Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2012-1676(IT)I

ENTRE :

LILY TCHENG,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel 2012‑3383(IT)I

les 21 et 22 mars 2013, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable Rommel G. Masse, Juge suppléant

 

Comparutions :

 

Représentant de l'appelante :

Li-Han Tcheng

 

 

Avocats de l'intimée :

Me Anne Poirier

Me Amélia Fink

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel de l’avis de nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard de l’année d’imposition 2007 est rejeté.

 

 

Signé à Montréal, Québec, ce 21e jour de juin 2013.

 

 

 

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse


 

 

 

 

Dossier : 2012-3383(IT)I

ENTRE :

LILY TCHENG,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel 2012‑1676(IT)I

les 21 et 22 mars 2013, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable Rommel G. Masse, Juge suppléant

 

Comparutions :

 

Représentant de l'appelante :

Li-Han Tcheng

 

 

Avocats de l'intimée :

Me Anne Poirier

Me Amélia Fink

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard de l’année d’imposition 2010 est rejeté.

 

 

Signé à Montréal, Québec, ce 21e jour de juin 2013.

 

 

 

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse


 

 

 

Référence : 2013 CCI 196

Date : 20130621

Dossier : 2012-1676(IT)I

ENTRE :

LILY TCHENG,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET

 

Dossier : 2012-3383(IT)I

ENTRE :

LILY TCHENG,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Masse

 

[1]             En l’espèce, il s’agit de deux appels. Le premier appel est à l’encontre de nouvelles cotisations datées du 30 mai 2011 et du 8 juin 2011 pour l’année d’imposition 2007. Le deuxième appel est à l’égard d’un avis de cotisation daté du 31 octobre 2011 pour l’année d’imposition de 2010. Les deux appels ont été entendus sur preuve commune.

 

Dossier 2012-1676(IT)I - l’année d’imposition 2007

 

[2]             En produisant sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2007, l’appelante a réclamé des pertes de commissions nettes d’un montant de 17 238 $. Le 30 mai 2011, le ministre du Revenu national (ci-après le « ministre ») a émis une nouvelle cotisation refusant entre autres ces pertes de commissions nettes réclamées par l’appelante et a également refusé une déduction réclamée pour frais financiers au montant de 3 500 $. Le ministre a émis une nouvelle cotisation en date du 8 juin 2011 qui n’a aucun effet sur les montants en litige. Le 29 juin 2011, l’appelante a signifié au ministre un avis d’opposition. Au stade de la vérification, l’appelante a présenté une demande de crédit pour aidant naturel à l’égard de trois personnes, comme prévu au sous‑alinéa 118(1)c.1)(iii) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c. 1 (5suppl.) (la « Loi »). Au stade des oppositions, l’appelante a présenté une demande de crédit pour aidant naturel à l’égard d’une quatrième personne pour un montant total de 16 076 $.

 

[3]             Le 2 mars 2012, le ministre a ratifié la nouvelle cotisation. De plus, le ministre a refusé le crédit pour aidant naturel tel que demandé, d’où le présent appel.

 

Dossier 2012- 3383(IT)I  - l’année d’imposition 2010

 

[4]             En produisant sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2010, l’appelante a réclamé une perte locative de 13 172 $ à titre d’« autres déductions » à l’égard d’un condo situé au 407‑248 rue Corot, Montréal (Québec) (le « condo »). En date du 31 octobre 2011, le ministre a émis une cotisation pour l’année 2010 refusant ce montant. Le ou vers le 13 décembre 2011, l’appelante a signifié au ministre un avis d’opposition à l’égard de la nouvelle cotisation. Au stade des oppositions, une demande a été présentée afin d’obtenir une déduction de 2 500 $ comme « frais de service ». Le 15 août 2012, le ministre a ratifié la nouvelle cotisation et il a aussi refusé la déduction réclamée comme frais de service, d’où le présent appel.

 

Contexte factuel

 

          L’année d’imposition 2007

 

[5]             L’appelante est une femme à la retraite depuis l’année 2005. Elle détient un baccalauréat en relations industrielles de l’Université de Montréal. Elle était déjà agente de bureau pour la ville de Montréal, mais aujourd’hui elle reçoit une pension de la Communauté urbaine de Montréal.

 

[6]             Déjà, elle exploitait une entreprise de vente de robes de mariées entre les années 1989 et 2001, sous la raison sociale La Noce Enrg. Cette entreprise n’a jamais connu de succès. Elle a toujours connu de faibles revenus et des pertes très substantielles.

 

[7]             Depuis 2001, l’appelante vend des produits de beauté et de santé. Elle agit en tant qu’intermédiaire. Les produits sont achetés d’une compagnie américaine E. Excel International inc., et les produits sont vendus par la suite aux clientes de l’appelante. Il s’agit donc de la vente au détail au consommateur de ces produits. Elle a peu de clientèle. Toutes ses clientes sont au Québec.

 

[8]             L’appelante reçoit une commission de 5 % sur les produits vendus. L’appelante n’a aucun employé d’entreprise. Il est évident qu’elle ne fait que très peu de publicité et, selon ses dires, elle fait connaître son entreprise par le bouche à oreille, par des affiches dans les abris d’autobus, et par l’envoi de brochures publicitaires par télécopieur. Il semble que la majorité de ses clientes habitent dans le quartier chinois et, vu le chiffre d’affaires de l’entreprise, il n’y a que très peu de clientes : des amies, des voisines, des membres de sa famille et elle-même. Elle ne fait pas de porte‑à‑porte et elle ne vend que très peu à des inconnues.

