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Dossier : 2012-221(IT)G

ENTRE :

WILGUENS EXACTE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Demande pour proroger le délai imparti pour déposer une demande afin d’infirmer un jugement pour défaut de comparaître ou de procéder, entendue le 9 avril 2018 à Montréal (Québec).


Devant : L’honorable juge Réal Favreau

Comparutions :

Avocat de l’appelant :

Me Amin Njonkou Kouandou

Avocat de l’intimée :

Me Alain Gareau

 

ORDONNANCE

  La demande afin de proroger le délai imparti pour déposer une demande afin d’infirmer un jugement pour défaut de comparaître ou de procéder est rejetée avec dépens en faveur de l’intimée, conformément aux motifs de l’ordonnance ci‑joints.

Signé à Montréal, Québec, ce 11e jour de juillet 2018.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


Référence : 2018 CCI 137

Date : 20180711

Dossier : 2012-221(IT)G

ENTRE :

WILGUENS EXACTE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DE L’ORDONNANCE

Le juge Favreau

[1]  Il s’agit ici d’une demande pour proroger le délai imparti pour déposer une demande afin d’infirmer un jugement rendu par cette Cour le 30 novembre 2012 pour défaut de comparaître ou de procéder (le « jugement ») dans le dossier de l’appelant portant le numéro 2012-221(IT)G. Cette demande est présentée en vertu de l’article 12 et du paragraphe 140(2) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les »Règles »).

[2]  Les cotisations à l’origine du litige sont les nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre ») datées du 9 août 2010 pour les années d’imposition 2006 et 2007 de l’appelant en vertu desquelles les montants suivants ont été ajoutés à son revenu en tant qu’avantage imposable à l’actionnaire en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu L.R.C. (1985) ch.1 (5ième suppl.), telle que modifiée (la « Loi ») :

2006 : 457 546 $

2007 : 382 291 $

[3]  Les montants ajoutés au revenu de l’appelant correspondent aux montants de dépenses réclamées par la société 9123-5267 Québec inc. (la « Société »), pour les années d’imposition se terminant les 31 mars 2006 et 2007, lesquelles ont été refusées par l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») par des cotisations établies le 12 juillet 2010.

[4]  En plus des montants ajoutés au revenu de l’appelant pour les années d’imposition 2006 et 2007, le ministre lui a imposé des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi parce que l’appelant a fait, volontairement ou à tout le moins dans des circonstances équivalant à une faute lourde, une présentation erronée de ses revenus en produisant ses déclarations de revenu pour les années d’imposition 2006 et 2007.

[5]  La Société a été constituée le ou vers le 28 novembre 2002 en vertu de la Partie 1A de la Loi sur les compagnies du Québec et l’appelant en est l’unique administrateur et l’unique actionnaire.

[6]  Au cours des années d’imposition en litige, la Société exploitait une boutique Rogers appelée « Planète mobile » située au 6000, boulevard Henri‑Bourassa Est à Montréal.

[7]  L’appelant se décrit en tant que consultant en affaires, mettant à profit son expérience, son réseau et ses connaissances afin d’aider les entreprises débutantes à atteindre leur plein potentiel.

[8]  L’appelant a, le 10 janvier 2011, logé auprès de l’ARC un avis d’opposition à l’encontre des nouvelles cotisations établies à son égard, datées du 9 août 2010, et une décision sur opposition a été rendue par l’ARC à l’encontre de l’appelant le ou vers le 3 octobre 2011 concernant ses années d’imposition 2006 et 2007, laquelle maintenait intégralement les nouvelles cotisations.

[9]  Le 29 décembre 2011, l’appelant a déposé, par l’intermédiaire de Me Laurent Tessier du cabinet Ravinsky Ryan Lemoine, s.e.n.c.r.l., un avis d’appel à la Cour canadienne de l’impôt concernant les nouvelles cotisations datées du 9 août 2010 pour les années d’imposition 2006 et 2007.

[10]  Un avis de cesser d’occuper a été déposé auprès de cette Cour le 2 mai 2012 par les avocats de l’appelant Ravinsky Ryan Lemoine, s.e.n.c.r.l.

