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Dossier : 2018-879(IT)I

ENTRE :

AMBER GREEN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 7 janvier 2019, à Halifax (Nouvelle-Écosse)

Devant : L’honorable juge K.A. Siobhan Monaghan


Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me Kevin MacDonald

Avocat de l’intimée :

Me Max Kruger

 

JUGEMENT

  Conformément aux motifs du jugement ci-joints :

  L’appel interjeté à l’encontre d’une détermination d’admissibilité établie en application de la Loi de l’impôt sur le revenu par avis daté du 27 juillet 2017, confirmé le 4 décembre 2017, à l’égard de crédits d’impôt pour personnes handicapées est accueilli, sans dépens, et la détermination est renvoyée au ministre du Revenu national aux fins d’une nouvelle détermination et d’une nouvelle cotisation étant donné que l’appelante est admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées pour les années d’imposition 2015, 2016 et 2017.

  Signé à Calgary (Alberta), ce 3e jour d’avril 2019.

« K.A. Siobhan Monaghan »

La juge Monaghan


Référence : 2019 CCI 74

Date : 20190403

Dossier : 2018-879(IT)I

ENTRE :

AMBER GREEN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Monaghan

I. INTRODUCTION

[1]  Amber Green interjette appel de la détermination, lui ayant tout d’abord été délivrée par le ministre du Revenu national (le « ministre ») le 27 juillet 2017, selon laquelle elle n’est pas admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées (le « CIPH »). La détermination s’applique aux années d’imposition 2010 à 2017. Mme Green s’est opposée à l’avis de détermination en temps opportun, mais le ministre a confirmé la détermination par avis de confirmation délivré le 4 décembre 2017.

II. QUESTION EN LITIGE

[2]  Bien que les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi) sur le crédit d’impôt pour personnes handicapées soient loin d’être simples, de manière générale, le crédit est offert uniquement lorsque trois conditions sont satisfaites.

[3]  Tout d’abord, un médecin doit certifier en la forme prescrite par la Loi que le particulier, en l’occurrence Mme Green, a une déficience grave et prolongée. L’intimée ne conteste pas que Mme Green a satisfait à cette condition.

[4]  En deuxième lieu, le particulier doit avoir une ou plusieurs déficiences graves et prolongées des fonctions physiques ou mentales. Une fois de plus, l’intimée ne conteste pas que Mme Green a une déficience grave et prolongée des fonctions mentales. Par conséquent, cette condition est satisfaite.

[5]  En troisième lieu, l’effet des déficiences de Mme Green doit toujours ou presque toujours limiter de façon marquée sa capacité d’accomplir une ou plusieurs des activités courantes de la vie quotidienne. Dans la réponse, l’intimée énonce ce qui suit :

[traduction]

[. . .] l’appelante n’était pas admissible au CIPH pour les années d’imposition 2010 à 2017 parce que ses déficiences mentales n’ont pas eu d’effet sur sa capacité d’accomplir toujours ou presque toujours l’activité courante nécessaire de la vie quotidienne [. . .]

[6]  Mme Green n’est pas d’accord. La seule question en litige en l’espèce est de déterminer si la troisième condition relative au CIPH est satisfaite.

[7]  Pour l’emporter sur ce point, Mme Green doit établir les deux éléments de cette troisième condition :

i)  la déficience mentale doit limiter de façon marquée sa capacité d’accomplir une ou plusieurs des activités courantes de la vie quotidienne;

ii)  la déficience mentale doit toujours ou presque toujours avoir cet effet.

III. APERÇU DE LA TROISIÈME CONDITION

[8]  La Loi prescrit quand une activité de la vie quotidienne doit être considérée comme limitée de façon marquée. Plus précisément, la capacité d’un particulier d’accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée seulement si, même avec des soins thérapeutiques et l’aide des appareils et des médicaments indiqués, il est toujours ou presque toujours incapable d’accomplir une activité courante de la vie quotidienne (sans y consacrer un temps excessif) [1] .