 

[9]             Il n’existe aucun livre ou registre pour l’entreprise puisque l’appelante ne tient aucune comptabilité. Il n’y a pas de factures ni de bons de commande. Aucune copie de la facture n’est donnée à la cliente lors de la vente d'un produit.

 

[10]        Cette entreprise n’a jamais généré de profit et a toujours subi des pertes nettes très importantes. Ces pertes se chiffrent entre 9 à 37 fois le montant de revenu brut. Pour les années 2001 jusqu’à 2007 le revenu brut qu’elle a déclaré totalisait seulement 6 044 $. Par contre, elle a réclamé comme déduction des pertes nettes de 110 817 $ pendant cette même période de temps. Le tableau suivant indique le revenu brut ainsi que les pertes nettes subies par l’entreprise au cours des années 2001 jusqu’à 2007 :

 

Année

Revenus bruts

(Pertes nettes)

 

 

 

2001

                      564 $

               (20 958 $)

2002

                   2 089 $

               (19 450 $)

2003

                   1 278 $

               (13 238 $)

2004

                      828 $

               (20 402 $)

2005

                      803 $

               (20 531 $)

2006

                          0 $

                           0 $

2007

                      482 $

               (17 238 $)

 

Il est donc évident que cette entreprise était vouée à l’échec dès le début.

 

[11]        Dans ses déclarations de revenus pour l’année d’imposition 2007 (« l’année d’imposition »), l’appelante a déclaré des revenus de commissions totalisant seulement 482,91 $. Par contre, elle a aussi déclaré des pertes nettes de 17 238,35 $. Dans son État de revenus et de dépenses, elle réclame les montants suivants à titre de dépenses d’entreprise :

 

Dépenses pour l’expansion des ventes

 

 

 

 

Véhicule :

 

 

 

 

Assurance

          984,90 $

 

 

Canadian Tire

          906,84 $

 

 

Toyota

         550,65 $

 

 

Essence

       1 300,00 $

 

 

 

Total

                               

3 742,39 $

 

Frais d’expédition

 

 

 

 

     901,66 $

 

Voyages effectués pour l’expansion des ventes

 

 

 

 

 

Billet d’avion

      1 364,65 $

 

 

Hébergement et nourriture

       3 700,00 $

 

 

Transport

            12,56 $

 

 

 

 

 

 

Total

 

   5 077,21 $

 

 

 

 

                        Frais de service professionnels

 

   8 000,00 $

 

Dépenses totales

 

17 721,26 $

 

[12]        Les frais de services professionnels au montant de 8 000 $ mentionnés ci-dessus ont supposément été payés à son frère, Li‑Han Tcheng, qui est aussi son représentant dans cette affaire. Elle a fourni comme pièce justificative un reçu (voir pièce I‑1, onglet 9), prétendument signé par son frère qui indique seulement :

 

REÇU de LILY TCHENG la somme de $8000.00 pour l’année 2007

pour les frais de service professionnels…

 

                                    Han Li T.

                                                3/12/2007

 

[13]        En vérité, elle n’a rien payé à son frère, mais elle a plutôt assumé des frais de condo pour celui-ci. Elle ne peut offrir que peu de détails à l’égard des services que son frère lui a rendus. Elle dit qu’elle n’a pas pensé obtenir des factures ou autres preuves documentaires comme pièces justificatives. Elle est incapable de nous dire exactement ce que son frère a fait pour gagner ces honoraires. Elle nous dit seulement que son frère aide à faire des calculs et à faire des livraisons. L’appelant ignore ce que son frère fait pour gagner sa vie; elle n’a aucune connaissance de ses activités. Elle ne semble pas être au courant que son frère est prestataire de l’aide sociale. D’après le témoignage de Yuk‑Wing Chan, vérificateur pour l’Agence du revenu du Canada (« ARC»), son frère Li‑Han Tcheng n’a pas déclaré le 8 000 $ comme revenu dans sa déclaration de revenus pour 2007.

 

[14]        De plus, l’appelante réclame comme dépense la somme de 3 500 $ à titre de frais financiers et intérêts, payés à Chiatsun Pan. La pièce justificative à l’appui de cette déduction se trouve à la pièce I‑1, onglet 10. Ce document indique seulement :

 

My name is ChiaTsun Pan, I received from Lily Tcheng for the year of 2007 the Financial and interest fees of $ 3500.00 (three thousand and Five hundred canadian dollars Cash)

 

CHIATSUN PAN

 

Ce document ne porte aucune date. Selon Yuk‑Wing Chan, monsieur Pan n’a pas déclaré ce revenu dans sa déclaration de revenu pour 2007.

 

[15]        L’appelante déclare que monsieur Pan était un ami de son père et qu'il a essayé de lui trouver des clientes. Il n’a certainement pas réussi, vu le piètre revenu brut qu’elle a déclaré. Il ne lui a apporté que deux ou trois clientes au début. Elle nous dit qu’elle a aussi emprunté un somme de 10 000 $ de monsieur Pan, mais il n’existe pas d'entente de prêt écrite et elle ne peut pas faire la preuve du montant qu'elle aurait payé sur le prêt. Il n’y a pas de chèque ou autre pièce justificative, car tous les échanges ont été négociés au comptant. Aucune raison n'a été donnée pour ce prêt.

