2       Avant le 1er avril de chaque année, et ce, jusqu’à la fin du projet, le promoteur donnera à l’APECA confirmation du fait qu’il dispose d’un financement suffisant pour le prochain exercice au moyen d’un état des flux de trésorerie pour les 12 mois de l’exercice, et ces projections financières devront démontrer que des fonds suffisants sont disponibles pour appuyer le projet et les activités de la société pendant cette période de 12 mois.  Ces états financiers devront être jugés satisfaisants par l’APECA.

7.3       Avant le premier versement de fonds, le promoteur confirmera que des placements en titres de capitaux propres de 1 400 000 $ ont été effectués depuis le 1er janvier 2004 selon des modalités qui devront être jugées satisfaisantes par l’APECA.

7.4       Avant que les versements cumulatifs dépassent 700 000 $, le promoteur confirmera que des placements en titres de capitaux propres supplémentaires de 700 000 $ ont été effectués, soit 2 100 000 $ depuis le 1er janvier 2004, selon des modalités qui devront être jugées satisfaisantes par l’APECA.

7.5       Avant que les versements cumulatifs dépassent 1 500 000 $, le promoteur confirmera que des placements en titres de capitaux propres supplémentaires de 2 000 000 $ ont été effectués, soit 4 100 000 $ depuis le 1er janvier 2004, selon des modalités qui devront être jugées satisfaisantes par l’APECA.

 

Article 8 – La recherche effectuée avec des êtres humains ou des animaux

8.1       Avant le premier versement de fonds, le promoteur fournira la preuve, à la satisfaction de l’APECA, que le projet a été approuvé par un comité d’éthique de la recherche constitué et œuvrant conformément à l’Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains et, dans le cas d’essais cliniques, à la Loi sur les aliments et drogues et au Règlement sur les aliments et drogues, dont l’application relève de Santé Canada. La recherche sur les animaux doit être approuvée par un comité de protection des animaux, constitué et œuvrant conformément au Manuel sur le soin et l’utilisation des animaux d’expérimentation du Conseil canadien de protection des animaux.

8.2       Le promoteur doit également régler, de la même façon, toute autre question éthique susceptible de survenir au cours du projet, et il doit en fournir une preuve satisfaisante à l’APECA.

 

Article 9 – Conditions particulières

9.1       a)   Le promoteur doit avoir, à la satisfaction de l’agence, des capitaux propres de (594 506 $) au plus tard à la date du premier versement au promoteur par l’APECA.

            b)   À moins que l’APECA ne le précise autrement par écrit, ces capitaux propres doivent être maintenus jusqu’à ce que le promoteur ait rempli tous ses engagements relativement à la commercialisation dont il est question à l’annexe 4.

 

Article 10 – Avis

10.1     Tout avis destiné à l’APECA doit être adressé à :

Agence de promotion économique du Canada atlantique

1801, rue Hollis, bureau 600

Halifax (Nouvelle‑Écosse)

B3J 3C8

À l’attention de : Mme Mary-Ellen Valkenier

Télécopieur : 902-426-2054

10.2     Tout avis destiné au promoteur doit être adressé à :

ImmunoVaccine Technologies Inc.

1819, rue Granville, bureau 303

Halifax (Nouvelle‑Écosse)

B3J 3R1

À l’attention de : Dr Warwick Kimmons

Télécopieur : 902-492-0888

 

Article 11 – Convention complète

11.1     La présente convention constitue la convention complète conclue entre les parties et remplace et annule l’ensemble des documents, négociations, arrangements, engagements et accords antérieurs sur le même sujet.

 

[8]             Les conditions générales applicables à la convention ainsi que les définitions de certains termes employés dans la convention sont énoncées à [traduction] l’« Annexe 1 – Conditions générales ». J’en reproduis ci‑dessous les extraits pertinents :

 

            [traduction]

 

ANNEXE 1 – conditions GÉNÉRALES

 

1. Définitions

Dans la présente convention,

« Contribution »  s’entend du financement, en dollars canadiens, à verser par l’APECA aux termes de la convention.

 

[...]

 

 « Convention »  s’entend de la convention visée par les présentes conditions générales, soit les articles de la convention et les annexes auxquelles ils renvoient.

 

[...]

 

 

« Revenu brut »  s’entend de l’ensemble des revenus, recettes, sommes et autres paiements de quelque nature que ce soit gagnés ou reçus par le promoteur, que ce soit en argent comptant ou sous forme d’avantage ou de concession, et sans déduction de quelque nature qu’elle soit, net de tout retour ou de toute remise effectivement porté au crédit de comptes, et de toute taxe de vente, taxe d’accise, taxe sur la valeur ou taxe similaire payée, exception faite des déductions pour créances irrécouvrables ou créances douteuses, définies conformément aux principes comptables généralement acceptés, appliqués de manière systématique. Les transactions avec des « personnes liées » (au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu) seront réputées avoir été effectuées à un prix égal à la juste valeur marchande d’un produit similaire à l’époque de la transaction.

 

[...]

 

4.1       Versement excédentaire par le ministre

Si, pour quelque raison que ce soit :

a)         le promoteur n’a pas droit à la contribution, ou

b)         l’APECA établit que le montant de la contribution versée dépasse le montant auquel le promoteur a droit,

le promoteur devra rembourser à l’APECA, promptement et au plus tard dans les trente (30) jours suivant l’avis envoyé par l’APECA, le montant de la contribution versée ou le montant du versement excédentaire, selon le cas, ainsi que les intérêts, et ce, au taux d’intérêt qui était en vigueur entre la date de l’avis et le jour où le montant est remboursé au complet à l’APECA. Toute somme de cette nature est une dette envers Sa Majesté du chef du Canada, recouvrable à ce titre.

 

[...]

 

6.10     Autres sources de financement

Le promoteur est seul responsable de la fourniture ou de l’obtention des fonds, outre la contribution, nécessaires à la réalisation du projet et à l’exécution de ses autres obligations prévues dans la présente convention.

 

[...]

 

7.1       Commercialisation

a)         La convention prendra fin lorsque le promoteur aura versé à l’APECA toutes les sommes qu’il lui doit suivant la présente convention, ou lorsqu’il se sera acquitté de cette obligation par d’autres moyens, à la satisfaction de l’APECA.

b)         Dans l’éventualité où le promoteur a rempli tous les engagements relatifs à la commercialisation dont il est question à l’annexe 4, et où le promoteur a démontré, à la satisfaction de l’APECA, qu’il ne génère plus, et ne générera plus, de revenus bruts, nonobstant l’alinéa 7.1a), la convention prendra fin.

 

[...]

 

8.         Défaut et recouvrement

8.1       Cas de défaut

Les cas ci‑après constituent des cas de défaut :

 

[...]

 

e)         le promoteur néglige ou omet de verser à l’APECA toute somme due conformément à la présente convention, ou

f)         de l’avis de l’APECA, le promoteur a cessé ses activités,

cependant, l’APECA ne déclare pas un cas de défaut suivant les alinéas 8.1c), d) ou e) à moins d’avoir informé le promoteur de la situation ou de l’évènement qui, à son avis, constitue un cas de défaut, et à moins que le promoteur n’ait omis, dans les trente (30) jours suivant la réception de l’avis, de corriger la situation ou l’évènement reproché ou de démontrer, à la satisfaction de l’APECA, qu’il a pris les mesures nécessaires pour remédier à la situation et qu’il a avisé l’APECA de la rectification.

 

8.2       Recours en cas de défaut

En cas de défaut, ou si l’APECA est d’avis qu’il peut se produire un cas de défaut, l’APECA peut exercer un ou plusieurs des recours suivants :

 

[...]

 

c)         exiger du promoteur qu’il rembourse à l’APECA, en tout ou en partie, la contribution que l’APECA lui a versée, et qu’il paie à l’APECA toute somme due aux termes de la convention, ainsi que les intérêts au taux d’intérêt en vigueur. Les intérêts, calculés quotidiennement et composés mensuellement, commencent à courir à la date à laquelle, de l’avis de l’APECA, le cas de défaut est survenu.

 

[...]

