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Référence : 2019 CCI 66

Date : 20190327

Dossier : 2017-745(IT)G


ENTRE :

ANGELA ANSEMS,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

Dossier : 2017-760(IT)G


ET ENTRE :

RANDY ANSEMS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

Dossier : 2017-764(IT)G


ET ENTRE :

ANSEMS FAMILY TRUST (2008),

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l’audience à

Halifax, en Nouvelle-Écosse, le 24 janvier 2019)

Le juge Graham

[1]  Les présents appels portent sur les cotisations en cascade établies aux termes de l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi).

[2]  Randy et Angela Ansems sont les bénéficiaires de la fiducie appelée « Ansems Family Trust (2008) », unique actionnaire d’ITO Holdings Inc., que je désignerai aux présentes par « Holdings ». Pendant la période en cause, Holdings était l’unique actionnaire d’une société de la Nouvelle-Écosse appelée « ITO International Training Organization Inc. », que j’appellerai aux présentes « Velsoft », et d’une société des Bahamas appelée « Velsoft International Inc. », que j’appellerai aux présentes « Barbados Co. ».

[3]  Le ministre du Revenu national a établi une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition de Velsoft se terminant le 21 janvier 2010. J’appellerai cette nouvelle cotisation la « cotisation sous-jacente ». Velsoft n’a pas payé la somme indiquée dans cette cotisation sous-jacente. Le ministre a établi une cotisation pour Holdings pour cette somme en souffrance conformément à l’article 160, ainsi que des cotisations en cascade correspondantes en vertu de l’article 160 à l’encontre de la fiducie, de M. Ansems et de Mme Ansems. Les appelants interjettent appel de ces cotisations.

[4]  Les quatre conditions devant être réunies aux termes du paragraphe 160(1) ont été consacrées par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Livingston c. La Reine. En termes simples, ces conditions sont les suivantes :

1)  il doit y avoir transfert d’un bien;

2)  il faut que l’auteur et le bénéficiaire du transfert aient un lien de dépendance;

3)  le bien doit avoir été transféré pour une contrepartie inférieure à sa juste valeur marchande;

4)  l’auteur du transfert doit être tenu de payer des impôts aux termes de la Loi au cours de l’année d’imposition dans laquelle les biens ont été transférés ou d’une année d’imposition antérieure ou pour une de ces années. Si ces conditions sont réunies, le bénéficiaire est tenu de payer la somme équivalant à la somme la moins élevée due au ministre par l’auteur du transfert au regard de la différence entre la contrepartie payée et la valeur du bien transféré. Au moment où les avis de cotisation des appelants ont été établis, Velsoft devait 216 629 $ en impôts, intérêts et pénalités. Des avis de cotisation à cette somme ont donc été établis pour chacun des deux appelants.

[5]  Les appelants reconnaissent que les trois premières conditions sont réunies en l’espèce. La somme de 382 100 $ en dividendes versée par Velsoft à Holdings en 2009 constituait un transfert de bien sans contrepartie d’une filiale à cent pour cent à une société mère. Les sommes totalisant 479 905 $ en dividendes versées par Holdings à la fiducie entre 2009 et 2011 constituaient des transferts de biens sans contrepartie d’une filiale à cent pour cent à son actionnaire. Enfin, les sommes totalisant 239 953 $ que la fiducie a versées à M. Ansems ainsi qu’à Mme Ansems entre 2009 et 2011 constituaient des transferts de biens sans contrepartie à des bénéficiaires qui avaient un lien de dépendance avec la fiducie.

[6]  C’est la quatrième condition qui pose problème en l’espèce. Les appelants soutiennent que la cotisation sous-jacente a été établie par erreur et que Velsoft ne devait donc aucune somme au titre de l’impôt lorsqu’elle a versé des dividendes à Holdings. Ils soutiennent donc que la responsabilité de Holdings n’était pas engagée aux termes de l’article 160. Pour que la responsabilité de la fiducie soit engagée aux termes de l’article 160, il faut que celle de Holdings le soit aux termes de cette même disposition. Les appelants soutiennent donc que la fiducie n’était pas responsable. Pour que la responsabilité de M. et Mme Ansems soit engagée aux termes de l’article 160, il faut que celle de la fiducie le soit aux termes de cette même disposition. Les appelants affirment donc qu’ils n’étaient pas responsables. En résumé, les appelants soutiennent que toutes les cotisations en cascade établies aux termes de l’article 160 doivent être modifiées, à moins que l’on conclue que la cotisation sous-jacente a été correctement établie. Je retiens cette thèse. La principale question en litige en l’expèce consiste donc à rechercher si la cotisation sous-jacente est correcte ou non.

