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Dossier : 2017-1119(IT)I

ENTRE :

JOHN HUSTAK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu le 2 mai 2018, à Hamilton, Ontario.

Devant : L’honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate représentant l’intimée :

Me Laura Rhodes

 

JUGEMENT

  L’appel interjeté à l’égard des cotisations établies le 28 mars 2013 par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011 de l’appelant est rejeté conformément aux motifs de jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d’octobre 2018.

« Réal Favreau »

Juge Favreau


Référence : 2018 CCI 199

Date : 20181024

Dossier : 2017-1119(IT)I

ENTRE :

JOHN HUSTAK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]  Il s’agit d’un appel interjeté à l’égard des cotisations établies le 28 mars 2013 par le ministre du Revenu national (« le ministre ») en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), dans sa version modifiée (« la Loi ») pour les années d’imposition 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011 de l’appelant.

[2]  L’appelant a produit ses déclarations de revenus pour les années d’imposition 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011 le 27 février 2013, et a déclaré au moyen du formulaire T776, État des loyers de biens immeubles, le revenu de location total et les dépenses de location totales suivants pour ces années :

 

Revenu de location total

$

Dépenses de location totales

$

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

8 100

8 150

8 250

8 100

8 125

8 100

8 200

16 064

16 782

16 334

15 324

13 099

14 092

15 258

[3]  Par voie des cotisations du 28 mars 2013 établies en vertu du paragraphe 152(7) de la Loi, le ministre a refusé le revenu de location total et les dépenses de location totales déclarés dans les formulaires T776 pour chacune de ces années parce qu’il a été déterminé que les activités de location de l’appelant n’étaient pas une source de revenu.

[4]  Dans ces cotisations établies à l’égard de l’appelant, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait qui sont décrites comme suit aux sous-alinéas a) à w) du paragraphe 7 de la réponse à l’avis d’appel :

[traduction]

  • a) les faits susmentionnés;

  • b) en 1978, l’appelant a acheté un bungalow de 900 pieds carrés situé au 222 Birchcliffe Crescent, à Hamilton (« Birchcliffe »);

  • c) en 1989, l’appelant a acheté un bungalow de 1 000 pieds carrés situé au 35 Nordale Crescent, à Stoney Creek (« le Nordale »);

  • d) l’appelant a déclaré des pertes locatives combinées pour le Birchcliffe et le Nordale de 7 964 $, 8 632 $, 8 084 $, 7 224 $, 4 974 $, 5 992 $ et 7 058 $ pour les années d’imposition 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011 respectivement;

  • e) l’appelant a déclaré ce qui suit :

  • (i) il a exigé des loyers inférieurs à la juste valeur marchande en raison des taux élevés de vacance sur le marché locatif à Hamilton entre 2005 et 2011;

  • (ii) afin d’attirer des locataires;

  • (iii) sa compagnie d’assurance l’a avisé que, si les propriétés demeuraient inoccupées, elle ne le couvrirait pas;

  • (iv) les locataires du Birchcliffe et du Nordale avaient fait part de leur intérêt concernant l’achat des propriétés respectives;

  • f) selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (la « SCHL »), les taux de vacance étaient de 3,2 % à 4,3 % à Hamilton, le loyer moyen par logement pour un immeuble qui compte au moins trois logements locatifs se situait entre 800 $ et 900 $ par mois pour les années 2005 à 2011.

  • g) la Hamilton Community Foundation a présenté des conclusions semblables à celles de la SCHL, et a indiqué que le loyer moyen pour un logement de deux chambres à coucher était d’environ 753 $ par mois, et de 893 $ pour un logement de trois chambres à coucher pour l’année 2007;

  • h) l’appelant souhaitait maintenir sa couverture d’assurance pour le Birchcliffe et le Nordale;

  • i) l’appelant avait l’intention de vendre le Birchcliffe et le Nordale à ses locataires à la première occasion;

Birchcliffe

  • j) Le Birchcliffe a été loué 425 $ par mois entre novembre 2005 et avril 2006 à R. Laframboise;

  • k) Le Birchcliffe a été loué 425 $ par mois entre mai 2006 et juillet 2007 à H. Paterson;

  • l) Le Birchcliffe est demeuré inoccupé entre août 2007 et janvier 2008;

  • m) Le Birchcliffe a été loué 200 $ par mois à la nièce de l’appelant à compter de février 2008;

Nordale

  • n) Le Nordale est demeuré inoccupé entre janvier 2005 et avril 2006;

  • o) Le Nordale a été loué 425 $ par mois à R. Laframboise de mai 2006 à novembre 2007;

