Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossiers : 2014-972(IT)G

2015-148(IT)G

AFFAIRE INTÉRESSANT une demande présentée par le ministre du Revenu national en vertu de l’article 174 de la Loi de l’impôt sur le revenu pour que la Cour se prononce sur une question.

ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

requérant,

et

LES 52 PERSONNES NOMMÉES AUX ANNEXES A ET B

DE LA DEMANDE MODIFIÉE.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


Demande entendue le 8 septembre 2017, le 20 novembre 2017 et le

4 avril 2018 à Winnipeg (Manitoba).

Devant : L’honorable juge Steven K. D’Arcy.

Avocats ayant comparu à l’audience :

Avocats du requérant :

Me Philippe Dupuis

Me Sara Jahanbakhsh

Avocat représentant deux des parties nommées dans la demande modifiée :

Me David E. Silver

 

ORDONNANCE

  VU la demande présentée par le ministre du Revenu national en vertu de l’article 174 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour que la Cour se prononce sur la question suivante (la « question ») :

[traduction]

Les cellules partielles acquises par les contribuables nommés aux annexes A et B constituent-elles un « abri fiscal », au sens du paragraphe 237.1(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, au titre duquel aucun montant ne peut être demandé ou déduit en vertu des paragraphes 237.1(6) ou 237.1(6.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu?

  APRÈS avoir entendu les observations des avocats et lu les documents déposés;

  PAR CONSÉQUENT, conformément aux motifs de l’ordonnance ci-joints, la Cour ordonne ce qui suit :

1.  La demande est rejetée;

2.  Les dépens sont adjugés ainsi :

a)  Kenneth Muzik (2015-148(IT)G) et Leonard Boguski (2014‑972(IT)G) se voient adjuger un seul mémoire de frais pour la somme de 14 000 $, plus les débours;

b)  Des dépens de 150 $ pour chaque journée de comparution à l’audience sont adjugés à chacun des contribuables ayant fait l’objet d’une cotisation.

  Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de novembre 2018.

« S. D’Arcy »

Juge D’Arcy

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour d’octobre 2019.

Elisabeth Ross, jurilinguiste


Référence : 2018 CCI 236

Date : 20181122

Dossiers : 2014-972(IT)G

2015-148(IT)G

AFFAIRE INTÉRESSANT une demande présentée par le ministre du Revenu national en vertu de l’article 174 de la Loi de l’impôt sur le revenu pour que la Cour se prononce sur une question.

ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

requérant,

et

LES 52 PERSONNES NOMMÉES AUX ANNEXES A ET B

DE LA DEMANDE MODIFIÉE.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

Le juge D’Arcy

[1]  Le 16 mai 2016, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a déposé la présente demande (la « demande ») en vertu de l’article 174 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour que la Cour se prononce sur la question suivante (la question) :

[traduction]

Les cellules partielles acquises par les contribuables nommés aux annexes A et B constituent-elles un « abri fiscal », au sens du paragraphe 237.1(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, au titre duquel aucun montant ne peut être demandé ou déduit en vertu des paragraphes 237.1(6) ou 237.1(6.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.?

[2]  Dans sa demande, telle qu’elle a été déposée, le ministre nommait, à l’annexe A, 67 contribuables et, à l’annexe B, 14 contribuables qu’il souhaitait voir liés par la décision sur la question.

[3]  Tous les contribuables figurant à l’annexe A ont déposé des avis d’opposition auprès de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») à l’égard des cotisations ou des nouvelles cotisations établies par le ministre, mais n’ont pas interjeté appel des cotisations ou des nouvelles cotisations [1] auprès de la Cour (les « contribuables visés »). Les contribuables nommés à l’origine à l’annexe B de la demande ont interjeté appel auprès de la Cour à l’égard des cotisations établies par le ministre (les « appelants du groupe »).

[4]  Avant l’audition de la demande, pour les motifs exposés plus loin, le ministre a retiré 12 des 14 appelants du groupe. Les appels interjetés par les deux seuls appelants qui restent nommés à l’annexe B de la demande seront appelés les « causes types ».

[5]  Entre la date du dépôt de la demande et la date de conclusion de l’audience, le ministre a retiré 17 des 67 contribuables nommés à l’annexe A de la demande. Le ministre les a retirés soit parce qu’ils ont conclu un règlement avec l’ARC, soit parce qu’ils ont accepté d’être liés par la décision qui sera rendue dans les causes types.

I. La Loi

[6]  En 2013, le Parlement a modifié l’article 174 pour en élargir l’application potentielle. Avant la modification, l’article 174 ne s’appliquait qu’aux questions nées d’une même opération ou d’un même événement ou d’une même série d’opérations ou d’événements. En général, le ministre demandait que l’article s’applique à deux contribuables ayant participé à la même opération, comme le vendeur et l’acheteur ayant pris part aux mêmes opérations commerciales.

[7]  L’article 174 permet maintenant à la Cour, sur demande du ministre, d’entendre une question se rapportant à des opérations ou des événements sensiblement semblables ou à des séries d’opérations ou d’événements sensiblement semblables. Par conséquent, la demande pourrait viser un groupe important de contribuables non liés qui ont participé à des opérations semblables avec des tiers.

[8]  La modification faisait partie d’une série de modifications apportées à la Loi de l’impôt sur le revenu, à la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt et aux Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) pour aider la Cour à gérer sa charge de travail. Les autres modifications concernaient les jugements pro tanto (qui permettent à la Cour de trancher séparément des questions soulevées dans un appel) et les règles de procédure générale de la Cour concernant la gestion des instances, les causes types, les conférences de règlement et les conférences de gestion de l’audience.

[9]  Je crois comprendre qu’il s’agit de la première demande entendue par la Cour au titre de l’article 174 modifié tel qu’il s’applique à un groupe important de contribuables non liés.

[10]  Les passages pertinents de l’article 174 pour ma décision sont les paragraphes 174(1), (2), (3) et (4), qui sont actuellement rédigés ainsi :

(1) Le ministre peut demander à la Cour canadienne de l’impôt de se prononcer sur une question s’il est d’avis qu’elle se rapporte à des cotisations, réelles ou projetées, relatives à plusieurs contribuables et qu’il s’agit d’une question de droit, de fait ou de droit et de fait tenant :

a)  soit à une même opération, à un même événement ou à une même série d’opérations ou d’événements;

b)  soit à des opérations ou des événements sensiblement semblables ou à des séries d’opérations ou d’événements sensiblement semblables.

(2) La demande visée au paragraphe (1) :

a)  comporte les renseignements suivants :

(i)  la question au sujet de laquelle le ministre demande une décision,

(ii)  le nom des contribuables qu’il souhaite voir liés par la décision,

(iii)  les faits et motifs sur lesquels il s’appuie et sur lesquels il fonde ou a l’intention de fonder la cotisation concernant l’impôt payable par chacun des contribuables nommés dans la demande;

b)  est signifiée par le ministre à chacun des contribuables qui y sont nommés et à toute autre personne qui, de l’avis de la Cour canadienne de l’impôt, est susceptible d’être touchée par la décision sur la question :

(i)  soit par l’envoi d’une copie à chacun des contribuables ainsi nommés et à chacune de ces autres personnes,

(ii)   soit sur demande ex parte du ministre, conformément aux directives de la Cour canadienne de l’impôt.