[9]  L’expression « toujours ou presque toujours » n’est pas définie à cette fin. Toutefois, « toujours ou presque toujours » constitue une norme élevée à satisfaire. S’il n’est pas possible d’affirmer qu’elle exige un certain pourcentage de temps [2] , elle signifie beaucoup plus que la plupart du temps.

[10]  L’expression « activité courante de la vie quotidienne » est très précisément définie dans la Loi. Malheureusement, ce qui pourrait être considéré par monsieur et madame tout le monde comme une activité courante de la vie quotidienne peut ne pas être comprise dans cette expression telle qu’elle s’applique aux fins du CIPH. Par exemple, la Loi prescrit expressément que le travail, les travaux ménagers et les activités sociales ou récréatives ne constituent pas une activité courante de la vie quotidienne [3] . De même, bien que s’alimenter ou s’habiller soi-même soit une activité courante de la vie quotidienne [4] , la Loi énonce que ces activités ne comprennent pas identifier, rechercher, acheter ou se procurer autrement des aliments ou des vêtements ou préparer des aliments à moins que le temps associé à cette activité ne soit prolongé en raison d’une restriction ou d’une routine alimentaire [5] . Je fais cette précision pour illustrer la façon étroite dont la Loi définit une activité courante de la vie quotidienne.

[11]  Dans le cas de Mme Green, les seules activités courantes de la vie quotidienne (comme ce terme est défini dans la Loi) qui pourraient être considérées comme limitées de façon marquée sont « les fonctions mentales nécessaires aux activités de la vie courante » [6] . Cette phrase est définie dans la Loi de manière à ce que la mémoire, la résolution de problèmes, l’atteinte d’objectifs et le jugement (considérés dans leur ensemble), et l’apprentissage fonctionnel à l’indépendance soient englobés [7] . La signification de ces termes n’est pas fournie dans la Loi. En outre, l’utilisation du terme « compris » dans cette définition suggère que les fonctions mentales nécessaires à la vie courante ne sont pas limitées aux fonctions énumérées.

[12]  La question qui se pose alors est de savoir si, d’après la preuve en l’espèce, on peut dire que même avec des soins thérapeutiques et l’aide des médicaments indiqués, Mme Green est toujours ou presque toujours incapable d’accomplir les fonctions mentales nécessaires à la vie courante, y compris la mémoire, la résolution de problèmes, l’atteinte d’objectifs et le jugement (considérés dans leur ensemble), et l’apprentissage fonctionnel à l’indépendance, ou y consacre un temps excessif [8] . Pour répondre à cette question, il nous faut examiner les faits.

IV. CONTEXTE

[13]  Mme Green, sa mère et son beau-père ont tous les trois témoigné. Bien qu’aucun médecin n’ait comparu devant la Cour, divers rapports médicaux et documents déposés auprès de l’ARC ont été présentés comme preuve par Mme Green. L’intimée n’a cité aucun témoin à comparaître.

[14]  Mme Green est âgée d’une trentaine d’années et souffre de trouble d’anxiété sociale grave, de trouble panique grave avec agoraphobie et de trouble modéré à grave d’anxiété généralisée et chronique, comme les a diagnostiqués un psychiatre. Elle a aussi un trouble dépressif persistant diagnostiqué par un deuxième psychiatre.

[15]  Mme Green vit actuellement seule dans un appartement qu’elle habite depuis environ cinq ans et demi. Elle décrit ce domicile comme le plus stable qu’elle ait eu depuis son départ de la maison familiale en 2007; elle n’est pas restée plus d’une année aux autres endroits où elle a vécu qui étaient des logements partagés. Jusqu’à ce qu’elle trouve son appartement actuel, elle a déménagé au moins deux fois par année parce qu’elle avait des problèmes à vivre avec d’autres personnes.

[16]  Bien que Mme Green croit qu’elle ait toujours souffert d’anxiété et de dépression, jusqu’au secondaire, ces maladies ne semblaient pas, du moins en apparence, avoir un effet significatif sur elle. Elle avait de bons résultats au primaire et au premier cycle du secondaire, mais ses notes ont chuté par la suite au secondaire. Elle a affirmé qu’elle trouvait qu’il était difficile de se faire des amis, s’inquiétait de l’intimidation, avait peur de poser des questions aux enseignants et craignait constamment de prendre du retard. Elle a toutefois obtenu son diplôme de l’école secondaire et à l’automne 2005, elle s’est inscrite à l’Université St. Mary’s.

