Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2014-3465(IT)G

ENTRE :

A & D PRECISION LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu les 5, 6, 7, 8 et 9 juin 2017 et 12, 13, 14 et 15 juin 2017 et 3, 4 et 5 octobre 2017 et 11, 12 et 13 décembre 2017 et 21 janvier 2018 et 30 avril 2018, 1er, 2, 3 et 4 mai 2018 à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge B. Russell


Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me Adam Gotfried

Me Justin Kutyan

Avocats de l’intimée :

Me Ifeanyi Nwachukwu

Me Christopher Kitchen

 

JUGEMENT

  Il est fait droit à l’appel des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu fédérale pour les exercices financiers de l’appelante se terminant respectivement le 30 juin 2006, 2007 et 2008, sans dépens, en raison du succès partagé des parties. Les trois nouvelles cotisations faisant l’objet d’un appel sont renvoyées au ministre pour réexamen et nouvelle cotisation pour les motifs suivants :

  • a) pour l’exercice financier 2006, les crédits d’impôt à l’investissement (CII) sont autorisés tels que demandés pour le projet no 6 et aucun CII tel que demandé pour le projet no 4 n’est autorisé;

  • b) pour l’exercice financier 2007, les CII sont autorisés tels que demandés pour chacun des projets no 4 et no 6;

  • c) pour l’exercice financier 2008, les CII sont autorisés tels que demandés pour le projet no 6 et un tiers des CII demandés pour le projet no 4 sont autorisés.

Signé à Saskatoon, Saskatchewan, ce 28e jour de février 2019.

« B. Russell »

Juge Russell

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de février 2020.

François Brunet, réviseur


Référence : 2019CCI48

Date : 20190228

Dossier : 2014-3465(IT)G

ENTRE :

A & D PRECISION LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Russell

Introduction

[1]  La présente affaire concerne des activités de recherche scientifique et de développement expérimental (RS&DE). L’appelante, A&D Precision Limited (A&D), est une société privée canadienne établie à Concord, en Ontario. A&D interjette appel de trois nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le ministre) en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la Loi), relativement à ses exercices financiers se terminant le 30 juin 2006, 2007 et 2008 respectivement.

[2]  Les dépenses courantes déclarées pour la RS&DE sont de 827 348 $, de 1 202 398 $ et de 789 579 $ pour les exercices financiers 2006, 2007 et 2008 respectivement. Il y a aussi un élément de matériel à vocations multiples (MVM) demandé, soit des montants de 431 259 $, 555 984 $ et 346 579 $ pour les années d’imposition 2006, 2007 et 2008 respectivement. Ensemble, ces dépenses constituent la base des crédits d’impôt à l’investissement (CII) demandés de 324 576 $, de 629 782 $ et de 247 855 $ en cause pour ces exercices financiers respectifs. Ces CII totalisent 1 212 213 $.

[3]  Au départ, cet appel portait sur quatre projets. Cependant, avant l’audience, A&D en a retiré deux. Les deux projets qui sont demeurés en cause et qui font maintenant l’objet de ce jugement et des motifs du jugement sont identifiés par A&D comme étant le projet no 4 (« Tours horizontaux polyvalents à spectre complet ») et le projet no 6 (« Meuleuse à double meule »).

Exposé des faits

[4]  A&D est un fabricant sophistiqué et confirmé de pièces de machine. Au cours des exercices en question, son activité principale était la fabrication de pièces complexes de haute précision pour turbines à gaz et de gros moteurs électriques complexes. Pendant cette période, le principal client d’A&D était General Electric Co. (GE), qui construit d’énormes turbines à gaz à ses installations de Greenville, en Caroline du Sud. A&D a travaillé pour GE au cours des 35 dernières années. GE embauchait A&D pour fabriquer des pièces pesant de 10 000 à 100 000 livres et qui tournent constamment à l’intérieur d’une turbine à gaz. GE exige une grande précision dans la fabrication de ces pièces par A&D.

[5]  La fabrication de pièces de turbines à gaz et de gros moteurs électriques complexes est un domaine spécialisé dans le monde entier. A&D a des concurrents américains et japonais. GE achète également des pièces auprès de fournisseurs à bas prix en Chine, au Brésil et au Mexique. A&D s’efforce continuellement de fabriquer des pièces pour GE de la façon la plus économique possible tout en continuant de répondre à des exigences de haute précision.

[6]  Antranik Derbedrosian a témoigné comme l’un des deux principaux témoins d’A&D. Il est le propriétaire fondateur, président, actionnaire unique et administrateur d’A&D. M. Derbedrosian a peu d’éducation formelle, mais une expérience considérable depuis son enfance dans les ateliers d’usinage. Il a quitté l’école en Syrie à l’âge de 13 ans pour entreprendre un apprentissage de cinq ans de machiniste. En tant qu’apprenti, il a travaillé sur des tours horizontaux et d’autres machines de taille moyenne, y compris des fraiseuses, des perceuses radiales et des outils à main comme des limes et meuleuses de surface (transcription, aux pages 30 et 31). Il est venu au Canada en 1969 à l’âge de 22 ans. Il a travaillé comme opérateur de tour à deux endroits en Ontario, puis comme machiniste général. Il a lancé A&D en 1974 comme entrepreneur unique. Au moment de l’audition du présent appel, A&D employait plus de 30 personnes. M. Derbedrosian n’a pas de titre d’ingénieur.

[7]  Bien qu’il fût malade, George Predoiu a également témoigné en tant qu’autre témoin principal d’A&D. Malheureusement, M. Predoiu est décédé depuis. Pendant la majeure partie de la période visée, il a été, par l’entremise d’une société personnelle, un sous-traitant d’A&D. M. Predoiu était ingénieur professionnel agréé de l’Ontario. Il a suivi une formation complète d’ingénieur mécanique à l’Université de Bucarest en Roumanie avant de venir en Amérique du Nord. Il a mené une brillante carrière de 47 ans dans la conception et l’assemblage de machines-outils, notamment au sein de Northstar Aerospace à Milton, en Ontario, de General Dynamics à Marion, en Virginie, et des Forces aériennes des États-Unis. Il a été en mesure de concevoir des machines-outils, notamment les systèmes mécaniques, techniques, électriques, hydrauliques, électroniques et pneumatiques nécessaires.

[8]  M. Predoiu était l’ingénieur en chef des deux projets en question pour A&D, sauf qu’il n’a participé à aucune activité pour le compte d’A&D concernant les tours Tacchi dans le cadre du projet no 4, dont il est question ci-dessous.

[9]  Les autres témoins de fait étaient M. V. Ouvarov et M. S. Schiaua, appelés respectivement par l’appelante et l’intimée. M. Ouvarov était un employé d’A&D qui s’occupait des aspects relatifs à l’assemblage et à la mise à l’essai des machines mentionnées aux présentes. M. Schiaua est un ancien employé d’A&D, qui était à son emploi pendant une partie des périodes en question.

[10]  De plus, l’appelante a fait appel à deux experts : Stephen Veldhuis et Eu‑Gene Ng. L’intimée a appelé Yusuf Altintas comme expert. Tous sont affiliés à des universités et comptent une expertise poussée en conception et en mise à l’essai de machines-outils. Leurs dépositions m’ont aidé de façon générale à tirer les conclusions énoncées dans le présent jugement.

