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Dossier : 2012-1182(IT)I

ENTRE :

FOLASADE ABIOLA,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 27 février 2013, à Calgary (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimée :

Me Paige Atkinson

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2009 est accueilli, et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation en conformité avec les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de mai 2013.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de juin 2013.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 115

Date : 20130527

Dossier : 2012-1182(IT)I

ENTRE :

FOLASADE ABIOLA,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Hogan

 

I.     INTRODUCTION

 

[1]             L’appelante, Folasade Abiola, a fait appel de la décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») de ne pas lui accorder le crédit équivalent pour personne entièrement à charge et le crédit d’impôt pour enfants qu’elle avait demandés à l’égard de sa fille, désignée par les initiales OA dans la réponse de l’intimée à l’avis d’appel que l’appelante a déposé pour son année d’imposition 2009. Les crédits ont été refusés par le ministre compte tenu du fait que la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada (la « Loi ») empêche le contribuable de demander un crédit équivalent pour personne entièrement à charge et un crédit d’impôt pour enfants s’il est tenu de verser une pension alimentaire pour enfants à un ex‑époux ou ancien conjoint de fait.

 

[2]             Dans l’ensemble, les faits ne sont pas contestés. L’appelante était mariée à Philip Abiola. Trois enfants sont issus du mariage : une fille, OA, née en 1996, et deux fils, S, né en 1994, et T, né en 1993. L’appelante et Philip Abiola ont divorcé le 12 janvier 2009.

 

[3]             Au moment du divorce, Philip Abiola s’occupait des trois enfants.

 

[4]             Le 2 avril 2009, il a été ordonné que l’appelante verse la somme de 843 $ par mois à Philip Abiola, à compter du 5 février 2009. Cette ordonnance concernait les trois enfants issus du mariage.

 

[5]             La situation a changé peu de temps après le prononcé de l’ordonnance. La fille de l’appelante, OA, a emménagé avec l’appelante en avril 2009. L’emploi de l’appelante a pris fin le 8 mai 2009 et elle a reçu des prestations d’assurance‑emploi du mois de mai au mois de septembre 2009. L’appelante a alors obtenu un emploi d’adjointe administrative, qu’elle a commencé à exercer le 2 septembre 2009, pour un salaire annuel d’environ 42 000 $.

 

[6]             Le 17 novembre 2009, une nouvelle ordonnance a été rendue, laquelle précisait que l’appelante avait un arriéré de 1 658 $ pour les mois de février à août 2009. L’ordonnance ne donnait pas de détails quant à la ventilation de l’arriéré.

 

[7]             L’appelante a déclaré OA comme personne à charge admissible dans sa déclaration de revenus pour 2009. Au moyen d’une déclaration signée datée du 7 février 2013, Philip Abiola a accepté que l’appelante déclare OA comme personne à charge pour l’année d’imposition 2009.

 

[8]             Le 25 juin 2010, l’Agence du revenu du Canada a établi une cotisation initiale à l’égard de l’appelante. À ce moment-là, le crédit équivalent pour personne entièrement à charge et le crédit d’impôt pour enfants demandés ont été accordés.

 

[9]             Le 20 décembre 2010, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante dans laquelle il a refusé de lui accorder les crédits d’impôt qu’elle avait demandé à l’égard d’OA, parce que l’appelante était censément tenue de verser une pension alimentaire pour OA au cours de l’année d’imposition 2009.

 

[10]        Le 1er avril 2011, l’appelante a déposé un avis d’opposition à la nouvelle cotisation établie à son égard pour l’année d’imposition 2009. Le 17 novembre 2011, le ministre a ratifié la nouvelle cotisation compte tenu de fait que, selon une ordonnance judiciaire datée du 23 septembre 2009, l’appelante était tenue de verser une pension alimentaire à l’égard d’OA et qu’elle ne pouvait donc pas demander les crédits d’impôt en litige en l’espèce.

 

II.      Les questions en litige

 

[11]        L’appelante était-elle tenue de verser une pension alimentaire à l’égard de sa fille en 2009? Sinon, l’appelante avait-elle droit au crédit équivalent pour personne entièrement à charge et au crédit d’impôt pour enfants, prévus respectivement aux alinéas 118(1)b) et b.1) de la Loi, à l’égard d’OA pour son année d’imposition 2009?

