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Dossier : 2012-1383(IT)I

ENTRE :

Patrick Auclair,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

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Appel entendu le 18 mars 2013, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable Rommel G. Masse, Juge suppléant

 

Comparutions :

 

Représentants de l'appelant :

Maxime Lemay 

Mylène Pelletier-Bégin

 

 

Avocate de l'intimée :

Me Marie-France Dompierre

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JUGEMENT

        L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l’année d'imposition 2010 est rejeté.

 

 

Signé à Montréal, Québec, ce 17e jour de juin 2013.

 

 

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse

 

 


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 188

Date : 20130617

Dossier : 2012-1383(IT)I

 

ENTRE :

Patrick Auclair,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge suppléant Masse

 

[1]             En l’espèce, l’appelant se pourvoit d'un appel à l’encontre d’un avis de nouvelle cotisation émis le 18 octobre 2011 par lequel le ministre du Revenu national (« le ministre ») a refusé, dans le calcul des crédits non remboursables, le montant de 9 000 $ réclamé par l’appelant à titre de frais de scolarité pour l’année d’imposition 2010. Le ou vers le 6 décembre 2011, l’appelant a signifié au ministre un avis d’opposition à l’encontre de la nouvelle cotisation. Le 8 février 2012, le ministre a ratifié la nouvelle cotisation, d’où le présent appel.

 

[2]             Au paragraphe 22 de son avis d’appel modifié, l’appelant réclame des crédits d’impôt comme prévus aux articles 118.5 et 118.6 de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c. 1 (5e suppl) (la « Loi ») pour la raison qu’il avait suivi une formation qui lui permettait d’acquérir des connaissances précises dans le cadre de son emploi. Lors du procès, l’appelant indiqua qu’il abandonna ce motif d’appel. Donc, il s’agit seulement de déductions de dépenses d’emploi en vertu du sous‑alinéa 8(1)i)(iii) de la Loi.

 

 

Contexte factuel

 

[3]             Au cours de l’année 2010, l’appelant était employé chez Pascan Aviation inc. (ci-après « Pascan ») St Hubert (Québec), à titre de copilote d’aéronef de type BAE JetStream 32. En août 2010, il a obtenu une promotion élevant son grade à celui de commandant. Cette promotion l’a obligé, dans le cadre de son emploi, à suivre une formation complète de qualification de type BAE JetStream 32. La portion pratique de cette formation suivie par l’appelant s’est déroulée au mois d’août 2010 au centre de formation Flight Safety International situé à St-Louis Missouri aux États-Unis. Ceci était le seul endroit en Amérique du Nord à offrir la formation en simulateur de vol pour ce type d’appareil. C’était Pascan qui a contracté le cours de formation avec Flight Safety International et c’était Pascan qui a payé tous les frais. À l’évidence, l’appelant était obligé de ne rien payer.

 

[4]             Le coût de la formation s’élevait à 12 000 $ et comprenait les frais de cours théoriques, le billet d’avion pour se rendre à St-Louis, les frais de simulateur chez Flight Safety ainsi que les frais reliés à la désignation de la qualification de type BAE Jetstream 32. Le coût de cette formation n’a pas été inclus au revenu de l’appelant.

 

[5]             À la suite de cette formation, Pascan a exigé, dans le cadre d’une entente écrite, que l’appelant s’engage à rester employé chez Pascan pendant une période d’au moins 24 mois suivant la fin de cette formation. Sinon, il aurait à rembourser à Pascan la somme de 500 $ pour chacun de ces 24 mois qu’il n’aurait pas complété (voir pièce A-1, onglet 3). Le troisième paragraphe de cette entente, datée du 26 août 2010, se lit comme suit :

 

[…] je m’engage à rembourser à PASCAN AVIATION INC., pour dédommagement pour la période de temps que prendra PASCAN AVIATION INC. pour me remplacer, un montant de 500,00 $ par mois restant à la période de 24 mois. Cette somme tient lieu de dommages-intérêts liquidés d’avance, ladite somme étant payable sur demande à la terminaison de l’emploi.

 

[6]             Il va sans dire que si l’appelant avait continué son emploi chez Pascan pour au moins les 24 mois suivant la formation, la formation ne lui aurait rien coûté.