Projet no 4

[11]  Comme il a été signalé, le projet no 4 comprenait la mise au point par A&D de « tours horizontaux polyvalents à spectre complet ».

[12]  Les tours sont des machines qui façonnent les pièces métalliques en les faisant pivoter rapidement contre des outils de coupe interchangeables. Les tours horizontaux ont des pièces tournantes placées parallèlement au plancher. La pièce est maintenue en place à une extrémité par un mandrin et une poupée fixe. L’autre extrémité est maintenue en place par une contre-poupée. Ces deux extrémités font pivoter la pièce, avec un outil de découpe entre les deux extrémités pour couper la pièce tournante au besoin.

[13]  Avant 2000, A&D utilisait des tours horizontaux achetés d’un fabricant italien, Safop. Lorsque GE est devenue plus exigeante quant à ses spécifications pour les pièces de turbine qu’A&D voulait fabriquer, ces tours n’étaient plus suffisamment précis pour les besoins de GE. Après avoir mené des enquêtes de diligence raisonnable, A&D a décidé d’acheter trois nouveaux gros tours horizontaux auprès d’une autre entreprise italienne, Tacchi Giacomo e Figli SpA (Tacchi). A&D prévoyait que ces trois tours Tacchi lui permettraient d’atteindre les spécifications plus exigeantes de GE. Tacchi était considérée comme un chef de file international dans la construction de tours robustes à commande numérique par calculateur (CNC).

[14]  Les trois tours Tacchi ont été achetés par A&D vers 2001 et 2002. Le dernier des trois a été expédié à A&D depuis l’Italie vers mars 2004. Après leur installation dans les locaux d’A&D, les trois Tacchis ont été testés pour acceptation. Ils ont réussi tous les tests d’acceptation et les critères de tolérance (transcription, Ouvarov, aux pages 1295 à 1297 et 1428 à 1430; Derbedrosian, aux pages 733 à 736).

[15]  Toutefois, des problèmes de performance se sont rapidement posés, y compris des vibrations de la poupée fixe, des mouvements de l’axe des z imprécis et le glissement soudain de la contre-poupée. La période de garantie d’un an des tours Tacchi s’est écoulée, ce qui a permis à A&D elle-même, pas seulement Tacchi, d’essayer de réparer ou d’améliorer ces tours, mais sans succès.

[16]  A&D et Tacchi ont demandé à M. Predoiu de produire une opinion neutre sur les lacunes des trois tours Tacchi. Il avait conclu qu’il était impossible de les réparer de façon à ce qu’ils satisfassent aux exigences de tolérance extrêmement serrées du principal client d’A&D, c’est-à-dire GE. Par conséquent, A&D a conclu que les tours Tacchi devaient être vendus et qu’A&D devait construire ses propres tours pour pouvoir continuer à fabriquer de grandes pièces de turbine pour GE avec des exigences de tolérance accrue.

[17]  M. Derbedrosian a proposé le concept original du tour horizontal de 80 tonnes. Selon ce concept, ce tour, connu sous le nom de Matteo de 80 tonnes, serait capable de faire tourner une pièce non soutenue de 80 tonnes (ou de 100 tonnes avec un appui stable pour soutenir la pièce) et de 13 mètres de long, tout en respectant les spécifications de tolérance rigoureuses lors de l’usinage de la pièce.

[18]  A&D a retenu les services de M. Predoiu, par l’entremise de sa société d’experts-conseils, pour qu’il soit l’ingénieur en chef d’A&D dans ce travail de conception et de construction des tours Matteo proposés pour A&D. Nous avons entendu des témoignages étoffés de M. Derbedrosian et de M. Predoiu au sujet de questions relatives à la conception et à la construction du Matteo de 80 tonnes.

[19]  A&D affirme que le Matteo de 80 tonnes est composé de divers systèmes et sous-systèmes qui devaient tous travailler ensemble. A&D soutient en outre (observations écrites, au paragraphe 145) que les principaux sous-systèmes des Matteo sont la poupée fixe, la contre-poupée, le mandrin, la tige d’outil de coupe sur la lame transversale (axe des x), le chariot longitudinal sur la glissière (axe des z) et la commande du capteur de la contre-poupée.

[20]  Je crois comprendre qu’il s’agit des pièces habituelles d’un tour horizontal.

[21]  Plus en détail, le système de positionnement et de conduite de la pièce de travail de Matteo de 80 tonnes comprenait les éléments suivants qu’A&D qualifie (observations écrites, au paragraphe 149) de sous-systèmes, appelés broche principale et roulements (qui retiennent la pièce), système d’entraînement de broche principal (qui fournit le couple et la vitesse à la broche principale), la poupée fixe (qui soutient le système d’entraînement de broche principale), le mécanisme de la contre-poupée (qui maintient l’autre extrémité de la pièce en place tout en permettant la rotation), la structure de la contre-poupée (qui soutient le mécanisme de la contre-poupée), le système hydraulique (qui libère le mécanisme de verrouillage de la contre-poupée), comprend notamment le guide longitudinal le long duquel se déplace la contre-poupée), le mandrin (qui maintient la pièce à travailler et lui permet de tourner avec la broche) et des appuis stables (apportant un soutien supplémentaire aux pièces lourdes).

[22]  Un autre système faisant l’objet de la demande du Matteo de 80 tonnes est le système de positionnement et d’entraînement d’outil, également dit composé de sous-systèmes; ces sous-systèmes comprennent le guide de chariot longitudinal (qui guide le chariot d’outil de coupe lorsqu’il se déplace le long de l’axe des z), le mécanisme d’alimentation longitudinale (qui déplace le chariot d’outil de coupe le long de l’axe des z), le chariot et le guide transversal (qui guide et entraîne le chariot d’outils le long de l’axe des x), le système de positionnement d’outil (qui permet d’utiliser plusieurs outils sur la pièce), le plateau de chariot (qui soutient la broche de la meule) et le système de lubrification (qui lubrifie les logements pour les voies de guidage linéaires et vis à billes).

[23]  Le troisième des trois systèmes identifiés pour le tour horizontal est le système CNC et PLC. « CNC » signifie, comme indiqué, « commande numérique par calculateur », tandis que « PLC » signifie « programmable logic controller », soit « contrôleur programmable ». Ce système assure le contrôle informatique dans le fonctionnement du tour, lequel système, tel que le soumet A&D, comprend l’électronique, l’ordinateur et le logiciel Siemens (observations écrites d’A&D, titre du paragraphe 248).

[24]  M. Predoiu a fait des calculs et a dirigé et supervisé de près l’assemblage des pièces, achetées en grande partie dans le commerce, composant le Matteo de 80 tonnes. Un protocole d’essai de démarrage pour de nouvelles machines comme en l’espèce a été suivi de près, lançant et testant une pièce à la fois (un résumé inadéquat du protocole de démarrage). Au bout du compte, le résultat a été un succès. Le nouveau Matteo de 80 tonnes a répondu aux attentes élevées d’A&D. Le nouveau tour a réussi à usiner des pièces pour le client GE plus lourdes et plus longues que jamais auparavant, avec une précision améliorée (Derbedrosian, transcription, à la page 142; pièce A-1, onglet 8, à la page 103). Cela a permis à A&D de poursuivre son travail très exigeant et spécialisé de fabrication de pièces pour des turbines massives construites par GE.