(3) Dans le cas où la Cour canadienne de l’impôt est convaincue que la question soumise dans une demande présentée en vertu du présent article se rapporte à des cotisations, réelles ou projetées, relatives à plusieurs contribuables à qui une copie de la demande a été signifiée, elle peut :

a)  rendre une ordonnance nommant les contribuables à l’égard desquels il sera statué sur la question;

b)  si un ou plusieurs des contribuables à qui une copie de la demande a été signifiée ont interjeté appel, devant elle, d’une cotisation à laquelle la question se rapporte, rendre toute ordonnance groupant dans cet ou ces appels une ou plusieurs parties comme elle le juge à propos;

c)  entreprendre de statuer sur la question de la façon qu’elle juge indiquée.

(4) Sous réserve du paragraphe (4.1), la décision rendue par la Cour canadienne de l’impôt sur une question soumise dans une demande dont elle a été saisie en vertu du présent article est définitive et sans appel aux fins d’établissement de toute cotisation concernant l’impôt payable par les contribuables nommés dans l’ordonnance visée à l’alinéa (3)a).

[11]  L’article 174 énonce un certain nombre de mesures devant être prises avant que la Cour ne puisse rendre une ordonnance en vertu du paragraphe 174(3).

[12]  Tout d’abord, aux termes du paragraphe 174(1), le ministre doit être d’avis qu’il s’agit d’une question de droit, de fait ou de droit et de fait qui se rapporte à des cotisations, réelles ou projetées, relatives à plusieurs contribuables tenant à une même opération ou série d’opérations ou à des opérations ou séries d’opérations semblables visées aux alinéas 174(1)a) et b). Une fois que le ministre a formulé cette opinion, il a le droit, en vertu du paragraphe 174(1), de demander à la Cour de se prononcer sur la question. La demande doit contenir les renseignements exigés au paragraphe 174(2).

[13]  Aux termes du paragraphe 174(3), la Cour peut se prononcer sur la question si elle est convaincue que celle-ci se rapporte aux cotisations réelles ou projetées relatives à plusieurs contribuables à qui une copie de la demande a été signifiée. À mon avis, il incombe au ministre de convaincre la Cour que la question se rapporte aux cotisations et que le ministre a signifié une copie de la demande aux contribuables nommés dans la demande. C’est le ministre qui connaît les faits nécessaires à ces conclusions; les contribuables ne connaissent que les faits concernant leurs propres déclarations de revenus.

[14]  Si le ministre convainc la Cour que la question se rapporte aux contribuables nommés dans la demande et que le ministre a signifié la demande aux contribuables, la Cour doit décider si elle exercera son pouvoir discrétionnaire et se prononcera sur la question.

[15]  La Cour doit exercer ce pouvoir discrétionnaire d’une façon qui est conforme aux dispositions du paragraphe 174(3) et qui n’entraîne pas d’abus de procédure [2] . Plus particulièrement, la Cour doit rendre une décision dans laquelle les parties sont traitées équitablement, qui donne lieu à une utilisation efficace des ressources de la Cour, qui n’impose pas indûment un fardeau administratif ou un fardeau de conformité aux parties et qui permet la résolution la plus rapide et la moins coûteuse possible des questions soulevées par les contribuables ou la Couronne relativement aux cotisations réelles ou projetées.

[16]  Ces facteurs dérivent de la compétence implicite de la Cour sur sa procédure et d’assurer son bon fonctionnement en tant que cour de justice. La Cour suprême du Canada a expliqué cette compétence dans l’arrêt R. c. Cunningham [3]  :

[18] Une cour supérieure a la compétence inhérente nécessaire à l’exercice de sa fonction judiciaire ainsi qu’à l’exécution de son mandat d’administrer la justice (voir I. H. Jacob, « The Inherent Jurisdiction of the Court » (1970), 23 Curr. Legal Probs. 23, p. 27‑28), ce qui comprend le pouvoir de décider du déroulement de l’instance, de prévenir l’abus de procédure et de veiller au bon fonctionnement des rouages de la cour.  […]

[19] De même, dans le cas d’un tribunal d’origine législative, le pouvoir de faire respecter sa procédure et le droit de regard sur la manière dont les avocats exercent leurs fonctions s’infèrent nécessairement du pouvoir de constituer une cour de justice. […]

[17]  Avant que le ministre ne dépose la demande, j’ai ordonné que la Cour entende la demande en deux temps. D’abord, la Cour décidera si elle doit rendre une ordonnance au titre du paragraphe 174(3). Plus précisément, la Cour décidera si elle se prononcera sur la question. Si la Cour décide que la question doit être tranchée, elle tiendra une deuxième audience, pour se prononcer sur la question.

[18]  Dans sa demande, le ministre écrit au paragraphe 44 qu’il demande ce qui suit :

[traduction]

a)  Une ordonnance rendue en vertu de l’alinéa 174(3)a) nommant les contribuables l’égard desquels il sera statué sur la question.

b)  Une ordonnance groupant les contribuables nommés à l’annexe A dans les causes types (appels 2014-972(IT)(G) et 2015-148(IT)(G)).

c)  Que la Cour statue sur la question « dans les appels 2014-972(IT)G et 2015-148(IT)G [les causes types] de la façon qu’elle juge indiquée conformément à l’alinéa 174(3)c) ».

[19]  La Cour a tenu des audiences pour déterminer si elle devait rendre une ordonnance en vertu du paragraphe 174(3) à Winnipeg, au Manitoba, les 8 septembre 2017, 20 novembre 2017 et 4 avril 2018. Le ministre et les deux appelants des causes types étaient représentés par des avocats. Un certain nombre de contribuables nommés à l’annexe A ont également comparu, sans se faire représenter par des avocats.

II. Les circonstances relatives à la demande

[20]  Avant de discuter les motifs de mon ordonnance, je rappellerai les faits dans les procédures concernant certains contribuables qui ont demandé une déduction pour frais d’aménagement au Canada (les « FAC ») relativement à certains droits miniers que les contribuables ont achetés auprès de Royal Crown Gold Reserve Inc. (« Royal Crown »).

[21]  Au début de 2015, le juge en chef m’a nommé juge responsable de la gestion de l’instance des 23 appels dont la Cour était saisie (les « appels groupés »). Les actes de procédure de chaque appel portaient sur l’investissement de l’appelant concerné dans les droits miniers et sur la déduction refusée des FAC. La Cour a prévu des conférences de gestion de l’instance pour tous les appelants et l’intimée. Les conférences ont été tenues à Winnipeg le 14 mai 2015 et le 5 octobre 2015. De plus, la Cour a tenu de nombreuses audiences de justification individuelles avec les appelants.