 

[7]             L’appelant a quitté son emploi chez Pascan au mois de mars 2011 pour aller travailler chez un autre transporteur aérien. Compte tenu de son départ prématuré, l’appelant était dans l'obligation de rembourser à Pascan la somme de 9 000 $ à titre de dommages-intérêts conformément aux termes de l’entente signée le 26 août 2010.

 

[8]             Dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition, l’appelant a réclamé le montant de 9 000 $ à titre de crédit d’impôt non remboursable pour frais de scolarité à l’égard du remboursement effectué à Pascan. En date du 18 octobre 2011, le ministre a émis un avis de nouvelle cotisation refusant à l’appelant le crédit réclamé. Le ou vers le 6 décembre 2011, l’appelant a signifié au ministre un avis d’opposition à l’encontre de la nouvelle cotisation. Le 8 février 2012, le ministre a ratifié la nouvelle cotisation, d’où le présent appel.

 

La thèse de l’appelant

 

[9]             L’appelant soutient qu’il peut à juste titre réclamer une déduction en vertu du sous-alinéa 8(1)i)(iii) de la Loi à l’égard de la dépense de 9 000 $ engagée à titre de remboursement pour les coûts de la formation. C’est la thèse de l’appelant que la formation qu’il a subie est équivalant à une « fourniture qu’il a consommée directement dans l’accomplissement des fonctions de son emploi et que le contrat d’emploi l’obligeait à fournir et à payer dans la mesure ou il n’a pas été remboursé et n’a pas le droit d’être remboursé ».

 

[10]        L’appelant a dû payer des frais pour la formation qu’il a eue au mois d’août 2010 pour devenir pilote d'aéronef de type BAE JetStream 32. De plus, l’appelant soutient que la preuve démontre qu’il serait obligé de subir des mises à niveau tous les douze mois afin de maintenir son attestation comme pilote de BAE JetStream 32. Une fois la formation complétée et qu’il reçoit son attestation, la formation (« fourniture »), est « consommée ». L’appelant affirme qu’il était obligé d'engager des frais et que ces frais étaient obligatoires pour son emploi. Donc, ces frais sont des dépenses encourues dans le cadre de son emploi. Il s’agit de dépenses récurrentes pour une formation (« fourniture ») qui, aussitôt utilisée, est « consommée directement dans l’accomplissement de son emploi ».

 

[11]        Donc, l’appelant soutient qu’il peut à juste titre réclamer les dépenses qu’il a encourues pour sa formation afin de devenir pilote de l’appareil BAE JetStream 32 par application du sous-alinéa 8(1)i)(iii) de la Loi et que la Cour doit faire droit à son appel.

 

La thèse de l’intimée

 

[12]        L’intimée soutient que la formation qu’a subie l’appelant ne peut être qualifiée de « fourniture ». Une « fourniture » au sens de la Loi est généralement quelque chose de matériel qui peut être consommé. Il est impossible de consommer une formation. Une fois acquise, une formation est toujours là pour être utilisée mais elle ne peut jamais être consommée. Le sous-alinéa 8(1)i)(iii) de la Loi n’est pas applicable et il n’y a aucune autre disposition de la Loi qui permet de déduire le remboursement pour frais de formation sauf les articles 118.5 et 118.6 de la Loi, malheureusement, ces deux articles ne sont pas applicables en l’espèce.

 

[13]        L’intimée prétend qu’en l’espèce, il ne s’agit pas de frais de formation, mais plutôt un paiement qui a été effectué en vertu d’une obligation contractée par un employeur et son employé. Cette obligation contractuelle n’avait rien à faire avec l’accomplissement de ses fonctions d’emploi par l’appelant mais visait plutôt la cessation d’emploi. Il s’agit de l’application d’une clause pénale dans un contrat. Le paiement n’a pas été fait dans le cadre de l’accomplissement de ses fonctions; il a été fait lorsqu’il a cessé de travailler chez Pascan. Donc, les dépenses étaient complètement hors du cadre de ses fonctions. L’intimée affirme que l’obligation de paiement découle du contrat de cessation d’emploi qui a été signé le 26 août 2010. Les dépenses ne découlent pas directement de l’accomplissement de ses fonctions d’emploi et donc le sous-alinéa 8(1)i)(iii) n’est pas applicable.

 

[14]        L’intimée demande donc que l’appel soit rejeté.