[25]  Par la suite, les Matteo de 60 et de 40 tonnes ont été construits. Comme il ressort de ces désignations, ils étaient destinés à être en mesure de manipuler des pièces de travail pouvant peser jusqu’à 60 et 40 tonnes. Contrairement aux Matteo de 80 tonnes, ils étaient faits de fonte plutôt que d’acier soudé. A&D avait découvert une fonderie en Chine qui pouvait faire les moulages en fer du lit du chariot, du lit de la pièce à travailler, de la poupée fixe et de la contre-poupée. Les autres différences consistaient en l’utilisation d’un type différent de roulements de broche du commerce et l’utilisation d’une vis à bille plutôt que d’un support et d’un pignon pour le mouvement le long de l’axe des z, puisque la longueur de cet axe était plus courte que celle du Matteo de 80 tonnes. M. Perdoiu a dû faire des calculs supplémentaires pour s’assurer que ces changements étaient réalisables. En fin de compte, les tours Matteo de 60 et de 40 tonnes ont été commandés avec succès et mis en service pour la conception de pièces de travail plus petites pour GE et d’autres clients d’A&D.

[26]  Au paragraphe 276 de ses observations écrites, A&D allègue que le Matteo de 80 tonnes était une nouvelle machine qui n’était pas disponible auprès des fournisseurs de machines-outils traditionnels. La même revendication ne s’applique pas aux Matteo de 60 et de 40 tonnes.

[27]  Les travaux du projet no 4 faisant l’objet de la demande d’A&D pour son exercice financier 2006 se rapportent entièrement aux trois tours Tacchi. Les tours Matteo ne sont pas mentionnés avant la demande de RS&DE de l’année d’imposition suivante (pièce R-15).

[28]  Les travaux du projet no 4 faisant l’objet de la demande d’A&D pour son exercice financier 2007 se rapportent uniquement au tour Matteo de 80 tonnes (pièce R-15).

[29]  Les travaux du projet no 4 faisant l’objet de la demande d’A&D pour son exercice financier 2008 se rapportent aux trois tours Matteo (80, 60 et 40 tonnes) sans aucune répartition fournie par A&D (pièce R-15).

Projet no 6

[30]  Tous les travaux du projet no 6 faisant l’objet de la demande d’A&D pour chacun de ses exercices financiers 2006, 2007 et 2008 se rapportent à la conception et, en fin de compte, à l’abandon du développement de cette machine, appelée « meuleuse à double meule » (pièce R-15).

[31]  Le nouveau concept, mis de l’avant par M. Derbedrosian, était d’avoir une meulette capable d’être déplacée de chaque côté du milieu de la pièce pour le meulage. Le retrait et le repositionnement de la pièce pourraient prendre de 16 à 18 heures et il pourrait y avoir un réalignement. A&D ne connaissait aucune autre meuleuse dans le monde qui pouvait le faire. La machine ne meulait pas la pièce sur les côtés opposés du milieu de la pièce en même temps. Cependant, il y avait des couvercles sur les côtés opposés de ce qui serait le milieu d’une pièce pour les deux positions dans lesquelles le disque de meulage pouvait être déplacé.

[32]  Les meuleuses meulent grossièrement et finement de grandes pièces métalliques avec des formes circulaires telles que des arbres, des broches et des rouleaux.

[33]  Avant de décider qu’A&D construirait cela, M. Derbedrosian a consulté Toshiba au Japon pour savoir si elle pouvait construire une telle machine. Toshiba a finalement répondu par un devis de 6 millions de dollars pour produire une telle machine, mais sans garantie qu’elle pourrait respecter les tolérances requises.

[34]  Cette machine était souhaitée pour travailler sur des pièces particulières pour GE.

[35]  M. Predoiu et M. Derbedrosian ont mis au point des spécifications pour la machine envisagée, notamment en ce qui concerne les performances de la poupée fixe, du chariot, de la tête de meule et du meulage. Encore une fois, A&D voit cette machine complète comme un assemblage de systèmes et de sous-systèmes. Bien sûr, pour respecter les tolérances spécifiées par GE, tous les systèmes et sous-systèmes devaient bien travailler ensemble (observations écrites d’A&D, au paragraphe 302).

[36]  La machine elle-même a été construite en partie à partir d’une ancienne meuleuse située en Roumanie. Étant donné que le disque de meulage pouvait être repositionné à l’une ou l’autre des extrémités, il n’était pas possible d’utiliser la meuleuse traditionnelle, avec une meule à une extrémité et une poulie à l’autre. A&D envisageait de conduire la meule (qui pouvait être déplacée de chaque côté du milieu) à partir du milieu de la machine à l’aide d’un moteur Siemens. À partir du milieu de la machine, entre les deux positions de meule, le moteur entraînait l’arbre d’entraînement, et l’arbre de transmission entraînait la broche principale (observations écrites d’A&D, au paragraphe 303).

[37]  Il y avait des aspects nouveaux dans la préparation de cette machine. Pour aider l’axe à ne pas surchauffer, on a utilisé des roulements de contact oblique en céramique qui ne surchauffent pas, et on a utilisé de la graisse Kluber, également parce que la céramique ne surchauffe pas (observations, au paragraphe 306).

[38]  A&D a choisi de fabriquer plutôt que de couler le lit de la meule de la meuleuse. A&D a fabriqué les pièces plutôt que de les couler parce que c’était plus économique (observations, au paragraphe 307).

[39]  Pour aider à réduire les vibrations, le chariot de l’axe des z se déplace sur des voies de guidage linéaires comme le Matteo de 80 tonnes. Cette meuleuse n’était pas typique et a peut-être été la première à utiliser des voies de guidage linéaires. De plus, la fondation de la meuleuse a été renforcée afin de réduire les vibrations.

[40]  De surcroît, un appui stable a été conçu par M. Derbedrosian pour la meuleuse, afin d’aider à éliminer ou à réduire les vibrations.

[41]  Néanmoins, il y a eu des vibrations excessives lors de l’essai de la machine. D’autres tentatives visant à réduire au minimum les vibrations (grâce à l’utilisation d’un logiciel d’optimisation pour tenter d’isoler la source des vibrations, à l’utilisation d’équipement de mesure des vibrations et à la référence à une entreprise d’analyse des vibrations qui a fourni un rapport) n’ont pas été suffisamment efficaces pour rendre la machine acceptable à l’utilisation. M. Derbedrosian a décidé qu’A&D ne poursuivrait pas le développement de cette machine en raison des coûts financiers qui continueraient d’être engagés.

Énoncé de la question en litige

[42]  La question en litige en l’espèce en ce qui concerne chacun des projets no 4 et no 6 est de savoir si le travail effectué au cours des exercices financiers visés constituait de la RS&DE, de manière à permettre les demandes de CII mentionnées ci-dessus.

