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Dossier : 2016-2068(IT)G

ENTRE :

VICTORIA Y LOUIE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus les 9, 10 et 11 juillet 2018, à Vancouver (C.-B.).

Devant : L’honorable juge en chef adjointe Lucie Lamarre


Comparutions :

Pour l’appelante :

Me Alan Louie

Pour l’intimée :

MRon D.F. Wilhelm

 

JUGEMENT

  L’appel concernant l’année d’imposition 2009 est rejeté.

  Les appels concernant les années d’imposition 2010 et 2012 sont accueillis et les cotisations sont renvoyées au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que l’appelante n’est pas tenue de payer les montants d’impôt de 70 841 $ pour 2010 et de 29 217 $ pour 2012, établis au titre de la partie XI.01 de la Loi de l’impôt sur le revenu.

  Vu que les parties ont toutes deux obtenu partiellement gain de cause, chacune d'elles assumera ses propres frais.


Signé à Montréal (Canada), ce 16e jour de novembre 2018.

« Lucie Lamarre »

Juge en chef adjointe Lamarre

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour mars 2019.

François Brunet, réviseur


Référence : 2018 CCI 225

Date : 20181115

Dossier : 2016-2068(IT)G

ENTRE :

VICTORIA Y LOUIE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Aperçu

[1]  Notre Cour est saisie d’appels interjetés des cotisations de l’appelante pour les années d’imposition 2009, 2010 et 2012 [1] au titre de la partie XI.01 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi ») relativement à son compte d’épargne libre d’impôt.

[2]  Les événements qui ont résulté en ces appels ont eu lieu à la suite de la crise financière de 2008, plus précisément, selon les preuves, pendant la période de reprise qui a commencé en mars 2009.

[3]  Victoria Louie (« l’appelante ») est une investisseuse avertie qui connaît très bien le marché boursier. Lors de son témoignage au procès, elle s’est révélée très bien renseignée sur ses activités boursières.

[4]  En 2008, l’appelante détenait deux comptes auprès des services de courtage TD Waterhouse Discount Brokerage (« TDW ») : un compte Transactions directes au Canada (« CDN ») et un régime enregistré d’épargne-retraite autogéré (« REER ») (pièce R-2, onglets 13-15). En janvier 2009, lorsque les règles sur les comptes d’épargne libre d’impôt (les « règles sur les CELI ») ont été mises en œuvre, l’appelante a ouvert un troisième compte avec TDW, le compte Président de type CELI (le « CELI ») (pièce R-2, onglet 12).

[5]  Du 15 mai au 17 octobre 2009, l’appelante a effectué 71 opérations d’échange d’actions (« opérations de swap » ou « swaps ») qui sont pertinentes en l’espèce. Ce faisant, l’appelante a transféré des actions inscrites à la Bourse de Toronto (« TSX ») entre son CELI et son CDN et son REER.

[6]  L’appelante a donc augmenté considérablement la juste valeur marchande totale de son CELI au cours de l’année d’imposition 2009. De plus, bien que l’appelante n’ait pas effectué d’opérations de swap après le 17 octobre 2009, la valeur de son CELI a augmenté en 2010 et en 2012. Le CELI a toutefois subi une perte en 2011.

Question en litige

[7]  La question en litige est de savoir si, pour les années d’imposition 2009, 2010 et 2012, l’appelante est tenue de payer l’impôt sous le régime de la partie XI.01 de la Loi relativement à l’augmentation de la juste valeur marchande totale des biens détenus dans son CELI. Plus précisément, il est demandé à notre Cour de déterminer si, pour chacune des années 2009, 2010 et 2012, l’appelante, à titre de titulaire du CELI, a reçu un avantage au sens de la définition des mots au paragraphe 207.01(1) de la Loi et, le cas échéant, si elle est tenue de payer de l’impôt sous le régime de la partie XI.01, lequel correspond, conformément à l’article 207.05 de la Loi, à la juste valeur marchande du bénéfice (c.-à-d. 200 795 $ pour 2009, 70 841 $ pour 2010 et 29 217 $ pour 2012).

Dispositions législatives

[8]  Les dispositions législatives pertinentes de la Loi mentionnées dans les présents motifs sont jointes aux présentes à l’annexe I.

Faits présentés en preuve

[9]  L’appelante est la seule à avoir témoigné à l’audience. Elle explique qu’une opération de swap exige que les actifs échangés aient une valeur égale. Dans son témoignage, elle a déclaré que, pour déterminer la valeur des actifs, TDW l’a orientée vers son document « Swap of Registered/non-reregistered Assets » [swap d’actifs enregistrés/non enregistrés] (« document TDW ») (pièce A-2, onglet 2).

[10]  Le document TDW précise (à la page 2) la méthode d’évaluation des actions dans un graphique qui donne [traduction] « un aperçu de la manière dont chaque titre est évalué aux fins du SWAP ». Ce graphique indique la méthode d’évaluation en ces termes : [traduction] « Si l’action a été négociée, n’importe quel prix entre le prix le plus élevé et le plus bas de la journée. Si l’action n’a pas été négociée, le prix indiqué comme étant le cours de clôture précédent. (Ne pas utiliser les données sur les cours acheteur et vendeur) ». L’appelante reconnaît qu’en suivant ces lignes directrices, elle était libre de choisir le prix de la journée qui lui était le plus avantageux pour acheter ou vendre des actions par échange.

[11]  Le document TDW, daté du 5 septembre 2008, date d’avant l’entrée en vigueur des règles visant les CELI. Ce document comprend un avis de non-responsabilité indiquant qu’il ne constitue ni un avis juridique, ni un avis en matière d’investissements, ni un avis fiscal. Il incite également le lecteur à consulter un conseiller fiscal avant d’effectuer un swap. Aucun représentant de TDW n’a témoigné au procès. L’appelante reconnaît qu’elle a agi de son propre chef après avoir reçu le document TDW.

[12]  Après avoir choisi les actions appropriées à échanger et avoir veillé à ce que leurs valeurs soient équilibrées conformément aux lignes directrices figurant dans le document TDW, l’appelante devait recevoir l’approbation d’un agent de TDW. L’appelante a déclaré que, à certaines occasions, l’agent de TDW lui a demandé de revoir ses calculs. Les raisons pour lesquelles elle a dû revoir ses calculs n’ont pas été précisées.

[13]  Un certain nombre de caractéristiques se retrouvent de façon récurrente dans chaque opération de swap. L’appelante a déclaré que, pour toutes les opérations de swap, le prix choisi pour les actions vendues par échange à partir de son CELI était le prix le plus élevé auquel elles s’étaient négociées pendant la journée jusqu’au moment du swap. À l’inverse, le prix choisi pour les actions acquises par échange pour son CELI était le prix le plus bas auquel elles avaient été négociées. Au procès, l’appelante a déclaré que les opérations de swap ont toujours été effectuées entre midi et 13 h, heure du Pacifique, peu avant la clôture des négociations à la TSX. De plus, l’appelante a généralement effectué des opérations de swap les jours où les prix des actions échangées étaient très volatils, le degré élevé de volatilité des actions étant attribuable aux secteurs dans lesquels l’appelante avait choisi d’investir (p. ex. l’exploitation minière, l’énergie et les technologies). À certaines reprises, l’appelante a échangé les mêmes actions dans un délai de 24 heures.

[14]  Ces opérations ont permis à l’appelante d’augmenter considérablement la proportion de son capital-actions détenu dans son CELI. À la fin de 2009, la valeur du CELI de l’appelante s’élevait à 206 615,09 $, alors qu’elle était de 5 000 $ au début de 2009, ce qui représente une augmentation de 4 032 % de la valeur du CELI.

[15]  Par comparaison, à la fin de 2009, le REER et le CDN de l’appelante avaient une valeur de 423 294,80 $ et 591 623,31 $ respectivement. Au début de 2009, les valeurs respectives étaient de 388 301,83 $ et de 204 742,97 $, ce qui représente une augmentation de 9 % pour le REER et de 189 % pour le CDN [2] .

[16]  Cependant, il convient de noter, en ce qui concerne le CDN, qu’il n’y avait aucune limite aux contributions. À diverses reprises, l’appelante a fait des dépôts de 10 000 $ dans son CDN; le 24 août 2009, elle a déposé 50 000 $; le 25 septembre 2009, elle a déposé 100 000 $; le 15 octobre 2009, elle a déposé 97 001,15 $ dans son CDN. Par conséquent, les apports externes expliquent en grande partie l’augmentation de la valeur du CDN.

[17]  Lorsque l’appelante a cessé de se livrer à des opérations de swap en octobre 2009, elle a laissé les actions de son CELI, où elles étaient exposées aux véritables forces du marché pour les autres années en cause (c.-à-d. de 2010 à 2012). En 2010 et en 2012, la valeur du CELI a augmenté. En 2011, l’appelante a subi une perte.

Position de l’appelante

[18]  Au procès, l’appelante a expliqué la raison d’être des opérations de swap de la façon suivante. Spéculant sur le prix futur des actions, elle déterminait les actions de son CELI qui s’étaient appréciées, mais qui risquaient se déprécier dans un avenir rapproché. Les parts comportant un « risque à la baisse » étaient échangées contre des parts ayant une « tendance à la hausse » qui étaient détenues dans son REER ou son CDN. Ce faisant, l’appelante a pu cristalliser les gains réalisés dans son CELI et augmenter ses droits de cotisation tout en respectant le plafond de cotisation. L’appelante a expliqué ce qui suit aux paragraphes 412, 413 et 419 de son mémoire :

  [traduction]

412.  En se livrant à une opération de swap pour récupérer les gains réalisés par les actions dans son CELI, l’appelante a été en mesure d’utiliser ces gains concurremment avec ses droits de cotisation au CELI existants pour acquérir par échange plus d’actions, ce qui faisait en sorte, si leur valeur devait augmenter, de faire augmenter à son tour la JVM du CELI ainsi que les droits de cotisation au CELI de l’appelante.