[22]  Au début de la première conférence sur la gestion de l’instance, j’ai ordonné que les appels soient instruits sous le régime des règles sur les causes types prévues à l’article 146.1 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « règles sur les causes types »).

[23]  Seulement deux des 23 appels dont la Cour a été saisie ont été déposés sous le régime de la procédure générale de la Cour. Les 21 autres appels ont été interjetés sous le régime de la procédure informelle de la Cour (les « appels informels »). Après avoir entendu les observations des parties, j’ai ordonné que les deux procédures d’appel interjetées sous le régime de la procédure générale soient les causes types et que tous les appels informels soient suspendus. À titre de juge responsable de la gestion de l’instance, je traiterai des appels informels une fois qu’un jugement définitif sera rendu dans les causes types. À l’heure actuelle, la Cour n’a mis en suspens que 12 des appels informels. Les neuf autres appels ont été soit réglés soit retirés. L’annexe B de la demande, telle qu’elle a été déposée, énumérait les appelants dans les 12 appels informels dont la Cour est encore saisie.

[24]  En ce qui concerne les causes types et les appels informels, j’ai choisi de procéder d’une façon qui, selon moi, est équitable pour toutes les parties, tout en assurant que les appels sont examinés de la façon la plus rapide et la moins coûteuse possible.

[25]  Au cours des conférences sur la gestion de l’instance pour les appels groupés, l’avocat de l’intimée a informé la Cour que l’ARC avait recensé environ 200 contribuables qui avaient déposé des avis d’opposition et qui, de l’avis de l’ARC, s’opposaient au refus des déductions des FAC à l’égard des droits miniers achetés auprès de Royal Crown. La Cour a proposé que l’ARC traite le cas de ces contribuables de la façon suivante :

  • - L’ARC devrait demander à chacun des contribuables d’être lié par le jugement définitif dans les causes types.

  • - Si un contribuable refuse d’être lié, l’ARC devrait rendre sa décision (c’est-à-dire une nouvelle cotisation ou un avis de confirmation) à l’égard de l’avis d’opposition en suspens du contribuable.

  • - Les contribuables qui souhaitent interjeter appel de la décision de l’ARC le feraient alors auprès de la Cour. Ces appels s’ajouteraient à ceux des appelants du groupe visés par la gestion de l’instance.

[26]  J’ai informé l’avocat de l’intimée que, bien que la Cour ne puisse ordonner à l’ARC d’établir de nouvelles cotisations ou des avis de confirmation, cette méthode a été utilisée avec succès dans le passé pour traiter de façon efficace et équitable des appels mettant en cause des groupes importants d’appelants.

[27]  L’ARC a choisi d’agir différemment. Comme le montre la pièce R-1, elle a bien demandé aux contribuables concernés d’accepter d’être liés par le jugement définitif dans les causes types. L’avocat de l’intimée a informé la Cour que 69 contribuables ont accepté d’être liés par les causes types et que 67 contribuables ont refusé d’y être liés (la plupart n’ont pas répondu à la lettre de l’ARC).

[28]  L’ARC a décidé de ne pas établir de nouvelles cotisations ou d’avis de confirmation pour les 67 contribuables qui n’ont pas accepté d’être liés par le jugement définitif dans les causes types. Le ministre a plutôt choisi de déposer la présente demande en vertu de l’article 174. Les 67 contribuables qui n’ont pas accepté d’être liés par les causes types sont les contribuables nommés à l’annexe A dans la demande initiale (c’est‑à‑dire les contribuables visés).

[29]  Comme je l’ai mentionné précédemment, la demande initiale comprenait également les 14 autres appelants des appels groupés. Après le dépôt de la demande par le ministre, la Cour a tenu une conférence téléphonique sur la gestion de l’instance avec l’avocat du ministre, au cours de laquelle j’ai fait part de mes réserves sur le fait que l’annexe B de la demande incluait les appelants des appels informels qui sont en suspens. J’ai fait remarquer que l’inclusion de ces appelants dans la demande constituait, à mon avis, un manquement à mon ordonnance de mise en suspens de leurs appels.

[30]  J’ai également dit douter que le dépôt de la demande fût conforme à mon ordonnance voulant que tous les appels groupés, y compris les causes types, soient instruits sous le régime des règles sur les causes types de la Cour.

[31]  Lors d’une conférence téléphonique sur la gestion de l’instance le 18 janvier 2017, j’ai demandé à l’avocat de l’intimée dans les appels groupés (qui est également l’avocat du ministre en l’espèce) de faire rapport à la Cour au plus tard le 1er février 2017 pour l’aviser de l’intention du ministre : aller de l’avant avec sa demande dans sa forme d’alors, retirer la demande et envoyer des nouvelles cotisations ou des avis de confirmation à l’égard des contribuables visés ou donner suite à la demande, mais en retirant les noms des appelants dans les appels informels.

[32]  Dans une lettre à la Cour datée du 31 janvier 2017, le ministre a déclaré qu’il retirerait la demande à l’égard des appelants dans les appels informels, mais qu’il donnerait suite à la demande à l’égard des appelants dans les deux causes types et des 67 contribuables visés nommés à l’annexe A de sa demande.

[33]  Je reconnais que le ministre peut, en vertu du paragraphe 174(1), présenter la demande. De plus, avant de déposer la demande, l’avocat de l’intimée a informé la Cour que le ministre agirait vraisemblablement ainsi. Toutefois, comme on le verra plus tard, à mon avis, l’inclusion dans la demande des appelants des deux causes types constitue un abus de procédure.

[34]  La demande a ensuite été inscrite au rôle pour audition le 8 septembre 2017 à Winnipeg, au Manitoba. Environ 20 des contribuables visés ont comparu à l’audience. Aucun n’était représenté par un avocat. Les appelants dans les deux causes types et le ministre étaient représentés par des avocats.

[35]  Après avoir décrit le but de la procédure, j’ai demandé aux contribuables visés s’ils comprenaient le but de la procédure. Il était clair qu’aucun des contribuables qui n’étaient pas représentés par un avocat ne comprenait l’objet de la procédure.

[36]  L’avocat du ministre a ensuite présenté une longue déclaration préliminaire expliquant en détail l’objet de la demande et la thèse du ministre. Il a également fourni aux contribuables visés des copies des observations écrites du ministre. J’ai ensuite ajourné l’audience pour donner aux contribuables visés le temps de bien assimiler les renseignements fournis par le ministre et son avocat.

[37]  L’audience a repris le 20 novembre 2017, date à laquelle j’ai entendu les trois témoins du ministre. J’ai ensuite ajourné l’audience jusqu’au 4 avril 2018, j’ai ordonné que les contribuables visés reçoivent des copies des transcriptions de l’audience du 8 septembre et du 20 novembre, et j’ai informé les contribuables visés qu’ils auraient la possibilité de présenter des éléments de preuve à la reprise de l’audience.

[38]  L’audience a repris le 4 avril 2018. Les contribuables visés n’ont présenté aucun élément de preuve. J’ai ensuite entendu les observations.