[11]  Le 28 juin 2012, l’intimée a produit à la Cour une réponse à l’avis d’appel de l’appelant, suite à une permission préalablement donnée par l’avocat de l’appelant pour déposer hors délai.

[12]  Un avis d’audience sur l’état de l’instance daté du 25 octobre 2012 a été envoyé aux parties par courrier recommandé par madame Linda Martel, pour le greffier de la Cour. L’avis d’audience sur l’état de l’instance a été envoyé à l’adresse de l’appelant au 7272, rue Maurice-Duplessis, bureau 205, Montréal, Québec, H1E 6Z7, lequel avis a été retourné par Postes Canada avec la mention « non réclamé ». Un deuxième avis a été envoyé par la Cour, le 20 novembre 2012, à la même adresse par courrier ordinaire cette fois.

[13]  L’audience sur l’état de l’instance s’est déroulée aux bureaux de la Cour à Montréal le 30 novembre 2012, sans comparution de l’appelant. Madame la juge D’Auray a alors accordé la requête en rejet d’appel pour défaut de comparution présentée par l’intimée.

[14]  L’ordonnance de la Cour rejetant les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi et datées du 9 août 2010 pour les années d’imposition 2006 et 2007 a été signée le 10 décembre 2012 et a été transmise à l’appelant par courrier recommandé le 11 décembre 2012 à l’adresse du 7272, rue Maurice‑Duplessis, bureau 205 à Montréal. Cette lettre a été retournée à la Cour par Postes Canada avec la mention « non réclamée » et a été par la suite transmise le 9 janvier 2013 à la même adresse par courrier ordinaire.

[15]  Dans la déclaration sous serment modifiée de l’appelant, datée du 1er février 2018 et déposée au soutien de sa demande, l’appelant allègue entre autres choses,

  • a) qu’il n’a pas reçu d’avis d’audition ou d’autres informations en provenance de la Cour l’informant de l’audition de sa cause;

  • b) qu’il était sous l’impression que les avis d’opposition logés auprès de l’ARC le ou vers le 10 janvier 2011 étaient toujours en cours de traitement et qu’il recevrait éventuellement un suivi de la part de l’ARC suivant leur analyse des motifs soulevés dans lesdits avis d’opposition;

  • c) qu’il n’a été mis au courant des informations quant à la décision sur opposition du 19 décembre 2012 et de l’ordonnance de la Cour canadienne de l’impôt du 10 décembre 2012 qu’après avoir reçu de madame Solette Agenor, la conjointe de l’appelant, une copie d’une demande formelle de paiement de l’ARC adressée à la société Corporation Exacte Inc., visant un montant dû par l’appelant d’un montant maximal de 568 001.08 $. Madame Agenor est l’unique administratrice et l’unique actionnaire de Corporation Exacte Inc.;

  • d) qu’après avoir pris connaissance de la demande formelle de paiement, il a mandaté ses procureurs afin d’obtenir des informations concernant la demande formelle de paiement transmise à Corporation Exacte Inc. ainsi que des informations quant à son dossier personnel;

  • e) qu’il avait octroyé un mandat clair et non équivoque au cabinet Ravinsky Ryan Lemoine s.e.n.c.r.l. de contester les nouvelles cotisations datées du 9 août 2010 auprès des autorités compétentes ce qui incluait une contestation auprès de la Cour canadienne de l’impôt advenant une décision sur opposition négative rendue dans son dossier par l’ARC.

[16]  L’appelant a témoigné à l’audience. Il a expliqué que son adresse d’affaires pendant les années 2003 à 2016 était située au 7272, boulevard Maurice‑Duplessis, bureau 205 à Montréal, mais qu’en 2007 il y a eu une subdivision de l’adresse en 205A et 205B pour desservir la porte adjacente indépendante. Le local adjacent était inoccupé et la boîte aux lettres était toujours fermée.

[17]  L’appelant a indiqué qu’il se rendait à son adresse d’affaires qu’une fois aux deux semaines, qu’il était le seul à avoir accès à ce local et que, pendant les années 2010, 2011 et 2012, il travaillait à partir de sa résidence.

[18]  L’appelant a mis en preuve un courriel envoyé le 14 décembre 2011 à Me Jean-François Poulin et à Me Laurent Tessier, leur demandant de prendre charge de son dossier et de produire les avis d’opposition au plus tard le 3 janvier 2012.