 

10.3     Compte en souffrance

Lorsque le compte est en souffrance, le promoteur doit payer des intérêts sur le montant dû, au taux d’intérêt en vigueur, en sus de tout montant exigible. Les intérêts, calculés quotidiennement et composés mensuellement, courent à partir de la date à laquelle le paiement devient exigible jusqu’à la date de réception du paiement.

 

[9]             En outre, l’annexe 4 de la convention précise que, à moins que l’APECA n’en convienne autrement, l’appelante doit s’assurer que les produits découlant du projet seront exploités dans le contexte des activités de production au Canada atlantique jusqu’au 30 septembre 2017. L’annexe 5 de la convention prévoit que l’appelante devra présenter des rapports trimestriels et annuels à l’APECA relativement aux progrès effectués dans l’accomplissement de l’énoncé des travaux et à toute révision de l’estimation des coûts. Le projet particulier de l’appelante est décrit à l’annexe 6 de la convention, qui précise, entre autres choses, les avantages potentiels du projet à long terme relatifs à la création d’une nouvelle capacité dans la région et à la création de nouveaux emplois.

 

[10]        M. Brian Lowe, cofondateur, chef des opérations et, depuis 2008, vice‑président de l’appelante, a déclaré qu’il n’avait pas seulement demandé le soutien de l’APECA, mais qu’il avait en fait réuni quelque 30 millions de dollars en capitaux propres d’investisseurs privés et obtenu quelque 10 millions de dollars d’aide financière gouvernementale au cours de son mandat relatif au projet de vaccin (voir la transcription, à la page 21). En vue d’obtenir le soutien financier de l’APECA par l’entremise du Fonds d’innovation de l’Atlantique (le « FIA »), l’appelante a présenté une lettre d’intention en août 2002, et une soumission complète avant la fin du mois de novembre 2002. La convention finale a été signée le 31 décembre 2004 au terme d’un long processus de négociation des modalités de la convention (voir la transcription, aux pages 21 et 22). M. Lowe a souligné le fait que, par suite de ces négociations et aux termes des modalités de remboursement énoncées à l’article 5 de la convention, la contribution versée par l’APECA devait être entièrement remboursée au moyen de paiements calculés selon un pourcentage des revenus bruts de l’appelante, générés par l’ensemble des activités de celle‑ci, et que le remboursement ne dépendait pas de l’issue du projet faisant précisément l’objet du financement; M. Lowe croyait que ce type de clause n’était pas courante avec l’APECA (voir la transcription, aux pages 25, 34 et 35). En fait, il a été montré que la contribution versée par l’APECA à l’appelante apparaissait dans les états financiers de cette dernière pour les années 2006, 2007 et 2008 comme étant un prêt remboursable à long terme (voir, à titre d’exemple, les états financiers pour la période qui s’est terminée le 31 mars 2006, sous la cote A-2, [traduction] Bilan, à la page 41 et à la page 47, sous la note 5, qui fait référence à un prêt sans intérêts de l’APECA). Apparemment, l’appelante, sur les conseils de ses vérificateurs et de ses comptables, a demandé à l’APECA de consentir à une modification de la convention relative aux modalités de remboursement, de manière à ce que le remboursement ne soit plus établi en fonction d’un pourcentage de ses revenus bruts, mais consiste en un remboursement mensuel fixe. M. Lowe a expliqué que cette modification avait été demandée afin que le crédit d’impôt pour la recherche expérimentale et le développement scientifique soit accordé à l’appelante. L’APECA a apparemment refusé d’apporter tout changement en ce sens à la convention (voir la transcription, aux pages 31 et 32).

 

[11]        Lors du contre-interrogatoire, M. Lowe a reconnu que les états financiers pour l’année qui s’est terminée le 31 mars 2003 (voir la pièce R-1, sous l’onglet 7, note 1) montraient que la société n’avait pas encore lancé ses opérations commerciales et que sa capacité à poursuivre ses activités était tributaire, entre autres choses, de sa capacité d’obtenir des fonds additionnels. Il a également confirmé que le même point apparaissait à la note 1 des états financiers pour l’année qui s’est terminée le 31 mars 2007 (voir la pièce A-3). Pour l’année qui s’est terminée le 31 mars 2008, la société a déclaré une perte nette d’environ 2,7 millions de dollars et un déficit accumulé d’environ 11 millions de dollars. Dans les états financiers pour cette année, on peut lire ce qui suit, sous la note 1 : [traduction] « En sus des exigences relatives au fonds de roulement, la société doit s’assurer de disposer de suffisamment de fonds pour travailler sur ses programmes de recherche et de développement ainsi que pour défendre ses brevets. Ces circonstances font planer un doute sérieux quant à la capacité de la société à s’acquitter de ses obligations au fur et à mesure qu’elles arrivent à échéance, et, par conséquent, quant au caractère adéquat de l’usage des principes comptables applicables à une entreprise en exploitation » (voir la pièce A-4, à la page 7, note 1).

 

[12]        M. Lowe a expliqué que l’appelante n’était pas différente des autres entreprises de biotechnologie, en ce sens qu’elle ne cessait jamais de se procurer des fonds (voir la transcription, à la page 55), mais il a admis qu’il n’y avait pas eu d’autres sources de revenus à partir desquelles l’APECA pouvait s’attendre à être remboursée à partir du moment où la convention a été signée (voir la transcription, aux pages 57 et 58). Il a déclaré qu’à cette époque-là, le projet n’avait pas encore commencé et qu’il était entendu que la contribution de l’APECA serait remboursée [traduction] « par la suite, au moyen des revenus bruts générés au terme du projet » (voir la transcription, à la page 58). En 2008, il n’y avait pas encore de produit commercialisé, comme en témoigne l’énoncé suivant, à la note 1 des états financiers de 2008 (voir la pièce A‑4) : [traduction] « Ces engagements [émission d’actions et financement additionnel par emprunt], même s’ils sont considérables, ne sont pas suffisants en tant que tels pour permettre à la société de financer tous les aspects de ses activités, et, par conséquent, la direction est à la recherche d’autres options de financement pour les activités de la société, de manière à ce qu’elle puisse poursuivre son exploitation. »

 

[13]        Mme Kimberly Stephens, CA, directrice financière de l’appelante depuis janvier 2011, a également témoigné. Elle a déclaré que le projet sur lequel la société travaillait était constitué de quatre éléments. Il semblerait que la société travaille actuellement à trouver différents moyens de financer deux de ces programmes de recherche et, à cette fin, qu’elle cherche à collaborer avec d’autres sociétés de personnes ou entités (voir la transcription, à la page 115). Apparemment, l’appelante a signé quatre conventions avec Pfizer Animal Health entre 2007 et 2010 relativement à un des éléments du projet, soit la vaccination préventive dans le contexte du programme relatif aux infections bactériennes et virales touchant les animaux, pour lequel Pfizer a payé, dans les années 2008, 2009 et 2010, des droits de signature de contrat de licence payables d’avance pour pouvoir utiliser la technologie de l’appelante (pour l’exercice qui s’est terminé le 31 mars 2008, ces droits semblent s’élever à 244 815 $, soit le montant du revenu qui apparaît à la page 5 des états financiers déposés sous la cote A-4). Mme Stephens a déclaré qu’elle espérait que la société commence à recevoir des versements d’étape pour cet aspect du projet à partir de 2014, c’est‑à‑dire quand Pfizer présenterait une demande de commercialisation du produit, puis quand le produit serait approuvé par la Food and Drug Administration (la « FDA » – Secrétariat américain aux produits alimentaires et pharmaceutiques), et finalement, quand le produit serait commercialisé. Après cela, les redevances commenceraient à être versées (voir la transcription, aux pages 115, 116, 126 et 127). Mme Stephens a également mentionné le fait que la société travaillait sur d’autres programmes de recherche pour lesquels elle disposait des droits de brevet et qui présentaient un potentiel de commercialisation, lesquels n’avaient aucun rapport avec la partie du projet à laquelle l’APECA contribue. Elle a confirmé que, si ces autres programmes généraient des revenus, de tels revenus feraient partie de l’ensemble des revenus qui serviraient à rembourser la contribution de l’APECA (voir la transcription, aux pages 117 à 119).

