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Dossier : 2011-1748(IT)G

ENTRE :

CRAIG JAMES,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 6 mai 2013, à Vancouver (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelant :

Mes Gavin Laird et Melanie Magnusson

Avocat de l’intimée :

Me Max Matas

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel relatif à la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2009 est accueilli et la nouvelle cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, au motif que le paiement de 169 775 $ de l’appelant était une pension alimentaire pour laquelle il a droit à une déduction.

 

Les dépens sont adjugés à l’appelant.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de mai 2013.

 

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de juillet 2013.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 164

Date : 20130517

Dossier : 2011-1748(IT)G

ENTRE :

CRAIG JAMES,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge C. Miller

 

[1]       En mars 2004, M. James a consenti à une ordonnance sur consentement prescrivant des paiements de pension alimentaire pour conjoint d’un montant de 5 750 $ par mois. En juillet 2005, le juge Holmes, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, a rejeté la demande de Mme James en vue d’obtenir une augmentation rétroactive de cette pension, mais, le 10 juin 2009, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a fait droit à l’appel de Mme James : elle a majoré le montant mensuel à 9 000 $ et ordonné que la somme majorée soit payable rétroactivement au 1er janvier 2005. Le 30 juillet 2009, M. James a payé à Mme James un montant incluant la somme de 169 775 $, laquelle représentait la différence entre les montants de 9 000 $ et de 5 750 $ pour la période s’étendant du 1er janvier 2005 à  la date du paiement. La question en litige consiste à savoir si la somme de 169 775 $ est déductible à titre de pension alimentaire aux termes de l’alinéa 60b) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Se fondant sur l’arrêt Peterson c. La Reine[1] de la Cour d’appel fédérale, l’intimée fait valoir que le paiement n’était pas périodique et qu’il ne satisfait donc pas à la définition d’une pension alimentaire. Invoquant les arrêts Dale c. R.[2] et Sills c. La Reine,[3] l’appelant réplique que le jugement de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a créé une obligation rétroactive au 1er janvier 2005, relativement à des paiements mensuels (périodiques) qu’il a versés sous la forme d’une somme forfaitaire, et que ce paiement est donc visé par la définition d’une pension alimentaire.

 

Les faits

 

[2]       Le sommaire des faits qui suit est tiré d’un exposé conjoint des faits, d’un recueil conjoint de documents ainsi que du témoignage de Me Jeffrey Rose, c.r., qui représente M. James dans l’instance en droit de la famille.

 

[3]        M. James a épousé Lynn Anne James le 28 février 1982. Ils ont deux enfants. Le 1er décembre 2001, M. et Mme James se sont séparés. Le 22 mars 2004, ils ont conclu une ordonnance sur consentement (l’« ordonnance sur consentement ») aux termes de laquelle M. James devait payer à Mme James une pension alimentaire pour conjoint d’un montant de 5 750 $ par mois à compter du 1er avril 2004.

 

[4]       Le 4 juillet 2008, le juge Holmes, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, a rendu une ordonnance (l’« ordonnance du juge Holmes ») qui, notamment, a rejeté une demande que Mme James avait déposée en vue de faire modifier le montant de la pension alimentaire que prescrivait l’ordonnance sur consentement.

 

[5]       Le 10 juin 2009, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a fait droit à l’appel de Mme James à l’encontre de l’ordonnance du juge Holmes, et elle a indiqué dans ses motifs :

 

[traduction]

Quand l’ordonnance sur consentement a été rendue en mars 2004, il a été considéré que la somme à payer à titre de pension alimentaire pour conjoint était appropriée, compte tenu du fait qu’à cette époque le revenu estimatif de l’époux intimé était d’environ 500 000 $. Le juge siégeant en chambre a conclu qu’il y avait eu une nette amélioration du niveau de revenu de l’époux intimé, et ce, même si une partie du revenu attribué revêtait la forme d’un paiement de dividende ou de prime déclaré pour des raisons fiscales par la société. Après avoir examiné l’affaire avec soin, il y a lieu selon moi d’ordonner une majoration du montant mensuel à verser à titre de pension alimentaire pour conjoint. Je suis d’avis de hausser le montant à 9 000 $ par mois et d’ordonner que ce montant majoré soit payable rétroactivement au 1er janvier 2005, c’est-à-dire la date stipulée dans la demande de modification que l’épouse appelante a déposée.

