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Dossier : 2012-469(IT)I

ENTRE :

SANDRA HIGGINS,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune

avec l’appel de Karen Kinnis 2012-470(IT)I,

le 12 avril 2013, à Victoria (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L’honorable juge suppléant D. W. Rowe

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me D. Laurence Armstrong

Avocate de l’intimée :

Me Holly Popenia

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel est accueilli, avec un seul mémoire de dépens, et la cotisation de 5 096,08 $ établie à l’égard de l’appelante en application du paragraphe 160(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu est annulée, et la cotisation établie à l’égard de l’appelante en application du paragraphe 160.2(2) est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation, conformément aux présents motifs.

 

       Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 19e jour de juin 2013.

 

 

« D. W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice


 

 

 

Dossier : 2012-470(IT)I

ENTRE :

KAREN KINNIS,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune

avec l’appel de Sandra Higgins 2012-469(IT)I,

le 12 avril 2013, à Victoria (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L’honorable juge suppléant D. W. Rowe

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me D. Laurence Armstrong

Avocate de l’intimée :

Me Holly Popenia

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel est accueilli, avec un seul mémoire de dépens, et la cotisation de 5 096,08 $ établie à l’égard de l’appelante en application du paragraphe 160(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu est annulée, et la cotisation établie à l’égard de l’appelante en application du paragraphe 160.2(2) est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation, conformément aux présents motifs.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 19e jour de juin 2013.

 

 

« D. W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 194

Date : 20130619

Dossier : 2012-469(IT)I

ENTRE :

SANDRA HIGGINS,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

 

 

Dossier : 2012-470(IT)I

ET ENTRE :

 

KAREN KINNIS,

appelante,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Rowe

 

[1]             Avec le consentement des avocats des parties, les présents appels ont été entendus ensemble.

 

[2]             Le 10 décembre 2010, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une cotisation de 5 096,08 $ à l’égard de chacune des appelantes eu égard au transfert de bien dont chacune d’elle a bénéficié, au sens de l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Le 10 décembre 2010, le ministre a également établi une cotisation de 6 047,10 $ à l’égard de chaque appelante eu égard au fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) qui a été transféré à chacune d’elles, au sens de l’article 160.2 de la Loi, en conséquence de quoi il a établi le même jour des avis relatifs à chacune de ces cotisations.

 

