Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2017­3441(EI)

ENTRE :

JOSEPH S. ROOKE,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 10 janvier 2019 à Ottawa (Ontario)

Devant : L’honorable juge Diane Campbell


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui­même

Avocate de l’intimé :

Me Elise Rivest

 

JUGEMENT

  L’appel interjeté en vertu de la Loi sur l’assurance­emploi est rejeté, sans dépens, et la décision du ministre du Revenu national est confirmée conformément aux motifs de jugement ci­joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de mars 2019.

« Diane Campbell »

Juge Campbell


Dossier : 2017­3442(CPP)

ENTRE :

JOSEPH S. ROOKE,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 10 janvier 2019 à Ottawa (Ontario)

Devant : L’honorable juge Diane Campbell


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui­même

Avocate de l’intimé :

Me Elise Rivest

 

JUGEMENT

  L’appel interjeté en vertu de la Loi sur l’assurance­emploi est rejeté, sans dépens, et la décision du ministre du Revenu national est confirmée conformément aux motifs de jugement ci­joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de mars 2019.

« Diane Campbell »

Juge Campbell


Référence : 2019 CCI 52

Date : 20190305

Dossiers : 2017­3441(EI)

2017­3442(CPP)

ENTRE :

JOSEPH S. ROOKE,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

Intimé

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE].


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Campbell

Introduction

[1]  L’appelant a interjeté appel de la décision rendue par le ministre du Revenu national (le « ministre ») le 12 juin 2017 en vertu de la Loi sur l’assurance­emploi (la « LAE ») et du Régime de pensions du Canada (le « RPC ») pour la période du 1er août 2010 au 31 décembre 2011.

[2]  Un examen des comptes de fiducie des livres et archives de l’Université de Waterloo (le « payeur ») a été effectué et on a demandé une décision portant sur l’emploi afin de déterminer si les montants versés à l’appelant par le payeur étaient assurables et ouvraient droit à pension.

[3]  Le 16 février 2017, un agent des décisions en matière de RPC et d’A­E a rendu la décision suivante :

1.  l’appelant a occupé un emploi assurable et ouvrant droit à pension auprès du payeur pour la période du 1er septembre 2010 au 25 avril 2011 en ce qui a trait aux sommes reçues par l’appelant pour fournir des services à titre d’assistant à l’enseignement;

2.  l’appelant n’a pas occupé un emploi assurable et ouvrant droit à pension pour la période du 1er août 2010 au 31 décembre 2011 en ce qui a trait aux sommes reçues par l’appelant dans le cadre d’une bourse d’études versée à l’appelant par le payeur.

[4]  L’appelant a interjeté appel de la décision auprès du ministre. Le 12 juin 2017, le ministre a confirmé la décision et a informé l’appelant que, puisqu’il était un employé, l’emploi était assurable et ouvrait droit à pension.

[5]  C’est cette décision que l’appelant porte en appel et la question à trancher est donc de savoir si l’appelant a occupé un emploi assurable et ouvrant droit à pension.

La preuve

[6]  J’ai entendu deux témoins, l’appelant et le témoin de l’intimé, M. Kieran Bonner.

[7]  Le 27 juillet 2010, le payeur a offert à l’appelant d’être admis au programme de maîtrise ès arts en sociologie. Par l’intermédiaire de cette offre d’admission, on a proposé à l’appelant un financement de 12 000 $ pour la première année du programme [traduction] « [constitué d’une combinaison de deux assistanats d’enseignement et postes d’assistant à la recherche ainsi que d’une bourse d’entrée de chercheur­boursier des cycles supérieurs à l’Université de Waterloo » (partie de la pièce A­1). Dans une lettre de suivi datée du 10 septembre 2010 (qui fait partie de la pièce A­1), intitulée « Offre d’admission », le payeur a réitéré cette information et a ajouté que les tâches de l’assistant à l’enseignement s’effectuaient en moyenne à raison de 10 heures par semaine ou de 140 heures pour la session. L’appelant était admissible à un assistanat à l’automne 2010 et un autre à l’hiver 2011, sous réserve d’un rendement satisfaisant. La bourse d’études supérieures devait être payée en trois versements, à raison d’un versement par session, à compter de septembre 2010. Pour être admissible au maintien de cette bourse, il fallait conserver une moyenne d’au moins 80 % au programme.