 

III.     LA THÈSE DE L’APPELANTE

 

[12]        À l’audience, l’appelante a fait valoir que la deuxième ordonnance exigeait seulement qu’elle verse une pension alimentaire pour enfants à l’égard de ses deux fils; elle n’exigeait pas qu’elle en verse une à l’égard de sa fille, qui a choisi de vivre avec elle en 2009.

 

IV.     LA THÈSE DE L’INTIMÉE

 

[13]        L’intimée soutient que l’appelante n’a droit à aucun crédit, étant donné qu’une ordonnance judiciaire exigeait qu’elle verse à son époux une pension alimentaire, ainsi que ce terme est défini au paragraphe 56.1(4) de la Loi. Selon l’intimée, le paragraphe 118(5) de la Loi interdit à l’appelante de demander des crédits d’impôt non remboursables à l’égard d’OA.

 

V. ANALYSE

 

[14]         Pour avoir gain de cause, l’appelante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que (1) aucune ordonnance n’exigeait qu’elle verse une pension alimentaire à l’égard de sa fille, OA, en 2009 et que (2) son ex‑époux et elle s’étaient entendus pour qu’elle demande des crédits d’impôt à l’égard de leur fille. L’entente conclue à ce sujet a été produite à l’audience, ce qui satisfait donc à la deuxième condition.

 

[15]        L’appelante était tenue de verser une pension alimentaire pour enfants à l’égard de ses trois enfants suivant une ordonnance judiciaire, comme le montre la preuve de l’intimée (pièce R-1, ordonnance judiciaire du 2 avril 2009, la « première ordonnance »). Cependant, une nouvelle ordonnance a été rendue par suite d’un changement dans la situation de l’appelante (pièce R-1, ordonnance judiciaire du 17 novembre 2009, la « deuxième ordonnance »). Selon la deuxième ordonnance, l’appelante avait un arriéré de 1 658 $, mais le montant n’était pas ventilé.

 

[16]        Bien que la deuxième ordonnance soit rédigée en des termes vagues, la façon dont les paiements ont été calculés montre qu’en 2009, l’appelante était tenue de verser une pension alimentaire pour enfants uniquement à l’égard de ses deux fils.

 

[17]        À mon avis, dans l’ensemble, la deuxième ordonnance confirme que l’appelante n’était pas tenue de verser une pension alimentaire à l’égard de sa fille pour l’année d’imposition 2009. Bien que l’appelante ait admis qu’elle avait un arriéré et qu’une partie de celui‑ci comprenait des paiements de pension alimentaire à l’égard de sa fille pour les mois de février et de mars 2009, la deuxième ordonnance a modifié les obligations alimentaires de façon à ce qu’elles reflètent les changements dans les conditions de vie de l’appelante, lesquels changements étaient attribuables à une modification du revenu de l’appelante et au fait que sa fille avait emménagé avec elle peu après que la première ordonnance eut été rendue. La deuxième ordonnance a éliminé toute obligation pour l’appelante de verser une pension alimentaire à l’égard de sa fille pour l’année d’imposition 2009.

 

[18]        Je ne vois aucune raison de m’écarter de l’analyse qu’a faite le juge Hershfield dans la décision Barthels c. Canada[1] :

 

10        [...] Refuser le crédit équivalent pour personne entièrement à charge au conjoint qui a la garde des enfants et qui subvient à leurs besoins irait à l’encontre des nouvelles lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants. De toute évidence, en l’espèce, ce n’est pas Diane qui a droit à ce crédit d’impôt à l’égard de Stephanie. En 1999, elle n’a à aucun moment subvenu aux besoins de Stephanie dans un établissement qu’elle aurait tenu. Selon l’esprit des dispositions en cause, le législateur ne pouvait avoir l’intention de refuser le crédit équivalent pour personne entièrement à charge au conjoint qui a la garde des enfants et qui subvient à leurs besoins.