[43]  Il a été convenu ou, en tout état de cause, décidé au cours de l’audience que, pour déterminer si le travail se rapportait, ou non, à la RS&DE, seule la question « scientifique » était pertinente. Les questions « financières » ou non scientifiques (comme, par exemple, la remise en question du nombre d’heures déclarées comme ayant été travaillées et par qui ou si certains travaux n’avaient pas été entrepris au Canada ou si les éléments non scientifiques du MVM avaient été atteints) n’avaient pas été mises en cause.

Analyse juridique

[44]  Le paragraphe 127(5) de la Loi prévoit une déduction consistant en un « crédit d’impôt à l’investissement » remboursable (CII mentionné ci-dessus) à l’égard d’un « compte de dépenses admissibles de recherche et de développement ». Ces mots sont définis au paragraphe 127(9).

[45]  Les mots « dépenses admissibles », qui contribuent globalement au compte de dépenses admissibles pour la RS&DE, sont définis au paragraphe 127(9) comme incluant les dépenses relatives à la RS&DE et décrites au sous-alinéa 37(1)a)(i). Ce sous-alinéa permet la déduction des dépenses courantes d’« activités de recherche scientifique et de développement expérimental », comme suit :

Activités de recherche scientifique et de développement expérimental

37 (1) Le contribuable qui exploite une entreprise au Canada au cours d’une année d’imposition peut déduire dans le calcul du revenu qu’il tire de cette entreprise pour l’année un montant qui ne dépasse pas l’excédent éventuel du total des montants suivants :

a) le total des montants dont chacun représente une dépense de nature courante qu’il a faite au cours de l’année ou d’une année d’imposition antérieure se terminant après 1973 :

(i) soit pour des activités de recherche scientifique et de développement expérimental exercées au Canada directement par le contribuable, en rapport avec son entreprise,

[46]  Au paragraphe 248(1) de la Loi, la définition des « activités de recherche scientifique et de développement expérimental » est la suivante :

activités de recherche scientifique et de développement expérimentalInvestigation ou recherche systématique d’ordre scientifique ou technologique, effectuée par voie d’expérimentation ou d’analyse, c’est-à-dire :

  • a) la recherche pure, à savoir les travaux entrepris pour l’avancement de la science sans aucune application pratique en vue;

  • b) la recherche appliquée, à savoir les travaux entrepris pour l’avancement de la science avec application pratique en vue;

  • c) le développement expérimental, à savoir les travaux entrepris dans l’intérêt du progrès technologique en vue de la création de nouveaux matériaux, dispositifs, produits ou procédés ou de l’amélioration, même légère, de ceux qui existent.

Pour l’application de la présente définition à un contribuable, sont compris parmi les activités de recherche scientifique et de développement expérimental :

  • d) les travaux entrepris par le contribuable ou pour son compte relativement aux travaux de génie, à la conception, à la recherche opérationnelle, à l’analyse mathématique, à la programmation informatique, à la collecte de données, aux essais et à la recherche psychologique, lorsque ces travaux sont proportionnels aux besoins des travaux visés aux alinéas a), b) ou c) qui sont entrepris au Canada par le contribuable ou pour son compte et servent à les appuyer directement.

Ne constituent pas des activités de recherche scientifique et de développement expérimental les travaux relatifs aux activités suivantes :

  • e) l’étude du marché et la promotion des ventes;

  • f) le contrôle de la qualité ou la mise à l’essai normale des matériaux, dispositifs, produits ou procédés;

  • g) la recherche dans les sciences sociales ou humaines;

  • h) la prospection, l’exploration et le forage fait en vue de la découverte de minéraux, de pétrole ou de gaz naturel et leur production;

  • i) la production commerciale d’un matériau, d’un dispositif ou d’un produit nouveau ou amélioré, et l’utilisation commerciale d’un procédé nouveau ou amélioré;

  • j) les modifications de style;

  • k) la collecte normale de données. [Je souligne]

[47]  En ce qui concerne la question de savoir si les projets donnent lieu à des dépenses de RS&DE, alors que les dépenses peuvent être déduites en vertu de l’article 18 de la Loi comme ayant été engagées pour la recherche et le développement de produits en vue de tirer un revenu, la question de savoir si les dépenses ont été engagées pour effectuer de la RS&DE, de manière à bénéficier en plus des CII remboursables est distincte. Cela aboutit à un examen de la façon dont le travail de développement a été entrepris. Y a-t-il eu une lacune dans les connaissances techniques générales qui n’était pas raisonnablement susceptible d’être résolue au moyen de procédures courantes d’ingénierie ou de procédures normalisées? Dans l’affirmative, la méthode scientifique a-t-elle été appliquée pour combler cette lacune générale des connaissances techniques? Ce sont essentiellement les questions centrales.

[48]  Le jugement Northwest Hydraulic Consultants Ltd. c. La Reine, 98 DTC 1939 (CCI), de la Cour canadienne de l’impôt, sous la plume du juge Bowman, constitue le point de départ en matière d’analyse relative à la RS&DE. Il consacre les cinq critères suivants pour déterminer si certaines activités d’un contribuable peuvent être considérées comme des activités de RS&DE d’un point de vue juridique. La Cour d’appel fédérale a par la suite avalisé ces cinq critères, voir C.W. Agencies Inc. c. Canada, 2002 DTC 6740 (CAF).

1. Existe-t-il un risque ou une incertitude technologique?

a)  Lorsqu’on parle de « risque ou [d’]incertitude technologique » dans ce contexte, on laisse implicitement entendre qu’il doit exister une incertitude quelconque qui ne peut pas être éliminée par les études techniques courantes ou par les procédures habituelles. Je ne parle pas du fait que dès qu’un problème est décelé, il peut exister un certain doute au sujet de la façon dont il sera réglé. Si la résolution du problème est raisonnablement prévisible à l’aide de la procédure habituelle ou des études techniques courantes, il n’y a pas d’incertitude technologique telle que cette expression est utilisée dans ce contexte.

b)  Qu’entend-on par « études techniques courantes »? C’est cette question (ainsi que celle qui se rapporte au progrès technologique) qui semble avoir divisé les experts plus que toute autre. En résumé, cela se rapporte aux techniques, aux procédures et aux données qui sont généralement accessibles aux spécialistes compétents dans le domaine.

2. La personne qui prétend se livrer à de la RS & DE a-t-elle formulé des hypothèses visant expressément à réduire ou à éliminer cette incertitude technologique? La chose comporte un processus à cinq étapes :

a) l’observation de l’objet du problème;

b) la formulation d’un objectif clair;

c) la détermination et la formulation de l’incertitude technologique;

d) la formulation d’une hypothèse ou d’hypothèses destinées à réduire ou à éliminer l’incertitude;

e) la vérification méthodique et systématique des hypothèses.

Il est important de reconnaître que, bien qu’une incertitude technologique doive être définie au départ, la détermination de nouvelles incertitudes technologiques au fur et à mesure que les recherches avancent et l’emploi de la méthode scientifique, et notamment l’intuition et la créativité, et parfois l’ingéniosité en découvrant, en reconnaissant et en mettant fin à de nouvelles incertitudes, font partie intégrante de la RS & DE.

