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Dossier : 2017-3184(GST)I

ENTRE :

SUNSHINE COACH LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 20 juin et le 26 novembre 2018, à Calgary (Alberta)

Devant : L’honorable juge Diane Campbell


Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me Wilhelm Mair

Avocat de l’intimée :

Me Adam Pasichnyk

 

JUGEMENT

  Dans un avis daté du 12 mai 2017, l’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie aux termes de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise pour les périodes de déclaration allant du 1er février 2011 au 31 octobre 2013, inclusivement, est accueilli, le tout sans dépens, pour mettre en application les concessions de l’intimée :

1.  Pour la période de déclaration se terminant le 31 juillet 2013, la TPS perçue/à percevoir par l’appelante doit être réduite d’un total de 1 156,54 $ à l’égard des services de transport de passagers détaxés fournis aux passagers de

  a) Gem Tours Gem Tours & Travels PVT Ltd, comme l’indique une facture datée du 29 mai 2013;

  b) Discover Destinations, comme l’indique une facture datée du 24 mai 2013; et

  c) Jagat Mavani a/s Cloud 9 Infosystems, comme l’indique une facture datée du 12 juillet 2013.

2.  Pour la période de déclaration se terminant le 31 octobre 2013, la TPS perçue/à percevoir par l’appelante sera réduite de 408,65 $ à l’égard des services de transport de passagers détaxés fournis aux passagers de Discover Destinations, comme l’indique une facture datée du 2 août 2013;

3.  Un crédit de taxe sur les intrants supplémentaire de 228,11 $ pour des matériaux de sièges d’autocar personnalisés achetés auprès de Sardo Bus & Coach Upholstery;

et la nouvelle cotisation est soumise au ministre du Revenu national pour nouvelle évaluation et nouvelle cotation conformément aux motifs de jugement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d’avril 2019.

« Diane Campbell »

La juge Campbell


Référence : 2019 CCI 72

Date : 20190402

Dossier : 2017-3184(GST)I

ENTRE :

SUNSHINE COACH LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Campbell

Introduction

[1]  L’appelante a interjeté appel d’un avis de nouvelle cotisation daté du 12 mai 2017 aux termes de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi ») pour les périodes de déclaration allant du 1er février 2011 au 31 octobre 2013 (la « période »).

[2]  L’appelante a été constituée en société en Alberta. Il s’agit d’un exploitant familial d’autocars établi à Calgary. La plupart des services de transport de l’appelante consistaient en des voyages en autocar vers Sunshine Village Ski and Snowboard Resort à Banff (« Sunshine Village »). Certains de ses services d’affrètement étaient destinés à des voyages à l’extérieur du Canada.

[3]  Les deux grandes questions dont je suis saisie sont les suivantes :

1.  certains voyages contestés faisaient-ils partie d’un voyage continu, de telle sorte que les ventes effectuées par l’appelante dans la prestation de services de transport de passagers étaient détaxées aux fins de la TPS; et

2.  l’appelante a-t-elle droit à des crédits de taxe sur les intrants supplémentaires (« CTI ») et, par conséquent, l’investissement dans la propriété en Colombie-Britannique (la « propriété de Fairmont ») constituait-il une activité commerciale ou était-il utilisé à des fins personnelles.

[4]  Tout au long de l’audience, l’appelante et l’intimée ont fait diverses concessions. En plus des concessions de l’intimée, l’appelante a concédé des CTI totalisant 2 171,34 $ pour diverses dépenses payées par carte de crédit. Selon l’appelante, il reste deux questions sur lesquelles la Cour doit statuer :

1.  la TPS à payer de 5 741,91 $ pour trois voyages affrétés (Maxim Group, Europe Group et Sona Tours UK/India); et

2.  le CTI de 9 691,01 $ pour la propriété de Fairmont.

(Le document de l’appelante a été fourni à la Cour lors de la reprise de l’audience en novembre)

[5]  L’intimée a concédé :

1.  Pour la période de déclaration se terminant le 31 juillet 2013, la taxe sur les produits et services (« TPS ») perçue/à percevoir par l’appelante doit être réduite d’un total de 1 156,54 $ à l’égard des services de transport de passagers détaxés fournis aux passagers de

a)  Gem Tours Gem Tours & Travels PVT Ltd, comme l’indique une facture datée du 29 mai 2013;

b)  Discover Destinations, comme l’indique une facture datée du 24 mai 2013; et

c)  Jagat Mavani a/s Cloud 9 Infosystems, comme l’indique une facture datée du 12 juillet 2013.

2.  Pour la période de déclaration se terminant le 31 octobre 2013, la TPS perçue/à percevoir par l’appelante doit être réduite de 408,65 $ à l’égard des services de transport de passagers détaxés fournis aux passagers de Discover Destinations, comme l’indique une facture datée du 2 août 2013.

(Document daté du 18 juin 2018 énonçant les « concessions » de l’intimée)

3.  Un CTI supplémentaire de 228,11 $ pour les matériaux de siège en cuir achetés auprès de Sardo Bus & Coach Upholstery, décrits à l’origine de manière incorrecte dans un formulaire de douane.

(Transcription, volume 2, pages 75 et 76)

Preuve

[6]  William Mair était administrateur et participait au volet opérationnel des activités de l’appelante au cours de la période pertinente. Dans son témoignage direct, M. Mair a essentiellement présenté un certain nombre de pièces, d’une part, pour appuyer son affirmation selon laquelle les voyages contestés, où les clients étaient des visiteurs au Canada, faisaient partie d’un voyage international continu et donnaient donc lieu à la détaxation des fournitures, et, d’autre part, pour appuyer les divers CTI que réclamait l’appelante. M. Mair se fiait à la section Services de transport de passagers du mémorandum sur la TPS/TVH 28.3 (pièce A­3).

