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Dossier : 2011-3345(IT)I

ENTRE :

HICHAM LAHLOU,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 9 avril 2013, à Montréal (Québec)

 

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Bruno Grenier

 

Avocate de l’intimée :

Me Anne-Marie Boutin

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2008 de l’appelant est accueilli avec dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de mai 2013.

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 


 

 

Référence : 2013 CCI  161

Date : 20130517

Dossier : 2011-3345(IT)I

ENTRE :

HICHAM LAHLOU,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Boyle

 

[1]             Le présent appel, instruit sous le régime de la procédure informelle, porte sur la question de savoir si les bourses de perfectionnement postdoctoral que l’appelant a reçues en 2008 alors qu’il était stagiaire postdoctoral à l’Université McGill donnent droit à l’exemption pour bourses d’études prévue au paragraphe 56(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[2]             La Cour a déjà rendu plusieurs décisions concernant l’imposition des bourses de perfectionnement postdoctoral. Voir, par exemple, la décision rendue par le juge Archambault dans l’affaire Chabaud c. La Reine, 2011 CCI 438, les décisions rendues par la juge Woods dans les affaires Huang c. La Reine, 2012 CCI 81, 2012 DTC 1120, et Caropreso c. La Reine, 2012 CCI 212, 2012 DTC 1190, et la décision que j’ai rendue dans l’affaire Lewis v. The Queen, 2013 TCC 137. Ces décisions mettent en lumière le fait que, avant les modifications législatives apportées en 2010 à la définition de l’expression « programme de formation admissible » donnée au paragraphe 118.6(1) de la Loi, les décisions rendues dans de telles affaires dépendaient en grande partie des circonstances et des faits qui leur étaient propres. Comme la juge Woods l’a souligné dans la décision Huang, les modifications apportées en 2010 établissent clairement que les bourses de recherche postdoctorale ne donnent pas droit à l’exemption pour bourses d’études prévue au sous‑alinéa 56(3)a)(i). La décision rendue dans l’affaire Lewis le confirme.

[3]             En l’espèce, l’intimée soutient essentiellement que les montants étaient des bourses de perfectionnement au sens de l’alinéa 56(1)n), mais qu’ils ne donnaient pas droit à l’exemption pour bourses d’études visée aux sous-alinéas 56(1)n)(ii) et 56(3)a)(i), parce qu’il ne s’agissait pas de bourses reçues relativement à l’inscription de M. Lahlou comme étudiant à un programme de formation qui donne droit au crédit d’impôt pour études prévu au paragraphe 118.6(2).

 

[4]             Dans sa réponse, l’intimée a fait valoir, à titre subsidiaire, que les montants ne constituaient pas des bourses de perfectionnement, mais plutôt un revenu d’emploi ou, subsidiairement encore, des subventions de recherche, qui doivent être incluses dans le revenu au titre de l’alinéa 56(1)o). Après avoir entendu le témoignage du contribuable et du professeur qui supervisait ses recherches postdoctorales, l’intimée a abandonné ces deux arguments subsidiaires.

 

[5]             L’intimée n’a pas fait valoir que les bourses de perfectionnement constituaient un revenu tiré de la charge que l’appelant occupait en tant que stagiaire, chercheur ou boursier postdoctoral et que, pour cette raison, les sommes reçues n’étaient pas des bourses de perfectionnement au sens du sous-alinéa 56(1)n)(i).

 

Les faits

 

[6]             En bref, en 2008, M. Lahlou était stagiaire postdoctoral à l’Université McGill. Il réalisait un projet de recherche dans le domaine de la progression du cancer du sein. Les recherches étaient menées dans un laboratoire des départements de médecine et de biochimie de l’Université McGill, sous la supervision du professeur William J. Muller, titulaire d’une chaire de recherche du Canada en oncologie moléculaire. Selon le témoignage de M. Muller et de M. Lahlou, ce dernier a réalisé son projet de recherche de façon plutôt indépendante et autonome. M. Muller nomme plusieurs stagiaires postdoctoraux dans son laboratoire chaque année; et il en a actuellement cinq. Selon le témoignage de M. Muller, les stages postdoctoraux dans son laboratoire visent à permettre aux stagiaires de faire un apprentissage et de se perfectionner afin de devenir des chercheurs indépendants capables de mener leurs propres programmes de recherche à titre de professeurs agrégés dans leurs propres laboratoires universitaires. Cela correspond à la description qui est donnée sur le site Web de l’Université McGill pour les chercheurs et les stagiaires postdoctoraux. La période maximale pour être stagiaire postdoctoral à l’Université McGill est de cinq ans suivant l’obtention du doctorat.