[7]  La cotisation sous-jacente comporte trois rajustements. Le premier rajustement est le rejet de la somme de 44 248 $ en honoraires professionnels déduite par Velsoft. Le deuxième rajustement est l’ajout de la somme de 357 105 $ aux revenus de Velsoft. Cette somme représente le revenu net déclaré par Barbados Co. Je désignerai donc cette somme aux présentes par les mots « revenus de provenance étrangère ». Le ministre a effectué ce rajustement en tenant pour acquis que les activités commerciales censées avoir été exercées par Barbados Co. avaient été en réalité exercées par Velsoft. Le troisième rajustement est l’application de pénalités pour faute lourde aux revenus de provenance étrangère.

[8]  La preuve relative à la cotisation sous-jacente comportant des lacunes, il est d’autant plus important de déterminer à qui il incombe de démontrer le bien-fondé de la cotisation sous-jacente. Comme l’a observé le le juge Paris dans la décision Mignardi c. La Reine :

À moins que le ministre ait une connaissance exclusive ou particulière des faits relatifs à la dette fiscale sous‑jacente, il incombe au contribuable qui conteste la cotisation établie pour une telle dette de démontrer qu’elle a été établie par erreur.

[9]  M. Ansems était directeur de Velsoft, Barbados Co. et Holdings. Il était également l’administrateur de la fiducie. Au cours de son contre-interrogatoire, il a témoigné qu’il comprenait très bien les faits à l’origine de l’avis de cotisation pour Velsoft, qu’il avait pleinement collaboré à la vérification de Velsoft et qu’il connaissait personnellement et directement tous les renseignements pertinents. Je conclus donc qu’il incombe à M. Ansems de démontrer que la cotisation sous-jacente – et, par le fait même, sa propre cotisation – a été établie par erreur.

[10]  M. Ansems était l’unique administrateur de la fiducie. Je conclus donc que la fiducie a les mêmes connaissances que lui et que le fardeau de démontrer que la cotisation sous-jacente a été établie par erreur incombe à la fiducie.

[11]  Mme Ansems n’a pas témoigné, mais était présente chaque jour de l’audience. Bien que nul élément de preuve ne tend à établir qu’elle avait des connaissances personnelles au sujet des faits ayant donné lieu à la cotisation sous-jacente, je ne vois aucune raison de conclure qu’elle n’aurait pas pu avoir facilement accès à ces renseignements par l’entremise de M. Ansems. Par conséquent, je conclus qu’il incombe également à Mme Ansems de démontrer que la cotisation sous-jacente a été établie par erreur.

[12]  Même si j’ai conclu qu’il incombe généralement aux appelants de démontrer que la cotisation sous-jacente a été établie par erreur, il me faut toutefois rechercher s’il existe d’autres facteurs qui auraient pour effet le renversement de ce fardeau de sorte qu’il incomberait à l’intimée de démontrer le bien-fondé d’une partie ou de la totalité des sommes indiquées dans la cotisation.

[13]  L’intimée admet que le rejet des honoraires professionnels a eu lieu à l’extérieur de la période normale de nouvelle cotisation pour Velsoft et qu’il lui incombe donc de prouver que Velsoft, lorsqu’elle a déduit les honoraires professionnels, a fait une fausse déclaration attribuable à l’insouciance, à la négligence ou à une omission volontaire. L’intimée, pour ce faire, ne peut s’appuyer sur des hypothèses de fait.

[14]  Bien que l’ajout des revenus de provenance étrangère ait eu lieu après la période normale de nouvelle cotisation, le ministre, selon le sous-alinéa 152(4)b)(iii), dispose de trois années supplémentaires pour établir une nouvelle cotisation si elle est établie « par suite de la conclusion d’une opération impliquant le contribuable et une personne non-résidente avec laquelle il avait un lien de dépendance ». Il n’est pas controversé par les appelants que les revenus de provenance étrangère sont visés par cette disposition et, par le fait même, qu’il leur incombe de démontrer que la cotisation relative à ces revenus de provenance étrangère a été établie par erreur. L’intimée peut donc s’appuyer sur les hypothèses de fait du ministre relativement à cette question.