[7]  Au cours du contre-interrogatoire, M. Mair a confirmé que l’appelante, en fournissant ses services d’exploitant d’autocar, n’a jamais fourni ou vendu de transport aérien. Il a également témoigné que, à moins que les clients n’aient conclu des ententes particulières avec l’appelante, tous les lieux d’embarquement et de débarquement de l’entreprise se trouvaient dans la province de l’Alberta. L’appelante a organisé à l’avance des excursions saisonnières entre Calgary ou Canmore et Sunshine Village, à Banff, selon les horaires et les tarifs affichés. Il a fait la distinction entre ces types d’excursions journalières et celles où des clients de l’extérieur du Canada louaient un autocar avec un itinéraire spécifique et à un prix négocié, l’embarquement se faisant généralement à l’aéroport de Calgary. Ces voyages duraient plusieurs jours, la station de ski n’étant pas une destination. En ce qui concerne l’hypothèse selon laquelle seulement 2 % des ventes de cette période étaient taxables au taux de zéro pour cent, M. Mair a fait valoir qu’il ne pouvait faire de commentaire, car il n’avait pas participé à ce calcul.

[8]  La réponse à l’avis d’appel divisait les voyages contestés en deux catégories : les « ventes selon les règles » de 5 741,90 $, c’est-à-dire celles où l’appelante a inscrit au registre la TPS à percevoir, mais ne l’a pas perçue ni versée, et les « ventes omises » de 1 623,61 $, soit quatre transactions pour lesquelles l’appelante n’a pas inscrit au registre la TPS à percevoir et ne l’a ni perçue ni versée, mais a tout de même indiqué que les voyages étaient « à l’extérieur du Canada ». M. Mair a témoigné que, bien que l’entreprise ait déclaré la TPS dans ses déclarations relatives aux ventes selon les règles, elle l’a fait par erreur, car ces voyages étaient détaxés du fait qu’ils faisaient partie d’un voyage continu (Transcription, volume 1, page 81). Sur les 5 741,90 $ de ventes selon les règles, l’intimée a concédé plusieurs de ces voyages totalisant 1 565,91 $, laissant ainsi une somme de 4 176,72 $ en litige.

[9]  L’avocat de l’intimée a présenté à M. Mair une liasse de factures, intitulées [traduction] « TPS à percevoir inexacte de 2011 » (pièce R-2), [traduction] « TPS à percevoir inexacte de 2012 » (pièce R-3) et [traduction] « TPS à percevoir inexacte de 2013 » (pièce R-4). M. Mair a confirmé la position de l’appelante selon laquelle elle ne devrait pas être tenue responsable de la perception et du versement de ces montants de TPS, car les services de transport de passagers étaient fournis à des clients de l’extérieur du Canada. Les factures montraient que les clients venaient de différents pays, notamment l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la Corée du Sud et l’Inde. M. Mair a convenu que tous ces passagers arrivaient du Canada et en partaient par transport aérien et que tous les services que l’appelante avait fournis à ces passagers se trouvaient à l’intérieur du Canada. Il a déclaré ce qui suit : [traduction] « Ils arrivent par voie aérienne, car nous ne pouvons pas les conduire à partir de l’Angleterre, puis nous prenons le relais. » (Transcription, volume 1, page 74). En ce qui concerne les passagers en provenance de l’Inde qui ont mentionné six factures à Maxim Tours, Thomas Cook Ltd. of India a organisé le voyage, mais les factures de l’appelante étaient adressées à son courtier américain, Maxim Tours. Selon l’appelante, [traduction] « c’est un voyage continu de l’extérieur, de l’Inde… » (Transcription, volume 1, page 77). Il a témoigné que les passagers en provenance de l’Inde pouvaient arriver au Canada par différents vols et itinéraires, en fonction de la disponibilité et des prix des vols. Enfin, en ce qui concerne ces diverses factures, M. Mair a témoigné que l’appelante n’a jamais engagé un agent pour délivrer des billets ou des pièces justificatives en son nom.

[10]  Bien que l’avocat de l’intimée ait reconnu que plusieurs voyages énumérés dans la pièce R-4 étaient détaxés, l’appelante soutient que, même si le reste de ces voyages avaient lieu au Canada, ils faisaient néanmoins partie d’un voyage international continu ayant débuté et s’étant terminé à l’extérieur du Canada et que, par conséquent, ils devraient être détaxés.

[11]  En ce qui concerne les quatre transactions de vente, inscrites au registre par l’appelante en tant que voyages à l’étranger et appelées [traduction] « ventes omises » dans la réponse, le document de travail 5030 (pièce R-5) indiquait que l’appelante avait incorrectement inscrit ces quatre voyages au registre. Ces voyages ont eu lieu en 2012 en tant que voyages à l’extérieur du Canada et, par conséquent, la TPS devrait être payable en raison d’un accusé de réception adressé au vérificateur par Judith Mair, épouse de William Mair et comptable de l’appelante. M. Mair a déclaré qu’il ne pouvait confirmer cette information, car il s’agissait de longs voyages sans renseignements suffisants (Transcription, volume 1, page 78).

[12]  En ce qui concerne la réclamation de CTI pour la propriété de Fairmont, M. Mair a témoigné que la maison n’était pas encore terminée et qu’elle ne le serait pas avant la fin de 2019. Il s’agit d’une « maison préfabriquée », livrée en pièces détachées, que la famille Mair assemble depuis 2013. Selon M. Mair, les pièces à assembler ont été vendues à l’appelante pour la somme de 145 182,24 $ (Transcription, volume 1, page 26). Elle est en construction dans la station balnéaire de Fairmont Hot Springs, en Colombie-Britannique, à environ trois heures de route de Calgary, où résident les Mair. Au cours du contre-interrogatoire, l’avocat de l’intimée a présenté un document non signé, intitulé [traduction] « Contrat d’achat proposé » daté du 1er février 2013, conclu entre JayWest Country Homes/Chris Spavor (vendeur) et Will et Judy Mair (acheteurs), concernant un ensemble d’encadrement et de matériel Viceroy (pièce R-6). Il s’agissait également du document que l’appelante avait utilisé pour justifier sa demande de CTI auprès de l’Agence du revenu du Canada. M. Mair a témoigné que l’appelante était l’acheteur réel et non la famille Mair en tant que telle, et que la facture finale avait été émise et payée par l’appelante. Toutefois, ailleurs dans les éléments de preuve, M. Mair a déclaré que le capital utilisé pour acheter et construire la maison provenait des fonds familiaux et de la vente d’une maison en Autriche appartenant à M. Mair.

