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Dossier : 2013-1603(IT)G

ENTRE :

CBS CANADA HOLDINGS CO.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


Requête entendue le 25 janvier 2018, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge K. Lyons.

Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me Edwin G. Kroft, c.r.

Me Jeffrey Trossman

Me Jeffrey M. Shafer

 

Avocate de l’intimée :

Me Naomi Goldstein 

 

ORDONNANCE

  Vu la requête présentée par l’appelante (la « requête ») pour faire exécuter les modalités du procès-verbal de la transaction, y compris l’annexe A (le « procès-verbal »), dont ont convenu les parties au titre paragraphe 169(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »);

  Et après avoir entendu les observations des parties et pris connaissance des documents déposés;

  LA COUR ORDONNE que la requête de l’appelante soit accueillie avec dépens, que les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies pour les années d’imposition prenant fin le 7 mars 2007 et le 31 décembre 2007 soient accueillis et que les nouvelles cotisations soient renvoyées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation au titre de l’alinéa 171(1)b) de la LIR, conformément aux modalités du procès-verbal.

   Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de septembre 2018.

« K. Lyons »

La juge Lyons

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de septembre 2019.

Elisabeth Ross, jurilinguiste


Référence : 2018 CCI 188

Date : 20180912

Dossier : 2013-1603(IT)G

ENTRE :

CBS CANADA HOLDINGS CO.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

La juge Lyons

[1]  CBS Canada Holdings Co., l’appelante (« CBS »), a déposé une requête en exécution (la « requête ») contre l’intimée, dans laquelle elle demande, au titre de l’alinéa 171(1)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu,  une ordonnance accueillant les appels et renvoyant les nouvelles cotisations au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, conformément aux modalités stipulées dans le procès-verbal de la transaction, y compris l’annexe A, dont ont convenu les parties (le « procès-verbal »). Tout de suite après le dépôt de cette requête, la Cour a été avisée qu’un règlement avait été conclu au titre du paragraphe 169(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[2]  CBS soutient que le procès-verbal constitue une entente de règlement valide et exécutoire conclue après huit mois de négociation et que le ministre est obligé d’établir de nouvelles cotisations pour les années d’imposition de CBS prenant fin le 7 mars 2007 et le 31 décembre 2007 (collectivement, les « années d’imposition 2007 »), le 31 décembre 2008, le 31 décembre 2009 et le 31 décembre 2010 (collectivement, les « années d’imposition subséquentes ») conformément au procès-verbal. Le ministre devait notamment réattribuer à CBS une perte autre qu’une perte en capital de 24 366 301 $ (la « perte autre qu’une perte en capital ») pour son année d’imposition ayant pris fin le 7 mars 2007. CBS soutient que la perte autre qu’une perte en capital subie par ses prédécesseurs dans les années antérieures aux années d’imposition 2007 peut être reportée.

[3]  L’intimée s’oppose à la requête. Elle soutient que le procès-verbal constitue une entente illégale inexécutable, indéfendable au regard des faits, qui ne s’accorde pas avec la réalité, de sorte que le ministre ne peut légalement établir de nouvelles cotisations à l’endroit de CBS en conformité avec le procès-verbal et ne peut être obligé à le faire.

[4]  La présente requête a été déposée parce que, cinq semaines après la signature du procès-verbal, l’intimée a avisé CBS que l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») avait décelé une erreur de fait, c’est-à-dire qu’aucune perte autre qu’une perte en capital ne pouvait être reportée aux années d’imposition 2007 [1] .

[5]  Tous les renvois à des dispositions dans les présents motifs sont des renvois à la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »).

I. Les faits

[6]  Il est utile de revenir sur les faits qui ont mené CBS à interjeter ses appels visant les années d’imposition 2007. CBS est le successeur, à la suite d’une fusion, de plusieurs autres sociétés liées exploitant diverses entreprises. De 1999 au 1er juillet 2002, Famous Players Inc. et ses prédécesseurs (« FP ») ont exploité une entreprise qui présentait des films dans des cinémas loués et menait d’autres activités connexes [2] . De 1999 au 30 juin 2002, Viacom Canada Outdoor Inc. (« VOC ») et Viacom Entertainment Canada Inc. (« VEC ») exploitaient toutes deux des entreprises à perte [3] .

[7]   Le 1er juillet 2002, Viacom Canada Inc. (« Viacom ») a été formée à la suite de la fusion de plusieurs sociétés, dont FP, VOC et VEC. Le 27 mars 2006, Viacom a été renommée CBS Canada Holdings Co. (c’est-à-dire CBS) [4] .

[8]  Le 8 mars 2007, CBS a été visée par une fusion avec plusieurs autres sociétés liées, ce qui explique pourquoi deux de ses années d’imposition se sont terminées en 2007, soit le 7 mars 2007 et le 31 décembre 2007 [5] .

[9]  Dans ses déclarations de revenus pour chacune de ses années d’imposition se terminant en 2007, CBS a déduit une perte autre qu’une perte en capital dans le calcul de ses revenus. CBS soutient que cette perte a été subie par ses prédécesseurs au cours d’années antérieures et qu’elle a le droit d’en reporter 25 751 078 $ à l’année d’imposition se terminant en mars 2007 et 7 557 852 $ à l’année d’imposition se terminant en décembre 2007 [6] .

[10]  Le ministre a établi de nouvelles cotisations relativement aux montants des pertes autres que des pertes en capital que CBS pouvait reporter et a fixé ces montants à 893 260 $ pour l’année d’imposition se terminant en mars 2007 et à 382 594 $ pour l’année d’imposition se terminant en décembre 2007. Le report du reste des pertes autres que des pertes en capital a été refusé au motif que les sommes étaient inférieures à celles déclarées par CBS [7] . Le ministre a également jugé que certaines dépenses relatives au loyer déduites par CBS dans des années d’imposition antérieures n’étaient pas déductibles (les « déductions pour le loyer »).

[11]  Dans les actes de procédure, les questions sont formulées ainsi :

[TRADUCTION]

Avis d’appel

48.   L’appelante devait-elle payer l’impôt établi au titre de la partie I et les intérêts pour chacune des années d’imposition 2007?

49.   Plus particulièrement :

a)   les pertes autres que des pertes en capital des années antérieures de 25 751 078 $ et de 7 557 852 $ étaient-elles déductibles dans le calcul du revenu imposable de l’appelante pour l’année d’imposition se terminant en mars 2007 et l’année d’imposition se terminant en décembre 2007, respectivement?

b)   les frais de location inscrits dans les états financiers conformes aux PCGR étaient-ils déductibles dans le calcul des pertes autres que des pertes en capital des prédécesseurs de l’appelante?

Réponse

  • 15 [...]

  1. quel est le montant de perte autre qu’une perte en capital qui peut être reporté aux années d’imposition prenant fin le 7 mars 2007 et le 31 décembre 2007;

  2. les prédécesseurs de l’appelante ont-ils le droit de déduire une somme supérieure aux frais de location réellement payés durant l’année dans le calcul de leurs revenus en application de la Loi de l’impôt sur le revenu […]

[12]  La principale question dans l’appel interjeté par CBS est le montant de la perte autre qu’une perte en capital qui peut être reporté et déduit pour l’année d’imposition se terminant en mars 2007. À cet égard, CBS allègue le fait suivant dans son avis d’appel :

[traduction]

35.   Viacom Canada [c’est-à-dire Viacom], un des prédécesseurs de l’appelante, a déduit 25 751 078 $ de pertes autres que des pertes en capital subies lors d’années antérieures dans le calcul de ses revenus imposables pour l’année d’imposition se terminant en mars 2007.