 

[16]        Finalement, l’appelante réclame la somme de 16 076 $ à titre de crédit d’impôt pour aidant naturel pour quatre personnes à charge. Ces personnes sont : Tsou‑Kang Tcheng, le père de l’appelante; Wei‑Ming Tcheng, la mère de l’appelante; Li‑Chou Tcheng, le frère de l’appelante; et Li-Han Tcheng, le frère de l’appelante, qui est aussi son représentant. Selon son témoignage, l’appelante nous dit qu’elle habitait avec ces personnes durant la période en question au « Centre Yee Kang », situé au 1075 de Bullion, appartement 112, Montréal. Le Centre Yee Kang est une résidence pour personnes âgées autonomes.

 

L’année d’imposition 2010

 

[17]        En l’espèce, il s’agit de la réclamation de pertes locatives à l’égard du condo situé aux 407‑248 rue Corot, Verdun. Ce condo appartient à la famille Tcheng depuis longtemps.

 

[18]        Les dépenses réclamées par l’appelante pour l’année d’imposition sont les suivantes :

 

Taxes municipales

                      3 403,82 $

Taxes scolaires

                         614,38 $

Frais de condo

                      6 770,82 $

Assurance

                         348,80 $

Entretien et réparation

                      1 167,50 $

Véhicule :

 

            Permis et immatriculation

                         347,00 $

            Essence; 10 $ x 52

                         520,00 $

 

Total

                    13 172,30 $

 

[19]        L’appelante a témoigné que le condo est meublé, mais personne n’y habite depuis l’année 2000. Elle nous dit qu’elle y garde des robes de mariées dans deux des pièces. Ce logement n’a jamais produit de revenu. Les seuls efforts qu’elle a effectués pour trouver des locataires consistent à mettre des affiches dans les abris d’autobus et les supermarchés. Elle n’a jamais fait de publicité dans les journaux et elle n’a jamais embauché les services d’un agent d’immeuble, car cela coûte trop cher.

 

[20]        L’appelante a aussi réclamé le montant de 2 500 $ comme déduction pour les services financiers prétendument rendus par son frère, Li‑Han Tcheng. La seule pièce justificative (voir pièce I‑1, onglet 19, page 23) à l’appui de cette déduction est un reçu qui dit :

 

Reçu de Madame LiLy TCHENG le montant de $2500.00 (deux mille cinq cents) pour l’année 2010 pour tous les services professionnels tels que la comptabilité, les renseignements juridiques, les conseils sur les placements etc…

 

Han Li T

 

30 Dec. 2010

 

 

[21]        Il n’y a aucune autre pièce justificative à l’appui de cette déduction.

 

Les dispositions législatives

 

[22]        Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

 

18.(1)   Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

 

a)         les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou  effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l’entreprise ou du bien;

 

 

h)         le montant des frais personnels ou de subsistance du contribuable - à l’exception des frais de déplacement engagés par celui-ci dans le cadre de l’exploitation de son entreprise pendant qu’il était absent de chez lui;

 

20(1) Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition celle des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

 

 

67        Dans le calcul du revenu, aucune déduction ne peut être faite relativement à une dépense à l’égard de laquelle une somme est déductible par ailleurs en vertu de la présente loi, sauf dans la mesure où cette dépense était raisonnable dans les circonstances.

 

 

118(1) Le produit de la multiplication du total des montants visés aux alinéas a) à e) par le taux de base pour l’année est déductible dans le calcul de l’impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d’imposition;

c.1)      dans le cas ou le particulier tient à un moment de l’année, seul ou avec une ou plusieurs autres personnes, un établissement domestique autonome qui est son lieu habituel de résidence et celui d’une personne qui remplit les conditions suivantes :

 

(iii) elle est :

(A)       soit la mère, le père, la grand-mère ou le grand-père du particulier, ayant atteint l’âge de 65 ans avant ce moment,

(B)        soit à la charge du particulier en raison d’une déficience mentale ou physique,

 

le montant obtenu par la formule suivante :

 

            18 906 $ +E – E.1

 

E          représente :

 

(I)        2 000 $, si la personne est à la charge du particulier en raison d’une déficience mentale ou physique :

(II)       zéro, dans les autres cas,

 

E.1       14 624 $ ou, s’il est plus élevé, le revenu de la personne pour l’année;

 

 

230(1) Quiconque exploite une entreprise et quiconque est obligé, par ou selon la présente loi, de payer ou de percevoir des impôts ou autre montants doit tenir des registres et des livres de comptes (y compris un inventaire annuel, selon les modalités réglementaires) à son lieu d’affaires ou de résidence au Canada ou à tout autre lieu que le ministre peut désigner, dans la forme et renfermant les renseignements qui permettent d’établir le montant des impôts payables en vertu de la présente loi, ou des impôts ou autres somme qui auraient dû être déduites, retenues ou perçues.

[Je souligne.]

 

Analyse

 

Année d’imposition 2007

[23]        En l’espèce, est-ce que l’appelante a engagé les dépenses en litige en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien?

 

[24]        Dans l’affaire Stewart c. Canada, 2002 CSC 46, [2002] 2 RCS 645, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la question à savoir quand peut-on dire qu’un contribuable a une source de revenus dans le sens de la Loi. La Cour a statué ainsi :

 

[50]      Il est manifeste que, pour que l’art. 9 s’applique, le contribuable doit d’abord déterminer s’il a une source de revenu constitué soit d’une entreprise, soit d’un bien. Comme nous l’avons vu, une activité commerciale qui ne constitue pas véritablement une entreprise peut néanmoins être une source de revenu constitué d’un bien. De même, il est clair que certaines démarches de contribuables ne sont ni des entreprises, ni des sources de revenu constituées d’un bien, mais sont uniquement des activités personnelles. On peut recourir à la méthode à deux volets suivante pour trancher la question de l’existence d’une source :

 

a.       L’activité du contribuable est-elle exercée en vue de réaliser un profit, ou s’agit-il d’une démarche personnelle?