 

[14]        Mme Stephens a expliqué qu’à l’origine, l’appelante avait travaillé sur un projet de recherche relatif à un vaccin permettant de contrôler la fécondité des animaux (qualifié de [traduction] « produit candidat », étant donné qu’il ne s’agissait pas véritablement d’un produit commercialisable). Un élément de ce projet passait par une collaboration avec le gouvernement de Hong Kong. Mme Stephens a affirmé que le revenu brut que l’appelante a déclaré pour 2003 et 2004 n’était en fait pas un revenu, mais un recouvrement de coûts, c’est‑à‑dire le remboursement par le gouvernement de Hong Kong de frais supportés par l’appelante pour ce projet, vu que l’appelante n’avait aucun produit à vendre (voir la transcription, aux pages 122 à 125).

 

[15]        L’appelante a également cité un témoin à comparaître, M. Nicholas John Franklin, directeur commercial auprès du concessionnaire automobile Atlantic Acura, pour établir que, dans un contexte commercial, les taux d’intérêt de 0 % sont réalistes dans le contexte de l’achat d’automobiles. Lors du contre‑interrogatoire, M. Franklin a convenu que, dans ce cas, les voitures tiennent lieu de garantie aux prêts.

 

[16]        L’avocat de l’intimée a cité à comparaître Mme Janice Ann Nishikawa, directrice de l’APECA chargée des provinces atlantiques depuis 2006. En 2004, elle était gestionnaire du FIA pour la région du Nouveau‑Brunswick et chargée de la coordination et de l’administration quotidienne de l’évaluation des projets pour les clients du FIA au Nouveau-Brunswick. Elle a déclaré que l’APECA était une agence pour le développement régional qui avait été créée par le gouvernement du Canada. Le mandat qui lui est confié par la loi consiste à promouvoir le développement économique de la région de l’Atlantique dans le but de créer des emplois et d’augmenter le revenu des Canadiens résidant dans cette région (voir la transcription, aux pages 131 et 132). Le FIA est un programme d’investissement en recherche et en développement offert par l’APECA, lequel vise la création de produits, de technologies et de processus « commercialisables » au Canada atlantique (voir la transcription, aux pages 134 et 135; voir aussi les objectifs du programme du FIA, sous la cote R-3, à la page 22). Le FIA est régi par le Conseil du Trésor, qui approuve les conditions de son programme, c’est‑à‑dire les conditions d’octroi de subventions et de contributions (voir la transcription, à la page 136).

 

[17]        L’article 2.4, intitulé « Caractère remboursable », du document en ligne de l’APECA concernant le FIA « Demande de propositions de projets » (sous la cote R‑3) établit que « [l]a politique fédérale en matière de contributions remboursables est fondée sur le principe selon lequel une entreprise qui réalise un profit ou accroît autrement sa valeur grâce à une contribution du gouvernement du Canada doit rembourser la contribution au gouvernement. Par conséquent, les contributions versées au secteur privé pour la mise en marché d’une technologie, d’un produit, d’un processus ou d’un service seront remboursables, sous conditions, en fonction du succès commercial du projet. »

 

[18]        Mme Nishikawa a déclaré que, quand un projet était sélectionné, une convention de contribution remboursable était négociée. Les conditions du remboursement étaient passées en revue pour établir comment l’APECA serait remboursée, dans le cas où le produit du promoteur s’avérait une réussite commerciale. On convenait alors d’étapes visant à permettre un meilleur suivi du projet et on définissait les résultats clés attendus (voir la transcription, aux pages 144 et 145). Mme Nishikawa a déclaré, confirmant ainsi l’énoncé du document produit sous la cote R-3, que le financement du FIA était remboursable sous conditions par les clients du secteur commercial et non remboursable par les organismes sans but lucratif (voir la transcription, à la page 146). Ces conditions sont conformes à celles qui sont énoncées dans la Politique sur les paiements de transfert tirée du site Internet du Secrétariat du Conseil du Trésor, qui établit que, lorsqu’une contribution est versée à une entreprise et vise à lui permettre de faire des profits ou d’augmenter sa valeur, celle-ci doit rembourser la contribution ou partager les avantages financiers qui en découlent avec le gouvernement, proportionnellement au niveau de risque qu’ils assument ensemble (voir la pièce R-4, à l’article 7.8.1, et la transcription, à la page 148).

 

[19]        Mme Nishikawa a également déclaré qu’une fois un projet lancé et la contribution accordée, le promoteur devait présenter des rapports trimestriels relatifs à l’évolution des travaux afin de pouvoir retirer les fonds (voir la transcription, à la page 149). Il fallait également produire un rapport de suivi annuel relatif aux résultats obtenus. Le succès d’un projet est mesuré à l’aune d’indicateurs de succès définis pendant toute la durée du projet en question. Toutefois, pour mesurer le succès d’un projet, le remboursement n’est pas un critère pris en considération (voir la transcription, aux pages 150 à 152).

 

[20]        Lors du contre‑interrogatoire, Mme Nishikawa a reconnu que les conditions auxquelles elle avait fait référence lors de son interrogatoire principal (particulièrement celles qui concernent les objectifs du programme du FIA et les exigences relatives aux demandes ainsi que le remboursement des contributions) et dont il est question dans la demande de propositions de projets (voir la pièce R‑3, sous l’article 2.2 et l’annexe A) ne faisaient pas [traduction] « mot pour mot » partie intégrante de la convention en cause en l’espèce. Mais elle a expliqué que la convention était néanmoins fondée sur la Politique sur les paiements de transfert dont il a été question plus tôt et qu’elle respectait les conditions susmentionnées (voir la transcription, aux pages 165 à 169). Lors du nouvel interrogatoire, elle a passé en revue les exigences relatives aux ententes de contribution prévues dans la Politique sur les paiements de transfert du Conseil du Trésor (voir la pièce R-4, sous l’article 8.2.1 et l’annexe C) et elle a confirmé qu’elles étaient toutes prévues par la convention en cause en l’espèce (voir la transcription, aux pages 186, 187 et 192).

 

[21]        Elle a également confirmé que, de mémoire, c’était la première fois qu’elle avait vu une clause de remboursement qui s’appliquait à l’ensemble des revenus bruts, par opposition aux seuls revenus bruts liés au projet faisant l’objet du financement (voir la transcription, aux pages 172 à 174).

 

 

La thèse de l’appelante

 

[22]        L’appelante est d’avis que la contribution de l’APECA n’est pas de l’aide gouvernementale au sens du paragraphe 127(9) de la Loi, mais qu’il s’agit plutôt d’un prêt ordinaire consenti selon des modalités raisonnables à des fins commerciales. La contribution était une avance de fonds versée en échange d’une promesse de remboursement.   

 

[23]        Quand l’argent avancé à une entreprise doit être remboursé et que les modalités de ce remboursement sont précisées, la transaction est considérée comme un prêt. Selon l’appelante, elle avait l’obligation de rembourser les fonds et il existait des conditions de remboursement obligatoires. Il s’agissait d’un véritable prêt à l’entreprise, même s’il ne portait pas intérêt, vu que l’intérêt n’est pas un élément essentiel d’un prêt (Canada Deposit Insurance Corp. v. Canadian Commercial Bank, [1990] 4 W.W.R. 445, à la page 459, 1990 CanLII 5504 (B.R. Alb.) aux paragraphes 38 et 39; Steckel v. M.N.R., 92 DTC 1904 (CCI), à la page 1908). L’appelante renvoie également au bulletin d’interprétation IT-151R5, Dépenses de recherche scientifique et de développement expérimental, au paragraphe 40, dans lequel on peut lire que « [l]e fait qu’un prêt pleinement garanti ne porte pas intérêt ou soit consenti à un taux d’intérêt inférieur au taux d’intérêt commercial ne permet habituellement pas de considérer le prêt comme une aide gouvernementale ou non gouvernementale ».