[3]             Karen Kinnis a déclaré qu’elle résidait à Victoria, en Colombie‑Britannique, et que sa sœur, Sandra Higgins, vivait à Prince Albert, en Saskatchewan. Leur père, Arthur W. Higgins, vivait à Winnipeg, au Manitoba. Mme Kinnis a dit de ce dernier qu’il était tout un [traduction] « personnage », qui avait acheté une entreprise de livraison dans le domaine des fournitures médicales et l’avait exploitée jusqu’à l’âge de 80 ans. Il est décédé le 12 février 2002. Mme Kinnis a déclaré qu’elle était alors en route pour Winnipeg pour le voir, mais qu’il était mort avant qu’elle arrive. Un cousin lui a appris qu’il était possible que son père ait souscrit une police d’assurance auprès de la London Life. Arthur W. Higgins n’avait pas laissé de testament. Mme Kinnis a déclaré qu’elle avait découvert que son père n’avait pas d’autres biens qu’un compte qu’il avait ouvert à une succursale de la Banque Royale du Canada à Winnipeg. La banque n’a pas autorisé Mme Kinnis à retirer des fonds du compte, mais elle a convenu que le solde pourrait être directement transféré au salon funéraire, et les fonds ont servi à couvrir les services fournis. Mme Kinnis a affirmé qu’il était inutile d’entreprendre l’administration de la succession. Elle a rencontré un représentant de la London Life à Winnipeg, lequel l’a informée qu’elle et sa sœur, Mme Higgins, étaient les bénéficiaires d’une police désignée comme un placement dans un fonds distinct non enregistré (fonds liberté). Mmes Kinnis et Higgins ont appris que leur père, Arthur W. Higgins, les avait nommées bénéficiaires à parts égales du fonds, aux termes d’un document signé le 22 avril 1999. Elles ont présenté une preuve d’identité au représentant de la London Life et ont signé quelques documents. Moins d’un mois plus tard, les deux appelantes ont chacune reçu un chèque de 5 096,98 $ de la London Life, paiement effectué à partir de ce fonds particulier. Mme Kinnis a déclaré que, quand elle et sa sœur avaient chacune reçu le chèque, elles croyaient que la source du paiement était une police d’assurance-vie traditionnelle. Mmes Kinnis et Higgins (qui s’appelait alors Mme Sarginson) ont également toutes deux reçu de la London Life un chèque daté du 28 février 2002 d’un montant de 14 635,84 $, soit la moitié de 29 271,68 $, le montant total du FERR que détenait leur défunt père. Mme Kinnis a affirmé que le représentant de la London Life à Winnipeg l’avait informée qu’elle n’aurait pas d’impôt à payer sur la somme de 5 096,98 $. Elle a toutefois décidé de conserver cet argent jusqu’à ce qu’elle communique avec des bureaux de l’Agence du Revenu du Canada (l’« ARC ») et qu’un employé lui confirme qu’à titre de bénéficiaire d’une police d’assurance-vie, elle n’aurait pas d’impôt à payer sur l’argent reçu. Mme Kinnis a déclaré qu’en 2002, elle avait reçu un appel d’un employé de l’ARC qui l’avait informée qu’une déclaration de revenus devait être produite au nom de la succession d’Arthur W. Higgins. Mme Kinnis a informé le représentant de l’ARC qu’il n’y avait eu ni homologation ni administration de la succession et que la déclaration de revenus d’Arthur W. Higgins pour l’année d’imposition 2001 avait été produite à titre gracieux par le spécialiste en déclarations de revenus habituel de ce dernier. Mme Kinnis a déclaré qu’elle avait envoyé à l’ARC une lettre datée du 31 décembre 2004 – déposée sous la cote A-1 – et qu’elle y avait joint un formulaire T1 de déclaration générale pour l’année d’imposition 2003, lequel incluait deux états des prestations du Régime de pensions du Canada T4A(P) adressés à [traduction] « La succession du défunt Arthur Higgins, a/s de Karen Kinnis » pour les années d’imposition 2002 et 2003 et relatifs à des sommes payées à Arthur W. Higgins. Elle a également joint un T5 relatif à des revenus de placement gagnés par son père en 2002. Dans une note manuscrite complémentaire à sa lettre dactylographiée, Mme Kinnis a fait référence au montant du FERR, soit 29 182,81 $, et précisé qu’elle n’avait pas inclus ce montant dans la déclaration T1 générale parce qu’il [traduction] « s’agissait du montant de la prestation de décès qui nous avait été versé à moi et à ma sœur ». Mme Kinnis n’a pas signé la déclaration, vu qu’elle n’était ni l’exécutrice ni l’administratrice de la succession, laquelle n’avait fait l’objet ni d’une homologation ni d’une administration, conformément aux lois en vigueur au  Manitoba. À un moment donné, un employé de l’ARC avait refusé de discuter du problème avec Mme Kinnis parce que celle‑ci n’avait pas qualité pour agir à l’égard de la succession d’Arthur W. Higgins. En mars 2005, Mme Kinnis a consulté un avocat et appris qu’elle n’était pas la représentante officielle de la succession de son père. En 2006, elle a fourni à l’ARC une copie du certificat de décès de son père et a déclaré, de nouveau, qu’il n’avait aucun bien à la date de son décès. En 2007, un employé de l’ARC, Mark McDonald, a demandé à Mme Kinnis de fournir une preuve du fait qu’elle et sa sœur étaient des bénéficiaires désignées de la police de fonds distinct non enregistré que leur défunt père détenait auprès de la London Life; Mme Kinnis a retrouvé le document et l’a envoyé à M. McDonald par télécopieur. Mme Kinnis se rappelait que M. McDonald avait mentionné le fait que l’article 160 de la Loi s’appliquait, mais qu’il était d’avis que l’ARC ne donnerait probablement pas suite à l’affaire, compte tenu du faible montant en cause. En août 2010, Mme Kinnis a été contactée par un agent du service de recouvrement de l’ARC, qui l’a informée que son père avait un arriéré d’impôts. Mme Kinnis a déclaré qu’elle avait parlé à cet agent de la personne avec laquelle elle avait communiqué précédemment, M. McDonald, et qu’elle avait ensuite téléphoné à M. McDonald, qui s’était montré compréhensif, mais qui lui avait recommandé de consulter un avocat et de signifier un avis d’objection aux cotisations. Mme Kinnis remet en cause l’exactitude de l’hypothèse qui apparaît sous l’alinéa 13j) de la réponse à son avis d’appel, selon laquelle le 2 décembre 2002, le ministre a établi une cotisation à l’égard de la déclaration de revenus de son père pour 2001, déclaration qui avait été produite le 18 octobre 2002. En ce qui concerne l’hypothèse qui figure au paragraphe 13l), elle a déclaré que, le 13 janvier 2005, elle n’avait pas produit de déclaration de revenus au nom de la succession d’Arthur W. Higgins, mais qu’elle avait simplement fourni des renseignements sous forme de lettre accompagnée de documents justificatifs. Contrairement à l’hypothèse formulée par le ministre à l’alinéa 13m), Mme Kinnis a déclaré qu’elle avait informé l’ARC du montant du FERR dans sa lettre – déposée sous la cote A-1. À la lettre manuscrite datée du 23 février 2007 qu’elle a envoyée à M. McDonald – déposée sous la cote A-2 – Mme Kinnis a joint une copie d’un courriel reçu de Lisa Johnson, représentante de la London Life à Winnipeg, lequel confirmait que Mme Kinnis avait été nommée comme l’une des bénéficiaires du fonds de placement de son père le 22 avril 1999 et qu’un autre formulaire relatif aux bénéficiaires signé le 17 septembre 2001 n’avait rien changé à la situation. Par la suite, Mme Kinnis a reçu un appel téléphonique de M. McDonald, qui a confirmé réception de sa lettre, et elle a écrit, au bas d’une copie de cette lettre que, lors de cette conversation, M. McDonald s’était exprimé en ces termes : « Mme Kinnis, RC ne communiquera plus avec vous à ce sujet ». Mme Kinnis a déclaré que « RC » renvoyait à Revenu Canada, ancêtre de l’ARC. Mme Kinnis ne pensait pas que l’impôt calculé à son égard ainsi qu’à l’égard de sa sœur, solidairement, avait été calculé correctement, compte tenu du montant du FERR et du revenu de son père en 2002. Elle a déclaré qu’elle avait eu du mal à obtenir des informations à cet égard lorsqu’elle avait communiqué avec divers représentants de l’ARC, et ce sur une période de plusieurs années, parce que les employés de l’ARC à Victoria lui avaient dit que leur rôle consistait à recouvrer les montants que leur communiquaient les bureaux de Winnipeg.

 

[4]             L’avocate de l’intimée a produit un cahier de document – sous la cote R‑1 – intitulé [traduction] « Recueil de documents de l’intimée », comprenant des onglets numérotés de 1 à 14. Une référence au numéro d’onglet renverra à un document ou à des documents de ce recueil.

 

[5]             L’avocat de Mme Kinnis a soumis à l’attention de cette dernière des copies de deux chèques de la London Life – sous l’onglet 9 – tous deux d’un montant de 5 096,08 $, établis à l’ordre de Mme Kinnis et de sa sœur, laquelle portait alors le nom de Sandra Sarginson, et des copies de deux chèques de la London Life – sous l’onglet 11 (les deux dernières pages) – chacun d’un montant de 14 635,84 $, l’un à l’ordre de Mme Kinnis et l’autre à l’ordre de Mme Sarginson. Le numéro de contrat du FERR figurait sur le formulaire de la London Life et il y était précisé que chaque chèque correspondait à la moitié du produit total du FERR dont le rentier, Arthur W. Higgins, était propriétaire, lequel produit était dû à chacune des appelantes à titre de part des [traduction] « prestations de décès ». Mme Kinnis  a confirmé qu’il s’agissait des chèques et des états reçus. Eu égard au T4RIF – sous l’onglet 10 – d’un montant de 29 182,81 $ adressé à Arthur W. Higgins relativement à l’année d’imposition 2002, Mme Kinnis a déclaré qu’il lui avait probablement été envoyé par l’ARC parce qu’elle l’avait en sa possession au moment d’écrire sa lettre datée du 31 décembre 2004 – déposée sous la cote A-1. Mme Kinnis a déclaré que, le 18 octobre 2002, le spécialiste en déclarations de revenus de son père l’avait informée qu’il avait produit une déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2001. L’avocat de Mme Kinnis a renvoyé sa cliente à une copie d’écran de la cotisation, datée du 2 décembre 2002, qui avait été établie à l’égard de la succession du défunt Arthur W. Higgins a/s Karen Kinnis. Mme Kinnis a reconnu qu’elle avait reçu ce document à son adresse à Victoria. Aux termes de cette cotisation, l’impôt total à payer s’élevait à 2 477,54 $, somme qui incluait des pénalités pour production tardive, des intérêts et des intérêts sur remboursement échelonné. On a renvoyé Mme Kinnis à l’onglet 7 et à une copie d’écran d’une cotisation établie le 3 mars 2005 à l’égard de la succession du défunt Arthur W. Higgins, qui avait été envoyée à la même adresse. Mme Kinnis a déclaré qu’elle n’avait pas vu cette cotisation, ou toute reconstitution de cette cotisation, y compris quelque copie d’écran que ce soit, avant la semaine qui a précédé la présente audience. Cette cotisation s’élevait à 8 048,24 $, et l’ancien solde de 2 889,98 $ y avait été ajouté de telle sorte que la dette totale s’élevait à 10 948,22 $, somme qui incluait la somme de 973,13 $ à titre d’intérêts et celle de 1 028,01 $ à titre de pénalités. À sa lettre du 31 décembre 2004 (produite sous la cote A‑1), Mme Kinnis a joint le T4RIF – produit sous l’onglet 10 – ainsi que d’autres documents. L’avocate de l’intimée a produit – sous la cote R-2 – la déclaration de revenus qui avait été produite au nom d’Arthur W. Higgins pour l’année d’imposition 2002 par le spécialiste en déclarations de revenus de ce dernier ainsi que la lettre de Mme Kinnis à laquelle cette dernière avait joint le T4RIF.