 

Les dispositions législatives

 

[15]        Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

 

8. (1)  Éléments déductibles — Sont déductibles dans le calcul de revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

 

[…]

 

i)        dans la mesure ou il n’a pas été remboursé et n’a pas le droit d’être remboursé à cet égard, les sommes payées par le contribuable au cours de l’année au titre :

 

[…]

 

(iii)  du coût des fournitures qui ont été consommées directement dans l’accomplissement des fonctions de la charge ou de l’emploi et que le contrat d’emploi du cadre ou de l’employé l’obligeait à fournier et à payer,

 

[   ]

 

8. (2) Restriction générale — Seuls les montants prévus au présent article sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi.

 

Analyse

 

[16]        L’appelant affirme que le terme « fourniture » ne peut être limité à des biens matériels. « Fourniture » est un terme dont le sens peut varier largement, selon le contexte dans lequel il est utilisé. La formation qu’a suivie l’appelant peut être qualifiée de fourniture car elle consiste d’une prestation de service fournie à l’appelant. La formation a été directement consommée dans l’accomplissement des fonctions de son emploi puisqu’elle a été totalement assimilée par l’appelant. L’appelant prétend que la formation qu’il a suivie était une condition essentielle à l’obtention du poste de commandant chez son employeur et le paiement de 9 000 $ qu’il a remboursé conformément à l’entente écrite datée du 26 août 2010 découlait directement de cette obligation.

 

[17]        L’appelant prétend que la formation de l’appelant a été menée au terme de son accomplissement de manière progressive, c’est-à-dire pour la durée de la formation, elle a donc été consommée dans l’accomplissement de ses fonctions. D’après la preuve versée au dossier, l’appelant était obligé de suivre des mises à niveau tous les 12 mois, sinon, son attestation lui permettant de piloter un BAE JetStream 32 échoue, et il aurait à suivre une nouvelle formation complète. Donc, selon l’appelant, la formation est consommée de façon progressive pendant les douze mois que l’attestation est en vigueur et elle est complètement consommée lorsque l’attestation est échouée.

 

[18]        Donc, selon l’appelant, toutes les conditions exigées par sous‑alinéa 8(1)i)(iii) de la Loi sont rencontrées. Il a payé une fourniture qu’il a consommée directement dans l’accomplissement de ses fonctions d’emploi au cours de l’année d’imposition.

 

 

Principe général

 

[19]        En l’espèce, il s’agit de l’interprétation de la Loi et plus particulièrement de déterminer quels sens doit être attribué aux termes « fourniture » et « consommé ». Le principe général de l’interprétation des lois est énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 RCS 601. La juge en chef McLachlin nous instruit ainsi :

 

[10]      Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’ « il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : […] L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux.

 

[…]

 

[12]      Les dispositions de la Loi sur l’impôt sur le revenu doivent être interprétées de manière à assurer l’uniformité, la prévisibilité et l’équité requises pour que les contribuables puissent organiser intelligemment leurs affaires. […]

 

[20]        Dans l’arrêt 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 51, le juge Iacobucci cite P. W. Hogg et J. E. Magee, Principles of Canadian Income Tax Law (2e éd. 1997), p. 475-476 :

 

[TRADUCTION] La Loi de l’impôt sur le revenu serait empreinte d’une incertitude intolérable si le libellé clair d’une disposition détaillée de la Loi était nuancé par des exceptions qui n’y sont pas exprimées, provenant de la conception qu’un tribunal a de l’objet de la disposition.

 

[21]        Donc, la signification des termes « fourniture » et « consommé » doit être déterminée à la lumière de ce principe général.

 

 

« Fourniture »

 

[22]        La Loi ne donne aucune définition du mot « fourniture ». Par contre, on peut déceler le sens du mot en consultant d'autres lois fédérales. Selon le paragraphe 123 de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA »), L.R.C. (1985), ch, E‑15, qui est aussi une loi fédérale fiscale, une « fourniture » comprend « la livraison de biens ou prestations de service notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation ». Donc, des « fournitures » consistent en biens, c’est-à-dire des objets ou des choses, ainsi que la prestation de service. Une formation n’est certainement pas un bien mais une formation pourrait être qualifiée de prestation de service au moins dans le sens de la LTA