3. Les procédures adoptées sont-elles conformes aux principes établis et aux principes objectifs de la méthode scientifique, définis par l’observation scientifique systématique, la mesure et l’expérimentation ainsi que la formulation, la vérification et la modification d’hypothèses?

a)  Il est important de reconnaître que même si la méthodologie susmentionnée décrit les aspects essentiels de la RS & DE, la créativité intuitive et même l’ingéniosité peuvent avoir un rôle crucial dans le processus aux fins de la définition de la RS & DE. Toutefois, ces éléments doivent exister dans le cadre de la méthode scientifique dans son ensemble.

b)  Ce qui peut sembler habituel et évident après coup ne l’était peut-être pas au début des travaux. Ce n’est pas uniquement l’adhésion à des pratiques systématiques qui distingue l’activité courante des méthodes nécessaires selon la définition de la RS & DE […], mais l’adoption de la méthode scientifique décrite ci-dessus dans son ensemble, en vue d’éliminer une incertitude technologique au moyen de la formulation et de la vérification d’hypothèses innovatrices non vérifiées.

4. Le processus a-t-il abouti à un progrès technologique, c’est-à-dire à un progrès en ce qui concerne la compréhension générale?

a)  Je veux dire par là quelque chose que les personnes qui s’y connaissent dans le domaine savent ou qu’elles peuvent de toute façon savoir. Je ne parle pas d’un élément de connaissance que quelqu’un, quelque part, peut connaître. La collectivité scientifique est étendue, et elle publie des documents dans de nombreuses langues. Un progrès technologique au Canada ne cesse pas d’être tel simplement parce qu’il existe une possibilité théorique qu’un chercheur, disons, en Chine, a peut-être fait le même progrès, mais que ses travaux ne sont généralement pas connus.

b)  Le rejet, après l’essai d’une hypothèse, constitue néanmoins un progrès en ce sens qu’il élimine une hypothèse jusque-là non vérifiée. Une bonne partie de la recherche scientifique vise justement à cela. Le fait que l’objectif initial n’est pas atteint n’invalide ni l’hypothèse qui a été émise ni les méthodes qui ont été employées. Au contraire, il est possible que l’échec même renforce le degré d’incertitude technologique.

5. La Loi de l’impôt sur le revenu et son règlement d’application ne le prévoient pas expressément, mais il semble évident qu’un compte rendu détaillé des hypothèses, des essais et des résultats, doive être fait, et ce, au fur et à mesure de l’avancement des travaux. [Je souligne]

[49]  J’examinerai les demandes de remboursement d’A&D quant aux quatre catégories suivantes :

  1. Projet no 4 : exercice financier 2006, les trois tours Tacchi;

  2. Projet no 4 : exercice financier 2007, le Matteo de 80 tonnes;

  3. Projet no 4 : exercice financier 2008, les Matteo de 80, 60 et 40 tonnes;

  4. Projet no 6 : exercices financiers 2006, 2007 et 2008, la meuleuse à double meule.

Projet no 4 : exercice financier 2006, les trois tours Tacchi

[50]  La demande de RS&DE d’A&D à l’égard du projet no 4 pour l’exercice financier 2006 concerne les dépenses relatives aux trois tours Tacchi qu’A&D avait achetés. Selon la pièce R-15, cet élément de la demande de RS&DE totale comprend 470 417 $ de dépenses courantes de RS&DE, 400 720 $ de matériel à vocations multiples et 218 922 $ de CII demandés.

[51]  Je ne vois aucun fondement à la demande de RS&DE d’A&D en ce qui concerne les dépenses relatives aux tours Tacchi. Après l’acquisition de ces trois tours Tacchi et l’expiration de leur période de garantie d’un an, A&D, collaborant avec Tacchi, a tenté de les corriger ou de les réparer en raison de leurs problèmes de vibration et de contre-coup indus. Il y a peu d’éléments de preuve portant sur ce qui a été fait. Ensemble, A&D et Tacchi ont retenu les services de M. Predoiu comme partie neutre afin qu’il produise une opinion impartiale sur la nature et la résolution éventuelle des problèmes. Il a conclu que les trois tours Tacchi ne pouvaient être réparés de façon à satisfaire aux exigences d’A&D. Par conséquent, A&D a décidé de vendre ces trois tours, ce qu’elle a fait, et de concevoir et de fabriquer ses propres trois tours, à savoir les tours Matteo.

[52]  Dans ses observations écrites, A&D n’a fait aucun effort évident pour indiquer que les dépenses relatives à Tacchi ont été incluses dans ses demandes du projet no 4 pour la RS&DE, ni pour expliquer en quoi les dépenses relatives aux trois tours Tacchi étaient admissibles aux avantages fiscaux relatifs à la RS&DE. Dans les observations écrites d’A&D, sous la rubrique « QUESTIONS EN LITIGE », on peut lire au paragraphe 408 : [traduction] « La seule question en litige est de savoir si la conception, le développement et l’assemblage des tours Matteo et de la meuleuse par A&D constitue de la RS&DE […] ». La phrase de départ du paragraphe 409 va essentiellement dans le même sens : [traduction] « Seuls les Matteo et la meuleuse sont en cause ». Il n’y a aucune mention des tours Tacchi.

[53]  Par conséquent, la demande de RS&DE d’A&D pour l’exercice financier 2006 relative aux trois tours Tacchi (incluse dans le projet no 4 d’A&D) est refusée.

Projet no 4 : exercice financier 2007, le Matteo de 80 tonnes

[54]  Cet élément de la demande totale comprend les CII demandés pour la somme de 435 842 $, en fonction des dépenses courantes de 687 727 $ pour la RS&DE et du matériel à vocations multiples réclamées pour la somme de 409 225 $ (pièce R-15).

[55]  La conception, l’assemblage et la mise à l’essai du Matteo de 80 tonnes ont été décrits de façon sommaire ci-dessus. Il s’agissait d’un projet conçu et dirigé par M. Derbedrosian, la société d’experts-conseils de M. Predoiu étant chargée de fournir des conseils précis et détaillés dans le cadre de ce projet, et avec. M. Predoiu comme ingénieur en chef.

[56]  Pour déterminer l’admissibilité à la RS&DE, le premier critère susmentionné, tiré de la jurisprudence Northwest Hydraulic, consiste à déterminer s’il y avait un « risque ou une incertitude technologique ». Comme il a été signalé, cela signifie un type d’incertitude dont la résolution n’est pas raisonnablement prévisible au moyen des études techniques courantes ou par les procédures habituelles. Les mots « études techniques courantes » renvoient « […] aux techniques, aux procédures et aux données […] généralement accessibles aux spécialistes compétents dans le domaine ».

[57]  A&D soutient que le risque ou l’incertitude technologique à l’égard du Matteo de 80 tonnes était une « incertitude systémique », comme le reconnaît la jurisprudence et la politique de l’Agence du revenu du Canada (ARC). À cet égard, A&D cite la décision 1726437 Ontario Inc. (AirMax Technologies) c. La Reine, 2012 CCI 376, au paragraphe 17 où il est fait référence au paragraphe 4.8 de la CI 86-4R3.