 

J’appellerai cette ordonnance l’« ordonnance judiciaire de la C.A.C.-B. ».

 

[6]       Avant que la Cour d’appel de la Colombie-Britannique rende ses motifs du jugement, entre les mois de janvier à juin 2009, M. James a payé à Mme James la somme de 5 750 $ par mois à titre de pension alimentaire pour conjoint. Après que la Cour d’appel de la Colombie-Britannique eut rendu ses motifs du jugement, entre les  mois de juillet et de décembre 2009, M. James a payé à Mme James la somme de 9 000 $ par mois à titre de pension alimentaire pour conjoint.

 

[7]       Le 30 juillet 2009, M. James a payé à Mme James un montant incluant une somme de 169 775 $, laquelle représentait la pension alimentaire pour conjoint rétroactive dont la Cour d’appel de la Colombie-Britannique avait ordonné le versement.

 

[8]       Me Rose a déclaré qu’il croyait comprendre que tant M. James que Mme James avaient voulu que le paiement soit considéré comme une pension alimentaire donnant droit à une déduction. À son avis, rien d’autre n’aurait pu être fait, ni par lui ni par la Cour d’appel, pour garantir ce résultat.

 

La question en litige

 

[9]       Le paiement de 169 775 $ que M. James a effectué en juillet 2009 peut-il être considéré comme une pension alimentaire déductible en application de l’alinéa 60b) de la Loi?

 

Analyse

 

[10]  L’élément clé est la définition d’une pension alimentaire, ainsi que la jurisprudence analysant cette expression. La pension alimentaire est définie au paragraphe 56.1(4) de la Loi :

 

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d’allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d’enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a)       le bénéficiaire est l’époux ou le conjoint de fait ou l’ex-époux ou l’ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d’échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent ou d’un accord écrit;

b)       le payeur est légalement le père ou la mère d’un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d’une province.

 

[11]  Il existe plusieurs affaires dans lesquelles le sens des mots « payable à titre périodique (ou périodiquement) » a été analysé. Voyons d’abord l’arrêt Sills. Il était question dans ce dernier d’un accord de séparation prescrivant que l’époux devait verser à l’épouse une pension alimentaire de 100 $ par mois, plus 200 $ par mois à titre de pension alimentaire pour enfants. M. Sills avait accumulé des arriérés, qu’il avait compensés, mais jamais totalement, par trois paiements de 1 000 $ chacun. La Cour d’appel a conclu que les montants d’argent étaient « payables périodiquement » et a décrété :

 

Pourvu que l'accord prévoie que les montants d'argent sont payables périodiquement, l'exigence contenue à l'alinéa [56(1)b)] est respectée. Les paiements ne changent pas de nature pour la seule raison qu'ils ne sont pas effectués à temps.

 

[12]  Dans l’affaire dont je suis saisi, l’ordonnance judiciaire de la C.A.C.-B.  prévoit-elle que les fonds sont payables périodiquement quand elle indique :

 

[traduction]

Je suis d’avis de hausser le montant à 9 000 $ par mois et d’ordonner que ce montant majoré soit payable rétroactivement au 1er janvier 2005.

 

À l’évidence, il est impossible de payer les montants périodiquement, car le temps s’est écoulé, mais des paiements doivent être faits après coup, et ils ont bel et bien été faits. Il est précisé que le montant mensuel rétroactif est payable, et il est forcément payé sous la forme d’une somme forfaitaire. Je ne vois pas en quoi le caractère de paiements périodiques payables a changé. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique n’aurait rien pu faire d’autre pour conserver ce caractère.

 

[13]  De quelle façon littérale, ou efficace, peut-on donc interpréter une ordonnance judiciaire si l’on veut rendre une chose payable périodiquement pour une période qui est passée? Pour répondre à cette question, je me tourne vers l’arrêt Dale, une autre décision de la Cour d’appel fédérale.