 

[23]        Quel est le sens ordinaire du mot « fourniture »? L’appelant soutient que le terme « fourniture » que l’on retrouve au sous-alinéa 8(1)i)(iii) de la Loi est un terme dont le sens peut varier largement, selon le contexte dans lequel il est utilisé. Dans l’affaire Luks [No. 2] v. M.N.R., (1959) 58 DTC 1194, la Cour de l'Échiquier s'est penchée sur cette question dans le contexte de l'alinéa 11(10)c) de l'ancienne Loi de l'impôt sur le revenu. Le juge Thurlow a déclaré ce qui suit à la page 1198-1199 :

 

[TRADUCTION] « Fournitures » est un terme dont le sens peut varier largement, selon le contexte dans lequel il est utilisé. À l'alinéa 11(10)c), on l'utilise dans un contexte qui vise des choses qui sont consommées dans l'accomplissement des fonctions de l'emploi. De nombreuses choses peuvent être consommées, en ce sens qu'elles peuvent être complètement usées ou utilisées dans l'accomplissement des fonctions de l'emploi. L'usine ou les appareils mécaniques de l'employeur peuvent être complètement usés. Les vêtements de l'employé peuvent être complètement usés. Ses outils peuvent être complètement usés. Et les matériaux qui servent au travail, peu importe qui les fournit, peuvent être complètement utilisés. « Fournitures » a un sens plus restreint que « choses » et, dans le contexte qui nous intéresse, il ne comprend pas toutes les choses qui peuvent être consommées dans l'accomplissement des fonctions de l'emploi, que ce soit dans le sens d'être complètement usées ou complètement utilisées. La ligne de démarcation qui sépare ce qui est inclus dans ce terme de ce qui n'y est pas inclus peut être difficile à définir exactement. Toutefois, d'une manière générale, j'estime que son sens normal, dans le contexte, se limite aux matières qui sont entièrement consommées dans l'accomplissement des fonctions de l'emploi. Il vise manifestement des articles comme l'essence destinée à un chalumeau, mais, à mon avis, pas le chalumeau lui-même. Ce dernier, ainsi que les outils en général, relève de la catégorie du matériel.

[Je souligne.]

 

[24]        Donc, d’après le juge Thurlow, une fourniture a le sens de matières, c'est‑à‑dire, d’objets ou de choses qui peuvent être complètement utilisés dans l’accomplissement des fonctions de l’emploi. Par contre, ceci ne comprend pas des outils ou des équipements. Le sens du mot « fourniture » est donc très étroit.

 

[25]        Monsieur Lemay, pour l’appelant, nous a fourni des exemples en quoi consiste une fourniture. Dans l’affaire Fardeau c. La Reine, [2002] 3 CTC 2169, le juge en chef adjoint Bowman de la Cour canadienne de l’impôt, tel qu'il était alors, était d’avis que le moment est venu de remettre en cause le point de vue du juge Thurlow dans l’affaire Luks. Le juge Bowman a statué au paragraphe 12 :

 

[12]    La question de savoir si des choses comme des chemises, des chaussettes ou d'autres articles semblables constituent des fournitures ne fait pas l'unanimité parmi les juges de la Cour. Ce n'est pas d'outils dont il est question en l'espèce. Les articles au sujet desquels on s'interroge sont des chemises et des chaussettes qui finissent par s'user. Avec tout le respect que je dois au juge Thurlow, je crois que le moment est venu de remettre en cause le point de vue qu'il a adopté dans l'affaire Luks. Si ce point de vue peut être valable dans le cas d'outils, il est peut-être trop restrictif pour être appliqué aux chemises, chaussettes et bottes qui sont utilisées dans le contexte du monde moderne du travail. Il est incontestable que des articles comme des vêtements sont des fournitures.

 

[26]        Par contre, il faut souligner le fait que des chemises, des chaussettes et des bottes sont des objets et elles ne sont pas des choses abstraites comme une formation.