 

[6]             Les appelantes ont terminé leur argumentation.

 

[7]             Alnoor Ramji a déclaré qu’il était employé par l’ARC comme agent de recouvrement. Il s’est vu attribuer le dossier de la succession du défunt Arthur W. Higgins, et, à l’époque, le montant de l’impôt à payer s’élevait à quelque 18 000 $. M. Ramji a déclaré qu’il s’était assuré que la succession n’était propriétaire d’aucun bien, mais qu’il avait découvert l’existence du FERR de la London Life ainsi que du fonds de placement. Il s’est assuré que le produit de ces placements avait été payé en parts égales à chacune des appelantes. En ce qui a trait à la cotisation établie à l’égard de chaque appelante en vertu de l’article 160.2 de la Loi, M. Ramji a déclaré que le montant de l’impôt à payer devait être calculé en fonction de la somme que chaque appelante avait reçue au titre du FERR. L’avocate de l’intimée a renvoyé M. Ramji à l’onglet 13, une lettre de la London Life datée du 18 novembre 2010, qui précisait, sous forme de tableau, les dépôts et les retraits effectués pendant les années 2001 et 2002 sur le fonds distinct dont Arthur W. Higgins était propriétaire. Tous les mois, et ce pendant plusieurs mois avant son décès, il en avait retiré la somme de 200 $.

 

[8]             Pour ce qui est de l’établissement de la cotisation quant à la somme reçue par chaque appelante au titre du FERR, M. Ramji a déclaré que la  date de prise d’effet était le 21 février 2002, date à laquelle les chèques – déposés sous l’onglet 9 – ont été émis au nom de chaque appelante.

 

[9]             Lors du contre-interrogatoire, M. Ramji a déclaré qu’il savait que, le 22 avril 1999, chaque appelante avait été nommée bénéficiaire du régime qui avait été décrit comme étant un [traduction] « placement dans un fonds distinct non enregistré (fonds liberté) détenu auprès de la London Life, compagnie d’assurance‑vie » dans la lettre datée du 21 novembre 2012 – produite sous l’onglet 14 – envoyée par un représentant de la London Life à un employé de l’ARC. M. Ramji a affirmé qu’il avait compris que l’original d’un formulaire de désignation d’un bénéficiaire révocable non daté et non signé portant la date du 17 septembre 2001 – produit sous l’onglet 9 – n’avait pas eu d’incidence sur la désignation faite plus tôt en 1999. 

 

[10]        Le paragraphe 160.2(2) de la Loi est ainsi rédigé :

 

Article 160.2

 

160.2(2)

 

Lorsque :

 

a) une somme est reçue dans le cadre d’un fonds enregistré de revenu de retraite par un contribuable autre qu’un rentier (au sens du paragraphe 146.3(1)) en vertu du fonds;

 

b) cette somme serait en tout ou en partie, compte non tenu de l’alinéa 146.3(5)a), incluse dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année où elle a été reçue, conformément au paragraphe 146.3(5),

 

le contribuable et le rentier sont solidairement responsables du paiement de la partie de l’impôt auquel est tenu le rentier en vertu de la présente partie pour l’année de son décès égale au produit de la multiplication de l’excédent de l’impôt du rentier pour l’année sur ce que cet impôt aurait été sans l’application du paragraphe 146.3(6) par le rapport entre, d’une part, la somme déterminée conformément à l’alinéa b) et, d’autre part, la somme incluse dans le calcul du revenu du rentier en vertu de ce paragraphe; le présent paragraphe ne limite en rien la responsabilité du rentier découlant d’une autre disposition de la présente loi.

 

[11]        Les avocats des deux parties ont convenu du fait que la date de prise d’effet du transfert aux appelantes des fonds du FERR détenus par le rentier, Arthur W. Higgins, était le 21 février 2002, ou autour de cette date, date d’émission des chèques de 14 685,35 $ à l’ordre des appelantes par la London Life. En outre, les avocats des parties ont convenu que l’appel interjeté à l’égard des cotisations établies à l’égard des appelantes par le ministre le 10 décembre 2010 relativement à la responsabilité de ces dernières en application du paragraphe 160.2(2) de la Loi devrait être accueilli, et que les cotisations en cause devraient être déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations, compte tenu du fait que chaque appelante n’est responsable que du montant exact de l’impôt qui s’applique à la somme précise au titre du FERR que chaque appelante a reçue.

 

[12]        Dans la décision Belanger c. La Reine,  2007 CCI 502, le juge Angers a entendu l’appel d’une contribuable qui avait fait l’objet d’une cotisation à l’égard du montant reçu à partir du FERR de sa défunte mère. Aux paragraphes 7 à 10 (inclusivement) de cette décision, le juge Angers s’est ainsi exprimé :

 

[7]     Le paragraphe 146.3(5) prévoit que les prestations reçues par un contribuable au cours d’une année dans le cadre d’un FERR doivent être incluses dans le calcul du revenu du contribuable pour cette année. Les alinéas 146.3(5)a), b) et c) de la Loi prévoient des exceptions, qui peuvent réduire la somme qui est incluse, mais aucune de ces exceptions n’a été invoquée au cours de l’argumentation; de plus, ces exceptions ne s’appliquent pas en l’espèce. Le paragraphe 146.3(6) de la Loi prévoit que le dernier rentier dans le cadre d’un FERR est réputé, s’il est décédé, avoir reçu, immédiatement avant son décès, un montant dans le cadre d’un tel fonds égal à la juste valeur marchande des biens du fonds au moment de son décès. La juste valeur marchande des biens du fonds (les prestations) qui sont ainsi réputés avoir été reçus par la mère de l’appelante doit être incluse dans le calcul du revenu de celle‑ci conformément au paragraphe 146.3(5).