[58]  Dans cette décision, au paragraphe 17, mon collègue, le juge Hogan, a appliqué sans discussion particulière l’observation figurant dans le paragraphe 4.8 de la circulaire d’information 86-4R3 de l’ARC suivant :

Les travaux qui combinent des technologies, des dispositifs, ou des procédés standard sont admissibles si la combinaison inusitée de technologies établies (bien connues) et les principes guidant l’intégration de ces dernières comportent un élément important d’incertitude technologique; […] une incertitude systémique.

[59]  L’expert de l’intimée, M. Altintas, a reconnu dans son témoignage que l’incertitude systémique pourrait constituer une incertitude technologique :

[traduction]

Lorsque vous mettez la machine – toutes les pièces ensemble, toute cette incertitude est maintenant fusionnée, accumulée. Maintenant, le système est incertain. J’appelle cela – c’est ma définition – les gens diront peut-être – j’appelle cela l’incertitude technologique, maintenant, parce que vous avez une technologie, maintenant. Toute la machine ensemble. (transcription, à la page 2349)

[60]  Voir aussi le paragraphe 64 du jugement Northwest Hydraulic dans lequel le juge Bowman commentait l’un des projets de RS&DE proposés dans cette affaire :

Parmi tous les projets présentés en preuve, celui-ci donnait à mon avis lieu au plus grand progrès technologique. Il est vrai que n’importe quelle caractéristique de la conception finale était peut-être connue – les déversoirs de caoutchouc, les vannes à segments et les murs de différents genres étaient connus mais c’était la combinaison innovatrice et la juxtaposition de ces facteurs qui rendaient ce projet unique en son genre.

[61]  L’intimée a soutenu que si la structure soudée (plutôt qu’en fonte) du Matteo de 80 tonnes, ainsi que l’inertie et le fléchissement dus au poids et à la longueur sans précédent d’une pièce de 80 tonnes et de 13 mètres donnaient lieu à des incertitudes technologiques, l’incertitude était surmontée par l’utilisation par A&D de solutions connues.

[62]  À mon avis, compte tenu de l’ensemble de la preuve ainsi que des observations des parties et des experts respectifs, A&D a dû faire face à une incertitude technologique lorsqu’elle a décidé de fabriquer le Matteo de 80 tonnes, c’est-à-dire une incertitude systémique. En l’espèce, A&D, avec les conseils et l’expertise spécifiques de M. Predoiu, a utilisé des technologies connues pour la fabrication de tours horizontaux et a combiné avec ces technologies d’autres technologies connues relatives à l’utilisation de structures soudées plutôt que de fonte, et d’autres innovations technologiques, comme il a été signalé ci-dessus, pour lutter contre l’inertie et le fléchissement. Ces adaptations ont été rendues nécessaires par la grande taille et le poids prévus des pièces de travail qui seraient équipées sur ce tour, et réalisées dans ce contexte unique, tout en cherchant également la capacité d’usiner de très grandes pièces de travail avec une précision particulièrement extrême.

[63]  Selon le deuxième des cinq critères consacrés par la jurisprudence   Northwest Hydraulic, il faut déterminer si A&D a formulé des hypothèses visant expressément à réduire ou à éliminer cette incertitude technologique.

[64]  Le témoignage de M. Predoiu m’a convaincu que sa contribution très compétente et expérimentée à son poste d’ingénieur en chef dans la conception et la fabrication du Matteo de 80 tonnes était très axée sur la réduction des risques en raison de l’incertitude systémique. C’est-à-dire qu’avec M. Derbedrosian, il a formulé des théories ou des plans (qu’on pourrait appeler hypothèses) pour réduire les risques en raison de l’incertitude systémique.

[65]  Selon le troisième des cinq critères consacrés par la jurisprudence   Northwest Hydraulic, il faut déterminer si la procédure adoptée dans chacun des projets était conforme à la méthode scientifique dans son ensemble, y compris la formulation, la vérification et la modification d’hypothèses. À ce sujet, nous avons en preuve de nombreux dessins réalisés sous la direction de M. Predoiu sur de nombreuses parties importantes du Matteo de 80 tonnes. Nous avons moins d’éléments de preuve montrant les calculs techniques que M. Predoiu aurait faits pour concevoir le Matteo de 80 tonnes. Ce que nous avons, en grande partie les dessins, aide à corroborer le témoignage de M. Predoiu selon lequel la procédure de développement de cette machine correspondait à la rigueur totale de la méthode scientifique. L’essai de la machine a été effectué après son assemblage, par opposition à la création et à la mise à l’essai de prototypes. Compte tenu du coût élevé de cette grande machine, la construction de n’importe quel prototype de celle-ci aurait rendu prohibitif le coût total de son développement.

[66]  Selon le quatrième critère consacré par la jurisprudence Northwest Hydraulic, il faut déterminer si le processus en cause a abouti à un progrès technologique. On parvient à un progrès technologique par l’acquisition de nouvelles connaissances qui font avancer la compréhension générale. Je conclus des témoignages de M. Predoiu et M. Derbedrosian que le processus de création de ce nouveau tour, semé d’incertitude systémique due aux modifications apportées à la conception classique des tours, de manière à renforcer la capacité de ce tour à manipuler des pièces gigantesques tout en atteignant des tolérances très strictes, constituait un avancement des connaissances techniques en général, bien que progressif.

[67]  Selon le cinquième et dernier critère consacré par la jurisprudence Northwest Hydraulic, il faut déterminer si un compte rendu détaillé des hypothèses, des essais et des résultats a été fait au fur et à mesure de l’avancement des travaux. Il s’agit d’un facteur dont la présence est révélatrice en ce qui a trait à la méthodologie scientifique. Dans l’affaire CSIS EHR (Electronic Health Record) Inc. c. La Reine, 2015 CCI 263, d’importants dossiers contemporains ont été présentés en preuve (spécifiés dans la décision CSIS, au paragraphe 37), et des techniciens‑programmeurs comptant une formation dans le domaine et ayant travaillé sur le projet en cause ont rendu bon nombre de témoignages de vive voix. La Cour a conclu que la somme de tout cela suffisait à établir que les travaux ont été effectués conformément à la méthodologie scientifique.

[68]  Dans le cas du Matteo de 80 tonnes, comme il a été signalé ci-dessus, des documents ont été conservés en grande partie sous la forme de dessins de nombreuses parties, sinon des plus importantes, de cette machine. Les pièces ont été en grande partie conçues sur la base des calculs techniques effectués par M. Predoiu. Les essais n’ont eu lieu qu’à la fin du processus de construction, mais il s’agit d’un aspect de l’impossibilité financière de construire et d’utiliser des prototypes, comme il a été signalé précédemment. Il est reconnu que peu de documents relatifs à l’exécution du protocole d’essai lui-même ont été produits, et encore moins conservés.

