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Dossier : 2009-1597(IT)G

 

ENTRE :

RIVER HILLS RANCH LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Bar M Stock Ranch Ltd. (2009‑1586(IT)G) et d'Avalon Ranch Ltd. (2009‑1911(IT)G), les 21, 22, 23 et 24 janvier 2013, à Regina (Saskatchewan).

 

Devant : L'honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me James C. Yaskowich

Avocates de l'intimée :

Me Anne Jinnouchi

Me Nalini Persaud

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre des cotisations établies au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2003, 2004, 2005 et 2006 est accueilli, avec dépens, et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Magog (Québec), ce 2e jour d'août 2013.

 

 

« Robert J. Hogan »

Le juge Hogan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour d'octobre 2013.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Dossier : 2009-1586(IT)G

 

ENTRE :

BAR M STOCK RANCH LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de River Hills Ranch Ltd. (2009‑1597(IT)G) et d'Avalon Ranch Ltd. (2009‑1911(IT)G), les 21, 22, 23 et 24 janvier 2013, à Regina (Saskatchewan).

 

Devant : L'honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me James C. Yaskowich

Avocates de l'intimée :

Me Anne Jinnouchi

Me Nalini Persaud

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre des cotisations établies au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2001, 2003, 2004 et 2005 est accueilli, avec dépens, et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Magog (Québec), ce 2e jour d'août 2013.

 

 

« Robert J. Hogan »

Le juge Hogan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour d'octobre 2013.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Dossier : 2009-1911(IT)G

 

ENTRE :

AVALON RANCH LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de River Hills Ranch Ltd. (2009‑1597(IT)G) et de Bar M Stock Ranch Ltd. (2009‑1586(IT)G), les 21, 22, 23 et 24 janvier 2013, à Regina (Saskatchewan).

 

Devant : L'honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me James C. Yaskowich

Avocates de l'intimée :

Me Anne Jinnouchi

Me Nalini Persaud

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre des cotisations établies au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2004 et 2005 est accueilli, avec dépens, et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Magog (Québec), ce 2e jour d'août 2013.

 

 

« Robert J. Hogan »

Le juge Hogan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour d'octobre 2013.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 248

Date : 20130802

Dossiers : 2009-1597(IT)G

2009-1586(IT)G

2009-1911(IT)G

 

ENTRE :

 

RIVER HILLS RANCH LTD., BAR M STOCK RANCH LTD., AVALON RANCH LTD.,

appelantes,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hogan

 

I.       Introduction

 

[1]             River Hills Ranch Ltd. (« River Hills »), Avalon Ranch Ltd. (« Avalon ») et Bar M Stock Ranch Ltd. (« Bar M ») (collectivement appelées les « appelantes ») avaient pour entreprise de prélever de l'urine de jument gravide (« UJG ») pour le compte de Wyeth Organics (« Wyeth »), une société pharmaceutique transnationale autrefois connue sous le nom d'Ayerst Organics Ltd. (« Ayerst »), une division de Wyeth Canada. Le prélèvement de l'UJG était accompli aux termes d'accords de prélèvement d'UJG (les « accords de prélèvement »). Entre les mois d'octobre et de décembre 2003, Wyeth a mis fin aux accords de prélèvement de 2003‑2004 qu'elle avait conclus avec chacune des appelantes et leur a fait signer des renonciations (les « renonciations »). Wyeth a payé aux appelantes des montants décrits comme des paiements au titre du fourrage et de la santé des troupeaux (les « paiements au titre du FST »), conformément aux modalités des renonciations. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a considéré ces montants comme un élément de revenu. Les appelantes disent qu'il s'agit de paiements de capital.

 

II.      Le sommaire des faits

 

A.      Le contexte

 

[2]             Wyeth se servait d'UJG, réduite en estrogènes conjugués, comme principe actif dans un médicament servant à traiter les symptômes de la ménopause. Elle achetait l'UJG auprès de producteurs nord‑américains, dont les appelantes, aux termes des accords de prélèvement. Ces accords, renouvelés chaque année, comportaient les modalités suivantes :

 

1.       les appelantes étaient tenues de fournir une quantité précise d'estrogènes conjugués issus d'UJG;

 

2.       la saison de prélèvement devait s'étendre du mois d'octobre au mois d'avril, et les jours où elle débutait et prenait fin étaient fixés à la seule discrétion de Wyeth;

 

3.       les appelantes devaient veiller à la santé et au bien‑être des juments, s'assurer qu'elles étaient traitées de manière non cruelle au moment du prélèvement de l'UJG et se conformer au Recommended Code of Practice for the Care and Handling of Horses in PMU Operations (le Code de pratiques pour les soins et la manipulation des juments dans les entreprises d'UJG, le « Code »); il convient de signaler à cet égard que les clauses relatives à cet aspect sont devenues plus strictes au fil des ans;

 

4.       aux termes des accords de prélèvement de 2003‑2004, les appelantes étaient tenues de fournir l'UJG uniquement à Wyeth.

 

[3]             Les appelantes ont fait d'importants investissements de capitaux en vue de lancer leurs activités de prélèvement d'UJG, dont les suivants :

 

1.       l'achat de machines et de matériel, comme des harnais et des systèmes d'alimentation, d'abreuvement et de prélèvement d'urine;

 

2.       la construction d'installations, dont des écuries distinctes, exclusivement destinées à la production d'UJG et dotées de salles de réservoirs, de stalles, d'enclos et de corrals, qui étaient conformes au Code.

 

B.      Les renonciations et l'annexe A

 

[4]             Vers l'an 2000, Wyeth a commencé à conclure des accords avec les producteurs d'UJG en vue d'obtenir des quantités moindres d'UJG. À l'occasion d'une réunion tenue en octobre 2003, Wyeth a finalement fait savoir aux producteurs d'UJG d'un peu partout au Canada qu'un nombre non déclaré de producteurs seraient dégagés de leurs accords de prélèvement de 2003‑2004.

 

[5]             Les accords de prélèvement conclus avec les trois appelantes ont été résiliés entre les mois d'octobre et de décembre 2003. Aux termes des renonciations, River Hills a convenu d'être liée par le Code dans ses activités de prélèvement d'UJG jusqu'au 31 janvier 2006, et Avalon ainsi que Bar M ont convenu d'en faire autant jusqu'au 31 décembre 2005.