[13]  La maison est en construction sur un terrain appartenant à Kristian Mair, le fils de M. Mair, et aucun titre sur cette parcelle de terrain n’a été transféré du fils à l’appelante. Même si le « terrain » a été inscrit au bilan de l’entreprise comme une immobilisation corporelle, M. Mair a admis qu’il ne savait pas s’il s’agissait de la propriété de Fairmont inscrite au bilan. Les deux seules parcelles de terrain mentionnées dans les éléments de preuve étaient le terrain Fairmont appartenant au fils et une installation d’entretien située à Calgary, au nom d’une société à numéro. Ils appartenaient à la fille de M. Mair et servaient à abriter et à entretenir le parc de véhicules de l’appelante. Lorsque cette installation a été achetée vers 2015, la banque a informé les Mair qu’ils devaient moderniser leur parc de véhicules. Comme il était difficile d’obtenir un financement en raison de la composante de risque associée à cette entreprise, M. Mair a témoigné que c’était à ce moment-là qu’il avait été décidé :

[traduction]

[…] que si nous avons d’autres investissements qui vont prendre de la valeur sans faire grand-chose, la prochaine fois que nous avons besoin d’argent, nous pourrons les utiliser en garantie ou, si la maison est terminée, nous pourrons la vendre et acheter un autocar sans l’aide de la banque... tel était notre raisonnement.

(Transcription, volume 1, page 90)

C’est ce qui a motivé la construction de la maison de Fairmont érigée sur le terrain du fils, bien que la construction ait commencé plusieurs années avant l’achat des lieux.

[14]  Bien que M. Mair n’ait pas achevé son plan d’affaires et qu’il n’avait aucune expertise particulière en immobilier, il s’est entretenu avec un banquier, un professionnel de l’immobilier, un avocat et des amis avant de décider d’investir dans cette propriété. Le terrain du fils étant situé à proximité d’un aéroport de planeurs, M. Mair et son fils, tous deux pilotes de planeurs, accompagnés de la famille, ont passé du temps à Fairmont et avaient des amis dans les environs.

[15]  M. Mair a pensé que cette propriété serait un bon investissement, car elle est située dans une communauté fermée, bordée d’un terrain de golf et d’un aéroport, et les perspectives de revente dans cette communauté étaient bonnes. Interrogé sur les délais établis pour la vente de la propriété, M. Mair a déclaré :

[traduction]

[...] lorsque le prix est à la hausse ou que je cherche désespérément de l’argent parce que je veux acheter plus d’équipement ou de l’équipement de meilleure qualité, ou parce que je veux simplement vendre l’entreprise pour m’en départir. [...]

(Transcription, volume 1, page 110)

[16]  M. Mair n’avait aucune explication concernant l’écart entre les montants de CTI inscrits dans le grand livre et les sommes réellement indiquées dans la déclaration produite pour certaines périodes (document de travail 920, pièce R-9).

[17]  Le témoin de l’intimée, Suraj Yadav, a procédé à la vérification de l’appelante. Il a vérifié le montant de la TPS et les CTI réclamés. Après des discussions avec Judy Mair, il a conclu que ses connaissances en matière de traitement correct de la TPS et des CTI étaient limitées. En outre, elle utilisait un système de comptabilité de caisse au lieu de la méthode de la comptabilité d’exercice généralement utilisée. Selon son témoignage, les livres et registres étaient très désorganisés. Lorsqu’il demandait des pièces justificatives pour les sommes réclamées, il recevait généralement des boîtes de factures sans ordre particulier, qu’il était souvent incapable d’assortir aux sommes réclamées.

[18]  M. Yadav a tenté d’être juste avec le processus de vérification et a donné un certain nombre d’exemples. Lorsque l’appelante a demandé un CTI pour lequel il n’y avait pas de facture, s’il pouvait faire correspondre une description figurant sur un connaissement, un grand livre général ou le nom du compte et que celui-ci semblait être lié aux activités commerciales et raisonnable, il l’autorisait sans la documentation à l’appui. Il a également consulté les relevés de carte de crédit personnels et les transactions des Mair pour tenter de repérer les achats liés aux entreprises, qu’il a autorisés partiellement ou totalement, même s’il y avait risque de dédoublement. Certaines dépenses d’employés étaient autorisées uniquement en fonction d’une explication des dépenses et des descriptions figurant dans le grand livre (pièce R-13). Il a également autorisé la majorité des dépenses de téléphonie cellulaire. Même dans les cas où le montant de la facture ne correspondait pas à la somme réclamée, il a tout de même autorisé le montant du CTI s’il semblait avoir un lien raisonnable avec l’entreprise. Lorsque l’appelante n’a pu justifier que 10 demandes sur un échantillon de 50 à 60 sommes réclamées, il a élargi la vérification des CTI à plus de 700 sommes réclamées. Il a examiné un montant total de CTI réclamé de 111 863,00 $, dont il avait autorisé 78 856,00 $, soit environ 70 % (document de travail, annexe 1, pièce R-12).