[13]  L’intimée a reconnu ce qui suit dans sa réponse : [traduction] « [D]ans le calcul de ses revenus imposables pour l’année d’imposition se terminant en mars 2007, Viacom Canada […] a déduit 25 751 078 $ de pertes autres que des pertes en capital subies lors d’années antérieures. Le ministre nie que Viacom Canada ait subi de telles pertes autres que des pertes en capital pouvant être reportées et déduites dans le calcul des revenus pour l’année d’imposition se terminant en mars 2007. Elle nie le reste des faits allégués au paragraphe 35 de l’avis d’appel [8] . »

[14]  À l’appui de sa requête, l’appelante a déposé un affidavit de Me Deborah Toaze, associée du cabinet Blake, Cassels & Graydon S.E.N.C.R.L./s.r.l. (l’« affidavit de Me Toaze »).

[15]  À l’appui de sa thèse, l’intimée a déposé un affidavit de Jean François Houle, chef d’équipe intérimaire à la Division des appels de l’ARC (l’« affidavit de M. Houle »).

L’offre

[16]  Le 24 avril 2014, les avocats de CBS ont transmis à l’avocate de l’intimée une lettre accompagnée d’une offre (l’« offre ») de règlement de l’appel. Au paragraphe 2.7 de cette offre, CBS proposait de renoncer aux déductions pour le loyer et poursuivait ainsi au paragraphe 2.8 :

[traduction]

2.8   Strictement pour l’exécution de l’offre de transaction sans préjudice, le ministre et l’appelante conviennent que les soldes révisés des pertes autres que des pertes en capital de l’appelante seront appliqués, conformément aux dispositions de la Loi (y compris le sous-alinéa 111(3)b)(i)), conformément à l’annexe A ci-jointe.

[17]  L’annexe A de l’offre présentait l’application proposée des soldes révisés des pertes autres que des pertes en capital (et l’utilisation des pertes en capital) pour les années d’imposition 2007; on y lisait notamment ce qui suit :

[traduction]

Rajustements nets de la transaction

Année d’imposition se terminant le 7 mars 2007 :

Pertes supplémentaires autres qu’en capital : (24 366 301,00 $)

Moins les pertes en capital rejetées :   1 540 380,00

  (22 825 921,00 $)

Année d’imposition se terminant le 31 mars 2007 :

Pertes supplémentaires autres qu’en capital :   0,00

Moins les pertes en capital rejetées :  14 356 044,23

  14 356 044,23 $

Rajustement net total :   (8 469 876,77 $)

 

Comparaison avec les rajustements du rapport de vérification :

 

Année d’imposition se terminant le 7 mars 2007 :    23 317 492,00

Année d’imposition se terminant le 31 mars 2007 :    (7 180 786,23)

  16 136 705,77 $

[18]  Dans une lettre datée du 21 mai 2014 (la « lettre de mai »), l’avocate de l’intimée a avisé les avocats de CBS que le montant des pertes autres que des pertes en capital indiqué à l’annexe A différait du montant figurant dans les dossiers de l’ARC et que l’ARC espérait fournir [traduction] « une annexe révisée indiquant les montants de pertes autres que des pertes en capital établis en fonction de ses dossiers » avant la fin de mai 2014 [9] .

[19]  De ce moment jusqu’au 17 septembre 2014, l’avocate de l’intimée a demandé à l’ARC de fournir l’annexe révisée [10] . L’intimée a ensuite envoyé une lettre datée du 17 septembre 2014 aux avocats de CBS, dans laquelle il était écrit que l’ARC [traduction] « ne conteste pas les pertes autres que des pertes en capital indiquées à l’annexe A jointe à la lettre datée du 24 avril 2014 [11] . »

[20]  L’avocate de l’intimée, dans une lettre datée du 22 octobre 2014, a fourni aux avocats de CBS des versions préliminaires des formulaires T7W-C préparés par l’ARC pour les années d’imposition 2007 (demandés par CBS aux fins d’examen dans le cadre de l’offre) et pour les années d’imposition subséquentes (demandées subséquemment par CBS) [12] . Ces formulaires montraient les ajustements apportés au revenu imposable de CBS à la suite de l’application de la transaction proposée.

[21]  Le 26 octobre 2014, les avocats de CBS ont avisé l’avocate de l’intimée des changements proposés par CBS aux versions préliminaires des formulaires T7W-C pour les années d’imposition subséquentes seulement; CBS a reçu des versions préliminaires révisées le 10 décembre 2014 [13] . Les versions préliminaires pour chacune des années sont jointes au procès-verbal, aux annexes B à F.

[22]  Le 12 décembre 2014, les avocats de CBS ont envoyé à l’avocate de l’intimée la version préliminaire d’un procès-verbal de transaction ainsi que la version préliminaire d’un avis de désistement; ils déclaraient : [traduction] « [N]ous espérons que nous pourrons signer les documents la semaine prochaine et que l’ARC établira des nouvelles cotisations conformément au procès-verbal et aux formulaires T7WCs que vous avez fournis [14] . » L’avocate de l’intimée a fait part aux avocats de CBS d’observations et de changements à apporter aux versions préliminaires des deux documents dans une lettre datée du 18 décembre 2014; les changements ont été intégrés [15] .

[23]  Le 19 décembre 2014, le procès-verbal a été signé et transmis par les avocats de CBS à l’avocate de l’intimée avec un avis de désistement signé (le « désistement ») [16] . Une copie de l’annexe A de l’offre a été jointe au procès-verbal.

L’acceptation

[24]  Le 7 janvier 2015, l’avocate de l’intimée a signé le procès-verbal avec l’annexe A qui y était jointe, puis en a remis une copie aux avocats de CBS. Le même jour, l’avocate de l’intimée a avisé la Cour par lettre que les parties étaient parvenues à un règlement au titre du paragraphe 169(3) et a demandé la suspension des appels [17] .

[25]  Le 12 janvier 2015, la Cour a informé les avocats des parties que les appels seraient suspendus en attendant l’envoi par le ministre des avis de nouvelle cotisation établis conformément au procès-verbal.

Les faits postérieurs à la signature du procès-verbal

[26]   Le 16 février 2015, l’avocate de l’intimée a téléphoné aux avocats de CBS et a laissé un message concernant le procès-verbal. Elle a ensuite avisé Me Toaze que l’ARC avait des questions concernant l’annexe A du procès-verbal et que l’exécution du procès-verbal posait problème. L’avocate de l’intimée a demandé des renseignements concernant la perte autre qu’une perte en capital [18] .

[27]  Les avocats de CBS ont fait parvenir à l’avocate de l’intimée une lettre datée du 19 février 2015 dans laquelle ils réitéraient la position de CBS selon laquelle il existait une entente exécutoire et les nouvelles cotisations devaient être établies [19] .

[28]  Le 20 février 2015, l’avocate de l’intimée a avisé CBS que, [traduction] « contrairement à ses conclusions précédentes, l’ARC a récemment découvert qu’il n’y avait pas de pertes autres que des pertes en capital pouvant être reportées aux années d’imposition visées dans l’appel » et ne pouvait produire des nouvelles cotisations qui sont contraires aux dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu. L’avocate de l’intimée a demandé à CBS de faire parvenir, si elle en avait, tout renseignement qui pourrait amener l’ARC à tirer une autre conclusion [20] .

[29]  Dans une lettre datée du 10 mars 2015, l’avocate de l’intimée a avisé la Cour qu’il y avait [traduction] « une erreur de fait relativement à la transaction » et que le ministre ne pouvait exécuter de transactions contraires à la Loi de l’impôt sur le revenu [21] . CBS a immédiatement demandé la gestion de l’instance et a informé la Cour qu’elle déposerait une requête. Le juge chargé de la gestion de l’instance a rendu une ordonnance fixant un échéancier (l’« ordonnance de requête ») encadrant le dépôt de la requête de CBS.

[30]  L’intimée a ensuite signifié à CBS une demande d’aveux (la « demande »), lui demandant d’admettre que, [traduction] « en date du 23 avril 2014, l’appelante n’avait pas de solde de 24 366 301 $ de pertes autres que des pertes en capital subies au cours d’années d’imposition antérieures à 2007 ».

