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Dossier : 2012-3070(IT)I

ENTRE :

JEAN DRAGO,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appel entendu le 19 juillet 2013, à Québec (Québec).

 

Devant : L’honorable juge Gaston Jorré

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

Marcel Tremblay

Avocat de l’intimée :

Me Martin Lamoureux

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JUGEMENT

          Selon les motifs du jugement ci-joints, l’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2007 est accueilli, sans frais, et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que :

 

a)    6 000 $ des 36 939 $ en cause sont des dépenses courantes,

b)    30 939 $, soit le solde des montants en cause, sont des dépenses en capital et l’appelant peut demander, s’il le désire, une déduction pour amortissement du montant en conformité avec la Loi de l’impôt sur le revenu et le Règlement de l’impôt sur le revenu.

 

Signé à Calgary (Alberta), ce 21e jour d’août 2013.

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 


 

 

Référence : 2013 CCI 257

Date : 20130821

Dossier : 2012-3070(IT)I

ENTRE :

JEAN DRAGO,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Jorré

 

Les faits

 

[1]             L’appelant appelle d’une cotisation relative à son année d’imposition 2007, année au cours de laquelle il a acheté une propriété locative et a déduit certaines dépenses de rénovations comme dépenses courantes. Il a élu la procédure informelle.

 

[2]             L’intimée ne conteste pas le montant de ces dépenses ni le fait qu’elles soient liées à la propriété locative. Par contre, selon l’intimée il s’agit de dépenses amortissables.

 

[3]             En 2006, la mère de l’appelant a reçu un avis selon lequel le propriétaire de son logement avait l’intention de récupérer le logement et d’y emménager. Sa mère savait qu’il y avait un logement vacant dans l’immeuble en question ici, immeuble à quelques pas de chez elle.

 

[4]             Le 22 juin 2007, l’appelant a acheté une moitié indivise de l’immeuble en question au coût de 150 000 $. Sa moitié indivise comprenait deux logements. En conséquence, chaque logement a coûté 75 000 $ à l’appelant. L’édifice a été construit en 1910[1].

 

[5]             L’appelant a payé 15 000 $ comptant. Quant au solde de 135 000 $, l’appelant s’est engagé à payer ce solde sur une période de 20 ans à un taux d’intérêt de 7 % par versements mensuels de 1 046 $, soit 523 $ par logement. La dette est garantie par hypothèque[2].

 

[6]             Je note qu’à un taux de 7 %, l’appelant verse à peu près 9 450 $ en intérêt au cours des 12 premiers mois ou environ 787 $ par mois, dont 393 $ par logement.   

 

[7]             Un des logements avait un locataire et l’appelant avait l’intention de continuer à le louer.

 

[8]             L’autre logement n’avait pas été loué depuis quelque temps[3]. L’intention de l’appelant était de louer ce deuxième logement à sa mère.

 

[9]             L’appelant a fait beaucoup de travaux au logement loué à sa mère. Ces travaux ont été faits non seulement avant que sa mère y emménage, mais avant qu’il achète la propriété.

 

[10]        Il n’a pas fait de rénovations au logement qui était déjà loué.

 

[11]        Les dépenses de rénovations en question sont de 36 939 $. Presque toutes ces dépenses sont des dépenses pour l’achat de matériaux. Il y a seulement un montant de 4 360 $ payé pour du travail de démolition[4]. La raison pour laquelle la proportion des dépenses pour l’achat de matériaux est si élevée est que l’appelant a fait presque tout le travail lui-même; il a travaillé de 30 à 40 heures par semaine pendant une période de quatre mois.

 

[12]        L’appelant a témoigné qu’il aurait pu louer le deuxième logement tel quel et j’accepte son témoignage sur cette question.

 

[13]        L’appelant a effectué, entre autres, les travaux suivants : l’appelant a changé trois des fenêtres; il a enlevé les cinq ou six épaisseurs de papier peint qu’il y avait sur les murs; il a arraché les cloisons sèches; il a mis de l’isolant à la place du papier qu’il y avait dans les murs; il a refait les murs; il a également remplacé les fils électriques; il a remplacé les éviers; il a changé les armoires de cuisine.

 

[14]        Selon l’appelant, le logement rénové serait bon pour une période de 8 à 10 ans.

 

[15]        L’appelant voulait que le logement soit beau pour sa mère. 

 

[16]        L’appelant a témoigné qu’il a remplacé plus ou moins ce qui était là. Pour les raisons qui suivent, je n’accepte pas le témoignage de l’appelant sur ce point particulier.

 

[17]        L’appelant a loué le logement rénové à sa mère pour 625 $ par mois.

 

[18]        Il n’y a pas en preuve de description détaillée des travaux ni de ventilation détaillée des dépenses par type de travail effectué[5].

 

Analyse

 

[19]        Une abondante jurisprudence existe sur la question de savoir si une dépense, par ailleurs déductible, est une dépense courante, c’est-à-dire une dépense qui peut être déduite dans l’année où elle est encourue, ou une dépense en capital amortissable qui doit être déduite sur une période d’années[6].

 

[20]        Bien que les mécanismes de la comptabilité et de la Loi de l’impôt sur le revenu soient différents et que les détails soient différents, globalement, avec l’amortissement, les deux cherchent à donner une idée plus juste du profit quand une dépense va durer un certain temps en répartissant cette dépense sur une période donnée.