[19]  En ce qui concerne la propriété de Fairmont, la majorité des CTI réclamés n’ont pas été indiqués dans le grand livre. Il a effectué un rapprochement des CTI entre la déclaration de TPS/TVH et le grand livre général et a relevé un écart de 9 177,00 $ entre le 1er novembre 2012 et le 31 janvier 2013. Aucune explication satisfaisante n’a été donnée pour expliquer que ces montants n’étaient pas indiqués dans le grand livre. La seule documentation fournie pour appuyer les réclamations de la propriété de Fairmont était une copie d’un « contrat d’achat proposé » pour le forfait préconçu. Il a fait remarquer que cette propriété n’avait jamais été inscrite au nom de l’appelante, ni inscrite dans ses états financiers, ni dans les stocks, ni comme immobilisation. M. Yadav a déterminé que le terrain qui figurait dans le bilan de l’appelante n’était pas la propriété de Fairmont, d’après ses entretiens avec le contribuable et les informations indiquées sur le formulaire T5013, annexe 8 [Déduction pour amortissement (DPA)] de la déclaration de revenus de l’appelante.

[20]  Au cours de son contre-interrogatoire, M. Yadav a déclaré qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que la propriété de Fairmont faisait partie des activités commerciales de l’appelante, en partie du fait que le terrain était au nom du fils et que les factures sont en leur nom personnel. Durant l’interrogatoire, un « contrat » entre l’appelante et Kristian Mair, daté du 15 novembre 2012, a été présenté à M. Yadav (pièce A-7). Aux termes de ce contrat, Kristian Mair a permis à l’appelante d’ériger une maison sur le terrain dont il était propriétaire et a accepté de conclure un contrat de location à une date ultérieure, renonçant à tout paiement jusqu’à la fin des travaux. M. Yadav a examiné les entrées du grand livre général du fournisseur du forfait de construction de Fairmont (pièce A-5), totalisant plus de 128 000,00 $, entre décembre 2011 et mai 2013. Il a témoigné qu’il ne considérait pas ces entrées comme définitives en soi, en ce qui concerne les biens utilisés dans les activités commerciales de l’appelante, car les sommes pourraient être liées et appliquées aux comptes de prêts des actionnaires.

[21]  En ce qui concerne la caractérisation des déplacements de l’appelante, il a déclaré que, dans le cas où un billet unique était délivré, il cherchait à savoir s’il incluait une composante de vol international en plus de la composante de location d’autocar. Lors de la vérification, rien n’indiquait que les billets délivrés par l’appelante incluaient un voyage en avion. Interrogé sur l’une des factures concédées par l’intimée, M. Yadav a déclaré qu’il ne pouvait que présumer que la concession était fondée sur une partie du trajet en autocar se déroulant à l’extérieur du Canada, par exemple, lorsque l’appelante a emmené des passagers à Seattle pour une croisière en Alaska, auquel cas, si cette escale dépassait 24 heures, elle pourrait être détaxée.

Discussion

Question en litige no 1 : Certains voyages contestés faisaient-ils partie d’un voyage continu, de sorte que les ventes effectuées par l’appelante pour la prestation de services de transport de passagers étaient détaxées aux fins de la TPS?

[22]  Dans ce contexte, il existe deux catégories de voyages. Premièrement, les quatre voyages pour lesquels l’appelante n’a pas déclaré la TPS à percevoir durant son activité commerciale parce qu’elle considérait ces voyages comme faisant partie d’un « voyage continu » qui était détaxé. Ces quatre ventes étaient qualifiées de « ventes omises » parce que le ministre du Revenu national (le « ministre ») avait conclu qu’elles n’étaient pas détaxées et que, par conséquent, l’appelante aurait dû percevoir et verser la TPS dans ses déclarations. La somme en litige pour les quatre voyages est de 1 623,61 $.

[23]  La deuxième catégorie comprend les voyages pour lesquels l’appelante a effectivement déclaré la TPS dans ses déclarations, mais affirme maintenant qu’elle n’aurait pas dû déclarer ces ventes, car elles sont détaxées. Le ministre a décrit ces ventes comme étant des « ventes selon les règles » parce que l’appelante les a correctement déclarées, en premier lieu, comme des ventes pour lesquelles la TPS devait être perçue. Le montant de la TPS à payer en litige dans la réponse était de 5 741,91 $. Toutefois, au cours de cette audience, l’intimée a concédé le montant de 1 565,19 $ au titre de ces ventes selon les règles, laissant ainsi un solde de 4 176,72 $ en litige.

[24]  Le point de départ législatif d’une analyse concernant les services de transport de passagers commence par l’alinéa 142(1)g) de la Loi :

142(1) Pour l’application de la présente partie et sous réserve des articles 143, 144 et 179, un bien ou un service est réputé fourni au Canada si :

[...]

  g) s’agissant de tout autre service, il est, ou sera, rendu en tout ou en partie au Canada.

« Fourniture », tel que défini au paragraphe 123(1) de la Loi, signifie, « [s]ous réserve des articles 133 et 134, livraison de biens ou prestation de services notamment par [...] ». Par conséquent, si un service de transport de passagers est fourni en totalité ou en partie au Canada, il sera alors réputé être offert au Canada et assujetti au taux de taxe applicable sur la valeur de la contrepartie de la fourniture aux termes de la disposition d’imputation, selon le paragraphe 165(1) de la Loi.

[25]  L’appelante soutient que ses voyages, du point de vue des « ventes omises » et des « ventes selon les règles », devraient être détaxés conformément à son interprétation des dispositions relatives aux services de transport des articles 2 ou 3 de la partie VII de l’annexe VI de la Loi. Cet article énonce ce qui suit :

 2  La fourniture d’un service de transport de passagers qui est offert à un particulier ou à un groupe de particuliers et qui fait partie d’un voyage continu du particulier ou du groupe ne comportant pas de transport aérien, si, selon le cas :

  a) le point d’origine ou la destination finale du voyage continu est à l’étranger;

  b)  le voyage continu comporte une escale à l’étranger.

