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Dossier : 2018-104(IT)I

ENTRE :

MIREILLE LUNOT,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 11 octobre 2018 à Vancouver (C.-B.).

Devant : L’honorable juge B. Russell


Comparutions :

  Avocat de l’appelante :

Me Todd Brayer

  Avocate de l’intimée :

Me Anna Walsh

 

JUGEMENT

  L’appel interjeté à l’encontre des cotisations établies le 22 octobre 2015 et le 3 décembre 2015 sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada), pour les années d’imposition 2012 et 2013 respectivement, est accueilli, sans dépens. La cotisation de 2012 est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, au motif que le dividende contesté de 33 555,23 $ pour 2012 doit être réduit de 7 000 $ à 26 555,23 $. La cotisation pour un dividende de 15 000 $ pour l’année d’imposition 2013 est valide comme telle.

Signé à Ottawa (Canada), le 30e jour de novembre 2018.

« B. Russell »

Juge Russell


Référence : 2018 CCI 241

Date : 20181130

Dossier : 2018-104(IT)I

ENTRE :

MIREILLE LUNOT,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Russell

Introduction :

[1]  Dans le présent appel, l’appelante, Mme Lunot, conteste les cotisations initiales de ses années d’imposition 2012 et 2013 respectivement, qui ont été établies par le ministre du Revenu national (le ministre) en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi). Plus précisément, elle en appelle de l’inclusion, dans ces deux années consécutives, de dividendes de 32 555,23 $ et de 15 000 $, respectivement. Mme Lunot avait déclaré ces deux montants de dividendes dans ses déclarations de 2013 et de 2014; chacune des deux cotisations en appel a été versée selon le principe « telle que produite ». Chacun des deux montants de dividendes déclarés a été justifié par un relevé T5 émis par une entreprise de la Colombie-Britannique, LeGear Pelling Insurance Services Ltd. (LeGear Pelling). Mme Lunot était actionnaire à près de 30 % de LeGear Pelling pendant les années d’imposition en question. Ce n’est qu’en 2016 que Mme Lunot a communiqué avec le ministre pour s’opposer à ces deux dividendes.

[2]  À l’audience, deux personnes ont témoigné : Mme Lunot et M. A. Tablotney. Ce dernier, si j’ai bien compris, était un autre actionnaire de LeGear Pelling. Les deux témoins avaient été des employés de LeGear Pelling pendant les années d’imposition en question. Mme Lunot travaillait comme courtier d’assurance, tout comme M. Tablotney, je crois, qui était également le directeur de LeGear Pelling. De plus, la conjointe de M. Tablotney était la comptable interne de LeGear Pelling. De malheureux différends sont survenus entre ces deux actionnaires, de sorte que Mme Lunot a quitté son emploi chez LeGear Pelling et a cessé d’en être actionnaire vers 2016. La question des deux montants de dividendes a été soulevée dans le cadre du vif différend entre ces deux personnes. M. Tablotney a affirmé que ce différend découlait d’un désir injustifié de Mme Lunot d’obtenir un revenu majoré de LeGear Pelling, ce à quoi M. Tablotney s’opposait apparemment vigoureusement. Ce différend a mené à une série de recours civils portés devant la Cour des petites créances de la Colombie-Britannique entre Mme Lunot et LeGear Pelling. Ils ont été réglés vers 2016 par une entente globale qui, si j’ai bien compris, comprenait la vente des actions de Mme Lunot pour un montant convenu et la cessation de son emploi à LeGear Pelling.

[3]  Au début de l’audience, l’avocat de Mme Lunot a proposé de modifier l’avis d’appel afin d’ajouter une demande relative à des revenus figurant dans un feuillet T4 pour une année d’imposition ou les deux. L’avocate de l’intimée s’est opposée à la requête. Après un ajournement pour que l’avocate de l’intimée puisse obtenir des instructions quant à savoir si l’intimée pouvait être prête (ceci étant une procédure informelle) à procéder à partir de l’avis d’appel modifié proposé, l’avocate de l’intimée a maintenu son opposition à la requête de l’appelante au motif qu’il lui manquait de temps pour se préparer. Par conséquent, j’ai rejeté la requête.