[8]  Selon l’hypothèse de l’appelant, le montant de 12 000 $ dans son ensemble constituait une bourse; en outre, l’acceptation de cette offre d’admission ne constituait pas, de son point de vue, une offre d’emploi du payeur, ni ne s’est­il considéré comme un employé du payeur. Il souligne que rien dans les lettres du 27 juillet 2010 ou du 10 septembre 2010 ne fait référence à un « emploi » ou à un « salaire ». Il a plutôt déclaré qu’il considérait le travail d’assistant à l’enseignement comme du bénévolat pour le compte du payeur lui facilitant l’apprentissage dans le cadre du programme ainsi qu’un moyen de venir en aide à l’établissement d’enseignement universitaire en guise d’appréciation du financement. Il a fait valoir que le financement et la rémunération sont deux concepts très différents.

[9]  L’appelant a déclaré ne pas avoir reçu 1 333 $ en septembre, soit le premier des trois versements du montant de 4 000 $ de la bourse, et que le payeur n’a versé le montant de 1 333 $ qu’après que l’appelant eut déposé en juin 2011 une action en dommages­intérêts pour cette portion du montant de 4 000 $. Le payeur n’a pas présenté de défense et a payé le montant de la réclamation.

[10]  À l’automne 2010, l’appelant s’est également plaint du fait que le payeur ait unilatéralement modifié les dispositions de l’offre d’admission lorsqu’il a décidé de procéder au deuxième versement de sa bourse en quatre portions, à raison d’une fois par mois, bien que ses études l’aient accaparé et qu’il ait reconnu que les paiements mensuels étaient conformes aux méthodes comptables internes.

[11]  En mars 2011, il a reçu un T4 du payeur faisant état des retenues pour le RPC et l’A­E. Il n’a pas déclaré les gains apparaissant sur le T4 lorsqu’il a produit sa déclaration. Selon son témoignage, il a demandé au payeur de modifier le T4 afin qu’il tienne compte de l’interprétation qu’il faisait du financement accordé, mais le payeur ne s’y est pas conformé. Il a déclaré que les montants n’étaient pas imposables selon sa propre compréhension de la nature des fonds qu’il a reçus.

[12]  Lors de son contre­interrogatoire, bien qu’il ait déclaré qu’il effectuait du travail à titre bénévole pour le payeur en guise de reconnaissance pour la somme de 12 000 $ qui, selon lui, représentait dans son ensemble une bourse d’études, il a concédé que l’offre d’admission du payeur comportait une disposition l’obligeant à consacrer 140 heures par session à titre d’assistant. Il a déclaré que c’est surtout M. McClinchey qui lui a donné des directives relativement à ses tâches. Ses fonctions d’assistant à l’enseignement comprenaient notamment la notation des examens et des rédactions, des rencontres avec les étudiants de première année et de l’assistance à ceux­ci ainsi que des discussions avec l’enseignant. On lui a donné des directives en matière de formation des étudiants et de correction et il a inscrit les notes des étudiants sur un portail Web désigné où se trouvaient les exercices à faire par les étudiants. Il n’a pas reçu de rétroaction de M. McClinchey; toutefois, le chef des assistants à l’enseignement lui a fait remarquer qu’il accordait des notes trop indulgentes.

[13]  Le témoin de l’intimé, M. Bonner, travaille actuellement à l’Université St. Jerome’s, qui fait partie de l’Université de Waterloo. Pendant la période visée par l’appel, il a été professeur et titulaire de la chaire d’études supérieures en sociologie du payeur. En 2010, il supervisait tout le processus d’admission aux cycles supérieurs ainsi que le programme des cycles supérieurs. Il a travaillé avec un comité de diplômés à la mise en œuvre de modifications au programme, aux conditions d’admission et au financement. Bien qu’il ait eu peu de contacts avec l’appelant, il a déclaré qu’il l’avait connu au départ dans le cadre de l’examen, par le comité, de la demande d’admission de l’appelant et qu’il avait eu une discussion d’ordre général avec l’appelant à l’été 2010 au sujet du programme. L’appelant a également suivi au moins un des cours que donnait M. Bonner.