[69]  En somme, je conclus que les critères consacrés par la jurisprudence Northwest Hydraulic ont été suffisamment respectés pour que je puisse conclure que les travaux de conception et de construction du Matteo de 80 tonnes étaient des travaux admissibles de RS&DE. Par conséquent, les CII de RS&DE demandés à l’égard de ces travaux pour le projet no 4 pour l’exercice financier 2007 devraient être entièrement autorisés à l’égard d’A&D.

Projet no 4 : exercice financier 2008, les Matteo de 80, 60 et 40 tonnes

[70]  Pour l’exercice financier 2008 d’A&D, en ce qui concerne le projet no 4 relatif aux trois tours Matteo, A&D, pour cet exercice financier, a fait une demande visant chacun de ces trois tours, mais sans aucune ventilation des dépenses entre eux.

[71]  Comme je l’ai indiqué ci-dessus, j’ai conclu que les travaux sur le Matteo de 80 tonnes constituaient des dépenses de RS&DE. De plus, comme je l’ai indiqué ci-dessus, les parties ont convenu au cours de l’audience que la « science » était la seule question en litige et non pas aussi les aspects « financiers » des dépenses admissibles de RS&DE. Ainsi, la seule question concernant les aspects du MVM de l’une ou l’autre des demandes, y compris en ce qui concerne le Matteo de 80 tonnes, pourrait être la question « scientifique ». Étant donné que la question scientifique a reçu une réponse affirmative pour le Matteo de 80 tonnes, la réponse scientifique est donc également affirmative pour l’élément de MVM de la demande relative au Matteo de 80 tonnes.

[72]  En l’absence de toute ventilation de la part d’A&D concernant les trois Matteo pour l’exercice financier 2008 d’A&D, j’attribuerai à chacun des trois Matteo une part d’un tiers des dépenses totales de RS&DE et de MVM réclamées dans le cadre du projet no 4 pour l’exercice financier 2008. En conséquence, un tiers de ce total, et donc un tiers du total des CII demandés pour le projet no 4 pour l’exercice 2008, sera affecté, aux fins des présents motifs du jugement et du jugement qui en résulte, à la demande du Matteo de 80 tonnes, un tiers identique étant attribué à chacune des demandes pour les Matteo de 60 et de 40 tonnes.

[73]  Pour ce qui est des Matteo de 60 et de 40 tonnes, à mon avis, il ressort de la preuve qu’il y avait peu d’originalité dans leur conception et leur fabrication par rapport au cas du Matteo de 80 tonnes. L’une des différences entre les deux plus petits tours par rapport au Matteo de 80 tonnes était qu’ils étaient faits de fonte plutôt que, dans le cas du Matteo de 80 tonnes, d’acier soudé. Toutefois, comme A&D le reconnaît dans ses observations écrites au paragraphe 207, en décrivant des différences notables relativement au Matteo de 80 tonnes :

[traduction]

La plupart des fabricants de machines utilisent de la fonte pour les pièces principales, car la fonte a une densité qui réduit les vibrations alors que ce n’est pas le cas de l’acier.

[74]  Ainsi, l’utilisation de fonte pour les Matteo de 60 et de 40 tonnes, bien que contrairement au Matteo de 80 tonnes, était tout à fait conforme à l’approche normale ou conventionnelle dans la construction de tours horizontaux. Le fait que le Matteo de 80 tonnes ait été structuré autrement, en acier soudé, a contribué à faire de ce Matteo de 80 tonnes une machine unique avec une nouvelle combinaison de systèmes, ce qui s’est traduit par une incertitude technologique aux fins de la RS&DE. Toutefois, tel n’est pas le cas pour les Matteo de 60 et de 40 tonnes.

[75]  Une autre différence citée par A&D dans ses observations écrites entre les Matteo de 60 et de 40 tonnes d’une part, et du Matteo de 80 tonnes d’autre part, est que ce dernier utilisait des roulements de broche principale SKF, tandis que les deux plus petites machines utilisaient chacune des roulements Timken, ce qui était [traduction] « plus économique et trouvé dans le commerce ». (Observations écrites d’A&D, au paragraphe 266). Cela ne semble pas révolutionnaire non plus.

[76]  La troisième et dernière différence entre le Matteo de 80 tonnes et les Matteo de 60 et de 40 tonnes citée dans les observations écrites d’A&D (aux paragraphes 269ff) est l’utilisation d’un entraînement à vis à bille pour l’axe des z des deux plus petites machines plutôt que, comme dans le cas du Matteo de 80 tonnes, l’utilisation d’un support et d’un pignon pour le mouvement le long de l’axe des z.

[77]  Encore une fois, A&D semble reconnaître qu’un entraînement de vis à bille était déjà conventionnel. Comme indiqué au paragraphe 238 des observations écrites d’A&D quant au Matteo de 80 tonnes :

[traduction]

[M. Derbedrosian et M. Predoiu] ont songé à utiliser une vis à bille pour le mouvement linéaire, car elle est utilisée pour les déplacements plus courts et peut entraîner tout en ayant un contre-coup nul.

[78]  Il semble que, parmi les trois facteurs notés par A&D en essayant de peindre les Matteo de 60 et de 40 tonnes en autre chose que des modèles réduits des Matteo de 80 tonnes, tous militent en faveur de la conception conventionnelle. De plus, il y en a au moins un qui est relativement inoffensif, soit l’utilisation de différents roulements commerciaux pour la broche principale. Aucun risque ou préoccupation notable lié à l’utilisation de l’autre marque de roulements n’a été noté dans les observations écrites d’A&D.

[79]  Par conséquent, je conclus qu’il n’y avait pas d’incertitude non négligeable du système caractérisant le développement des Matteo de 40 et 60 tonnes. Ils étaient en grande partie simplement des versions plus petites du Matteo de 80 tonnes précédemment construit. Dans toute autre mesure, en faisant référence aux trois différences susmentionnées qu’A&D a soulignées, ces différences semblent en grande partie compatibles avec les tours horizontaux conventionnels, et seulement en ce qui concerne le Matteo de 80 tonnes, ce qui met en évidence le caractère unique de ce dernier. Il n’a pas été démontré que ces différences étaient si importantes qu’elles signifiaient une incertitude notable du système constituant une incertitude technologique.

[80]  J’en conclus donc que le travail d’élaboration des Matteo de 60 et de 40 tonnes ne constituait pas de la RS&DE. Dans ces conditions, la demande pour les deux tiers des CII demandés pour le projet no 4 pour l’exercice financier 2008 est rejetée. La part d’un tiers des CII demandés affectés aux travaux sur le Matteo de 80 tonnes au cours de l’exercice financier 2008 est approuvée, comme il a été signalé précédemment.

Projet no 6 : exercices financiers 2006, 2007 et 2008, la meuleuse à double meule

[81]  La conception, l’assemblage et la mise à l’essai de la meuleuse à double meule ont été décrites de façon sommaire ci-dessus. Il s’agissait également d’un projet envisagé et dirigé par M. Derbedrosian, la société d’experts-conseils de M. Predoiu étant chargée de fournir des conseils précis et détaillés par l’entremise de M. Predoiu à titre d’ingénieur en chef.