 

[27]        Les frais de téléphone de résidence ainsi que les frais de téléphone cellulaire peuvent être qualifiés de « fournitures » : voir McCann c. La Reine, [2002] 3 CTC 2422. (CCI). Dans Glen c. La Reine, 2003 CCI 807, 2003 CarswellNat 5421, juge McArthur a conclu que le coût de logiciels informatiques utilisés par un professeur universitaire à temps partiel sont des coûts de fournitures dans le sens du sous‑alinéa 8(1)i)(iii). Les coûts d’électricité et de chauffage peuvent être déduits du revenu à titre de frais de bureau à domicile en application du sous-alinéa 8(1)i)(iii) de la Loi : voir Lester c. La Reine, 2001 CCI 543 (CanLII); Thompson c. Canada (M.N.R.) (1re inst.), [1980] A.C.F. no 808, [1989] 3 C.F. 492 (CFC).

 

[28]        Ce très bref survol de la jurisprudence nous indique le terme « fourniture » dans le sens du sous-alinéa 8(1)i)(iii) de la Loi a un sens très limité et est restreint à des choses ou à du matériel qui est utilisé directement dans l’accomplissement des fonctions d’emploi. Le Bulletin d’interprétation No IT35R2 daté du 26 août 1994, publié par l’Agence du revenu du Canada nous donnent de plus amples exemples :

 

Fournitures

 

9.   Le terme « fournitures » tel qu’il est employé au sous-alinéa 8(1)i)(iii) ne s’applique qu’au matériel utilisé directement dans l’accomplissement des fonctions de l’emploi. En plus de certaines dépenses concernant l’espace consacré au travail dans un domicile, comme il est indiqué au numéro 5 ci‑dessus, les fournitures comprennent habituellement des éléments comme le suivants :

 

a)   le coût de l’essence et du pétrole servant au fonctionnement des scies mécaniques appartenant aux employés du secteur forestier ;

 

b)   la dynamite dont se servent les mineurs;

 

c)   les pansements et les médicaments utilisés par les médecins salariés;

 

d)   les dépenses en télégrammes, appels téléphoniques interurbains et temps d’utilisation de téléphones cellulaires qui sont rattachées de façon raisonnable au revenu d’emploi;

 

e)   les diverses fournitures de bureau (à part les livres) dont se servent les enseignants, comme les crayons, et les stylos, les trombones et les graphiques.

 

[…]

 

10. Les fournitures dont il est question au sous-alinéa 9(1)i)(iii) ne comprennent pas les items suivant ;

 

a)   les frais mensuels pour le service téléphonique de base;

 

b)   les montants payés au titre des frais de branchement ou de licence de communication d’un téléphone cellulaire;

 

c)   les uniformes que les employés portent de manière habituelle ou par obligation dans l’exercice de leurs fonctions;

 

d)   tous les genres d’outils qui entrent normalement dans la catégorie de l’équipement.

 

[29]        Il va sans dire que les politiques et les interprétations administratives ne sont pas déterminantes mais elles ont une certaine valeur et en cas de doute sur le sens de la législation elles peuvent être un facteur important : voir R. c. Nowegijick, [1983] 1 R.C.S. 29, par le juge Dickson au par. 25.

 

[30]        En l’espèce, je ne suis pas convaincu que la formation suivie par l’appelant dans le présent dossier peut être qualifié de « fourniture » au sens du sous-alinéa 8(1)i)(iii) de la Loi. Une formation n’est pas une chose ou un objet ou du matériel qui peut être utilisé directement dans l’accomplissement de ses fonctions d’emploi. Bien qu’une formation puisse être qualifiée de prestation de service, le genre de service envisagé par la Loi est de nature de service public comme le gaz naturel et l’électricité. Il est vrai que le juge McArthur dans Glen c. La Reine, précité, a conclu que les coûts de logiciels informatiques utilisés par un professeur universitaire à temps partiel sont des coûts de fournitures dans le sens du sous-alinéa 8(1)i)(iii), mais Glen est certainement un cas d’espèce. Les logiciels ont certainement une durée utile très courte et doivent être mis à jour fréquemment. Bien qu’un logiciel sur un cd-rom soit du matériel abstrait, c’est tout de même du matériel. Le matériel d’un logiciel sur un cd-rom ne se compare pas à une formation que l’on retient dans l’ensemble de nos connaissances et nos habiletés.

 

[31]        En conclusion, je rejette la prétention de l’appelant que la formation qu’il a suive est une « fourniture » au sens du sous-alinéa 8(1)i)(iii) de la Loi.