Montant du dividende de 2012 :

[4]  Tout d’abord, en ce qui concerne le montant de dividende de 33 555,23 $ figurant sur un feuillet T5 pour l’année d’imposition 2012, la preuve indiquait qu’un paiement par chèque de 7 000 $, daté du 12 mars 2012, que LeGear Pelling a émis à Mme Lunot avait été inclus par LeGear Pelling tant dans ses revenus figurant sur un feuillet T4 que dans le montant du dividende en question. C’est donc dire que le paiement de 7 000 $ avait été traité par LeGear Pelling, apparemment involontairement en raison d’une mauvaise tenue de livres, comme deux paiements à Mme Lunot, chacun imposable en son nom, soit un paiement salarial et un paiement de dividendes. M. Tablotney, cité à comparaître par chaque partie, l’a concédé lors de l’interrogatoire principal (en tant que témoin hostile en accord avec l’associé) par l’avocat de l’appelante, après l’examen de divers documents de paie de LeGear Pelling. Ainsi, ce montant de 7 000 $ peut être soustrait du montant du dividende de 33 555,23 $.

[5]  La somme de 5 709,75 $ représentait également une partie du montant du dividende contesté de 2012. Il s’agit d’un montant pour les frais juridiques facturés à Mme Lunot que LeGear Pelling a payés en son nom. Mme Lunot a fait valoir que M. Tablotney avait accepté, au nom de LeGear Pelling, de payer le plein montant pour elle. M. Tablotney a déclaré qu’il avait seulement accepté que LeGear Pelling paie le montant à titre de dépense personnelle de Mme Lunot. Le montant serait ainsi (et a effectivement été) ajouté au compte des prêts aux actionnaires de Mme Lunot, comme d’autres dépenses personnelles des actionnaires, dont M. Tablotney lui-même, que LeGear Pelling aurait payées.

[6]  Dans son témoignage, M. Tablotney a déclaré que ce paiement comprenait un montant d’intérêt d’environ 900 $ du fait que Mme Lunot avait tardé à obtenir le paiement de la facture, et demandait donc pourquoi LeGear Pelling accepterait de payer un montant d’intérêt, alors que la facture venait tout juste d’être portée à l’attention de la société, si ce n’est qu’en facturant le montant de la facture payée à son compte des prêts aux actionnaires, afin de rembourser le montant à la société par la déclaration d’un dividende de Mme Lunot du même montant imputé au montant du compte des prêts aux actionnaires.

[7]  Compte tenu de cette preuve, je ne peux conclure en faveur de Mme Lunot en l’absence de tout élément de preuve corroborant le fait que LeGear Pelling a accepté l’entière responsabilité du paiement de la facture des frais juridiques, contrairement à la pratique habituelle de rembourser les dépenses personnelles des actionnaires pour leur rendre service, tout en facturant le montant qui a été payé au compte des prêts aux actionnaires, acquitté ensuite par la déclaration d’un dividende.

[8]  Le dividende contesté de 33 555,23 $ était également composé trois montants : 7 000 $, 10 000 $ et 500 $. Ces montants figuraient dans les documents de paie de LeGear Pelling pour l’exercice financier se terminant le 30 juin 2012 comme étant des versements effectués en décembre 2011 dans le compte d’actionnaire de Mme Lunot. Mme Lunot a déterminé le montant de 7 000 $ comme étant du salaire de 2011, le montant de 10 000 $ comme étant une prime et le montant de 500 $ comme étant un remboursement pour l’achat de cadeaux à des clients.