III. Décision relative à la demande

A. Première question : la question se rapporte-t-elle aux cotisations relatives aux contribuables nommés dans la demande?

[39]  Le ministre est d’avis que la question se rapporte à des cotisations relatives à plusieurs contribuables (les contribuables visés et les appelants dans les causes types) et qu’il s’agit d’une question de droit et de fait tenant à des opérations ou des événements sensiblement semblables ou à des séries d’opérations ou d’événements sensiblement semblables. La demande ne vise que les cotisations établies; l’avis du ministre ne s’applique pas aux cotisations projetées.

[40]  À l’alinéa 19b) de la demande, le ministre décrit les opérations, événements ou séries d’opérations en cause comme étant [traduction] « la promotion de la vente et de l’émission, la vente et l’émission ainsi que l’acquisition de cellules partielles conformément à l’accord présenté au paragraphe 16 de la présente demande » (les  « opérations en cause »).

[41]  Les paragraphes 16.1 à 16.104 de la demande présentent de façon assez détaillée les opérations en cause, qui ont trait à la vente par Royal Crown d’intérêts dans certains droits d’exploitation aurifère (appelés « cellules partielles ») à l’égard de biens situés au Canada. L’avocat du ministre a fait observer que les opérations en cause correspondent à celles qui sont énoncées dans les actes de procédure des appelants dans les causes types.

[42]  Le ministre affirme que chacun des contribuables visés et des appelants dans les causes types a demandé une déduction pour FAC à l’égard des opérations en cause.

[43]  Puisque le ministre est d’avis que la question se rapporte aux cotisations relatives aux contribuables visés et aux appelants dans les causes types et qu’il s’agit d’une question de droit et de fait tenant aux opérations en cause, il peut, en vertu du paragraphe 174(1), présenter la demande.

[44]  Comme il a été mentionné précédemment, le ministre doit convaincre la Cour que la question se rapporte aux cotisations et qu’il a signifié une copie de la demande aux contribuables visés et aux appelants dans les causes types. Il revient à la Cour, et non au ministre, de déterminer si la Cour doit trancher la question.

[45]  Il ressort clairement des actes de procédure déposés par les appelants dans les causes types que la question se rapporte à leurs appels. Je dois déterminer si la question se rapporte aux appels des contribuables visés.

[46]  L’annexe C de la demande expose, pour chacun des contribuables visés, l’opinion du ministre à l’égard de ce qui suit :

  • - l’année d’imposition à l’égard de laquelle le ministre a établi une cotisation pour ce contribuable visé, dans laquelle il refuse la déduction des FAC à l’égard des opérations en cause ainsi que d’intérêts et des frais financiers connexes;

  • - la date de l’établissement de la cotisation.

[47]  L’annexe D comprend des renseignements semblables pour les appelants dans les causes types. Les annexes C et D de la demande indiquent que les années d’imposition en cause sont de 2005 à 2009.

[48]  Lorsque le ministre établit une cotisation à l’égard d’un contribuable par laquelle il refuse une déduction demandée pour une opération ou une série d’opérations particulières, le contribuable ne peut interjeter appel relativement à la déduction en question que s’il a déposé, dans le délai prescrit par la loi, un avis d’opposition dans lequel il conteste le refus du ministre. Dans une telle situation, l’article 174 ne peut s’appliquer qu’au contribuable qui a déposé un avis d’opposition valide. L’article 174 ne peut s’appliquer à un contribuable à l’égard d’une déduction refusée dans une cotisation s’il n’a pas déposé d’avis d’opposition valide, dans le délai prescrit par la loi, à l’égard de la déduction refusée. Dans une telle situation, le contribuable n’a pas le droit d’interjeter appel de la cotisation auprès de la Cour.

[49]  Puisque le ministre a établi une cotisation à l’endroit de chacun des contribuables visés, le ministre doit convaincre la Cour que chaque contribuable visé a déposé un avis d’opposition valide à une cotisation valide établie à l’égard d’une des années pertinentes, et que cet avis d’opposition constitue une opposition au refus par le ministre de la déduction des FAC demandée par le contribuable relativement aux opérations en cause.

[50]  Pour s’acquitter de ce fardeau, le ministre a fait comparaître les témoins suivants :

  • - Mme Mussara Ziaiedana, vérificatrice de l’ARC au bureau de Toronto de l’ARC. Elle était responsable de la vérification de Royal Crown pour 2005 et 2006.

  • - M. Ray Aschenbrenner, vérificateur de l’ARC au bureau de Penticton, en Colombie-Britannique, de l’ARC. Son principal rôle dans la vérification de Royal Crown semble d’avoir confié la vérification des investisseurs de Royal Crown à divers bureaux de l’ARC. Il a fourni à ces bureaux un exemple de rapport de vérificateur et d’énoncé de position. Il a également effectué une forme de vérification pour 13 contribuables de la Colombie-Britannique et de l’Alberta. Seulement deux des 50 contribuables visés résident en Colombie-Britannique et aucun n’habite en Alberta.

  • - M. Andre-John Camara, agent d’appel de l’ARC travaillant à Winnipeg, au Manitoba. Je discuterai de son rôle relativement aux contribuables visés un peu plus loin.

[51]  L’avocat du ministre a informé la Cour que le témoignage de Mme Ziaiedana et de M. Aschenbrenner visait à expliquer comment la vérification s’était déroulée, comment elle avait mené aux cotisations des contribuables visés et comment ces cotisations tenaient au même type d’opérations.

[52]  Je n’ai pas jugé utile le témoignage de Mme Ziaiedana ou de M. Aschenbrenner. J’ai trouvé qu’une partie importante de leur témoignage constituait du ouï-dire ou présentait leur opinion personnelle. De plus, M. Aschenbrenner a très peu participé à la vérification des contribuables visés.

[53]  L’avocat du ministre a dit de M. Camara qu’il était l’agent d’appel de la Division des appels de l’ARC responsable de [traduction] « ce groupe d’oppositions ». Je suppose qu’il voulait parler des contribuables visés. Il a souligné que la thèse du ministre est que les contribuables visés ont des avis d’opposition en suspens concernant les déductions des FAC refusées à l’égard des cellules partielles vendues par Royal Crown. L’avocat a déclaré que M. Camara, qui a préparé les annexes de la demande, témoignerait de l’existence de ces oppositions, de l’objet de ces oppositions et de leur validité.

[54]  Le problème que me pose la description que fait l’avocat du témoignage de M. Camara est que ce dernier a déclaré qu’il n’avait joué aucun rôle dans les avis d’opposition déposés par les contribuables visés. Il a déclaré ne pas avoir examiné ni [traduction] « regardé » les motifs invoqués pour l’un ou l’autre des avis d’opposition déposés par les contribuables visés [4] .