 

[14]  Dans l’arrêt Dale, le contribuable avait obtenu de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse une ordonnance de rectification déclarant que certaines actions qui n’avaient pas été valablement émises antérieurement, en raison de la non-obtention de lettres patentes supplémentaires, l’avaient néanmoins été valablement à une date antérieure. Cela avait donné lieu à l’acceptation d’un choix effectué en vertu de l’article 85 de la Loi. La Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

 

13.       Pour déterminer si une opération juridique sera reconnue aux fins de l'impôt, il faut examiner le droit du ressort où l'opération est effectuée. Souvent, cette décision sera prise sans l'aide de précédents traitant exactement de la même question et, par conséquent, l'effet d'une opération peut dépendre uniquement de l'application appropriée de principes généraux de common law et d'equity. Dans certains cas, la Cour de l'impôt devra interpréter les lois d'une province. Quant au ministre, il doit accepter les résultats juridiques qui découlent de l'application appropriée des principes de common law et d'equity, de même que l'interprétation des dispositions législatives. Ceci m'amène à la question de savoir si le ministre est lié par une ordonnance émise par une cour supérieure, ordonnance qui a ses origines dans l'interprétation et l'application des dispositions d'une loi provinciale.

 

[…]

 

15.       Le premier principe affirme que le dossier d'une cour supérieure doit être considéré comme [traduction] « la vérité absolue tant qu'il n'a pas été infirmé » (le juge McIntyre, à la page 599, citant le juge Monnin de la Cour d'appel du Manitoba). Deuxièmement, une ordonnance qui n'a pas été annulée doit être appliquée intégralement (à la page 604). Troisièmement, l'ordonnance a force exécutoire pour tous (à la page 601, citant le juge Bird dans Can. Transport (U.K.) Ltd. v. Alsbury et al., [1953] 1 D.L.R. 385 (C.A.C.-B.), à la page 418). Quatrièmement, une attaque indirecte est réputée englober des procédures autres que celles visant précisément à obtenir l'infirmation ou l'annulation de l'ordonnance. À la page 599, le juge McIntyre dit ceci :

 

Selon un principe fondamental établi depuis longtemps, une ordonnance rendue par une cour compétente est valide, concluante et a force exécutoire, à moins d'être infirmée en appel ou légalement annulée. De plus, la jurisprudence établit très clairement qu'une telle ordonnance ne peut faire l'objet d'une attaque indirecte; l'attaque indirecte peut être décrite comme étant une attaque dans le cadre de procédures autres que celles visant précisément à obtenir l'infirmation, la modification ou l'annulation de l'ordonnance ou du jugement.

 

[…]

 

18.       D'après les faits de l'espèce, la Cour de la Nouvelle-Écosse a accordé le 25 juin 1992 une ordonnance fondée sur l'article 44 de la Companies Act de la Nouvelle-Écosse. À mon avis, toute objection alléguant que la Cour n'avait pas compétence pour délivrer cette ordonnance est sans aucun fondement. Si la législature d'une province autorise ses tribunaux à déclarer que des événements passés sont réputés s'être produits à une date antérieure, alors le ministre n'a pas le pouvoir de saper l'autorité de la loi en refusant de reconnaître l'effet manifeste de cet événement réputé. Quoi qu'il en soit, je ne suis pas disposé à admettre que l'article 44 a l'effet révisionniste que lui prête le ministre. Il ne s'agit pas d'un cas où une ordonnance judiciaire déclare que des actions sont réputées avoir été émises alors qu'en fait elles ne l'ont pas été. Il s'agit plutôt d'un cas où les actions ont été émises, mais pas d'une façon valable tant que les lettres patentes supplémentaires n'ont pas été obtenues de l'Île-du-Prince-Édouard ou que la Cour de Nouvelle-Écosse n'a pas rendu l'ordonnance du 25 juin 1992. Après tout, personne n'a fait valoir que l'émission des actions était nulle et, bien entendu, cet argument n'aurait pu être soutenu.

 

[15]  Enfin, en exprimant son désaccord avec l’opinion dissidente du juge Pratte, le juge Robertson a également déclaré :

 

24.       […] À mon avis, exiger que les ordonnances rétroactives ne soient pas fondées sur des faits qui se sont produits après la fin de l'année d'imposition, si l'on veut que de telles ordonnances aient un effet quelconque dans les instances en matière de fiscalité, revient à restreindre indûment leur efficacité et à donner au ministre des moyens beaucoup plus efficaces de contourner la règle interdisant les attaques indirectes. Finalement, j'ai de sérieuses réserves au sujet de l'adoption d'une règle inflexible exigeant que les faits soient établis avant la fin de l'année d'imposition. Je préfère remettre à plus tard l'examen de cette question.