 

[6]             De plus, les appelantes ont convenu de renoncer à toute action à l'encontre de Wyeth en échange des paiements précisés à l'annexe A de la renonciation. Dans le cas de River Hills, cette annexe indique :

 

[TRADUCTION]

 

I.          Programme de paiements aux éleveurs

 

Wyeth Organics paiera aux auteurs de renonciations un montant forfaitaire unique égal à 17 p. 100 du total des paiements pour la saison de prélèvement de 2003‑2004. Ce montant sera payé aux environs du mois d'août 2004.

 

II.        Programme de paiements au titre du fourrage et de la santé des troupeaux

 

Wyeth Organics paiera aux auteurs de renonciations 68 p. 100 du total des paiements pour la saison de prélèvement de 2003‑2004 au titre des dépenses de fourrage et de santé des troupeaux. Ce montant total sera payé en plusieurs versements, ainsi :

 

a)         15 p. 100 du total aux environs du mois d'août 2004;

 

b)         2,7 p. 100 du total à peu près chaque mois; les paiements débuteront en septembre 2004 et prendront fin en décembre 2005;

 

c)         10 p. 100 du total aux environs du mois de janvier 2006.

 

Afin d'obtenir les paiements prévus en vertu du programme de paiements au titre du fourrage et de la santé des troupeaux, les auteurs de renonciations doivent satisfaire aux conditions suivantes :

 

1.         ils doivent entretenir leurs chevaux d'une manière conforme au Code;

 

2.         le nombre vérifié de chevaux, ventilé selon leur âge et leur fonction, doit être fourni le 1er février 2004, le 1er octobre 2004, le 1er février 2005 et le 1er octobre 2005. Le nombre de chevaux sera compté par les auteurs de renonciations ainsi que par un spécialiste de la conformité sur le terrain de Wyeth Organics;

 

3.         les auteurs de renonciations doivent fournir à Wyeth Organics une confirmation écrite du nombre de chevaux vendus, ainsi que le prix reçu pour ces derniers, et ce, le premier jour de chaque mois à compter du 1er février 2004;

 

4.         le nombre vérifié des autres espèces animales présentes à la ferme des auteurs de renonciations doit être fourni aux dates mentionnées au paragraphe 2 qui précède;

 

5.         les auteurs de renonciations doivent attester qu'ils sont les exploitants de la ferme de prélèvement d'UJG aux dates mentionnées au paragraphe 2 qui précède;

 

6.         les spécialistes de la conformité sur le terrain continueront d'inspecter toutes les activités de prélèvement d'UJG jusqu'en janvier 2006. À cet égard, les auteurs de renonciations doivent permettre à toute personne désignée par Wyeth Organics ou à tout vétérinaire agréé par le Code (« vétérinaire agréé ») d'avoir accès, en tout temps raisonnable, à tout terrain sur lequel ils mènent leurs activités de prélèvement d'UJG, en vue de vérifier si les chevaux reçoivent des soins vétérinaires appropriés et sont convenablement nourris;

 

7.         tous les trimestres, les auteurs de renonciations doivent certifier à Wyeth Organics, au moyen du formulaire joint aux présentes, qu'ils ont fourni à leurs chevaux le fourrage et les soins vétérinaires appropriés;

 

8.         les auteurs de renonciations doivent convenir de collaborer à tous égards avec les représentants ou mandataires de Wyeth Organics, et éviter d'être agressifs oralement ou physiquement envers eux;

 

9.         les auteurs de renonciations sont tenus d'inscrire tous leurs chevaux à un programme de santé des troupeaux conforme au Code auprès d'un vétérinaire agréé, qui procédera à des visites vétérinaires en janvier 2004, en mars 2004, en novembre 2004, en janvier 2005 et en mars 2005.

 

Si Wyeth Organics estime, à sa discrétion, que les conditions 1 à 9 qui précèdent ne sont pas toutes remplies, les auteurs de renonciations ne recevront plus de fonds en vertu du programme de paiements au titre du fourrage et de la santé des troupeaux et pourront être tenus de rembourser à Wyeth Organics la totalité ou une partie des fonds déjà reçus.

 

[7]             En ce qui concerne Avalon et Bar M, l'annexe A des renonciations prévoit ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

I.          Paiements relatifs à la saison de prélèvement de 2003-2004

 

Wyeth Organics, une division de Wyeth Canada (ci-après appelée « Wyeth Organics »), paiera aux auteurs de renonciations la quantité complète de grammes d'estrogènes conjugués issus d'UJG que prévoit le contrat relatif à la saison de prélèvement de 2003‑2004, conformément à l'accord de prélèvement d'UJG de 2003‑2004 des auteurs de renonciations. Les paiements seront versés toutes les semaines environ, à compter de la semaine du 20 octobre 2003.

 

II.        Programme de remboursement des vaccins contre le virus du Nil occidental

 

Wyeth Organics remboursera aux auteurs de renonciations, au tarif de 14,58 dollars canadiens (10,08 dollars américains) la dose, les vaccins administrés à leur troupeau contre le virus du Nil occidental au cours de la saison de prélèvement de 2002‑2003. Ce montant sera payé aux environs du mois de novembre 2003.

 

III.       Programme de paiements aux éleveurs

 

Wyeth Organics paiera aux auteurs de renonciations un montant forfaitaire unique égal à 17 p. 100 du total des paiements pour la saison de prélèvement de 2003‑2004 qui sont mentionnés au paragraphe I ci‑dessus. Ce montant sera payé aux environs du mois d'avril 2004.

 

IV.       Programme de paiements au titre du fourrage et de la santé des troupeaux

 

Wyeth Organics paiera aux auteurs de renonciations 50 p. 100 du montant des paiements pour la saison de prélèvement de 2003‑2004 qui sont mentionnés au paragraphe I ci‑dessus au titre des dépenses de fourrage et de santé des troupeaux. Ce montant total sera payé en plusieurs versements, ainsi :

 

a)         15 p. 100 du total aux environs du mois d'août 2004;

 

b)         2,1875 p. 100 du total à peu près chaque mois; les paiements débuteront en septembre 2004 et prendront fin en décembre 2005.