[7]             Le contribuable a obtenu son doctorat d’une université en France. Lorsqu’il a pris des dispositions en vue de son stage postdoctoral au laboratoire de M. Muller à l’Université McGill avant 2008, il a obtenu personnellement une bourse de perfectionnement de 30 000 $ d’un organisme français à l’appui de ses recherches à l’Université McGill. Afin de commencer son stage postdoctoral à l’Université McGill, il a obtenu un permis de travail au Canada et non un permis d’études.

 

[8]             En 2008, M. Lahlou a reçu deux bourses de perfectionnement. Il a reçu une bourse de 30 000 $ du Fonds de la recherche en santé du Québec (le « FRSQ »). Le FRSQ a versé la bourse de perfectionnement directement à M. Lahlou, en 12 versements mensuels. Le FRSQ n’a ni exigé ni reçu de rapports de la part de M. Lahlou concernant l’état d’avancement ou les résultats de ses recherches.

 

[9]             L’Université McGill a aussi versé une bourse de perfectionnement de 12 000 $ à M. Lahlou à partir des fonds et des subventions affectés au laboratoire de recherche de M. Muller. L’argent provenait d’une subvention accordée à l’Université McGill par les Instituts de recherche en santé du Canada. M. Lahlou a reçu ce montant par versements périodiques de l’Université McGill tout au long de l’année.

 

[10]        L’exemption pour bourses d’études demandée par M. Lahlou pour 2008 à l’égard des deux bourses de perfectionnement a été refusée par l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »). Après que M. Lahlou a produit auprès de l’ARC une copie du formulaire T2202 requis pour le crédit d’impôt pour études prévu au paragraphe 118.6(2) ainsi qu’une annexe 11 dûment remplie, le crédit d’impôt pour études qu’il demandait en application du paragraphe 118.6(2) lui a été accordé. Il s’est cependant quand même vu refuser l’exemption pour bourses d’études visée aux paragraphes 56(1) et 56(3).

 

Le droit

 

Les passages pertinents des dispositions applicables de la Loi sont les suivants :

 

Sommes à inclure dans le revenu de l’année

 

56.(1) Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition:

[…]

Amounts to be included in income for year

 

56.(1) Without restricting the generality of section 3, there shall be included in computing the income of a taxpayer for a taxation year,

[…]

Bourses d'études, de

perfectionnement, etc.

 

 n) l'excédent éventuel:

 

(i) du total des sommes (à l'exclusion des […] sommes reçues dans le cours des activités d'une entreprise et des sommes reçues au titre, dans l'occupation ou en vertu d'une charge ou d'un emploi) reçues au cours de l'année par le contribuable à titre de bourse d'études, de bourse de perfectionnement (fellowship) ou de récompense  couronnant une oeuvre remarquable réalisée dans son domaine d'activité habituel, à l'exclusion d'une récompense visée par règlement,

 

sur:

 

Scholarships, bursaries etc…

 

(n) the amount, if any, by which

 

(i) the total of all amounts (other than […] amounts received in respect of, in the course of or by virtue of an office or employment) received by the taxpayer in the year, each of which is an amount received by the taxpayer as or on account of a scholarship, fellowship or bursary,  or a prize for achievement in a field of endeavour ordinarily carried on by the taxpayer, other than a prescribed prize,

 

exceeds

 

(ii) l'exemption pour bourses d'études du contribuable pour l'année, calculée selon le paragraphe (3);

[…]

[…]

(ii) the taxpayer's scholarship exemption for the year computed under subsection (3);

[…]

[…]

 