 

[16]  L’intimée fait valoir que l’arrêt Dale permet seulement d’affirmer que les ordonnances d’un tribunal d’instance supérieure ne doivent pas être l’objet d’une attaque indirecte lors d’une instance ultérieure. L’appelant se fonde sur l’interprétation que fait le juge Bowie de l’arrêt Dale dans la décision Brian Bayliss c. Sa Majesté la Reine,[4] : « […] lorsque [une] ordonnance est réputée s’appliquer rétroactivement, il faut considérer qu’elle a pour effet manifeste de réécrire l’histoire fiscale. ». Il n’est nul besoin que je tranche ce débat pour régler la question dont je suis saisi. À l’évidence, il n’est pas question ici d’une attaque indirecte d’une ordonnance judiciaire contre une autre. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique change simplement un montant à la hausse, ce qu’elle a le pouvoir juridique de faire. L’extrait qui suit est tiré de la Family Relations Act :

 

 

 

[traduction]

93(5)    Une ordonnance rendue aux termes du présent article peut aussi prévoir au moins un des éléments suivants :

 

a)                  un paiement versé à intervalles périodiques, annuellement ou autrement, et soit pendant une période indéfinie ou limitée, soit jusqu’à ce qu’un fait précisé se produise;

 

b)                  le paiement d’une somme forfaitaire directement ou en fiducie, conformément aux modalités sitpulées;

 

c)                   le grèvement d’un bien par le paiement prévu par l’ordonnance;

 

d)                  le paiement d’une pension alimentaire pour toute période antérieure à l’ordonnance;

 

e)                   le paiement des dépenses occasionnées par, selon le cas :

 

(i)                 les soins prénataux prodigués à la mère ou à l’enfant;

 

(ii)               la naissance d’un enfant.

 

[17]  La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a effectivement ordonné qu’un paiement soit fait à l’égard de diverses périodes – de nombreuses périodes – antérieures à la date de son ordonnance. Elle a également ordonné que soit dorénavant versée une somme de 9 000 $ périodiquement, tous les mois. Elle n’a pas ordonné le versement d’une somme forfaitaire : elle n’a rien dit quant à la manière de payer l’augmentation de 3 250 $ par mois (9 000 $ moins 5 750 $). Il serait juste de présumer qu’une somme forfaitaire a vraisemblablement été envisagée, et c’est certainement de cette manière que M. James a fait son paiement. Si M. James avait établi 54 chèques d’un montant de 3 250 $, cela aurait-il changé la nature de l’ordonnance? La combinaison du principe énoncé dans l’arrêt Sills, du pouvoir qu’avait la Cour d’appel de la Colombie-Britannique de rendre une ordonnance de paiement d’une pension alimentaire [traduction] « pour toute période antérieure à l’ordonnance » et de la force exécutoire d’une telle ordonnance pour tous (« Dale ») m’amène à conclure que, si l’on tient compte de la manière dont la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a structuré son ordonnance, elle a ordonné  des paiements majorés pour chacune des 54 périodes mensuelles précédentes et, cela étant, l’obligation que les paiements soient payables périodiquement est remplie. L’obligation juridique, même si l’on considère qu’elle a été créée à ce moment-là, est une obligation d’acquitter les paiements périodiques; mais nous y reviendrons.

 

[18]  Cela concorde non seulement avec mon sens de la logique, mais aussi avec la compréhension que j’ai de l’objet de la déduction pour pension alimentaire. Il est question de la nature du paiement. Il a été ordonné à M. James de payer la somme de 9 000 $ par mois à compter du premier jour. Ce sont tous des paiements périodiques. Le fait qu’il soit impossible de retourner dans le temps pour effectuer concrètement 54 paiements de 3 250 $ entre 2005 et 2009 n’empêche pas la pension alimentaire de conserver sa nature périodique. Il n’est pas question en l’espèce d’une situation dans laquelle le paiement forfaitaire unique a pour objet de régler une fois pour toutes la totalité des paiements de pension alimentaire à venir. Comme l’a clairement déclaré le juge Mogan en première instance dans la décision Peterson, les sommes forfaitaires de cette nature ne sont pas déductibles. Dans le cas présent, toutefois, nous avons affaire à une série de paiements périodiques ordonnés, dont certains, par la force des choses, ont été payés  sous la forme d’une somme forfaitaire.