 

[8]     Par conséquent, la succession est responsable du paiement de tout impôt sur le revenu exigible sur ces prestations puisque la mère de l’appelante est réputée avoir reçu les fonds avant son décès.

 

[9]     La Loi comporte également des dispositions qui rendent le rentier (ou la succession en l’espèce) et un contribuable autre que le rentier solidairement responsables à l’égard des sommes reçues dans le cadre d’un FERR. Voir le paragraphe 160.2(2), précité.

 

[10]   Le paragraphe 160.2(3) permet au ministre, à tout moment, d’établir une cotisation à l’égard de l’appelante pour toute somme payable en vertu de l’article 160.2, mais il n’indique pas qu’avant d’établir la cotisation, le ministre est tenu d’essayer de recouvrer cette somme de la succession. Le paragraphe 160.2(3) est rédigé comme suit :

 

160.2(3) Cotisation à l’égard du bénéficiaire

 

Le ministre peut, à tout moment, établir une cotisation à l’égard d’un contribuable pour toute somme payable en vertu du présent article et les dispositions de la présente section s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, à une cotisation faite en vertu du présent article comme si elle avait été faite en vertu de l’article 152.

 

À mon avis, cette disposition a pour effet de rendre l’appelante redevable de l’impôt payable.

 

[13]        Dans cette décision, il était question de savoir si le montant de l’impôt à payer avait été calculé correctement, et le juge Angers a ajouté ce qui suit :

 

[11]   L’appelante conteste le montant établi au titre de l’impôt qui est payable en vertu des dispositions emportant responsabilité solidaire. Selon l’appelante, le montant d’impôt payable doit être déterminé au moyen de la production, par la succession, d’une déclaration de revenus. La preuve ne nous permet pas de dire avec certitude si la succession a produit une déclaration de revenus, mais l’appelante a témoigné que l’exécuteur testamentaire n’avait produit aucune déclaration.

 

[12]   Le paragraphe 160.2(2) précité prévoit que le rentier et le contribuable sont solidairement responsables du paiement de l’impôt auquel est tenu le rentier pour l’année de son décès. L’impôt dont ils sont responsables est égal à l’obligation fiscale de la succession, y compris les prestations découlant du FEER, moins le résultat d’un second calcul de l’obligation fiscale de la succession, à l’exclusion de toute prestation qui devrait normalement être incluse en vertu du paragraphe 146.3(6) de la Loi. La différence entre les deux montants calculés au titre de l’impôt est le montant que l’appelante et le rentier (la succession) sont solidairement tenus de payer.

 

[13]   La preuve ne révèle pas la façon dont le ministre a calculé la dette fiscale de l’appelante, laquelle représente environ 40 p. 100 du montant que celle‑ci a reçu. Le paragraphe 160.2(2) indique clairement que pour que le montant payable au titre de l’impôt en vertu des dispositions emportant responsabilité solidaire puisse être déterminé, le rentier, ou la succession en l’espèce, doit d’abord faire l’objet d’une cotisation à l’égard de l’impôt payable sur les prestations découlant du FERR.

 

[14]   L’appelante croit fermement qu’aucune déclaration de revenus n’a été produite pour la succession; je retiens son témoignage sur ce point. L’appelante est tenue responsable, mais le montant dont elle est redevable doit être déterminé conformément aux dispositions de la Loi. Par conséquent, l’appel est accueilli, et la cotisation est renvoyée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux présents motifs.

 

[14]        Les avocats des parties ont convenu que la méthodologie décrite ci‑dessus était applicable aux fonds reçus du FERR dans le contexte des présents appels. Je trouve l’analyse du juge Angers pertinente pour trancher le présent litige et je l’adopte à cette fin. Par conséquent, au terme des présents motifs, je déférerai la cotisation établie à l’égard de chaque appelante au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément à cette analyse.

 

[15]        La question qui reste à trancher a trait à la somme de 5 096,08 $ que chaque appelante a reçue au titre du placement dans un fonds distinct non enregistré (fonds liberté) dont le défunt Arthur W. Higgins était propriétaire.

 

[16]        L’avocat des appelantes a fait valoir que, le 22 avril 1999, Arthur W. Higgins avait désigné ses filles, les appelantes, comme ses bénéficiaires. Bien que cette désignation fût révocable, elle était demeurée inchangée à la mort de celui‑ci. Bien que M. Higgins ait retiré de l’argent du fonds avant son décès, son intention était manifestement que tout solde restant dans le fonds à sa mort soit versé en parts égales aux appelantes. L’avocat des appelantes a soutenu que la London Life était tenue, aux termes de son contrat avec Arthur W. Higgins, de transférer les sommes appropriées à chaque bénéficiaire, et que le versement de ces sommes découlant de cette obligation juridique n’avait pas été effectué par le truchement de la succession du défunt. L’avocat des appelantes interprétait le placement en cause de la manière suivante : la London Life, en sa qualité de fiduciaire, devait s’assurer que tout l’argent qui se trouvait encore dans ce fonds soit réparti en parts égales entre les bénéficiaires désignées.

 

[17]        L’avocat des appelantes a fait référence aux paragraphes 16 et 17 de la réponse à l’avis d’appel de Mme Kinnis (une formulation identique est employée aux paragraphes 15 et 16 de la réponse à l’avis d’appel de Mme Higgins), lesquels sont ainsi rédigés :

 

[traduction]

 

[16]      Il fait valoir que, le 21 février, ou autour de cette date, la succession a  transféré les biens à l’appelante sans contrepartie, et la succession était tenue de payer au moins 16 376,77 $ en application de la Loi à l’égard des années d’imposition 2001 et 2002. Ainsi, l’appelante est tenue de payer 5 096,08 $ en application de l’article 160 de la Loi.

 

[17]      À titre subsidiaire, le père de l’appelante a transféré les biens au moyen d’instructions faites à des institutions financières, auprès desquelles il avait nommé des bénéficiaires désignées, et ce transfert était un transfert indirect effectué par la succession. Il n’y a eu aucune contrepartie au transfert, et la succession était tenue de payer au moins 16 376,77 $ en application de la Loi à l’égard des années d’imposition 2001 et 2002. Ainsi, l’appelante est tenue de payer 5 096,08 $ en application de l’article 160 de la Loi.