413.  Cette opération était permise puisque le législateur n’avait fixé aucune limite quant au montant qu’un détenteur pouvait gagner dans son CELI, pourvu que ses placements soient admissibles.

[...]

419.  En se livrant à une opération de swap pour récupérer ces gains, l’appelante a été en mesure non seulement de faire augmenter ses droits de cotisation d’un montant équivalant aux gains récupérés, mais aussi en même temps d’utiliser les droits de cotisation nouvellement créés en achetant par échange les actions du capital qui avaient le meilleur potentiel de s’apprécier dans l’avenir.

[19]  L’appelante a déclaré que cette stratégie comportait des risques parce que la valeur future des actions échangées était incertaine. Par conséquent, l’augmentation de la valeur de son CELI a découlé de ses décisions judicieuses de placement dans un contexte de reprise générale du marché.

[20]  Faisant valoir la légalité de sa stratégie de placement, l’appelante avance cinq thèses distinctes à l’appui de son affirmation selon laquelle elle n’a pas bénéficié d’un avantage au sens du paragraphe 207.01(1) de la Loi et que les cotisations visées par l’appel doivent être rejetées.

[21]  Premièrement, l’appelante soutient que les parties aux opérations de swap n’avaient pas un lien de dépendance. S’appuyant sur une jurisprudence de la Cour suprême du Canada (la « CSC »), Canada c. McLarty, 2008 CSC 26 [2008] 2 R.C.S., 2008 DTC 6354, l’appelante soutient que la démarche appropriée que doit suivre notre Cour consiste à examiner quelles opérations doivent être analysées, quelles entités ne devaient pas avoir un lien de dépendance et si les entités n’avaient, concrètement, aucun lien de dépendance. Les opérations à analyser sont les 71 opérations de swap dont il a été question précédemment. Pour 14 de ces opérations, l’appelante estime que l’entité à considérer est TDW, intervenant à titre de fiduciaire à la fois pour son CELI et son REER (mémoire de l’appelante, paragraphe 91). Quant aux 57 autres transactions, l’appelante indique que les entités dont il faut tenir compte sont TDW, qui intervient à titre de fiduciaire de son CELI, et elle-même, puisqu’elle est propriétaire du CDN (mémoire de l’appelante, paragraphe 92). L’appelante fait valoir que, dans chaque cas, ces entités n’avaient aucun lien de dépendance. Pour tirer cette conclusion, l’appelante accorde beaucoup de poids au statut indépendant de TDW intervenant comme fiduciaire (mémoire de l’appelante, paragraphes 84 et 211) et à la méthode d’évaluation exposée dans le document TDW (mémoire de l’appelante, paragraphe 219).

[22]  Deuxièmement, l’appelante soutient que les opérations de swap ont été évaluées à la juste valeur marchande (la « JVM ») et qu’elles auraient eu lieu dans un marché libre. S’appuyant sur une jurisprudence de la CSC, Untermeyer Estate c. Attorney General for British Columbia, [1929] S.C.R. 84, l’appelante soutient que choisir un prix entre le prix le plus élevé et le prix le plus bas était une méthode d’évaluation appropriée (mémoire de l’appelante, paragraphes 144 et 241). Étant donné que le prix des actions échangées a été déterminé à la TSX, l’appelante soutient en outre que les modalités commerciales des opérations étaient caractéristiques d’opérations effectuées dans un marché libre.

[23]  Troisièmement, l’appelante fait valoir que bénéficier d’une exonération d’impôt à l’égard du CELI ne constituait pas l’un des principaux objectifs des opérations de swap. À ce sujet, l’appelante estime que pour qu’il y ait une intention de bénéficier d’une exonération, le revenu imposable doit avoir été transféré du CELI ou du CDN vers le REER au moment que soient effectuées les opérations de swap (mémoire de l’appelante, paragraphes 274 et 275). Selon l’appelante, cette interprétation est étayée par les notes explicatives du 14 juillet 2008, selon lesquelles « [c]ette disposition [paragraphe 207.01(1) de la Loi] sert à protéger contre les opérations conçues pour transférer artificiellement le revenu imposable du titulaire vers l’abri que constitue le CÉLI [...] » (mémoire, paragraphes 275 et 276).

[24]  Quatrièmement, l’appelante plaide que les opérations de swap ne constituent pas une série d’opérations, étant donné qu’elles n’ont pas été déterminées d’avance (mémoire de l’appelante, paragraphes 289 et 333).

[25]  Enfin, à titre subsidiaire, l’appelante soutient que, si la Cour devait conclure qu’il y avait un avantage au sens du paragraphe 207.01(1), l’impôt est alors payable par TDW, aux termes du paragraphe 207.05(3). À l’appui de l’allégation selon laquelle TDW a reçu un avantage, l’appelante a fait référence au document TDW, au rôle de TDW en tant que fiduciaire et au degré de contrôle exercé par les agents de TDW.

La position de l’intimée

[26]  L’intimée soutient que les opérations de swap constituaient un avantage aux termes du paragraphe 207.01(1). Elle conteste d’ailleurs la version des faits de l’appelante. Selon l’intimée, l’appelante était en mesure de transférer la valeur de son REER et de son CDN vers son CELI en choisissant le prix des actions échangées a posteriori (observations écrites de l’intimée, paragraphes 31 et 77). Comme ces échanges ont eu lieu hors marché et comme des parties n’ayant aucun lien de dépendance n’auraient pas convenu de fixer des prix qui auraient constamment désavantager les titulaires du REER ou du CDN, l’intimée soutient que les actions de l’appelante répondent aux exigences énoncées à la division b)(i)(A) de la définition du mot « avantage » au paragraphe 207.01(1) (observations écrites de l’intimée, paragraphes 25, 59 et 78). Concernant la division b)(i)(B) de la définition, l’intimée soutient en outre que le seul objectif des opérations de swap était de permettre à l’appelante de bénéficier de l’exonération d’impôt prévue pour les actions détenues dans un compte d’épargne libre d’impôt. Ayant satisfait aux exigences, les opérations de swap constitueraient un avantage (observations écrites de l’intimée, paragraphe 79). Selon l’intimée, cette conclusion est conforme à une analyse textuelle, contextuelle et téléologique de l’article 207.01.

[27]  L’intimée affirme également que, pour les années 2010 et 2012, l’augmentation de la valeur des actions échangées en 2009 constituait un avantage (observations écrites de l’intimée, paragraphes 56, 81 et 93).

[28]  Enfin, l’intimée fait valoir que l’appelante, et non TDW, est tenue de payer l’impôt sur l’avantage. En ce qui concerne les faits, l’intimée souligne que l’appelante a conçu la stratégie et a effectué tous les échanges sans recourir aux services d’un courtier ou d’un conseiller de TDW (observations écrites de l’intimée, paragraphe 5). C’est également l’appelante qui a donné à l’agent de TDW des instructions sur la nature et la valeur des opérations de swap (observations écrites de l’intimée, paragraphe 27). En ce qui concerne le droit, l’intimée soutient que les mots « accordé par » figurant au paragraphe 207.05(3) font référence à l’utilisation d’instruments de créance, et puisque TDW n’a pas accordé de prêt à l’appelante, le paragraphe 207.05(3) ne joue pas (observations écrites de l’intimée, paragraphe 95). L’intimée ajoute qu’une interprétation trop large des obligations du fiduciaire rendrait le paragraphe 207.05(3) dénué de sens (observations écrites de l’intimé, paragraphe 96).

Analyse

Législation pertinente

[29]  Les règles sur le CELI ont été adoptées en 2009. Au cours des années qui ont suivi leur mise en œuvre, le législateur a apporté de nombreuses modifications pour régler des problèmes imprévus et pour rendre le régime fiscal général plus complet. C’est dans ce contexte que la Cour examine maintenant l’application des règles sur le CELI, je crois, pour la première fois.

[30]  Ces appels portent sur l’interprétation des articles 207.01 et 207.05 de la Loi. Ces articles font partie de la partie XI.01 intitulée « Impôts relatifs aux comptes d’épargne libre d’impôt » (2009, 2010) ou « Impôts relatifs aux CELI, aux FERR, et aux REER » (en date de mars 2011).

[31]  La partie XI.01 doit être lue de concert avec l’article 146.2, qui fait partie de la section G (de la partie I) intitulée « Régimes de participation différée et autres arrangements spéciaux relatifs aux revenus ». Le paragraphe 146.2(5) énonce les règles relatives à l’ouverture et à la fermeture d’un compte d’épargne libre d’impôt. Le paragraphe 146.2(6) énonce la règle générale selon laquelle un compte d’épargne libre d’impôt permet la capitalisation libre d’impôt du rendement des placements ainsi que des distributions libre d’impôt des gains accumulés. De façon plus générale, l’article 146.2 prévoit ce qu’on appelle le compte de placement « à impôts prépayés » (Benjamin Alarie, « Policy Forum: Assessing Tax-Free Savings Accounts – Promises and Pressures », (2009) 57:3 Can. Tax J. 504).

[32]  L’objectif général du compte d’épargne libre d’impôt est d’encourager les ménages à investir. Dans le budget de 2008 qui a introduit le compte d’épargne libre d’impôt, le ministère des Finances a expliqué les économies d’impôt qui pourraient être réalisées en supposant un taux de rendement de 5,5 % sur les placements générant des revenus diversifiés (40 % d’intérêts, 30 % de dividendes et 30 % de gains en capital). On prévoyait alors que les comptes d’épargne libre d’impôt inciteraient davantage les personnes à revenu faible ou modeste à épargner (voir la brochure « Compte d’épargne libre d’impôt » du budget de 2008, ministère des Finances, 26 février 2008, pièce A-2, onglet 14).

[33]  La partie XI.01 établit des règles anti-évitement qui empêchent les contribuables de profiter de l’exonération d’impôt prévue à l’article 146.2 d’une manière qui n’a pas été prévue par le législateur. L’une de ces règles est l’imposition d’un « avantage ». Le mot « avantage » est défini au paragraphe 207.01(1). Aux termes des paragraphes 207.05(1) à (3), l’impôt est payable sur un avantage.

