Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2016-625(IT)I

ENTRE :

DAVID FREE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 3 mai 2018, à Hamilton (Ontario).

Devant : L’honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Laura Rhodes

 

JUGEMENT

  L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national le 3 décembre 2015 au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2007 de l’appelant est rejeté, conformément aux motifs ci‑joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de novembre 2018.

« Réal Favreau »

Juge Favreau


Référence : 2018 CCI 238

Date : 20181128

Dossier : 2016-625(IT)I

ENTRE :

DAVID FREE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]  Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre ») le 3 décembre 2015 au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), avec ses modifications (la « LIR ») pour l’année d’imposition 2007 de l’appelant.

[2]  L’appelant a omis de produire sa déclaration de revenus pour l’année 2007.

[3]  Le ministre a établi une cotisation à l’égard de l’appelant pour l’année 2007 au titre du paragraphe 152(7) de la LIR au motif qu’il avait touché un revenu d’emploi de 82 646 $, un paiement forfaitaire sous forme d’autre revenu de 187 500 $ de la municipalité de Meaford (la « municipalité ») et une cotisation de retraite de 16 685 $. L’avis de cotisation est daté du 7 décembre 2009.

[4]  L’appelant s’est opposé à la cotisation au moyen d’un avis d’opposition déposé le 25 août 2010.

[5]  Dans une lettre datée du 23 septembre 2015, le ministre a modifié la cotisation en permettant une contribution de 45 879 $ à un régime enregistré d’épargne-retraite (« RÉER »), 5 462 $ pour des frais juridiques et 3 849 $ pour des frais médicaux, mais a refusé le revenu brut d’entreprise de l’appelant de 3 140 $ ainsi qu’une perte d’entreprise nette de 29 731 $.

[6]  Le ministre a procédé à un examen plus poussé de la demande de report rétrospectif de 56 769 $ de l’appelant à la suite duquel le montant a été accordé et un avis de nouvelle cotisation a été émis le 3 décembre 2015.

[7]  L’appelant a déposé son avis d’appel concernant la perte d’entreprise nette de 29 731 $ refusée le 28 avril 2016, après que la Cour a accordé à l’appelant une prorogation du délai pour interjeter appel relativement à son année d’imposition 2007.

[8]  L’intimée a déposé une réponse à l’avis d’appel le 8 juillet 2016.

[9]  L’appelant avait déjà interjeté appel à la Cour à l’encontre du refus de ses dépenses d’entreprise pour les années d’imposition 2005 et 2006, et la Cour a rejeté ces appels le 7 novembre 2014 (numéro de dossier de la Cour 2010‑309(IT)G).

[10]  Pour déterminer la dette fiscale de l’appelant pour l’année d’imposition 2007, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

. . .

[traduction]

b)  l’appelant était un employé à temps plein de la municipalité de Meaford (« l’employeur ») au cours des années d’imposition 2005, 2006 et 2007;

c)  l’appelant a touché un revenu d’emploi brut de 60 416 $, 92 700 $ et 82 646 $ pour les années d’imposition 2005, 2006 et 2007, respectivement;

d)  l’employeur de l’appelant lui a remboursé ses frais de déplacement sur la base d’un taux kilométrique, ses frais de téléphone, ses fournitures de bureau et autres dépenses ainsi que la sous-traitance;

e)  l’appelant a déclaré des revenus d’un travail indépendant d’entreprise de 3 140 $ provenant d’Automotive Contract Employees Inc. (« Automotive ») pour l’année d’imposition 2007;

f)  l’appelant n’a touché aucun revenu d’un travail indépendant d’entreprise d’Automotive pour l’année d’imposition 2007;

g)  l’appelant a déclaré des dépenses d’entreprise de 32 871,16 $ pour l’année d’imposition 2007;

h)  l’appelant n’a pas engagé de dépenses d’entreprise de 32 871,16 $ (« dépenses d’entreprise refusées ») relativement à ses activités de travail indépendant d’entreprise au cours de l’année d’imposition 2007;

i)  les dépenses d’entreprise refusées de 32 871,16 $ déclarées relativement à ses activités de travail indépendant d’entreprise, le cas échéant, constituaient des dépenses personnelles de l’appelant;

j)  l’appelant a déclaré une perte d’entreprise nette de 29 731,16 $ au cours de l’année d’imposition 2007;

k)  l’appelant n’a pas subi de perte d’entreprise nette de 29 731,16 $ au cours de l’année d’imposition 2007, comme le montre le tableau ci‑dessous :