[55]  M. Camara a témoigné qu’il avait été affecté à ce qu’on appelle le groupe d’appels Royal Crown en janvier 2016, quelques mois avant le dépôt de la demande par le ministre. Au moment où il a été affecté au groupe d’appels Royal Crown, lui et un autre agent d’appel de l’ARC ont reçu de leur chef d’équipe la liste des contribuables visés. M. Camara ignore l’identité de la personne qui a dressé la liste.

[56]  Son rôle, et celui de l’autre agent d’appel de l’ARC, consistait à comparer la liste des contribuables fournie par leur chef d’équipe au système interne de l’ARC pour s’assurer que, pour chaque contribuable visé, la liste indiquait les bonnes années d’imposition souhaitées ainsi que le nom et l’adresse postale du contribuable figurant dans le système interne de l’ARC. Les deux agents d’appel étaient également chargés d’envoyer des lettres de règlement aux contribuables visés.

[57]  L’avocat du ministre a déclaré que la thèse du ministre était la suivante :

[traduction]

[…] que le témoignage de l’agent d’appel selon lequel il a préparé les annexes, déterminé que ces contribuables ont fait l’objet d’une nouvelle cotisation, qu’ils avaient demandé ces déductions, qu’ils avaient fait de nouveau fait l’objet d’une nouvelle cotisation et s’étaient opposés au refus des déductions est une preuve suffisante pour démontrer qu’ils ont des oppositions en suspens relativement aux déductions demandées concernant Royal Crown [5] .

[58]  Je ne souscris pas cette observation de l’avocat. Il revient à la Cour, et non à l’agent d’appel de l’ARC, de déterminer si la question est commune aux contribuables visés. La Cour ne tirera pas cette conclusion en se fondant sur le témoignage d’un agent d’appel de l’ARC qui n’a même pas examiné les avis d’opposition pertinents. Bien que le travail de M. Camara ait pu être suffisant pour que le ministre se forme une opinion, la Cour exige des éléments de preuve objectifs, comme les avis de cotisation pertinents établis par le ministre ou les avis d’opposition valides déposés par les contribuables visés.

[59]  Le ministre doit présenter à la Cour des éléments de preuve montrant qu’il a établi des cotisations à l’égard des contribuables visés relativement aux  opérations en cause, et que les contribuables se sont opposés aux refus des déductions des FAC. L’annexe C de la demande indique que les années d’imposition visées couvrent la période de 2005 à 2009 et que toutes les cotisations, sauf deux, ont été établies entre 2009 et 2012 (deux contribuables ont fait l’objet de cotisations établies en 2014). Par conséquent, les années d’imposition sont frappées de prescription, tout comme le droit du contribuable de déposer tout autre avis d’opposition. Par conséquent, les seules cotisations et avis d’opposition pertinents sont les cotisations établies et les avis déposés avant l’audition de la demande.

[60]  Si les seuls éléments de preuve présentés à la Cour étaient le témoignage des trois témoins, je rejetterais la demande. Cependant, les témoins ont comparu le 20 novembre 2017. L’audition de la demande a commencé le 8 septembre 2017, lorsque le ministre a présenté sa déclaration préliminaire à la Cour. Au cours de l’audience du 8 septembre, j’ai informé l’avocat du ministre que, même si le ministre était libre de déposer tout élément de preuve qui, selon lui, lui permettrait de s’acquitter de son fardeau, la Cour s’attendait à recevoir des éléments de preuve objectifs. Heureusement pour le ministre, son avocat a pris bonne note des préoccupations de la Cour et a déposé des affidavits en vertu du paragraphe 244(9) de la Loi à l’égard de chacun des contribuables visés (les « affidavits »). M. Camara a signé chacun des affidavits, qui contenaient (à une ou deux exceptions près) un rapport de vérification préparé pour le contribuable en question, certains avis d’opposition déposés par le contribuable et une copie d’une lettre de règlement envoyée au contribuable en question.

[61]  Je n’ai pas trouvé utiles le rapport de vérification ni la lettre de règlement. La Cour a besoin d’éléments de preuve sur la question de savoir si chacun des contribuables visés a déposé un avis d’opposition valide par lequel il conteste le refus des déductions des FAC. Les seuls documents pertinents fournis dans les affidavits étaient les avis d’opposition. Les affidavits ne contenaient pas la copie du ministre des cotisations pertinentes, et cette copie n’a pas été produite autrement.

[62]  Les seules cotisations fournies à la Cour étaient les copies des cotisations que certains des contribuables visés avaient déposées avec leurs avis d’opposition. Ces copies se trouvaient dans les affidavits. Le ministre a choisi de caviarder lourdement ces cotisations. Les cotisations caviardées ne fournissaient que très peu de renseignements pertinents. De plus, comme je n’ai pas reçu le document complet, je ne leur ai accordé aucun poids.

[63]  Puisque le ministre n’a pas fourni à la Cour de copies des cotisations établies à l’endroit des contribuables visés, je dois trancher la première question en me fondant sur les avis d’opposition contenus dans les affidavits. Après avoir lu les 50 affidavits fournis par le ministre, j’en suis arrivé aux conclusions ci-après.

[64]  Les avis d’opposition fournis dans les affidavits pour quatre des contribuables (Mme Peggy Allman-Anderson, M. Gordon Denning, M. Otto Kemerle et M. Rodney Wall) sont invalides; ils ont tous été produits avant la date de la dernière cotisation pour l’année d’imposition concernant le contribuable.

[65]  Par exemple, l’affidavit de Mme Allman-Anderson contient des avis d’opposition pour les années d’imposition 2007, 2008 et 2009, qui ont été déposés en 2011. Cependant, l’annexe C de la demande montre que le ministre a établi en 2014 une nouvelle cotisation à l’égard de Mme Allman-Anderson pour chacune de ces années d’imposition. Par conséquent, les avis d’opposition fournis sont invalides. Je ne dispose ni des avis de nouvelle cotisation de 2014 ni des avis d’opposition qui auraient pu être déposés relativement à ces nouvelles cotisations de 2014.

[66]  Un autre exemple est celui des avis d’opposition contenus dans l’affidavit de M. Otto Kemerle. Ils ne sont pas valides puisque M. Kemerle les a déposés deux ans et demi avant la date de la dernière cotisation établie à son égard pour les années d’imposition pertinentes.

[67]  En résumé, je n’ai pas de copies d’avis d’opposition valides pour l’un ou l’autre des quatre contribuables visés, ni de copies des derniers avis de nouvelle cotisation établie à l’endroit des contribuables. Par conséquent, je ne dispose d’aucun élément de preuve objectif (ou fiable) qui me permettrait de conclure que chacun de ces contribuables a déposé un avis d’opposition valide à l’égard des déductions des FAC refusées par le ministre relativement aux opérations en cause. Par conséquent, la demande est rejetée à l’égard de chacun de ces contribuables.