[31]  CBS a demandé que soit tenue d’urgence une conférence téléphonique de gestion de l’instance et, quatre jours plus tard, a présenté une requête provisoire demandant qu’aucune mesure autre que les mesures prévues dans l’ordonnance de requête ne soit prise par l’une ou l’autre des parties à l’appel jusqu’à ce que la présente requête soit entendue. L’intimée s’est opposée et n’était pas disponible. La demande et la requête provisoire ont été suspendues jusqu’à ce que la Cour rende une ordonnance ou que le juge chargé des requêtes donne une directive (l’« ordonnance de suspension »).

[32]  Par la suite, l’intimée a contre-interrogé Me Toaze au sujet de son affidavit pour vérifier l’exactitude et la véracité des affirmations, des renseignements et des pièces relativement au procès-verbal et à la perte autre qu’une perte en capital.

[33]  Trois mois après que l’ordonnance de suspension a été rendue, l’intimée a demandé qu’une partie de l’ordonnance de suspension soit révoquée et qu’on entende une requête en radiation de l’affidavit de Me Toaze. Après avoir fait observer qu’il n’y avait pas eu appel de l’ordonnance de suspension, le juge chargé de la gestion de l’instance a répété que le juge chargé des requêtes était le mieux placé pour déterminer quels éléments de preuve devaient être présentés à la Cour, y compris en ce qui concerne la requête, et il a ordonné aux parties de déposer toute requête visant à faire exclure des éléments de preuve immédiatement avant que soit entendue la requête.

[34]  L’intimée a déposé une requête en radiation de l’affidavit de Me Toaze ou de parties de celles-ci (la « requête en radiation »), à l’appui de laquelle elle invoque de nombreux motifs [22] . La requête a été ajournée jusqu’à la décision du juge des requêtes sur la requête en radiation.

[35]  La requête en radiation a été accueillie, l’affidavit de Me Toaze a été radié et CBS a reçu l’autorisation de produire un autre affidavit à l’appui de sa requête, conformément à sa demande. Au lieu de déposer un autre affidavit, CBS a interjeté appel de l’ordonnance. L’appel a été accueilli par la Cour d’appel fédérale au motif que « [l]a juge de la Cour canadienne de l’impôt a eu raison de conclure que, dans la mesure où l’Annexe A a été présentée pour prouver la réalité et l’origine des pertes qu’elle mentionnait, elle était inadmissible, sauf dans la mesure de ce que permet l’approche fondée sur les principes applicable relativement à la règle du ouï-dire. Toutefois, la juge de la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en prêtant à CBS une intention qu’elle n’avait pas manifestée, à savoir celle de prouver ses pertes autres qu’en capital en présentant en preuve l’annexe A. » La Cour d’appel fédérale a ajouté que, « [s]’il est question des pertes dans la requête en exécution, CBS sera liée par ses choix quant aux éléments de preuve qu’elle a présentés » [23] .

II. La question en litige

[36]  La question dans la présente requête consiste à déterminer si le procès-verbal constitue une entente de règlement valide et exécutoire qui est opposable au ministre. Il faut d’abord établir si une entente a été conclue par les parties. Le cas échéant, s’agissait-il d’une entente exécutoire opposable au ministre, comme le soutient CBS, ou s’agissait-il d’une entente illégale et indéfendable au regard des faits, qui ne s’accorde pas avec la réalité, comme l’affirme l’intimée?

III. Les thèses des parties

[37]  Selon CBS, le fait que l’intimée ait accepté le procès-verbal, le 7 janvier 2015, crée un contrat valide et juridiquement contraignant avec CBS, lequel est opposable au ministre. CBS soutient que la perte autre qu’une perte en capital (c’est-à-dire les 24 366 301 $) peut être reportée et découlait d’un regroupement existant de pertes autres que des pertes en capital de 296 385 732 $ (les « pertes regroupées »  ou « 296 M$ ») subies lors d’années antérieures aux années d’imposition 2007, pour lesquelles le ministre a établi de nouvelles cotisations en fonction des documents déposés par CBS. CBS soutient que les parties ont convenu, dans le procès-verbal, de réattribuer ou de répartir différemment les pertes regroupées entre les différentes années d’imposition, conformément à l’annexe A, y compris la perte autre qu’une perte en capital qui devait être appliquée à l’année d’imposition se terminant en mars 2007. En refusant d’établir une nouvelle cotisation et d’exécuter le procès-verbal, le ministre a manqué à ses obligations.

[38]  Initialement, l’intimée soutenait que le ministre avait commis une erreur en incluant la perte autre qu’une perte en capital et qu’il ne pouvait pas établir de nouvelles cotisations puisque l’entente était indéfendable au regard des faits et du droit. Plus tard, dans sa plaidoirie, elle a précisé sa position et a affirmé que l’entente était indéfendable au regard des faits, ne s’accordait pas avec la réalité et, par conséquent, était illégale et non opposable au ministre. De même, puisque CBS a choisi de ne pas produire d’éléments de preuve tangibles montrant l’existence de l’objet (c’est-à-dire la perte autre qu’une perte en capital des années antérieures à reporter à l’année d’imposition se terminant en mars 2007) ou établissant le montant de toute perte autre qu’une perte en capital, elle est liée par ce choix. Par conséquent, la Cour ne peut rendre d’ordonnance enjoignant au ministre d’établir de nouvelles cotisations sur les fondements indiqués puisque cela serait contraire aux faits et à la preuve.

IV. Analyse

[39]  Selon la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, [2014] 2 R.C.S. 633 (Sattva), dans l’interprétation des contrats écrits, les tribunaux doivent tenir compte des circonstances – le fondement factuel – dont les parties avaient connaissance au moment de la conclusion du contrat pour comprendre les modalités de l’entente conclue afin de déterminer « l’intention des parties et la portée de l’entente » [24] . Dans l’interprétation des contrats, le texte doit être lu dans son ensemble, en donnant aux mots y figurant leur sens ordinaire et grammatical.

[40]  Dans l’arrêt Apotex Inc. c. Allergan Inc., 2016 CAF 155, 399 D.L.R. (4th) 549 (Apotex), la Cour d’appel fédérale a établi le cadre juridique suivant pour déterminer si une entente de règlement existe [25]  :

  1. Les parties doivent avoir l’intention commune de créer des rapports juridiques.

  2. Il doit y avoir échange de contreparties entre les parties.

  3. Les conditions de l’accord doivent être suffisamment certaines.

  4. Il doit y avoir une offreet une acceptation correspondante de toutes les conditions essentielles.

V. Analyse

A. Le procès-verbal constitue-t-il une entente de règlement?

(i) Intention commune 

[41]  La première exigence dans l’arrêt Apotex demande que l’on détermine s’il existe des éléments de preuve objectifs démontrant que les parties avaient l’intention commune de créer des rapports juridiques.

[42]  L’offre de CBS datée du 24 avril 2014, accompagnée de l’annexe A, a été envoyée à l’intimée. Les négociations se sont poursuivies jusqu’au 7 janvier 2015, date à laquelle l’avocate de l’intimée a accepté et signé le procès-verbal accompagné de l’annexe A et a suspendu le désistement signé jusqu’à l’établissement des nouvelles cotisations par le ministre conformément au procès-verbal. Le même jour, l’intimée a avisé la Cour que les parties avaient conclu un règlement au titre du paragraphe 169(3).

[43]  Selon le procès-verbal, les parties conviennent, par l’intermédiaire des avocats autorisés, de régler les appels pour les années d’imposition 2007 et d’apporter des correctifs aux années d’imposition subséquentes [26] . D’un point de vue objectif, une personne raisonnable conclurait, en examinant le comportement des parties, y compris leurs communications écrites, que l’acceptation par l’intimée de l’offre de CBS démontre que les parties avaient l’intention commune de créer des rapports juridiques et qu’il est ainsi satisfait à la première exigence.

(ii) Contreparties

[44]  Il est également satisfait à la deuxième exigence puisqu’il y a eu échange de contreparties entre les parties. CBS a renoncé aux déductions pour le loyer, a donné avis de son désistement et a accepté le montant révisé des pertes autres que des pertes en capital figurant à l’annexe A. Le ministre a accepté d’établir de nouvelles cotisations à l’égard de CBS concernant ces pertes et d’apporter d’autres ajustements aux cotisations des années d’imposition 2007 et des années d’imposition subséquentes, conformément au procès-verbal.