 

Afin d'obtenir les paiements prévus en vertu du programme de paiements au titre du fourrage et de la santé des troupeaux, les auteurs de renonciations doivent satisfaire aux conditions suivantes :

 

1.         ils doivent entretenir leurs chevaux d'une manière conforme au Code;

 

2.         le nombre vérifié de chevaux, ventilé selon leur âge et leur fonction, doit être fourni le 1er octobre 2003, le 1er février 2004, le 1er octobre 2004 et le 1er février 2005. Le nombre de chevaux sera compté par les auteurs de renonciations ainsi que par un spécialiste de la conformité sur le terrain de Wyeth Organics;

 

3.         le nombre vérifié des autres espèces animales présentes à la ferme des auteurs de renonciations doit être fourni aux dates mentionnées au paragraphe 2 qui précède;

 

4.         les auteurs de renonciations doivent attester qu'ils sont les exploitants de la ferme de prélèvement d'UJG aux dates mentionnées au paragraphe 2 qui précède;

 

5.         les spécialistes de la conformité sur le terrain continueront d'inspecter toutes les activités de prélèvement d'UJG jusqu'en décembre 2005. À cet égard, les auteurs de renonciations doivent permettre à toute personne désignée par Wyeth Organics ou à tout vétérinaire agréé par le Code (« vétérinaire agréé ») d'avoir accès, en tout temps raisonnable, à tout terrain sur lequel ils mènent leurs activités de prélèvement d'UJG, en vue de vérifier si les chevaux reçoivent des soins vétérinaires appropriés et sont convenablement nourris;

 

6.         tous les trimestres, les auteurs de renonciations doivent certifier à Wyeth Organics, au moyen du formulaire joint aux présentes, qu'ils ont fourni à leurs chevaux le fourrage et les soins vétérinaires appropriés;

 

7.         les auteurs de renonciations doivent convenir de collaborer à tous égards avec les représentants ou mandataires de Wyeth Organics, et éviter d'être agressifs oralement ou physiquement envers eux;

 

8.         les auteurs de renonciations sont tenus d'inscrire tous leurs chevaux à un programme de santé des troupeaux conforme au Code auprès d'un vétérinaire agréé, qui procédera à des visites vétérinaires en novembre 2003, en janvier 2004, en mars 2004, en novembre 2004, en janvier 2005 et en mars 2005.

 

Si Wyeth Organics estime, à sa discrétion, que les conditions 1 à 8 qui précèdent ne sont pas toutes remplies, les auteurs de renonciations ne recevront plus de fonds en vertu du programme de paiements au titre du fourrage et de la santé des troupeaux et pourront être tenus de rembourser à Wyeth Organics la totalité ou une partie des fonds déjà reçus.

 

[8]             La résiliation de l'accord de prélèvement de 2003‑2004 s'est soldée par la cessation complète des activités de prélèvement d'UJG des appelantes.

 

[9]             L'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») a traité tous les paiements versés pour la saison de prélèvement et les paiements versés aux éleveurs aux termes des renonciations comme étant à titre de capital. Les paiements au titre du FST ont été considérés comme un élément de revenu.

 

C.      Les faits propres à chacune des appelantes

 

a)       River Hills

 

[10]        Madame et M. McIntyre ont témoigné pour le compte de River Hills, dont ils sont les actionnaires.

 

[11]        Après avoir décroché son premier contrat de prélèvement d'UJG en 1992, M. McIntyre a bâti une écurie dotée de 108 stalles et d'un local à réservoirs. Il a aussi fait l'achat d'environ 200 chevaux de trait en vue de constituer son troupeau. Il a installé des systèmes automatiques d'abreuvement et d'alimentation en avoine, conformément aux spécifications de Wyeth. Il a aussi fait l'achat d'environ 15 quarts de section de pâturage, qu'il a ensuite clôturés, en vue de son entreprise de prélèvement d'UJG.

 

[12]        Il ressort de la preuve que River Hills a exploité ses activités de prélèvement d'UJG à titre d'entreprise distincte.

 

[13]        Le 23 octobre 2003, l'accord de prélèvement de 2003‑2004 de River Hills a été modifié en vue d'une réduction de quota. Vers le 18 décembre 2003, M. McIntyre a reçu une copie de la renonciation par courrier recommandé. Il a eu 28 jours à compter de la date de réception de la lettre pour en examiner les conditions. Il l'a signée le 5 janvier 2004.

 

[14]        À la fin de la saison de collecte (en avril 2004 au plus tard), River Hills avait vendu la totalité des chevaux qu'elle destinait au prélèvement d'UJG.

 

[15]        River Hills a transformé son écurie pour l'exploitation de vaches allaitantes et en bâtiment d'entreposage. M. McIntyre a également vendu les 15 quarts de section dont il avait fait l'acquisition pour le troupeau destiné au prélèvement d'UJG.

 

b)      Avalon

 

[16]        Monsieur Meggison, l'unique propriétaire d'Avalon, a témoigné pour le compte de cette dernière. Il a lancé son activité de prélèvement d'UJG au printemps de 1992, et l'a plus tard transférée à Avalon. Avant d'exploiter l'entreprise de prélèvement d'UJG, M. Meggison exploitait une entreprise de vaches allaitantes.

 

[17]        Il ressort de la preuve que M. Meggison a bâti un corral extérieur en acier et a clôturé un terrain à pâturage d'une superficie de 30 acres en vue de lancer son entreprise de prélèvement d'UJG. Il a aussi vendu son troupeau de 60 vaches et a fait l'achat de 70 chevaux. Ses premiers systèmes d'alimentation et d'abreuvement étaient manuels, et ils avaient été fournis par Wyeth. À la longue, cependant, Wyeth a exigé des producteurs qu'ils mettent en place des systèmes automatiques.

 

[18]        Monsieur Meggison a choisi des chevaux de selle pour son entreprise de prélèvement d'UJG, parce qu'il était ainsi possible de vendre les poulains à un prix plus élevé pour l'équitation, plutôt que de les envoyer à l'abattoir.

 

[19]        Au printemps 2003, Avalon a fait l'achat d'un quota d'un millier de grammes auprès d'un producteur d'UJG qui prenait sa retraite. Cette quantité a été ajoutée au quota accordé à Avalon en vertu de son accord de prélèvement de 2003‑2004. Rétrospectivement, cette mesure s'est révélée être une mauvaise décision commerciale, car l'accord de prélèvement d'Avalon a été résilié peu après.