Exemption pour bourses d'études, bourses de perfectionnement (fellowships) ou récompenses

 

56.(3) Pour l'application du sous-alinéa (1)n)(ii), l'exemption pour bourses d'études d'un contribuable pour une année d'imposition correspond au total des sommes suivantes:

 

Exemption for scholarships, fellowships, bursaries and prizes

 

56.(3) For the purpose of subparagraph (1)(n)(ii), a taxpayer's scholarship exemption for a taxation year is the total of

 

a) le total des sommes représentant chacune la somme incluse en application du sous-alinéa (1)n)(i) dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année au titre d'une bourse d'études ou d'une bourse de perfectionnement (fellowship) reçue relativement à son inscription:

 

a) the total of all amounts each of which is the amount included under subparagraph (1)(n)(i) in computing the taxpayer's income for the taxation year in respect of a scholarship, fellowship or bursary received in connection with the taxpayer's enrolment

 

(i) soit à un programme d'études pour lequel une somme est déductible en application du paragraphe 118.6(2)dans le calcul de l'impôt à payer par le contribuable en vertu de la présente partie pour l'année, pour l'année d'imposition précédente ou pour l'année d'imposition subséquente,

[…]

 

(i) in an educational program in respect of which an amount may be deducted under subsection 118.6(2) in computing the taxpayer's tax payable under this Part for the taxation year, for the immediately preceding taxation year or for the following taxation year, or

[…]

 

c) 500 $ ou, s'il est moins élevé, l'excédent du total visé au sous-alinéa n)(i) pour l'année sur le total des sommes déterminées selon les alinéas a) et b).

 

(c) the lesser of $500 and the amount by which the total described in subparagraph (1)(n)(i) for the taxation year exceeds the total of the amounts determined under paragraphs (a) and (b).

 

Définitions

 

118.6.(1) Les définitions qui suivent s'appliquent aux articles 63 et 64 et à la présente sous-section.

 

[…]

 

Definitions

 

118.6.(1) For the purposes of sections 63 and 64 and this subdivision,

 

[…]

"programme de formation admissible""qualifying educational program"

 

"programme de formation admissible" Programme d'une durée minimale de trois semaines consécutives, aux cours ou aux travaux duquel l'étudiant doit consacrer dix heures par semaine au moins et qui, s'il s'agit d'un programme

 

[…]

 

‘qualifying educational program” “programme de formation admissible”

 

"qualifying educational program" means a program of not less than three consecutive weeks duration that provides that each student taking the program spend not less than ten hours per week on courses or work in the program […]

 

[…]

 

Credit d’impôt pour études

 

118.6.(2) Le montant obtenu par la formule suivante est déductible dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition:

 

A x B

où:

 

A  représente le taux de base pour l'année;

 

B  la somme des produits suivants:

 

Education credit

 

118.6.(2) There may be deducted in computing an individual's tax payable under this Part for a taxation year the amount determined by the formula

 

A x B

where

 

A  is the appropriate percentage for the year; and

 

B  is the total of the products obtained when

 

a) 400 $ multipliés par le nombre de mois de l'année pendant lesquels le particulier est inscrit à un programme de formation admissible comme étudiant à temps plein d'un établissement d'enseignement agréé,

 

(a) $400 is multiplied by the number of months in the year during which the individual is enrolled in a qualifying educational program as a full-time student at a designated educational institution, and

 

b) 120 $ multipliés par le nombre de mois de l'année (sauf ceux visés à l'alinéa a)) dont chacun est un mois pendant lequel le particulier est inscrit à un programme de formation déterminé d'un établissement d'enseignement agréé, aux cours duquel l'étudiant doit consacrer au moins 12 heures par mois.

 

(b) $120 is multiplied by the number of months in the year (other than months described in paragraph (a)),each of which is a month during which the individual is enrolled at a designated educational institution in a specified educational program that provides that each student in the program spend not less than 12 hours in the month on courses in the program,

 

Pour que le montant soit déductible, l'inscription du particulier doit être attestée par un certificat délivré par l'établissement - sur le formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits […].

 

if the enrolment is proven by filing with the Minister a certificate in prescribed form issued by the designated educational institution and containing prescribed information […].

