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Dossier : 2017-3737(IT)I

ENTRE :

WARD DICKS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 7 septembre 2018, à Halifax (Nouvelle-Écosse)

Devant : L’honorable juge B. Russell


Comparutions :

Représentante de l’appelant :

Susan Bailey

Avocats de l’intimée :

Cecil S. Woon

Ian Wilenius

 

JUGEMENT

  L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie le 23 juin 2016 sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) relativement à l’année d’imposition 2015 de l’appelant est rejeté sans dépens.

Signé à Toronto(Ontario), ce 31e jour d’octobre 2018.

« B. Russell »

Juge Russell


Référence : 2018CCI197

Date : 20181031

Dossier : 2017-3737(IT)I

ENTRE :

WARD DICKS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Juge Russell

[1]  L’appelant interjette appel de la cotisation des impôts sur le revenu qu’il doit payer pour l’année d’imposition 2015 établie le 23 juin 2016 sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi). La cotisation, confirmée le 22 juin 2017, découlait d'un refus de sa demande de déduction pour des paiements mensuels de 200 $ qu’il avait faits au cours de cette année d’imposition (pour un total de 2 400 $) à son ex-conjointe. Il considérait ces paiements comme une pension alimentaire versée à sa conjointe et, à ce titre, comme un montant déductible en vertu de l’alinéa 60b) de la Loi. Le ministre du Revenu national ne considérait pas ces paiements comme une pension alimentaire, et par conséquent, ne les jugeait pas déductibles.

[2]  À l’audience, seul l’appelant a témoigné. Il a déposé en preuve une copie de l’entente de séparation de 10 pages datée du 22 décembre 2011 que lui et son ex-conjointe avaient signée. Ils avaient tous les deux reçu des conseils juridiques avant la signature de l’entente. L’entente avait été rédigée par l’avocat de l’appelant. Au paragraphe 5, sous la rubrique [traduction] « Pension alimentaire versée à l’épouse », il est stipulé que l’époux [l’appelant] [traduction] « doit verser des aliments matrimoniaux » à l’épouse [l’ex-conjointe de l’appelant] de 1 200 $ par mois du 1er décembre 2011 au 1er novembre 2014, date à laquelle les versements de pension alimentaire à l’épouse prendront fin ».

[3]  Le paragraphe 5 de l’entente prévoit en outre ce qui suit :

[traduction]

À la fin de la période de versement de la pension alimentaire (à savoir le 1er novembre 2014, date de fin des paiements de 1 200 $ par mois) [...] il n’y aura plus d’aliments matrimoniaux versés par l’époux ou par l’épouse. Chacune des parties renonce à tous droits et réclamations [...] contre l’autre à l’égard du versement d’allocations provisoires, permanentes, périodiques ou forfaitaires de pension alimentaire sous le régime des lois d’une autorité quelconque [...] Il est également entendu que cette disposition ne pourra être modifiée à la lumière de changements futurs [...].

[4]  En ce qui concerne les paiements mensuels de 200 $, le paragraphe 8 de l’entente prévoit ce qui suit  sous la rubrique  [traduction] « Fonds commun de placement »  :

[traduction]

Le mari s’engage à verser une contribution de 200 $ par mois à l’investissement choisi par l'épouse et au nom de celle-ci, à partir du 15 janvier 2016 et jusqu’à ce que le mari atteigne l’âge de 60 ans.

[5]  Enfin, il convient de noter que le paragraphe 11 de l’entente prévoit ce qui suit sous la rubrique « Renonciation au régime de retraite » :

[traduction]

L’épouse renonce à toute réclamation au titre du régime de retraite auquel le mari contribue par l’entremise de son employeur, et elle renonce également, dans le futur, à toute autre demande de compensation financière.

[6]  Ailleurs dans l’entente, des dispositions prévoient le transfert au profit de l'épouse de trois fonds communs de placement de 10 000 $, 5 000 $ et 5 000 $, ainsi que le versement par le mari d’un montant forfaitaire de 30 000 $ à l'épouse.

[7]  Selon le témoignage de l’appelant concernant les paiements mensuels de 200 $, il aurait versé ces montants, à la demande de son ex-conjointe, directement dans son compte bancaire, plutôt que dans un fonds commun de placement ou un autre instrument de placement. Comme l’ex-conjointe n’a pas été appelée à témoigner par l’une ou l’autre des parties, il n’y a pas de preuve crédible de ce qu’elle a fait avec l’argent, que ce soit à des fins d’investissement ou en tout ou en partie pour une ou plusieurs autres fins, ce qui pourrait comprendre un soutien financier ou une pension alimentaire.

[8]  La question est de savoir si les paiements mensuels de 200 $ constituent une  «  pension alimentaire », et sont à ce titre déductibles en vertu de l’alinéa 60b) de la Loi. L’alinéa 60b) est ainsi libellé :

Pension alimentaire

b) le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

A - (B + C)

où :

A  représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée après 1996 et avant la fin de l’année à une personne donnée dont il vivait séparé au moment du paiement,

B  le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants qui est devenue payable par le contribuable à la personne donnée aux termes d’un accord ou d’une ordonnance à la date d’exécution ou postérieurement et avant la fin de l’année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C  le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée à la personne donnée après 1996 et qui est déductible dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition antérieure;

[9]  Le terme « pension alimentaire », qui joue un rôle clé dans l’alinéa 60b), est défini au paragraphe 56.1(4). Le paragraphe 60.1(4) prévoit que les définitions du paragraphe 56.1(4) s’appliquent à l’article 60. La définition du paragraphe 56.1(4) de « pension alimentaire » indique qu’il s’agit d’un :

montant payable ou à recevoir à titre d’allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d’enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ses enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, [...]  a) le bénéficiaire est l’époux ou le conjoint de fait ou l’ex-époux ou l’ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d’échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent ou d’un accord écrit [...];

[10]  Il ressort de cette définition que la « pension alimentaire » répond à quatre critères de base énumérés par le juge D’Auray. dans la décision rendue dans l’affaire Ken Blue c. Sa Majesté, 2015 CCI 304, au paragraphe  13 :

1)  Une allocation périodique est versée pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, des enfants, ou des deux.