 

11        Deuxièmement, je remarque que le paragraphe 118(5) peut soulever une ambiguïté, en ce sens qu’on pourrait se demander quelle est la pertinence du fait qu’il n’indique pas expressément quand l’obligation de payer une pension alimentaire doit exister. Il est quelque peu inusité que cette disposition annule le droit au crédit d’impôt « pour une année d’imposition » lorsque le contribuable est « tenu de payer une pension alimentaire », mais qu’elle ne mentionne pas quand cette obligation doit avoir commencé à exister ou doit avoir été éteinte. Normalement, compte tenu du style formaliste de la rédaction de la Loi, on aurait dit que le crédit d’impôt est refusé lorsque « dans l’année », ou « à tout moment de l’année », ou encore « à l’égard de l’année ou de toute partie de l’année », il y a obligation de payer une pension alimentaire. Bien que j’hésite à laisser entendre que ces dispositions, qui sont déjà suffisamment alambiquées, devraient l’être davantage par l’insertion de nouveaux mots, je suis dans ce cas-ci porté à croire que, parce que la disposition ne précise pas quand doit exister l’obligation de payer une pension alimentaire, l’annulation à tout moment de cette obligation « à l’égard de l’année » pourrait bien être suffisante pour que la restriction prévue par cette disposition ne puisse s’appliquer. À coup sûr, je ne vois dans ce cas-ci rien d’incorrect à retenir une telle interprétation légale.

 

12 Troisièmement, je conclus que l’obligation de payer une pension alimentaire aux termes de la première ordonnance dépendait en elle-même de la situation relative à la garde visée par cette ordonnance. La situation a changé au cours de l’année précédant l’année en cause, et ce changement s’est perpétué tout au long de l’année en cause. La première ordonnance ne visait pas une telle situation. Les deuxième et troisième ordonnances (portant annulation des arriérés) ne sont, à mon avis, que formalistes, et on doit leur attribuer le même effet que si elles avaient pour objet d’annuler l’ordonnance qui a entraîné l’accumulation des arriérés. Ces deuxième et troisième ordonnances ont […] clarifié que l’obligation de payer une pension alimentaire relativement à Stephanie n’existait plus lorsque les hypothèses sur lesquelles cette obligation était fondée eurent cessé d’exister. Ces ordonnances, bien qu’elles n’indiquent pas expressément qu’elles mettent rétroactivement fin à cette obligation, ont à mon avis tout de même un tel effet rétroactif.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[19]        La juge Lamarre s’est fondée sur les mêmes passages dans la décision Giroux c. La Reine[2] :

 

22        Au cours de l’année 2009, c’est l’appelant qui, normalement, devait avoir droit aux crédits prévus aux alinéas 118(1)b) et b.1) et non l’ex-conjointe. Je reprends les termes du juge Hershfield lorsqu’il dit que refuser le crédit équivalent pour personne entièrement à charge au conjoint qui a la garde de l’enfant et qui subvient à ses besoins irait à l’encontre de l’esprit des dispositions en cause. J’adhère également à ses propos lorsqu’il conclut que l’obligation de payer une pension alimentaire aux termes d’une ordonnance du tribunal dépend en elle‑même de la situation relative à la garde visée par cette ordonnance. À partir du moment où l’enfant a quitté le foyer maternel pour s’installer chez son père, la situation qui existait au moment où la Cour d’appel du Québec s’est prononcée sur le versement de la pension alimentaire par l’appelant n’était plus la même et ne pouvait donner droit à l’ex-conjointe d’exiger le paiement de ladite pension. [...]

 

[20]        En l’espèce, la première ordonnance était conditionnelle au fait que les trois enfants demeurent avec Philip Abiola. Cette situation a changé peu de temps après le prononcé de la première ordonnance, lorsqu’OA a emménagé avec l’appelante en avril 2009. L’obligation pour l’appelante de verser une pension alimentaire à l’égard d’OA a été annulée par la deuxième ordonnance. La deuxième ordonnance, bien qu’elle n’ait pas expressément mis fin à cette obligation de manière rétroactive, a tout de même eu un tel effet.

 

VI.     CONCLUSION

 

[21]        Pour ces motifs, je conclus que l’appelante n’était pas tenue de verser une pension alimentaire à l’égard de sa fille, OA, au cours de l’année d’imposition 2009. Celle-ci a donc le droit de demander le crédit équivalent pour personne entièrement à charge et le crédit d’impôt pour enfants en application des alinéas 118(1)b) et b.1) de la Loi à l’égard d’OA pour son année d’imposition 2009.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de mai 2013.

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de juin 2013.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 115

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2012-1182(IT)I

 

INTITULÉ :                                      FOLASADE ABIOLA c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 27 février 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Robert J. Hogan

 

DATE DU JUGEMENT:                  Le 27 mai 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimée :

Me Paige Atkinson

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                    

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

 



[1] [2002] A.C.I. no 256 (QL).

[2]  2012 CCI 284.

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