[68]  Pour sept autres contribuables visés, nommés ci-dessous, les affidavits contiennent des avis d’opposition valides qui ont été déposés par le contribuable après que le ministre a établi sa dernière nouvelle cotisation pour l’année d’imposition pertinente. Toutefois, les avis d’opposition ne fournissent pas à la Cour les renseignements qui me permettraient de conclure que le contribuable s’est opposé au refus des déductions des FAC relativement aux opérations en cause. La demande est rejetée à l’égard de chacun de ces contribuables visés, soit :

  • - Succession de Woo Chin : Il est écrit ce qui suit dans les avis d’opposition pour les deux années pertinentes [traduction] : « Veuillez consulter la pièce jointe pour prendre connaissance des faits pertinents et des motifs de la présente opposition. » On ne m’a pas fourni la pièce jointe qui énonce les faits et les motifs de l’opposition.

  • - Mme Lynda Penner : L’avis d’opposition déposé pour l’année d’imposition visée ne fait aucune mention des opérations en cause ou des FAC.

  • - Mme Carla Reinheimer : Deux avis d’opposition ont été fournis dans l’affidavit. Le premier, pour les années 2006 et 2007, est invalide : la contribuable l’a produit avant la date de la dernière cotisation pour ces années d’imposition. De plus, il ne fait aucune mention des opérations en cause. Le deuxième porte sur 2007 et 2008. Il est valide pour l’année d’imposition 2007, mais invalide pour l’année d’imposition 2008. Il ne fait pas non plus mention des opérations en cause ni des FAC.

  • - M. Lance Reinheimer : Les trois avis d’opposition fournis ne font aucune mention des opérations en cause ou des FAC.

  • - Succession de Louise Reinheimer : Bien que l’affidavit de M. Camara pour ce contribuable indique que les avis d’opposition pour 2007 et 2008 ont été mis en pièces jointes, le seul avis d’opposition en pièce jointe était celui pour 2008, et il ne fait pas mention des opérations en cause ni des FAC.

  • - Mme Beverly Oliver : Il est écrit ce qui suit dans le seul avis d’opposition en pièce jointe : [traduction] « Je conteste la nouvelle cotisation établie pour 2008, et j’aimerais qu’elle fasse l’objet d’un examen. J’en ai joint une copie. » Le ministre a considérablement caviardé l’avis de nouvelle cotisation en pièce jointe, y compris les renvois à tout ajustement apporté par le ministre et à la raison des ajustements. Par conséquent, l’avis d’opposition ne comporte aucune mention des opérations en cause ou des FAC.

  • - M. Michael Wilhelm : L’affidavit ne fournit pas l’avis d’opposition en tant que tel et ne précise pas la date de dépôt.

[69]  Pour 19 des contribuables visés, je dispose d’avis d’opposition valides qui montrent que le contribuable s’oppose au refus des déductions des FAC pour certaines des années d’imposition pertinentes. Pour les autres années, soit le ministre a fourni des avis d’opposition invalides (c’est-à-dire des avis d’opposition qui ont été déposés avant la dernière cotisation du ministre pour l’année d’imposition pertinente), soit il a fourni des avis d’opposition qui ne font mention ni des opérations en cause ni des FAC. En ce qui concerne les avis d’opposition invalides, on ne m’a pas fourni les avis de nouvelle cotisation ni aucun avis d’opposition valide que le contribuable aurait pu déposer après la dernière cotisation.

[70]  Par exemple, dans le cas du contribuable visé M. David Blackmore, les avis d’opposition produits pour les années d’imposition 2006 et 2009 sont invalides parce qu’ils ont été déposés avant la dernière cotisation du ministre pour ces années d’imposition. Je ne dispose pas des avis d’opposition pour les deux années où M. Blackmore a déposé son avis après la date de la dernière cotisation. Cependant, les avis d’opposition valides fournis pour les années d’imposition 2007 et 2008 font mention des opérations en cause et des FAC.

[71]  Un autre exemple est l’affidavit pour la succession de Thomas Hall. Je dispose d’un avis d’opposition valide pour les années d’imposition 2005 et 2006 faisant mention des opérations en cause et des FAC. Toutefois, le ministre demande que la demande s’applique également aux années d’imposition 2007, 2008 et 2009. L’affidavit pour la succession de Thomas Hall ne contient pas d’avis d’opposition qui se rapporte à l’une ou l’autre de ces années. Il contient un avis d’opposition que l’ARC a reçu le 9 juillet 2012, mais celui ne fait pas mention d’une année d’imposition précise, ni des opérations en cause ou des FAC. Un avis de cotisation pour l’année d’imposition 2008 a été joint, mais il est complètement caviardé.

[72]  Pour ces 19 contribuables visés, le ministre a convaincu la Cour que les contribuables ont déposé des avis d’opposition valides contestant le refus par le ministre des déductions des FAC relativement aux opérations en cause seulement pour certaines des années d’imposition pertinentes. Plus précisément, le ministre a convaincu la Cour que la question est se rapporte aux avis d’opposition valides déposés par les contribuables suivants, mais seulement pour les années d’imposition indiquées :

  • - M. Jose Araujo : 2007, 2008, 2009.

  • - M. David Blackmore : 2007, 2008.

  • - M. John Ross German : 2005, 2006, 2007.

  • - Mme Donna Guenther : 2006, 2007.

  • - Mme Lois Guenther : 2006.

  • - M. Robert Guenther : 2005, 2006, 2007.

  • - Succession de Thomas Hall : 2005, 2006.

  • - M. Art Kornelsen : 2005, 2006, 2007.

  • - M. James Mann : 2006, 2007.

  • - M. Nicole Michaud-Brunette : 2007.

  • - M. Craig Ozirney : 2007.

  • - M. Alex Penner : 2006.

  • - M. Rodney Romyn : 2005.

  • - M. Gary Sloan : 2006.

  • - M. Jeffrey Taylor : 2007.

  • - M. Aime Tetrault : 2007.

  • - Mme Ruth Wall : 2007.

  • - Mme Linda Wieler : 2007.

  • - M. Darcy Woychyshyn : 2006, 2007.

La demande est rejetée à l’égard des autres années d’imposition indiquées à l’annexe C pour chacun de ces contribuables visés.

[73]  Les affidavits des 20 autres contribuables visés montrent que les contribuables s’opposent aux refus des déductions des FAC relativement aux opérations en cause pour les années d’imposition figurant à l’annexe C. Par conséquent, la Cour est convaincue que la question se rapporte aux avis d’opposition valides déposés par ces 20 contribuables visés pour les années d’imposition indiquées à l’annexe C.

B. Deuxième question : la Cour doit-elle exercer son pouvoir discrétionnaire?

[74]  Ayant conclu que la question se rapporte à certains contribuables visés pour certaines années d’imposition, je dois maintenant décider si la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire et ordonner que la Cour réponde à la question.

[75]  Pour les motifs qui suivent, j’ai décidé que la Cour ne répondra pas à la question. J’ai conclu qu’une ordonnance de la Cour obligeant la tenue d’une audience à laquelle participeraient 42 parties différentes ne serait pas équitable pour les parties, en particulier pour les contribuables qui ne sont pas représentés par un avocat. Cela entraînerait une utilisation extrêmement inefficace des ressources de la Cour, ne serait pas conforme à ma décision selon laquelle les appels interjetés par les appelants du groupe seront entendus sous le régime des règles sur les causes types et donnerait lieu à des procédures qui seraient beaucoup plus coûteuses et chronophages que celles qui seraient sinon entendues sous le régime des règles sur les causes types.