 

[19]  Il s’agit certes là de l’approche qu’a suivie le juge Bowie dans la décision Bayliss, qui serait erronée selon l’intimée. Dans la décision Bayliss, la Cour avait ordonné le versement d’une pension alimentaire rétroactive de 1 400 $ par mois pour une période d’un an, soit un total de 16 800 $, à payer en la déduisant de la part du produit de la vente de la maison qui revenait à l’époux : il s’agissait donc d’une somme forfaitaire pour une période d’un an. Même dans ces circonstances, le juge Bowie a considéré que l’arrêt Dale étayait la thèse selon laquelle une ordonnance ayant un effet rétroactif a pour effet de réécrire l’histoire fiscale, de sorte que le paiement de 16 800 $ était le paiement d’un cumul d’arriérés de pension alimentaire pour conjoint, et que ce montant conservait donc sa nature de paiements périodiques. Il s’est abstenu de s’appuyer sur l’arrêt Peterson, limitant l’application de ce dernier aux accords et non aux ordonnances judiciaires. Il a également mentionné que l’arrêt Peterson ne faisait pas référence à l’arrêt Dale. Un examen de la décision que le juge Mogan a rendue en première instance dans l’affaire Peterson donne à penser que le paiement a été fait non seulement conformément à un accord, mais aussi conformément à une ordonnance. C’est pour cette raison que l’intimée laisse entendre que la distinction que fait le juge Bowie est inexacte.

 

[20]  Le juge Little a toutefois suivi la décision Bayliss dans une affaire similaire : Gary Salzman c. Sa Majesté la Reine,[5] dans laquelle une ordonnance de 3 600 $ par mois à titre de pension alimentaire pour conjoint s’appliquait rétroactivement à quelques années. Le payeur avait effectué un paiement forfaitaire de 90 000 $. Le juge Little a aussi fait une distinction à l’égard de l’arrêt Peterson au motif que le montant payé dans cette affaire ne reflétait pas exactement les arriérés de pension alimentaire. Selon moi, cette distinction que fait le juge Little à l’égard de l’arrêt Peterson donne à penser qu’un montant qui ne reflète pas le versement de paiements périodiques, comme un montant de règlement, est réellement ce qui sous-tendait la décision que la Cour d’appel fédérale a rendue dans l’affaire Peterson.

 

[21]  Cela mène inexorablement à un examen de la décision que la Cour d’appel fédérale a rendue dans l’affaire Peterson, un arrêt qui, d’après l’intimée, empêche tout à fait l’appelant d’avoir gain de cause. Pour dire les choses clairement, l’intimée prétend que c’est à tort que les juges Bowie et Little ont contourné l’arrêt Peterson. L’intimée a insisté sur la nécessité, dans notre système fondé sur des précédents, de garantir une certaine uniformité jurisprudentielle, citant à cet égard les récents commentaires de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada c. Craig,[6] à savoir qu’il est loisible à un tribunal d’instance inférieure d’indiquer pourquoi un précédent peut être problématique, mais qu’il ne nous appartient pas de l’écarter. En fait, l’intimée a souligné une récente affaire instruite en Colombie-Britannique (Kerman v. Kerman[7]) dans laquelle il était fait référence à l’arrêt Peterson et laissant  entendre que ce dernier signifiait que l’adjudication rétroactive d’une pension alimentaire est reçue libre d’impôt. Je saisis très bien le point de vue de l’intimée, et j’aborderai l’arrêt Peterson en ayant bien à l’esprit cette préoccupation.

 

[22]  Pour que les choses soient bien claires, en me fondant sur les arrêts Sills et Dale, sur les décisions Bayliss et Salzman de la Cour canadienne de l’impôt, sur une interprétation dite « téléologique » de l’expression « pension alimentaire pour conjoint », de même que sur une bonne dose de logique et de bon sens, je n’hésite pas à conclure que le montant que M. James a payé peut être considéré comme une pension alimentaire, pour laquelle il a droit à une déduction. Mais le principe que la Cour d’appel fédérale a formulé dans l’arrêt Peterson m’empêche-t-il de m’en tenir à ce résultat?