 

b.      S’il ne s’agit pas d’une démarche personnelle, la source du revenu est-elle une entreprise ou un bien?

 

Le premier volet du critère vise la question générale de savoir s’il y a ou non une source de revenu; dans le deuxième volet, on qualifie la source d’entreprise ou de bien.

 

 

[53] … Lorsqu’une activité est clairement de nature commerciale, il n’est pas nécessaire d’analyser les décisions commerciales du contribuable. De telles démarches comportent nécessairement la recherche d’un profit. Il existe donc par définition une source de revenus et il n’est pas nécessaire de pousser l’examen plus loin.

 

[54]      Il y a également lieu de souligner que la détermination de l’existence d’une source de revenu n’est pas un processus purement subjectif. Outre le fait que, pour qu’une activité soit qualifiée de commerciale par nature, le contribuable doit avoir l’intention subjective de réaliser un profit, il faut aussi, tel que mentionné dans l’arrêt Moldowan, que cette détermination se fasse en fonction de divers facteurs objectifs. Ainsi, sous une forme plus élaborée, le premier volet du critère susmentionné peut-être reformulé ainsi : « Le contribuable a-t-il l’intention d’exercer une activité en vue de réaliser un profit et existe-t-il des éléments de preuve étayant cette intention? » Cela oblige le contribuable à établir que son intention prédominante était de tirer profit de l’activité et que cette activité a été exercée conformément à des normes objectives de comportement d’homme d’affaires sérieux.

 

[55]      Les facteurs objectifs énumérés par le juge Dickson dans Moldowan, précité, p. 486, étaient (1) l’état des profits et pertes pour les années antérieures, (2) la formation du contribuable, (3) la voie sur laquelle il entend s’engager, et (4) la capacité de l’entreprise de réaliser un profit. Comme nous le concluons plus loin, il n’est pas nécessaire pour les besoins du présent pourvoi d’ajouter d’autres facteurs à cette liste; nous nous abstenons donc de le faire. Nous tenons cependant à réitérer la mise en garde du juge Dickson selon laquelle cette liste ne se veut pas exhaustive et les facteurs diffèrent selon la nature et l’importance de l’entreprise. Nous tenons également à souligner que, même si l’expectative raisonnable de profit constitue un facteur à prendre en considération à ce stade, elle n’est ni le seul facteur, ni un facteur déterminant. Il faut déterminer globalement si le contribuable exerce l’activité d’une manière commerciale. Cette détermination ne devrait toutefois pas servir à évaluer après coup le sens des affaires du contribuable. C’est la nature commerciale de son activité qui doit être évaluée et non son sens des affaires.

 

 

[60]      En résumé, la question de savoir si le contribuable a ou non une source de revenu doit être tranchée en fonction de la commercialité de l’activité en cause. Lorsque l’activité ne comporte aucun aspect personnel et qu’elle est manifestement commerciale, il n’est pas nécessaire de pousser l’examen plus loin. Lorsque l’activité peut être qualifiée de personnel, il faut alors déterminer si cette activité est ou non exercée d’une manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu. …

 

[25]        Il s’agit donc de déterminer si l’appelante avait véritablement l’intention d’exercer une activité en vue de réaliser un profit et s’il existe des éléments de preuve étayant cette intention. Cela oblige le contribuable à établir que son intention prédominante était de tirer profit de l’activité et que cette activité a été exercée conformément à des normes objectives de comportement de personnes d’affaire sérieuses.

 

[26]        Il incombe à la Cour de considérer les facteurs suivants :

 

L’expérience des profits et pertes au cours des années passées

 

[27]        L’analyse des revenus de commissions antérieures démontre que depuis l’année 1989 l’appelante a subi des pertes nettes importantes jusqu’en 2007. Au début, c’était l’entreprise La Noce Enrg., qui n’a jamais généré de profit. À partir de 2000, c’était la vente de produits de beauté et de santé. Ni l’entreprise de vente de robes de mariées ni l’entreprise de vente de produits de beauté et de santé n’ont jamais généré de profit. Les pertes nettes se chiffraient à un montant qui est jusqu’à 37 fois plus élevé que le revenu brut. Ces pertes nettes ne sont pas soutenables. L’appelante n’a jamais exploité une entreprise à profit et les entreprises qu’elle a exploitées sont à perte chaque année, et ceci, depuis longtemps. Le peu de revenus bruts qu’elle gagne et son historique de pertes nettes, qui dépassent par beaucoup son revenu brut, démontrent clairement qu’elle n’a jamais eu l’intention d’exercer une activité commerciale. Il ne s’agit pour elle que d’un passe-temps et non d’une activité qui est exercée dans le but d’en tirer un profit.

 

Le plan d’action

 

[28]        L’appelante n’a aucun plan d’action ou plan d’entreprise. La publicité de son entreprise se fait de bouche à oreille ou par moyen d’affiches dans les abris d’autobus et supermarchés. Elle vend ses produits aux membres de sa famille, à des amies ou elle-même. Selon elle, elle ne fait pas de porte-à-porte et elle ne vend que rarement à des inconnues. Comment peut-elle faire accroître son entreprise si elle ne vend pas à des inconnues?