Élément

Montant

Revenu d’entreprise brut

Moins la TPS et TVP ou la TVH

Revenu d’entreprise brut net de la TPS, de la TVP ou de la TVH

Publicité

Taxe et frais d’entreprise

Livraison

Assurance

Frais d’ordre professionnel

Repas et frais de représentation

Véhicule automobile

Frais de bureau

Fourniture

Frais de téléphone et de services publics

Déduction pour amortissement

Total des dépenses

3 328,00 $

188,40 $

3 140,00 $

 

1 276,00 $

1 589,00 $

1 579,00 $

2 873,00 $

750,00 $

1 436,50 $

1 697,77 $

3 120 $

1 459,00 $

15 931,00 $

31 711,27 $

1 159,89 $

32 871,16 $

[EN BLANC]

[EN BLANC]

Perte d’entreprise nette déclarée

 29 731,16 $

[11]  L’appelant a témoigné à l’audience. Il est technicien spécialiste agréé en ingénierie (civil/municipal) et comptable en gestion accrédité qui, du 21 mars 2005 au 31 mai 2007, a travaillé pour la municipalité comme trésorier et directeur financier au début, puis comme directeur municipal et trésorier par la suite. La Cour a examiné la situation fiscale de l’appelant alors qu’il occupait le poste de trésorier et directeur municipal de la municipalité de Meaford (numéro de dossier 2010-309(IT)G), et la juge Valerie A. Miller a conclu que l’appelant était un employé de la municipalité.

[12]  L’appelant a déclaré qu’il exerce ses activités sous le nom de D R Free & Associates depuis 1988 et qu’il fournit des services d’ingénierie dans les domaines du génie environnemental, de la conception de systèmes de gestion des déchets, de la planification de site, de la planification municipale et d’autres services de consultation en gestion. Son entreprise est une entreprise individuelle inscrite au registre de la taxe sur les produits et services.

[13]  L’appelant a confirmé qu’il a déclaré un revenu d’entreprise de 3 140 $ provenant d’Automotive Contract Employees Inc. pour l’année d’imposition 2007, laquelle comprenait deux factures datées du 30 octobre 2007 et du 26 novembre 2007. Ce revenu est le seul qu’il n’a pas reçu de la municipalité en 2007, et représente seulement 4 % de son revenu total pour l’année (à l’exclusion du paiement forfaitaire de 187 500 $ de la municipalité).

[14]  L’appelant a également confirmé avoir déclaré des dépenses d’entreprise pour un total de 32 871,16 $ dans son formulaire État des résultats des activités d’une profession libérale, ce qui représente une perte d’entreprise nette de 29 731,16 $. L’appelant a expliqué que les dépenses d’entreprise engagées en 2007 n’étaient pas liées au travail qu’il a effectué pour la municipalité, parce que cette dernière lui a remboursé ses frais de déplacement à un taux kilométrique, ses frais de téléphone, ses fournitures de bureau et d’autres dépenses. Cependant, il n’a pas fourni de liste sommaire des reçus reliés aux dépenses qu’il a déclarées dans le formulaire T2032 État des résultats des activités d’une profession libérale pour l’année d’imposition 2007, et les reçus de dépenses qu’il a fournis en bloc n’étaient pas séparés des dépenses engagées pour la municipalité et qui lui ont été remboursées.

[15]  L’appelant a déclaré au début de son témoignage que les dépenses effectuées de janvier à mai 2007 avaient été engagées pour la municipalité. Par la suite, il a déclaré qu’une répartition des dépenses déclarées avait été préparée en fonction de ses feuilles de temps qu’il n’avait pas en sa possession à l’audience. Il a suggéré en fin de compte de vérifier les factures adressées à la municipalité afin de déterminer les dépenses qui étaient imputées à cette dernière. L’appelant a reconnu que les reçus de dépenses d’entreprise n’avaient pas été présentés de façon organisée.

[16]  Au cours du contre-interrogatoire de l’appelant, l’avocate de l’intimée lui a posé des questions concernant diverses dépenses déclarées.  Certaines dépenses étaient de nature personnelle, d’autres ont purement été engagées pour du divertissement ou au cours d’années antérieures et présentées par erreur; certaines étaient des dépenses de voyage engagées par l’appelant, y compris des frais de déplacement avec sa conjointe pour une entrevue d’emploi à New Glasgow, en Nouvelle-Écosse, d’autres ont servi à payer pour des activités liées au golf, des frais de publicité, de divertissement avec des clients ou des clients potentiels sans que l’identité de ces personnes ait été enregistrée dans un document. De plus, certaines dépenses étaient manifestement déraisonnables, comme les frais de téléphone et de services publics de 15 931 $ et 3 120 $ pour l’utilisation de 1 100 pieds carrés de sa maison (quatre pièces et le garage représentant quatre des onze pièces) qu’il utilisait comme bureau.

