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Dossier : 2017-201(GST)I

ENTRE :

118682 CANADA LTÉE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 6 juin 2018, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Alain Tardif


Comparutions :

Représentant de l'appelante :

Mario Poupart

Avocat de l'intimée :

Me Ryan Allen

 

JUGEMENT

  L’appel de la cotisation établie en vertu de Loi sur la taxe d’accise dont l’avis est daté du 18 septembre 2015 pour les périodes comprises entre le 1er août 2011 et le 31 décembre 2014, et à l’encontre de la cotisation dont l’avis est daté du 12 janvier 2016, et visant les périodes entre le 1er janvier 2015 et le 30 septembre 2015, est rejeté, sans frais, selon les motifs du jugement ci‑joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 2018.

« Alain Tardif »

Juge Tardif

 


Référence : 2018 CCI 227

Date : 20181114

Dossier : 2017-201(GST)I

ENTRE :

118682 CANADA LTÉE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif

[1]  Pour expliquer et justifier les fondements des cotisations, l’intimée a pris pour acquis les éléments suivants, plus amplement décrits au paragraphe 26 de la Réponse à l’avis d’appel, et se lisant comme suit :

a)  L’appelante était, pendant la période visée, un inscrit aux fins de la partie IX de la LTA;

b)  L’appelante exploite un restaurant sous la bannière Restaurant Au Coin du Hot‑Dog/Mario Pizza;

c)  L’appelante détient le module d'enregistrement des ventes (ci‑après « MEV ») requis en vertu des lois fiscales québécoises;

d)  Toutes les fournitures effectuées par l’appelante dans le cadre des activités commerciales de son entreprise exercées pendant la période visée constituaient des fournitures taxables pour lesquelles une taxe, soit la TPS, au taux de 5 % sur la valeur de la contrepartie de la fourniture payable par les acquéreurs à l’appelante qui devait la percevoir;

e)  Le ministre a entrepris une vérification fiscale en application de la LTA;

f)  Suite à l’analyse des documents et données fournies par l’appelante, le ministre a constaté des anomalies et des écarts entre les registres comptables, les états financiers, les rapports sommaires périodiques des ventes (« SPV ») générés par le MEV, et les déclarations de TPS/CTI, notamment :

CTI refusés

 

2013

2012

2011

Total

CTI admissibles (E/F)

6 699,81 $

4 598,22 $

1 686,29 $

 

Déclarations TPS/CTI

9 170,95 $

6 204,06 $

2 312,87 $

 

Écart cotisé

2 471,14 $

1 605,84 $

626,58 $

4 703,56 $

Méthodologie de la vérification

g)  Dans le tableau précédent, les « CTI admissibles » ont été calculés en se basant les états financiers fournis par l’appelante. La vérificatrice a présumé leur conformité à la réalité et elle a accordé des CTI sur l’ensemble des postes de dépenses normalement assujetties à la TPS (électricité, téléphone, honoraires professionnels, etc.). Quant au poste du Coût des marchandises vendues (« CMV »), la vérificatrice a accordé des CTI sur 10 % des CMV, malgré le fait qu’il s’agisse essentiellement de la nourriture normalement détaxée;

h)  Accorder des CTI sur 10 % sur les CMV avantage l’appelante, parce qu’il n’y a pas de CTI pour les achats détaxés;

i)  Le dossier de vérification a été fermé avec les informations connues en date du 20 juillet 2015, vu que l’appelante avait accepté de vendre son immeuble et que des chiffres devaient être fournis au notaire lors de la vente fixée le 10 août 2015;

j)  Le fait d’avoir procédé à la fermeture du dossier n’a pas porté préjudice à l’appelante parce que les montants cotisés étaient les montants minimaux (basés notamment sur la présomption d’admissibilité de tous les CTI réclamés (tel que décrit au paragraphe 26 h) ci‑dessus, alors qu’une vérification plus approfondie aurait révélé des montants réclamés en double, des dépenses personnelles réclamées, etc., tel que découverts lors de l’opposition et tel que décrit ci‑dessous);

k)  La vérification a donc permis de constater un écart de 4 703,56 $ entre les CTI admissibles et les déclarations de taxes TPS/CTI produites;