 

[18]        L’avocat des appelantes a soutenu que, même si l’intimée estime à juste titre que la somme versée à chaque appelante a été transférée directement ou indirectement par la succession d’Arthur W. Higgins, la date de prise d’effet du transfert du droit à un partage égal du solde éventuel du fonds en cause était le 22 avril 1999, date à laquelle Arthur W. Higgins a signé le formulaire de désignation de ses bénéficiaires révocables. L’avocat des appelantes a fait valoir qu’il n’y avait aucune preuve du fait que M. Higgins avait une dette fiscale en 1999, et, même si M. Higgins pouvait révoquer le statut de bénéficiaire des appelantes, soit leur droit sur le fonds, ou encore retirer tous les fonds avant son décès, aucun de ces deux évènements ne s’était produit. 

 

[19]         L’avocate de l’intimée a soutenu que le fonds distinct de la London Life en cause n’était pas une police d’assurance-vie traditionnelle. Comme l’a reconnu l’avocat des appelantes, ses clientes avaient été nommées bénéficiaires révocables de ce fonds, et leur père exerçait le contrôle plein et entier de ce fonds jusqu’à sa mort. Ce dernier recevait régulièrement des paiements provenant de ce placement et il aurait pu retirer le montant total du placement, en tout temps. L’avocate de l’intimée a fait valoir que ce n’est qu’en 2002, au décès de leur père, que les appelantes avaient pu se voir transférer le bien. Dans la jurisprudence, le libellé général du paragraphe 160(1) de la Loi a été interprété comme incluant, au sens de la définition de « transfert de bien », la distribution de ce bien. Arthur W. Higgins avait donné des instructions à la London Life au sujet du solde du fonds au moment de son décès, lesquelles ont été exécutées. Toutefois, ce faisant, le 21 février 2002, la London Life a transféré les biens de M. Higgins aux appelantes, alors que celui‑ci avait une dette fiscale de 16 376,77 $, et les appelantes sont, solidairement, responsables de cette dette dans la mesure des sommes totales qu’elles ont reçues de la London Life. 

 

[20]        Le paragraphe 160(1) de la Loi est ainsi rédigé :

 

160(1) Transfert de biens entre personnes ayant un lien de dépendance – Lorsqu’une personne a, depuis le 1er mai 1951, transféré des biens, directement ou indirectement, au moyen d’une fiducie ou de toute autre façon à l’une des personnes suivantes :

 

*                 a) son époux ou conjoint de fait ou une personne devenue depuis son époux ou conjoint de fait;

*                 b) une personne qui était âgée de moins de 18 ans;

*                 c) une personne avec laquelle elle avait un lien de dépendance,

 

les règles suivantes s’appliquent :

 

d) le bénéficiaire et l’auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement d’une partie de l’impôt de l’auteur du transfert en vertu de la présente partie pour chaque année d’imposition égale à l’excédent de l’impôt pour l’année sur ce que cet impôt aurait été sans l’application des articles 74.1 à 75.1 de la présente loi et de l’article 74 de la Loi de l’impôt sur le revenu, chapitre 148 des Statuts révisés du Canada de 1952, à l’égard de tout revenu tiré des biens ainsi transférés ou des biens y substitués ou à l’égard de tout gain tiré de la disposition de tels biens;

e) le bénéficiaire et l’auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement en vertu de la présente loi d’un montant égal au moins élevé des montants suivants :

(i) l’excédent éventuel de la juste valeur marchande des biens au moment du transfert sur la juste valeur marchande à ce moment de la contrepartie donnée pour le bien,

(ii) le total des montants dont chacun représente un montant que l’auteur du transfert doit payer en vertu de la présente loi au cours de l’année d’imposition dans laquelle les biens ont été transférés ou d’une année d’imposition antérieure ou pour une de ces années;

 

aucune disposition du présent paragraphe n’est toutefois réputée limiter la responsabilité de l’auteur du transfert en vertu de quelque autre disposition de la présente loi.

 

[21]        Dans la décision Kiperchuk c. La Reine, 2013 CCI 60, le ministre avait établi une cotisation à l’égard de l’appelante compte tenu du fait que l’ex-mari de celle‑ci lui avait transféré le produit de son régime enregistré d’épargne‑retraite (« REER ») à son décès, sans contrepartie, alors qu’il avait une importante dette fiscale en application de la Loi.

 

[22]        Aux paragraphes 16 à 21 (inclusivement) de cette décision, la juge Lamarre s’est ainsi exprimée :

 

[16] La question de la signification du terme « transfert » a été abordée dans la décision Fasken Estate v. Minister of National Revenue, [1948] Ex. C.R. 580, à la page 592, [1948] C.T.C. 265, à la page 279, dans un passage qui a par la suite été cité par les tribunaux (Yates c. Canada, 2009 CAF 50 (CanLII), 2009 CAF 50, Tétrault c. La Reine, 2004 CCI 332 (CanLII), 2004 CCI 332). Ce terme a été défini de la manière suivante :

 

[traduction]

 

Le mot « transfert » n’est pas un terme technique et n’a pas de sens technique. Il n’est pas nécessaire qu’un transfert de biens d’un mari à sa femme revête une forme particulière ou qu’il soit fait directement. Il suffit que le mari se départisse [sic] des biens en faveur de sa femme, c’est-à-dire qu’il lui cède les biens. Le moyen par lequel il parvient à ce résultat, que ce soit directement ou indirectement, peut à juste titre être appelé un transfert. [...]

 

[17] Le mot « transfert » a reçu une définition très large. Pour reprendre les termes employés dans la décision Fasken Estate, [traduction] « il suffit que le mari se départisse [sic] des biens en faveur de sa femme, c’est-à-dire qu’il lui cède les biens ».

 

[18] Dans la décision Montreuil v. R., 1994 CarswellNat 1522, [1996] 1 C.T.C. 2182, le juge Dussault de la Cour, tel était alors son titre, a conclu que le mot « transfert » incluait l’acte de donner des biens en vertu d’un testament, et que le terme « biens » comprenait un droit de propriété (le terme « biens » étant défini au paragraphe 248(1) de la Loi comme les « droits de quelque nature qu’ils soient »). Ainsi, le juge Dussault a déclaré (au paragraphe 37 de CarswellNat et aux pages 2198 et 2199 du C.T.C.) qu’au moment du décès, les appelants s’étaient vu transférer un droit de créance sur la somme léguée aux termes du testament du défunt.