 

« Consommée »

 

[32]        Que signifie le terme « consommée » au sens du sous-alinéa 8(1)i)(iii) de la Loi? Encore une fois, la Loi ne nous donne aucune signification pour le terme « consommée ».

 

[33]        Dans l’affaire Fardeau c. La Reine, précitée, le juge en chef adjoint Bowman de la Cour canadienne de l’impôt partage avec nous sa sagesse en nous instruisant à l’égard de la signification du terme « consommée » que l’on retrouve au sous‑alinéa 8(1)i)(iii) de la Loi, au paragraphe 15 de sa décision :

 

[15]      Le mot « consumed » (consommé) revêt un assez grand nombre de sens. The Oxford English Dictionary ( « OED » ) consacre les trois quarts d'une page à la définition de ce mot. Il est vrai qu'on y attribue notamment le sens de détruire (par le feu, par exemple), de dévorer (en mangeant, par exemple) ou de dépenser (en parlant d'argent). Cependant, je ne crois pas qu'il existe quelque raison d'exiger qu'il y ait annihilation instantanée. La consommation peut être progressive. Peut-être n'est-il pas possible de consommer un marteau, mais on ne déforme pas le sens du mot en disant qu'on consomme des vêtements en les portant jusqu'à ce qu'ils soient complètement usés. En fait, l'une des définitions de « consume » que l'on trouve dans le OED est la suivante : […] d. Porter jusqu’à usure complète.

 

[...]

 

[16]      Qu’en est-il du coût mensuel du téléavertisseur et du téléphone cellulaire? Il ne fait aucun doute que ces services sont des « founitures » et, à l’évidence, ils sont eux aussi consommés.

 

[34]        Dans Le Petit Robert Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, le mot « consommer » se définit comme : « Mener une chose au terme de son accomplissement. Cosommer une œuvre » et « Amener (une chose) à destruction en utilisant sa substance; en faire un usage qui la rend ensuite inutilisable ». Le Dictionnaire de la langue française de Paul‑Émile Littré définit le mot consommer comme « 2. Terme de droit. Consommer son droit, se dit lorsque le droit qu’on a à quelque chose a son effet. »

 

[35]        Je n’ai aucun doute, comme le soutient monsieur Lemay pour l’appelant, que quelque chose peut être consommée peu à peu de façon progressive et qu'il n’est pas nécessaire que la chose soit détruite ou utilisée tout instantanément : voir Fardeau précité. Mais pour être consommée, il est nécessaire que la chose en question soit éventuellement rendue inutile par raison d’être utilisée. Il est difficile de concevoir comment on puisse consommer une formation. Une formation peut toujours être utile. Monsieur Lemay soutient que la formation suivie par l’appelant est inutile à l’échéance de douze mois car il est nécessaire d’avoir des mises à niveau afin de maintenir son attestation comme pilote de BAE 32. À mon avis, bien qu’il soit nécessaire d’avoir des mises à niveau afin de maintenir son attestation de pilote, ceci ne veut pas dire que la formation qu’il a suivie soit rendue inutile ou épuisée; elle nécessite seulement une mise au point. C’est l’attestation qui échoue ou devient épuisée et non la formation.

 

Directement dans l’accomplissement de ses fonctions d’emploi

 

[36]        Pour que l’appelant ait le droit de réclamer des déductions comme dépenses d’emploi en vertu du sous-alinéa 8(1)i)(iii) de la Loi, il doit démontrer qu’il a payé des sommes au cours de l’année à titre du coût des fournitures qui ont été consommées « directement dans l’accomplissement des fonctions de l’emploi et que le contrat d’emploi obligeait l’employé à fournir et à payer ».

 

[37]        Il est évident qu’au cours de l’année d’imposition, l’appelant était à l’emploi de Pascan et dans le cadre de son emploi, il devait suivre une formation. Par contre, tous les frais attribuables à cette formation étaient à la charge de Pascan et non à la charge de l’appelant. Pour aussi longtemps que l’appelant travaillait chez Pascan, il n’était pas obligé de rembourser quoi que ce soit à Pascan. Du moment où l’appelant quittait son emploi il était dans l'obligation de rembourser Pascan et ceci seulement s’il quittait dans un délai de moins de 24 mois suivant la fin de la formation, et ceci de façon prorata; 500 $ pour chaque mois des 24 mois non complétés.