 

[24]        En outre, l’appelante a soutenu que la contribution de l’APECA n’était pas un prêt à remboursement conditionnel. L’appelante a fait référence à la définition de « prêt à remboursement conditionnel » énoncée dans le bulletin d’interprétation IT‑340R, Bourses d’études, bourses de perfectionnement, bourses d’entretien, récompenses, subventions de recherches et soutien financier – Prêts à remboursement conditionnel, aide financière remboursable et revenu remboursable tiré d’un emploi, au paragraphe 2 : « prêt consenti à l’emprunteur afin de lui permettre de poursuivre ses études ou un projet de recherches et concernant lequel le prêteur s’engage à une remise si certaines conditions sont remplies par l’emprunteur ». L’appelante pensait qu’elle était obligée de rembourser entièrement le montant avancé par l’APECA aux termes d’un calendrier de remboursement obligatoire. Elle a fait valoir qu’il n’y avait ni critères ni conditions engageant l’APECA, en sa qualité de prêteur, à renoncer au remboursement du prêt. Selon elle, l’alinéa 7.1b) de l’annexe 1 de la convention (qui prévoit que la convention prend fin quand l’appelante s’acquitte des engagements prévus à son annexe 4 et démontre qu’elle ne continuera pas à générer de revenus bruts) ne fait que rendre compte de la réalité commerciale, qui s’applique à tous les investissements dans les jeunes entreprises et les entreprises commerciales, et qui veut que, dans le cas où la société n’obtient pas les résultats escomptés, un prêt ou un investissement ne soit pas récupérable. Selon l’appelante, il appartient au prêteur de décider de radier la dette et de ne pas user, en vain, de recours extraordinaires en vue d’obtenir le remboursement (voir les observations de l’appelante, aux paragraphes 39 à 42).

 

[25]        Pour finir, l’appelante a fait valoir que la contribution de l’APECA n’était pas non plus une aide sous toute autre forme au sens du paragraphe 127(9) de la Loi. Renvoyant à l’arrêt de la Cour suprême du Canada Banque nationale de Grèce (Canada) c. Katsikonouris, [1990] 2 R.C.S. 1029, à la page 1040, (1990), 74 D.L.R. (4th) 197, l’appelante a déclaré, au paragraphe 47 de ses observations :

 

[traduction]

 

47.       Dans l’arrêt Banque nationale de Grèce (Canada) c. Katsikonouris (1990), 74 D.L.R. (4th) 197 (C.S.C.), le juge La Forest a décrit la règle de la manière suivante :

 

[12]  Quel que soit le document particulier qui est interprété, lorsque l’on trouve une clause qui énonce une liste de termes précis suivie d’un terme général, il conviendra normalement de limiter le terme général au genre de l’énumération restreinte qui le précède.

 

                Banque nationale de Grèce (Canada) c. Katsikonouris

                                             (1990), 74 D.L.R. (4th) 197 (C.S.C.)

 

[26]        L’appelante a laissé entendre que l’expression « ou sous toute autre forme » qui apparaît dans la définition d’« aide gouvernementale » du paragraphe 127(9) de la Loi devait se limiter « au genre de l’énumération restreinte qui le précède ».

 

[27]        L’appelante a fait valoir que le facteur commun dans l’énumération restreinte de l’aide reçue « sous forme de prime, subvention, prêt à remboursement conditionnel, déduction de l’impôt ou allocation de placement, ou sous toute autre forme » est que chaque élément est un transfert de fonds qui ont été avancés sans qu’on s’attende à un remboursement. Selon l’appelante, les éléments qui entrent dans la définition d’aide gouvernementale se limitent aux formes d’aide non remboursable et ne comprennent pas les transferts ou les avances de fonds pour lesquels un remboursement est exigé (voir les observations de l’appelante, au paragraphe 49). Par opposition, la contribution de l’APECA était assortie de modalités de remboursement obligatoires. Aux termes de son entente avec l’APECA, l’appelante devait observer un calendrier obligatoire de remboursement et, ce qu’il convient de souligner, le remboursement en question n’était pas uniquement fondé sur les recettes du projet faisant l’objet du financement, mais sur la totalité des revenus bruts de l’appelante (voir les observations de l’appelante, au paragraphe 50).

 

[28]        D’après l’appelante, cette particularité distingue les faits de l’espèce de ceux qui prévalaient dans l’arrêt CCLC Technologies Inc. c. Canada, [1996] A.C.F. no 1226 (QL) (CAF), 1996 CarswellNat 1652. Dans cet arrêt, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’une avance de fonds consentie par le gouvernement de l’Alberta à CCLC Technologies Inc. (« CCLC ») était de l’aide gouvernementale, et, plus précisément, qu’elle tombait sous le coup de l’expression « aide reçue […] sous toute autre forme ». Le gouvernement de l’Alberta a fourni la technologie et a avancé des fonds à CCLC en échange d’une participation dans CCLC. Dans le cas où l’entreprise portait fruit, le gouvernement de l’Alberta était obligé de revendre cette participation à CCLC en contrepartie de son investissement financier, en plus des intérêts applicables. Dans le cas où l’entreprise ne donnait pas les résultats escomptés, le gouvernement de l’Alberta se retrouvait avec une participation qu’on pouvait qualifier d’inutile. Aux paragraphes 2 et 5 de cet arrêt, la Cour d’appel fédérale s’est ainsi exprimée :

 

[2]   Pour ce qui a trait à la première question, nous sommes d’avis que les sommes versées à l’intimée constituent une forme d’aide gouvernementale. Dans l’arrêt La Reine c. Consumers Gas Company Ltd., la Cour a mis en contraste « l’aide gouvernementale » et les paiements faits par des organismes publics

 

exactement de la même manière et pour exactement les mêmes raisons que les paiements faits par les entreprises privées, c’est-à-dire afin de promouvoir les intérêts du payeur.

 

Dans ce contexte, il est clair que la Cour traitait de paiements effectués afin de promouvoir les intérêts commerciaux du payeur.

 

[…]

 

[5]   Selon le libellé de la Loi de l’impôt sur le revenu, le sous-alinéa 12(1)x)(iv), et la définition de l’expression « aide gouvernementale » donnée au paragraphe 127(9), les paiements gouvernementaux effectués en vertu de l’entente concernant la recherche sur le charbon sont devenus, du fait de la non-commercialisation de cette technologie, une prime, une subvention, un prêt à remboursement conditionnel, ou toute autre forme d’aide semblable.

 

[29]         L’appelante est d’avis que les faits de l’espèce sont différents parce que l’obligation de rembourser demeurait, même dans le cas où le projet échouait, du fait de l’exigence consistant à rembourser le montant total de la contribution de l’APECA au moyen de ses revenus bruts (aux paragraphes 52 et 53 des observations de l’appelante). En fait, l’appelante a commencé à rembourser la contribution en 2008, comme il ressort de la réponse de l’appelante à la demande d’aveux et du paragraphe 5 de la demande d’aveux de l’intimée (à laquelle il est fait référence au paragraphe 6 des présents motifs). Par conséquent, la contribution de l’APECA tenait davantage d’un prêt véritable assorti de modalités fixes de remboursement que d’une aide gouvernementale.

 

 

La thèse de l’intimée

 

[30]        L’intimée a d’abord fait référence à la Loi sur l’Agence de promotion économique du Canada atlantique, L.R.C. (1985), ch. 41 (4e suppl.), Partie I (la « Loi sur l’APECA »), pour établir que l’APECA avait essentiellement pour mission de favoriser les possibilités de développement économique du Canada atlantique. Les articles 4, 12 et 13 de la Loi sur l’APECA sont ainsi rédigés :

 

Objet

 

4. Objet

 

La présente partie a pour objet de favoriser les possibilités de développement économique du Canada atlantique et, plus particulièrement, la croissance des revenus et les créations d’emplois dans cette région.

 

Mission, pouvoirs et obligations

 

12. Mission

 

L’Agence a pour mission de favoriser les possibilités de développement économique du Canada atlantique par des mesures — élaboration et mise en oeuvre d’orientations, de programmes et d’opérations — particulières, notamment en faveur des petites et moyennes entreprises, et par la défense des intérêts du Canada atlantique lors de la prise de mesures de ce genre dans le cadre de la politique économique nationale.