 

[20]        Monsieur Meggison a assisté à la réunion tenue en octobre 2003. Le lendemain, Wyeth l'a informé que son accord de prélèvement de 2003‑2004 était résilié. Il a reçu la renonciation peu après et l'a signée le 24 octobre 2003.

 

[21]        Après la résiliation des accords de prélèvement, la valeur marchande des chevaux a chuté. M. Meggison a décidé de ne pas liquider immédiatement son troupeau destiné au prélèvement d'UJG. Il croyait qu'il obtiendrait un meilleur prix pour ses juments s'il attendait que le marché se rétablisse. En fin de compte, Avalon a vendu 32 chevaux dans l'année d'imposition 2004 et 27 autres dans l'année d'imposition 2005.

 

[22]        Après la résiliation de l'accord de prélèvement de 2003‑2004, Avalon a décidé de réorienter son entreprise vers l'élevage et la vente de chevaux de race appaloosa.

 

[23]        Monsieur Meggison n'a pas touché à l'extérieur de l'écurie qu'il réservait au prélèvement d'UJG. Il en a toutefois modifié l'intérieur en éliminant un certain nombre de stalles et en les remplaçant par des box de poulinement. Le matériel destiné au prélèvement d'UJG a été abandonné, parce qu'il n'avait aucune valeur de récupération.

 

c)       Bar M

 

[24]        Madame Marsh, une actionnaire de l'appelante Bar M, a témoigné pour le compte de cette dernière. Bar M a lancé ses activités de prélèvement d'UJG en 1972. Elle exploitait aussi une entreprise de vaches allaitantes, qui s'est poursuivie jusqu'aux années 1990.

 

[25]        Bar M a commencé à produire de l'UJG dans une petite écurie de 30 stalles bâtie à cette fin. Elle a plus tard agrandi la taille de son entreprise, la faisant passer d'abord à 120 stalles et ensuite à 165 stalles, car la demande en UJG prenait de l'ampleur. À la longue, elle a aussi adapté son matériel de prélèvement en vue de répondre aux exigences d'Ayerst. Elle a loué des pâturages pour nourrir ses chevaux. Elle a également fait l'acquisition de pâturages peu avant la résiliation de son accord de prélèvement. Les premières années, Bar M louait les chevaux qu'elle destinait au prélèvement d'UJG.

 

[26]        Madame Marsh et son époux ont assisté à la réunion tenue en octobre 2003. Le lendemain, Wyeth les a informés que leur accord de prélèvement de 2003‑2004 était résilié. Ils ont reçu la renonciation peu après et l'ont signée le 17 octobre 2003.

 

[27]        Madame Marsh et son époux ont pu vendre 88 juments en 2004 et 39 autres en 2005.

 

[28]        Après la résiliation de l'accord de prélèvement de 2003‑2004, Bar M a tenté de se lancer de nouveau dans l'élevage de bétail. Après peu de temps, elle a renoncé à cette activité, parce qu'elle n'était pas rentable. Bar M fait aujourd'hui pousser du foin sur ses pâturages. Les écuries destinées au prélèvement d'UJG servent exclusivement de bâtiments d'entreposage, et le matériel de prélèvement d'UJG a été abandonné.

 

III.     Les thèses des parties

 

A.      La thèse des appelantes : les paiements au titre du FST sont des rentrées de capital

 

[29]        Les appelantes se fondent sur les décisions BP Canada Energy Resources Co. c. La Reine BP Canada »)[1], Cie des chemins de fer nationaux du Canada c. La Reine[2] et Pe Ben Industries Company Limited c. La Reine[3] pour faire valoir que les accords de prélèvement d'UJG étaient des immobilisations et les paiements au titre du FST, des rentrées de capital. Selon elles, les accords de prélèvement servaient de base à leurs entreprises de prélèvement d'UJG, et le fait que Wyeth ait résilié unilatéralement les accords de prélèvement a détruit ces entreprises. Les paiements faits aux termes des renonciations étaient destinés à dédommager les appelantes de la perte de leurs entreprises.

 

[30]        Les appelantes sont d'avis que les paiements au titre du FST n'étaient pas destinés au « fourrage » et à la « santé des troupeaux » comme leur nom semble l'indiquer. Ils faisaient plutôt partie du dédommagement qui leur a été accordé pour la fin de leurs entreprises de prélèvement d'UJG. Cette conclusion est étayée par le fait que les appelantes n'étaient pas expressément tenues de conserver les juments qu'elles destinaient au prélèvement d'UJG en vue de recevoir les paiements au titre du FST. Ces paiements n'étaient pas calculés en fonction des dépenses que faisaient les appelantes pour le « fourrage » et la « santé des troupeaux », et les appelantes n'étaient pas tenues de se servir de ces paiements pour supporter les dépenses de cette nature. L'absence de toute modalité à cet égard est assimilable à une ambiguïté ou à une incohérence interne, qui permet d'introduire des éléments de preuve extrinsèques. Il ressort de ces derniers, par ailleurs, que les paiements au titre du FST étaient des paiements de résiliation déguisés sous la forme de paiements pour le « fourrage » et la « santé des troupeaux », dont le but était de protéger l'image publique de Wyeth et de dédommager les appelantes de la destruction de leurs entreprises.

 

B.      La thèse de l'intimée : les paiements au titre du FST sont imputables au revenu

 

[31]        L'intimée, en revanche, soutient que les paiements au titre du FST étaient une provision pour dépenses prévues que les appelantes avaient reçue à titre de revenu et qui constituait un revenu au sens du paragraphe 9(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada (la « LIR »).

 

[32]        Selon l'intimée, l'absence d'une modalité obligeant les appelantes à conserver les chevaux qu'elles destinaient au prélèvement d'UJG jusqu'à la fin de la période de versement des paiements n'est pas assimilable à une ambiguïté. Le libellé des renonciations indique sans équivoque que les paiements au titre du FST étaient destinés à indemniser les appelantes des dépenses de « fourrage » et de « santé des troupeaux » qu'elles engageaient pour leurs troupeaux.

 

[33]        De l'avis de l'intimée, le fait que les appelantes aient pu se départir à des moments différents des juments qu'elles destinaient au prélèvement d'UJG n'a pas d'incidence sur la nature des paiements au titre du FST.