(iii) Conditions suffisamment certaines

[45]  La troisième exigence veut que les conditions de l’entente soient suffisamment certaines, c’est-à-dire qu’elles montrent que les parties étaient objectivement d’accord et avaient l’intention de créer des rapports juridiques.

[46]  L’offre énonce les modalités de la transaction qui a finalement été conclue entre les parties dans le procès-verbal et à l’annexe A. Les parties ont convenu que le ministre refuserait diverses déductions (des pertes en capital pour les années d’imposition 2007, une perte autre qu’une perte en capital pour l’année d’imposition se terminant en décembre 2007, les déductions pour le loyer auxquelles CBS avait renoncé et les ajustements apportés pour les années d’imposition subséquentes) et accepterait les soldes révisés des pertes autres que des pertes en capital de CBS pour les années d’imposition 2007 conformément à l’annexe A, et qu’en contrepartie CBS se désisterait de l’appel [27] .

[47]  Les alinéas 3a) et 2.9a) du procès-verbal et de l’offre, respectivement, précisent la façon dont le ministre doit établir les nouvelles cotisations de CBS dans lesquelles il accorde une déduction pour l’année d’imposition se terminant en mars 2007. Ces dispositions sont rédigées ainsi :

[traduction]

Procès-verbal

3.   Le ministre doit établir de nouvelles cotisations pour les années d’imposition de l’appelante se terminant le 7 mars 2007 et le 31 décembre 2007 (les « années d’imposition 2007 ») et :

a)   autoriser la déduction par l’appelante, dans le cadre du calcul de son revenu imposable pour l’année d’imposition se terminant le 7 mars 2007, des pertes autres que des pertes en capital découlant d’années d’imposition antérieures équivalant à 24 366 301 $;

Offre

2.9   Le ministre doit établir de nouvelles cotisations pour les années d’imposition de l’appelante se terminant le 7 mars 2007 et le 31 décembre 2007 (les « années d’imposition 2007 ») et :

a)   autoriser la déduction par l’appelante, dans le cadre du calcul de son revenu imposable pour l’année d’imposition se terminant le 7 mars 2007, des pertes supplémentaires autres que des pertes en capital équivalant à 24 366 301 $; [...]

[48]  Le libellé de l’alinéa 3a) ([traduction] « des pertes autres qu’en capital découlant d’années d’imposition antérieures équivalant à 24 366 301 $ ») diffère de celui de  l’alinéa 2.9a) ([traduction] « des pertes supplémentaires autres que des pertes en capital équivalant à 24 366 301 $ ») en raison de modifications apportées à la suite de la demande de clarification que l’intimée a envoyée à CBS le 18 décembre 2014.

[49]  Les conditions énoncées dans le procès-verbal relativement à ce dont les parties ont convenu, aux mesures que les parties devaient prendre et aux motifs justifiant leurs actions en ce qui concerne les pertes autres que des pertes en capital et d’autres questions sont, à mon avis, suffisamment certaines et montrent que les parties étaient objectivement d’accord et avaient l’intention de créer des rapports juridiques.

(iv) Offre et acceptation correspondante de toutes les conditions essentielles

[50]  L’intimée soutient que, lorsqu’il a signé le procès-verbal, le ministre a présumé que la perte autre qu’une perte en capital existait, ce qui constitue un élément essentiel. L’offre de CBS a été envoyée à l’avocate de l’intimée et celle-ci l’a acceptée pour les motifs énoncés précédemment. L’avant-dernier paragraphe de l’offre comportait cette phrase : [traduction] « L’intimée peut accepter l’offre de transaction proposée dans la présente lettre en tout temps, jusqu’à ce que l’appelante la retire. »

[51]  Les communications échangées pendant les négociations confirment que le ministre a évalué l’offre et que le procès-verbal a été signé après que les parties ont clarifié certaines questions. Initialement, le ministre a posé des questions sur la perte autre qu’une perte en capital et a affirmé que l’ARC travaillait à une produire une annexe révisée. Pourtant, dans la lettre qu’il a adressée à CBS le 17 septembre 2014, il affirme que l’ARC ne contestait pas les pertes autres que des pertes en capital figurant à l’annexe A de l’offre, qui fait état de [traduction] « pertes supplémentaires autres qu’en capital » de 24 366 301 $ à appliquer à l’année d’imposition se terminant en mars 2007. Par souci de certitude, CBS avait demandé à l’ARC de préparer la version préliminaire du formulaire T7W-C pour l’année d’imposition se terminant en mars 2007, lequel a été joint au procès-verbal à l’annexe B et établit le montant de la perte autre qu’une perte en capital. Encore une fois, le libellé de l’alinéa 3a) du procès-verbal a été modifié pour qu’il y soit indiqué que la perte autre qu’une perte en capital découlait d’années antérieures aux années d’imposition 2007 (un changement demandé par l’intimée) et que le ministre acceptait que la perte autre qu’une perte en capital soit appliquée conformément à l’annexe A du procès-verbal. Ces éléments montrent que les parties s’entendaient sur la mise en œuvre.

[52]  Il y a clairement eu une offre et une acceptation correspondante de toutes les conditions essentielles au moment de la signature du procès-verbal, auquel étaient jointes les annexes A et B, ce qui confirme qu’il y avait entente entre les parties. De plus, la Cour a été avisée immédiatement qu’un règlement avait été conclu.

[53]  Je suis également d’avis que le fondement factuel du procès-verbal dont les parties avaient connaissance au moment de la signature montre clairement que les parties avaient l’intention de conclure une entente de règlement et comprenaient la portée des conditions au moment de la conclusion du procès-verbal.

B. L’entente de règlement était-elle exécutoire et opposable au ministre?

[54]  Dans l’arrêt Apotex, la Cour d’appel fédérale a reconnu d’autres critères pouvant constituer des exigences importantes concernant les ententes de règlement et a souligné que certaines lois pouvaient empêcher la conclusion d’ententes ou ajouter de nouvelles conditions obligatoires aux ententes [28] .

[55]  L’intimée a fait valoir que les principes énoncés dans les arrêts Galway c. Canada (Ministre du Revenu national), [1974] 1 C.F. 600, 74 D.T.C. 6355 (C.A.F.) (Galway), et CIBC World Markets Inc. c. La Reine, 2012 CAF 3, [2012] G.S.T.C. 4 (CIBC), doivent être considérés comme étant d’autres exigences importantes concernant les ententes de règlement conclues par le ministre. S’appuyant sur ces principes et sur d’autres, l’intimée a fait valoir que, dès que le ministre a eu connaissance de l’erreur (c’est-à-dire le fait que la perte autre qu’une perte en capital n’existait pas) se trouvant à l’alinéa 3a) du procès-verbal, l’entente par laquelle le ministre s’engageait à établir de nouvelles cotisations est devenue indéfendable au regard des faits et, par conséquent, illégale et inexécutable, ce qui a obligé la Cour à intervenir puisque l’entente ne s’accordait plus avec les faits ou la réalité [29] .

[56]  Selon le principe énoncé dans l’arrêt Galway, le ministre a l’obligation, selon la loi, de fixer le montant d’impôt exigible d’après les faits qu’il établit et en conformité avec son interprétation de la loi; il ne peut établir la cotisation à un montant fixé pour donner effet à un compromis. Après avoir appliqué le principe de l’arrêt Galway, dans Cohen c. La Reine, [1980] A.C.F. no 501 (QL), [1980] C.T.C. 318 (C.A.F.) (Cohen), la Cour d’appel fédérale a également conclu que  « [l]a convention par laquelle le Ministre accepterait de cotiser pour les fins de l’impôt sur le revenu autrement que suivant la loi serait à mon avis illicite » et que le droit d’établir une nouvelle cotisation est toujours exercé sous le régime de la législation applicable et non d’ententes contractuelles puisqu’elles sont des compromis sur les faits.