[19]  L’appelant a reconnu que des avis d’appel à la Cour canadienne de l’impôt avaient été produits par le cabinet Ravinsky Ryan Lemoine s.e.n.c.r.l. , soit un pour lui et un pour la Société, mais qu’il ne les a pas lus avant le dépôt à la Cour.

[20]  L’appelant a affirmé qu’il n’avait jamais reçu les documents suivants :

  • l’avis de cessation d’occuper du cabinet Ravinsky Ryan Lemoine s.e.n.c.r.l. daté du 2 mai 2012, mais livré par Les Messageries Speedo le 25 mai 2012 au 7272, boulevard Maurice-Duplessis, bureau 205 à Montréal;

  • les avis d’audience sur l’état de l’instance de la Cour, datés du 25 octobre et du 20 novembre 2012;

  • l’ordonnance de la Cour datée du 10 décembre 2012 transmise le 11 décembre 2012 et le 9 janvier 2013;

  • la facture du cabinet Ravinsky Ryan Lemoine s.e.n.c.r.l. datée du 4 mai 2012 transmise à l’appelant à l’adresse du 7272, boulevard Maurice‑Duplessis, bureau 205 à Montréal.

[21]  En contre-interrogatoire, l’appelant a reconnu avoir fourni à ses procureurs son adresse de correspondance au 7272, boulevard Maurice-Duplessis, bureau 205 à Montréal comme en témoignent la facture du 6 janvier 2012, du cabinet Ravinsky Ryan Lemoine s.e.n.c.r.l. et la demande de prorogation du délai imparti pour interjeter appel produite à la Cour le 20 septembre 2017 par Me Marie-Hélène Tremblay du cabinet Miller Thomson s.e.n.c.r.l. (sans la référence au bureau 205 dans cette dernière correspondance).

[22]  Me Laurent Tessier a témoigné à l’audience et l’avocat de l’appelant l’a relevé de son secret professionnel. Me Tessier a expliqué qu’il a rencontré l’appelant à 2 reprises, le 2 novembre 2011 et le 22 décembre 2011, pour préparer et finaliser les avis d’appel pour lui et la Société, lesquels avis d’appel ont été produits à la Cour. Me Tessier a précisé qu’il avait préparé les avis d’appel mais qu’ils ont été signés par Me Marie-Hélène Tremblay pour et au nom de Me Tessier; Me Tremblay faisait alors partie du cabinet Ravinsky Ryan Lemoine s.e.n.c.r.l.

[23]  Me Tessier a indiqué que la facture d’honoraires du 6 janvier 2012 avait été transmise à l’appelant par la poste régulière à son adresse de correspondance, soit au 7272, boulevard Maurice-Duplessis, bureau 205 à Montréal, H1E 6Z7.

[24]  Me Tessier a également indiqué qu’une autre facture d’honoraires, datée du 4 mai 2012 a été envoyée à l’appelant pour les services rendus entre le 6 janvier 2012 et le 26 avril 2012 par la poste régulière à la même adresse.

[25]  Comme l’appelant n’a pas payé la facture d’honoraires du 6 janvier 2012, le cabinet Ravinsky Ryan Lemoine s.e.n.c.r.l. a transmis à l’appelant par courrier recommandé une lettre datée du 3 mai 2012 accompagnée des avis de cessation d’occuper dans les dossiers de l’appelant et de la Société. Cette lettre a été livrée le 25 mai 2012 toujours à la même adresse, soit au 7272, boulevard Maurice‑Duplessis à Montréal H1E 6Z7.

[26]  Me Tessier a de plus indiqué qu’il ne sait pas si les factures d’honoraires de son cabinet ont été reçues par l’appelant et, à sa connaissance, il n’y a pas eu de retour de courrier concernant les avis de cessation d’occuper.

[27]  Madame Sophie Rousseau, agente des appels à l’ARC, qui était responsable du dossier de l’appelant n’a pas témoigné à l’instance, mais l’avocat de l’intimée a produit en preuve une déclaration sous serment de cette dernière dans laquelle elle relate l’historique du dossier et les communications qu’elle a eues avec l’appelant au cours de l’été et de l’automne 2011.