[14]  M. Bonner a déclaré que le programme de maîtrise était constitué de trois volets : une période de deux ans comportant la préparation d’une thèse et quatre cours, une période de seize mois comportant la production d’un document de recherche et six cours et une période d’un an comportant huit cours seulement. L’appelant était inscrit au volet comportant des cours seulement.

[15]  M. Bonner a indiqué que le programme de financement des étudiants de cycle supérieur était constitué d’une bourse d’admission, qui représentait le tiers du financement total et qui était conditionnelle au maintien d’une moyenne scolaire particulière, et que le reste du financement visait l’assistanat d’enseignement, conditionnel à un rendement satisfaisant, à raison de 140 heures de travail obligatoire par session. Le montant relatif à l’assistanat était de 8 000 $. Le financement dans son ensemble était réparti sur trois sessions. M. Bonner a également confirmé que le fait de recevoir un financement pour l’assistanat d’enseignement s’accompagnait de certaines responsabilités, comme la notation des travaux et la disponibilité pour les étudiants. Une partie de l’orientation des étudiants des cycles supérieurs consistait en une formation en assistanat et, en outre, de mentorat par un enseignant tout au long du semestre.

[16]  M. Bonner a déclaré que le niveau de supervision, ainsi que les tâches attribuées aux assistants à l’enseignement, pouvaient varier selon les besoins de l’enseignant auquel l’assistant était affecté. Les assistants à l’enseignement étaient affectés aux enseignants dont la charge de travail dépassait leur capacité en raison du nombre excessivement élevé d’étudiants (parfois des centaines) inscrits à leurs cours. L’embauche d’assistants à l’enseignement représentait une façon d’équilibrer la charge de travail avec les enseignants qui avaient moins d’étudiants dans leurs cours ains qu’une façon pratique de donner des cours.

[17]  Bien que cela ne se soit jamais produit, M. Bonner a déclaré que si un étudiant décidait de ne pas agir à titre d’assistant à l’enseignement, il devrait vraisemblablement renoncer à la partie du financement y afférente, tout en se prévalant quand même de la bourse pour l’obtention du diplôme. Il a ajouté que si un assistant affecté et un enseignant avaient de la difficulté à travailler ensemble, l’assistant serait réaffecté par le département de sociologie. Les paiements versés aux assistants à l’enseignement étaient gérés et traités par la division de la paie départementale du doyen de la faculté des arts. Le département de sociologie, en tant que tel, n’a pas participé à la supervision de la logistique de la paie

L’hypothèse de l’appelant

[18]  Le contre­interrogatoire de M. Bonner par l’appelant s’est déroulé principalement au motif qu’il n’était pas un témoin crédible en raison de ses croyances religieuses. L’hypothèse de l’appelant reposait sur un argument fondé sur le serment que M. Bonner a prêté au début de son témoignage et sur le fait qu’il était un catholique pratiquant. L’appelant a fait valoir que la Cour ne devrait pas tenir compte du témoignage de M. Bonner puisqu’il n’était pas un témoin crédible. Selon l’appelant, il a fait preuve d’ambigüité et de tromperie visuelle en répondant aux questions concernant ses croyances religieuses.

[19]  L’hypothèse de l’appelant au sujet de la principale question en litige dans les présents appels se résume le mieux dans ses observations finales : [traduction] « J’ai fondé toute mon argumentation sur la façon dont j’ai interprété l’offre d’admission. » L’appelant a fait valoir que le montant total du financement de 12 000 $ mentionné dans l’offre d’admission représentait un montant non imposable, du fait qu’il s’agissait d’une bourse. Il croyait que les tâches accomplies pour M. McClinchey, auquel il avait été affecté, l’ont été sur une base volontaire et bénévole ou, comme il le soutenait, constituaient une « contrepartie » au versement de la somme de 12 000 $. Selon l’interprétation qu’a faite l’appelant de l’offre du payeur, l’appelant serait tenu d’apporter une contribution à titre d’assistant à l’enseignement en contrepartie de la bourse de 12 000 $ du payeur. Il soutient en outre que le payeur ne l’a jamais informé qu’il était [traduction] « embauché comme employé » et que les termes habituels « salaire » ou « emploi » ne figuraient pas dans l’offre d’admission. De plus, il ne s’est jamais considéré comme un employé du payeur. Bien qu’il ait reconnu que le payeur l’ait rémunéré comme un employé, il a déclaré qu’il [traduction] « n’aurait pas dû faire cela » puisqu’il s’agissait d’une violation de l’offre d’admission. S’il a effectivement travaillé pour le payeur, il « s’est autofinancé », à savoir que le payeur ne le finançait pas. Pour appuyer son point de vue par rapport à l’offre d’admission, il a soutenu que les employés ne sont pas payés par versements, comme cela s’est produit en l’espèce.