[57]  Dans l’arrêt CIBC, la Cour d’appel fédérale a souligné que les tribunaux ont donné effet à des transactions appliquant le droit fiscal à des faits convenus, mais que le ministre ne pouvait convenir de faits que dans les limites du principe de Galway, c’est-à-dire qu’il ne lui est pas permis de donner son accord à une cotisation injustifiable en fait et en droit. La Cour d’appel fédérale a affirmé que le ministre est tenu de rendre ses décisions en se fondant uniquement sur des considérations tirées de la Loi elle-même et qu’il ne peut conclure des « marchés » étrangers à ces considérations. De même, dans la décision Bolton Steel Tube Co. v. Canada, 2014 TCC 94, 2014 D.T.C. 1102 (Bolton), la juge Campbell a refusé de donner effet à la nouvelle cotisation après avoir conclu, à la lumière des éléments de preuve, que la nouvelle cotisation à laquelle le ministre avait donné son accord aux termes de l’entente de règlement ne s’accordait pas du tout avec les faits.

[58]  Le paragraphe 169(3) prévoit la possibilité de régler après consentement les appels relatifs à l’impôt sur le revenu et vise à faciliter la résolution de litiges par la conclusion d’ententes écrites.

[59]  Après avoir accepté de régler l’appel par la conclusion d’une entente écrite, l’appelante dans l’affaire 1390758 Ontario Corp. c. La Reine, 2010 CCI 572, 2010 D.T.C. 1385 (1390758), a tenté de se retirer de la transaction, au motif qu’elle ignorait les implications de la transaction, et a demandé que l’appel soit tranché sur le fond. Après avoir déterminé qu’une transaction avait été conclue, le juge Bowie a tiré les conclusions suivantes aux paragraphes 35, 36 et 37 :

35 Je suis d’accord avec le juge en chef Bowman et les auteurs Hogg, Magee et Li, à savoir qu’il y a de bonnes raisons de principe pour faire respecter les ententes négociées relatives à des litiges fiscaux qui ont été librement conclues entre les contribuables et les représentants du ministre. L’ajout du paragraphe 169(3) à la Loi en 1994 constitue une reconnaissance de ce fait par le Parlement. Ce n’est pas aux tribunaux de réexaminer le bien-fondé de telles ententes. Cette tâche revient comme il se doit au vérificateur général.

36 La réalité est que des litiges fiscaux sont réglés tous les jours dans ce pays. S’ils ne l’étaient pas et que chaque point litigieux devait être tranché dans un jugement, des arriérés impossibles à gérer s’accumuleraient rapidement et le système tomberait en panne.

37 La Couronne règle régulièrement des réclamations contractuelles et des réclamations en responsabilité civile délictuelle, déposées par elle ou contre elle. Aucune raison ne justifierait que les litiges fiscaux ne fassent pas également l’objet d’un règlement. Les deux parties à un litige ont le droit de savoir que, si elles investissent le temps et les efforts nécessaires en vue de négocier une transaction, l’entente les liera.

[60]  Ce raisonnement a été repris par la Cour dans la décision Huppe c. La Reine, 2010 CCI 644, 2011 D.T.C. 1042 (Huppe). Le juge Webb y a conclu que la question ne se posait pas en termes de tout ou rien, contrairement à l’arrêt Galway (où il fallait décider d’inclure ou non la totalité de la somme) et à l’arrêt Cohen (où il fallait décider si le revenu était ou non un gain en capital non imposable), et il a constaté que M. Huppe n’avait pas continué à négocier après que la Couronne eut désavoué l’entente [30] .

[61]  Dans l’arrêt CIBC, la Cour d’appel fédérale a souligné qu’aucun élément de la décision 1390758 n’infirmait le principe de l’arrêt Galway.

[62]  Récemment, la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt University Hill Holdings Inc. (589918 B.C. Ltd.) c. Canada, 2017 CAF 232, 2017 D.T.C. 5131 (University Hill), a réitéré les principes énoncés dans les arrêts Galway et CIBC et a conclu que l’établissement du montant de dépenses n’était pas une situation de tout ou rien, mais nécessitait un compromis quant aux faits et que, par conséquent, « la Cour n’interviendra que si les faits ne s’accordent aucunement avec la réalité [31]  ». La demande d’autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada a été rejetée très récemment [32] .

[63]  Un peu comme c’était le cas dans Huppe, il ne s’agit pas en l’espèce d’appliquer la méthode du tout ou rien, et CBS n’a pas pris de nouvelles mesures ni entamé de négociations après le désaveu de l’entente par l’intimée. Selon le procès-verbal, CBS pouvait déduire une perte autre qu’une perte en capital d’un montant supérieur à celui autorisé antérieurement par le ministre, quoique inférieur à celui déclaré au départ. La question devient la suivante : les faits convenus s’accordent-ils avec la réalité?

[64]  L’intimée affirme que le procès-verbal ne s’accorde pas avec la réalité. La réalité est que le solde de pertes autres que des pertes en capital de CBS découlant d’années antérieures à l’année d’imposition se terminant en mars 2007 et pouvant être reporté n’excédait pas 893 260 $ (« 893 000 $ »). CBS n’a pas nié ce [traduction] « fait unique », établi dans l’affidavit de M. Houle, et  n’a pas non plus présenté d’éléments de preuve démontrant le contraire [33] . Plus précisément, l’intimée soutient que l’affidavit de Me Toaze et les documents annexés ont été produits uniquement pour attester les faits ayant mené à la transaction et pour la justifier, non pour attester la véracité de leur contenu (c’est-à-dire attester l’existence de la perte de 24 366 301 $ figurant à l’annexe A du procès-verbal). Par conséquent, l’intimée soutient que, compte tenu des observations de CBS devant la Cour d’appel fédérale concernant cet affidavit et des observations de la Cour selon lesquelles, si de telles pertes sont en litige dans en l’espèce, CBS sera liée par le choix qu’elle aura fait de produire ou non des éléments de preuve, CBS est également liée par le choix qu’elle a fait à ce moment et à d’autres moments de ne pas produire d’éléments de preuve montrant l’existence des pertes autres que des pertes en capital. Notre Cour ne pouvait pas rendre d’ordonnance obligeant le ministre à établir une nouvelle cotisation sur le fondement que la perte autre qu’une perte en capital peut être reportée par CBS parce que la seule preuve incontestée présentée à la Cour est ce fait unique (selon lequel le montant de pertes autres que des pertes en capital pouvant être reporté à l’année d’imposition se terminant en mars 2007 est de 893 000 $).

[65]  Les allégations de l’intimée selon lesquelles la seule preuve incontestée est ce fait unique empêchent ou obscurcissent, selon moi, l’appréciation globale des autres faits que l’on connaît ou déduit de l’affidavit de M. Houle et montrent que la perte autre qu’une perte en capital convenue existe et repose sur une réalité objective. Dans une nouvelle cotisation antérieure, il avait été établi que le montant des pertes autres que des pertes en capital disponible s’élevait à 893 000 $. Toutefois, ce n’est là qu’une partie de l’équation. Des négociations subséquentes semblent avoir donné lieu à une caractérisation plus juste de la situation globale fondée sur des renseignements, et, après négociation, cela a mené les parties à s’entendre sur la réattribution de ces pertes.

[66]  Les parties ne contestent pas que CBS et ses prédécesseurs ont accumulé d’importantes pertes autres que des pertes en capital de l’année 2000 et jusqu’aux années d’imposition 2007. Ces pertes regroupées de 296 M$, mises en évidence par CBS dans ses observations à l’audience sur la présente requête, comportent les sommes énumérées à l’annexe 1 des présents motifs, qui ont fait l’objet d’une nouvelle cotisation par le ministre et qui figurent (selon une répartition annuelle) dans le tableau (le « tableau ») se trouvant au paragraphe 18 de l’affidavit de M. Houle et dans l’historique, à la pièce C.