[15]  Comme il a été signalé précédemment, les revenus de provenance étrangère sont visés par l’application de pénalités pour faute lourde dans la cotisation sous-jacente. Or, il incombe systématiquement à l’intimée de démontrer le bien-fondé de la décision d’appliquer des pénalités pour faute lourde, et le fait que les pénalités sont indiquées dans une cotisation sous-jacente ne change rien à cette obligation.

[16]  En résumé, il incombe à l’intimée que Velsoft a fait une fausse déclaration attribuable à l’insouciance, à la négligence ou à une omission volontaire lorsqu’elle a déduit les honoraires professionnels. Les appelants doivent quant à eux démontrer que les revenus de provenance étrangère n’auraient pas dû être pris en compte dans l’établissement d’un avis de cotisation, tandis que l’intimée doit démontrer que Velsoft a commis une faute lourde lorsqu’elle a omis de déclarer les revenus de provenance étrangère.

[17]  Ayant établi le fardeau qui incombe à chacune des parties concernant chaque question en litige, je discuterai ces questions successivement.

[18]  Commençons par la question des honoraires professionnels. Selon le témoignage de M. Ansems, la somme de 44 248 $ en honoraires professionnels qui a été rejetée était en fait une facture unique émise par le cabinet comptable WBLI à Velsoft en décembre 2009.

[19]  Pour résumer brièvement les faits, Holdings détenait en 2007 50 % des actions de Velsoft et Barbados Co., l’autre moitié appartenant à une société de portefeuille détenue par un dénommé Jim Fitt. N’ayant en main aucun élément de preuve qui viendrait confirmer le nom de cette société de portefeuille, je la désignerai aux présentes par « Fitt Co. ».

[20]  Je crois comprendre que, Holdings a acheté des actions détenues par Fitt Co. en 2008 en ayant recours à une clause ultimatum contenue dans une convention des actionnaires et a opté, comme méthode de paiement, pour des remboursements mensuels échelonnés sur une période de cinq ans à Fitt Co. M. Ansems parlait comme s’il était la personne qui était responsable des paiements au lieu de Holdings et comme si les paiements étaient versés à M. Fitt au lieu de Fitt Co. Quoi qu’il en soit, je pars du principe que le prix d’achat était, dans les faits, payable par Holdings à Fitt Co. si l’on considère que Holdings détenait en définitive la totalité des actions de Velsoft, que les appelants n’ont déposé en preuve nul document relatif à la vente et que M. Ansems, à l’instar de bien des personnes, a tendance à faire fi des sociétés de portefeuille dans ses descriptions des transactions. Au bout du compte, cette distinction n’est pas déterminante en l’espèce.

[21]  De toute manière, M. Ansems a témoigné qu’il peinait à effectuer les versements mensuels dans la foulée de la récession de 2008. Lorsque Holdings a commencé à ne faire qu’un versement sur deux, M. Fitt a fait appel à ses avocats. Le différend s’est soldé par le transfert de la totalité des actions de Velsoft et de Barbados Co. à Fitt Co.

[22]  Le rôle joué par WBLI dans ces transactions n’a pas été clairement expliqué par M. Ansems. Je crois comprendre que son rôle avait trait de près ou de loin au différend relatif aux versements que devait effectuer Holdings à Fitt Co. pour les actions dans Velsoft et Barbados Co., mais il subsiste une certaine confusion quant au véritable travail réalisé. M. Ansems a signalé au passage un risque de mise sous séquestre, sans toutefois entrer dans les détails. Il semble, à en croire le témoignage de M. Ansems, que les directives données à WBLI provenaient de M. Fitt.

[23]  Sans plus de précisions, il ressort de la description qu’a faite M. Ansems des services rendus par WBLI que la facture ne se rapportait pas aux activités commerciales de Velsoft, mais bien aux tentatives de Fitt Co. de recouvrer les fonds que lui devait Holdings. Je peine à comprendre comment des honoraires professionnels relatifs au recouvrement d’une dette résultant de la disposition d’un bien d’immobilisation pourraient constituer une dépense d’entreprise, et encore moins comment cette dépense pourrait être imputée à l’entreprise dont les actions ont été vendues.