 

Les modifications de 2010 sont soulignées ci-dessous :

 

Définitions

 

118.6.(1) Les définitions qui suivent s'appliquent aux articles 63 et 64 et à la présente sous-section.

 

[…]

 

The 2010 amendments are underlined below:

 

Definitions

 

118.6.(1) For the purposes of sections 63 and 64 and this subdivision,

 

[…]

 

"programme de formation admissible" "qualifying educational program"

 

"programme de formation admissible"

Programme d'une durée minimale de trois semaines consécutives, aux cours ou aux travaux duquel l'étudiant doit consacrer dix heures par semaine au moins et qui, […] est un programme de niveau postsecondaire qui ne consiste pas principalement à faire de la recherche, à moins qu'il ne mène à un diplôme décerné par un collège ou un collège d'enseignement général et professionnel ou à un baccalauréat, une maîtrise ou un doctorat ou à un grade équivalent.[…]

 

‘qualifying educational program” “programme de formation admissible”

 

"qualifying educational program" means a program of not less than three consecutive weeks duration that provides that each student taking the program spend not less than ten hours per week on courses or work in the program and, […] that is a program at a post-secondary school level that does not consist primarily of research (unless the program leads to a diploma from a college or a Collège d'enseignement général et professionnel, or a bachelor, masters, doctoral or equivalent degree) […]

 

 

 

Analyse

 

[11]        Les parties et la Cour conviennent que les deux montants reçus par le contribuable en l’espèce sont des bourses de perfectionnement au sens du sous‑alinéa 56(1)n)(i) compte tenu de leur nature et de leur objet. Par conséquent, la question à trancher est celle de savoir si ces montants donnent droit à l’exemption pour bourses d’études correspondante pour l’application du sous‑alinéa 56(1)n)(ii) et aux termes du paragraphe 56(3). Les parties et la Cour conviennent aussi qu’il n’y a pas lieu de traiter les deux bourses de perfectionnement de façon différente aux fins de la présente analyse.

 

[12]        L’exemption pour bourses d’études à laquelle un contribuable a droit pour une année est le total des sommes reçues par le contribuable pour l’année à titre de bourses de perfectionnement et des sommes semblables qu’il a reçues relativement à son inscription à un programme d’études qui donne droit au crédit d’impôt pour études prévu au paragraphe 118.6(2).

 

[13]        Selon la définition de l’expression « programme de formation admissible », pour l’application des dispositions relatives au crédit d’impôt pour études prévu à l’article 118.6, le contribuable doit être inscrit à un programme comme étudiant d’un établissement d’enseignement postsecondaire, et il doit consacrer une période de temps minimale aux cours ou aux travaux du programme. Comme l’Université McGill est un établissement d’enseignement agréé et que son programme de bourse de perfectionnement postdoctoral exige plus que le minimum requis de travaux de recherche, la question se résume à celle de savoir si les stagiaires postdoctoraux de l’Université McGill sont des étudiants. Le terme « étudiant » n’est pas défini à cette fin dans la Loi.

 

[14]        Les éléments de preuve versés au dossier concernant le statut des stagiaires postdoctoraux au Québec et la question de savoir si l’Université McGill considère ses stagiaires postdoctoraux comme des étudiants ne sont pas tout à fait clairs et cohérents.

 

[15]        À l’Université McGill, le processus de demande et d’admission suivi pour les stagiaires postdoctoraux est à peu près semblable à celui suivi pour les titulaires de bourses de doctorat – ceux qui cherchent à obtenir leur doctorat. Dans les deux cas, le processus suivi est très différent de celui suivi pour les étudiants de premier et de deuxième cycles.

 

[16]        Les stagiaires postdoctoraux à l’Université McGill doivent être inscrits auprès du même groupe qui s’occupe de l’inscription des candidats au doctorat. Les stagiaires postdoctoraux ont une carte et un numéro d’étudiant. Ils sont régis par Le Recueil des droits et obligations de l’Étudiant publié par l’Université.