[67]  En tant qu’agent des appels chargé d’examiner l’opposition de CBS aux cotisations pour les années d’imposition 2007, M. Houle a examiné l’historique des pertes autres que des pertes en capital de CBS pour les années d’imposition 1998 à 2005 (l’« historique ») préparé par le vérificateur. Les renseignements dans l’historique étaient tirés de la base de données électronique Cortax de l’ARC. L’historique présente les sommes par année; les trois dernières colonnes montrent respectivement les sommes déclarées par CBS, les sommes révisées par l’ARC et la différence entre les deux [34] . La base de données Cortax comprend toutes les sommes déclarées par CBS et ses prédécesseurs et est mise à jour automatiquement lorsque des sommes font l’objet d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation ou sont déterminées par le ministre.

[68]  M. Houle a expliqué dans son affidavit que, pour l’année d’imposition se terminant le 31 décembre 2005, le solde de clôture des pertes autres que des pertes en capital regroupées de CBS était de 74 853 866 $. De cette somme, CBS a appliqué 73 960 606 $ au revenu déclaré pour l’année d’imposition se terminant le 31 décembre 2006, ce qui laisse pour cette année un solde de clôture de 893 000 $ pouvant être reporté à l’année d’imposition se terminant en mars 2007. M. Houle est arrivé à cette conclusion à l’étape de l’opposition, comme l’indique l’annexe des pertes autres que des pertes en capital pour 2006 à 2008, datée de mai 2012 (pièce D de son affidavit), sur le fondement des renseignements fournis dans l’historique [35] .

[69]  De façon générale, je suis d’avis qu’il manque certains renseignements et certaines explications dans l’affidavit de M. Houle, ce qui laisse certaines questions sans réponse [36] . Par exemple, selon l’affidavit de M. Houle, la déduction des [traduction] « pertes autres que des pertes en capital contestées » a été réclamée pour la première fois par CBS (Viacom) lors de l’année d’imposition se terminant le 31 décembre 2000, lorsque les pertes ont été initialement déclarées par CBS ou établies par le ministre comme s’élevant à 128 636 248 $ pour l’année en cours. Le ministre a ensuite recalculé le montant des pertes autres que des pertes en capital disponibles et l’a fixé à 101 453 650 $, soit une différence de 27 182 598 $ (« 27 M$ ») [37] . Ces 27 M$ ont été ajoutés à d’autres pertes autres que des pertes en capital, et le total était de 38 476 673 $ (« 38 M$ »). Ces 38 M$ représentent la différence entre le montant de la déduction réclamée par CBS et le montant établi dans la nouvelle cotisation du ministre pour la période allant du 31 décembre 2000 au 31 décembre 2005. Toutefois, l’affidavit ne fait que mentionner cette différence de 38 M$; il n’explique pas le traitement réservé à cette somme, son incidence et, le cas échéant, la façon dont cette somme a été prise en compte dans les négociations. Ces renseignements sont incomplets, d’autant plus qu’il ressort du paragraphe 2.3 de l’offre et de l’alinéa 3b) du procès-verbal que cette différence constituait un facteur [38] .

[70]  Fait étonnant, ni l’une ni l’autre des parties n’a produit d’élément de preuve permettant d’établir si M. Houle avait pris part ou non aux négociations. Le témoignage de ce dernier ne présentait que peu de renseignements, voire aucun, sur les circonstances des négociations ou de la conclusion du procès-verbal. L’intimée a fait valoir qu’on ne pouvait présumer, comme CBS l’a fait dans ses observations, que M. Houle n’avait pas participé aux négociations. Évidemment, le contraire est également vrai. Des éclaircissements à ce sujet auraient été utiles. J’en déduis et je conclus que M. Houle n’a vraisemblablement pas pris part aux négociations. S’il y avait participé, il l’aurait probablement dit dans son affidavit.

[71]  Nécessairement, les positions des parties ont changé lorsque les négociations ont commencé. Néanmoins, M. Houle a déclaré, au paragraphe 26 de son affidavit, qu’il avait [traduction] « examiné l’annexe A de l’offre, et elle ne concorde pas avec les pertes déductibles établies par le ministre » à l’égard de CBS pour les années d’imposition 2007. Cela m’amène à penser qu’il n’a pas saisi pleinement ou qu’il n’a pas du tout saisi que les négociations portaient sur la réattribution de pertes autres que des pertes en capital regroupées découlant d’années antérieures et sur le report de ces pertes de certaines années à d’autres.

[72]  De toute évidence, la fonction de l’annexe A était d’établir le report proposé de ces pertes, principalement sous la forme de différentes sommes attribuées à différentes années d’imposition, dont les années d’imposition 2007, en fonction des pertes regroupées disponibles. Le portrait de la situation globale établi par les négociations est présenté ci-dessous dans la colonne de l’annexe A, qui révèle également que certaines pertes qui avaient déjà été déduites conformément au tableau ou à la pièce D allaient être remplacées par des pertes d’un autre montant qui seraient déduites lors d’années d’imposition différentes en fonction de l’annexe A du procès-verbal dans le contexte de la réattribution :

Année d’imposition de la perte autre qu’une perte en capital

[EN BLANC]

Selon le tableau ou

la pièce D

 

[EN BLANC]

Selon l’annexe A

 

31 décembre 2002

[EN BLANC]

(14 241 604 $)

[EN BLANC]

(12 545 024 $)

 

31 décembre 2004

[EN BLANC]

(37 804 710 $)

[EN BLANC]

(36 062 138 $)

 

31 décembre 2005

[EN BLANC]

(169 485 552 $)

[EN BLANC]

(140 418 281 $)

 

31 décembre 2006

[EN BLANC]

(73 960 606 $)

[EN BLANC]

(73 960 606 $)

Mars 2007 :

Perte déductible (nouvelle cotisation établie antérieurement et procès-verbal)

[EN BLANC]

(893 260 $)

[EN BLANC]

(893 260 $)

 

Perte supplémentaire

(procès-verbal et réattribution de 2005)

[EN BLANC]

 

[EN BLANC]

(24 366 301 $)

Décembre 2007 :

Perte déductible

(nouvelle cotisation établie antérieurement et procès-verbal)

 

[EN BLANC]

(382 594 $)

______________

[EN BLANC]

(382 594 $)

______________

Total des pertes autres que des pertes en capital

 

 

(296 768 326 $)

[EN BLANC]

(288 628 204 $)

 

[73]  Par conséquent, et contrairement à l’observation de M. Houle, cette réattribution et ce report auraient pour effet de modifier le montant des pertes que peut déduire CBS pour les années d’imposition 2007, tel qu’il est indiqué dans la colonne  « annexe A ».

[74]  En outre, le tableau, l’historique et l’annexe A montrent des pertes autres que des pertes en capital s’élevant au total à 169 485 522 $ (« 169 M$ ») en 2005 selon la nouvelle cotisation établie [39] . Toutefois, l’annexe A indique uniquement 140 418 281 $ (« 140 M$ ») des 169 M$ dans la colonne présentant les correctifs apportés aux pertes. Selon CBS, cela s’explique en partie par le fait qu’une partie de la différence a été transférée de l’année d’imposition 2005 et appliquée à l’année d’imposition se terminant en mars 2007 en tant que [traduction] « perte supplémentaire » de 24 366 301 $. Je ne suis pas convaincue que M. Houle était pleinement informé de ce qui s’est passé pendant les négociations. Fait d’importance, l’annexe B, préparée par l’ARC, indique les sommes de 893 000 $ et de 24 366 301 $, ce qui cadre avec la thèse de CBS. L’intimée n’a fourni aucune explication à cet égard.

[75]  CBS souligne que le montant de pertes autres que des pertes en capital convenu dans le procès-verbal était inférieur de près de 8 M$ au montant déclaré dans l’avis d’appel.

[76]  Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue qu’il y avait une erreur concernant la perte autre qu’une perte en capital dans le procès-verbal, comme le soutient l’intimée. Je préfère les explications de CBS et j’estime qu’elles sont les  plus plausibles compte tenu des renseignements certains qui figurent dans l’affidavit de M. Houle. Je conclus que l’entente entre les parties portait sur la réattribution des pertes autres que des pertes en capital regroupées. Cette conclusion est étayée par le libellé de l’offre et du procès-verbal, où les parties conviennent que [traduction] « les soldes révisés des pertes autres que des pertes en capital » de CBS pour les années antérieures seront appliqués conformément à l’annexe A.