 

[23]  L’intimée laisse entendre que l’arrêt Peterson étaye la thèse selon laquelle une obligation juridique, qui résulte d’une ordonnance ou d’un accord concernant le paiement d’une pension alimentaire pour enfants rétroactive, n’est pas une obligation juridique de payer des arriérés de pension alimentaire pour enfants et que, de ce fait, on ne peut pas considérer qu’il s’agit de paiements payables périodiquement. Je conviens que l’ordonnance judiciaire de la C.A.C.-B. crée effectivement une obligation juridique de payer un montant, mais que cette obligation, dans le cas présent, conserve le caractère de paiements périodiques, même si ces derniers ont été payés sous la forme d’une somme forfaitaire. C’est là que réside la différence de base entre l’affaire dont je suis saisi et l’affaire Peterson. En fait, même si elle n’était pas considérée comme une obligation juridique de payer des arriérés de pension alimentaire pour enfants, l’ordonnance judiciaire de la C.A.C.-B. est une obligation juridique qui conserve délibérément le caractère de paiements périodiques – c’est cela qui prime, et non le fait qu’il ne s’agisse peut-être pas d’arriérés. Les circonstances dont il est question dans l’affaire Peterson sont uniques, et il y a une différence flagrante entre ces dernières et celles dont je suis saisi. Dans l’arrêt Peterson, la juge Sharlow a reconnu qu’il y avait une preuve insuffisante que la somme de 36 000 $ était destinée à représenter 36 mois de paiements périodiques.

 

[24]  Avant de présenter quelques extraits des motifs que la Cour d’appel fédérale a rendus dans l’arrêt Peterson, je vais rapidement décrire les faits dont il était question dans cette affaire. M.  et Mme Peterson, deux avocats, avaient fait la regrettable erreur de rédiger leur propre accord de séparation. Ce dernier contenait une disposition relative au paiement d’une pension alimentaire pour enfants d’un montant de 2 000 $ par mois, laquelle disposition était soumise à la condition que, si Mme Peterson perdait son emploi et gagnait une somme moindre, le montant de la pension alimentaire pour enfants passerait à 36 000 $ par année. Les circonstances qui ont suivi, et qui ont fait entrer en vigueur le montant supérieur, étaient particulièrement ambiguës. Mme Peterson a intenté une action. Une conférence de règlement a eu lieu devant la juge Pardu, de la Cour de l’Ontario, et cela a donné lieu à un procès-verbal de transaction, précisant :

 

[traduction]

6.         Le défendeur [M. Peterson] paiera rétroactivement, à la demanderesse [Mme Tossell], une pension alimentaire pour enfants supplémentaire périodique s'élevant à 36 000 $ pour les douze mois allant du 1er janvier 1996 au 1er décembre 1996 inclusivement pour chaque enfant susmentionné. Les paiements sont imposables pour la demanderesse et déductibles des revenus du défendeur.

 

[25]  Il est ressorti de la preuve que le montant que devait M. Peterson aurait pu atteindre la somme de 56 000 $ avant cette transaction. La preuve prêtait manifestement à confusion. En première instance, le juge Mogan a conclu que le montant était un arriéré de pension alimentaire pour enfants, et aussi que le paiement avait été fait aux termes à la fois d’un accord entre les parties et de l’ordonnance judiciaire.

 

[26]  La juge Sharlow, de la Cour d’appel fédérale, a interprété différemment le paiement de 36 000 $. Ses motifs sont, en partie, les suivants :

 

29.       Le litige que suscite le traitement fiscal des 36 000 $ payés en décembre 1996 découle de la difficulté qu'il y a à interpréter la première phrase de la clause 6 du procès-verbal de transaction (laquelle clause est essentiellement la même que le paragraphe 6 de l'ordonnance judiciaire) […]

 

[…]

 

31.       Il ne fait aucun doute que le montant de 36 000 $ était censé être un paiement de pension alimentaire pour enfants, et qu'il a été payé aux termes d'un accord écrit : le procès-verbal de transaction. Toutefois, un montant n'est visé par les alinéas 56(1)b) et 60b) de la Loi sur l’impôt sur le revenu que s'il est payable périodiquement. Un montant est payable périodiquement si l'obligation de payer revient à intervalles. Même si la clause 6 du procès-verbal de transaction dit du paiement de 36 000 $ qu'il est « périodique », il y est question d'un paiement unique de 36 000 $. Elle ne décrit pas une obligation d'effectuer des paiements périodiquement.

 

32.       M. Peterson a fait valoir devant la Cour canadienne de l'impôt, ainsi que devant la présente Cour, que les 36 000 $ étaient en fait un paiement d'arriérés de pension alimentaire pour enfants payable périodiquement, aux termes de l'accord de séparation de 1991. Cet argument est fondé sur l'arrêt La Reine c. Sills, [1985] 2 C.F. 200 (C.A.F.), lequel étaye la thèse voulant qu'une obligation de payer un montant périodiquement ne change pas de nature même si plusieurs montants de ce genre sont payés en retard sous la forme d'un paiement forfaitaire unique.