En est exclu le service de transport de passagers qui fait partie d’un voyage continu si le point d’origine et la destination finale du voyage sont tous deux au Canada et si, au début du voyage, il n’est pas prévu que le particulier ou le groupe de particuliers soit à l’étranger pendant une période ininterrompue d’au moins vingt-quatre heures au cours du voyage.

3  La fourniture d’un service de transport de passagers qui est offert à un particulier ou à un groupe de particuliers et qui fait partie du voyage continu du particulier ou du groupe comprenant le transport aérien, si, selon le cas :

  a) le point d’origine ou la destination finale du voyage continu, ou d’une escale qui en fait partie, est hors de la zone de taxation;

  b) le point d’origine et la destination finale du voyage continu, et de toutes les escales qui en font partie, sont à l’étranger;

  c)  le point d’origine du voyage continu est à l’intérieur de la zone de taxation, mais à l’étranger;

  d)  tous les endroits auxquels le particulier ou le groupe embarque dans un aéronef, ou en débarque, sont à l’étranger de même que le point d’origine ou la destination finale du voyage continu, ou d’une escale qui en fait partie.

[26]  L’une des principales différences entre les articles 2 et 3 est qu’un voyage continu à l’article 2 ne doit pas inclure le transport aérien, alors qu’il doit inclure le transport aérien pour que l’article 3 s’applique. Pour que l’appelante réussisse à faire appliquer l’article 2 à ses services de transport détaxés :

  1. le service doit faire partie d’un voyage continu;

  2. le voyage continu ne doit pas inclure le transport aérien, et

  3. soit a) le point d’origine ou la destination finale de ce voyage doit être à l’extérieur du Canada, soit b) il doit y avoir une escale à l’extérieur du Canada.

Les termes « voyage continu », « escale », « point d’origine » et « destination finale » sont définis à l’article 1 de la partie VII, Services de transport. Le terme « voyage continu » est défini ainsi :

L’ensemble des services de transport de passagers qui sont offerts à un particulier ou à un groupe de particuliers et qui sont :

a) soit visés par un seul billet ou une seule pièce justificative;

b)  soit visés par plusieurs billets ou pièces justificatives pour plusieurs étapes d’un même voyage, sans escale entre les étapes visées par les billets ou pièces justificatives distincts délivrés par le même fournisseur ou par plusieurs fournisseurs par l’entremise d’un agent agissant en leur nom si, selon le cas :

  (i) tous les billets ou pièces justificatives sont délivrés au même moment et le fournisseur ou l’agent possède des preuves, satisfaisantes au ministre, que les étapes du voyage, visées par les billets ou pièces justificatives distincts, se font sans escale,

  (ii) les billets ou pièces justificatives sont délivrés à des moments différents et le fournisseur ou l’agent présente des preuves, satisfaisantes au ministre, que les étapes du voyage, visées par les billets ou pièces justificatives distincts, se font sans escale.

[27]  Dans l’arrêt Ibero Tours Inc c. Sa Majesté la Reine, 2005 CCI 144, [2005] GSTC 40, la juge Woods a discuté des exigences de l’article 2 de la partie VII et, plus précisément, des questions à examiner en ce qui concerne les termes « point d’origine », « destination finale » et « escale » mentionnés dans la disposition sur la fourniture de services de transport. Aux paragraphes 21 à 23, elle a fait les observations suivantes :

[21]  Les questions qui doivent être examinées pour l’application de l’article 2 sont celles de savoir si le point d’origine ou la destination finale des services de transport fournis par City Tours est à l’étranger, et s’il y a une escale à l’étranger.

[22]  J’examinerai d’abord la question de savoir si le point d’origine ou la destination finale des services de transport fournis par City Tours est à l’étranger. Selon les définitions données dans l’annexe, les termes « point d’origine » et « destination finale » visent, pour l’essentiel, le début et la fin du voyage continu. Aucun élément de preuve produit dans le présent appel ne permet de penser que l’un ou l’autre des services pertinents offerts par City Tours ou par Ibero Tours est fourni à l’étranger. Par conséquent, le point d’origine ou la destination finale d’un voyage continu, quel qu’il soit, n’est pas à l’étranger.

[23]  Il reste à se demander, pour l’application de l’article 2, s’il y a une escale à l’étranger. Une « escale » est définie comme l’endroit auquel on embarque sur le moyen de transport utilisé dans le cadre d’un service qui fait partie du voyage continu, ou en débarque. Ici encore, aucun élément de preuve ne permet de croire que les services de transport offerts par City Tours sont fournis à l’étranger. Je conclus donc qu’il n’y a aucune escale à l’étranger.

[28]  Au cours de son contre-interrogatoire, M. Mair a admis que, non seulement l’appelante n’avait pas délivré de billets d’avion pour les passagers internationaux arrivant par avion, mais encore, elle n’avait pas autorisé les agents à délivrer des billets pour passagers internationaux en son nom. Étant donné que le voyage continu prévu à l’article 2 ne peut inclure aucun transport aérien, les seuls services que je peux envisager aux termes de cet article sont les services de transport de passagers fournis par l’appelante. Rien ne prouvait que les services de transport contestés, c’est-à-dire les ventes omises et les ventes selon les règles, aient été fournis à l’extérieur du Canada. Par conséquent, je dois conclure, d’après les éléments de preuve dont je dispose, que les services ne sont pas détaxés aux termes de l’article 2 parce que ni le point d’origine ni la destination finale de l’un de ces voyages ni aucune escale en ce qui concerne les services fournis par l’appelante n’étaient à l’extérieur du Canada.