[28]  Dans sa déclaration, madame Rousseau explique qu’au cours de l’été 2011, plusieurs lettres ont été envoyées à l’appelant au 7170, rue des Colombes à Laval qui était la dernière adresse de correspondance inscrite au dossier de l’ARC. Ces lettres demandaient à l’appelant de fournir les faits relatifs à son dossier et ses motifs d’opposition. Comme l’appelant n’a pas donné suite aux lettres de l’ARC, le dossier a été notifié le 3 octobre 2011.

[29]  Par une lettre datée du 3 octobre 2011, l’ARC a avisé l’appelant que les cotisations établies pour ses années d’imposition 2006 et 2007 étaient confirmées. Comme cette lettre envoyée par Xpress Post à la dernière adresse connue de l’appelant a été retournée à l’ARC, une copie de l’avis de ratification du ministre a été envoyée par courrier régulier le 21 octobre 2011.

[30]  Le 25 novembre 2011, l’appelant a communiqué par téléphone avec madame Rousseau et l’a informée qu’il n’avait pas reçu les lettres de confirmation et que son adresse était le 7272, Maurice-Duplessis, appartement 205 à Montréal. Selon les notes de madame Rousseau, elle a alors informé l’appelant que les avis de cotisation pour ses années d’imposition 2006 et 2007 avaient été ratifiés et que la prochaine étape était d’en appeler à la Cour canadienne de l’impôt.

[31]  Lors d’une conversation téléphonique du 28 novembre 2011, madame Rousseau a réitéré à l’appelant que la prochaine étape était d’en appeler à la Cour canadienne de l’impôt. Lors de cette conversation, l’appelant a informé madame Rousseau qu’il avait retenu les services d’un avocat et il a demandé à madame Rousseau de lui transmettre copie des lettres de ratification du 3 et du 21 octobre 2011, ce qui fait fut fait le jour même par une lettre adressée au 205‑7272 Maurice-Duplessis, Montréal (Québec) H1E 6Z7.

[32]  Lors d’une conversation téléphonique du 29 novembre avec l’appelant, alors qu’il se trouvait au bureau de l’ARC à Montréal avec une agente du service à la clientèle, madame Rousseau lui a répété que la prochaine étape était d’en appeler à la Cour canadienne de l’impôt et elle lui a indiqué comment faire. Au terme de cette conversation, l’appelant a indiqué à madame Rousseau qu’il ferait appel à la Cour canadienne de l’impôt. Durant cette même conversation téléphonique, l’agent du service à la clientèle a confirmé à madame Rousseau qu’elle avait effectué le changement d’adresse de l’appelant au système électronique de l’ARC pour y indiquer le 205-7272 Maurice-Duplessis à Montréal.

[33]  Lors d’une conversation téléphonique du 20 décembre 2011, l’appelant a demandé à madame Rousseau de lui faire parvenir par télécopieur, copie des rapports d’opposition pour son dossier personnel et pour le dossier de sa Société pour qu’il puisse les remettre à son avocat, ce qui fut fait le jour même.

[34]  Pour compléter les faits du dossier, il y a lieu de préciser que le cabinet Miller Thomson s.e.n.c.r.l. a cessé d’occuper à titre de procureur de l’appelant le 2 février 2018 par un avis adressé à son adresse de correspondance du 7272, boulevard Maurice-Duplessis, bureau 205 à Montréal, H1E 6Z7, mais signifié par l’huissier le 6 février 2018 à l’adresse 3737, boul. Crémazie E #1100, Montréal, Canada, H1Z 2K4 et par courriel à l’adresse will@exactecommunications.com.

I. Questions à trancher

[35]  Est-ce que la Cour canadienne de l’impôt devrait

  • a) exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 12 des Règles et prolonger le délai de présentation d’une demande d’ordonnance en vertu du paragraphe 140(2) des Règles ?

  • b) émettre une ordonnance en vertu du paragraphe 140(2) des Règles et annuler le jugement ?