 

[19] Dans la décision Fasken Estate, précitée, il a été conclu que le bien transféré à Mme Fasken était le droit de recevoir en vertu d’une déclaration de fiducie une part des intérêts sur la créance de son mari, qui était auparavant propriétaire de la totalité de la créance, laquelle a été amputée du droit de recevoir une part précise des intérêts sur cette créance. Le moment du transfert a été la date de signature des documents conférant le droit de recevoir le bien (R. C. de l’É., aux pages 592 à 593, 597 à 598 et 598 à 600; C.T.C., aux pages 279 à 280, 283 à 284 et 285 à 286).

 

[20]        Ainsi, en l’espèce, l’intimée a conclu, à juste titre selon moi, que, vu que l’appelante était la bénéficiaire désignée du REER de son ex‑mari, il y avait eu un transfert de bien au décès de ce dernier. À compter de ce moment, l’appelante avait le droit de réclamer le REER en sa qualité de bénéficiaire désignée.

 

[21]        Par conséquent, je souscris à l’opinion de l’intimée selon laquelle l’expression « directement ou indirectement, au moyen d’une fiducie ou de toute autre façon » employée au paragraphe 160(1) de la Loi est suffisamment générale pour couvrir le transfert du droit aux prestations d’un REER d’une personne à une autre au moyen d’une désignation.

 

[23]        Dans la décision Homer c. La Reine, 2009 CCI 219, 2009 CarswellNat 1313, il était question d’un testament, et les appelants avaient acquis un bien en application des dispositions de ce testament, mais ce bien avait été dévolu aux appelants au deuxième anniversaire du décès de l’auteure du transfert. Aux paragraphes 22 et 23 du jugement, le juge Angers s’est ainsi exprimé :

 

[22]      L’intimée convient que l’alinéa 251(1)a) n’est pas applicable en l’espèce. Elle se fonde plutôt sur la disposition déterminative figurant à l’alinéa 251(1)b). Pour que l’alinéa 251(1)b) soit applicable, l’auteur du transfert doit être la fiducie testamentaire ou la succession, la fiducie et la succession étant assimilées l’une à l’autre en vertu du paragraphe 104(1) de la Loi. Toutefois, si les biens sont dévolus irrévocablement aux bénéficiaires du transfert (les appelants) aux termes de la Loi sur la dévolution des successions, de sorte que les pouvoirs conférés à l’exécuteur testamentaire, au représentant personnel ou au fiduciaire successoral ont peut‑être pris fin au deuxième anniversaire du décès de Nellie Isabelle Leland, on ne saurait dire, à mon avis, que l’auteur du transfert est la fiducie ou la succession. Étant donné qu’aucune stipulation du testament de Nellie Isabelle Leland ne prévoit expressément ou implicitement que l’exécuteur testamentaire ou le fiduciaire continue à détenir le titre (légal) à la fin de la période de deux ans, les dispositions de la Loi sur la dévolution des successions retirent aux exécuteurs testamentaires, aux représentants personnels et aux fiduciaires le titre légal qu’ils détenaient à l’égard des biens, et tous leurs pouvoirs ont donc pris fin. À mon avis, on ne saurait dire que la fiducie ou la succession est partie au transfert des biens. Cela dit, la présomption établie [à] l’alinéa 251(1)b) n’est pas applicable.

 

[23]      En l’espèce, il serait possible de soutenir que l’auteur du transfert est feu Nellie Isabelle Leland, mais il est constant qu’elle n’était pas liée aux appelants au sens de la définition des personnes liées figurant dans la Loi et, par conséquent, la présomption énoncée à l’alinéa 251(1)a) n’est pas applicable. Vu les circonstances, l’article 160 n’est pas applicable en l’occurrence, étant donné qu’il est impossible de conclure que, entre l’auteur et le bénéficiaire du transfert,  il y avait un lien de dépendance.

 

[24]        En l’espèce, il n’y avait pas de testament et il ne fait aucun doute que les appelantes, en tant que filles d’Arthur W. Higgins, étaient des personnes liées, et par conséquent, qu’il y avait un lien de dépendance.

 

[25]        Les appelantes étaient d’avis que le placement particulier que détenait Arthur W. Higgins était comparable à une police d’assurance‑vie et que la succession de ce dernier n’était pas le bénéficiaire des fonds à son décès. Depuis 1999, les appelantes avaient été nommées bénéficiaires, à parts égales, de toute somme qui se trouverait encore dans ce placement au décès de M. Higgins.

 

[26]        Dans la décision Nguyen c. Canada, 2010 CCI 503, le juge Angers s’est penché sur la validité des cotisations établies à l’égard de Mme Nguyen et de ses trois enfants en vertu du paragraphe 160(1) de la Loi. Le mari de Mme Nguyen, Hien Vohoang, était mort intestat et, à son décès, il avait une dette fiscale. M. Vohoang détenait une police d’assurance-vie qui, à son décès, devait être versée à sa femme, Mme Nguyen, et à leurs trois enfants, dont deux étaient encore mineurs. Dans ses motifs, le juge Angers a énoncé les faits additionnels suivants, aux paragraphes 8 à 11 (inclusivement) :

 

[8]   Le produit d’une deuxième police d’assurance-vie provenant d’une assurance‑groupe émise par Aetna, compagnie d’assurance-vie, de 47 000 $, a été payé à la conjointe de feu Hien Vohoang à titre de bénéficiaire désignée. Il n’est pas contesté que le produit de ces deux polices d’assurance-vie ne fait pas partie des actifs de la succession.

 

[9]   Dans les documents recueillis lors de l’enquête de l’Agence du revenu du Canada se trouve une reproduction des débits et crédits d’un compte de banque à la Banque Royale du Canada au nom de la succession Hien Vohoang et dont les premières transactions sont en date du 7 septembre 1993. Selon la preuve entendue, ce compte aurait été ouvert par l’appelante Isabelle Vohoang. Cette dernière était âgée de 20 ans à l’époque et elle était étudiante. Selon son témoignage, elle se souvient qu’elle et sa mère étaient les liquidatrices de la succession. Elle aurait accepté d’assumer cette responsabilité à la demande de sa mère, au motif que c’était dans le but de pouvoir mieux fonctionner et que c’était pour le bien-être de tous.