 

[17]        L’Université McGill a délivré à M. Lahlou un formulaire T2202 attestant à l’ARC qu’il était étudiant à temps plein. Sur son site Web, l’Université McGill décrit les stagiaires postdoctoraux comme appartenant à une catégorie de stagiaires ayant le statut d’étudiants à temps plein. À l’Université McGill, les études postdoctorales relèvent du Département des études supérieures et postdoctorales. Les stagiaires postdoctoraux sont tenus de signer une lettre d’entente au titre des études postdoctorales. Les stagiaires postdoctoraux sont membres de l’Association des étudiants des cycles supérieurs de l’Université McGill. Ils ont accès aux Services aux étudiants de l’Université.

 

[18]        En revanche, l’Université McGill ne considère pas toujours clairement ses stagiaires postdoctoraux comme des étudiants et ne les traite pas comme elle traite les étudiants en quête d’un diplôme. Les stagiaires postdoctoraux ne paient pas de frais de scolarité et bien d’autres types de frais. Ils ne suivent pas le même processus de demande et d’admission que celui applicable au premier et au deuxième cycles. Ils ne suivent pas de cours, n’obtiennent pas de crédits universitaires et ne font pas d’études menant à l’obtention d’un diplôme. Dans son formulaire d’attestation de bourse (Award Certification Form), l’Université McGill fait plusieurs fois référence aux étudiants et aux stagiaires postdoctoraux comme s’il s’agissait de groupes différents aux fins d’inscription. Dans son calendrier de cours, l’Université McGill n’inclut pas les stagiaires postdoctoraux dans les diverses catégories d’étudiants (peut-être parce que les stagiaires postdoctoraux ne suivent généralement pas de cours donnant droit à des crédits universitaires).

 

[19]        Tout compte fait, après avoir examiné l’ensemble de la preuve sur ce point, je suis convaincu que, pendant qu’il était stagiaire postdoctoral à l’Université McGill en 2008, M. Lahlou se considérait comme un étudiant de cette université et celle-ci le considérait aussi comme un étudiant. Il est très important de souligner que, en l’espèce, il semble évident que l’objectif et la structure du programme de bourses postdoctorales visaient la poursuite de la formation et de l’apprentissage des stagiaires postdoctoraux dans un délai déterminé suivant l’obtention de leur diplôme de troisième cycle.

 

[20]        En l’espèce, est-il suffisant que l’Université McGill ait considéré M. Lahlou comme un étudiant de son programme de formation postdoctorale? Dans la décision Huang, la juge Woods a examiné le sens du terme « étudiant » employé dans les dispositions sur le crédit d’impôt pour études pour un stagiaire postdoctoral. Après avoir examiné le terme dans son contexte et tenu compte de l’objet de la disposition relative au crédit d’impôt pour études et de l’exemption pour bourses d’études, elle a choisi de donner au terme un sens large, qui reflétait son sens courant.

 

[21]        Il ressort clairement des modifications apportées en 2010 qu’un étudiant peut principalement faire de la recherche sans que cela ne mène à un diplôme et avoir droit au crédit d’impôt pour études. Autrement, les modifications n’auraient pas été nécessaires ou auraient été formulées différemment. Les modifications apportées en 2010 ont introduit de nouvelles conditions essentielles à l’obtention du crédit d’impôt pour études, qui viennent s’ajouter aux conditions antérieures. Il s’agit là d’un autre élément qui étaye l’attribution d’un sens plus large au terme « étudiant » que celui avancé par l’intimée en l’espèce.