 

[21]        L’idée générale derrière tout cela est qu’une dépense courante et répétitive qui ne dure pas longtemps est déduite dans l’année où la dépense a été faite, tandis qu’une dépense qui doit durer un certain temps sera répartie sur une période d’années.

 

[22]        Il faut considérer divers indices, y compris :

 

a)    la nature de la dépense,

b)    le temps pendant lequel va durer le résultat (plus la durée est longue, plus il est probable que la dépense soit une dépense en capital),

c)    s’il s’agit de dépenses qui ont pour effet de remettre en état ce qu’il y avait avant, sans amélioration, ou s’il s’agit d’une amélioration (s’il s’agit de simple remise en état, il est plus probable qu’il s’agisse de dépenses courantes; s’il y a amélioration, il est plus probable qu’il s’agisse d’une dépense en capital),

d)    si l’effet des dépenses est d’augmenter la valeur du bien (un indice qui penche en faveur d’une dépense en capital),

e)    quand il y a un grand nombre de travaux, en les examinant collectivement, s’il s’agit plus d’une amélioration que d’une simple remise en état (mais il se peut, même dans le cas d’un grand nombre de travaux, que certains des travaux doivent être examinés séparément des autres).

 

[23]        Bien que le quantum des dépenses en soi ne démontre rien, il peut, par exemple, en comparaison avec un prix d’achat récent, être un indice qui tend à indiquer qu’il s’agit d’une amélioration.

 

[24]        Il faut tenir compte de tous les indices en évaluant la question.

 

[25]        Ici, il y a plus qu’une simple réparation courante. Par exemple, en enlevant le papier peint et les cloisons sèches, en mettant de l’isolant moderne quand il y avait auparavant du papier et en refaisant les murs intérieurs, il y a amélioration. 

 

[26]        Le fait que l’appelant voulait un bel appartement pour sa mère en combinaison avec le fait qu’il a dépensé presque 37 000 $ en plus d’avoir travaillé de 30 à 40 heures par semaine pendant quatre mois, un investissement très important par rapport au prix d’achat de 75 000 $, est également un indice d’une amélioration plutôt que d’une simple réparation.

 

[27]        De plus, le fait que l’appelant avait prévu que ces travaux éviteraient la nécessité de faire des travaux significatifs au logement de sa mère pendant les 8 à 10 ans à venir est également un indice qu’il s’agit de dépenses en capital.

 

[28]        Je suis donc globalement convaincu qu’il s’agit de dépenses en capital.

 

[29]        J’ai examiné la preuve en me demandant s’il y avait une partie des travaux qui était de nature courante.

 

[30]        Comme je l’ai déjà dit, la preuve ne donne pas vraiment de détails des travaux ni des dépenses liées aux travaux particuliers. Il m’est donc impossible de voir de façon systématique si certains des travaux devraient individuellement être traités comme des dépenses courantes.

 

[31]        Le seul indice qui suggère qu’il y a des dépenses courantes est le fait que la liste des achats comprend des petites dépenses. Je vois également qu’il y a des achats de peinture, une dépense qui est typiquement de nature courante. En raison de cela et du fait qu’il y a une forte probabilité qu’au moins une modeste partie des travaux soit de nature courante[7], je conclus qu’un montant de 6 000 $ du total de 36 939 $ en cause représente des dépenses courantes. Le reste du total, soit 30 939 $, représente des dépenses en capital pour lesquelles l’appelant peut réclamer de l’amortissement.

 

[32]        L’appel sera accueilli, mais seulement pour permettre des modifications limitées relativement au montant de 6 000 $ en dépenses courantes dont il est question ci-dessus et pour permettre à l’appelant, s’il le désire, de demander une déduction pour amortissement.

 

[33]        En conclusion, l’appel est accueilli et le tout est renvoyé au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis ce qui suit :

 

a)    6 000 $ des 36 939 $ en cause sont des dépenses courantes,

b)    30 939 $, soit le solde des montants en cause, sont des dépenses en capital et l’appelant peut demander, s’il le désire, une déduction pour amortissement du montant en conformité avec la Loi de l’impôt sur le revenu et le Règlement de l’impôt sur le revenu.

 

[34]        Vu le succès assez limité de l’appelant, il n’y aura pas de frais.

 

Signé à Calgary (Alberta), ce 21e jour d’août 2013.

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 257

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :    2012-3070(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            JEAN DRAGO c. LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 19 juillet 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :     L’honorable juge Gaston Jorré

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 21 août 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelant :

Marcel Tremblay

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Martin Lamoureux

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                     Nom :                          

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)

 



[1] Pièce I-2, page 1.

[2] Pièce A-1, pages 4 et 5.

[3] À un certain moment, l’ancien propriétaire avait gardé la moitié indivise achetée par l’appelant pour l’utilisation de sa fille en été, car elle venait avec son enfant. Toutefois, après une certaine date, sa fille ne pouvait plus venir et le logement était resté vide. L’ancien propriétaire a divisé ce logement en deux, dont un était loué et l’autre vacant.

[4] Pièce I-1, troisième page, dernière ligne.

[5] Voir la pièce I-1. Seulement une longue liste d’achats préparée par la vérificatrice a été déposée en preuve; cette liste ne permet pas de savoir à quels travaux spécifiques les divers achats sont liés.

[6] Voir, par exemple, l’article du professeur John W. Durnford, « The Deductibility of Building Repair and Renovation Costs » (1997), 45 Canadian Tax Journal 395-416.

[7] Aucun montant n’a été reconnu comme dépense courante par le ministre.

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