2)   Le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion.

3)  Le bénéficiaire et le payeur vivent séparément.

  • 4) Le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent [ou d'un accord écrit].

[11]  L’intimée admet que les paiements mensuels de 200 $ satisfont à tous les critères, sauf un, à savoir le premier critère selon lequel les paiements doivent être faits « pour subvenir aux besoins du bénéficiaire ». L’intimée soutient que les paiements n’étaient pas versés à cette fin.

[12]  L’appelant soutient que ses paiements mensuels de 200 $ étaient des montants de pension alimentaire, affirmant qu’ils répondaient à toutes les conditions énumérées dans un énoncé administratif de l’Agence du revenu du Canada intitulé « Qu’entendons-nous par pension alimentaire? » Selon cet énoncé administratif, qui n’a pas force de loi, les cinq conditions suivantes permettent de déterminer si des paiements sont une pension alimentaire : (a) les paiements sont faits au bénéficiaire selon une ordonnance d’un tribunal ou un accord écrit, (b) le payeur vit séparément du bénéficiaire , (c) le paiement est versé pour subvenir aux besoins du bénéficiaire ou de l’enfant et le bénéficiaire peut disposer du montant comme il le veut, (d) les paiements sont payables de façon périodique, et  (e) les paiements sont faits directement au bénéficiaire ou, dans certaines conditions, à un tiers. Cet énoncé administratif indique, au point (c) ci-dessus, que les paiements doivent être versés pour subvenir aux besoins, dans le cas qui nous occupe, de l’ex-conjointe bénéficiaire. Comme mentionné précédemment, le point de vue de l’intimée est que les paiements n’étaient pas destinés à subvenir aux besoins de l’ex-conjointe bénéficiaire.

[13]  Pour déterminer si ces paiements mensuels de 200 $ sont une pension alimentaire, nous devons garder à l’esprit que l’entente de séparation des deux ex-conjoints, au paragraphe  5, prévoit très précisément le versement de paiements mensuels de 1200 $ à titre de pension alimentaire par l’ex-époux à l’ex-épouse jusqu’au 1er novembre 2014. De plus, l’entente précise qu’il n’y aura pas d’autres versements de pension alimentaire et que cette disposition ne peut être modifiée.

[14]  Le libellé précis de l’entente démontre clairement que les versements mensuels de 200 $ aux fins d’investissement n’étaient pas considérés par l’un ou l’autre des ex-époux comme une pension alimentaire. La contribution aux investissements n’est pas non plus une forme de soutien financier ou de prestations alimentaires, qui  sont essentiellement liés à la fourniture d'un soutien alimentaire, c’est-à-dire de ce qu’il faut pour vivre. À cet égard, on se reportera à l’affaire Champagne v. Minister of National Revenue, 1992 CarswellNat 510 (TCC), au paragraphe 23, où le juge Tremblay décrit les paiements de pension alimentaire comme étant versés : [traduction] « pour répondre aux besoins alimentaires du bénéficiaire, ces besoins étant régulièrement renouvelables et par nature permanents ».

[15]  Pour ces deux motifs, c’est-à-dire que les ex-époux n’ont clairement pas prévu de versements de pension alimentaire après le 1er novembre 2014 dans leur entente de séparation, et que les contributions aux investissements ne correspondent pas à la définition générale d'une pension alimentaire, je conclus que ces paiements ne sont pas des montants de pension alimentaire déductibles pour l’appelant en vertu de l'alinéa 60b). À la lumière du libellé de l’entente de séparation, qui définit expressément et précisément l’étendue et la durée des paiements de pension alimentaire à l’ex-épouse, la présente affaire ne nécessite pas une analyse fondée sur la décision McKimmon c. Ministre du Revenu national, [1990] 1 C.T.C. 109 (C.A.F.) quant à savoir si les paiements ici en cause répondent aux huit critères généraux suggérant l'existence de paiements de pension alimentaire.

[16]  De plus, si l’ex-conjointe a de fait utilisé une partie ou la totalité de ces paiements pour subvenir à ses « besoins alimentaires » (c'est-à-dire comme une pension alimentaire), ce qui n’a pas été établi par la preuve durant l’audience, il n’y a pas lieu de conclure que les paiements étaient recevables ou versés en vertu d’une entente écrite entre l’appelant et son ex-conjointe. Par conséquent, ces paiements ne respecteraient pas le dernier des quatre critères énoncés dans la décision Ken Blue,  précitée, quant à savoir s'il s'agissait de montants de « pension alimentaire ». Selon ce critère,  le montant doit être recevable en vertu d’une entente écrite entre les conjoints séparés.

[17]  Pour ces motifs, je rejette l’appel sans dépens.

Signé à Toronto (Ontario), ce 31e  jour d’octobre 2018.

« B. Russell »

Juge Russell


RÉFÉRENCE :

2018CCI197

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2017-3737(IT)I

INTITULÉ :

WARD DICKS ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 7 septembre 2018

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable juge B. Russell

DATE DU JUGEMENT :

Le 31 octobre 2018

COMPARUTIONS :

Représentante de l’appelant :

Susan Bailey

Avocats de l’intimée :

Cecil S. Woon

Ian Wilenius

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

[EN BLANC]

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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