  • p) Le Nordale est demeuré inoccupé entre décembre 2007 et avril 2008;

  • q) Le Nordale a été loué 425 $ par mois à K. Dore, un ami personnel de l’appelant, à compter de mai 2008;

  • r) l’appelant n’a pas loué le Birchcliffe et le Nordale à la juste valeur marchande pour les années d’imposition 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011;

  • s) l’appelant n’a pas exploité le Birchcliffe et le Nordale sans lien de dépendance afin d’en tirer un revenu de location;

  • t) à aucun moment l’appelant n’avait-il une attente raisonnable de profit;

  • u) l’appelant n’a exercé aucune activité de location pour les années d’imposition 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011 d’une manière suffisamment commerciale pour constituer un profit;

  • v) les dépenses de location combinées déclarées par l’appelant pour les années d’imposition 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011 n’ont pas été engagées relativement à une activité de location;

  • w) si l’appelant a engagé l’une ou l’autre des dépenses de location refusées pour les années d’imposition 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011, il s’agissait de dépenses personnelles;

[5]  Le sous-procureur général du Canada s’est également fondé sur les autres faits importants suivants décrits aux paragraphes 8 et 9 de la réponse à l’avis d’appel :

[traduction]

8.  L’appelant n’a déclaré aucune activité de location pour les années d’imposition 2012 et 2013 ni l’aliénation d’un bien immobilier.

9.  L’appelant n’a pas produit de déclaration de revenus pour les années d’imposition 2014 et 2015.

[6]  M. Hustak a témoigné à l’audience. L’appelant est un ancien employé de Postes Canada qui a pris sa retraite il y a 14 ans. Il a expliqué qu’il avait fait l’acquisition des propriétés suivantes à des fins d’investissement :

-  un bungalow de 900 pieds carrés situé au 222 Birchcliffe Crescent, à Hamilton (Birchcliffe);

-  et un bungalow de 1 000 pieds carrés situé au 35 Nordale Crescent, à Stoney Creek (Nordale).

[7]  Le Birchcliffe a été acheté en 1978, et le Nordale en 1989. L’appelant a financé une partie des coûts d’acquisition des propriétés en contractant un prêt hypothécaire de cinq ans sur chaque propriété. Les propriétés n’étaient pas neuves et nécessitaient des rénovations mineures. M. Hustak a expliqué que les deux propriétés étaient toujours louées et qu’il n’y vivait jamais. Il trouvait des locataires en plaçant une affiche sur la propriété à louer et à l’aide d’annonces dans le journal local.

[8]  M. Hustak a déposé en preuve deux ordonnances datées du 18 mai 2004 en vertu de l’article 69 de la Loi de 1997 sur la protection des locataires de l’Ontario, chacune visant à mettre fin au bail et à expulser Dorin Crooks et Jordan Miller (les « locataires ») parce qu’ils n’avaient pas payé le loyer dû pour la période du 1er décembre 2003 au 19 avril 2004. Les locataires louaient le Birchcliffe et le Nordale. Les locataires ont été expulsés, mais M. Hustak n’a jamais reçu d’argent d’eux pour le loyer dû ni pour les dommages importants qu’ils ont causés aux deux propriétés. M. Hustak a repris possession des propriétés à l’automne 2004 et a fait lui-même les rénovations pendant la majeure partie de 2005. En fait, le Birchcliffe est demeuré inoccupé jusqu’à la fin d’octobre 2005, et le Nordale jusqu’à la fin d’avril 2006.

[9]  M. Hustak a également déposé en preuve un résumé concernant l’occupation des deux propriétés pour les années 2005 à 2011.

[10]  Le Birchcliffe a été loué 425 $ par mois à R. Laframboise du 1er novembre 2005 au 30 avril 2006.  La propriété a ensuite été louée 425 $ par mois à H. Paterson du 1er mai 2006 au mois d’août 2007. La propriété est demeurée vacante de septembre 2007 au 31 janvier 2008, puis a été louée 200 $ par mois à Corina Hustak, nièce de l’appelant, du 1er février 2008 au 31 décembre 2011.

[11]  Le Nordale a été loué 425 $ par mois à R. Laframboise du 1er mai 2006 au 31 octobre 2007. La propriété est demeurée inoccupée du 1er novembre 2007 à février 2008, puis a été louée 475 $ par mois à R. Dore du 1er mars 2008 au 31 décembre 2011.