[9]  M. Tablotney a déclaré que Mme Lunot s’était vue de donner le choix d’accepter ces montants soit comme étant du salaire et une prime pour 2011 (il n’a pas accepté le fait que le montant de 500 $ avait servi à rembourser l’achat de cadeaux à des clients) et donc imposables pour l’année d’imposition 2011, soit comme étant des versements qui, s’ils n’étaient pas remboursés, devaient l’être par une déclaration de dividendes avant la fin de l’année d’imposition 2012. Elle a affirmé avoir choisi la deuxième option pour différer l’impôt à payer. Je me demande si le montant de 500 $ était réellement destiné au remboursement de cadeaux payés à des clients, étant donné qu’il s’agit d’un montant rond. Le témoignage de M. Tablotney a été présenté en interrogatoire principal en tant que témoin hostile par l’avocat de Mme Lunot et en contre-interrogatoire par l’avocate de l’intimée, après que Mme Lunot eut déjà témoigné en interrogatoire principal, en contre-interrogatoire et réinterrogatoire. L’avocat de Mme Lunot ne l’a pas ensuite rappelée à la barre, pour mettre à l’épreuve le témoignage de M. Tablotney, avant de clore sa preuve. Compte tenu de ces circonstances, je n’ai essentiellement aucun fondement probatoire pour conclure qu’aucun des trois montants susmentionnés n'a été inclus à tort dans le montant de dividende en question pour l’année d’imposition 2012 de Mme Lunot.

[10]  De plus, Mme Lunot a déclaré, comme faisant partie du dividende de 33 555,23 $ de 2012, le montant de 1 345,48 $ qui, selon elle, constituait en réalité un remboursement des dépenses d’entreprise. M. Tablotney a déclaré qu’il s’agissait de dépenses personnelles. Cependant, même si l’appelante lui a signifié une assignation à produire et qu’il a apporté avec lui tous les documents de l’entreprise concernant les dividendes en question, M. Tablotney n’a présenté au tribunal aucun document confirmant qu’il s’agissait de dépenses personnelles et non de dépenses d’entreprise. Mme Lunot n’a fourni aucune preuve corroborante confirmant qu’il s’agissait de dépenses d’entreprise devant être remboursées. Comme le fardeau de la preuve repose essentiellement sur l’appelante, je ne peux pas dire que Mme Lunot s’est acquittée de ce fardeau, malgré l’absence de documents présentés par l’intimée, que ce soit ou non par l’entremise de M. Tablotney, assigné par les deux parties.

[11]  Il a également été question d’un montant de 904,96 $ pour le dividende de 33 555,23 $ de 2012. Mme Lunot a témoigné qu’il s’agissait d’une dépense d’entreprise lors d’un salon professionnel. M. Tablotney a affirmé qu’il s’agissait d’une dépense personnelle que Mme Lunot avait faussement déclarée comme une dépense d’entreprise. À l’appui, il a déclaré qu’à l’époque, il avait fait un appel téléphonique pour confirmer si Mme Lunot avait assisté au salon professionnel et qu’on lui avait dit qu’elle n’y avait pas assisté. Il a donc considéré le montant comme une dépense personnelle et a inclus le montant dans le dividende afin que l’entreprise soit remboursée. Encore une fois, je n’ai pas suffisamment d’éléments de preuve de la part de Mme Lunot pour me permettre de conclure, comme elle l’affirme, qu’il s’agissait d’une dépense d’entreprise lors d’un salon professionnel.

[12]  Il reste un solde de clôture de 56,21 $. Aucun témoignage précisément sur ce point n’a été présenté à l’audience. Par conséquent, je n’ai aucun motif de modifier la cotisation visée par l’appel.

Montant du dividende de 2013 :

[13]  Le dividende de l’année d’imposition 2013 est de 15 000 $. Mme Lunot a déclaré qu’elle n’avait jamais reçu cet argent. Aucune preuve particulière n’a été produite par l’une ou l’autre des parties au sujet de ce montant. Par conséquent, j’estime que la cotisation visée par l’appel ne devrait pas être modifiée.

Conclusion :

[14]  En conclusion, l’appel des cotisations pour les années d’imposition 2012 et 2013 est accueilli, sans frais. La cotisation pour l’année d’imposition 2012 sera renvoyée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que le dividende de 33 555,23 $ contesté pour 2012 sera réduit de 7 000 $ et sera plutôt de 26 555,23 $. La cotisation de l’année d’imposition 2012 pour un dividende de 15 000 $ demeure valide comme telle.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de novembre 2018.

« B. Russell »

Juge Russell


RÉFÉRENCE :

2018 CCI 241

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2018-104(IT)I

INTITULÉ :

Mireille Lunot et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 octobre 2018

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge B. Russell

DATE DU JUGEMENT :

Le 30 novembre 2018

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me Todd Brayer

Avocate de l’intimée :

Me Anna Walsh

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Todd Brayer

 

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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