L’hypothèse de l’intimé

[20]  L’intimé soutient qu’un contrat de service a été conclu entre l’appelante et le payeur pendant la période visée, car la prestation de services à titre d’assistant à l’enseignement des cycles supérieurs constituait une condition du contrat. La relation d’emploi, bien qu’elle ne soit pas explicitement énoncée dans l’offre d’admission, était implicite et les interactions subséquentes entre les parties étaient révélatrices d’une relation employé­employeur.

[21]  L’intimé fait valoir que la seule question à trancher est de savoir si l’appelant occupait un emploi assurable et ouvrant droit à pension en vertu de l’alinéa 5(1)a) de la LAE et du paragraphe 6(1) du RPC.

[22]  L’intimé ajoute que le critère habituel à quatre volets, généralement utilisé pour déterminer si un contribuable est un employé ou un entrepreneur indépendant, ne s’applique pas aux présents appels. L’intimé fait plutôt valoir que le critère approprié est celui énoncé par la juge Woods (ce qu’elle était à l’époque) dans la décision Caropreso c. La Reine, 2012 CCI 212, 2012 DTC 1190, qui a été subséquemment appliqué dans de nombreuses décisions au niveau de faits dont notre Cour a été saisie (voir la décision Rizak c. M.R.N., 2013 CCI 273 et la décision Russell c. M.R.N, 2016 CCI 143). Il a fait également valoir que les faits dans les présents appels sont semblables à ceux que l’on retrouve dans la décision Rizak et que bien que l’appelant ait déclaré que le fait qu’il n’ait jamais eu l’intention d’être un employé était diamétralement opposé au témoignage de M. Bonner en ce qui a trait à la relation d’emploi de l’appelant, les faits ayant en réalité trait aux dispositions du contrat reflètent une relation d’emploi (voir l’arrêt 1392644 Ontario Inc. (Connor Homes) c. Canada (Revenu National), 2013 CAF 85, [2013] ACF n° 327).

L’analyse

[23]  Avant que je ne traite ce que j’estime être la principale question en litige dont je suis saisie, à savoir si l’appelant exerçait un emploi assurable et ouvrant droit à pension, il est essentiel que j’aborde l’un des arguments de l’appelant, à savoir le recours aux croyances religieuses pour mettre en doute la crédibilité d’un témoin. L’appelant a essentiellement fait valoir qu’étant donné que M. Bonner a déclaré être catholique et croire en Dieu, il était plus plausible que le contraire qu’il pourrait refuser de dire la vérité bien qu’il ait prêté serment sur la Bible, étant donné qu’il pourrait ensuite en demander pardon et que celui­ci pourrait lui être accordé. Par conséquent, le serment de M. Bonner a altéré sa crédibilité.

[24]  L’avocat de l’intimé n’a fait aucun commentaire sur cette question, bien qu’il ait été invité à le faire.

[25]  Le contre­interrogatoire de M. Bonner frôlait l’invasion de sa croyance à un être supérieur par opposition à l’athéisme. À un certain moment, M. Bonner lui­même a exprimé son malaise par rapport à la nature des questions posées. L’avocat de l’intimé ne s’est pas objecté quant au caractère non pertinent ou vexatoire de ces questions.