[29]  La question suivante est de savoir si les services de l’appelante peuvent être considérés comme détaxés aux termes de l’article 3. Trois conditions doivent être remplies pour que l’appelante ait gain de cause aux termes de cet article :

  1. le service doit faire partie d’un voyage continu;

  2. le voyage continu doit comprendre du transport aérien;

  3. soit a) le point d’origine ou la destination finale du voyage continu, soit b) une escale faisant partie du voyage continu, doit être à l’étranger.

L’article 3 s’applique aux services de transport dont le voyage est en partie à l’extérieur du Canada et comprend également du transport aérien. Comme Woods J. l’a correctement souligné dans l’arrêt Ibero, la clé d’une analyse en vertu de l’article 3 consiste à revenir à un examen des exigences énoncées dans la définition de « voyage continu ». Selon la clause a) de la définition, le voyage continu d’un particulier ou d’un groupe de particuliers désigne l’ensemble des services de transport de passagers fournis et « soit visés par un seul billet ou une seule pièce justificative ». Toutefois, si le même fournisseur ou le même agent émet tous les billets ou toutes les pièces justificatives pour le voyage continu, la clause b) s’applique. Ainsi, pour que la clause a) ou la clause b) s’applique aux services de transport détaxés, il doit exister un lien établi entre les services de transport fournis au Canada et le transport aérien entrant au Canada. Cela peut être établi lorsqu’un seul billet est délivré par le même fournisseur pour tous les services de transport ou lorsque plusieurs billets sont délivrés pour les services de transport par le même fournisseur ou par un agent agissant pour le compte de tous les fournisseurs.

[30]   Les éléments de preuve de M. Mair reposent sur le fait que l’appelante ne vendait pas de billets d’avion. Il a témoigné que, dans certains cas, une entreprise de réservation organisait le voyage de certains passagers de l’appelante, y compris le transport aérien. M. Mair a déclaré que Thomas Cook India (Maxim Tours) avait délivré un seul billet à ses passagers de l’Inde pour des circuits canadiens, y compris le transport aérien et le transport par autocar. Il a produit des éléments de preuve documentaire montrant que les paiements de factures avaient été effectués par des sources non canadiennes (pièces A-13, A-14, R-2, R-3 et R-4), mais les éléments de preuve n’établissaient pas de lien entre billets pour les passagers internationaux, et seules les factures de Maxim Tour ont été traitées en détail. Rien ne prouve que ces entreprises de réservation avaient le pouvoir d’agir en tant que mandataire pour le compte de l’appelante. Ce fait, outre l’absence d’éléments de preuve documentaire, plus précisément les factures originales, les itinéraires et les carnets de voyage des quatre ventes omises, corrobore ma conclusion selon laquelle les ventes omises relatives aux services de transport de l’appelante ont été effectuées entièrement au Canada. En ce qui concerne les ventes selon les règles, celles où l’appelante a initialement déclaré la TPS mais a ensuite estimé qu’elles étaient détaxées dans le contexte d’un voyage continu à l’extérieur du Canada, les deux factures présentées, ainsi que le témoignage de M. Mair, corroborent mon opinion selon laquelle les services étaient au Canada. Ni l’article 2 ou 3 de l’annexe VI de la partie VII ne s’applique dans ces circonstances, car les éléments de preuve verbale et documentaire vont à l’encontre de la position de l’appelante selon laquelle les services de transport font partie d’un voyage continu à l’extérieur du Canada.

[31]  Comme l’avocat de l’intimée l’a fait remarquer à juste titre, pour que les services de l’appelante soient détaxés, elle devait établir l’un des trois scénarios suivants :

  1. un seul billet pour tous les services de transport;

  2. tous les billets délivrés par le même fournisseur; ou

  3. tous les billets délivrés par le même agent agissant pour le compte de tous les fournisseurs.

L’appelante n’est pas en mesure de s’inscrire dans l’un ou l’autre de ces trois scénarios : les billets d’autocar délivrés par l’appelante n’incluaient pas les billets d’avion que les passagers internationaux avaient l’habitude d’utiliser pour entrer au Canada et en sortir (scénario 1); l’appelante ne peut pas être le même fournisseur puisqu’elle ne vend pas de billets d’avion aux voyageurs (scénario 2); et, bien que M. Mair ait témoigné que certains passagers avaient organisé leur voyage par l’intermédiaire d’entreprises de réservation, il était catégorique : ces sociétés de réservation n’étaient pas des agents de l’appelante (scénario 3).

Question en litige no 2 : L’appelante a-t-elle droit à des CTI supplémentaires et, en tant que sous-litige, l’investissement dans la propriété de Fairmont était-il une activité commerciale ou une activité de plaisir personnel?

[32]  Au cours de l’audience, l’intimée a concédé un montant de CTI de 228,11 $ pour le matériel de siège d’autocar. Au cours des plaidoiries de l’appelante, M. Mair a également concédé toutes les réclamations de CTI concernant des achats faits par carte de crédit.

[33]  Il ressort clairement des éléments de preuve dont dispose le vérificateur que non seulement les livres et registres de l’appelante étaient en désordre, mais encore, il n’existait pas de documents sources originaux pour appuyer les réclamations. En dépit de l’état désordonné des comptes, le vérificateur a autorisé près de 70 % des demandes en faisant, par exemple, des hypothèses raisonnables, en comparant les montants de carte de crédit achat par achat, en acceptant des explications sur les montants et, en l’absence de factures en bonne et due forme, en utilisant d’autres sources telles que les connaissements. Pour étayer sa position, l’appelante s’est appuyée sur un assortiment de documents au hasard. Cependant, ils n’ont servi qu’à renforcer le caractère aléatoire de la tenue des registres de l’appelante. La Loi et ses règlements imposent des exigences très spécifiques au contribuable qui souhaite réclamer des CTI. Dans la cause Davis c. La Reine, [2004] GSTC 134 (CCI), approuvée et citée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Systematrix technology consultants inc. c. Canada, 2007 CAF 226, [2007] GSTC 74, j’ai fait référence aux exigences techniques dans ces dispositions législatives en tant qu’« obligatoires » et non simplement « instructives ». L’approche généreuse adoptée par le vérificateur est évidente dans bon nombre des éléments autorisés à la pièce A-6 qui ne contenaient pas le numéro de TPS valide requis. Il ressort également des éléments de preuve que tous les documents dont je disposais avaient déjà été soumis au ministre pour examen, ce qui signifiait qu’il pourrait y avoir un risque de dédoublement si je tentais de procéder à un autre examen des documents.