[76]  La demande du ministre vise, en partie, l’obtention d’une ordonnance obligeant les contribuables figurant à l’annexe A de la demande (les contribuables visés) à être groupés dans les causes types. Au cours de l’audience, l’avocat du ministre a clarifié la position du ministre concernant l’assujettissement des contribuables visés aux causes types. Il a souligné que la Cour devrait grouper les contribuables visés dans les causes types s’ils souhaitent y participer, sous réserve d’une seule condition. Pour qu’un contribuable visé puisse être groupé dans les causes types, il doit déposer des [traduction] « actes de procédure » dans lesquels il doit exposer sa thèse afin que le ministre puisse connaître les faits et les motifs sur lesquels chacun des contribuables visés s’appuie [6] . Il semble que le ministre me demande d’ordonner d’abord aux contribuables visés de déposer des avis d’appel, puis de décider ensuite s’il faut de les grouper dans les causes types.

[77]  Si je faisais droit à la demande, je grouperais tous les contribuables visés dans les causes types. Avant qu’un tribunal ne rende sa décision sur une question dont il est saisi, qu’il s’agisse d’un appel, d’une demande, d’une requête interlocutoire ou de toute autre procédure mettant en cause des parties défendant des intérêts contraires, il doit donner à chaque partie la possibilité d’être entendue, de présenter des éléments de preuve et de contester la preuve des parties défendant des intérêts contraires [7] . Bref, si les contribuables visés doivent être liés par la décision de la Cour relativement à la question, ils ont le droit de participer pleinement au processus qui mènera à la décision sur la question. L’alinéa 174(3)b) dispose que cela doit se faire en groupant les contribuables visés dans les causes types.

[78]  Ce droit est né lorsque le ministre a nommé les contribuables visés dans la demande. Il ne dépend pas du dépôt d’« actes de procédure » par les contribuables visés dans lesquels ils présenteraient les renseignements demandés par le ministre. De plus, le fait d’exiger de chacun des contribuables visés qu’il produise un tel document demanderait beaucoup de temps, grèverait davantage les ressources de la Cour et créerait beaucoup de confusion pour les contribuables visés qui ne sont pas représentés par un avocat.

[79]  En résumé, si j’ordonnais qu’on tranche la question, je grouperais tous les contribuables visés dans les causes types, ce qui donnerait lieu à une procédure impliquant 42 parties différentes. À mon avis, dans une situation comme celle dont la Cour est saisie où se pose une question mixte de fait et de droit, il n’est pas possible de tenir une audience équitable avec 42 parties indépendantes ou plus, surtout lorsque la grande majorité des parties ne sont pas représentées par un avocat.

[80]  Il est très difficile, voire impossible, de tenir une audience équitable avec 42 parties différentes situées dans cinq provinces différentes. De plus, la tenue d’une telle audience exercerait des pressions importantes sur les ressources de la Cour. Par exemple, au moment de mettre au rôle la première partie de la demande, la Cour a dû envoyer des avis relatifs à la demande, comme les avis annonçant les dates d’audience, à 55 à 60 parties qui n’avaient pas déposé de documents auprès de la Cour ou qui n’avaient pas fourni de coordonnées à la Cour. Les seules coordonnées dont disposait la Cour étaient les adresses postales fournies par l’ARC. La Cour ne dispose pas des ressources nécessaires pour vérifier les adresses postales. Elle se heurterait à la même difficulté lorsque viendrait le temps de faire le calendrier des audiences sur le fond de la question puisqu’un certain nombre de contribuables visés n’ont pas comparu à l’audience relative à la première partie de la demande.

[81]  De plus, comme la Cour n’a pas d’autres coordonnées, comme les numéros de téléphone, il a été impossible de tenir une conférence téléphonique pour gérer les questions soulevées pendant l’audience relative à la première partie de la demande. Toutes les questions ont dû être discutées au cours d’une des audiences. C’est extrêmement inefficace et cela retarde l’audition de la question. Même si la Cour disposait des coordonnées de chacune des parties, il serait très difficile de tenir une conférence préparatoire efficace à laquelle participeraient 42 parties différentes.

[82]  Comme la question porte sur une question mixte de fait et de droit, il faudrait produire des éléments de preuve à l’audience. Il s’ensuivrait que j’autoriserais la tenue d’interrogatoires préalables. En raison du grand nombre de parties, je ne vois pas très bien comment ces interrogatoires préalables pourraient se dérouler de façon équitable. Il a été suggéré de tenir les interrogatoires préalables de vive voix en présence seulement de l’avocat des appelants dans les causes types et de celui du ministre. Chacun des contribuables visés recevrait alors la transcription des interrogatoires préalables et aurait la possibilité de présenter des questions écrites. Cette solution ne fonctionnerait pas. Elle prendrait énormément de temps et serait injuste pour les contribuables visés, car elle favoriserait le ministre et les appelants dans les causes types (qui seraient présents aux interrogatoires préalables).

[83]  Le lieu où il faudrait tenir l’audience à laquelle prendraient part les contribuables visés et les appelants dans les causes types pose également problème. La Cour a entendu la première partie de la demande à Winnipeg, puisqu’il s’agit de l’endroit où se trouve le plus grand nombre de contribuables visés. Cependant, plusieurs contribuables vivent dans d’autres provinces. Aucun de ces contribuables n’a comparu à l’audience relative à la demande. Cela n’est pas étonnant puisque, pour de nombreux contribuables, le coût de la participation aux audiences dépasserait le montant de l’impôt en litige.

[84]  Il est extrêmement long et très inefficace de tenir une audience avec un grand nombre de participants. Par exemple, chacun des participants a le droit de contre-interroger tout témoin qui dépose à l’audience. Chaque partie doit recevoir une copie de tout document déposé à la Cour. Il ne serait ni raisonnable ni juste d’autoriser une instance dans laquelle un témoin serait contre-interrogé par 41 parties différentes ou dans laquelle chacune des parties serait tenue de fournir 44 copies ou plus de chaque document déposé en preuve.

[85]  À mon avis, tenter de tenir une audience comptant 42 parties différentes ne fera que semer la confusion chez les contribuables qui ne sont pas représentés par un avocat. Comme l’un des contribuables visés l’a fait observer au cours de la dernière journée de l’audience sur la première partie de la demande, [traduction] « on se sent comme du bétail qui attend d’être mené à l’abattoir » [8] . La Cour doit veiller à ce que les contribuables qui comparaissent devant elle n’aient jamais ce sentiment. Les contribuables, lorsqu’ils quittent la Cour, doivent avoir l’impression d’avoir été entendus et d’avoir eu l’occasion de défendre leur cause. Bref, ils doivent croire qu’ils ont été traités équitablement.