[34]  Le 17 octobre 2009, la définition de l’avantage a été modifiée afin que soient incluses les « opérations de swap ». Il n’est pas controversé entre les parties que cette modification ne s’applique pas aux présents appels, car toutes les opérations de swap effectuées par l’appelante ont eu lieu avant le 17 octobre 2009. L’intimée a également reconnu qu’avant cette modification, les opérations de swap n’étaient pas nécessairement visées par la définition du mot avantage (voir la transcription, volume 3, page 397, lignes 7 à 16). Il faut donc tenir compte de la définition précédente [3] . Plus précisément, les parties ont attiré l’attention de notre Cour sur le sous-alinéa b)(i) de la définition du mot « avantage » au paragraphe 207.01(1), dans sa version de 2009.

A. Y avait-il avantage aux termes du sous-alinéa b)(i)?

[35]  Voici les extraits pertinents du paragraphe 207.01(1) :

207.01(1) Définitions – Les définitions figurant au paragraphe 146.2(1) ainsi que les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

avantage Est un avantage relatif à un compte d’épargne libre d’impôt :

 [...]

b) tout bénéfice qui représente une hausse de la juste valeur marchande totale des biens détenus dans le cadre du compte qu’il est raisonnable de considérer, compte tenu de toutes les circonstances, comme étant attribuable, directement ou indirectement :

(i) soit à une opération ou un événement ou à une série d’opérations ou d’événements qui, à la fois :

(A) ne se serait pas produit dans un marché libre où des parties sans lien de dépendance traitent librement, prudemment ou en toute connaissance de cause,

(B) a pour objet principal notamment de permettre à une personne ou à une société de personnes de profiter de l’exemption d’impôt prévue par la partie I à l’égard d’une somme relative au compte,

[...].

[36]  Il n’est pas controversé par l’appelante ne conteste pas que la JVM totale de son CELI a augmenté en 2009, 2010 et 2012 [4] . Selon les cotisations en cause, le CELI de l’appelante valait 205 795 $ à la fin de 2009 [5] . Après soustraction de la cotisation initiale de 5 000 $, l’augmentation de la JVM pour l’année a été évaluée à 200 795 $. Pour les années 2010 et 2012, l’augmentation de la JVM était respectivement de 70 841 $ et de 29 217 $ [6] . Comme la valeur du CELI de l’appelante a diminué en 2011, le ministre n’a pas effectué de réévaluation pour cette année-là.

[37]  Pour les trois autres années, la Cour devra déterminer s’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, que l’augmentation de la JVM totale du CELI de l’appelante est directement ou indirectement attribuable à une opération ou à une série d’opérations qui ne se serait pas produites dans un marché libre où des parties sans lien de dépendance traitent librement, prudemment et en toute connaissance de cause, et si l’objet principal des opérations de swap était notamment permettre à l’appelante de profiter de l’exonération d’impôt prévue par la partie I.

a)  L’augmentation de la JVM en 2009 est-elle attribuable à une série d’opérations?

[38]  Aux termes du sous-alinéa b)(i) de la définition, l’augmentation de la JVM doit être attribuable directement ou indirectement à une opération ou à une série d’opérations. Sur ce point, je conclus que l’augmentation de la JVM en 2009 est attribuable à la série d’opérations de swap. À l’inverse, je ne considère pas que l’augmentation de la JVM soit attribuable à chaque opération de swap prise individuellement. Si l’appelante n’avait effectué qu’une seule opération de swap ou seulement quelques-unes de ces opérations sur une période assez longue, j’aurais pu conclure, vu les faits, que l’augmentation de la valeur n’était pas attribuable aux opérations de swap. Comme je l’expliquerai plus en détail lorsque je déterminerai si les transactions auraient eu lieu dans un marché libre, c’est la succession de nombreuses opérations de swap en peu de temps qui a permis à l’appelante de transférer des fonds de son REER et de son CDN vers son CELI.

[39]  Pour tirer cette conclusion, je retiens une interprétation des mots « série d’opérations » qui est contraire à celle avancée par l’appelante. L’appelante a soutenu que toutes les opérations devaient être déterminées d’avance pour être assimilées à une série d’opérations [7] . Selon l’appelante, comme sa décision de donner des instructions visant à effectuer des opérations de swap dépendait des prix du marché futurs, les opérations particulières ne pouvaient pas être planifiées à l’avance et n’étaient donc pas prédéterminées : (mémoire de l’appelante, paragraphes 330 à 333). La thèse de l’appelante est entièrement fondée sur le sens, selon la common law, de « série d’opérations », comme il a été observé par le juge Rothstein à l’occasion de l’affaire OSFC, précitée, au paragraphe 24. Le juge Rothstein a toutefois reconnu, dans cette affaire, aux paragraphes 29, 34 et 35, et plus tard à l’occasion de l’affaire Copthorne Holdings Ltd. c. Canada, 2011 CSC 63, [2011] 3 R.C.S. 721, que le paragraphe 248(10) de la Loi a pour effet d’élargir ce sens. Il a ainsi observé que la définition consacrée par la common law de la « série d’opérations » signalée dans l’affaire OSFC a été élargie par le paragraphe 248(10) « en disposant que les “opérations [. . .] lié[e]s” terminées “en vue de réaliser” la série [...] sont réputées faire partie de la série : (Copthorne, paragraphe 43). En ce qui concerne le sens des mots « en vue de réaliser », la Cour suprême, dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601, au paragraphe 26, a précisé que ces mots « sont employés non pas dans le sens d’une connaissance véritable, mais dans le sens plus général de “en raison de” ou “relativement à” la série » (cette interprétation a été confirmée dans l’arrêt Copthorne, aux paragraphes 55 et 56). Il n’était donc pas nécessaire que l’appelante sache à l’avance quelles actions seraient échangées. Tout ce qu’il fallait, c’était que l’appelante planifie d’effectuer des opérations de swap dans le but d’atteindre les objectifs de la série.

[40]  Compte tenu des faits des présents appels, je conclus que les opérations de swap ont été effectuées en vue de réaliser la série. De mai à juin 2009, l’appelante a effectué des opérations de swap prospectives (l’appelante a utilisé le mot [traduction] « essais ») pour déterminer le potentiel de sa stratégie [8] . Après juin 2009, l’appelante a effectué des opérations de swap chaque semaine, et souvent plusieurs fois par jour [9] . Il ressort clairement des faits qu’à ce moment-là, l’appelante tentait d’effectuer le plus grand nombre possible d’opérations de swap. La seule limite qui lui était imposée était le coût fixe de 45 $. Par conséquent, seules les opérations de swap qui auraient permis de transférer un gain suffisamment important de son REER et du CDN vers son CELI ont été effectuées. À la lumière du témoignage de l’appelante, je n’ai aucun doute qu’en l’absence de la modification du 17 octobre, elle aurait poursuivi la même stratégie. Bien que la série d’opérations n’ait jamais eu de point final prédéterminé, toutes les opérations ont été effectuées en vue de réaliser la série.

b)  L’objet principal des opérations de swap était-il de profiter de l’exonération d’impôt en vertu de la partie I, comme le prévoit la division b)(i)(B)?

[41]  L’appelante a effectué cette série d’opérations dans le but de transférer des actions négociées à la TSX qui étaient détenues dans son REER et son CDN vers son CELI. L’appelante soutient que bénéficier de l’exonération de l’impôt n’était pas l’un des objets principaux des opérations parce que le revenu imposable n’a pas été transféré entre ses comptes (mémoire de l’appelante, paragraphe 275). En effet, il n’y a presque pas eu de ventes d’actions. Toutefois, l’approche proposée par l’appelante va à l’encontre de la définition même du mot « objet », qui est [traduction] « la raison pour laquelle quelque chose est fait » [10] . L’objet d’une action précède donc nécessairement sa réalisation. Que le but ultime soit atteint ou non ne change rien à l’objet initial qui a abouti à l’action. Pour déterminer l’objet d’une transaction, il faut examiner objectivement les faits : (Trustco, paragraphe 29). Il est vrai que l’appelant a engagé des frais d’opération de 3 195 $ (71 transactions multipliées par 45 $ par transaction) pour effectuer les opérations de swap. Cela, ajouté à la stratégie retenue par l’appelante d’identifier les tendances à la baisse et à la hausse du prix des actions échangées (comme il est expliqué au paragraphe 18 des présents motifs), donne lieu à une forte inférence qu’elle a effectué ses opérations pour bénéficier de l’exonération d’impôt prévue à la partie I sur la vente des actions détenues subséquemment dans le CELI. Le contribuable doit avoir eu l’intention de bénéficier d’une distribution libre d’impôt de son CELI par opposition à un retrait imposable de son REER ou à un gain imposable dans son CDN. Je ne vois autrement aucun avantage à transférer les actions entre ces comptes. Par conséquent, je conclus que bénéficier de l’exonération d’impôt en vertu de la partie I était l’un des objets principaux de l’appelante dans l’exécution de la série d’opérations. L’exigence énoncée au sous-alinéa b)(i)(B) de la définition du mot « avantage » au paragraphe 207.01(1) est donc remplie.

c)  Exigences de la division b)(i)(A)

[42]  Pour que la division b)(i)(A) de la définition s’applique, notre Cour doit déterminer si la série d’opérations se serait produite dans un marché libre, où les parties sans lien de dépendance traitaient librement, prudemment et en toute connaissance de cause.

1)  La série d’opérations aurait-elle eu lieu dans un marché libre?