TPS non-remise

l)  Quant à la TPS non-remise, les écarts suivants ont été décelés :

 

2014

2013

2012

Total

SPV (du MEV)

19 141,15 $

20 638,77 $

16 839,50 $

 

Déclarations TPS/CTI

18 564,94 $

19 281,87 $

14 277,74 $

 

Écart cotisé

580,65 $

1 326,90 $

2 519,18 $

4 499,31 $

Méthodologie de la vérification

m)  Afin de déterminer le montant de la TPS que l’appelante a perçue ou était tenue de percevoir pendant la période visée, le montant des fournitures taxables effectuées par l’appelante a donc été calculé pour la période visée en comparant les rapports sommaires périodiques des ventes (« SPV ») générés par le MEV, aux montant de TPS déclarés sur les déclarations de taxe nette remises par l’appelante et en cotisant l’écart entre ces chiffres, pour un montant de 4 499,31 $;

n)  Il est à noter que lors de la vérification, on a présumé que les rapports SPV étaient exacts, alors qu’une analyse plus poussée des mois de mai à juillet 2014 révèle que :

  i.  Il y a plusieurs rapports « Z » manquants dans la caisse enregistreuse;

  ii.  Chaque jour, il y avait une quantité importante de transactions annulées : environ 11 % des transactions au mois de juillet 2014, 61 % des transactions au mois de juin 2014, et 10 % des transactions au mois de mai 2014;

  iii.  Il y avait un grand nombre de transactions « nulles » enregistrées;

  iv.  Il est donc à supposer que les rapports SPV ne représentent pas l’intégralité des ventes effectuées.

[2]  L’appelante était représentée par Monsieur Mario Poupart, seul actionnaire de la société appelante. D’entrée de jeu, j’ai indiqué à ce dernier l’étendue de la responsabilité qui lui incombait dans le cadre de l’appel de la société qu’il contrôlait lors des périodes visées par les avis de cotisations.

[3]  Malgré les explications et observations de la Cour, l’appelante s’en remettait constamment à un document préparé à l’avance. Je lui ai alors demandé si le contenu du document consulté représentait l’essentiel et les fondements de ses représentations au soutien de l’appel; il a indiqué qu’effectivement, il s’agissait du contenu de ses prétentions au soutien de l’appel de l’appelante.

[4]  Le contenu du document en question fait référence à une vérification antérieure qui s’est soldée par une entente; l’appelante soumet que le présent dossier devrait prendre en compte le même pourcentage que celui retenu dans le dossier en question quant au pourcentage alloué pour la rubrique « erreur ».

[5]  Prenant pour acquis qu’un règlement est intervenu dans un dossier similaire de l’appelante pour des années antérieures à celles visées par l’appel, l’appelante a soutenu et répété que le même pourcentage d’erreur devait s’appliquer et être attribué à l’appelante au niveau du présent dossier.

[6]  Malgré les mises en garde quant à l’étendue du fardeau de la preuve, le représentant de l’appelante a essentiellement fait valoir des généralités et réitéré que les pertes et erreurs réclamées étaient normales, légitimes, raisonnables et conformes à celles acceptées par l’intimée lors d’une vérification antérieure.

[7]  Il a expliqué que les erreurs étaient normales, usuelles et causées soit par les clients qui changeaient d’idée à la dernière minute soit par un manque d’attention, soit par l’inexpérience, soit par l’incompétence des employés ou toute sorte d’autres raisons.

[8]  Dans ses explications écrites et soumises dans sa preuve, l’appelante décrit une journée de travail d’un employé à la caisse comme suit :

À l’aide d’une souris ou en employant l’écran tactile l’employée prend la commande du client au moyen d’une caisse enregistreuse. Il clique sur les items commandés par le client et en fait le total, l’employée collecte le client immédiatement, il arrive souvent qu’il y a une erreur dans la commande cela peut être une erreur de l’employée ou du client.