II. Analyse

[36]  Le paragraphe 140(2) des Règles confère à la Cour canadienne de l’impôt le pouvoir discrétionnaire d’annuler ou de modifier un jugement ou une ordonnance contre une partie qui a omis de se présenter à une audience, si la demande est faite dans les 30 jours après le prononcé du jugement ou de l’ordonnance. En l’espèce, l’appelant a présenté sa demande plus de 5 ans après l’ordonnance du 10 décembre 2012 par laquelle la Cour canadienne de l’impôt rejetait l’appel de l’appelant pour défaut de comparution. Comme la demande a été présentée très au-delà de la limite de 30 jours, l’appelant demande à la Cour d’exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui confère la paragraphe 12(1) des Règles de prolonger le délai prévu au paragraphe 140(2) des Règles et permettre la poursuite de son appel.

[37]  Dans l’arrêt Thomas c. Sa Majesté la Reine, 2007 CAF 86, la Cour d’appel fédérale a rappelé les facteurs qui sont généralement examinés dans les demandes de prorogation de délai, à savoir :

  • a) l’intention constante de poursuivre l’appel;

  • b) le fait que l’appel ait un bien-fondé;

  • c) le fait qu’aucun préjudice ne soit causé à l’autre partie en raison du retard;

  • d) le fait qu’une explication raisonnable justifie le retard.

[38]  Les faits dont il faut tenir compte dans une demande de cette nature doivent établir l’intention constante de poursuivre l’appel. Suite à la réception des nouvelles cotisations datées du 9 août 2010, l’appelant a préparé lui-même un avis d’opposition aux cotisations en litige et une décision sur opposition a été rendue par l’ARC le 3 octobre 2011. L’appelant a, par la suite, mandaté le cabinet Ravinsky Ryan Lemoine s.e.n.c.r.l. afin de préparer et produire l’avis d’appel à l’encontre des nouvelles cotisations en litige, ce qui fut fait le 29 décembre 2011. Par la suite, plus rien, c’est le silence total jusqu’à ce que l’appelant obtienne une copie de la demande formelle de paiement transmise par l’ARC à la société Corporation Exacte Inc. le 26 juillet 2017. Il mandate alors le cabinet Miller Thomson s.e.n.c.r.l. pour obtenir des informations concernant l’état de son dossier auprès de l’ARC et ces derniers déposent le 29 septembre 2017 une demande à la Cour canadienne de l’impôt pour proroger le délai imparti pour interjeter appel à l’encontre des nouvelles cotisations en litige.

[39]  L’appelant affirme qu’il croyait que ses oppositions étaient toujours en cours de traitement et qu’il recevrait éventuellement un suivi de la part de l’ARC suivant leur analyse des motifs soulevés dans ses oppositions. Cela me semble être totalement farfelu et non crédible, compte tenu de la déclaration assermentée de l’agente des appels à l’effet que l’appelant n’a fait aucune représentation quant à ses motifs d’opposition et qu’elle ait indiqué à l’appelant à trois reprises que son seul recours était devant la Cour canadienne de l’impôt.

[40]  L’appelant n’a pas pris de mesures concrètes pour poursuivre son appel après que le cabinet Ravinsky Ryan Lemoine s.e.n.c.r.l. ait cessé d’agir en son nom en mai 2012 pour défaut de paiement de leurs notes d’honoraires, soit sur une période d’environ 5 ans. Il n’a jamais recommuniqué avec eux si ce n’est qu’il y a 1 ou 2 semaines avant l’audience de cette demande pour obtenir des documents. L’appelant est sorti de sa période d’inaction qu’en 2017 après avoir pris connaissance d’une demande formelle de paiement de l’ARC à l’endroit de la société Corporation Exacte Inc.

[41]  À mon avis, cette période d’inaction de 5 ans n’est pas raisonnable dans les circonstances et les raisons avancées par l’appelant pour justifier ce retard ne m’apparaissent pas être crédibles. L’appelant a fait preuve d’une très grande négligence dans la façon dont il a mené son dossier après avoir logé son avis d’appel.