[43]  Je suis d’avis que les opérations de swap n’auraient pas eu lieu dans un marché libre, contrairement à la thèse de l’appelante. À l’appui de sa position, l’appelante a déclaré que les actions échangées ont été négociées à la TSX. Plus important encore, l’appelante s’appuie fortement sur le document TDW qui fournissait une méthode d’évaluation pour les actions échangées entre les régimes enregistrés et non enregistrés. La méthode d’évaluation indiquait que tout prix entre le prix le plus élevé et le prix le plus bas de la journée pouvait être choisi si l’action s’était négociée pendant la journée. Étant donné que les actions échangées avaient toujours été négociées le jour des swaps, l’appelante soutient que les swaps étaient tarifés à la JVM lorsqu’elle a choisi, au moment du swap, un prix entre le prix le plus élevé et le prix le plus bas de la journée. À cet égard, l’appelante s’appuie également sur la jurisprudence Untermeyer Estate, précitée, pour soutenir que le choix d’un prix dans une fourchette constitue un montant de remplacement approprié de la JVM.

[44]  Pour expliquer comment l’augmentation importante de la valeur de son CELI se serait produite dans un marché libre, l’appelante souligne le fait que la TSX s’est fortement rétablie après la crise financière. Elle ajoute qu’à l’époque, elle a pris des risques en se fondant sur ses connaissances et ses recherches sur les marchés. La prise de risques à l’égard d’un grand nombre d’opérations qui se sont avérées profitables expliquerait donc le taux de rendement composé élevé de son CELI, ce qui l’a amenée à conclure que les opérations de swap se seraient produites dans un marché libre.

[45]  Je rejette la présentation des faits de l’appelante et son interprétation de la loi applicable. En ce qui concerne les faits, je note que l’appelante a concédé qu’elle a effectué toutes les opérations d’échange peu avant la fin des opérations sur la TSX (transcription, volume 1, aux pages 159 à 160). Attendre jusqu’à quelques instants avant la clôture de la séance lui permettait de profiter d’une plus grande volatilité des prix. En effet, l’écart entre le prix le plus élevé et le prix le plus bas de la journée s’accroît toujours, ou demeure à tout le moins constant, au fil de la journée. Lorsque l’appelante a choisi les actions à échanger, elle a donc profité des fluctuations quotidiennes des prix. C’est sa capacité de choisir le prix qui lui a permis, à long terme, de transférer plus d’actions de son REER et de CDN vers son CELI. Il ne s’agit pas là d’une négociation réaliste à la juste valeur marchande dans un marché libre. S’il y a un prix du marché à la seconde, la JVM est alors le prix indiqué à la seconde où les swaps ont lieu, et non un prix sélectionné dans une fourchette de prix.

[46]  La possibilité de choisir le prix de façon répétitive a permis à l’appelante d’éliminer le facteur de risque et, par conséquent, de transférer artificiellement des actions dans son CELI. Cette situation peut être illustrée par l’exemple hypothétique suivant : L’appelante aurait pu décider d’échanger exactement les mêmes actions d’un compte à l’autre et vice versa. En achetant des actions par échange de la société A pour les transférer dans son CELI, elle aurait choisi le prix le plus bas. En vendant des actions par échange de la société A à partir de son CELI, elle aurait choisi le prix le plus élevé. Le résultat final aurait été un plus grand nombre d’actions achetées par échange (en raison du faible prix) que le nombre d’actions vendues par échange (en raison du prix élevé). Bien que les quantités d’actions se déplacent d’un compte à l’autre, la valeur globale des deux comptes n’en est pas modifiée. Encore une fois, choisir le prix de transfert comme l’appelante l’a fait serait impossible dans un marché libre, puisque le prix des actions serait fixé au moment des opérations de swap et serait nécessairement le même, que les actions soient vendues ou achetées par échange.

[47]  Même si l’appelante n’a pas effectué de swaps portant exactement sur les mêmes actions, elle a quand même réussi à obtenir le même résultat. Lorsque deux ensembles d’actions différents sont échangés, la valeur future des comptes dépendra de la valeur future des actions échangées. Donc, si la valeur des actions achetées par échange dans le CELI diminue, alors que la valeur des actions vendues par échange à partir du CELI augmente, l’opération de swap ne produira pas le résultat souhaité. On peut dire que la valeur future des actions constitue le facteur de risque de l’opération de swap. En échangeant les mêmes actions de façon répétitive, l’appelante parvient à neutraliser ce facteur de risque.

[48]  Il convient une fois de plus de prendre un exemple. Le premier jour, l’appelante achète des actions par échange de la société A pour les transférer dans son CELI au prix le plus bas et vend des actions par échange de la société B à partir de son CELI au prix le plus élevé. Le lendemain, elle effectue le swap inverse en achetant par échange des actions de la société B au prix le plus bas et vend par échange des actions de la société A au prix le plus élevé. La hausse de la valeur de son CELI aux dépens de son autre compte dépend des variations de prix du deuxième jour. Pour les actions de la société A, ce n’est que si le prix le plus élevé du deuxième jour est inférieur au prix le plus bas du premier jour que le swap ne permet pas d’augmenter la valeur de son CELI. Pour les actions de la société B, ce n’est que si le prix le plus bas du deuxième jour est supérieur au prix le plus élevé du premier jour que le swap ne permettra pas d’augmenter la valeur de son CELI. Les deux scénarios sont très improbables étant donné que le prix des actions échangées par l’appelante était très volatil et qu’elle avait l’avantage d’attendre jusqu’à la fin de la journée pour décider quelles actions échanger. De plus, s’il n’était pas avantageux d’échanger le deuxième jour, elle pouvait attendre quelques jours, ce qui augmentait considérablement ses probabilités de faire un échange inverse bénéfique.

[49]  L’examen des faits confirme que telle était exactement l’approche retenue par l’appelante. Les mêmes actions ont été échangées dans les deux sens en quelques jours, ce qui a éliminé tous les risques liés aux variables du marché. Le résultat global aura donc été de transférer artificiellement des actions de son REER et de son RLC vers son CELI.

[50]  En ce qui concerne la jurisprudence Untermeyer, je constate que les faits qui y ont abouti se distinguent de ceux qui nous occupent en l’espèce. Dans l’affaire Untermeyer, le détenteur des actions possédait une participation importante dans la société. La Cour devait déterminer la juste valeur marchande aux fins des droits de succession des actions détenues par le contribuable à la date de son décès. Étant donné qu’il n’y avait pas de prix réel sur le marché qui tenait compte d’une vente importante d’actions, la Cour suprême a reconnu qu’une fourchette de prix pouvait être un montant de remplacement approprié à la JVM de ces actions à ce moment-là (Untermeyer, précité, aux pages 91 et 92). En ce qui concerne les présents appels, le prix du marché des actions au moment des opérations de swap était connu. Par conséquent, les prix choisis reflétaient les prix les plus élevés et les plus bas de la journée, et non la JVM des actions au moment du swap.

[51]  Ce raisonnement s’applique pareillement à la méthode d’évaluation fournie dans le document TDW. Toutefois, je ferais remarquer que, si l’appelante n’avait effectué qu’une seule opération de swap ou un petit nombre de ces opérations sur une longue période, ce facteur n’aurait peut-être pas pesé lourd dans la balance lorsqu’il serait venu le temps de répondre à la question de savoir si les transactions auraient eu lieu dans un marché libre. La raison appelant cette distinction est que la possibilité de choisir le prix n’aurait pas permis à l’appelante de transférer artificiellement des actions dans son CELI sans les swaps répétitifs. En fait, en l’absence de cette répétition, la valeur globale de chaque compte aurait dépendu uniquement de l’évolution de la valeur des actions à son tour influencée par les variables du marché. Le risque lié aux variations de prix dans ce cas aurait rendu la stratégie de l’appelante inefficace. Comme il a été expliqué précédemment, l’appelante a réussi à neutraliser ce facteur de risque.

2)  Les parties aux opérations de swap traitaient-elles, sans lien de dépendance, librement, prudemment et en toute connaissance de cause?

[52]  L’appelante soutient que TDW, à titre de fiduciaire du CELI et que TDW, à titre de fiduciaire du REER, étaient des intervenants non liés aux 14 opérations effectuées entre son CELI et son REER. De même, l’appelante soutient que TDW, à titre de fiduciaire du CELI et qu’elle-même, à titre de titulaire du CDN, étaient des intervenants non liés aux 57 opérations effectuées entre son CELI et son CDN. L’appelante souligne que, dans les deux cas, les opérations étaient fondées sur la méthode d’évaluation fournie dans le document TDW et que TDW est un intervenant spécialisé et indépendant.

[53]  Bien qu’il puisse être révélateur, le statut juridique des intervenants en tant que personnes non liées au sens du paragraphe 251(2) de la Loi n’est pas déterminant pour établir si ces intervenants ont agi sans lien de dépendance. Les faits particuliers de l’affaire doivent être examinés pour déterminer si les opérations ont été effectuées entre des parties sans lien de dépendance (article 251 de la Loi et l’arrêt McLarty, précité, aux paragraphes 44, 45 et 62). À cet égard, la Cour suprême, dans l’arrêt McLarty, a fait référence (au paragraphe 62) à trois facteurs indépendants dont il faut tenir compte :

a) un seul cerveau dirige les négociations pour les deux parties à une opération;

b) les parties à une opération agissent de concert sans intérêts distincts;

c) il y a exercice effectif (de fait) du contrôle.

[54]  Toutefois, il n’est pas nécessaire de satisfaire à tous ces critères dans chaque cas (Canada c. Remai, 2009 CAF 340, au paragraphe 32).

[55]  Dans les présents appels, les deux premiers facteurs jouent. Il ressort clairement des preuves que l’appelante était le seul cerveau qui dirigeait toutes les opérations de swap. Elle déterminait quelles actions seraient échangées, à quel prix, en quelle quantité et à quel moment. Elle donnait des instructions aux agents de TDW, qui se sont toujours pliés à ses demandes. Aucun élément de preuve n’a été présenté dont il ressort que quiconque, à l’exception de l’appelante, contrôlait la nature et l’essence des opérations entre toutes les parties en cause.