 

13. Pouvoirs

 

L’Agence peut, dans le cadre de sa mission :

 

a) de concert avec les autres ministères ou organismes fédéraux, élaborer des projets et des méthodes fédérales unifiées en vue de favoriser les possibilités de développement économique du Canada atlantique;

 

b) concevoir, réaliser, diriger et gérer des programmes ou opérations destinés à contribuer, même indirectement :

 

(i)  à la création, au développement, au soutien et à la promotion d’entreprises, et plus particulièrement de petites et moyennes entreprises, au Canada atlantique,

*              

(ii)   à la valorisation de l’esprit d’entreprise dans la région,

*              

*             (iii) à la prospérité économique de la région;

*              

c) concevoir, réaliser, diriger et gérer des programmes ou opérations visant à améliorer le contexte commercial du Canada atlantique, notamment en ce qui concerne :

 

(i)    dans le domaine des affaires, les aides aux associations, conférences, recherches, consultations, expositions et projets de démonstration ainsi qu’aux études de marché,

 

(ii)     la création de fichiers et de réseaux informatisés sur les perspectives commerciales,

 

*   (iii) l’amélioration de l’information et de la coopération commerciales,

*    

(iv) l’avancement du savoir dans le domaine des affaires et des investissements;

*    

d) aider les investisseurs à implanter des entreprises, et plus particulièrement des petites et moyennes entreprises, au Canada atlantique, compte tenu des besoins de cette région et des exigences fédérales en matière d’investissements;

 

e) accorder des prêts pour la création et le développement des entreprises, et plus particulièrement des petites et moyennes entreprises, au Canada atlantique;

 

f) garantir le remboursement de tout engagement financier contracté par quiconque aux fins visées à l’alinéa e), ou souscrire des assurances-prêts ou assurances-crédit à cet égard;

 

g) contribuer, par des subventions ou autres aides, au financement de programmes ou opérations entrepris par elle-même ou le ministre, conformément aux modalités approuvées par le Conseil du Trésor;

 

h) conclure des contrats, ententes ou autres arrangements sous le nom de Sa Majesté du chef du Canada ou le sien;

 

h.1) conclure avec la Société d’expansion du Cap-Breton un arrangement permettant à celle-ci, dans les limites de sa mission et de ses pouvoirs mentionnés aux articles 33 et 34 de la Loi sur la Société d’expansion du Cap-Breton, d’exercer les attributions conférées par le présent article, notamment le pouvoir de conclure des accords qui lient l’Agence;

 

i) prendre toute autre mesure utile à la réalisation de sa mission.

 

[31]        L’intimée a soutenu qu’en accordant une contribution de 3 786 474 $ à l’appelante, l’APECA exécutait le mandat que la loi lui avait confié en encourageant le développement économique de la région de l’Atlantique et en mettant en œuvre un programme précis, le FIA, créé pour faire la promotion de la recherche et du développement dans cette région. Pour accomplir sa mission, l’APECA dispose d’un grand éventail de pouvoirs, notamment ceux d’accorder des prêts, de souscrire des assurances-prêts et des garanties, et de « contribuer, par des subventions ou autres aides, au financement de programmes ou opérations entrepris par elle-même » (article 13 de la Loi sur l’APECA).

 

[32]        L’intimée a fait valoir que les contributions accordées au titre du programme du FIA sont administrées selon les propres modalités du FIA, comme en témoigne la seconde demande de propositions de projets, à l’annexe A (sous la cote R-3, aux pages 18 et suivantes), et que les versements de contributions sont administrés conformément à la Politique sur les paiements de transfert du Conseil du Trésor, aux termes de laquelle, entre autres choses, les contributions au secteur privé sont remboursables sous condition, sous réserve du succès de la commercialisation du projet (pièce R-3, annexe A, aux articles 13 et 14). En l’espèce, la convention a été signée le 31 décembre 2004, et l’obligation de remboursement n’est apparue qu’en décembre 2008. En fait, l’appelante a remboursé moins de 1 % de la contribution totale entre 2008 et 2011. Ainsi, comme en témoigne l’admission faite au paragraphe 1 de la réponse de l’appelante à la demande d’aveux et le paragraphe 5 de la demande d’aveux de l’intimée, l’appelante a remboursé un total de 36 973,24 $ de 2008 à 2011, sur une contribution totale de l’APECA qui s’élevait à 3 786 474 $.

 

[33]        L’avocat de l’intimée a déclaré que la seule question en litige en l’espèce était de savoir si les contributions reçues par l’appelante en application de la convention étaient de l’« aide gouvernementale » au sens du paragraphe 127(9) de la Loi. Il a renvoyé aux principes généraux d’interprétation des lois en matière fiscale adoptés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601, 2005 CSC 54, aux paragraphes 10 à 12, qu’il a résumés de la manière suivante au paragraphe 35 de ses observations écrites : 

 


[traduction]

 

A.        Aide gouvernementale - Signification

 

35.       Le terme « aide gouvernementale » doit être interprété conformément aux règles généralement admises en matière d’interprétation. Dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada, la Cour suprême du Canada a résumé les principes généraux d’interprétation des lois en matière d’impôt de la manière suivante :

 

a)         L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble;

 

b)         Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation.  Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important;

 

c)         La Loi de l’impôt sur le revenu serait empreinte d’une incertitude intolérable si le libellé clair d’une disposition détaillée de la Loi était nuancé par des exceptions qui n’y sont pas exprimées, provenant de la conception qu’un tribunal a de l’objet de la disposition;

 

d)         Les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu doivent être interprétées de manière à assurer l’uniformité, la prévisibilité et l’équité requises pour que les contribuables puissent organiser intelligemment leurs affaires.

 

[34]        L’avocat de l’intimée a également renvoyé au paragraphe 31 de l’arrêt de la Cour suprême Will‑Kare Paving & Contracting Ltd. c. Canada, [2000] 1 R.C.S. 915, reprenant le principe selon lequel, quand un terme employé dans la Loi se rapporte au droit privé, la signification de ce terme doit être celle que le droit privé lui donne. L’avocat de l’intimée est d’avis que le terme « aide gouvernementale » n’est pas un terme technique, et qu’il n’a pas non plus de sens bien défini susceptible d’être tiré du droit privé, et que, par conséquent, il faut lui donner son sens ordinaire. Le Concise Oxford Dictionary définit le mot « aide » (« assistance » en anglais) comme étant [traduction] « un geste d’assistance ». La définition que la Loi donne d’« aide gouvernementale » contient une énumération des types d’aide particuliers suivie de l’expression « sous toute autre forme ». Par opposition, dans une version antérieure de cette disposition (l’ancien alinéa 20(6)h) de la Loi), l’expression employée était « un octroi, une subvention ou autre aide d’un gouvernement ». Dans la version actuelle, les termes énumérés, « prime, subvention, prêt à remboursement conditionnel, déduction de l’impôt ou allocation de placement » semblent s’inscrire dans le contexte d’un effort visant à décrire toutes les formes possibles d’aide, quelle qu’en soit la forme, qu’elle soit fournie par contrat ou prévue par la loi. L’inclusion du terme « prêt à remboursement conditionnel » donne à entendre que la définition d’« aide gouvernementale » va au‑delà des gestes purement gratuits et unilatéraux posés par le gouvernement.

 

[35]        L’avocat de l’intimée a passé en revue les dispositions de la Loi régissant la déductibilité des dépenses de recherche scientifique et de développement expérimental (« RS&DE ») et le calcul du crédit d’impôt à l’investissement et a analysé leur application quand l’aide gouvernementale est en cause (suivant l’alinéa 37(1)d), les dépenses de RS&DE du montant de toute « aide gouvernementale » reçue, et suivant l’alinéa 37(1)c), le remboursement de l’aide gouvernementale est une dépense de RS&DE déductible, et il en va de même pour le crédit d’impôt à l’investissement, comme il ressort du paragraphe 127(18) et des alinéas e.1) et e.2) de la définition du crédit d’impôt à l’investissement qui se trouve au paragraphe 127(9)). L’intimée est d’avis que le contexte législatif dans lequel les dispositions susmentionnées s’inscrivent montre clairement que les contributions remboursables du gouvernement peuvent tout de même constituer de l’ « aide gouvernementale ». Dans ce cas, la déduction des dépenses de RS&DE et la demande de crédit d’impôt à l’investissement sont reportées jusqu’à ce que l’aide ait été effectivement remboursée. En pareil contexte, l’avocat de l’intimée a soutenu que, si l’aide n’est pas effectivement remboursée, l’économie de la loi montre que le contribuable ne devrait pas recevoir d’avantages fiscaux à l’égard de dépenses qui ont été essentiellement supportées par le gouvernement. De l’avis de l’intimée, l’objet de ces dispositions est d’empêcher un contribuable de recevoir deux fois des avantages, autrement dit, les avantages associés au régime relatif aux dépenses de recherche et de développement et l’avantage que constitue l’aide gouvernementale, tant que l’aide gouvernementale n’est pas remboursée (aux paragraphes 42 à 49 des observations de l’intimée et aux pages 71 et 73 de la transcription).