[26]  Dans l’arrêt The Queen v Santhosh, 2016 ONCA 731, 2016 CarswellOnt 15158, l’appelant a fait valoir que le juge d’instance s’est indûment appuyé sur les croyances religieuses du plaignant en tant que facteur pertinent d’évaluation de la crédibilité de celui­ci. La Cour d’appel de l’Ontario, au paragraphe 40, a souscrit à cet argument et a conclu que [traduction« […] la preuve fondée sur les croyances religieuses d’un témoin n’est pas admissible dans le but d’accroître ou de miner sa crédibilité, ni ne peut être invoquée à ces fins. » […]

[27]  La Cour d’appel de l’Ontario a poursuivi, aux paragraphes 49 à 50 de l’arrêt Santhosh, en formulant les commentaires suivants sur le recours aux croyances religieuses, ou à l’absence de celles­ci, dans le but de miner la crédibilité d’un témoin :

[traduction]

[49] Troisièmement, les questions de politique publique militent contre l’utilisation de la preuve fondée sur la croyance religieuse d’un témoin à des fins de crédibilité. À l’art. 14 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C­5, le législateur a précisé clairement qu’un serment et une affirmation sont équivalents. Cette politique législative reflète les valeurs de la Charte que sont la liberté de conscience, la liberté de religion et l’égalité. Cette politique serait minée si l’on permettait ou incitait à la tenue d’enquêtes sur les croyances religieuses des témoins devant nos tribunaux dans le but d’évaluer leur crédibilité. Bien qu’il existe des circonstances très limitées où il est permis d’examiner la mesure dans laquelle un serment ou une affirmation solennelle lie la conscience d’un témoin, ces circonstances sont limitées aux cas où il y a des raisons de croire que le serment ou l’affirmation du témoin n’est pas authentique. Une telle enquête est avant tout une question de capacité à témoigner plutôt que de crédibilité. Voir notamment l’arrêt R. v. J. (T.R.), 2013 BCCA 449, 6 C.R. (7th) 207 (B.C.C.A.) au par. 4; l’arrêt R. v. K. (A.H.), 2011 ONSC 5510, 97 W.C.B. (2d) 413 (Ont. S.C.J.) aux par. 27 et 28; et l’arrêt R. v. Bell, 2011 ONSC 1218, [2011] O.J. No. 803 (Ont. S.C.J.) au par. 57.

[50] Il serait inapproprié de permettre la tenue d’une enquête plus invasive. Si les croyances religieuses (ou l’absence de celles­ci) devaient être considérées comme pertinentes pour renforcer la crédibilité d’un témoin, alors elles seraient sûrement aussi pertinentes pour y porter atteinte. Selon cette approche, les témoignages pourraient facilement être transférés à une enquête itinérante sur des faits incidents liés aux croyances religieuses des témoins. Une telle évolution ne contribuerait pas au fonctionnement efficace et équitable de nos tribunaux.

[28]  Dans l’arrêt Santhosh, la Cour a également reconnu l’interdiction explicite contenue dans la règle 610 des United States Federal Rules of Evidence d’utiliser la preuve fondée sur les croyances ou opinions religieuses à des fins de crédibilité.

[29]  Je ne considère pas que la preuve fondée sur les croyances religieuses d’un témoin soit un indicateur pertinent ou fiable de la probabilité que ce témoin soit crédible ou susceptible de dire la vérité au tribunal. Je souscris à la conclusion tirée dans l’arrêt Santhosh selon laquelle il y aurait erreur de droit susceptible de révision si notre Cour tenait compte de la preuve fondée sur les croyances religieuses d’un témoin pour évaluer sa crédibilité.

[30]  Pour évaluer la crédibilité d’un témoin, le passage suivant de la décision R v. Pressley, 1948 CarswellBC 123, adopté dans le raisonnement de la décision Fiorillo v. Krispy Kreme doughnuts Inc. 2009 CarswellOnt 3344, résume le mieux l’approche appropriée :

[traduction]

6 […]

Le juge ne connaît pas par inspiration divine le contenu du cœur et de l’esprit des témoins qui comparaissent devant lui. La justice n’est pas acquise d’office au meilleur témoin à se présenter à la barre. Le critère judiciaire d’exactitude le plus convaincant est l’harmonie ou l’absence d’harmonie avec la prépondérance des probabilités révélée par les faits et les circonstances des conditions de l’affaire particulière.