Quand il y a erreur, l’employée met le ticket dans le tiroir‑caisse et refait la transaction et remet la nouvelle facture au client. Les tickets comportant les erreurs sont soustraient des ventes à la fin de la journée. C’est à partir de ces montants que sont calculées les ventes d’une journée et que les remises sont faites à Revenu Québec.

[9]  Ce sont là les seules explications justifiant les écarts entre le MEV et les ventes déclarées.

[10]  Partant de cette prémisse et du pourcentage alloué dans le dossier précédent, l’appelante a pris pour acquis que les concessions de l’intimée seraient désormais la règle à respecter. Partant de là, il avait mis en place une façon plus qu’élémentaire de gérer ces supposées erreurs.

[11]  En joignant un mémo très sommaire dans le rapport quotidien des ventes au soutien des erreurs survenues cette journée‑là, cela rendait ainsi impossible l’analyse et les circonstances et surtout la pertinence des retraits.

[12]  Il eut été intéressant que le mémo soit identifié par la personne responsable de manière à ce que le Tribunal puisse mieux en apprécier la crédibilité; d’autre part, la ou les personnes responsables auraient pu témoigner. De plus, cela aurait possiblement permis à l’appelante d’apporter les correctifs appropriés notamment au niveau de la gestion du personnel à l’origine des erreurs.

[13]  À la suite d’un règlement obtenu lors du dossier antérieur, l’appelante a retenu les concessions obtenues pour en faire un modus operandi dans la gestion de l’entreprise; en effet, il a pris pour acquis que les erreurs et/ou pertes admises le seraient à nouveau dans l’hypothèse d’une nouvelle vérification.

[14]  Le Tribunal croit plutôt que l’appelante a tiré avantage de la stratégie « ERREUR ».

[15]  De son côté, l’intimée a démontré que la comptabilité de l’appelante n’avait ni la fiabilité, ni la qualité adéquate pour permettre une vérification classique, d’où le recours à l’approche dite « méthode alternative ». La méthode alternative a été retenue étant donné l’incapacité totale d’apprécier la pertinence et crédibilité des nombreuses erreurs consignées par des mémos incomplets.

[16]  L’intimée a initié la vérification à l’origine de l’appel sans tenir compte du pourcentage alloué lors d’une vérification antérieure. L’intimée a traité le dossier d’une façon indépendante à toute expérience antérieure ce qui a manifestement irrité et frustré profondément le représentant de l’appelante.

[17]  L’appelante a soutenu et répété que la vérification dont elle a fait l’objet a été superficielle et bâclée. À première vue, les faits et circonstances entourant le processus de la vérification soutiennent et valident une telle perception.

[18]  En effet, la preuve a établi que les personnes responsables de la vérification avaient reçu des instructions de procéder rapidement étant donné qu’il avait été porté à l’attention de l’agence du revenu que l’entreprise était sur le point de faire l’objet d’une transaction aux termes de laquelle il y aurait un changement de propriétaire.

[19]  À cet effet, l’appelante a reproché et insisté sur le fait que l’intimée avait bâclé son travail en ne faisant pas une vérification exhaustive des documents, selon lui complets et disponibles.

[20]  La preuve a permis de valider tout au moins en partie la thèse de l’appelante. En effet, devant l’évidence prochaine d’un transfert de propriété, le processus de vérification déjà entamée a fait l’objet d’une accélération dans le but que les conclusions soient disponibles avant le transfert de propriété.

[21]  Les représentants de l’intimée ont admis avoir procédé rapidement conformément aux directives reçues. Ils ont cependant ajouté et expliqué en long et en large que l’accélération n’avait en rien préjudicié à l’appelante; bien au contraire, l’intimée a soutenu à partir d’exemples nombreux et concrets que l’appelante avait largement bénéficié de la méthode accélérée.

[22]  À cet effet, la preuve s’est avérée convaincante voire déterminante bien que l’approche retenue par l’intimée soit discutable voire peu professionnel. La seule compétence de cette Cour est de déterminer si la cotisation contestée est adéquate ou non.