 

[29]        Elle n’a jamais mis en pratique de procédures de comptabilité et, en fait, elle ne fait aucune comptabilité du tout. Elle ne conserve pas les factures de vente ni les bons de commandes. Elle dit qu’elle n’a jamais pensé à conserver les factures, les bons de commandes ou autres documents d’affaires. L’appelante ne tient aucun registre ou livre de comptes tels qu’exigés par le paragraphe 230 (1) de la Loi. Elle ne tient pas un registre d’inventaire annuel et elle n’a aucune liste de clients.

 

[30]        Bien que l’appelante soit une femme intelligente et bien instruite qui détient un baccalauréat universitaire, elle démontre un manque presque complet de perspicacité, de diligence, de connaissance et de planification en ce qui a trait à la gestion de son entreprise. Ceci démontre qu’elle n’a aucune intention subjective d’exercer une activité commerciale. 

 

La nature du produit et du marché cible

 

[31]        L’appelante vend des produits de beauté et de santé, mais elle n’a pu donner aucun détail précis à l’égard de ces produits. Elle n’a pu nous donner une liste, un inventaire ou un catalogue des divers produits qu’elle vendait. Ces produits ne sont pas vendus dans un magasin, mais ils sont plutôt vendus à la maison. L’appelante vend les produits seulement à quelques clientes. Donc le marché cible est très restreint et les consommateurs cibles sont peu nombreux.

 

[32]        Je suis d’avis que ces facteurs, c’est-à-dire la nature des produits, la façon dont ils sont commercialisés, le marché cible et les consommateurs cibles, tendent à contre-indiquer le fait que l’appelante exerçait une activité commerciale.

 

Le genre de dépenses

 

Frais de véhicule à moteur

 

[33]        L’appelante réclame une dépense au montant de 3 742 $ à titre de frais de véhicule à moteur. Elle prétend que son véhicule personnel est utilisé à 100 % pour la livraison de marchandise aux clientes. L’appelante nous explique qu’il n’y a pas de registre de kilométrages puisque la voiture est utilisée à 100 % pour affaires. Elle nous dit que ses déplacements personnels se font au quartier chinois donc l’utilisation d’une voiture n’est pas nécessaire. Elle utilise le transport public s'il s'avère nécessaire d’aller à l’extérieur du quartier.

 

[34]        Je ne crois pas l’appelante. Il est absolument incroyable qu’un véhicule personnel soit utilisé à 100 % dans le but de gagner un revenu brut de seulement 482 $ et lorsqu’on a besoin de se déplacer pour des raisons personnelles que ledit véhicule soit garé dans le garage ou dans la rue. Cette prétention n’est aucunement crédible.

 

[35]        De plus, je suis d’avis que le montant réclamé à titre de frais de véhicule est complètement déraisonnable et est à l’encontre de l’esprit de l’article 67 de la Loi qui édicte « aucune déduction ne peut être faite relativement à une dépense à l’égard de laquelle une somme est déductible par ailleurs en vertu de la présente loi, sauf dans la mesure où cette dépense était raisonnable dans les circonstances ». [Je souligne.]

 

[36]        Il n’y a que très peu de marchandise qui est vendue et livrée, et ceci seulement à quelques clientes. Les frais de véhicule à moteur (3 742 $) sont plus que 7 fois le montant de revenu brut (482 $). Le fait que l’appelante réclame des dépenses au-delà de 3 700 $ comme frais de véhicule à moteur seulement pour faire la livraison de si peu de produits et seulement à quelques clientes démontre clairement qu’elle n’a aucune intention objective ni aucune expectative raisonnable  à exercer une activité en vue de réaliser un profit. Une personne d’affaires sérieuse n’aurait jamais engagé de telles dépenses.

 

[37]        En l’espèce, je suis convaincu que les frais de véhicule ne sont que des dépenses personnelles.

 

Dépenses pour les frais d’expédition

 

[38]        Les frais d’expédition de 900 $ sont presque deux fois plus élevés que le revenu brut de l’entreprise. L’appelante ne peut pas nous dire pourquoi elle a engagé ces frais sauf pour dire que c’était pour envoyer des brochures de publicité ou pour faire la livraison de produits. Une personne d’affaires sérieuse n’aurait jamais dépensé une telle somme d’argent dans le but de gagner seulement un revenu de 482 $. Les frais d’expédition réclamés sont complètement déraisonnables. L’appelante n’a pas démontré que cette dépense a été effectuée dans le but de gagner un revenu.

 

Voyage en Chine

 

[39]        L’appelante a dépensé la somme de 5 000 $ pour faire un voyage de 20 jours en Chine afin, selon elle, de faire accroître les ventes. Elle a fait un voyage d’affaires en Chine chaque année depuis l’année 2000, sauf pour 2006. Aucun de ces voyages d’affaires n’a généré un seul client ni une seule vente de produits. Donc, il est évident que l’appelante n’avait aucun espoir que ce voyage en Chine en 2007 pourrait générer des revenus additionnels.