[31]  La question en litige dans les présents appels n’est pas de savoir si l’appelant était un employé ou un entrepreneur indépendant, ce dont la Cour tient généralement compte lorsqu’elle décide si l’emploi est assurable et ouvre droit à pension ou non. Je dois plutôt déterminer si l’appelant était un employé plutôt qu’un étudiant recevant une aide financière.

[32]  Au début de l’audience, l’intimé a informé la Cour qu’une portion de 4 000 $ du montant total de 12 000 $ en cause représentait un montant de bourse non imposable qui lui a été versé en sa qualité d’étudiant. C’est le solde de 8 000 $ qui est en cause dans les présents appels.

[33]  Dans la décision Rizak, le juge Graham a examiné la jurisprudence de notre Cour en ce qui concerne le financement des études et la question de savoir si un étudiant peut être un employé offrant des services moyennant rémunération ou simplement un bénéficiaire d’aide financière. Il a souligné qu’avant la décision Caropreso, la jurisprudence était partagée sur la question.

[34]  La juge Woods, au paragraphe 20 de la décision Caropreso, a énoncé le critère à appliquer comme suit :

[20] La difficulté fondamentale a trait au fait que les sommes versées aux boursiers de recherches postdoctorales ont souvent une double vocation. Elles permettent aux stagiaires de recherche de poursuivre leurs études tout en les rémunérant pour leurs travaux. Si elles sont reçues dans le contexte d’un emploi, cet aspect a préséance. Cependant, pour trancher la question, il faut s’interroger sur la caractéristique dominante des sommes versées, si elles relèvent de la rémunération d’un travail ou d’une aide aux études.

Il s’agissait d’un écart évident par rapport au critère à quatre volets généralement utilisés dans les dossiers de l’A­E et du RPC.

[35]  Ce critère a été subséquemment adopté par la jurisprudence en tant que critère convenable, même si le contribuable n’était peut­être pas un étudiant postdoctoral, comme ce fut le cas dans la décision Caropreso. Comme l’a fait remarquer le juge Graham dans la décision Rizak, au paragraphe 33 :

Je tiens à souligner que tant le ministre, à l’étape des appels, que M. Rizak, à l’étape de l’instruction, ont mis l’accent sur le critère à quatre volets qui est normalement utilisé pour établir une distinction entre les employés et les entrepreneurs indépendants : le contrôle, les instruments de travail, les chances de profit et le risque de perte. Ce critère a aussi été appliqué dans certaines des affaires susmentionnées. Ce critère ne m’est d’aucune utilité. Comme l’a écrit la juge Lamarre Proulx, au paragraphe 26 de la décision Bekhor :

La question en litige n’est pas celle de savoir si l’entente intervenue entre les parties constitue un contrat de travail ou un contrat d’entreprise (la situation d’un employé par opposition à celle d’un entrepreneur indépendant). La Cour doit plutôt se demander s’il s’agit d’un contrat de travail ou d’une entente d’aide financière au titre des études continues (la situation d’un employé par opposition à celle d’un étudiant ou d’un étudiant de troisième cycle).

[36]  Dans la décision Rizak, notre Cour a conclu que l’étudiant, un doctorant travaillant en tant qu’assistant à la recherche, exerçait un emploi assurable, tandis que dans la décision Russell, notre Cour a conclu qu’un étudiant préparant sa thèse et touchant une bourse financée en partie par l’établissement universitaire et en partie par un tiers n’exerçait pas un emploi assurable.

[37]  Les faits en l’espèce sont semblables à ceux de la décision Rizak. Dans les deux cas, les appelants ont dû accomplir des tâches précises pour un enseignant, pour lesquelles ils ont été rémunérés. Ils n’effectuaient pas le travail par eux­mêmes pour leur propre bénéfice. M. Rooke a suivi des paramètres précis lorsqu’il a accordé des notes aux étudiants et a admis avoir reçu des commentaires sur son travail, en particulier lorsqu’on lui a dit qu’il accordait des notes trop indulgentes. Les faits en l’espèce se distinguent de ceux de la décision Russell, où il l’on retrouvait un double élément au travail entrepris par l’étudiant. L’aide financière dont il est question dans la décision Russell a permis à l’étudiant de faire avancer sa thèse, mais a également coïncidé avec la recherche de l’enseignant pour lequel il travaillait. Étant donné que l’aide financière dont il est question dans la décision Russell était spécifiquement consacrée à la thèse de l’étudiant, reléguant à l’arrière­plan les avantages que pouvaient en retirer l’établissement universitaire ou l’enseignant, notre Cour a conclu que du fait que la bourse visait principalement à venir en aide à l’étudiant dans le cadre de sa thèse, celui­ci n’exerçait pas un emploi assurable. En outre, contrairement aux faits dont il est question dans la décision Russell, où la gestion des paiements relevait du service des comptes clients et non du service de la paie, les montants versés à M. Rooke l’ont été par l’intermédiaire du service de la paie du payeur, indiquant ainsi que le payeur considérait M. Rooke en tant qu’employé et non en tant qu’étudiant bénéficiant d’une aide financière.