[24]  Certes, il arrive qu’un différend entre les actionnaires d’une entreprise soit source de dépenses pour celle-ci. Il ne ressort pas des preuves dont je suis saisi que ce soit ce genre de situation en l’espèce.

[25]  La copie du document de travail produit dans le cadre de la vérification des honoraires professionnels a été présentée en preuve; il s’agit de la pièce J-1. Ce document de travail a été remis à M. Ansems avec une lettre de proposition que lui a envoyée le ministre. Il y est indiqué que le vérificateur refuse la déduction en raison d’une « documentation insuffisante ». M. Ansems a confirmé qu’il n’avait pas fourni au vérificateur la copie de la facture au cours de la vérification. Il a expliqué que M. Fitt détenait la facture originale et qu’il avait eu de la difficulté à en obtenir copie auprès de WBLI. M. Ansems a déclaré qu’il avait fini par mettre la main sur une copie de la facture et qu’il l’avait avec lui dans la salle d’audience. Pourtant, la facture n’a pas été déposée en preuve.

[26]  L’intimée m’a donc invité à tirer une conclusion défavorable du défaut des appelants de déposer la facture en preuve et que je conclue que la facture n’aurait donné aucun poids à l’argumentation des appelants. Je réponds favorablement à cette invitation.

[27]  Je tiens à souligner que, pour tirer cette conclusion, je n’ai pas tenu compte de la description de la facture qui figure à la quatrième page du rapport de vérification constituant la pièce J-6. La vérificatrice nationale qui s’est penchée sur les honoraires professionnels n’a pas été citée à témoigner. Sa description de la facture étant du ouï-dire, je n’y ai pas porté attention pour tirer ma conclusion.

[28]  Passons maintenant aux revenus de provenance étrangère. Pour établir une nouvelle cotisation pour Velsoft concernant les revenus de provenance étrangère, le ministre est parti du principe que Barbados Co. n’exerçait aucune activité commerciale et que le revenu net qu’elle aurait gagné avait en réalité été généré par Velsoft. L’hypothèse de départ du ministre voulait que toutes les activités et fonctions importantes liées à la production des ventes en question avaient été effectuées par Velsoft, que ces activités s’étaient déroulées au Canada, que les activités ayant toujours été réalisées par Velsoft étaient demeurées les mêmes après la constitution en société de Barbados Co., et qu’une infime proportion des activités et des fonctions relatives à la production des ventes de l’entreprise s’était déroulée en sol barbadien. Je conclus que les appelants n’ont pas réfuté ces hypothèses.

[29]  La défense des appelants repose en grande partie sur la crédibilité de M. Ansems. Je n’ai pas trouvé M. Ansems crédible. Son témoignage concernant les activités censées avoir été exercées par Barbados Co. m’a laissé avec plus de questions que de réponses. Son témoignage concernant des questions d’information générale entrait en contradiction avec son témoignage sur des points clés. Lorsqu’il a exposé la trame de fond, il est entré dans les détails et a brossé un portrait complet, tandis que son témoignage se faisait nettement moins précis lorsqu’il devait expliquer des points clés. Dans l’ensemble, il est plus facile de comprendre son témoignage sur les points clés par ses omissions que par l’information transmise. J’ai eu la nette impression que M. Ansems ne m’a communiqué que l’information qu’il souhaitait que je connaisse et a régulièrement omis l’information qui porterait préjudice à sa défense, même si ces omissions ont laissé une fausse impression quant aux faits dans leur ensemble. Il est inhabituel de dire d’un témoin qu’il s’est montré délibérément vague dans son témoignage direct, mais c’est l’impression que m’a laissé M. Ansems à plusieurs occasions.

[30]  Il aurait dû être facile aux appelants d’expliquer comment Velsoft exerçait ses activités avant la constitution en société de Barbados Co. et les changements que cette entreprise a provoqués après sa constitution, mais je n’ai eu droit qu’à des explications superficielles. Une constatation est claire cependant : Velsoft a cessé de déclarer tout revenu généré par des ventes à des non-résidents. M. Ansems a expliqué que Velsoft avait mis à pied la majorité de ses employés et que Barbados Co. avait embauché une dizaine d’entre eux. Tous ces employés vivaient et travaillaient au Canada. M. Ansems n’a pas expliqué les fonctions des employés au service de Velsoft avant la constitution en société de Barbados Co., et encore moins en quoi leurs rôles avaient changé par la suite. J’ai eu l’impression que M. Ansems préférait que je ne comprenne pas ce que faisaient les soi-disant employés canadiens de Barbados Co. Qui plus est, M. Ansems n’a pas expliqué comment Velsoft était parvenue à poursuivre ses activités canadiennes avec ce qui ne semble être qu’un seul employé qui s’acquittait de la tenue des livres et de quelques tâches d’expédition. C’était comme s’il voulait que je croie que les ventes canadiennes se faisaient par elles-mêmes du début à la fin, tandis que les ventes à l’étranger nécessitaient une équipe entière d’employés.