 

[40]        La situation de l’appelante est semblable à celle du contribuable dans l’affaire Henrie c. La Reine, 2009 CCI 356 (CanLII). Le juge Favreau a statué au paragraphe 9 :

 

[9]        Les frais de voyage dont il est ici question ne sont pas des dépenses encourues pour générer un revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien et constituent plutôt des frais personnel ou de subsistance. L’existence d’un lien direct entre la dépense encourue et l’activité qui consiste à gagner du revenu n’a pas été démontrée par l’appelant. Il est en effet impossible de quantifier combien chaque dollar dépensé en frais de voyage au cours d’une année d’imposition donnée génère en termes de revenu additionnel pour l’entreprise de l’appelant dans l’année en question ou dans les années futures. Dans ce cas, il n’y a pas de cause à effet entre la dépense et le revenu.

 

[41]        En l’espèce, l’appelante n’a démontré aucun lien entre la dépense encourue et l’activité qui consiste à gagner un revenu. Elle n’a pas fourni une liste de clientes potentielles ou d’entreprises qu’elle a visitées dans le but de faire accroître son entreprise. Sa clientèle au Québec était peu nombreuse et l’appelante ne nous a pas expliqué pourquoi il s'avérait nécessaire d’aller en Chine pour trouver de nouvelles clientes lorsqu’elle a déployé très peu d’efforts pour trouver des clientes plus près de chez elle.

 

[42]        Le voyage a eu lieu dans son pays d’origine à la fin de l’année pendant les fêtes pour vingt jours. Le voyage coûtait au-delà de 5 000 $; 10 fois plus que le revenu brut de l’entreprise. Je ne peux pas croire qu’une personne d’affaires sérieuse aurait engagé de telles dépenses pour gagner un si petit revenu brut. Compte tenu du fait que l’appelante a fait dans le passé plusieurs voyages d’affaires en Chine et toujours pendant le temps des fêtes, j’arrive à la conclusion que les dépenses pour ce voyage étaient de nature personnelle et non de nature commerciale.

 

[43]        De plus, j’arrive à la conclusion que ces dépenses de voyage sont complètement déraisonnables.

 

Frais de services professionnels

 

[44]        Ces prétendus services professionnels ont été supposément rendus par monsieur Li‑Han Tcheng, le frère de l’appelante. Par contre, il n’a jamais reçu les 8 000 $ que l’appelante a réclamés; elle nous dit qu’elle a payé des frais de condo et des taxes foncières pour lui en échange de ses services professionnels. Selon monsieur Yuk‑Wing Chan, vérificateur pour l’ARC, monsieur Li‑Han Tcheng n’a jamais déclaré ce montant comme revenu dans sa déclaration de revenus de 2007. Le reçu qui a été fourni comme pièce justificative consiste en seulement une page qui se lit comme suit; « Reçu de Lily Tcheng la somme de 8 000 $ pour l’année 2007 pour les frais de services professionnels. » (voir pièce I‑1 onglet 10). L’appelante ne peut donner à la Cour aucun détail sur la nature, la quantité ou la fréquence des services professionnels qui lui ont été rendus par son frère. Il n’y a aucun détail des services professionnels fournis sur le reçu et il n’y a aucune autre pièce justificative qui a été produite à l’appui de cette dépense. L’appelante ne peut pas expliquer à la Cour ce que son frère a fait pour gagner ces honoraires très généreux, sauf pour dire qu’il a fait des calculs et parfois la livraison de produits.

 

[45]        Il est difficile de concevoir pourquoi une vendeuse au détail de produits de beauté et santé aurait besoin de services professionnels de nature si dispendieuse. Il n’y a rien dans l’ensemble de la preuve qui explique la nécessité d’une telle dépense. Une personne d’affaires sérieuse n’aurait jamais engagé une telle dépense sans bonne raison et l’appelante n'a pas donné à la Cour de bonne raison pour cette dépense. Je suis d’avis que les frais réclamés sont complètement déraisonnables.

 

Frais financiers et frais d’intérêt

 

[46]        L’appelante nous dit qu’elle a payé à monsieur Chiatsun Pan la somme de 3 500 $ pour frais financiers et frais d’intérêt. Elle nous dit que monsieur Pan était un ami de son père et elle lui a payé cette somme pour qu’il lui présente des clientes potentielles. Selon l’appelante, monsieur Pan lui a présenté seulement deux ou trois clientes. Monsieur Pan lui a aussi prêté de l’argent. Les intérêts sur ce prêt sont inclus dans le total de 3 500 $. L’appelante a produit une pièce justificative (voir pièce I‑1, onglet 11) laquelle indique seulement que monsieur Pan a reçu de l’appelante la somme de 3 500 $ à titre de frais financiers et intérêt pour l’année 2007. La Cour n’a aucune façon de déterminer quelle portion de ce montant est attribuable aux frais financiers et quelle portion est attribuable aux intérêts. Par contre, il n’y a aucun détail des services professionnels fournis sur le reçu obtenu de monsieur Pan. Il n’y a aucun contrat de prêt écrit et l’appelante ne peut pas faire la preuve du montant qu'elle a payé sur ce prêt. Il n’y a pas de chèques ou autres pièces justificatives, car toutes les transactions ont été faites en comptant.

 

[47]        Je suis d’avis que les frais financiers et les intérêts sont complètement déraisonnables dans les circonstances. Je ne peux pas croire qu’une personne d’affaires sérieuse aurait engagé ces dépenses.