La propriété de Fairmont et les réclamations de CTI

[34]  L’appelante soutient que cette propriété a été construite de manière à pouvoir être utilisée dans le contexte des activités commerciales de l’entreprise. Selon le témoignage de l’appelante, les établissements de crédit considéraient que ce type d’activité commerciale était risqué pour le prêt d’argent. M. Mair a témoigné que, puisque l’investissement augmenterait la valeur de l’actif de l’entreprise, il pourrait être utilisé comme garantie pour des prêts ou liquidé pour des fonds immédiats. Si l’appelante doit réclamer des CTI, la construction de la maison doit faire partie des activités commerciales et non d’une entreprise non commerciale ou personnelle menée par la famille Mair.

[35]  Dans l’arrêt BJ Services Company Canada c. La Reine, [2002] GSTC 124, le juge Miller examiné plusieurs facteurs à prendre en compte pour déterminer si une activité est de nature commerciale ou personnelle : le but de l’intrant, le bénéfice pour lequel l’intrant a été généré, et le contexte dans lequel l’intrant a été généré. Le contrat concernant l’érection de la maison sur un terrain appartenant au fils de M. Mair était daté de novembre 2012. La famille a commencé la construction de la maison préfabriquée en août 2013. Près de sept ans après que l’idée a été mise au papier, elle n’est que partiellement achevée, selon le témoignage de M. Mair. Entre-temps, les installations d’entretien de l’appelante à Calgary avaient été achetées en 2015. Cela affaiblit tout argument selon lequel l’objectif d’un tel investissement était spécifiquement lié à l’acquisition de ses installations de Calgary. Comme elle reste partiellement terminée, il est peu probable que la banque l’accepte comme garantie lors de l’acquisition de véhicules supplémentaires ou améliorés pour son parc d’autocars. En outre, aucun élément de preuve n’a été présenté quant à la manière dont elle pourrait être utilisée comme garantie de prêt ou liquidée pour de l’argent comptant lorsque le terrain sur lequel la maison a été construite était légalement au nom du fils. Dans le contrat que le fils avait conclu avec l’appelante, il avait simplement accepté de signer un bail à une date ultérieure, lorsque la maison serait terminée. Donc, si l’appelante a choisi l’option de liquider cet élément d’actif, y avait-il un accord avec le fils concernant l’achat de son terrain? Ou encore, le contrat était-il un type de bail à long terme? Rien n’indique comment une telle vente se déroulerait, et je suppose que c’est parce que M. Mair n’a que très peu réfléchi à un élément clé de ce qu’il affirmait être l’un de ses objectifs commerciaux. Cela concordait avec le flou relatif au moment d’une vente potentielle une fois la maison terminée. Selon les éléments de preuve, cela pourrait dépendre de l’augmentation du prix, de l’argent nécessaire pour acheter de l’équipement ou de la décision des actionnaires de fermer l’entreprise.

[36]  De plus, toujours selon les éléments de preuve, la maison était construite dans une communauté de villégiature fréquentée par la famille Mair. Elle est située à trois heures de route de Calgary, où se trouve l’entreprise. M. Mair et son fils sont tous deux des pilotes de planeur, et l’aéroport est situé à proximité immédiate de cette propriété. Dans les documents soumis au ministre pour appuyer les CTI (pièce R-10), une facture à Canyon Hot Springs Resort Ltd. avait été incluse par inadvertance. Bien que M. Mair ait reconnu le caractère personnel de cette facture, il faut en conclure que la famille a utilisé les installations de Hot Springs.

[37]  Il ressort de tout cela qu’il n’y avait pas d’indice objectif indépendant pour appuyer l’affirmation de l’appelante selon laquelle cette propriété était, en fait, un élément d’actif de l’entreprise. Une certaine absence de formalisme régnait dans tous les registres d’entreprise, ce qui était particulièrement évident dans le manque de documentation concernant la propriété de Fairmont. Cela n’a pas été inclus dans les états financiers de l’entreprise. Aucun procès-verbal d’entreprise ni résolution d’entreprise n’a été produit à l’audience. Bien que M. Mair ait indiqué qu’il avait parlé à un certain nombre de professionnels de la viabilité de ce projet, aucun d’entre eux n’a témoigné, et rien ne prouvait qu’un plan d’entreprise concret avait été élaboré. La majorité des CTI réclamés dans leurs déclarations, notamment en ce qui concerne les dépenses associées à la propriété, ne figuraient pas dans le grand livre de l’appelante (note 1, pièce R-9). Si la maison était un élément d’actif commercial, on pourrait s’attendre à ce qu’elle soit inscrite à titre d’élément d’actif dans le bilan de l’entreprise et, en outre, que les achats correspondants soient comptabilisés dans son grand livre général. Ces faits, jumelés au titre légal du terrain, sont des éléments de preuve qui pèsent lourdement contre la conclusion voulant que les dépenses associées à la maison aient été engagées dans le contexte d’une activité commerciale. Le prétendu contrat conclu en novembre 2012 entre l’appelante et Kristian Mair était tellement informel et désinvolte qu’il ne pouvait pas déroger au principe fondamental des biens immobiliers invoqué par l’intimée selon lequel, comme point de départ des transactions immobilières, il sera présumé que la propriété d’un bien, tel que la maison de Fairmont, construite sur le terrain, sera cédée avec le terrain (Canada c. Polygon Southampton Development Ltd., 2003 CAF 193, [2003] ACF no 674). Cela signifie que c’était le fils qui était le propriétaire légal du terrain et de la maison construite sur le terrain. Aucun autre document de transaction n’a été déposé comme élément de preuve susceptible de renverser cette présomption. L’appelante n’a tout simplement aucun droit de propriété légal sur cet immeuble, et les éléments de preuve documentaire ne permet pas de penser que cette propriété est devenue ou était destinée à devenir une immobilisation de l’appelante.