[42]  L’excuse voulant qu’il n’a pas reçu les communications de la Cour canadienne de l’impôt suite à l’ordonnance du 10 décembre 2012 ne tient pas la route, ces communications ayant été transmises à l’adresse que l’appelant avait lui-même fournie à l’ARC le 29 novembre 2011, à ses procureurs, soit les cabinets Ravinsky Ryan Lemoine s.e.n.c.r.l. et Miller Thomson s.e.n.c.r.l. et à la Cour dans son avis d’appel. L’explication fournie par l’appelant à l’effet qu’il y a eu une modification de l’adresse civique au 7272, boulevard Maurice‑Duplessis, bureau 205 à Montréal en 2007 n’est absolument pas crédible parce que ce changement aurait eu lieu avant le 29 novembre 2011, date à laquelle l’appelant a fait changer son adresse dans le système de l’ARC.

[43]  Concernant la question de savoir si l’appel est fondé ou non, je dois dire que j’en doute fort. Dans son avis d’appel, l’appelant allègue que les dépenses réclamées par la Société sont appuyées par des pièces justificatives qu’il n’a jamais soumises et qu’il n’y a pas eu appropriation de fonds de la Société de sa part. Dans la réponse à l’avis d’appel, l’intimée allègue (1) que l’appelant a déclaré de très bas revenus au cours des années vérifiées, (2) qu’avec le concours de sa conjointe, l’appelant a acheté 2 immeubles en 2002 et 2006 valant au total plus de 800 000 $, (3) que l’appelant n’a pas donné accès aux livres et registres de la Société lors de la vérification et (4) qu’au niveau des oppositions, l’appelant n’a pas fait de représentations.

[44]  Par contre, comme l’une des questions en litige dans l’appel est l’imposition de pénalités pour faute lourde et comme l’intimée a le fardeau de justifier ces pénalités, je ne vois pas comment je pourrais conclure que l’appel n’est pas fondé.

[45]  Pour ce qui est du préjudice en raison du retard, l’intimée n’a pas fait valoir qu’elle subirait un préjudice important s’il est fait droit à la demande. Par contre, l’appelant subirait un préjudice grave si la demande devait être rejetée, car l’appelant devra payer des impôts sur une somme totalisant 839 837 $, en plus des pénalités pour faute lourde.

[46]  Concernant le facteur de l’explication raisonnable du retard, l’appelant n’a pas été en mesure d’expliquer la raison pour laquelle il ne s’est pas présenté à l’audience sur l’état de l’instance et le retard entre la date de l’ordonnance de la Cour et la date à laquelle il a pris connaissance de ladite ordonnance. De plus, il n’a soumis aucune explication du retard entre la date où il a pris connaissance de l’ordonnance de la Cour et la date du dépôt de la demande. Les procureurs de l’appelant ont présenté une demande de prorogation du délai imparti pour interjeter appel le 20 septembre 2017, alors qu’un avis d’appel à l’encontre des cotisations en litige avait été produit le 29 décembre 2011. L’appelant n’a pas fourni d’explications concernant cette erreur manifeste et il m’apparaît évident que l’appelant a omis de divulguer cette information à ses procureurs.

III. Conclusion

[47]  Compte tenu de ce qui précède, je conclus qu’il n’y a pas lieu d’accorder à l’appelant une prorogation de délai pour déposer sa demande afin d’infirmer l’ordonnance de la Cour du 10 décembre 2012. Son absence d’intention constante de poursuivre l’appel et le manque d’explications pour le fait d’avoir tardé à demander une prorogation de délai justifient le rejet de la demande. L’absence de préjudice causé à l’intimée et le fait qu’il y ait un fondement à l’appel sous-jacent ne suffisent pas à mon avis pour que j’accorde la prorogation.

[48]  La demande est par conséquent rejetée avec dépens en faveur de l’intimée. L’avocat de l’intimée a demandé des dépens supérieurs à ceux prévus au tarif, mais il ne m’a pas donné une raison convaincante pour laquelle de tels dépens seraient appropriés.

Signé à Montréal, Québec, ce 11e jour de juillet 2018.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


RÉFÉRENCE :

2018 CCI 137

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2012-221(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

WILGUENS EXACTE c. LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 avril 2018

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PAR :

L’honorable juge Réal Favreau

DATE DE L’ORDONNANCE :

Le 11 juillet 2018

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelant :

Me Amin Njonkou Kouandou

Avocat de l’intimée :

Me Alain Gareau

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Me Amin Njonkou Kouandou

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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