[17]  En contre-interrogatoire, l’appelant a admis qu’il n’avait pas de plan d’affaires, et qu’il ne se rappelait pas si son entreprise avait déjà été rentable. L’avocate de l’intimée lui a fait remarquer qu’en 2004 et au cours de certaines années dans les années 1990, il avait déclaré un revenu net d’entreprise, mais qu’en 2001, 2005, 2006 et de 2008 à 2015, il avait déclaré une perte d’entreprise nette pour chacune de ces années.

[18]  Les questions devant être tranchées dans le présent appel sont les suivantes :

  • (a) la question de savoir si l’appelant a le droit d’inclure un revenu brut d’entreprise de 3 328 $ pour l’année d’imposition 2007;

  • (b) la question de savoir si l’appelant a le droit de déduire des dépenses d’entreprise pour l’année d’imposition 2007 et, le cas échéant, de quel montant?

Analyse et conclusion

[19]  Dans l'arrêt Stewart c. Canada, [2002] 2 R.C.S. 645, la Cour suprême du Canada a établi le critère suivant pour déterminer si un contribuable a une source de revenu :

60 En résumé, la question de savoir si le contribuable a ou non une source de revenus doit être tranchée en fonction du caractère commercial de l’activité en cause. Lorsque l’activité ne comporte aucun aspect personnel et qu’elle est manifestement commerciale, il n’est pas nécessaire de pousser l’examen plus loin. Lorsque l’activité peut être qualifiée de personnelle, il faut alors déterminer si cette activité est ou non exercée d’une manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenus.

[20]  Dans le même arrêt, la Cour suprême du Canada fait le commentaire suivant au paragraphe 54 concernant la détermination de l’existence d’une source de revenus :

Il y a également lieu de souligner que la détermination de l’existence d’une source de revenus n’est pas un processus purement subjectif. Outre le fait que, pour qu’une activité soit qualifiée de commerciale par nature, le contribuable doit avoir l’intention subjective de réaliser un profit, il faut aussi, comme il a été mentionné dans l’arrêt Moldowan, que cette détermination se fasse en fonction de divers facteurs objectifs. Ainsi, sous une forme plus élaborée, le premier volet du critère susmentionné peut être reformulé ainsi : « Le contribuable a-t-il l’intention d’exercer une activité en vue de réaliser un profit et existe-t-il des éléments de preuve étayant cette intention? » Cela oblige le contribuable à établir que son intention prédominante était de tirer profit de l’activité et que cette activité a été exercée conformément à des normes objectives de comportement d’homme d’affaires sérieux.

[21]  En l’espèce, je crois qu’il y a un élément personnel important dans les activités menées par l’appelant et dans les dépenses qu’il a déclarées. Par exemple, les appels personnels effectués à l’aide d’un cellulaire étaient mélangés dans le total des frais de téléphone déclarés. Il a réclamé des frais pour l’utilisation d’un bureau à la maison même si un bureau lui a été fourni par la municipalité pour la période allant de janvier à mai 2007 au cours de laquelle il était employé à temps plein de la municipalité et n’était pas tenu par son employeur d’avoir un bureau à la maison. Aucun reçu n’a été produit justifiant les frais de livraison et d’assurance responsabilité professionnelle qu’il a déclarés. Des frais de repas au club de golf ont été réclamés sans être enregistrés dans un document indiquant le nom des clients ou des clients potentiels invités.

[22]  D’après les éléments de preuve dont je dispose, je suis également convaincu que l’appelant n’a pas exercé ses activités à des fins commerciales. Son intention avouée était de faire des profits et, en tant que comptable en management accrédité, il avait certainement la capacité de générer des profits d’entreprise, mais cela ne s’est pas concrétisé. Il n’avait aucun plan d’affaires et avait connu de nombreuses années non rentables depuis 2000, particulièrement de 2005 à 2015.

[23]  L’appelant n’a pas réussi à s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombait de prouver qu’il a mené des activités d’une manière commerciale dans le but de réaliser un profit, ni à infirmer les hypothèses défavorables formulées par le ministre à cet égard.

[24]  Les livres et les dossiers tenus par l’appelant n’étaient pas suffisants pour permettre de déterminer ses dépenses d’entreprise pour son année d’imposition 2007. L’appelant n’a pas présenté de sommaire de ses reçus avec sa déclaration de revenus de 2007, et les reçus n’ont pas été séparés. Aucun programme informatique n’a été utilisé pour identifier correctement les dépenses engagées pour la municipalité, pour lui-même ou pour ses activités de travail indépendant.

[25]  Pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de novembre 2018.

« Réal Favreau »

Juge Favreau


RÉFÉRENCE :

2018 CCI 238

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-625(IT)I

INTITULÉ :

DAVID FREE c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Hamilton (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 3 mai 2018

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

Le 28 novembre 2018

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Laura Rhodes

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

[EN BLANC]

 

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Canada)

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.