 

[10]   Elle ne se souvient pas de l’ouverture du compte, sauf que cela devait faciliter la gestion des affaires de son défunt père. Elle signale qu’elle suivait les instructions de sa mère, qu’elle signait des chèques et qu’elle ne posait pas de questions. Elle était d’ailleurs la seule personne autorisée à signer les chèques de ce compte selon sa mère. Il lui est possible d’identifier sa signature sur les chèques qui font l’objet du présent litige mais elle ne se souvient pas des raisons pour lesquelles ces opérations bancaires ont été effectuées. Elle a très peu de souvenirs concernant l’administration de la succession de son défunt père, sauf qu’elle a reçu sa part du produit de l’assurance-vie de celui-ci le jour de son mariage, il y a deux ans.

 

[11]   De son côté, madame Nguyen a expliqué comment le décès subit de son conjoint avait bouleversé sa vie. Madame Nguyen était l’adjointe de son conjoint au travail. Elle touchait un peu à tout, particulièrement à la dimension humaine des entreprises de son conjoint, mais n’intervenait pas dans ce qui touchait la recherche ni les finances. Par ailleurs, elle n’est pas certaine de son titre concernant la succession de son mari. Elle s’est identifiée comme liquidatrice de la succession et plus tard elle s’est déclarée co-exécutrice testamentaire avec sa fille.

 

[27]        Aux paragraphes 32 à 34 (inclusivement) de son analyse, le juge Angers a formulé les commentaires suivants :

 

[32] Cela étant dit, il faut, à mon avis, déterminer d’abord et avant tout si le produit des polices d’assurance-vie de feu Hien Vohoang, qui n’avait pas désigné sa « succession » comme bénéficiaire, est, après le décès de l’assuré, passé dans son patrimoine successoral de sorte que le Ministre était justifié d’établir les cotisations en litige. En d’autres mots, est-ce que le seul fait d’ouvrir un compte de banque au nom de la succession et d’y déposer de l’argent fait de cet argent un actif successoral?

 

[33] Le mot succession est défini comme suit par Germain Brière dans son recueil « Les Successions » publié en 1994 :

 

Au sens propre, le mot succession désigne la transmission à une ou plusieurs personnes vivantes des droits et obligations transmissibles d’une personne décédée […]. Dans un sens dérivé, le mot succession désigne l’ensemble des biens et dettes qui font l’objet de cette transmission, c’est-à-dire le patrimoine successoral. […] Ne retenons pour l’instant que le premier sens. Ainsi entendue, la succession est un mode de transmission à cause de mort.

 

[34] Il est donc clair que la succession n’est qu’un terme qui comprend la transmission des droits et obligations d’un défunt à ses proches et cette dévolution se fait soit par la Loi, (succession ab intestat), soit par testament. Or, à moins qu’il ne soit stipulé que les assurances-vie au décès sont payables « à ma succession », le produit ne fait pas partie de la succession et il ne s’agit pas d’un droit faisant partie du patrimoine du défunt, en l’espèce feu Hien Vohoang.

 

[28]        En concluant que les cotisations devaient être annulées, le juge Angers s’est exprimé de la manière suivante, aux paragraphes 41 à 43 (inclusivement) :

 

[41]   Selon la preuve entendue, la seule source d’argent liquide disponible pendant les mois suivant le décès de monsieur Vohoang était le produit de deux polices d’assurance-vie de plus de 350 000 $ payable à des bénéficiaires désignés. Cet argent, à mon avis, n’appartient pas à la succession et il était, à toutes fins pratiques, sous le contrôle de madame Vohoang. C’est durant cette période qu’elle a décidé, avec l’appui des associés de son défunt conjoint, d’investir de l’argent dans Speq Multimedia Inc. et de prêter de l’argent à cette société afin de permettre à celle-ci de poursuivre les recherches entreprises et de répondre aux exigences de la Commission des valeurs mobilières du Québec. J’accepte sans hésitation les explications de madame Nguyen en ce qui concerne l’ouverture du compte de la succession, à savoir que ce compte ne devait servir que pour les transactions de prêt et d’investissement auprès de Speq Multimedia Inc. et que le compte n’a rien à voir avec la succession de son défunt mari. C’est donc par erreur qu’Isabelle Vohoang a ouvert ce compte au nom de la succession de son défunt père. J’accepte également le fait qu’aucun montant d’argent déposé dans ce compte ne faisait partie du patrimoine successoral de son père. Madame Nguyen a aussi témoigné que le notaire de la succession n’était pas au courant de l’existence de ce compte. Compte tenu du rôle du notaire dans la liquidation de la succession (honoraires de 5 212,95 $ selon la pièce A-4), il me paraît évident que, si un véritable compte au nom de la succession avait été ouvert, il aurait été au courant.

 

[42]  À mon avis, il n’y avait aucune raison d’ouvrir ce compte au nom de la succession puisque tous les actifs de la succession ont été saisis et tous les frais accessoires associés à la succession ont été payés par madame Nguyen personnellement. Quant à la provenance des fonds déposés dans le compte de la succession, j’accepte sans hésitation la version de madame Nguyen voulant que cet argent provenait de son compte et de ceux de ses enfants à la Caisse populaire et qu’elle a tout simplement remboursé ses enfants au moyen des trois chèques en question qui, en passant, étaient tous les trois payables à la Caisse populaire qui ne les a pas endossés. Ces chèques auraient été déposés dans le compte des enfants selon l’envers des chèques et selon le témoignage de madame Nguyen que j’accepte également.

 

[43]   Je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités et malgré les apparences, qu’il ne s’agissait pas d’un compte ouvert pour les fins de la succession mais d’un compte ouvert pour le financement de Speq Multimedia Inc. et que ce compte a été libellé de cette façon par erreur. Les retraits de fonds de ce compte ne peuvent donc pas servir de fondement à l’établissement des cotisations en litige.

 

[29]        En l’espèce, les fonds en cause relativement auxquels une cotisation a été établie à l’égard des appelantes en vertu du paragraphe 160(1) de la Loi proviennent du placement dans un fonds distinct non enregistré (fonds liberté) de la London Life. Il semble s’agir d’un produit hybride constitué d’une police d’assurance-vie et d’un placement classique. Il est important de catégoriser ce fonds, vu que c’est ce qui permettra d’établir si Arthur W. Higgins a transféré le bien aux appelantes, directement ou indirectement.

 

[30]        La London Life a fourni une description du placement dans une lettre datée du 18 novembre 2010 – sous l’onglet 13 – ainsi que dans une autre lettre, datée du 21 novembre 2012 – sous l’onglet 14.  Dans l’avant‑dernier paragraphe de la lettre produite sous l’onglet 13, il est fait référence à la résiliation d’une police numérotée et il est précisé que le produit de cette résiliation était dû aux bénéficiaires désignées dans le dossier; une copie de ce document ainsi que des renseignements au sujet des chèques étaient joints à la lettre.