 

[48]        La situation de l’appelante n’est pas trop différente de celle du contribuable dans l’affaire de John R. Coome c. La Reine, 2007 CCI 493, [2008] 1 C.T.C. 2544, où le juge Mogan a observé :

 

[17]      L’appelant n’a pas fait de publicité en 2001 et en 2002. Il n’a pas tenu de registre pour consigner l’utilisation professionnelle ou personnelle de son automobile. Il n’a pas tenu d’agenda pour noter les rendez-vous, réunions, des visites, ou les autres activités se rapportant à son travail d’agent immobilier. Il a travaillé seulement à titre de sous-agent d’une agente très prospère, Ariette Kendall, et recevait les dossiers que cette dernière lui transmettait, mais il devait partager ces commissions moitié-moitié avec elle. Enfin, en 2001, il n’a touché aucune commission, mais il a inscrit des dépenses de 16 566 $. En 2002, il n’a eu qu’une seule commission de 329,94 $ sur une maison que son époux et lui-même ont achetée. En résumé, il n’a eu aucun client en 2001 et en 2002, après avoir eu son permis d’agent immobilier en de plus de 10 ans.      

 

[18]      … Au chapitre des profits et des pertes pour les années antérieures, l’annexe A des présents motifs indique que chaque année, de 1989 à 2002, les dépenses liées au travail d’agent immobilier de l’appelant étaient supérieures au revenu qu’il en tirait, même en ce qui concerne ses deux meilleures années…

 

[19]      Rien dans la preuve m’indique que le travail d’agent immobilier de l’appelant pouvait générer un profit. …

 

[20]      Même si les activités de l’appelant à titre d’agent immobilier détenteur de permis ne constituaient pas un passe-temps ou une démarche personnelle, je conclus que l’appelant n’a pas exercé ses activités de manière commerciale ou en se comportant comme un homme d’affaires sérieux…

 

[49]        J’arrive à la même conclusion à l’égard de l’appelante. Elle n’a pas exercé ses activités de manière commerciale ou en se comportant comme une personne d’affaires sérieuse. De plus, les dépenses qu’elle réclame sont complètement déraisonnables dans les circonstances.

 

Crédits pour aidants naturels

 

[50]        L’appelante réclame la somme de 16 076 $ en crédits pour aidants naturels en vertu de l’alinéa 118(1)c.1) de la Loi. J’accepte que, pendant l’année d’imposition 2007, les parents de l’appelante demeuraient au Centre Yee Kang situé au 212-1075 rue de Bullion, Montréal. Le Centre Yee Kang est un centre pour personnes âgées autonomes. Le Centre offre des services aux locataires comme le service de repas. Selon le témoignage de Christine Tu, gestionnaire du Centre Yee Kang, seulement les locataires indiqués sur le bail ont le droit de résider au Centre. Selon les règlements du Centre, les enfants des locataires n’ont pas la permission de résider sur place. Par contre, les enfants ont le droit de visiter les locataires, et ils ont le droit de rester là, mais pas plus longtemps qu’une semaine. Selon madame Tu, bien que l’appelante visitait ses parents pendant l’année 2007 et bien qu’elle passait la nuit là assez souvent, l’appelante n’y résidait pas. Seulement les personnes qui sont indiqués sur le bail comme locataires ont le droit d’y résider.

 

[51]        L’appelante affirme que son lieu habituel de résidence était le 212‑1075 de Bullion pendant 2007 où elle habitait avec ses parents et son frère Li‑Chou Tcheng comme personnes à charge. Il est évident qu’elle ne peut réclamer aucun crédit pour son frère Li‑Han Tcheng, car il n’était pas âgé de 65 ans et il n’avait pas de déficience mentale ou physique. La question à trancher est à savoir qu’elle était le lieu habituel de la résidence de l’appelante, car, pour avoir le droit au crédit pour aidants naturels, et l’appelante et les personnes à sa charge doivent habiter le même lieu de résidence; c’est-à-dire le 212‑1075 rue de Bullion, Montréal.

 

[52]        Je ne suis pas persuadé que l’appelante était résidante au 212‑1075 rue de Bullion pendant l’année d’imposition en litige. L’adresse du 407‑248 rue Corot, Verdun, figure sur toutes les déclarations de revenus de l’appelante jusqu’en 2007, comme adresse de résidence. À partir de 2008, l’adresse de l’appelante est indiquée comme 1075 rue de Bullion sur ses déclarations de revenus. Bien que l’adresse sur les déclarations de revenus soit rue de Bullion, presque tous les feuillets de renseignement destinés à l’appelante donnent une adresse autre que 1075 rue de Bullion. Par exemple :

 

a.     T1 Général 2007 – 407‑248 Corot (pièce I-1, onglet 1)

 

b.     T4A 2007 – prestation de retraite de ville de Montréal adressé au 407‑248 rue Corot (pièce I-1, onglet 1)

 

c.      T4RIF 2007 - revenu provenant d’un fond enregistré envoyé au 248 rue Corot (pièce I-1, onglet 1)

 

d.     T5 2007 – revenu de placements envoyé par Valleur Mobilières Desjardins au 248 rue Corot (pièce I-1, onglet 1)

 

e.      T5 2007 – revenu de placements envoyé par CIBC au 248 rue Corot (pièce I‑1, onglet 1)

 

f.       Lettre datée du 25 mars 2008 de La Capitale Assurances générales adressée au 248 rue Corot (pièce I-1, onglet 1)

 

g.     T4A (P) 2010 – prestations du Régime de rentes du Québec – adresse cachée (pièce I-1, onglet 19)

 

h.     T4RIF 2010 – Fiducie Desjardins – rue Corot (pièce I-1, onglet 19)

 

i.       T4A 2010 – ville de Montréal – rue Corot (pièce I-1, onglet 19)