[22]        Dans la décision Huang, la preuve a démontré que le gouvernement de l’Ontario ne considérait pas les stagiaires postdoctoraux comme des étudiants pour l’attribution de fonds aux universités. La juge Woods n’a pas admis que cela menait à la conclusion que les stagiaires postdoctoraux n’étaient pas des étudiants au sens ordinaire du terme. De même, en l’espèce, il ressort de la preuve que le ministère de l’Éducation du Québec ne considère pas les stagiaires postdoctoraux comme des étudiants pour ce qui est de l’établissement des budgets de fonctionnement des universités. Pour ce qui est de l’allocation de fonds pour les besoins des universités en matière d’installations, la province reconnaît toutefois les stagiaires postdoctoraux comme des personnes à accueillir dans les installations des universités. Pour ce qui est du financement à accorder pour les locaux, la province traite les stagiaires postdoctoraux comme des étudiants à temps plein, comme s’il s’agissait d’étudiants de troisième cycle. La preuve révèle également que la province doit approuver les programmes de formation menant à l’obtention d’un diplôme. Pour les mêmes raisons que celles de la juge Woods, je ne puis admettre que le sens donné au terme « étudiant » par le gouvernement provincial pour ce qui est du financement universitaire régisse ou restreigne le sens de ce terme dans la Loi. Je n’admets pas non plus que le sens du terme « programme de formation » donné dans la Loi en 2008 soit restreint par l’exigence du gouvernement du Québec selon laquelle celui‑ci doit approuver les programmes de formation menant à l’obtention d’un diplôme et selon laquelle aucune demande d’approbation n’avait été présentée concernant un programme de formation postdoctorale (probablement parce qu’un tel programme ne mène pas à l’obtention d’un diplôme).

 

[23]        De même, dans les circonstances, je ne considère pas particulièrement convaincantes ou utiles les recommandations formulées par un groupe de réflexion provincial en 1994, alors qu’il se penchait sur le rôle que devraient jouer les stagiaires postdoctoraux, les règlements qui devraient s’appliquer à eux, le financement qui devrait être accordé à leur égard et leur perfectionnement. De fait, rien n’indique comment la province a donné suite aux recommandations de ce groupe ou si elle l’a fait, sauf pour ce qui est du financement universitaire. On ne m’a renvoyé à aucune loi provinciale définissant les termes en question.

 

[24]        Quand le sens des termes employés dans la Loi n’est pas défini dans celle‑ci et que les termes ont un sens reconnu que leur attribue l’usage courant au Canada et n’ont pas non plus d’autre sens technique ou particulier, lorsque l’on interprète la Loi, il faut généralement attribuer à ces termes leur sens ordinaire, tout en tenant compte du contexte et de l’objet des dispositions pertinentes de la Loi.

[25]        Je conclus que M. Lahlou était un étudiant pour l’application des dispositions concernant le crédit d’impôt pour études et qu’il avait droit à une déduction relativement à ce crédit. Pour ce motif, les bourses de perfectionnement qu’il a reçues en 2008 répondent aux conditions de l’exemption pour bourse d’études et ne sont pas imposables. Je souscris aux motifs rédigés par la juge Woods dans la décision Huang sur ce point. La Couronne n’a pas porté en appel la décision défavorable qui a été rendue à son égard dans l’affaire Huang. Je tiens également à souligner que cette conclusion concorde avec l’octroi par l’ARC à M. Lahlou du crédit d’impôt pour études que celui‑ci avait demandé au titre du paragraphe 118.6(2) pour l’année en question après avoir demandé que des rajustements soient apportés à sa cotisation initiale pour 2008.

 

[26]        Même si la décision Huang est une décision rendue sous le régime de la procédure informelle et ne fait donc pas officiellement jurisprudence, je considère qu’il s’agit d’une décision claire et bien motivée de la Cour sur la question même qui est en litige dans le présent appel. Si j’avais eu des doutes quant à la question de savoir si je souscrivais au raisonnement de la juge Woods, j’aurais tout de même respecté et suivi la décision par courtoisie judiciaire. Après tout, la présente décision est aussi une décision rendue sous le régime de la procédure informelle qui ne fait pas officiellement jurisprudence, et la question a cessé d’être pertinente après 2009, en raison des modifications apportées en 2010.

 

[27]        L’appel est accueilli avec dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de mai 2013.

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 161

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2011-3345(IT)I

 

INTITULÉ :                                      HICHAM LAHLOU c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 9 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Patrick Boyle

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 17 mai 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Bruno Grenier

Avocate de l’intimée :

Me Anne-Marie Boutin

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     Me Bruno Grenier

 

                          Cabinet :                 Grenier Verbauwhede Avocats Inc.

                                                          5225, rue Berri, bureau 304

                                                          Montréal (Québec)

                                                          H2J 2S4

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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