[38]  Même si j’en étais arrivée à une conclusion différente, les éléments de preuve ne permettent pas de penser que la construction de la maison était un risque ou une affaire de caractère commercial. Dans l’arrêt The Queen v Continental Bank Leasing Corporation et al, 96 DTC 6355, à l’alinéa 6, la Cour d’appel fédérale a résumé les exigences et les principes à prendre en compte pour déterminer si une transaction constitue un risque ou une affaire de caractère commercial.

[traduction]

6 [...] Les principales causes à cet égard, en l’occurrence Minister of National Revenue v. Taylor, [1956] C.T.C. 189, 56 D.T.C. 1125; Regal Heights Ltd. v. Minister of National Revenue, [1960] S.C.R. 902, [1960] C.T.C. 384, 60 D.T.C. 1270; Irrigation Industries Ltd. v. Minister of National Revenue, [1962] S.C.R. 346 [1962] C.T.C. 215, 62 D.T.C. 1131; Atlantic Sugar Refineries Ltd. v. Minister of National Revenue, [1948] C.T.C. 326, [1948] Ex. C.R. 622, suggèrent que divers critères doivent être examinés pour prendre la décision. Il s’agit notamment de l’intention des parties, de la question de savoir si le comportement en cause était semblable à celui d’un commerçant ordinaire, de la nature et de la quantité des biens en cause, de la nature isolée de la transaction et du caractère unique de la transaction par rapport aux activités ordinaires du contribuable.

[39]  M. Mair a déclaré dans son témoignage que la maison avait été construite dans le but de réaliser un profit dans l’avenir. Il a estimé qu’elle était située dans une zone susceptible d’attirer des acheteurs à revenu élevé. Bien que ses voisins aient pensé que leurs propriétés seraient rentables, il n’a pas apporté des éléments de preuve sur la nature des propriétés situées dans cette zone ni des éléments de preuve selon lesquels la propriété était située dans une zone propice à la spéculation. La famille a utilisé ses propres ressources financières sans emprunter et a effectué la construction elle-même pour réduire les coûts. Elle repose sur un terrain appartenant au fils, et le délai d’achèvement est d’environ six ans à ce jour. Ce comportement est très différent de celui des commerçants ordinaires en immobilier résidentiel où ils utilisent un financement et recherchent une rotation relativement rapide. La construction de la propriété de Fairmont était une transaction isolée. Aucune transaction similaire n’a eu lieu.

[40]  Enfin, je voudrais aborder le manque de documentation pour appuyer la réclamation de l’appelante concernant des CTI pour la construction de cette propriété. M. Mair a fourni plusieurs factures et reçus à cet égard, ainsi qu’un résumé de ces documents dans lesquels il concluait que la demande de CTI totalisait 9 691,01 $. L’avocat de l’intimée a soumis son propre résumé des mêmes documents, mais ce total était bien inférieur aux calculs de l’appelante. Par conséquent, même si j’avais pu extraire suffisamment de faits de la preuve pour conclure que la propriété de Fairmont faisait partie des activités commerciales de l’appelante, je n’aurais pas pu utiliser les documents qui m’ont été fournis pour appuyer les CTI réclamés par l’appelante parce qu’ils étaient pour la plupart peu fiables.

[41]  En résumé, sous réserve des concessions accordées, les voyages contestés fournis par l’appelante, tant pour les ventes omises que pour les ventes selon les règles, ont eu lieu au Canada. Comme aucun de ces voyages ne se faisait à l’extérieur du Canada, les fournitures sont assujetties à la TPS, pour laquelle l’appelante est tenue de percevoir et de verser la taxe. L’appelante n’a droit à aucun autre CTI que ceux autorisés par le ministre et les concessions de l’intimée.

[42]  Pour ces motifs, les appels sont accueillis, le tout sans dépens, afin de mettre en application les concessions suivantes :

1.  Pour la période de déclaration se terminant le 31 juillet 2013, la TPS perçue/à percevoir par l’appelante doit être réduite d’un total de 1 156,54 $ à l’égard des services de transport de passagers détaxés fournis aux passagers de

  a) Gem Tours Gem Tours & Travels PVT Ltd, comme l’indique une facture datée du 29 mai 2013;

  b) Discover Destinations, comme l’indique une facture datée du 24 mai 2013; et

  c) Jagat Mavani a/s Cloud 9 Infosystems, comme l’indique une facture datée du 12 juillet 2013.

2.  Pour la période de déclaration se terminant le 31 octobre 2013, la TPS perçue/à percevoir de l’appelante doit être réduite de 408,65 $ à l’égard des services de transport de passagers détaxés fournis aux passagers de Discover Destinations, comme l’indique une facture datée du 2 août 2013.

3.  Un CTI supplémentaire de 228,11 $ pour des matériaux de sièges d’autocar personnalisés achetés auprès de Sardo Bus & Coach Upholstery.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d’avril 2019.

« Diane Campbell »

La juge Campbell


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 72

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2017-3184(GST)I

INTITULÉ :

SUNSHINE COACH LTD. c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

DATES DE L’AUDIENCE :

Le 20 avril et le 26 novembre 2018

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Diane Campbell

DATE DU JUGEMENT :

Le 2 avril 2019

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me Wilhelm Mair

Avocat de l’intimée :

Me Adam Pasichnyk

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Wilhelm Mair

 

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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