[31]  L’explication de M. Ansems selon laquelle l’entreprise faisait appel à des entrepreneurs indépendants dans d’autres pays pour la fabrication de certains de ses produits donne certainement l’image d’une entreprise d’envergure internationale, mais le pays où se trouvent les tierces parties de qui l’entreprise fait l’acquisition de biens de propriété intellectuelle en dit tout compte fait peu sur le fonctionnement de l’entreprise en tant que tel.

[32]  Malgré le fait que M. Ansems était de toute évidence la force motrice derrière l’entreprise, il n’a pas expliqué le rôle qu’il jouait au sein de celle-ci sur le plan des activités ou de la gestion avant ou après la constitution en société de Barbados Co. J’ai eu la nette impression qu’il voulait éviter que je m’attarde sur son rôle au sein de l’entreprise.

[33]  M. Ansems a souligné à maintes reprises qu’un comptable agréé du nom de Barry Skinner, qui vivait à la Barbade et était un directeur de Barbados Co., tenait le rôle de chef des opérations et de dirigeant financier par intérim de Barbados Co., sans toutefois être en mesure d’expliquer de façon concrète ce que faisait M. Skinner au juste outre l’embauche de l’entreprise d’administration de la paye canadienne qui rémunérait les travailleurs canadiens, la création d’un compte distinct auprès de l’entreprise de messagerie de Velsoft pour la livraison physique de CD en provenance du Canada à des clients non canadiens, le transfert de fonds pour acquitter les frais d’administration de la paye et d’expédition, et la prise de dispositions pour le dépôt périodique de chèques dans le compte bancaire de Barbados Co. Au mieux, les activités commerciales exercées à la Barbade pourraient être qualifiées d’accessoires aux activités de l’entreprise. On pourrait même dire raisonnablement qu’il s’agit de travail administratif réalisé par des employés d’un cabinet de consultation et de comptabilité dans lequel M. Skinner était un associé afin de donner l’impression que Barbados Co. exerçait des activités là-bas. M. Ansems a soutenu que M. Skinner avait pour responsabilité de gérer les activités de l’entreprise, sans toutefois expliquer en quoi consistaient ces fonctions de gestion. Une chose est sûre, nul élément de preuve ne permet de conclure que M. Skinner avait un quelconque rôle à jouer dans la gestion des employés canadiens ou le développement de nouveaux produits. M. Ansems n’avait jamais fait la rencontre de M. Skinner avant tout cela. Or, il ne m’a pas expliqué pourquoi il lui faisait confiance pour tenir les rênes de l’entreprise alors que tout indique que M. Skinner ne savait rien au sujet de celle-ci ou en savait très peu. Selon ses dires, M. Skinner prenait la majorité des décisions stratégiques d’importance, sans toutefois citer d’exemples du genre de décision qu’il prenait. Au final, le titre de « chef des opérations » attribué à M. Skinner ne constitue pas en soi une preuve qu’il avait un quelconque rôle à jouer dans l’administration de l’entreprise.

[34]  Je remarque également que le vérificateur international, Peter Christofi, a témoigné que M. Ansems ne lui avait pas dit que M. Skinner était le chef des opérations ou le directeur financier par intérim au cours de la vérification. M. Christofi était selon moi un témoin crédible. Son témoignage, conjugué à l’absence de toute preuve documentaire attestant que M. Skinner exerçait concrètement ces rôles, enlève toute crédibilité à la description qu’a faite M. Ansems du rôle de M. Skinner.

[35]  M. Ansems m’a également donné l’impression de minimiser délibérément le rôle de tout bien détenu par Velsoft dans l’entreprise. Il a mentionné à plusieurs reprises des serveurs administrés aux États-Unis par des tierces parties comme Microsoft et Amazon, sans expliquer à qui appartiennent la propriété intellectuelle ou les données se trouvant sur ces serveurs, qui s’occupe de ces biens et données ou quel matériel est utilisé par les employés de l’entreprise pour accéder à ces serveurs. Il a évoqué au passage un serveur situé en Nouvelle-Écosse qui appartient à Velsoft et s’est montré évasif au moment d’expliquer si un serveur était situé à la Barbade. Je conclus donc par la négative.