[82]  Pour déterminer l’admissibilité à la RS&DE, le premier critère susmentionné, tiré de la jurisprudence Northwest Hydraulic, consiste à déterminer s’il y avait un « risque ou une incertitude technologique ». Comme il a été signalé, cela signifie un type d’incertitude dont la résolution n’est pas raisonnablement prévisible au moyen des études techniques courantes ou par les procédures habituelles. Dans ce contexte, les mots « études techniques courantes » renvoient « […] aux techniques, aux procédures et aux données […] généralement accessibles aux spécialistes compétents dans le domaine ».

[83]  A&D soutient que le risque ou l’incertitude technologique concernant la meuleuse à double meule était de savoir si, avec cette conception innovante permettant de repositionner la meule d’un côté à l’autre de la meuleuse, plutôt que de devoir déplacer la pièce de travail, des tolérances de meulage fines pouvaient encore être atteintes. L’incertitude systémique est également mentionnée.

[84]  Il n’y avait aucune connaissance, au Canada ou à l’étranger, d’une meuleuse possédant cette caractéristique de conception fondamentalement nouvelle.

[85]  En examinant l’ensemble de la preuve, je conclus qu’il n’était pas raisonnable de s’attendre à ce que les procédures habituelles ou les études techniques courantes établissent qu’une telle conception pourrait tout de même atteindre les tolérances de meulage requises, ce qui éliminerait les risques ou les incertitudes liés aux vibrations excessives ou au « broutement ».

[86]  Par conséquent, j’estime qu’il y avait une incertitude technologique associée à l’élaboration et à la mise en œuvre éventuelle de cette conception radicale.

[87]  Selon le deuxième des cinq critères consacrés par la jurisprudence   Northwest Hydraulic, il faut déterminer si A&D a formulé des hypothèses visant expressément à réduire ou à éliminer cette incertitude technologique.

[88]  Encore une fois, le témoignage de M. Predoiu m’a convaincu que sa contribution très compétente et expérimentée à son poste d’ingénieur en chef dans la conception et la fabrication de la meuleuse à double meule était très axée sur la réduction des risques. C’est-à-dire que M. Derbedrosian et lui ont formulé des théories ou des plans visant à réduire au minimum les risques prévus liés aux vibrations.

[89]  Selon le troisième des cinq critères consacrés par la jurisprudence   Northwest Hydraulic, il faut déterminer si la procédure retenue dans chacun des projets était conforme à la méthode scientifique dans son ensemble, y compris la formulation, la vérification et la modification d’hypothèses. Après avoir entendu leur témoignage, je suis tout à fait convaincu que M. Predoiu, en collaboration avec M. Derbedrosian, chacun étant compétent, bien informé et très expérimenté dans le domaine des machines-outils, a abordé ce projet d’une manière entièrement disciplinée et organisée. On pourrait dire que les dessins conceptuels et les dessins des pièces nécessaires illustrent leur approche méthodique et exhaustive visant à éliminer le risque de vibrations excessives dans le développement de cette nouvelle machine conceptuelle.

[90]  Selon le quatrième critère consacré par la jurisprudence Northwest Hydraulic, il faut déterminer si le processus a abouti à un progrès technologique. On parvient à un progrès technologique par l’acquisition de nouvelles connaissances qui font avancer la compréhension générale. En l’espèce, on a mis fin au projet avant qu’il n’aboutisse, en raison du coût de ce projet pour A&D. M. Derbedrosian a pris une décision d’affaires lorsqu’il a mis fin aux travaux. Tel est le droit d’un acteur du secteur privé en particulier. J’hésiterais à refuser la reconnaissance de la RS&DE parce que le projet n’a pas abouti à une conclusion naturelle.

[91]  Quoi qu’il en soit, à mon avis, il peut y avoir des progrès technologiques même si les travaux n’ont pas abouti à une conclusion naturelle. En l'espèce, assez de travaux et d’essais ont été effectués pour s’assurer que la machine n’avait pas produit un résultat suffisamment positif en ce qui concerne l’amortissement ou la réduction des vibrations. Il n’est pas nécessaire que l’exercice ait été couronné de succès pour qu’il y ait progrès technologique. De précieuses leçons peuvent certainement être tirées des échecs. Inévitablement, de telles leçons seront utiles si A&D, ou une autre entité, reprennent le flambeau pour continuer les efforts visant à développer ce concept radical pour induire une plus grande efficacité (en termes de manipulation limitée des pièces) tout en préservant la précision dans le fonctionnement de la meuleuse de conception nouvelle.

[92]  Selon le cinquième et dernier critère consacré par la jurisprudence Northwest Hydraulic, il faut déterminer si un compte rendu détaillé des hypothèses, des essais et des résultats a été fait au fur et à mesure de l’avancement des travaux. Voilà un facteur dont la présence est révélatrice en ce qui a trait à la méthode scientifique. Comme indiqué précédemment, dans la décision CSIS, d’importants dossiers d'époque ont été présentés en preuve (CSIS, au paragraphe 37), et des techniciens-programmeurs comptant une formation dans le domaine et ayant travaillé sur le projet en cause ont rendu bon nombre de témoignages de vive voix. La Cour a conclu que la somme de tout cela suffisait à établir que les travaux avaient été effectués conformément à la méthode scientifique.

[93]  À mon avis, la situation du développement de la meuleuse n’est pas très différente. Il y a des dossiers sous forme de dessins, complétés par des témoignages complets, en particulier de feu M. Prediou en tant qu’ingénieur en chef, concernant les mesures prises en cours de route pour élaborer ce nouveau modèle et le nouveau fonctionnement d’une meuleuse.

[94]  En somme, je conclus que les critères consacrés par la jurisprudence Northwest Hydraulic ont été suffisamment respectés. Je conclus que les travaux de conception et de construction de la meuleuse étaient admissibles aux fins de la RS&DE au cours de chacun des trois exercices financiers visés. Par conséquent, A&D a droit à tous les CII qu’elle a demandés pour le projet no 6.

[95]  Il sera fait droit à l’appel, sans dépens, en raison du succès partagé des deux parties. Les nouvelles cotisations faisant l’objet de l’appel doivent être renvoyées au ministre pour réexamen et nouvelle cotisation conformément aux présents motifs de jugement.

Signé à Saskatoon, Saskatchewan, ce 28e jour de février 2019.

« B. Russell »

Juge Russell

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de février 2020.

François Brunet, réviseur


RÉFÉRENCE :

2019CCI48

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-3465(IT)G

INTITULÉ :

A & D PRECISION LIMITED, ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 5, 6, 7, 8 et 9 juin 2017 et 12, 13, 14 et 15 juin 2017 et 3, 4 et 5 octobre 2017 et 11,12 et 13 décembre 2017 et 21 janvier 2018 et 30 avril 2018, 1er, 2, 3 et 4 mai 2018

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable juge B. Russell

DATE DU JUGEMENT :

Le 28 février 2019

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelante :

Me Adam Gotfried

Me Justin Kutyan

Avocats de l’intimée :

Me Ifeanyi Nwachukwu

Me Christopher Kitchen

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Name:

Me Adam Gotfried

Me Justin Kutyan

 

Cabinet :

KPMG Law

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous‑procureure générale du Canada

Ottawa (Canada)

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.