 

[…]

 

34.       Cette conclusion n'est pertinente que si le paiement de 36 000 $ exigé par la clause 6 du procès-verbal de transaction était destiné à faire référence aux arriérés de pension alimentaire pour enfants accumulés aux termes de l'accord de séparation de 1991, auquel cas le principe énoncé dans l'arrêt Sills s'appliquerait. Le juge de la CCI a conclu qu'il s'agissait là du but visé par le paiement de 36 000 $. […]

 

35.       Ceci étant dit avec égards, je ne suis pas d'accord avec le juge de la CCI que les motifs énoncés au paragraphe 55 étayent la conclusion que le paiement de 36 000 $ dont il est question à la clause 6 du procès-verbal de transaction était destiné à couvrir les arriérés de pension alimentaire pour enfants.

 

36.       Selon moi, on ne peut dire d'un accord écrit ou d'une ordonnance judiciaire qu'ils obligent une personne à payer des arriérés de pension alimentaire pour enfants sauf si, au moment où cet accord ou cette ordonnance ont été établis, il existe : 1) une reconnaissance expresse ou implicite d'une obligation préexistante de payer une pension alimentaire pour enfants à l'égard d'une période antérieure, 2) une reconnaissance expresse ou implicite d'un manquement total ou partiel à cette obligation, qui donne lieu à des arriérés de pension alimentaire pour enfants, et 3) une obligation, énoncée dans l'accord écrit ou dans l'ordonnance judiciaire, de payer les arriérés en tout ou en partie.

 

37.       Dans le procès-verbal de transaction, ou dans l'ordonnance judiciaire ultérieure, on ne trouve pas de reconnaissance expresse d'une obligation préexistante en matière de pension alimentaire pour enfants, ni de l'existence d'arriérés de pension. Le 16 décembre 1996, lorsque le procès-verbal de transaction a été signé, Mme Tossell et M. Peterson ne s'étaient pas entendus sur ce qu'étaient les obligations de M. Peterson en matière de pension alimentaire pour enfants aux termes de l'accord de séparation de 1991, après le mois de mars 1993. Si la juge Pardu avait une opinion sur ce point, il n'y a aucune preuve de ce que cette opinion était, hormis les souvenirs de Mme Tossell et de l'avocat de M. Peterson, qui sont loin d'être concluants.

 

[…]

 

39.       À mon avis, rien ne permet de conclure à l'existence d'une reconnaissance implicite quelconque, au 16 décembre 1996, que M. Peterson avait des arriérés de pension alimentaire pour enfants. Cela suffit, selon moi, pour établir que la clause 6 du procès-verbal de transaction ne peut pas vouloir dire qu'un paiement d'arriérés de pension alimentaire pour enfants est exigé.

 

40.       Cependant, ma conclusion serait identique même s'il avait été reconnu de manière implicite que M. Peterson avait des arriérés de pension alimentaire pour enfants, car, selon moi, la clause 6 du procès-verbal de transaction ne peut être raisonnablement interprétée comme une obligation de payer 36 000 $ d'arriérés. Je fonde cette conclusion sur le fait que la clause 6, en disant [traduction] « paiera rétroactivement... » qualifie le paiement de « rétroactif ». Le mot « rétroactif » ne signifie pas simplement « fondé sur le passé », comme le dit le juge de la CCI au paragraphe 52 de ses motifs. Au contraire, il est abusif de qualifier le paiement d'une obligation en souffrance de « paiement rétroactif ».

 

[…]

 

42.       Il ressort clairement de cette description légale des paiements de pension alimentaire rétroactifs qu'une obligation juridique de payer rétroactivement une pension alimentaire pour enfants est une nouvelle obligation. Il pourrait s'agir, par exemple, d'une nouvelle obligation de payer une pension alimentaire pour enfants à l'égard d'une période antérieure précisée pour laquelle il n'existait aucune obligation préexistante. Ou bien il pourrait s'agir d'une nouvelle obligation de payer une pension alimentaire pour enfants à l'égard d'une période antérieure précisée, en sus d'une pension alimentaire pour enfants payable aux termes d'un accord antérieur jugé inadéquat. D'une façon ou d'une autre, une obligation juridique de payer une pension alimentaire pour enfants rétroactive est le contraire d'une obligation juridique de payer des arriérés de pension alimentaire pour enfants.