[36]  M. Ansems ne m’a pas expliqué clairement comment Barbados Co. a obtenu accès aux éléments d’actif importants en matière de propriété intellectuelle que Velsoft avait développés avant la mise sur pied de Barbados Co. ou la contrepartie que touche Velsoft pour cet accès. Or, il s’agit d’éléments de preuve de la première importance. Il a donné raison à M. Christofi, qui avait conclu que des redevances devaient être versées, mais n’a pas poussé plus loin ses explications. Il a témoigné que Barbados Co. avait mis au point 24 cours supplémentaires destinés à la vente aux clients, sans démontrer concrètement que c’était Barbados Co., et non Velsoft, qui avait assuré la gestion de projet et le paiement pour le développement de ces nouveaux produits et sans préciser la forme sous laquelle Barbados Co. recevait une compensation de la part de Velsoft pour l’usage de ces cours.

[37]  M. Ansems a témoigné qu’il avait en sa possession tous les documents attestant les activités de Barbados Co., notamment des accords de licence, des contrats d’emploi, des relevés bancaires, des états financiers, des grands livres et des options d’achat de propriété intellectuelle détenue par Velsoft. Pourtant, aucun de ces documents n’a été déposé en preuve par les appelants et j’en tire donc une conclusion défavorable et je conclus que, si ces documents avaient été déposés en preuve, ils n’auraient pas servi la cause des appelants et démontré que les revenus de provenance étrangère étaient générés par Barbados Co.

[38]  Au vu de tout ce qui précède, je conclus que les appelants n’ont pas démontré que les revenus de provenance étrangère étaient générés par Barbados Co.

[39]  Avant de passer aux pénalités, j’aimerais signaler que, pour tirer ma conclusion, je n’ai tenu compte d’aucune des notes déposées en preuve qui relatent les entrevues réalisées par M. Christofi au cours de sa vérification, puisque ces notes sont des ouï-dire. Les personnes auditionnées n’ont pas été citées à témoigner, et nulle raison n’a été fournie pour expliquer pourquoi elles ne l’ont pas été.

[40]  Passons maintenant à la question de savoir s’il convient d’appliquer des pénalités pour faute lourde aux revenus de provenance étrangère. Je conclus que Velsoft a commis une faute lourde en omettant de déclarer les revenus de provenance étrangère. La somme des revenus non déclarés était importante et représentait plus du double des revenus déclarés par Velsoft. M. Ansems était parfaitement au courant des revenus de provenance étrangère et du rôle joué par Velsoft pour générer ces revenus. Le fait que Velsoft a reçu des conseils de la part de comptables et d’avocats sur la manière de structurer les activités de Barbados Co. ne vient en rien influencer ma conclusion. Si Velsoft m’avait expliqué les conseils reçus et m’avait démontré qu’elle n’avait fait que suivre ces conseils, j’aurais peut-être été enclin à rendre une décision différente au sujet des pénalités. Dans les circonstances, j’ignore quels sont les conseils qu’a reçus Velsoft et, même si j’avais été mis au fait de ces conseils, je n’aurais eu aucun moyen de savoir s’ils avaient été suivis, puisque j’ignore comment l’entreprise est administrée et fonctionne.

[41]  Compte tenu de tout ce qui précède, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de mars 2019.

« David E. Graham »

Le juge Graham

Traduction certifiée conforme

Ce 16e jour de juillet 2019

François Brunet, réviseur


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 66

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :

2017-745(IT)G
2017-760(IT)G
2017-764(IT)G

INTITULÉS :

ANGELA ANSEMS c. LA REINE

RANDY ANSEMS c. LA REINE

ANSEMS FAMILY TRUST (2008)

c. LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATES DE L’AUDIENCE :

Les 22, 23 et 24 janvier 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge David E. Graham

DATE DES MOTIFS DU JUGEMENT :

Le 27 mars 2019

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelant :

Me Gerard Tompkins

Avocat de l’intimée :

Me Stan W. McDonald

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Me Gerard Tompkins

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

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