 

IV.     La question en litige

 

[34]        La question dont je suis saisi consiste à savoir si les appelantes ont reçu les paiements au titre du FST à titre de capital ou à titre de revenu. Il convient d'appliquer le principe de la substitution en vue de déterminer si les paiements au titre du FST visaient à dédommager les appelantes de la destruction de leurs entreprises ou à couvrir les dépenses d'exploitation qu'elles engageaient. Pour répondre à cette question, il est nécessaire d'interpréter les renonciations. Dans le contexte des présents appels, les circonstances entourant la signature des renonciations sont‑elles pertinentes pour interpréter le sens des clauses relatives aux paiements au titre du FST? Peut‑on admettre des éléments de preuve extrinsèques en vue d'illustrer la matrice factuelle qui a mené à la signature des renonciations? Les clauses relatives aux paiements au titre du FST sont‑elles ambiguës au point où l'on peut prendre en considération des éléments de preuve extrinsèques en vue de déterminer quel était l'objet visé de ces paiements?

 

V.      Analyse

 

A.      Les principes régissant l'interprétation des renonciations

 

[35]        Le juge Blair, de la Cour d'appel de l'Ontario, a énoncé en termes succincts les principes généraux de l'interprétation des contrats dans l'arrêt Ventas, Inc. c. Sunrise Senior Living Real Estate Investment Trust. Citant le juge de première instance[4], le juge Blair a fait remarquer :

 

[TRADUCTION]

 

[...] D'une façon générale [...] il faut interpréter un contrat commercial :

 

a)         globalement, de manière à attribuer un sens à toutes ses dispositions et à éviter une interprétation qui annulerait l'effet d'une ou de plusieurs dispositions;

 

b)         de façon à déterminer l'intention des parties conformément aux termes qu'elles ont utilisés dans le document écrit et compte tenu de la « présomption primordiale » selon laquelle les parties voulaient vraiment dire ce qu'elles ont dit;

 

c)         en tenant compte de la preuve objective de la matrice factuelle sous‑tendant la négociation du contrat, mais sans tenir compte de l'intention subjective des parties, et (si le contrat renferme une ambiguïté),

 

d)         d'une façon conforme aux principes commerciaux reconnus et aux bonnes pratiques commerciales, en évitant toute absurdité sur le plan commercial.

 

[Non souligné dans l'original; renvois omis.]

 

[36]        La règle de l'exclusion de la preuve extrinsèque interdit de se fonder sur des éléments extrinsèques pour [TRADUCTION] « modifier ou interpréter d'une manière quelconque les mots employés dans le document »[5]. Selon le juge Sopinka, cette règle se fonde sur la présomption que « lorsque les parties mettent un accord par écrit, elles y incluent toutes les conditions et détails nécessaires et elles veulent que le contrat écrit renferme la totalité des conditions »[6]. La règle vise à « empêcher l'utilisation de négociations extrinsèques fabriquées ou douteuses pour attaquer des contrats écrits en bonne et due forme »[7].

 

[37]        La règle de l'exclusion de la preuve extrinsèque n'est pas absolue : il est possible de prendre en considération des éléments de preuve extrinsèques en vue de dissiper une ambiguïté.

 

[38]        Dans l'arrêt Eli Lilly & Co. c. Novopharm Ltd. (« Eli Lilly »)[8], le juge Iacobucci, dans un jugement unanime de la Cour suprême du Canada, a fait remarquer qu'une preuve extrinsèque n'est pas admissible lorsqu'un accord est « clair et sans ambiguïté » (aux paragraphes 54 et 55) :

 

[...] L'intention des parties contractantes doit être déterminée en fonction des mots qu'elles ont employés en rédigeant le document, éventuellement interprétés à la lumière des circonstances du moment. La preuve de l'intention subjective d'une partie n'occupe aucune place indépendante dans cette décision.

 

En fait, il n'est pas nécessaire de prendre en considération quelque preuve extrinsèque que ce soit lorsque le document est, à première vue, clair et sans ambiguïté. Pour reprendre les propos de lord Atkinson dans Lampson c. City of Quebec (1920), 54 D.L.R. 344 (C.P.), à la p. 350 :

 

[TRADUCTION] ... l'intention qu'il faut rechercher en interprétant l'acte est celle des parties telle qu'elle se dégage des termes qu'elles ont utilisés dans l'acte lui‑même. [...] [S]i la signification de l'acte, selon le sens ordinaire des mots qui y sont employés, est claire et sans ambiguïté, il n'est pas permis aux parties à cet acte, aussi longtemps qu'il n'est pas modifié, de venir affirmer devant une cour de justice : « Notre intention était tout à fait différente de celle qui est exprimée par les termes de l'acte... »

 

[39]        Le juge Iacobucci signale que les « circonstances du moment » peuvent être pertinentes, mais il ne donne aucune indication quant au contexte dans lequel il est possible de s'y reporter.

 

[40]        Le juge Nadon, de la Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt R. c. General Motors (« GM »)[9], s'est fondé sur les principes énoncés dans l'arrêt Eli Lilly. Dans un jugement unanime de la Cour, il a fait remarquer :

 

[...] Premièrement, s'il ne décèle aucune ambiguïté dans le document à l'examen, le tribunal ne peut tenir compte d'éléments de preuve extrinsèques. Deuxièmement, les éléments de preuve dont on peut effectivement tenir compte doivent se rapporter aux « circonstances du moment ». Troisièmement, même lorsqu'il y a une ambiguïté, les éléments de preuve portant uniquement sur l'intention subjective d'une personne ne sont pas admissibles[10].

 

[41]        Le juge Nadon a conclu que le juge de la Cour canadienne de l'impôt avait commis une erreur en fondant une conclusion d'ambiguïté sur des éléments de preuve extrinsèques que les parties avaient présentés, plutôt que sur une analyse de l'entente en litige dans son ensemble. Sa position a par la suite été adoptée par le juge Campbell, de la présente cour, dans la décision On‑Line Finance & Leasing Corp. c. La Reine[11].

 

[42]        Des décisions judiciaires plus récentes ont clarifié la pertinence des « circonstances du moment » et donné ouverture à une approche différente de celle qui est exposée dans l'arrêt GM. Par exemple, dans l'arrêt Dumbrell c. Regional Group of Companies Inc. (« Dumbrell »)[12], après avoir fait référence à l'opinion de lord Hoffmann dans la décision Investors Compensation Scheme Ltd v. West Bromwich Building Society[13], le juge Doherty, de la Cour d'appel de l'Ontario, a signalé : [TRADUCTION] « il convient de distinguer la signification du contrat écrit de la signification lexicographique et syntaxique des termes qui y sont employés ». Selon le juge Doherty, bien que la signification ordinaire des mots [TRADUCTION] « se révèle importante et souvent décisive dans l'établissement de la signification du document », un [TRADUCTION] « examen du contexte objectif »[14] dans lequel l'accord écrit a été établi fait partie intégrante du processus d'interprétation; on n'y recourt pas uniquement dans les cas où les mots considérés isolément dénotent l'existence d'une certaine ambiguïté.