[56]  De plus, les intervenants qui avaient le contrôle du REER et du CDN ont agi de concert sans intérêts distincts. L’intimée a insisté sur le fait que les swaps vers le CELI étaient toujours au prix le plus bas et que les swaps à partir du CELI au prix le plus élevé, tandis que les swaps vers le REER et le CDN étaient toujours au prix le plus élevé et les swaps à partir du REER et du CDN au prix le plus bas, si bien que le REER et le CDN ont toujours été mal servis par ces opérations. Je conviens avec l’intimée qu’il en ressort que les intervenants agissaient de concert sans intérêts distincts. Comme l’a souligné la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta dans la décision Pocklington Foods Inc. c. Alberta (Provincial Treasurer), 1998 ABQB 279, [1998] A.J. n364, au paragraphe 197) :

  [traduction]

[...] En supposant que les intervenants agissent sans lien de dépendance, la négociation est envisagée être entre des intervenants ayant des intérêts opposés, chacune détenant un intérêt économique dans l’issue de la négociation.

[57]  Il m’apparaît évident que les intervenants responsables du REER et du CDN n’ont pas agi « librement, prudemment ou toute connaissance », puisque toutes les opérations de swap ont été effectuées de façon à favoriser le CELI au détriment du REER et du CDN.

[58]  En ce qui concerne les présents appels, les intervenants qui contrôlent le REER et le CDN n’ont jamais eu un intérêt économique dans l’issue des opérations. Ce point a été concédé par l’appelante, qui a reconnu qu’elle ne planifiait les opérations de swap que dans l’intérêt supérieur du CELI. Compte tenu des faits particuliers de l’affaire, je conclus donc que la série d’opérations de swap n’aurait pas eu lieu si les intervenants avaient traité sans lien de dépendance et avaient agi librement, prudemment et en toute connaissance de cause.

Conclusion pour l’année d’imposition 2009

[59]  Après avoir examiné tous les critères énoncés au sous-alinéa b)(i) de la définition du mot « avantage » au paragraphe 207.01(1), je conclus que l’appelante a reçu un avantage relativement à son CELI en 2009.

B. L’augmentation de la JVM du CELI en 2010 et 2012 est-elle directement ou indirectement attribuable aux opérations de swap entreprises en 2009 de manière à être visée par la définition du mot « avantage » au paragraphe 207.01(1)?

[60]  Le ministre soutient que l’augmentation de la valeur totale du CELI de l’appelante en 2010 et 2012 est attribuable, directement ou indirectement, à la série d’opérations effectuées en 2009. Comme il a été signalé précédemment, l’appelante a cessé de se livrer à des opérations de swap en octobre 2009. Elle a laissé ses actions dans le CELI, où elles ont été soumises aux véritables forces du marché pour les années 2010 à 2012. En 2010 et en 2012, la valeur du CELI a augmenté. En 2011, l’appelante a essuyé une perte.

[61]  Le ministre accorde beaucoup de poids au mot « indirectement ». De l’avis du ministre, l’appelante n’aurait pas eu, en l’absence des swaps, les actions dans son CELI qui ont permis de faire augmenter sa valeur globale.

[62]  L’analyse qui suit s’appuie sur une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique des mots « directement ou indirectement », comme ils figurent à l’alinéa b) de la définition du mot « avantage » au paragraphe 207.01(1) de la Loi.

Contexte

[63]  L’alinéa b) doit être considéré au regard des règles sur les CELI de la Loi dans son ensemble. Le contexte entourant l’adoption de ces règles est exposé ci‑dessus dans la section du contexte législatif résumé aux paragraphes 29 à 34 des présents motifs.

Objet

[64]  L’alinéa b), lu de concert avec le paragraphe 207.05(1), constitue une règle anti-évitement. Il impose la totalité de l’augmentation de la JVM attribuable à des opérations (ou à une série d’opérations ou d’événements) qui ne se produiraient pas dans un marché libre entre des intervenants sans lien de dépendance, et dont l’un de ses principaux objectifs est d’empêcher une personne non admissible de bénéficier d’une exonération d’impôt. Cet objectif d’anti-évitement est clairement exprimé dans les notes explicatives du budget de 2009, lesquelles énoncent que l’alinéa b) de la définition « sert à empêcher les opérations conçues pour transférer artificiellement le revenu imposable du titulaire vers l’abri que constitue le CÉLI ou pour contourner les plafonds de cotisation au CÉLI [11]  ».

[65]  Bien que l’alinéa b) soit lui-même une disposition anti-évitement, il s’agit d’un régime législatif qui vise, précisément, à encourager une augmentation de l’épargne libre d’impôt. Il y a donc une tension inhérente entre l’objet de la disposition et le régime dans son ensemble.

[66]  Les notes explicatives décrivent le type d’opérations considérées comme choquantes, mais n’ajoutent aucun renseignement supplémentaire sur le moment où un avantage (c.-à-d. une augmentation de la valeur) ni jusqu’où dans l’avenir un avantage sera considéré comme étant attribuable à de telles opérations.

Texte

[67]  L’alinéa b) de la définition soulève la question de savoir s’il est raisonnable de considérer, compte tenu de toutes les circonstances, que l’augmentation de la JVM d’un compte d’épargne libre d’impôt est attribuable, directement ou indirectement, aux opérations contestées, en l’occurrence les swaps.

[68]  Dans cette disposition, les mots « directement » et « indirectement » semblent englober tout; ils occupent des extrémités opposées du spectre, saisissant ainsi toute la gamme des significations. Par exemple, le New Shorter Oxford English Dictionary définit ainsi le mot « directement » : [traduction] « en ligne droite; sans détour [...] sans intermédiaire; par un processus direct [12]  ». À l’inverse, le mot « indirectement » signifie [traduction] « par une action, un moyen ou un lien indirects; par l’intervention d’une personne ou d’une chose [...] pas en ligne droite ni par un chemin direct; de façon sinueuse ou oblique [13]  ». Il s’ensuit que l’utilisation des mots « directement ou indirectement » vise à saisir toutes les méthodes par lesquelles une transaction pourrait accroître la JVM d’un compte d’épargne libre d’impôt.

[69]  Toutefois, cette interprétation très inclusive des mots « directement ou indirectement » est contrebalancée par le reste de l’alinéa b), qui oblige le lecteur à rechercher s’il est « raisonnable de considérer, compte tenu de toutes les circonstances », que l’augmentation est directement ou indirectement attribuable aux opérations contestées. Il ressort de ce facteur de raisonnabilité que l’analyse doit aller au-delà de la simple capacité d’établir un lien entre une augmentation et une opération. Elle constitue une contrainte quant à la possibilité que les mots « directement ou indirectement » s’interprètent de façon trop inclusive et appellent une analyse des autres circonstances pertinentes à l’opération ou à la série d’opérations. Ce raisonnement est appuyé par l’arrêt Trustco, précité, dans lequel la Cour suprême a fait remarquer que la présence du mot « raisonnable » au paragraphe 245(4) – à savoir s’il est raisonnable de considérer que l’opération entraînerait directement ou indirectement un abus dans l’application de la Loi – fait en sorte que l’interprétation de cette disposition est « atténuée », indiquant « que le ministre ou le tribunal dispose d’une certaine latitude pour décider s’il y a abus [14]  ».

[70]  Il existe une jurisprudence interprétant les mots « directement ou indirectement » figurant dans les dispositions de la Loi qui concernent le transfert de biens, mais je considère qu’on peut opérer deux distinctions. Premièrement, les dispositions dont il est question en l’espèce n’ont pas le caractère raisonnable présent à l’alinéa b) de la définition du mot « avantage » au paragraphe 207.01(1) [15] . Deuxièmement, il y a un début et une fin définis pour le transfert de biens qui permet de délimiter la transaction, même si les événements qui s’ensuivent sont complexes; il ne s’agit pas d’une augmentation de la valeur d’un compte attribuable à certains agissements ou à certaines opérations. Une augmentation de la valeur n’a pas nécessairement – en fait, probablement rarement – une cause que l’on peut clairement suivre du début à la fin. Conséquemment, l’interprétation large donnée aux mots « directement ou indirectement » dans les cas de transfert ne convient pas aussi bien à l’alinéa b) de la définition du mot « avantage » au paragraphe 207.01(1).

[71]  Par exemple, à l’occasion de l’affaire Medland c. Canada [16] , la Cour d’appel fédérale a conclu que l’époux de l’appelante lui avait transféré des biens en effectuant des paiements hypothécaires sur une maison dont l’appelante était devenue l’unique propriétaire. Cette cour a décidé que :

Les termes "indirectement ... de toute autre façon" figurant dans le paragraphe 160(1) de la Loi renvoient à toute façon détournée dont un bien de quelque nature peut être transmis d'une personne à une autre.

[72]  Dans l’affaire Kieboom [17] , le contribuable avait dilué sa participation dans sa société en émettant des actions supplémentaires sans droit de vote à son épouse et à ses enfants. La Cour d’appel fédérale a conclu que les dividendes versés à l’épouse à la suite de l’émission d’actions étaient assimilées à un revenu de l’époux au titre de l’article 74, selon lequel le revenu tiré d’un bien transféré directement ou indirectement à un conjoint était un revenu du cédant, et non du cessionnaire :

Ainsi donc, en l'espèce, le contribuable a transféré un bien à sa femme en lui donnant une partie de sa participation dans sa compagnie [...] Le fait qu'il a réalisé ce transfert de bien en faisant émettre des actions par sa compagnie ne fait pas de différence. Le paragraphe 74(1) s'applique aux transferts qui sont faits "directement ou indirectement" ou "par tout autre moyen que ce soit". Le transfert, qui en l'espèce était indirect, étant donné que le contribuable a pris des dispositions pour que sa compagnie émette des actions à sa femme, constitue néanmoins un transfert du mari à la femme. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait un transfert d'actions pour déclencher l'application de cette disposition de la Loi, comme le juge de la Cour de l'impôt l'a conclu à tort. Par ce transfert de bien à sa femme, le contribuable s'est départi de certains droits de recevoir des dividendes, si des dividendes étaient déclarés. Ainsi, lorsque les dividendes ont été distribués à sa femme en 1982, il s'agissait d'un revenu qui provenait du bien transféré et qui était à juste titre attribuable au contribuable.