[38]  M. Bonner a reconnu le double aspect possible du financement que l’appelant a reçu pour son travail d’assistant à l’enseignement. Bien que l’assistanat représente une expérience d’apprentissage pour l’étudiant, l’objectif principal du montant de 8 000 $ visait la rémunération pour la prestation de services et non l’aide financière aux étudiants. L’appelant a été engagé comme assistant à l’enseignement de l’un des enseignants qui a donné des cours de premier cycle à des groupes très importants constitués de centaines d’étudiants. M. Bonner a confirmé que le travail effectué par l’appelant, à l’instar d’autres assistants à l’enseignement, était essentiel pour permettre au payeur d’équilibrer la charge de travail des enseignants.

[39]  Bien que la portion bourse du programme de financement fût conditionnelle au maintien d’une moyenne de 80 % par l’étudiant, les conditions et les objectifs liés à l’autre portion du montant du financement étaient très différents. Par conséquent, le montant du financement versé pour le travail effectué à titre d’assistant à l’enseignement ne peut être considéré comme une somme reçue principalement pour la poursuite autonome des études de l’appelant.

[40]  Dans le cadre des présents appels, le montant de 8 000 $ était intimement lié au travail de l’appelant à titre d’assistant à l’enseignement. Il existe un lien évident entre le paiement de ce montant et le travail effectué par l’appelant. En fait, M. Bonner, lors de son témoignage direct, a confirmé que si un étudiant n’exerçait pas les fonctions d’assistant à l’enseignement, il serait privé de financement. Les faits appuient ma conclusion, à savoir que le financement de 8 000 $ versé à l’appelant était principalement destiné à le rémunérer en tant qu’assistant à l’enseignement du cours de sociologie de première année de M. McClinchey, auquel étaient inscrits de nombreux étudiants, et non à favoriser l’éducation de l’appelant, bien qu’il ait pu retirer des avantages indirects du travail d’assistant.

[41]  Enfin, l’appelant a fait valoir que selon son intention subjective, il n’était pas un employé du payeur et était d’avis que, puisqu’on ne faisait pas expressément mention de « salaire », notamment, dans l’offre d’admission, il n’avait pas conclu un contrat de travail. Dans l’arrêt 1392644 Ontario Inc., la Cour d’appel fédérale en est venue à la conclusion que bien que l’intention soit un facteur pertinent, les opinions subjectives des parties à un contrat doivent être appuyées indépendamment par des faits objectifs et indépendants et des circonstances entourant leur relation. Bien que l’appelant ait déclaré avoir eu l’impression qu’il effectuait le travail en contrepartie du financement, les éléments de preuve présentés devant moi n’ont pas corroboré cette impression.

[42]  Pour ces motifs, les appels sont rejetés du fait que l’appelant occupait un emploi assurable et ouvrant droit à pension.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5jour de mars 2019.

« Diane Campbell »

Juge Campbell


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 52

S DE DOSSIERS DE LA COUR :

2017­3441(EI); 2017­3442(CPP)

INTITULÉ :

JOSEPH S. ROOKE et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 10 janvier 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Diane Campbell

DATE DU JUGEMENT :

Le 5 mars 2019

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui­même

Avocate de l’intimé :

Me Elise Rivest

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

[EN BLANC]

 

Cabinet :

[EN BLANC]

 

Pour l’intimé :

Nathalie G. Drouin

Sous­procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.