[77]  Je conclus également que la perte autre qu’une perte en capital existait et pouvait être reportée à l’année d’imposition se terminant en mars 2007 puisqu’elle découlait des pertes regroupées des années antérieures aux années d’imposition 2007, qui avaient fait l’objet d’une nouvelle cotisation par le ministre selon les dossiers de l’ARC, lequel comprenait les déclarations de CBS.

[78]  Je conclus que les faits convenus dans le procès-verbal (c’est­à­dire que 24 366 301 $ étaient déductibles) reposent sur une réalité objective. Par conséquent, l’entente selon laquelle une nouvelle cotisation serait établie conformément à ces faits est défendable au regard des faits (et du droit); l’entente est donc valide, exécutoire et opposable ministre. Si l’appel avait fait l’objet d’un procès, la Cour aurait pu rendre un jugement qui aurait été compatible une ordonnance enjoignant au ministre d’établir une nouvelle cotisation sur le fondement de l’entente.

[79]  Dans la décision Noran West Development Ltd., le juge Paris a appliqué les principes du droit des contrats pour rejeter l’argument selon lequel le contribuable avait fait une erreur concernant la portée de l’entente de règlement. Insistant sur l’importance de la clarté objective des ententes de règlement, il a conclu qu’on devait présumer qu’en pareilles circonstances, la partie avait l’intention d’accepter l’entente telle qu’elle était rédigée [40] .

[80]  En l’espèce, rien dans les circonstances n’étaye la croyance subjective du ministre. Encore une fois, le procès-verbal a été fondé sur des renseignements provenant des dossiers de l’ARC, qui avaient fait l’objet de nouvelles cotisations, lesquels montrent que les pertes autres que des pertes en capital regroupées des années précédentes existent. Les modalités ont été négociées pendant plus de huit mois, ce qui a donné aux deux parties de nombreuses occasions d’évaluer l’offre, son bien-fondé et ses conséquences, et de poser des questions sur le contenu des conditions. Cinq mois après l’envoi de l’offre, l’ARC non seulement a convenu que la perte autre qu’une perte en capital existait, mais a continué à négocier, notamment en garantissant à CBS, à l’annexe B, que la perte autre qu’une perte en capital pouvait être déduite, et a convenu dans le procès-verbal que les [traduction] « pertes autres que des pertes en capital découlant des années d’imposition antérieures équivalant à 24 366 301 $ » allaient faire l’objet d’une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition se terminant en mars 2007. Étant donné que les parties ont conclu le procès-verbal et y ont investi temps et efforts, je conclus qu’il faut présumer que les parties avaient l’intention d’être liées par le procès-verbal dans sa version rédigée par le ministre et que le ministre jugeait ces faits défendables.

[81]  Je note que les documents joints à l’affidavit de Me Toaze, lequel a été produit uniquement afin de prouver la transaction, sont conformes à la conclusion ci-dessus.

[82]  Enfin, l’intimée a demandé que je rejette l’explication de CBS concernant la nouvelle réattribution des pertes regroupées pour deux motifs : d’une part, l’explication a été fournie pour la première fois dans le contexte de la présente requête; d’autre part, la seule réponse de CBS aux tentatives répétées (décrites aux paragraphes 26 et 35 des présents motifs) de l’intimée d’obtenir d’elle qu’elle explique pourquoi elle soutenait que la perte autre qu’une perte en capital ne correspondait pas à celle calculée par l’ARC a été de déclarer qu’elle ne voulait pas donner l’impression qu’elle cherchait à renégocier. CBS a répliqué que l’argument de la réattribution des pertes regroupées avait été soulevé pour la première fois lors de l’audience devant la Cour d’appel fédérale. J’ai l’impression que, si la nouvelle explication avait été présentée plus tôt à l’intimée, on aurait pu éviter toutes les démarches entreprises après la signature du procès-verbal, y compris la présente requête.

VI. Conclusion

[83]  La requête de CBS en exécution de la transaction est accueillie avec dépens à l’appelante, les appels concernant les années d’imposition se terminant le 7 mars 2007 et le 31 décembre 2007 sont accueillis et les nouvelles cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national, en vertu de l’alinéa 171(1)b) de la LIR, pour nouvel examen et établissement de nouvelles cotisations  conformément aux modalités du procès-verbal de la transaction.

  Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de septembre 2018.

« K. Lyons »

La juge Lyons

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de septembre 2019.

Elisabeth Ross, jurilinguiste

ANNEXE 1

[EN BLANC]

Pertes autres que des pertes en capital de CBS

pouvant être réattribuées découlant d’années antérieures aux années d’imposition 2007

Pertes autres que des pertes en capital* 

31 décembre 2000

Solde de clôture

 

147 358 541 $

31 décembre 2001

Pertes pour l’année en cours

 

95 238 224 $

30 juin 2002

Pertes pour l’année en cours

Pertes supplémentaires transférées lors de la fusion

27 665 273 $

15 058 735 $**

31 décembre 2003***

Pertes pour l’année en cours

11 064 959 $

 

Total des pertes autres que des pertes en capital pouvant être réattribuées

 

[EN BLANC]

296 385 732 $

 

* Après l’ajustement des dépenses pour le loyer déduites. Affidavit de M. Houle, paragraphe 18, et historique.

** La somme de 15 058 735 $ figure dans l’historique, mais ne figurait pas dans le tableau. Selon le ministre, il s’agit de la différence entre le solde de clôture des pertes en date du 30 juin 2002 (270 262 038 $) et le solde d’ouverture de l’année d’imposition 2002 après la fusion (285 320 773 $).

*** Entre le 31 décembre 2004 et le 31 décembre 2007, les pertes autres que des pertes en capital étaient nulles.


 


RÉFÉRENCE :

2018 CCI 188

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2013-1603(IT)G

INTITULÉ :

CBS CANADA HOLDINGS CO. c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 janvier 2018

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge K. Lyons

DATE DE L’ORDONNANCE :

Le 12 septembre 2018

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelante :

Me Edwin G. Kroft, c.r.

Me Jeffrey Trossman

Me Jeffrey M. Shafer

Avocate de l’intimée :

Me Naomi Goldstein

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Edwin G. Kroft, c.r. Me Jeffrey Trossman Me Jeffrey M. Shafer

 

Cabinet :

Blake, Cassels & Graydon S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]   Affidavit de Jean François Houle (l’« affidavit de M. Houle »), paragraphe 25.

[2]   Affidavit de M. Houle, paragraphe 4.

[3]   Affidavit de M. Houle, paragraphe 5.

[4]   Affidavit de M. Houle, paragraphe 6.

[5]   Affidavit de M. Houle, paragraphe 7.

[6]   Affidavit de M. Houle, paragraphes 8 et 9.

[7]   Affidavit de M. Houle, paragraphes 10, 11 et 12. Les avis de nouvelle cotisation et la confirmation sont datés du 9 mai 2011 et du 1er février 2013, respectivement. Les autres sommes dont la déduction a été refusée s’élèvent à 24 857 818 $ pour l’année d’imposition se terminant en mars 2007 et à 7 175 258 $ pour l’année d’imposition se terminant décembre 2007.

[8]   Réponse, paragraphe 8.

[9]   Affidavit de Me Toaze, pièce D.

[10]   Affidavit de Me Toaze, paragraphe 12.

[11]   Affidavit de Me Toaze, pièce E.

[12]   Affidavit de Me Toaze, pièce F.

[13]   Affidavit de Me Toaze, pièces G et H.

[14]   Affidavit de Me Toaze, pièce I.

[15]   Affidavit de Me Toaze, pièce J.

[16]   Affidavit de Me Toaze, pièce K.

[17]   Affidavit de Me Toaze, pièces M et L.

[18]   Affidavit de Me Toaze, paragraphe 29.