[73]  La jurisprudence Garron (Fiducie familiale) (également citée sous l’intitulé Fundy Settlement) [18] nous offre un contraste intéressant à la jurisprudence citée précédemment. Tout comme la jurisprudence citée précédemment, l’affaire Garron concernait l’acquisition de biens. Plus précisément, la question en litige était de savoir si deux fiducies non résidentes étaient réputées résider au Canada aux termes de l’article 94 de la Loi parce qu’elles avaient, selon le texte en vigueur à l’époque, « acquis des biens, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit » (alinéa 94(1)b)) d’un bénéficiaire résident ou d’une personne liée résidente. Au procès, le juge Woods s’est toutefois dit préoccupé par la portée de ces mots :

[298] Le membre de phrase « directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit » est fort ambigu. On ne sait pas trop laquelle de ces interprétations le législateur envisageait.

[299] À mon avis, l’interprétation à retenir est l’interprétation la plus restrictive.

[300] L’incertitude inhérente à la position prise par le ministre est particulièrement troublante. La détermination de la propriété d’un bien dans une chaîne de sociétés est une tâche obscure, dont les résultats ne sont pas clairs. Doit‑on aller au‑delà du premier palier de filiales? Qu’en est‑il d’une société qui n’est pas une société possédée en propriété exclusive? Doit‑on tenir compte du fait que les actions ne comportent pas de droit de vote?

[301] La question est importante, étant donné que les termes « directement ou indirectement » sont employés dans d’autres dispositions de la Loi. J’hésite à adopter une interprétation qui suscitera probablement énormément d’incertitude. À mon avis, l’interprétation préconisée par les appelants est celle qu’il faut retenir.

[74]  La Cour d’appel fédérale a rejeté l’opinion du juge Woods au sujet de la signification de « directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit ». Le juge Sharlow a conclu que le législateur avait choisi ces mots pour englober tous les moyens possibles de déplacer des avoirs et tout potentiel de revenu :

[75] Il existe assurément bien des moyens d’opérer un transfert de biens directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, et la jurisprudence sur la question est rare. Il est toutefois désormais établi que si les actions ordinaires d’une entreprise, valant, disons, 100 $, sont échangées contre des actions préférentielles d’une valeur moindre, disons de 80 $, et que de nouvelles actions ordinaires sont émises à un nouvel actionnaire pour une somme symbolique, les détenteurs des actions préférentielles ont indirectement transféré au nouvel actionnaire des biens d’une valeur de 20 $ (voir Canada c. Kieboom [référence omise]).

[...]

[78] La question qui se pose au regard de l’alinéa 94(1)b) est cependant celle de savoir si des biens ont été transférés « directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit » à la fiducie Dunin et à la fiducie Garron, en tant qu’unique actionnaire respectivement de la nouvelle société Dunin et de la nouvelle société Garron. Selon la juge Woods, la réponse est non, car il faudrait autrement que l’on « aille au‑delà » de la nouvelle société Dunin et de la nouvelle société Garron pour constater que les fiducies étaient les destinataires des biens ainsi cédés, ce qui donnerait au membre de phrase « directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit » un sens démesuré susceptible d’avoir, dans d’autres circonstances, des conséquences incertaines et imprévisibles.

[79] Je ne partage pas les inquiétudes que cette question inspire à la juge Woods, et je dois dire, en toute déférence, que je ne suis pas d’accord avec son interprétation de l’alinéa 94(1)b). À partir du moment où l’on admet qu’il peut y avoir transfert indirect des actions d’une société, de l’actionnaire A à l’actionnaire B, par le truchement d’une réorganisation de la société qui fait passer une partie de la valeur de l’entreprise de la catégorie d’actions détenues par l’actionnaire A à la catégorie d’actions détenues par l’actionnaire B, je ne vois aucune raison de principe de conclure que la même opération ne pourrait pas en même temps constituer un transfert indirect de biens « de quelque manière que ce soit » à la personne propriétaire de l’actionnaire B. Cela n’implique aucune modification du principe juridique voulant qu’une société n’appartienne pas à ses actionnaires. Cette conclusion reconnaît simplement que toute augmentation de la richesse de l’actionnaire B va nécessairement accroître la richesse de celui qui est propriétaire de l’actionnaire B. Dans l’hypothèse d’une réorganisation de la société telle que celle décrite ci‑dessus, ce n’est pas faire violence au libellé de l’alinéa 94(1)b) que de conclure qu’il y a eu transfert indirect de biens « de quelque manière que ce soit » de l’actionnaire A au propriétaire de l’actionnaire B.

[80] Je considère que le législateur a de propos délibéré choisi la formule « directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit » de l’alinéa 94(1)b) afin de couvrir tous les moyens permettant de faire passer la richesse et les revenus potentiels que représentent les actions d’une société canadienne d’un bénéficiaire qui réside au Canada ou d’une personne liée à ce bénéficiaire à une fiducie non résidente [...].

[...]

[75]  Comme on peut le voir, la Cour canadienne de l’impôt et la Cour d’appel fédérale divergeaient d’opinion sur ce qui était dans cette affaire un moyen subsidiaire, c’est-à-dire le moyen selon lequel les fiducies avaient acquis des biens directement ou indirectement. La Cour suprême du Canada a refusé de se prononcer sur le moyen subsidiaire, déclarant explicitement qu’il ne fallait entendre par là que la Cour souscrivait les motifs de la Cour d’appel fédérale sur cette question [19] .

[76]  Même si, en tenant compte de l’ensemble de la jurisprudence citée précédemment, l’on pouvait conclure qu’elle va dans le sens d’une interprétation large des mots « directement ou indirectement » de l’alinéa b) de la définition du mot « avantage » au paragraphe 207.01(1), l’absence du facteur de raisonnabilité et l’inclusion des mots tels que « par tout autre moyen que ce soit » ou « de quelque manière que ce soit » dans les dispositions en cause dans toute la jurisprudence citée précédemment constituent deux distinctions importantes entre les faits de ces affaires et ceux de l’affaire de l’appelante. Comme on le verra plus loin dans mon analyse, les réserves du juge Woods au sujet de l’ambiguïté des mots « directement ou indirectement » sont plus pertinentes quant à une disposition comme l’alinéa b), en cause en l’espèce, qui, d’un point de vue analytique, n’a ni de point de départ ni de point final.

Application de l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique

[77]  J’ai conclu que la valeur du CELI de l’appelante en 2009 constitue un avantage au sens de la définition de ce terme à l’alinéa b) du paragraphe 207.01(1), et qu’elle est donc assujettie à l’impôt sur l’avantage au titre du paragraphe 207.05(1). La question est de savoir si les augmentations de 2010 et de 2012 sont également assujetties à l’impôt prévu au paragraphe 207.05(1). Je conclus par la négative.

[78]  Bien que l’objet de l’alinéa b) de la définition du mot « avantage » soit l’anti-évitement, le texte et le contexte ne vont pas dans le sens de l’élargissement de la définition de manière à ce qu’elle vise les années d’imposition 2010 et 2012. La large portée des mots « directement ou indirectement » est limitée par l’exigence de raisonnabilité qui figure également à l’alinéa b). En l’espèce, les circonstances qu’il est raisonnable de considérer pour décider si les augmentations de 2010 et de 2012 sont attribuables aux swaps de 2009 sont notamment le fait que, contrairement à l’année d’imposition 2009, l’appelante ne se livrait plus à des opérations de swap au cours des années d’imposition 2010 et 2012, et que le compte était donc soumis exclusivement aux forces du marché.

[79]  Après le 17 octobre 2009, la stratégie de placement de l’appelante a changé radicalement. Elle n’était plus en mesure de poursuivre la stratégie qu’elle avait construite pour contrôler le risque de marché lié aux swaps en sélectionnant les prix de transfert. Elle devait donc choisir la prochaine étape à suivre. Elle avait la possibilité « d’encaisser » en vendant ses actions et en réalisant théoriquement un gain en capital libre d’impôt, garantissant ainsi que la valeur qu’elle avait accumulée grâce à ses opérations de swap serait préservée. Elle a plutôt décidé de courir le risque de laisser les actions dans le CELI, où elles étaient soumises aux forces du marché et, par conséquent, au risque de marché réel. Le fait qu’elle a subi une perte en 2011 montre qu’elle était exposée à un risque de marché réel et potentiellement important.

[80]  J’estime qu’il est raisonnable, vu les circonstances, d’attribuer les augmentations de 2010 et de 2012 à la reprise financière après 2008. De même, j’estime que la perte de 2011 est attribuable au bref ralentissement économique de 2011. Pendant que l’appelante effectuait des opérations de swap en 2009, elle était en grande partie responsable de l’augmentation de la valeur du CELI cette année-là parce qu’elle contrôlait les prix des opérations et le risque. Une fois qu’elle a cessé de le faire et que le CELI a été soumis aux véritables forces du marché, le CELI, comme le marché en général, a bénéficié de la relance extraordinaire attribuable à la reprise financière après 2008. Beaucoup d’éléments de preuve ont été présentés au sujet du caractère [traduction] « unique » de la crise financière de 2008 et de la reprise qui a suivi. Cette reprise majeure ne peut être dissociée de la valeur du CELI de l’appelante au cours des années en cause. En 2009, la reprise et les opérations de swap ont coïncidé, et c’est l’année où le CELI a enregistré de loin les gains les plus importants. En revanche, en 2010 et 2012, alors que seule la reprise pouvait jouer un rôle, les gains du CELI ont été considérablement moindres (il suffit de penser à l’augmentation de 4 032 % de la valeur du CELI en 2009, par rapport à 35 % en 2010 et à 15 % en 2012). Concernant ces deux années, il n’existe pas nécessairement de motif permettant d’affirmer que les actions du CELI ne se « comportaient » pas comme tout autre placement prudent et légitime; c’est donc dire qu’il est raisonnable d’affirmer que leur valeur était déterminée par les conditions du marché, qui se sont avérées être très favorables. Les circonstances semblent donc avoir varié considérablement entre 2009 et 2010 et en 2012, la reprise du marché étant la seule constante évidente au fil des ans.