 

[36]        L’avocat de l’intimée s’est appuyé sur les arrêts Canada c. Consumers’ Gas Co., [1987] 2 C.F. 60 (CAF) et CCLC Technologies Inc. c. Canada., précité, pour déclarer qu’un paiement ne relèvera pas de la définition d’aide gouvernementale s’il est effectué « exactement de la même manière et pour exactement les mêmes raisons que les paiements faits par les entreprises privées, c’est-à-dire afin de promouvoir les intérêts du payeur ». Par ailleurs, si les organismes publics réalisent un projet d’ordre législatif en vue d’encourager les gens d’affaires à se lancer dans certains types d’entreprise, ces paiements constituent de l’aide gouvernementale (voir l’arrêt Consumers’ Gas, précité, aux pages 66 et 67). Au paragraphe 2 de l’arrêt CCLC Technologies, la Cour d’appel fédérale a expliqué que « promouvoir les intérêts du payeur » signifiait « promouvoir les intérêts commerciaux du payeur ». Elle a ainsi affirmé clairement que les paiements versés pour des raisons d’intérêt public ne tomberaient pas dans la catégorie des paiements visant à promouvoir les intérêts commerciaux du payeur. Au paragraphe 4, la Cour d’appel fédérale s’est ainsi exprimée :

 

[4]        L’entente, à notre avis, ne constitue pas une convention commerciale ordinaire entre les parties. Le gouvernement de l’Alberta s’est engagé à fournir la technologie et à verser des fonds à l’intimée. Bien que le gouvernement ait obtenu à court terme une participation, il aurait été obligé, si le projet s’était révélé commercialement viable, de vendre sa participation à l’intimée pour une contrepartie équivalant simplement au montant de sa contribution financière, majorée des frais d’intérêt connexes. Si le projet s’avérait n’avoir aucune valeur commerciale, comme ce fut le cas pendant la période en question, le gouvernement n’avait droit à rien, sauf à une participation dans une technologie n’ayant aucune valeur commerciale actuelle. Nous estimons qu’il est impossible de qualifier cette entente de convention commerciale ordinaire. Quelle que soit la valeur de l’entente, du point de vue de la politique publique de l’Alberta, elle ne constitue pas une convention qu’une entreprise accepterait de conclure pour promouvoir ses intérêts commerciaux. Une entreprise qui investirait des fonds dans des projets en acceptant de n’en retirer aucun bénéfice net si ce projet a du succès et de n’en retirer une participation que si l’entreprise n’a pas de valeur commerciale ne survivrait pas longtemps.

 

[37]        Dans ce cas, bien que l’entente prévoie que la contribution versée par le gouvernement de l’Alberta pourrait être remboursée à ce dernier avec intérêts, et bien qu’il ait fallu aux parties 11 mois de négociations laborieuses pour parvenir à cette entente, et bien que le gouvernement de l’Alberta ait obtenu une participation dans la technologie dont il était question dans la convention, la Cour d’appel fédérale était d’avis que la contribution constituait quand même de l’« aide gouvernementale ». En outre, la Cour d’appel fédérale a conclu que la surveillance du projet et la participation à la gestion de ce projet étaient compatibles avec le rôle d’un subventionnaire prudent, qui s’assure que sa contribution a été dépensée comme prévu, et qu’elles ne traduisaient pas le fait que le gouvernement avait joué un quelconque rôle commercial (au paragraphe 6).

 

[38]        L’avocat de l’intimée a suggéré qu’en l’espèce l’APECA n’exploitait pas d’entreprise, mais appliquait plutôt un régime législatif visant la distribution de fonds pour promouvoir le développement économique du Canada atlantique. Ainsi,  en vertu de la Loi sur l’APECA, l’APECA se voit attribuer un grand éventail de pouvoirs visant à lui permettre de remplir sa mission, mais elle n’est pas autorisée à exploiter une entreprise; elle est plutôt autorisée à assister les entrepreneurs (aux articles 4, 12 et 13 de la Loi sur l’APECA). En fait, les objectifs du programme du FIA sont expressément énoncés dans les attendus de la convention signée par l’appelante. En convenant de verser une contribution à l’appelante, le gouvernement faisait la promotion des intérêts suivants : [traduction] « renforcer l’économie du Canada atlantique en appuyant le développement de l’industrie du savoir » et permettre à [traduction] « la région [d’être] mieux à même de mener des activités de recherche et de développement de pointe ». De l’avis de l’intimée, ces objectifs traduisent un désir d’aider et de soutenir la région de l’Atlantique et ils ne traduisent clairement pas le type d’« opération commerciale ordinaire » envisagé par la Cour d’appel fédérale dans les arrêts CCLC Technologies, précité, et Consumers’ Gas, précité. 

 

[39]        En outre, les clauses fondamentales de la convention imposent à l’appelante des conditions, qui montrent que l’APECA versait sa contribution dans l’intérêt public et non pour son propre profit commercial. En fait, il était exigé de l’appelante qu’elle mène un projet de recherche et de développement au Canada atlantique et qu’elle engage d’importantes dépenses de recherche et de développement au Canada atlantique, en vue d’exploiter la propriété intellectuelle découlant de cette recherche produite au Canada atlantique, qu’elle rende compte de l’usage des fonds versés à titre de contribution, et qu’elle rende régulièrement des comptes à l’APECA au sujet de la progression du projet, particulièrement en ce qui a trait au nombre de nouveaux emplois créés au Canada atlantique. L’intimée fait valoir que tout cela montre que l’APECA accorde une importance considérable au fait que l’appelante engage des dépenses et effectue le travail au Canada atlantique, dans le sens de l’intérêt public. La preuve a également montré que l’APECA évalue les progrès et le succès d’un projet en fonction de divers critères, qui ne comprennent toutefois pas la capacité du promoteur à rembourser la contribution. L’intimée a fait valoir que le nombre d’emplois créés par un emprunteur ou que le nombre de nouvelles alliances constituées n’est pas le centre d’intérêt des gens d’affaires soucieux de leurs intérêts commerciaux, mais plutôt celui du gouvernement encourageant la mise en œuvre de politiques publiques.

 

[40]        L’intimée a également fait référence au critère suggéré par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt CCLC Technologies, précité, lequel consiste à définir quels sont les risques et les bénéfices découlant de la convention pour le gouvernement. En tenant compte des meilleur et pire scénarios envisageables, l’intimée est d’avis qu’il est impossible de croire que l’APECA aurait conclu la convention en cause, si elle n’avait pas eu des raisons relatives aux politiques publiques, en considérant qu’il s’agissait seulement d’une opération commerciale ordinaire. Si le projet ne porte pas fruit, l’appelante n’aurait qu’à rembourser la contribution en fonction de son revenu brut tiré de sources de revenus distinctes. La preuve a montré qu’à l’époque où la convention a été conclue, l’appelante n’avait pas entrepris d’activités commerciales, n’avait que peu, voire pas, de revenus et dépendait du financement qu’elle pourrait obtenir pour poursuivre ses opérations. Le remboursement total effectué par l’appelante pendant les années 2008 à 2011 s’est élevé à moins de 1 % de la contribution de l’APECA. Si, par ailleurs, le projet de l’appelante connaît un franc succès, l’APECA peut s’attendre, au mieux, à recevoir le remboursement de sa contribution, sans intérêts. Dans le meilleur des cas, la situation sera comparable à celle qui prévalait dans l’arrêt CCLC Technologies, dans lequel le gouvernement de l’Alberta pouvait au mieux espérer se voir rembourser la contribution qu’il avait versée majorée des intérêts. Dans l’arrêt CCLC Technologies, la Cour d’appel fédérale n’a pas considéré qu’une telle entente était une entente commerciale normale, mais elle a établi qu’il s’agissait d’« aide gouvernementale ».