[19]   Affidavit de Me Toaze, pièce O.

[20]   Affidavit de Me Toaze, pièce P.

[21]   Affidavit de Me Toaze, pièce Q.

[22]   L’intimée soutient que CBS a empêché un contre-interrogatoire efficace et significatif de son déposant sur une question controversée, qu’elle a refusé de répondre à la plupart des questions pertinentes concernant les renseignements contenus dans l’affidavit de Me Toaze et les documents joints à cet affidavit et invoqué à tort le secret professionnel, la confidentialité et le manque de pertinence, que le déposant a fait des déclarations inexactes sur une question litigieuse dans l’affidavit, que le déposant a refusé de confirmer à l’intimée si l’état financier à l’annexe A était véridique ou exact et que l’affidavit contenait trop de ouï­dire alors qu’il existait de meilleurs éléments de preuve.

[23]   Observations écrites de l’intimée, paragraphe 16.

[24]   Sattva, paragraphe 47, citant Jesuit Fathers of Upper Canada c. Cie d’assurance Guardian du Canada, 2006 CSC 21, [2006] 1 R.C.S. 744, paragraphe 27, sous la plume du juge LeBel; Tercon Contractors Ltd. c. Colombie­Britannique (Transports et Voirie), 2010 CSC 4, [2010] 1 R.C.S. 69, paragraphes 64 et 65, sous la plume du juge Cromwell. La Cour a cité de l’arrêt Reardon Smith Line Ltd. v. Hansen-Tangen [1976] 3 All E.R. 570 UK (H.L.), ce passage : [traduction] « Aucun contrat n’est conclu dans l’abstrait : les contrats s’inscrivent toujours dans un contexte. »

[25]   Apotex, paragraphes 21, 22, 25 à 33.

[26]   Edward Kroft pour CBS et Elizabeth Chasson pour l’intimée.

[27]   Procès-verbal, paragraphes 1 et 5.

[28]   Apotex, paragraphes 40 et 41.

[29]   L’intimée a fait valoir que, dans la décision Sifto Canada Corp. c. La Reine, 2017 CCI 37, 2017 D.T.C. 1020 (Sifto), des éléments de preuve avaient été produits au procès pour prouver les faits sur lesquels reposait la transaction initiale.

[30]   Paragraphes 13 et 9. La Cour a établi une distinction entre d’une part la décision Huppe et d’autre part les décisions Galway, Cohen et Garber c. La Reine, 2005 CCI 635, 2005 D.T.C. 1456.

[31]   Les contribuables, qui faisaient partie d’un groupe plus large de production cinématographique, étaient liés à deux des quatre sociétés de personnes en commandite principales (« SPCP »). L’entente de règlement conclue avec l’ARC établissait le traitement fiscal des dépenses pour divers frais (gestion, recommandation de producteurs et financement) à l’égard desquelles des déductions avaient été demandées et précisait quelles déductions seraient autorisées ou refusées pour la SPCP Sentinel Hill. Il était entendu que l’ARC calculerait les revenus ou les pertes des autres SPCP et de leurs investisseurs conformément au traitement fiscal accordé à la SPCP Sentinel Hill. L’ARC a établi de nouvelles cotisations en fonction de l’entente. Les contribuables se sont opposés à la façon dont l’entente devait s’appliquer à eux et ont interjeté appel des nouvelles cotisations. La Cour de l’impôt a établi que l’entente était valable, exécutoire et fondée sur des principes respectant la LIR. Les nouvelles cotisations étaient conformes à l’entente. La Cour d’appel fédérale a rejeté l’appel.

[32]   Le 30 août 2018.

[33]   Les choix comprennent le choix qu’a fait la déposante de CBS de refuser d’être contre-interrogée sur la véracité du fait unique (c’est-à-dire l’existence de la perte autre qu’une perte en capital figurant à l’annexe A), le choix de CBS de ne pas présenter d’éléments de preuve par l’intermédiaire de sa déposante, son choix de ne pas montrer en quoi le montant de 893 000 $ est erroné et son choix de ne pas contre-interroger M. Houle. L’intimée a fait valoir que le choix fait par CBS de ne pas contre-interroger M. Houle l’empêche de prétendre ou de soutenir que le témoignage de M. Houle est erroné ou inexact et que CBS ne peut mettre en doute la crédibilité de M. Houle sans d’abord l’interroger quant au bien-fondé et à la pertinence de ses observations, faute de quoi elle contreviendrait aux principes énoncés dans l’arrêt Browne v. Dunne (1893) 6 R 67 (H.L.).

[34]   Affidavit de M. Houle, paragraphes 14, 15 et 16. Lorsqu’il prépare un historique, l’agent de l’ARC examine l’annexe 4 (pertes autres que des pertes en capital) à partir de la base de données Cortax et transfère ces pertes à l’historique préparé pour le contribuable; l’agent est tenu de s’assurer que le solde des pertes autres que des pertes en capital dans l’historique correspond au solde dans Cortax.

[35]   Affidavit de M. Houle, paragraphe 20. Aux paragraphes 21 et 22, il affirme : a) que CBS n’a pas déclaré les pertes autres que des pertes en capital de l’année en cours pour l’année d’imposition se terminant le 7 mars 2007, ce qui signifie que les pertes autres que des pertes en capital disponibles sont restées à 893 260 $ et que ce montant a été appliqué au cours de cette année; b) que CBS a déclaré des pertes autres que des pertes en capital de 382 594 $ pour l’année d’imposition se terminant le 31 décembre 2007, qui avaient été transférées lors de la fusion et dont le solde total a été appliqué au cours de cette année; c) que, par conséquent, les soldes de clôture des pertes autres que des pertes en capital pour chacune des années d’imposition 2007 étaient nuls.

[36]   Au cours de l’audience sur la requête, il est devenu évident que M. Houle, aux paragraphes 25 et 26 de son affidavit, a mal cité CBS, ce que reconnaît l’intimée. Cette erreur a été source de confusion en l’espèce et lors de la requête en radiation.

[37]   Affidavit de M. Houle, paragraphe 17. Cette différence figure dans l’historique et dans le tableau.

[38]   Le ministre a établi une nouvelle cotisation et refusé la déduction des pertes autres que des pertes en capital pour les années d’imposition 2007 ainsi que les déductions pour le loyer, et il a également reconnu la perte en capital supplémentaire de 38 M$ pour l’année d’imposition 2005 de CBS, ce qui représente une perte en capital déductible de 19 238 336,50 $. CBS a pu déduire des parties de la perte en capital déductible (1 540 380 $ en mars 2007 et 14 356 044,23 $ en décembre 2007) ainsi que des sommes plus petites (341 302 $ au total) lors des années d’imposition subséquentes. Selon l’alinéa 3b) du procès-verbal, les pertes en capital que CBS avait été autorisée à déduire lors des années d’imposition 2007 ne seraient plus déductibles.

[39]   Les 169 M$ sont le chiffre révisé de l’ARC correspondant au montant de 167 600 878 $ déclaré par CBS. Le montant de 169 M$ avait été appliqué au solde d’ouverture du 31 décembre 2005 des pertes autres que des pertes en capital regroupées de 244 339 418 $ pouvant être déduites (ce qui ne figure pas dans le tableau et n’est pas expressément mentionné dans l’affidavit de M. Houle), ce qui donne une différence de 74 853 866 $, dont a été soustrait un montant de 73 960 606 $, ce qui donne un solde de clôture de 893 000 $ au 31 décembre 2005.

[40]   Une conclusion similaire a été rendue dans la décision Bolton Steel lorsque le ministre a soulevé la question de l’interprétation contractuelle fondée sur la croyance subjective des parties. En rejetant l’argument du ministre, la juge Campbell a conclu que la croyance subjective d’une des parties n’était pas suffisante et que rien dans les circonstances de l’espèce n’étayait la croyance subjective du ministre. Les principes énoncés dans 1390758 ont été approuvés dans Noran West Developments Ltd. c. La Reine, 2012 CCI 434, [2012] A.C.I. no 353 (QL).

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