 

[43]        Avant Dumbrell, le juge Goudge, de la Cour d'appel de l'Ontario, avait fait remarquer, lui aussi, que les tribunaux pouvaient utiliser des éléments de preuve extrinsèques pour prendre en compte la [TRADUCTION] « matrice factuelle » d'une entente dans les cas dénués de toute ambiguïté[15]. Il a indiqué que la matrice factuelle d'une entente inclut la genèse de l'entente, son objet, et le contexte commercial dans lequel elle a été conclue. Ce faisant, il s'est fondé sur les observations suivantes de lord Wilberforce, de la Chambre des lords, dans la décision Reardon Smith Line Ltd. v. Yngvar Hansen‑Tangen[16] :

 

[TRADUCTION]

 

Aucun contrat n'est conclu dans le vide : il existe toujours un cadre dans lequel il s'inscrit. On parle habituellement de « circonstances environnantes » pour définir la nature de ce dont il est légitimement possible de tenir compte, mais cette expression n'est pas précise : il est possible d'illustrer la chose, mais il est difficile de la définir. Lorsqu'un contrat commercial est en cause, la cour devrait certes connaître son objet commercial, ce qui présuppose d'autre part une connaissance de l'origine de l'opération, de l'historique, du contexte, du marché dans lequel les parties exercent leurs activités.

 

[44]        Il ressort de ces deux décisions (Dumbrell et KFC) qu'il faut faire une distinction entre le cas dans lequel des éléments de preuve extrinsèques peuvent être admis en vue de dissiper une ambiguïté — une exception notable à la règle de l'exclusion de la preuve extrinsèque — et le cas dans lequel on prend en considération de tels éléments de preuve en vue de donner un sens aux modalités d'une entente en tenant compte des « circonstances du moment » ou de la matrice factuelle de l'entente. Dans ce dernier cas, aucune ambiguïté n'est requise. Dans ses observations écrites[17], l'intimée cite l'arrêt Gilchrist c. Western Star Trucks, dans lequel cette distinction a été reconnue :

 

[TRADUCTION]

 

L'objectif, lorsqu'on interprète un contrat, est de découvrir, de façon objective, l'intention qu'avaient les parties au moment de la conclusion du contrat. L'outil le plus utile est le libellé du contrat lui-même. Il faut interpréter le libellé en tenant compte du contexte des circonstances qui existaient au moment où le contrat a été signé. Ce n'est que lorsque, considérés objectivement, les mots se prêtent à plus d'une interprétation que le tribunal peut tenir compte d'autres éléments tels que la conduite qu'ont adoptée les parties après la signature du contrat[18]. [...]

 

[45]        Je souscris aux observations des appelantes selon lesquelles il y a des incohérences dans les clauses relatives aux paiements au titre du FST, lesquelles, lorsqu'on les considère ensemble, amènent le lecteur à douter de l'objectif que visent ces paiements.

 

[46]        Les paiements au titre du FST n'ont pas été calculés en fonction de la taille du troupeau des appelantes ou des dépenses que celles‑ci ont réellement engagées pour le « fourrage » et la « santé des troupeaux ». Ils ont été fondés sur un pourcentage des paiements relatifs à la saison de prélèvement de 2003‑2004 des appelantes. Il n'était pas exigé dans les renonciations que les appelantes rendent compte des paiements au titre du FST ou décrivent par ailleurs l'utilisation qu'elles en faisaient.

 

[47]        Bien que les appelantes aient été liées par une série de modalités — neuf dans le cas de River Hills et huit dans le cas d'Avalon et de Bar M — aucune d'elles n'exigeait que les appelantes utilisent en fait les paiements au titre du FST exclusivement pour couvrir les dépenses liées au « fourrage » et à la « santé des troupeaux ». Cela dénote que Wyeth était disposée à verser les paiements au titre du FST, que les appelantes aient engagé ou non des dépenses pour le « fourrage » et la « santé des troupeaux ».

 

[48]        Wyeth n'a pas exigé que les appelantes conservent leurs troupeaux destinés au prélèvement d'UJG pour pouvoir recevoir les paiements au titre du FST. Elles étaient seulement tenues de fournir à Wyeth le nombre vérifié de chevaux à des dates précises jusqu'au 1er octobre 2005 dans le cas de River Hills, et jusqu'au 1er février 2005 dans le cas d'Avalon et de Bar M. De plus, dans le cas de River Hills, le paragraphe 3 de la clause relative aux paiements au titre du FST envisage expressément la vente de chevaux sans que cela ait une incidence quelconque sur les paiements au titre du FST, à la condition que Wyeth soit avisée par écrit des ventes réalisées. Sans chevaux, il ne pouvait pas y avoir de dépenses pour le « fourrage » et la « santé des troupeaux ». Les clauses relatives aux paiements au titre du FST ne prévoyaient aucun mécanisme de rajustement qui aurait réduit les montants à payer pour couvrir les dépenses relatives au fourrage et à la santé des troupeaux si les appelantes vendaient leurs troupeaux après la signature des renonciations.

 

[49]        Enfin, la clause que contiennent les renonciations d'Avalon et de Bar M au sujet des paiements relatifs à la saison de prélèvement de 2003‑2004 prévoyait le paiement de la quantité complète d'estrogènes conjugués durant la saison de prélèvement. Dans le cours ordinaire des entreprises des appelantes, ce montant aurait couvert leurs dépenses d'exploitation, y compris les dépenses relatives au « fourrage » et la « santé des troupeaux ». Ces incohérences donnent à penser que les paiements au titre du FST n'étaient pas destinés à indemniser les appelantes des dépenses qu'elles engageaient pour le « fourrage » et la « santé des troupeaux ».

 

B.      L'analyse des éléments de preuve extrinsèques

 

[50]        Les appelantes sont d'avis que les éléments de preuve qui suivent confirment que les paiements au titre du FST étaient des paiements de résiliation de contrat destinés à protéger l'image de Wyeth et à l'exonérer de toute réclamation future.