[81]  Les réserves du juge Woods à l’occasion de l’affaire Garron au sujet de l’ambiguïté inhérente des mots « directement ou indirectement » ne sont peut-être pas entièrement appropriées en matière de transfert de biens (comme l’a soutenu la Cour d’appel fédérale), mais elles sont appropriées en l’espèce. Jusqu’à quand dans l’avenir les swaps continueront-ils d’influer sur les fonds? Dans quelle mesure le gain est-il attribuable à la cotisation de l’appelante de 5 000 $ en 2009? Qu’en est-il de ses cotisations de 5 000 $ en 2010, 2011 et 2012? Et qu’en est-il de la perte de l’appelante en 2011? Un transfert de biens a un point final défini, bien qu’on puisse emprunter une voie détournée pour y arriver. En l’espèce, il n’y a pas de point final facile à définir ou à délimiter aux fins de l’analyse concernant la durée pendant laquelle une augmentation peut encore être attribuée à une transaction controversée.

[82]  Une interprétation plus restrictive de l’alinéa b) de la définition évite ces difficultés tout en respectant l’objectif d’anti-évitement de la disposition. Les opérations de swap de 2009 avaient un objectif d’évitement et n’auraient pas eu lieu dans un marché libre où les parties traitent entre elles sans lien de dépendance et agissent librement, prudemment et en toute connaissance de cause. Ces opérations ont fait augmenter la valeur du CELI de l’appelante de 4 032 % en 2009. Ces opérations peuvent être clairement délimitées et la valeur qui en résulte est entièrement visée par la disposition. On ne peut pas en dire autant de l’augmentation de la valeur en 2010 et en 2012.

[83]  Je conclus donc que l’augmentation de la valeur des actions en 2010 et 2012 n’est pas attribuable aux opérations de swap. L’augmentation est plutôt attribuable à ce qui s’est produit sur le marché et, à mon avis, elle ne constitue une conséquence ni directe ni indirecte des opérations de swap.

Qui était tenu de payer l’impôt au titre de l’article 207.05?

[84]  L’article pertinent se lisait comme suit en 2009 :

Impôt payé – avantage accordé

207.05 (1) Un impôt est à payer en vertu de la présente partie pour une année civile relativement à un compte d’épargne libre d’impôt si un avantage relatif au compte est accordé, au cours de l’année, à une personne qui est titulaire du compte ou qui a un lien de dépendance avec le titulaire.

Impôt à payer

(2) L’impôt à payer relativement à l’avantage correspond à celle des sommes suivantes qui est applicable :

a) s’agissant d’un bénéfice, sa juste valeur marchande;

(b)  s’agissant d’un prêt ou d’une dette, son montant.

Assujettissement

(3) Le titulaire du compte d’épargne libre d’impôt relativement auquel l’impôt prévu au paragraphe (1) est établi est redevable de l’impôt. Toutefois, si l’avantage est accordé par l’émetteur du compte ou par une personne avec laquelle il a un lien de dépendance, l’émetteur, et non le titulaire, est redevable de l’impôt.

[85]  Comme un avantage a été accordé à la titulaire du CELI en 2009, l’impôt est payable en vertu du paragraphe 207.05(1). Au titre du paragraphe 207.05(2), le montant d’impôt à payer est égal à la JVM du bénéfice. Il n’est pas controversé entre les parties que la JVM des actions échangées dans le CELI équivalait à 200 795 $. Aucune de ces conclusions ne prête à controverse.

[86]  Dans l’avis d’appel et dans sa réfutation, l’avocat de l’appelante a soutenu que TDW était assujettie à l’impôt en vertu du paragraphe 207.05(3) et que, par conséquent, l’appelante n’aurait aucun impôt à payer sur l’avantage. À l’appui de la position de l’appelante, son avocat a d’abord insisté sur le fait que l’appelante s’est fondée sur le document TDW pour utiliser la méthode d’évaluation fournie par TDW. L’avocat a ensuite soutenu que TDW, en tant qu’émettrice du CELI, était responsable des actions de l’appelante. À cet égard, il a souligné les responsabilités de l’émetteur au titre du paragraphe 207.01(5) et le rôle des agents de TDW dans l’approbation des opérations de swap.

[87]  En ce qui concerne le deuxième point, je reconnais que TDW est intervenu comme fiduciaire. Toutefois, ce facteur n’est pas déterminant en soi parce que, comme l’a souligné l’intimée, rendre le fiduciaire redevable de l’impôt simplement en raison de sa qualité rendrait le paragraphe 207.05(3) dénué de sens. Le texte dit clairement que le titulaire du CELI est redevable de l’impôt.

[88]  De plus, les autres arguments soulevés par l’appelante ne me convainquent pas que le TDW est redevable de l’impôt. Le paragraphe 207.01(5) se lisait ainsi en 2009 :

207.01(5) L’émetteur d’un compte d’épargne libre d’impôt agit avec le soin, la diligence et la compétence dont ferait preuve une personne prudente afin de minimiser la possibilité qu’une fiducie régie par le compte détienne des placements non admissibles.

[89]  Je remarque que cette disposition fait référence aux placements non admissibles et qu’elle est donc inapplicable ici, puisque l’impôt payable en l’espèce est lié à l’augmentation de la valeur des placements admissibles.

[90]  En ce qui concerne le rôle des agents de TDW, il ressort des preuves que le degré de contrôle qu’ils ont exercé se limitait à vérifier les calculs de l’appelante. À ce sujet, l’appelante a simplement signalé que quelques opérations de swap avaient été vérifiées, mais elle n’a pas expliqué pourquoi. En ce qui concerne le document TDW, je conviens qu’il peut être trompeur. Il a toutefois été créé avant l’adoption des dispositions relatives au compte d’épargne libre d’impôt et surtout avant l’adoption du paragraphe 207.01(1).

[91]  En ce qui concerne ces deux derniers points, pose problème le fait que l’appelante n’a cité à témoigner nulle personne au service de TDW. Une personne de TDW aurait pu témoigner pour expliquer la mesure dans laquelle l’appelante s’est fait dire de se fier au document TDW. Une personne de TDW aurait aussi pu expliquer le rôle des agents de TDW dans la vérification des opérations d’échange. Compte tenu de l’absence de témoins de TDW, je ne peux que conclure que leur témoignage n’aurait pas conforté l’appelante dans sa position.

[92]  L’appelante n’a pas présenté d’éléments de preuve pour me convaincre que l’avantage a été accordé par TDW (l’émettrice) de façon à la soustraire à l’assujettissement à l’impôt.

[93]  Je conclus donc que l’appelante est tenue, en vertu du paragraphe 207.05(3), de payer l’impôt pour l’année d’imposition 2009 [20] .

Décision

[94]  L’appel concernant l’année d’imposition 2009 est rejeté.

[95]  Les appels concernant les années d’imposition 2010 et 2012 sont accueillis et les cotisations sont renvoyées au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que l’appelante n’est pas tenue de payer les montants d’impôt de 70 841 $ pour 2010 et de 29 217 $ pour 2012, établis en vertu de la partie XI.01 de la Loi.

[96]    Étant donné que chacune des parties a partiellement obtenu gain de cause, je suis d’avis qu’elles doivent assumer leurs propres frais.

Signé à Montréal (Canada), ce 16e jour de novembre 2018.

« Lucie Lamarre »

Juge en chef adjointe Lamarre

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour mars 2019.

François Brunet, réviseur


RÉFÉRENCE :

2018 CCI

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-2068(IT)G

INTITULÉ :

Victoria Y Louie c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 9, 10 et 11 juillet 2018

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L’honorable juge en chef adjointe Lucie Lamarre

DATE DU JUGEMENT :

Le 15 novembre 2018

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me Alan Louie

Avocat de l’intimée :

MRon D.F. Wilhelm

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Alan Louie

 

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Canada)

 

 


ANNEXE 1

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

LOI DE L’IMPÔT SUR LE REVENU

Comptes d’épargne libre d’impôt

Définitions

146.2 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article et à la partie XI.01.

arrangement admissible Est un arrangement admissible à un moment donné l’arrangement qui répond aux conditions suivantes :

a) il est conclu après 2008 entre une personne (appelée « émetteur » à la présente définition) et un particulier (sauf une fiducie) âgé d’au moins 18 ans;

b) il constitue :

(i) un arrangement en fiducie conclu avec un émetteur qui est une société titulaire d’une licence ou par ailleurs autorisée par la législation fédérale ou provinciale à exploiter au Canada une entreprise d’offre au public de services de fiduciaire,

(ii) un contrat de rente conclu avec un émetteur qui est un fournisseur de rentes autorisé,

(iii) un dépôt auprès de l’un des émetteurs suivants :

(A) une personne qui est membre de l’Association canadienne des paiements ou peut le devenir,

(B) une caisse de crédit qui est actionnaire ou membre d’une personne morale appelée « centrale » pour l’application de la Loi canadienne sur les paiements;

c) il prévoit le versement à l’émetteur, dans le cadre de l’arrangement, de cotisations qui seront soit effectuées en contrepartie du versement par l’émetteur, dans ce cadre, de distributions au titulaire, soit utilisées, investies ou autrement appliquées de façon que l’émetteur puisse faire pareil versement au titulaire;

d) il s’agit d’un arrangement aux termes duquel l’émetteur, en accord avec le particulier, s’engage, au moment de la conclusion de l’arrangement, à produire auprès du ministre un choix visant à enregistrer l’arrangement à titre de compte d’épargne libre d’impôt;

e) l’arrangement est conforme aux conditions énoncées au paragraphe (2) tout au long de la période commençant au moment où il est conclu et se terminant au moment donné.

[...]

émetteur La personne appelée « émetteur » à la définition de arrangement admissible.