 

[38]        En l’espèce, même si j’accepte que les frais de formation soient des « fournitures » et même si j’accepte que ces fournitures aient été « consommées », je ne peux accepter que le montant payé le fût à titre de matériel ou prestation de service utilisé directement dans l’accomplissement des fonctions de son emploi. La somme payée était à titre de dommages-intérêts liquidés à l’avance, payable à la terminaison de l’emploi et non dans l’accomplissement des fonctions d’emploi de l'appelant.

 

[39]        Le paiement n’a pas été fait dans le cadre d’un contrat d’emploi mais plutôt un contrat de cessation d’emploi. Pascan a assumé tous les coûts de la formation qu’a subie l’appelant. Pascan pouvait raisonnablement s’attendre que l’appelant continue son emploi chez Pascan pour une période de temps afin que Pascan puisse tirer un profit de son investissement. Pascan pouvait à juste titre demander à l’appelant un dédommagement si l’appelant quittait son emploi dans un délai de 24 mois suivant l’accomplissement de la formation. L’appelant n’était aucunement obligé de payer ou de rembourser aucun montant tant qu’il ne quittait pas son emploi.

 

[40]        Il est évident que le remboursement, ou la somme que l’appelant avait à payer n’étaient pas dans le cadre de son travail, mais était plutôt lorsqu’il ne travaillait plus chez Pascan. Donc, les dépenses qu’a payées l’appelant n’étaient pas des dépenses directement nécessaires dans l’accomplissement des fonctions de son emploi.

 

 

Conclusion

 

[41]        Ayant considéré l’ensemble de la preuve ainsi que les représentations qui m’ont été présentés, j’arrive aux conclusions suivantes :

 

a.     La formation qu’a suivie l’appelant pour devenir pilote de l’appareil BAE JetStream 32 n’est pas une « fourniture » au sens du sous-alinéa 8(1)i)(iii) de la Loi.

 

b.     La formation qu’a suivie l’appelant pour devenir pilote de l’appareil BAE JetStream 32 n’a pas été « consommée » au sens du sous-alinéa 8(1)i)(iii) de la Loi.

 

c.      Le contrat d’emploi n’obligeait pas l’appelant à fournir et à payer les frais de formation; Pascan payait tous les frais à condition que l’appelant demeure employé chez Pascan pour au moins 24 mois suivant la formation. L’appelant n’était pas obligé d'engager des dépenses afin d’accomplir ses fonctions d’emploi.

 

d.     Le paiement qu’a effectué l’appelant n’était pas à titre du coût des fournitures qui ont été consommées directement dans l’accomplissement des fonctions de son l’emploi, mais plutôt à titre de dommages-intérêts, payables à la terminaison de son emploi, et non au cours de son emploi.

 

e.      L’appelant n’a pas engagé de frais ni obligations directement pour l’accomplissement de ses fonctions d’emploi mais plutôt pour lui permettre de quitter son emploi à l’avance du délai de 24 mois.

 

f.        Le contrat daté du 26 août 2010 n’est pas un contrat d’emploi mais est plutôt un contrat de cessation d’emploi; c’est ce contrat qui obligeait l’appelant à payer des dommages-intérêts et non son contrat d’emploi.

 

[42]        Je suis d’avis que le sous-alinéa 8(1)i)(iii) de la Loi ne s’applique pas dans l’instance. Pour ces motifs, l’appel est rejeté.

 

[43]        Je veux souligner le fait que, même si l’appelant n’a pas eu le résultat voulu, il a été très bien représenté par Mlle Pelletier-Bégin et M. Lemay. Ces deux jeunes avocats-étudiants ont très bien préparé et présenté leur cas. Je leur souhaite beaucoup de succès dans l’avenir. Je tiens aussi à remercier Me Dompierre pour l’aide qu’elle a rendue à la Cour.

 

 

Signé à Montréal, Québec, ce 17e jour de juin 2013.

 

 

 

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse

 

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 188

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :    2012-1383(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            Patrick Auclair

                                                          c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 18 mars 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :     L'honorable Rommel G. Masse, Juge suppléant

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 17 juin 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Représentants de l'appelant :

Maxime Lemay 

Mylène Pelletier-Bégin

Avocate de l'intimée :

Me Marie-France Dompierre

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                          

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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