 

[31]        Dans le formulaire de désignation des bénéficiaires révocables – sous l’onglet 9, sous la partie A –  il est clairement indiqué que Karen Kinnis et Sandra Sarginson (tel était alors son nom) étaient [traduction] « les bénéficiaires désignées pour recevoir le paiement des prestations consécutives au décès » aux termes de la police/du régime particulier sur lequel le nom d’Arthur W. Higgins apparaissait, sous renseignements relatifs au client, en haut, en qualité d’assuré/rentier.

 

[32]        Le type de placement en cause en l’espèce est décrit sur le site Internet de la London Life, www.londonlife.com, de la manière suivante :

 

Avantages des polices de fonds distincts

Profitez des avantages des polices de fonds distincts.

Garanties applicables à la prestation de décès et à l’échéance

Les polices de fonds distincts protègent une partie ou la totalité du capital de votre investissement. Nous offrons deux types de garanties relatives au capital – l’une applicable au décès et l’autre, à l’échéance.

Contournement de la succession

Quand vous nommez un bénéficiaire autre que votre succession, la valeur de votre police de fonds distincts lui est dévolue directement, ce qui dispense habituellement du paiement des droits de succession et des frais d’homologation applicables, le cas échéant.

Protection éventuelle contre les créanciers

Les lois peuvent protéger une police de fonds distincts en cas de faillite ou de tout autre recours par des créanciers. Il convient de noter que la protection éventuelle contre les créanciers dépend de la décision des tribunaux, qui est susceptible de changer et peut varier d’une province à l’autre. Par conséquent, cette protection ne peut jamais être garantie.

 

[33]        Il est manifeste que la London Life, Arthur W. Higgins et les appelantes considéraient que ce fonds/régime particulier entrait dans la catégorie décrite ci‑dessus et que la London Life procéderait au versement des fonds restants au décès d’Arthur W. Higgins, conformément à ses obligations contractuelles ne souffrant aucune ambiguïté. Il s’agissait d’un fonds hybride; bien qu’il s’agisse d’un contrat conclu avec la London Life au sujet d’un régime d’investissement conçu en vue de produire un revenu, il s’agissait également d’une police d’assurance aux termes de laquelle Arthur W. Higgins pouvait nommer des bénéficiaires pour tout solde restant à son décès. Le fait que cette désignation soit révocable est un leurre. Depuis 1999, cette désignation était demeurée inchangée et, avant sa mort, Arthur W. Higgins retirait de l’argent du fonds, de la même manière qu’il est possible d’obtenir des fonds d’une police d’assurance-vie existante assortie d’une valeur de rachat, ou selon les termes propres à cette police.  

 

[34]        En ce qui concerne la nature du fonds distinct en cause, je conclus que son aspect essentiel se rapportait à la composante relative à l’assurance‑vie. La succession du défunt Arthur W. Higgins n’était pas partie au contrat conclu avec la London Life. En versant à chaque appelante la somme de 5 096,08 $ le 21 février 2002, la London Life s’acquittait d’une obligation légale. Le ministre a tenu pour acquis, à tort, que le fonds distinct entrait dans la catégorie des REER ou des FERR. Il n’en est rien au regard de la preuve, laquelle me permet d’accepter la proposition selon laquelle le droit de conférer une prestation de décès à des bénéficiaires désignés était une composante faisant partie intégrante du régime/de la police en vigueur et indissociable de ce régime/de cette police. Arthur W. Higgins avait le droit de s’attendre à ce qu’à son décès, la London Life se conforme à ses obligations contractuelles et transfère le reliquat du fonds en cause à ses deux filles, en parts égales. Par la suite, après avoir apporté la preuve de leur identité et produit un certificat de décès, les appelantes ont chacune reçu un paiement, conformément aux termes du contrat conclu par la London Life et Arthur W. Higgins.

 

[35]        Je conclus que la décision Nguyen s’applique en l’espèce. Le montant du fonds distinct payé à chaque appelante constituait le produit d’une police d’assurance‑vie payable à chaque appelante en leur qualité de bénéficiaire désignée et ne faisait pas partie des actifs de la succession du défunt Arthur W. Higgins. Contrairement aux circonstances qui prévalaient dans la décision Nguyen, il n’y avait aucune trace d’un rapport entre les fonds tirés du régime et la succession du défunt Arthur W. Higgins, qui n’avait aucun bien, qui n’était pas administrée, et à l’égard de laquelle Mme Kinnis a expressément nié avoir quelque statut juridique que ce soit lors de ses communications avec divers représentants de l’ARC.   

 

[36]        Si je me trompe et que le paragraphe en cause s’applique, je conclus que la date d’effet du transfert de biens était le 21 février 2002, date d’émission des chèques aux appelantes. L’avocat des appelantes a fait valoir que ses clientes s’étaient vu transférer un droit de propriété quand leur père avait signé le formulaire de désignation de bénéficiaires révocables le 22 avril 1999, à une époque où celui‑ci n’avait aucune dette fiscale. Cet argument est intrigant d’un point de vue métaphysique, mais tout droit accordé sur un bien à l’époque était de nature transitoire, impossible à quantifier avec la méthodologie courante et sous le contrôle plein et entier d’Arthur W. Higgins, qui aurait pu résilier la police/le placement, retirer tous les fonds ou révoquer les appelantes. Pour les appelantes, la valeur de tout bien conféré aux termes de cette police/de ce régime n’était quantifiable qu’au décès de leur père, et c’est cet évènement (conformément au contrat que ce dernier avait conclu avec la London Life), qui a déclenché le processus, conformément aux termes de ce contrat, selon lequel chaque appelante a reçu un paiement équivalant à 50 % du reliquat du fonds distinct.

 

[37]        Les deux appels sont accueillis, avec un seul mémoire de dépens. Les deux cotisations, chacune d’un montant de 5 096,08 $, établies à l’égard de chacune des appelantes en application du paragraphe 160(1) de la Loi sont annulées.

 

[38]        Comme il a été mentionné plus tôt, chaque cotisation établie à l’égard de chacune des appelantes en application du paragraphe 160.2(2) de la Loi est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations conformément aux présents motifs.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 19e jour de juin 2013.

 

 

« D. W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 194

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :       2012-469(IT)I et 2012-470(IT)I

 

INTITULÉ :                                      Sandra Higgins et Karen Kinnis c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Victoria (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 12 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge suppléant D. W. Rowe

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 19 juin 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me D. Laurence Armstrong

Avocate de l’intimée :

Me Holly Popenia

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

               Nom :                                 D. Laurence Armstrong

 

               Cabinet :                            Armstrong Wellman

                                                          Victoria (Colombie‑Britannique)

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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