 

[41]        Pour finir, l’intimée est d’avis qu’il est simpliste de classer la convention en cause dans la catégorie des conventions de prêt, comme l’appelante l’a avancé, parce qu’une telle approche se concentre principalement sur les modalités de remboursement au détriment des autres aspects plus importants de la convention. De l’avis de l’intimée, le remboursement de la contribution au moyen des revenus bruts n’était pas l’objectif principal de l’APECA. L’intimée a fait référence à l’article 7.8.1 de la Politique sur les paiements de transfert du Conseil du Trésor (sous la cote R-4), qui est ainsi rédigée, en partie :

 

[…] [L]orsqu’une contribution est versée à une entreprise et vise à lui permettre de faire des profits ou d’augmenter la valeur de l’entreprise, celle‑ci doit repayer la contribution ou partager les avantages financiers qui en découlent avec le gouvernement, proportionnellement au niveau de risque qu’ils partagent.

 

[42]        L’intimée affirme que cette politique montre que le remboursement n’est requis que dans la mesure où le financement public contribue aux profits du bénéficiaire.

 

 

Analyse

 

[43]        La seule question dont je suis saisie est de savoir si la contribution que l’APECA a versée à l’appelante pendant les années en cause était de l’« aide gouvernementale » au sens du paragraphe 127(9) de la Loi. L’appelante ne conteste pas le fait qu’elle a reçu des sommes [traduction] « d’un gouvernement, d’une municipalité ou d’une autre administration ». Elle prétend toutefois que les sommes qu’elle a reçues n’étaient pas de l’« [a]ide […] sous forme de prime, subvention, prêt à remboursement conditionnel, déduction de l’impôt ou allocation de placement ou sous toute autre forme […] ».

 

[44]        Pour résumer, l’appelante est d’avis que la contribution était un prêt ordinaire avancé selon des conditions raisonnables dans un but commercial. Aux yeux de l’appelante, un tel prêt ne peut constituer de l’« aide gouvernementale ». L’intimée fait valoir que la question de savoir si la convention peut être qualifiée de convention de prêt n’est pas pertinente pour établir si la contribution qui a été payée était de l’« aide gouvernementale ». L’intimée ne fait pas valoir qu’il y avait un prêt à remboursement conditionnel (sauf dans le cas où je déciderais de qualifier la convention de convention de prêt). Aux yeux de l’intimée, la contribution relève de l’expression « sous toute autre forme » qui apparaît dans la définition d’« aide gouvernementale ». 

 

[45]        Je conviens avec l’intimée que les termes énumérés dans la définition d’« aide gouvernementale » semblent s’inscrire dans le contexte d’efforts visant à décrire toutes les formes possibles d’aide. Je conviens également que l’inclusion de « prêt à remboursement conditionnel » dans la définition donne à entendre que l’« aide gouvernementale » s’étend au‑delà des gestes purement gratuits du gouvernement. C’est ce qu’on peut également déduire du contexte législatif des dispositions de la Loi qui traitent de la déductibilité des dépenses de RS&DE et des crédits à l’investissement connexes. En vertu de ces dispositions, il n’est possible de se prévaloir des déductions et des crédits qu’une fois que l’aide gouvernementale a été effectivement remboursée. Cela traduirait l’intention du législateur de restreindre l’accès aux allégements fiscaux au titre des dépenses de RS&DE et aux CIIR dans les cas où le financement a été fourni sous une autre forme. Autrement dit, si un tiers a supporté le coût économique de la participation du contribuable aux activités de RS&DE, il n’est pas nécessaire d’accorder des déductions ou des crédits à titre d’incitatif pour que le contribuable s’engage dans ces activités de RS&DE. Tout au moins, l’appelante ne m’a pas convaincue qu’il convenait d’adopter une autre interprétation. En pareilles circonstances, il est raisonnable de conclure qu’une contribution versée par le gouvernement qui est remboursable peut constituer de l’« aide gouvernementale ». Par conséquent, je ne souscris pas à l’opinion de l’appelante selon laquelle le facteur commun entre les termes énumérés dans la définition d’« aide gouvernementale » repose sur le fait que chacun de ces termes renvoie à un transfert de fonds effectué sans que l’auteur du transfert s’attende à être remboursé.

 

[46]        En fait, le véritable critère, comme la Cour d’appel fédérale l’a suggéré dans l’arrêt CCLC Technologies, précité, faisant ainsi référence à l’arrêt Consumers’ Gas, précité, est de savoir si l’APECA a versé la contribution en cause « exactement de la même manière et pour exactement les mêmes raisons que les paiements faits par les entreprises privées, c’est-à-dire afin de promouvoir les intérêts du payeur ».

 

[47]        Dans l’arrêt CCLC Technologies, en cas de succès commercial du projet, le gouvernement de l’Alberta se voyait rembourser sa contribution avec intérêts, mais si le projet devait être un échec commercial, ce qui s’est avéré être le cas pendant la période en cause, le gouvernement de l’Alberta détenait une participation dans une technologie dénuée de valeur commerciale. La Cour d’appel fédérale a conclu qu’il ne s’agissait pas d’une entente qu’une entreprise conclurait en vue de promouvoir ses intérêts commerciaux, et que les paiements du gouvernement étaient devenus, vu que la technologie n’avait pas été commercialisée, une aide gouvernementale au sens de la Loi.

 

[48]        Dans l’arrêt Consumers’ Gas, le contribuable était une entreprise publique de gaz naturel qui devait déplacer de temps en temps ses conduites de gaz à la demande de tiers. Pendant les années en cause, Consumers’ Gas a payé les frais associés au déplacement de ses conduites de gaz, mais elle a plus tard recouvré les montants correspondant au coût de ces déplacements auprès d’organismes publics tels qu’Ontario Hydro, qui avait demandé que les déplacements soient effectués. À la page 66 de sa décision, la Cour d’appel fédérale a conclu que les sommes versées à Consumers’ Gas par ces organismes publics avaient été payées exactement de la même manière et pour exactement les mêmes raisons que les paiements faits par les entreprises privées, c’est-à-dire afin de promouvoir les intérêts du payeur, et par conséquent, qu’ils n’avaient pas été reçus à titre d’aide reçue « sous toute autre forme » d’un gouvernement, d’une municipalité ou d’une autre administration aux termes de l’ancien paragraphe 13(7.1) de la Loi. La Cour d’appel fédérale a cité avec approbation le commentaire formulé par le président Jackett de la Cour de l’Échiquier du Canada dans la décision Ottawa Valley Power Co. v. Minister of National Revenue, [1969] 2 Ex. C.R. 64, à la page 71, 1969 CarswellNat 283, au paragraphe 11, selon lequel il était question d’ententes commerciales ordinaires entre une administration et un contribuable dans une situation dans laquelle l’administration exploite une entreprise et conclut des transactions avec un membre du public de la même nature que les transactions que toute autre personne exploitant une telle entreprise conclurait avec un tel membre du public. Le président Jackett a ajouté que, si le législateur se servait d’Ontario Hydro pour réaliser un projet d’ordre législatif en vue d’encourager les gens d’affaires à se lancer dans certains types d’entreprise, alors il n’aurait aucune difficulté à considérer les subventions comme l’aide d’un gouvernement, d’une municipalité ou d’une autre administration, au sens de l’ancien alinéa 20(6)h) de la Loi (dans lequel la terminologie était la même que dans l’actuel paragraphe 127(9)). Dans la décision Ottawa Valley Power, les dépenses faites par Ontario Hydro en vue d’apporter des améliorations à l’usine de production d’énergie ont été considérées comme des dépenses engagées dans le contexte d’une entente commerciale ordinaire, et non comme de l’aide. En fait, il était plus économique pour Ontario Hydro de conclure un nouveau contrat avec Ottawa Valley Power Co. et de dépenser les frais afférents à un tel contrat que de continuer à acheter de l’électricité aux termes du contrat alors en vigueur. Le président Jackett a considéré que le législateur avait simplement autorisé Ontario Hydro à poser certains actes jugés opportuns pour mener à bien certains changements dans le mode d’exploitation de son entreprise. Dans les circonstances, il ne pouvait pas considérer ce qui avait été fait comme de l’« aide » octroyée par une administration, et il a jugé que l’ancien alinéa 20(6)h) de la Loi ne s’appliquait pas dans cette affaire.