 

[…]

 

44.       […] À mon avis, cette preuve établit uniquement que l'avocat de M. Peterson avait une position de négociation. Elle ne permet pas de prouver la nature du paiement de 36 000 $ auquel il est fait référence à la clause 6 du procès-verbal de transaction.

 

[…]

 

46.       […] Les deux auraient pu régler les questions liées à la pension alimentaire pour enfants impayée d'une manière qui aurait constaté officiellement les arriérés, et prévoir le paiement intégral ou partiel de ces derniers. Ils auraient pu aussi mettre de côté la question des arriérés et créer une obligation tout à fait nouvelle. Il est impossible de déterminer, à partir du dossier, si l'une de ces deux solutions aurait été plus raisonnable que l'autre.

 

[27]  Mes excuses pour ce long extrait, mais celui-ci est important si l’on veut bien saisir l’essence même du raisonnement. La juge Sharlow a conclu que la nouvelle obligation juridique créée dans ces circonstances précises n’était pas de la nature de paiements périodiques payés en une seule somme forfaitaire, ce qui aurait pu déclencher l’application du principe énoncé dans l’arrêt Sills. Elle a reconnu au paragraphe 46 de la décision que l’accord aurait pu être structuré différemment. Manifestement, d’après le paragraphe 44, le paiement était considéré comme un montant de règlement, sans autre preuve suffisante, par ailleurs, de sa nature. Ce fait, le dis-je avec égards, est un élément crucial.

 

[28]  Par conséquent, bien que l’appelant soutienne que la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a créé une obligation juridique rétroactive et, ainsi, créé en fait de manière juridique un arriéré de paiements de pension alimentaire qui serait assujetti au principe énoncé dans l’arrêt Sills, même si je conclus que ce n’est pas le cas, mais que la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a créé une nouvelle obligation juridique, je suis d’avis que cette nouvelle obligation est différente de celle dont il est question dans l’arrêt Peterson. Le commentaire de la juge Sharlow selon lequel « […] une obligation juridique de payer une pension alimentaire pour enfants rétroactive est le contraire d’une obligation juridique de payer des arriérés de pension alimentaire pour enfants » doit être considéré dans le contexte des faits qui sont propres à l’affaire Peterson. La Cour d’appel fédérale a conclu qu’il ne s’agissait pas d’arriérés, mais d’une obligation juridique de payer une somme forfaitaire, et non un paiement qui conservait la nature d’une obligation de verser des paiements périodiques. Mais, dans le cas présent, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique s’est exprimée clairement, et les parties, selon Me Rose, ont été claires : il n’y avait aucune ambiguïté, comme dans l’affaire Peterson. Il n’a pas été question d’un paiement forfaitaire. Le paiement ordonné était censé être – et c’est aussi ma conclusion – un paiement de la nature de paiements périodiques payés sous la forme d’une somme forfaitaire, et les exigences de la définition d’une pension alimentaire sont remplies.

 

[29]  Selon moi, le raisonnement énoncé dans l’arrêt Peterson confirme que, si la nature du paiement traduit l’existence d’une obligation de paiements périodiques, les conditions de la définition sont alors remplies. Dans l’arrêt Peterson, cela a tout simplement été impossible à prouver. Je ne crois pas que le résultat auquel je suis arrivé en l’espèce soit incompatible avec la décision rendue dans l’arrêt Peterson.

 

[30]  Je fais droit à l’appel et je renvoie l’affaire au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que le paiement de 169 775 $ que M. James a effectué était une pension alimentaire pour laquelle il a droit à une déduction. Les dépens sont adjugés à l’appelant.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de mai 2013.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

 

 

 Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de juillet 2013.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 164

 

NO DE DOSSIER DE LA COUR :    2011-1748(IT)G

 

INTITULÉ :                                      CRAIG JAMES ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 6 mai 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Campbell J. Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 17 mai 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelant :

Mes Gavin Laird et Melanie Magnusson

Avocat de l’intimée :

Me Max Matas

 

AVOCATS INSCRITS

AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     Mes Gavin Laird et Melanie Magnusson

 

                            Cabinet :               Laird & Company

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           2005 CAF 223.

 

[2]           1997 CarswellNat 391.

 

[3]           [1985] 2 CF 200 (CA).

 

[4]           2007 CCI 387.

 

[5]           2008 CCI 527.

 

[6]           2012 CSC 43.

 

[7]           2008 BCSC 852.

 

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