[...]

titulaire Est titulaire d’un arrangement :

a) jusqu’au décès du particulier qui a conclu l’arrangement avec l’émetteur, ce particulier;

[...]

[...]

Intérêt ou droit sur un CÉLI servant de garantie de prêt

 (4) Le titulaire d’un compte d’épargne libre d’impôt peut utiliser son intérêt ou, pour l’application du droit civil, son droit sur le compte à titre de garantie d’un prêt ou d’une autre dette si les conditions suivantes sont réunies :

a) les modalités de la dette sont telles qu’elles auraient été acceptées par des personnes n’ayant entre elles aucun lien de dépendance;

b) il est raisonnable de conclure qu’aucun des objets principaux de cette utilisation ne consiste à permettre à une personne (sauf le titulaire) ou à une société de personnes de profiter de l’exemption d’impôt prévue par la présente partie à l’égard d’une somme relative au compte.

Compte d’épargne libre d’impôt

(5) Si l’émetteur d’un arrangement qui est un arrangement admissible au moment où il est conclu produit auprès du ministre, avant mars de l’année civile suivant celle au cours de laquelle l’arrangement a été conclu, un choix fait selon le formulaire prescrit et les modalités prescrites visant à enregistrer l’arrangement à titre de compte d’épargne libre d’impôt sous le numéro d’assurance sociale du particulier avec lequel il est conclu, l’arrangement devient un compte d’épargne libre d’impôt au moment où il est conclu et cesse d’en être un au premier en date des moments suivants :

a) le moment où le dernier titulaire de l’arrangement décède;

b) le moment où l’arrangement cesse d’être un arrangement admissible;

c) dès que l’arrangement n’est pas administré conformément aux conditions énoncées au paragraphe (2).

Aucun impôt à payer par une fiducie

(6) Aucun impôt n’est à payer en vertu de la présente partie par une fiducie régie par un compte d’épargne libre d’impôt sur son revenu imposable pour une année d’imposition. Toutefois, si, au cours de l’année, la fiducie exploite une ou plusieurs entreprises ou détient un ou plusieurs biens qui sont, pour elle, des placements non admissibles, au sens du paragraphe 207.01(1), l’impôt prévu par la présente partie est à payer par la fiducie sur la somme qui correspondrait à son revenu imposable pour l’année si ses seules sources de revenu ou de perte étaient ces entreprises ou ces biens et ses seuls gains en capital ou pertes en capital découlaient de la disposition de ces biens. À cette fin :

a) sont compris dans le revenu les dividendes visés à l’article 83;

b) le gain en capital imposable ou la perte en capital déductible de la fiducie découlant de la disposition d’un bien correspond à son gain en capital ou à sa perte en capital, selon le cas, découlant de la disposition;

c) le revenu de la fiducie est calculé compte non tenu du paragraphe 104(6).

[...]

PARTIE XI.01 – Impôts relatifs aux comptes d’épargne libre d’impôt

Définitions

207.01 (1) Les définitions figurant au paragraphe 146.2(1) ainsi que les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

avantage Est un avantage relatif à un compte d’épargne libre d’impôt :

[...]

b) tout bénéfice qui représente une hausse de la juste valeur marchande totale des biens détenus dans le cadre du compte qu’il est raisonnable de considérer, compte tenu de toutes les circonstances, comme étant attribuable, directement ou indirectement :

(i) soit à une opération ou un événement ou à une série d’opérations ou d’événements qui, à la fois :

(A) ne se serait pas produit dans un marché libre où des parties sans lien de dépendance traitent librement, prudemment ou en toute connaissance de cause,

(B) a pour objet principal notamment de permettre à une personne ou à une société de personnes de profiter de l’exemption d’impôt prévue par la partie I à l’égard d’une somme relative au compte,

[...]

[...]

placement admissible Dans le cas d’une fiducie régie par un compte d’épargne libre d’impôt :

a) placement qui serait visé à l’un des alinéas a) à d), f) et g) de la définition de placement admissible à l’article 204 si la mention « fiducie régie par un régime de participation différée aux bénéfices ou un régime dont l’agrément est retiré » à cette définition était remplacée par « fiducie régie par un compte d’épargne libre d’impôt » et s’il n’était pas tenu compte du passage « sauf s’il s’agit de biens exclus relativement à la fiducie » à cette définition;

b) contrat relatif à une rente établie par un fournisseur de rentes autorisé, si les conditions suivantes sont réunies :

(i) la fiducie est la seule personne qui, s’il est fait abstraction d’un transfert subséquent du contrat par la fiducie, a droit ou peut avoir droit à des paiements de rente dans le cadre du contrat,

(ii) le titulaire du contrat a le droit d’exiger le rachat de celui-ci à tout moment pour une somme qui, s’il n’était pas tenu compte de frais de vente ou d’administration raisonnables, correspondrait à peu près à la valeur des fonds qui pourraient servir par ailleurs à financer des paiements périodiques futurs dans le cadre du contrat;

c) placement visé par règlement.

[...]

placement non admissible Dans le cas d’une fiducie régie par un compte d’épargne libre d’impôt, tout bien qui n’est pas un placement admissible pour la fiducie.

[...]

Obligation de l’émetteur

(5) L’émetteur d’un compte d’épargne libre d’impôt agit avec le soin, la diligence et la compétence dont ferait preuve une personne prudente afin de minimiser la possibilité qu’une fiducie régie par le compte détienne des placements non admissibles.

[...]

Impôt à payer – avantage accordé

207.05 (1) Un impôt est à payer en vertu de la présente partie pour une année civile relativement à un compte d’épargne libre d’impôt si un avantage relatif au compte est accordé, au cours de l’année, à une personne qui est titulaire du compte ou qui a un lien de dépendance avec le titulaire.

Impôt à payer

(2) L’impôt à payer relativement à l’avantage correspond à celle des sommes suivantes qui est applicable :

a) s’agissant d’un bénéfice, sa juste valeur marchande;

b) s’agissant d’un prêt ou d’une dette, son montant.

Assujettissement

(3) Le titulaire du compte d’épargne libre d’impôt relativement auquel l’impôt prévu au paragraphe (1) est établi est redevable de l’impôt. Toutefois, si l’avantage est accordé par l’émetteur du compte ou par une personne avec laquelle il a un lien de dépendance, l’émetteur, et non le titulaire, est redevable de l’impôt.

PARTIE XVII - Interprétation

Définitions

[...]

248(10) Pour l’application de la présente loi, la mention d’une série d’opérations ou d’événements vaut mention des opérations et événements liés terminés en vue de réaliser la série.

[...]

 



[1]   Les années d’imposition en cause sont celles indiquées dans l’avis d’appel modifié daté du 25 août 2016.

[2]   Formule : (valeur finale – valeur initiale) / valeur initiale x 100 %

[EN BLANC]

CELI

REER

CDN

Valeur initiale

5 000

388 301,8

204 742,9

Valeur finale

206 615,1

423 294,8

591 623,3

Variation en % de la valeur du compte

4 032%

9 %

189 %

 

[3]   Voir Oxford Properties Group Inc. c. Canada, 2018 CAF 30, [2018] A.C.F. no 97 (QL), au paragraphe 46 (demande d’autorisation de pourvoi en appel déposée, [2018] CSCR no 114 (QL)), dans laquelle la Cour d’appel fédérale observe qu’on ne peut présumer que des modifications subséquentes modifient ou confirment l’état antérieur du droit.

[4]   Demande d’admission, pièce R-1, onglet 2, paragraphe 115, et réponse à la demande d’admission, pièce R-1, onglet 3, alinéa 1q).

[5]   La valeur du CELI à la fin de 2009 semble être de 206 615,09 $ selon la pièce R-2, onglet 12.

[6]   Selon le tableau de l’annexe A de la réponse modifiée et mes propres calculs, ces chiffres représentent une augmentation de 35 % en 2010 et de 15 % en 2012 de la valeur du CELI.

[7]   L’appelante s’est reportée tout particulièrement à la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire OSFC Holdings Ltd. c. Canada, 2001 CAF 260, [2002] 2 C.F. 288.

[8]   Transcription, vol. 1, pages 113, 126, 127 et 130.

[9]   Comme en témoignent ses relevés de compte de CELI de 2009 (pièce A-2, onglet 3).

[10]   New Shorter Oxford English Dictionary, vol. 2, 1993, sub verbo « purpose ».

[11]   Notes explicatives concernant le projet de loi C-10, Loi d’exécution du budget de 2009, 25 février 2009, page 102.

[12]   New Shorter Oxford English Dictionary, vol. 1, 1993, sub verbo « directly ».

[13]   Ibid., sub verbo « indirectly ».

[14]   Précité, au paragraphe 37.

[15]   Je me dois de faire remarquer ici que même si certaines dispositions de la Loi (p. ex., la RGAE à l’article 245) contiennent à la fois le critère de raisonnabilité et les mots « directement ou indirectement », je ne connais aucune jurisprudence interprétant les mots « directement ou indirectement » dans de tels contextes.

[16]   1998 CarswellNat 766, [1999] 4 C.T.C. 293, [1998] A.C.F. no 708 (QL), au paragraphe 20.

[17]   Canada c. Kieboom, [1992] 3 C.F. 488 à la page 500, 1992 CarswellNat 308, [1992] 2 C.T.C. 59, à la page 65.

[18]   Garron (Fiducie familiale) c. La Reine, 2009 CCI 450, [2009] T.C.J. no 345 (QL); confirmé par la décision Fundy Settlement. c. Canada, 2010 CAF 309, [2012] 2 R.C.F. 374, [2010] F.C.J. no 1457 (QL); confirmé par l’arrêt Fundy Settlement c. Canada, 2012 CSC 14, [2012] 1 R.C.S. 520.

[19]   Fundy Settlement, précité, au paragraphe 19.

[20]   Dans les circonstances, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’analyser la thèse de l’intimée portant que les mots « accordé par » figurant au paragraphe 207.05(3) se rapportent à l’utilisation d’instruments de créance.

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