 

[49]        En l’espèce, je conviens avec l’intimée qu’en concluant la convention avec l’appelante, l’APECA exécutait son mandat et exerçait les pouvoirs que lui confère la Loi sur l’APECA. Sa mission, telle qu’elle est définie à l’article 12 de la Loi sur l’APECA, consistait à favoriser les possibilités de développement économique du Canada atlantique par des mesures – élaboration et mise en œuvre d’orientations, de programmes et d’opérations – particulières, notamment en faveur des petites et moyennes entreprises, et par la défense des intérêts du Canada atlantique lors de la prise de mesures de ce genre dans le cadre de la politique économique nationale. Le préambule de la convention précise que le FIA est un programme établi par l’APECA  en vue de renforcer l’économie du Canada atlantique en appuyant le développement de l’industrie du savoir et en contribuant directement à la mise en place d’un nouveau secteur technologique dans cette région. La convention découle d’une proposition de projet soumise par l’appelante en réponse aux demandes de propositions de projet de l’APECA.

 

[50]        Dans les circonstances, je conclus que, comme l’a soutenu l’intimée et en paraphrasant les motifs de la décision Ottawa Valley Power, précitée, aux pages 71 et 72 R.C. de l’É., au paragraphe 11 CarswellNat, l’APECA se conformait au régime législatif prévoyant la distribution de fonds en vue d’encourager les gens d’affaires à se lancer dans un certain type d’entreprise, et n’a pas versé la contribution en cause en vue de promouvoir ses propres intérêts commerciaux. C’est ce que vient confirmer le témoignage de Mme Nishikawa, selon lequel l’APECA évalue le progrès et le succès d’un projet en fonction de divers critères, qui ne comprennent pas la capacité de l’appelante à rembourser la contribution. Les paiements effectués dans le contexte de ces régimes législatifs sont de l’« aide gouvernementale » (voir les arrêts Consumers’ Gas, précité, à la page 66, et CCLC Technologies, précité, au paragraphe 2).

 

[51]        Je ne suis pas convaincue par l’argument de l’appelante selon lequel son cas est différent parce que l’obligation consistant à rembourser la contribution demeurait, même en cas d’échec du projet, en raison de l’exigence consistant à rembourser la contribution au moyen de l’ensemble de ses revenus bruts. Au moment de signer la convention le 31 décembre 2004, l’appelante n’avait pas commencé ses activités commerciales, n’avait que peu, voire pas, de revenus, et dépendait d’un financement additionnel  pour poursuivre ses activités. Il était seulement exigé de l’appelante qu’elle rembourse la contribution – et ce, seulement à compter de 2008, ce qui correspondait à un sursis de quatre ans – dans la mesure où elle touchait des revenus bruts d’une quelconque source, et le taux de remboursement était relativement modéré (soit 2 % de ses revenus bruts si ceux‑ci étaient inférieurs à 5 000 000 $). En fait, le remboursement total pour les années 2008 à 2011 s’est élevé à moins de 1 % de la contribution de l’APECA. En outre, de son côté, l’APECA ne récupérerait pas plus que le montant de la contribution qu’elle avait versée, quelle que soit la réussite de l’appelante sur le plan financier. L’APECA devait percevoir l’intérêt sur les paiements dus par l’appelante seulement en cas de défaut de paiement (si l’appelante omettait de payer un montant dû en application de la convention par exemple) ou dans le cas où l’APECA versait des contributions en trop (voir les articles 4.1 et 8 de l’annexe 1, Conditions générales, de la convention). Comme l’intimée l’a fait valoir, le scénario idéal selon la convention pourrait se comparer à la situation que la Cour d’appel fédérale a décrite dans l’arrêt CCLC Technologies, dans lequel le gouvernement de l’Alberta pouvait au mieux espérer recevoir le montant qu’il avait versé plus les intérêts. La Cour d’appel n’a pas jugé qu’un tel scénario témoignait de l’existence d’une entreprise commerciale viable. Le fait que l’APECA ne puisse pas recevoir de profits nets sur l’argent qu’elle avait investi dans l’entreprise de l’appelante, associé aux objectifs de l’APECA aux termes de la Loi sur l’APECA, démontre clairement que l’APECA n’entretenait pas de relation commerciale avec l’appelante. Le moins qu’on puisse dire est que l’APECA ne calculait pas ses agissements en fonction de ses propres intérêts commerciaux.

 

[52]        En outre, les obligations imposées à l’appelante aux termes de la convention sont représentatives des exigences qui s’appliquent lorsque de l’argent est dépensé dans l’intérêt public. L’appelante devait veiller à ce que les produits découlant du projet soient exploités dans le contexte des activités de production au Canada atlantique et devait fournir des rapports réguliers à l’APECA au sujet, entre autres choses, des avantages potentiels du projet relatifs à la création de nouvelles capacités dans la région et à la création de nouveaux emplois. Je conviens avec l’intimée que tout cela montre que l’APECA accorde une importance considérable au fait que l’appelante engage des dépenses et effectue le travail au Canada atlantique, dans le sens de l’intérêt public. Pour paraphraser la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt CCLC Technologies, précité, au paragraphe 6, les diverses formes de surveillance du projet de gestion exercées par l’APECA cadrent tout autant avec le rôle d’un subventionnaire prudent, qui s’assure que sa contribution a été dépensée comme prévu. 

 

[53]        Pour finir, je voudrais ajouter qu’une lecture attentive de la convention tend à montrer que l’intention des parties était de considérer la contribution comme une « aide gouvernementale ». À l’article 6 de convention intitulé [traduction] « Autre aide gouvernementale », le promoteur (l’appelante) a confirmé qu’il n’avait demandé ni reçu aucune aide financière fédérale, provinciale ou municipale à l’égard des coûts admissibles du projet, en dehors de celle qui est décrite à l’article 7.1 de l’annexe 2, et qu’il ne demanderait ni ne recevrait une telle aide financière. L’article 6 précise également que le promoteur devait informer l’APECA de toute autre aide gouvernementale reçue et que l’APECA avait le droit de réduire la contribution versée aux termes de la convention proportionnellement à ladite aide. L’article 7.1 de l’annexe 2 montre que la contribution du FIA de 3 786 474 $ faisait partie du total des contributions en espèces (pièce R-1, sous l’onglet 2, à la page 38). Lues conjointement, ces deux clauses montrent que les deux parties considéraient la contribution en cause en l’espèce comme de l’aide gouvernementale.

 

[54]        Enfin, je voudrais souligner que le fait que l’appelante est devenue une société ouverte en 2009, et qu’en tant que telle, elle n’aura pas droit à l’intégralité du CIIR lorsqu’elle remboursera l’APECA, le cas échéant, comme Mme Stephens l’a succinctement expliqué dans son témoignage[1], ne change rien à l’interprétation qui doit être faite de la convention conclue en 2004. Je dois décider si la contribution que l’APECA a convenu de verser aux termes de la convention et qu’elle a par la suite versée constituait de l’aide gouvernementale au sens du paragraphe 127(9) de la Loi. Pour les motifs susmentionnés, je suis d’avis que la contribution en cause relève de la définition d’« aide gouvernementale », de telle sorte que le ministre a à juste titre refusé les déductions au titre des dépenses de RS&DE ainsi que le CIIR pour les années d’imposition qui se sont terminées entre le 31 mars 2005 et le 31 mars 2008, et ce, en application des paragraphes 127.1(1) et 127(9) de la Loi.

 

[55]        Les appels sont rejetés, avec dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d’avril 2013.

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er août 2013.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 103

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2011-245(IT)G

 

INTITULÉ :                                      Immunovaccine Technologies Inc. c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Les 29 et 30 novembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 10 avril 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Bruce S. Russell, c.r.

Avocats de l’intimée :

Me Daniel Bourgeois

Me Frédéric Morand

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

               Nom :                                Bruce S. Russell, c.r.

 

               Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           Dans son témoignage, Mme Stephens a déclaré que l’appelante était devenue une société ouverte en 2009, de telle sorte que, même si elle remboursait l’APECA, le crédit d’impôt auquel elle aurait droit serait considérablement moins important (voir la transcription, aux pages 120 et 121).

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