[23]  En d’autres termes, la Cour canadienne de l’impôt doit essentiellement évaluer la qualité et justesse de la cotisation. Le zèle et ou la qualité discutable du processus de vérification n’ont pas pour effet automatique de générer l’annulation pure et simple de la cotisation contestée.

[24]  Il est évident qu’un travail bâclé ou de piètre qualité peut produire un résultat dont la fiabilité est incertaine; en l’espèce, les défauts et faiblesses quant à la qualité du processus de vérification se sont avérés plutôt avantageux pour l’appelante.

[25]  À cet effet, ils ont démontré avoir attribué ou accepté plusieurs entrées non recevables à leur face même dont le questionnement se serait traduit par une cotisation plus élevée. En d’autres termes, la vérification s’est avérée plus sommaire du fait que certaines données problématiques ont tout simplement été prises pour acquis comme étant conformes aux prétentions de l’appelante bien que douteuses, incertaines et injustifiées.

[26]  Le présent dossier est aussi particulier, et ce, sur un aspect tout à fait fondamental.

[27]  En effet, l’appelante n’a pas soumis de véritable preuve à l’effet du bien‑fondé de son appel; sa seule preuve a consisté à établir qu’il y avait plusieurs erreurs tout à fait normales et légitimes. Elle a admis lesdites erreurs soutenant qu’il s’agissait là de réalités normales d’autant plus qu’elles avaient été acceptées lors d’un dossier précédant dans le cadre d’un règlement hors cour.

[28]  Pour valider sa thèse, il a préparé un écrit reproduisant plusieurs passages de diverses décisions. Les extraits sont reproduits hors contextes et souvent fort incomplets. Notamment, il fait référence à des dossiers portant sur des pertes ou gratuités; or les prétentions de l’appelante ne reposent aucunement sur des pertes ou gratuités mais des erreurs multiples.

[29]  L’implantation du MEV a pour seul objectif de permettre une lecture fiable des opérations journalières d’une entreprise oeuvrant en restauration. À partir d’une expérience vécue au cours de laquelle l’appelante s’en était manifestement bien tirée, elle a voulu refaire l’exercice en soustrayant des ventes pour motifs d’erreurs, consignées par de simples petites notes dans les comptes‑rendus quotidiens.

[30]  Certaines étaient conformes aux règles édictées depuis la mise en vigueur du MEV mais la plupart étaient essentiellement un petit mémo sans aucun détail quant au nom de la personne, quant à l’objet et/ou aux circonstances.

[31]  La façon de faire de l’appelante n’a pas été ponctuelle, ou isolée, elle constituait une pratique courante, importante et répétitive.

[32]  Finalement, les prétentions de l’appelante consignées à l’écrit qu’elle a déposé sont essentiellement des interprétations émanant d’extraits de différentes décisions souvent aucunement pertinentes. À la toute fin de l’audition, l’appelante aurait voulu que le Tribunal prenne en compte des documents multiples, désordonnés, pêle-mêle jamais portés à l’attention de l’intimée tant au niveau de la vérification qu’à l’étape de l’opposition.

[33]  Du côté de l’intimée, une nette prépondérance de la preuve soumise valide et accrédite la qualité, véracité et pertinence des faits pris pour acquis et énumérés aux premières pages de ce jugement.

[34]  Le fardeau de preuve qui incombait à l’appelante n’a pas été relevé. La seule preuve soumise a été constituée de griefs, de critiques, de spéculations et hypothèses mais sans jamais être validés par les faits.

[35]  Pour ces raisons, l’appel est rejeté, le tout sans frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 2018.

« Alain Tardif »

Juge Tardif

 


RÉFÉRENCE :

2018 CCI 227

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2017-201(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

118682 CANADA LTÉE c.
SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 6 juin 2018

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :

le 14 novembre 2018

COMPARUTIONS :

Représentant de l'appelante :

Mario Poupart

Avocat de l'intimée :

Me Ryan Allen

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante:

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureur générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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