 

j.       T5 2010 – CIBC – rue Corot (pièce I-1, onglet 19)

 

k.     T5 2010 – Caisse Desjardins – adresse cachée (pièce I-1, onglet 19)

 

l.       La Capitale – prime d’assurance pour 2010 – rue Corot (pièce I-1, onglet 19)

 

[53]        Il en est de même pour les feuillets de renseignement et autres documents pour les années d’imposition 2008 et 2009. Parfois, l’appelante se sert de l’adresse 3‑1010 Ave de L’Hôtel de Ville Montréal comme adresse (voir pièce I‑1, onglet 26 page 7, T4A P pour 2009)

 

[54]        Je suis d’accord avec Me Poirier lorsqu’elle dit que la vraie adresse de l’appelante est un peu comme un mystère. L’appelante nous dit qu’elle habite au 212‑1075 rue de Bullion, mais elle n’a pas le droit d’y habiter : c’est un centre pour personnes âgées et elle n’est pas la locataire. Madame Tu, gestionnaire du centre, nous dit que, bien que l’appelante soit très souvent sur les lieux, elle n’habite pas au 1075 rue de Bullion. L’appelante reçoit de la correspondance et des feuillets de renseignement à une adresse autre que rue de Bullion.

 

[55]        Le témoignage de l’appelante n’est pas digne de foi. Il incombe à l’appelante de me convaincre par la prépondérance de la preuve qu’elle habitait le 1075 rue de Bullion pendant l’année d’imposition en litige. Elle ne m’a pas convaincu de ce fait.

 

Année d’imposition 2010

 

Pertes locatives

 

[56]        En ce qui a trait au condo situé au 407‑248 rue Corot, il est clair que l’appelante n’a fait aucune démarche depuis 2000 pour louer le condo, sauf des affiches qui ont été mises dans des abris d’autobus ou des supermarchés. Elle n’a fait aucune publicité dans les journaux et elle n’a pas embauché d’agent d’immeuble pour trouver des locataires, car les frais d’un agent d’immeuble coûtaient trop chers. Elle n’a rien fait pour rendre le logement attrayant à la location. Elle doit démontrer qu’elle a tenté de louer le condo dans le but d’en tirer un profit afin d’avoir le droit de réclamer une perte locative. Ce condo était supposément sans résidant depuis l’année 2000, bien qu’il soit meublé et qu’une personne puisse y habiter.

 

[57]        L’appelante n’a effectué aucun effort pour louer le condo et elle se contentait de réclamer les dépenses qu’elle engageait comme pertes locatives afin de diminuer ses impôts. Il est évident qu’elle n’a jamais eu l’intention de tirer un revenu de ce bien. Une personne d’affaires sérieuse aurait au moins embauché les services d’un agent d’immeuble pour trouver un locataire. Le fait même que l’appelante ait refusé d’embaucher un agent d’immeuble et qu'elle se contentait de garder le condo vide afin de réclamer les dépenses comme pertes locatives démontre clairement qu’elle n’avait aucune intention d’en tirer un profit.

 

[58]        En ce qui a trait à la dépense de 2 500 $ à titre de services professionnels rendus à l’appelante par son frère Li‑Han Tcheng, il suffit de dire que je n’accepte pas que ces services aient été rendus ou que l’appelante les ait payés. Une personne d’affaires sérieuse aurait embauché de vrais professionnels et non quelqu’un sans emploi. De plus, si cette dépense a véritablement été payée, elle est complètement déraisonnable dans les circonstances.

 

Conclusion

 

[59]        Je suis convaincu que la demande de l’appelante à titre de crédit d’impôt pour aidant naturel est mal fondée. La résidence commune est une condition essentielle afin d’avoir droit au crédit d’impôt pour aidant naturel. L’appelante ne m’a pas persuadé que son lieu de résidence habituel était le 212‑1075 rue de Bullion avec les personnes qui étaient supposément à sa charge pendant l’année d’imposition en litige.

 

[60]        Je suis convaincu que toutes les dépenses réclamées comme pertes de commission nettes et les pertes locatives à l’égard du condo sont absolument et complètement déraisonnables. Les activités de l’appelante n’ont pas été exercées conformément à des normes objectives de comportement de personnes d’affaires sérieuses. Ses activités ne sont certainement pas des activités de nature commerciale. L’appelante n’a pas pu démontrer par la prépondérance de la preuve que son intention prédominante était de tirer un profit de l’exploitation d’une entreprise ou d’un bien. Les dépenses engagées le sont presque totalement à des fins personnelles. De plus, je conclus que ces dépenses ont été réclamées seulement dans le but de diminuer à zéro les impôts de l’appelante et elles n’ont pas été encourues dans le but de tirer un profit d’une entreprise ou d’un bien.

 

[61]        Pour ces motifs, les deux appels de l’appelante à l’encontre des avis de cotisation pour les années d’imposition de 2007 et 2010 sont rejetés.

 

 

Signé à Montréal, Québec, ce 21e jour de juin 2013.

 

 

 

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse

 

 


 

 

 

 

RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 196

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :    2012-1676(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            LILY TCHENG

                                                          c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 21 mars 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :     L'hon. Rommel G. Masse, Juge suppléant

 

DATE DU JUGEMENT :                 le 21 juin 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l'appelante :

Li-Han Tcheng

 

 

Avocats de l'intimée :

Me Anne Poirier

Me Amélia Fink

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Nom :                          

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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