[12]  M. Hustak a expliqué que le loyer exigé à ses locataires était net, c’est-à-dire que les locataires devaient payer les coûts afférents au chauffage, à l’électricité, à l’eau, aux eaux usées, aux eaux pluviales ainsi que les frais de location du réservoir d’eau chaude. Selon M. Hustak, si ces dépenses étaient ajoutées au loyer, ce dernier augmenterait d’environ 300 $, selon l’utilisation des services publics par les locataires.

[13]  M. Hustak a déclaré qu’il ne pouvait pas augmenter le loyer pour couvrir les dépenses afférentes aux services publics. L’objectif principal de l’appelant consistait à recouvrer la partie liée aux intérêts afférents aux paiements hypothécaires, aux impôts fonciers et aux coûts d’assurance pour s’assurer que les propriétés n’étaient pas inoccupées et ainsi maintenir la couverture d’assurance. Dans l’arrêt Stewart c. Canada, [2002] 2 C.F. 645, la Cour suprême du Canada a établi le critère suivant pour déterminer si le contribuable a ou non une source de revenu :

[14]   

60  En résumé, la question de savoir si le contribuable a ou non une source de revenu doit être tranchée en fonction de la commercialité de l’activité en cause. Lorsque l’activité ne comporte aucun aspect personnel et qu’elle est manifestement commerciale, il n’est pas nécessaire de pousser l’examen plus loin. Lorsque l’activité peut être qualifiée de personnelle, il faut alors déterminer si cette activité est ou non exercée d’une manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu.  . . .

[15]  Dans le même arrêt, la Cour suprême du Canada fait le commentaire suivant au paragraphe 54 concernant la détermination de l’existence d’une source de revenu :

Il y a également lieu de souligner que la détermination de l’existence d’une source de revenu n’est pas un processus purement subjectif. Outre le fait que, pour qu’une activité soit qualifiée de commerciale par nature, le contribuable doit avoir l’intention subjective de réaliser un profit, il faut aussi, tel que mentionné dans l’arrêt Moldowan, que cette détermination se fasse en fonction de divers facteurs objectifs.  Ainsi, sous une forme plus élaborée, le premier volet du critère susmentionné peut être reformulé ainsi : « Le contribuable a-t-il l’intention d’exercer une activité en vue de réaliser un profit et existe-t-il des éléments de preuve étayant cette intention? » Cela oblige le contribuable à établir que son intention prédominante était de tirer profit de l’activité et que cette activité a été exercée conformément à des normes objectives de comportement d’homme d’affaires sérieux.

[16]  En l’espèce, je crois qu’il y a un aspect personnel important dans le fait que l’une des propriétés a été louée 200 $ par mois à la nièce de l’appelant, soit bien en deçà de la juste valeur marchande et du loyer exigé aux autres locataires.

[17]  D’après les éléments de preuve dont je dispose, je suis également convaincu que l’appelant n’a pas exercé ses activités de location à des fins commerciales. Son intention exprimée n’était pas de réaliser des profits, mais de recouvrer les coûts afférents à certaines dépenses. L’appelant ne cherchait pas à réaliser des profits et il n’en a pas réalisé au cours des six années d’imposition visées par l’appel.

[18]  L’appelant n’a pas exercé ses activités de location d’une manière commerciale. Aucun bail n’a été signé avec ses locataires, et l’appelant n’a pas tenté de déterminer le montant du loyer exigé pour des propriétés comparables dans la région de Hamilton. Pendant de nombreuses années, il n’a pas augmenté les loyers, et ce, malgré les dépenses importantes engagées au cours des années en question.

[19]  L’appelant n’a pas réussi à s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombait de prouver qu’il a mené des activités de location d’une manière commerciale dans le but de réaliser un profit, ni à infirmer les hypothèses défavorables formulées par le ministre à cet égard.

[20]  Enfin, je tiens à souligner qu’on ne peut se fier aux renseignements fournis par l’appelant dans son formulaire État des loyers de biens immeubles étant donné que le probabilité est très faible que son revenu de location total pour 2005 ait été de 8 100 $, alors que les deux propriétés ont été rénovées pendant la majeure partie de l’année et qu’elles n’ont été occupées que pendant un ou deux mois. De plus, aucun examen détaillé des dépenses déclarées par l’appelant n’a été effectué puisque l’Agence du revenu du Canada les avait toutes refusées.

[21]  Pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d’octobre 2018.

« Réal Favreau »

Le juge Favreau


RÉFÉRENCE :

2018 CCI 199

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2017-1119(IT)I

INTITULÉ :

JOHN HUSTAK ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Hamilton (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 2 mai 2018

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

Le 24 octobre 2018

COMPARUTIONS :

Pour les appelants :

L’appelant lui-même

Avocate représentant l’intimée :

Me Laura Rhodes

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

[EN BLANC]

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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