 

1.       Wyeth a résilié de nombreux contrats conclus avec des producteurs d'UJG.

 

2.       Il était entendu par les parties que les paiements au titre du FST étaient liés à la résiliation des accords de prélèvement.

 

3.       Les appelantes ont reçu les paiements au titre du FST même si elles n'avaient pas de chevaux ou même si elles avaient nettement moins de chevaux que le nombre présent dans leurs entreprises de prélèvement d'UJG au moment de la résiliation du contrat.

 

4.       Les appelantes savaient que Wyeth versait les paiements en réponse à des préoccupations exprimées dans les médias au sujet de la vente de chevaux à des abattoirs.

 

5.       Wyeth informait les fermes des activités du groupe People for the Ethical Treatment of Animals (PETA), que ces activités aient lieu ou non.

 

6.       Il y avait des confrontations entre l'industrie pharmaceutique et divers groupes de protection des droits des animaux — un fait de notoriété publique.

 

[51]        Il ressort clairement de la jurisprudence déjà citée qu'une preuve de l'intention subjective des parties n'occupe « aucune place indépendante » dans le processus d'interprétation. Une preuve concernant la compréhension qu'avaient les parties quant à l'utilisation prévue des paiements au titre du FST n'est donc pas admissible.

 

[52]        Pour ce qui est du troisième point, je ne souscris pas à l'affirmation de l'intimée selon laquelle les faits qui sont survenus après la signature des renonciations débordent le cadre de la présente analyse et ne devraient pas être admis en vue d'interpréter les renonciations. Selon les propos du juge Nadon dans l'arrêt GM, une conduite ultérieure peut être un guide utile pour l'interprétation d'un accord écrit « dans certains cas »[19]. En fait, dans l'ouvrage intitulé The Law of Contract in Canada, l'auteur signale : [TRADUCTION] « Au Canada, il semble évident que les actes ultérieurs des parties peuvent être admis pour expliquer le sens et l'intention véritables de leur entente[20]. » En fait, [TRADUCTION] « il n'y a pas de meilleure façon de déterminer l'intention des parties que d'examiner ce qu'elles ont fait en vertu de cette entente »[21].

 

[53]        L'intimée a formulé des objections de ouï-dire au sujet des éléments de preuve concernant les premier, troisième, quatrième et cinquième points. J'ai pris ces éléments de preuve en délibéré.

 

[54]        Madame McIntyre, Mme Marsh et M. Meggison ont signalé que les circonstances qui ont donné lieu à l'inclusion du paragraphe IV 6 dans les accords de prélèvement concernant la saison de 2003‑2004 sont décrites dans cette disposition‑là :

 

[TRADUCTION]

 

Bien-être des animaux

 

6. LE FOURNISSEUR est tenu d'aviser sans délai LA SOCIÉTÉ de toute enquête que mène ou de toutes autres mesures que prend une société de protection des animaux ou tout organisme d'enquête au sujet de mauvais traitements dont un animal quelconque aurait été victime.

 

[55]        Madame et M. McIntyre ont tous deux déclaré que Wyeth avait exprimé de vive voix des inquiétudes au sujet des activités de groupes de défense des droits des animaux et avait informé les producteurs d'UJG que si la PETA ou une société de protection des animaux quelconque les approchait, ils devaient en aviser Wyeth afin qu'elle puisse envoyer un porte‑parole. M. Meggison a déclaré que les « organismes d'enquête » auxquels fait référence le paragraphe IV 6 des accords de prélèvement de 2003‑2004 incluaient peut‑être la PETA, parce qu'il était de notoriété publique parmi les producteurs d'UJG que cette organisation n'appréciait pas les entreprises de prélèvement d'UJG.

 

[56]        Selon moi, il est bien connu que des groupes de défense des droits des animaux contestent l'utilisation que fait l'industrie pharmaceutique d'animaux à des fins d'essai et de production de médicaments. La clause IV de l'accord de prélèvement dénote que Wyeth s'inquiétait des actes de tels groupes.

 

[57]        L'intimée soutient que les appelantes n'avaient pas été [TRADUCTION] « privées d'une possibilité de négocier des modalités plus favorables ». Elles avaient eu le temps de passer en revue les modalités des renonciations avant d'y souscrire. Je ne suis pas d'accord avec cet argument. Je préfère la preuve des appelantes selon laquelle les renonciations étaient à prendre ou à laisser. Je conclus que la décision de Wyeth de résilier les accords de prélèvement a mis les appelantes dans une situation financière précaire. Je signale également que Wyeth est une société de grande expérience et bien nantie, tandis que les appelantes sont des agricultrices que la destruction de leurs entreprises de prélèvement d'UJG a plongées dans de sérieuses difficultés financières. La lettre accompagnant les renonciations concernant River Hills et Avalon laisse entendre que l'offre de règlement de Wyeth n'était pas négociable :

 

[TRADUCTION]

 

Conformément à notre récente conversation téléphonique [« discussion », dans le cas d'Avalon] au sujet de votre exploitation de prélèvement d'UJG, vous trouverez ci-jointe une renonciation et entente à examiner et signer.

 

[...]

 

Pour pouvoir participer aux programmes décrits dans la renonciation et entente, vous devez en renvoyer une copie signée à Wyeth Organics dans les 28 jours [« 14 jours », dans le cas d'Avalon] à compter de la date de réception de la présente lettre.

 

[...]

 

Si vous souscrivez à ce qui précède, veuillez dater, signer et renvoyer la copie ci‑jointe de la présente lettre.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[58]        Bien qu'il y ait quelques différences entre les renonciations des appelantes quant aux montants payés et, dans le cas de River Hills, quant aux types de paiements reçus, les renonciations sont, essentiellement, des contrats types que Wyeth a rédigés. Il ressort de la lettre citée ci‑dessus, de même que du témoignage des appelantes, qu'on a présenté à ces dernières une offre à prendre ou à laisser.