[86]  Dans l’examen des questions ci-dessus, je tiens compte du fait que, si les contribuables visés interjetaient appel auprès de la Cour, la plupart d’entre eux le feraient sous le régime de la procédure informelle de la Cour, dans des villes près de chez eux. L’avocat du ministre a informé la Cour que le montant de l’impôt contesté pour environ 75 % des contribuables visés est inférieur à 25 000 $.

[87]  À l’opposé, si je groupe les contribuables dans les causes types, leurs appels seront entendus sous le régime de la procédure générale de la Cour, un processus beaucoup plus long et rigoureux. De plus, l’audience aurait lieu à un seul endroit, probablement à Winnipeg. À mon avis, il n’est pas juste d’obliger de tels contribuables à participer à une audience tenue sous le régime de la procédure générale de la Cour à Winnipeg, alors que la plupart de ces contribuables ont le droit de limiter les frais qu’ils débourseront en optant pour la procédure informelle de la Cour et de choisir un lieu d’audience près de leur lieu de résidence. La Cour siège partout au Canada, dans près de 60 villes, grandes et petites.

[88]  En résumé, je ne suis pas prêt à autoriser une procédure à laquelle devraient prendre part un grand nombre de parties qui ne sont pas représentées par un avocat, d’autant plus qu’il existe une autre solution qui permettrait d’entendre les appels d’une manière qui garantirait que toutes les parties sont traitées équitablement, que les ressources de la Cour sont utilisées de façon efficace et que les questions sont réglées de la façon la plus rapide et la moins coûteuse possible. Cette autre solution consiste à entendre une ou plusieurs causes types.

[89]  L’autre difficulté qui se poserait si j’accueillais la demande est que, même si une audience équitable pouvait être tenue dans un délai raisonnable, elle pourrait ne pas trancher les questions relatives aux cellules partielles. Si les tribunaux répondent à la question par la négative, les causes types et les appels des autres appelants du groupe se poursuivront. De plus, un certain nombre de contribuables visés ont soulevé d’autres questions importantes dans leurs avis d’opposition. Je m’attends, si ces contribuables visés et l’ARC ne règlent pas les autres questions, à ce que ces contribuables interjettent appel auprès de la Cour.

[90]  Je crois également que la demande n’est pas conforme à ma décision, en tant que juge responsable de la gestion de l’instance, selon laquelle les appels des appelants du groupe doivent se dérouler sous le régime des règles sur les causes types, plus précisément ma décision selon laquelle la Cour entendra les causes types et mettra les appels informels en suspens. J’ai rendu ma décision en vertu de l’alinéa 126(3)b) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), qui dispose notamment que le juge responsable de la gestion de l’instance peut « donner toute directive nécessaire pour que l’appel soit réglé au fond de façon juste et de la façon la plus expéditive et la moins coûteuse possible ».

[91]  J’ai conclu que la façon la plus juste, la plus expéditive et la moins coûteuse de trancher les questions relatives aux FAC déduits relativement aux opérations en cause était d’entendre deux causes types auxquelles prendraient part l’avocat de l’intimée et l’avocat des appelants dans les deux causes types. À mon avis, le ministre n’a pas tenu compte de cette décision lorsqu’il a présenté la demande qui, si elle était accueillie, entraînerait une instance à laquelle prendraient part 39 autres parties, dont aucune ne serait représentée par un avocat.

[92]  De plus, si le ministre croyait que la réponse de la Cour à la question pouvait résoudre les questions relatives aux opérations en cause, il aurait dû, en tant que représentant de l’intimée dans les causes types, demander que la question soit tranchée en vertu de l’article 58 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (l’« article 58 des Règles »).

[93]  L’article 58 des Règles permet que soit entendue une question dans le contexte d’un appel devant la Cour. La Cour a rendu de nombreuses décisions établissant les critères devant être respectés pour qu’elle rende une ordonnance autorisant que soit tranchée une question en vertu de l’article 58 des Règles. En règle générale, la Cour ne rend pas de telle ordonnance s’il y a une question de fait qui ne peut être réglée par un exposé conjoint des faits (comme c’est le cas en l’espèce). En d’autres termes, il est peu probable que la Cour rende une ordonnance en vertu de l’article 58 des Règles pour que soit tranchée la question telle qu’elle s’applique aux causes types. Il me semble que, si j’accueillais la demande, cela irait à l’encontre des décisions antérieures de la Cour relativement à l’article 58 des Règles, puisqu’elle s’appliquerait aux parties dans les causes types.

[94]  À mon avis, présenter une demande qui va à l’encontre de la décision de la Cour relativement aux causes types et qui serait contraire à la jurisprudence de la Cour sur l’article 58 des Règles constitue un abus de procédure.

[95]  Pour les motifs qui précèdent, la demande est rejetée avec dépens. La Cour ne tranchera pas la question.

[96]  Les dépens sont adjugés ainsi :

a)  Les appelants dans les causes types ont droit à un mémoire de dépens de 14 000 $, plus les débours.

b)  Des dépens de 150 $ pour chaque journée de comparution à l’audience sont adjugés à chacun des contribuables visés.

  Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de novembre 2018.

« S. D’Arcy »

Juge D’Arcy

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour d’octobre 2019.

Elisabeth Ross, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2018 CCI 236

Nº DES DOSSIERS DE LA COUR :

2014-972(IT)G

2015-148(IT)G

INTITULÉ :

AFFAIRE INTÉRESSANT une demande présentée par le ministre du Revenu national en vertu de l’article 174 de la Loi de l’impôt sur le revenu pour que la Cour se prononce sur une question.

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

et

LES 52 PERSONNES NOMMÉES AUX ANNEXES A ET B DE LA DEMANDE MODIFIÉE.

LIEU DE L’AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 8 septembre 2017, le 20 novembre 2017 et le 4 avril 2018

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge Steven K. D’Arcy

DATE DE L’ORDONNANCE :

Le 22 novembre 2018

AVOCATS AYANT COMPARU À L’AUDIENCE :

Avocats du requérant :

Me Philippe Dupuis

Me Sara Jahanbakhsh

Avocat représentant deux des parties nommées dans la demande modifiée :

Me David E. Silver

 



[1] Ci-après, les cotisations et les nouvelles cotisations seront appelées collectivement les « cotisations ».

[2] Canada c. ACI Properties Ltd., 2014 CAF 45, au paragraphe 25.

[3] 2010 CSC 10, [2010] 1 R.C.S. 331, aux paragraphes 18 et 19.

[4] Transcription de l’audience du 20 novembre 2017, aux pages 182 et 183.

[5] Transcription de l’audience du 20 novembre 2017, à la page 161.

[6] Transcription de l’audience du 8 septembre 2017, à la page 30.

[7] Voir par exemple, The Dominion Canners Ltd. v. Costanza, [1923] S.C.R. 46.

[8] Transcription de l’audience du 4 avril 2018, à la page 126.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.