 

[59]        À mon avis, la preuve que les appelantes ont produite et qui est analysée ci‑dessus peut être admise, parce qu'elle se rapporte à la matrice factuelle ou aux circonstances entourant les renonciations, et parce que les clauses relatives aux paiements au titre du FST sont ambiguës à la lumière des incohérences susmentionnées. Ces éléments de preuve étayent la thèse des appelantes selon laquelle les paiements au titre du FST ont été maquillés en indemnisation des dépenses pour le « fourrage » et la « santé des troupeaux » alors qu'en réalité ils visaient à dédommager les appelantes de la destruction des entreprises de prélèvement d'UJG qu'elles avaient établies et à obtenir une renonciation en faveur de Wyeth à l'égard d'éventuelles poursuites.

 

VI.     Conclusion

 

[60]        En l'espèce, les parties ont convenu qu'il faut appliquer le principe de la substitution afin de pouvoir caractériser les paiements au titre du FST. De façon générale, cela veut dire que ces paiements ont la même nature que ce pour quoi ils représentent une indemnisation.

 

[61]        Au vu de la preuve, je conclus que Wyeth a présenté les renonciations aux appelantes en vue de se protéger contre d'éventuelles poursuites ainsi que contre des critiques publiques en raison de la destruction des troupeaux destinés au prélèvement d'UJG dans l'Ouest canadien.

 

[62]        Il est clair aussi que les actes de Wyeth ont mené à la destruction des entreprises de prélèvement d'UJG des appelantes. Les accords de prélèvement étaient la source de la totalité ou de la quasi-totalité de leurs revenus. Sans cette source de revenus, les troupeaux destinés au prélèvement d'UJG et le matériel utilisé pour ces activités devenaient inutiles en tant qu'immobilisations.

 

[63]        Aux termes des accords de prélèvement, Wyeth n'était pas tenue de payer les dépenses de « fourrage » et de « santé des troupeaux » des appelantes. Cette obligation incombait exclusivement aux appelantes. Wyeth était tenue de payer le tarif convenu pour les quantités fournies d'UJG. En appliquant le raisonnement qu'a formulé le juge en chef adjoint Bowman dans la décision BP Canada, je conclus que la résiliation des accords de prélèvement a mené à la « stérilisation d'une immobilisation ». Les appelantes ont été contraintes de fermer leurs portes.

 

[64]        Wyeth espérait peut‑être que les appelantes se servent des paiements au titre du FST pour couvrir les dépenses de « fourrage » et de « santé des troupeaux », mais il ressort de la preuve qu'elles n'étaient nullement tenues de le faire. Il ressort également de la preuve que les appelantes, si elles le voulaient, pouvaient liquider leurs troupeaux destinés au prélèvement d'UJG et qu'elles l'ont fait pendant un temps d'une durée variable. Le fait de décrire les paiements au titre du FST comme des dépenses de « fourrage » et de « santé des troupeaux » ne change rien au fait que ces paiements ont été faits pour dédommager les appelantes de la perte de leurs entreprises de prélèvement d'UJG qu'entraînait la résiliation, par Wyeth, des accords de prélèvement. Je conclus donc que les paiements au titre du FST étaient des rentrées de capital, et qu'ils n'étaient nullement différents des paiements liés à la saison de prélèvement et des paiements aux éleveurs, que le ministre a traités comme des rentrées de capital. Les paiements au titre du FST donnent donc lieu à un gain en capital.

 

[65]        Pour tous ces motifs, les appels sont accueillis et les affaires déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations, conformément aux présents motifs du jugement.

 

Signé à Magog (Québec), ce 2e jour d'août 2013.

 

 

« Robert J. Hogan »

Le juge Hogan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour d'octobre 2013.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                           2013 CCI 248

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :       2009-1597(IT)G

                                                                   2009-1586(IT)G

                                                                   2009-1911(IT)G

 

INTITULÉS :                                              River Hills Ranch Ltd. c. Sa Majesté la Reine

 

                                                                   Bar M Stock Ranch Ltd. c. Sa Majesté la Reine

 

                                                                   Avalon Ranch Ltd. c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                           Regina (Saskatchewan)

 

DATES DE L'AUDIENCE :                       Les 21, 22, 23 et 24 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       L'honorable juge Robert J. Hogan

 

DATE DU JUGEMENT :                           Le 2 août 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat des appelantes :

Me James C. Yaskowich

Avocates de l'intimée :

Me Anne Jinnouchi

Me Nalini Persaud

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour les appelantes :

 

          Nom :                   James C. Yaskowich

          Cabinet :     Felesky Flynn

                             Edmonton (Alberta)

 

Pour l'intimée :     William F. Pentney

                             Sous-procureur général du Canada

                             Ottawa, Canada



[1] [2002] A.C.I. no 545 (QL).

 

[2] [1988] A.C.F. no 524 (QL).

 

[3] 88 D.T.C. 6347.

 

[4] 2007 ONCA 205, 85 R.J.O. (3e) 254, au par. 24.

 

[5] The Law of Contract in Canada, 6e éd. (Toronto, Carswell, 2011), à la p. 440.

 

[6] Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd., [1993] 2 R.C.S. 316, à la p. 341.

 

[7] Ibidem, aux p. 341 et 342.

 

[8] [1998] 2 R.C.S. 129.

 

[9] R. c. General Motors du Canada Limitée, 2008 CAF 142.

 

[10] Ibidem, au par. 36.

 

[11] On-Line Finance & Leasing Corporation c. La Reine, 2010 TCC 117, 2010 D.T.C. 1135.

 

[12] 2007 ONCA 59, [2007] O.J. no 298 (QL), 279 D.L. R. (4th) 201, aux par. 51 à 56.

 

[13] [1998] 1 All E.R. 98.

 

[14] Dumbrell, précité à la note 12, par. 56, citant le lord juge Steyn.

 

[15] Kentucky Fried Chicken Canada, a Division of Pepsi-Cola Canada Ltd. c. Scotts' Food Services Inc., [1998] O.J. no 4368 (QL) (C.A. Ont.) (« KFC »).

 

[16] [1976] 1 W.L.R. 989, aux p. 995 et 996 (Ch. des lords).

 

[17] Observations écrites pour le compte de l'intimée, au par. 16.

 

[18] Gilchrist c. Western Star Trucks Inc., 2000 BCCA 70, [2000] B.C.J. no 164 (QL).

 

[19] Précité à la note 9, par. 49.

 

[20] Précité à la note 5, à la p. 451.

 

[21] Bank of Montreal c. University of Saskatchewan (1953), 9 W.W.R. (N.S.) 193 (B.R. Sask.), à la p. 199.

 

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