[17]  Malheureusement, ses résultats n’étaient pas satisfaisants et elle a été invitée à abandonner en 2006. Elle a affirmé que certains jours, elle ne pouvait pas se résoudre à assister aux cours, et puis elle avait peur de revenir, elle prenait du retard et elle a finalement échoué. En 2007, elle a réussi un cours de maquillage de trois mois à la suite duquel elle a fait du travail à la pige. Toutefois, le travail à la pige a arrêté en 2009 ou en 2010. Plusieurs fois au cours de son témoignage, Mme Green a mentionné des amis (même si on ne sait pas combien elle en a ou quelle est la profondeur de ces liens amicaux) et elle a affirmé qu’elle s’appuie sur eux, ainsi que sur sa mère, pour l’aider à l’égard de ce que la plupart d’entre nous peut considérer comme des activités « normales » de la vie quotidienne. Dans le passé et aussi récemment qu’en 2014, elle allait à des soirées. Cependant, les soirées ont mené à une consommation excessive d’alcool, tout d’abord aux soirées, puis seule à la maison. Sa mère et elle ont décrit sa consommation d’alcool comme un mécanisme d’adaptation, un moyen temporaire d’oublier ses problèmes. Bien que Mme Green ait des antécédents d’automutilation et d’abus d’alcool, elle ne se livre plus à de tels comportements et, avec raison, elle et sa mère sont fières de cette réalisation.

[18]  Entre 2009 et 2012, Mme Green a essayé un certain nombre d’emplois différents, y compris la vente au détail, le travail de caissière et le travail dans un centre d’appels. Elle a eu des emplois chez La Senza, Canadian Tire et la pharmacie Shoppers Drug Mart. Mme Green a décrit l’expérience comme [traduction] « absolument terrifiante ». Elle n’a aimé aucune partie du travail et n’a pas occupé très longtemps ces postes.

[19]  La mère et le beau-père de Mme Green possèdent et exploitent un atelier de réparation automobile. En 2012, ils ont embauché Mme Green pour aider au bureau. Son beau-père a affirmé que n’eût été qu’elle était sa fille, il ne l’aurait pas embauchée. Quand on lui demande pourquoi, il a affirmé qu’il sait que l’entrevue ne se serait pas bien déroulée. Cependant, ils avaient besoin d’aide et Mme Green avait besoin d’argent, et lui et son épouse ont convenu de l’embaucher. Mme Green a déclaré qu’elle devait travailler à temps plein lorsqu’elle fut tout d’abord engagée, mais qu’elle a été absente à plusieurs reprises, et elle estime qu’elle a initialement travaillé 28 ou 30 heures par semaine. Cela concorde avec le témoignage de son beau-père (6 heures par jour). Sa mère a cependant déclaré que Mme Green avait été embauchée pour travailler seulement 20 heures par semaine.

[20]  La mère de Mme Green a décrit Mme Green comme responsable pour aider à la tenue de livres et à la saisie de données, c’est-à-dire, la saisie de renseignements des factures dans le système de comptabilité. Toutefois, si l’une des factures dans la pile devant elle n’entrait pas dans la catégorie des factures « types », Mme Green devenait désorientée, désemparée et paniquée au point de ne pas pouvoir continuer sans aide. Néanmoins, Mme Green effectuait adéquatement le travail au début. Sa mère l’a décrite comme une travailleuse acharnée qui était très douée dans ce qu’elle faisait, mais qui ne pouvait pas gérer les situations qui ne cadraient pas bien avec le processus qu’elle connaissait. Mme Green avait également besoin de sa mère au bureau. Si sa mère avait à s’absenter, Mme Green ne se présentait pas. Si sa mère devait quitter le bureau pour un rendez-vous ou une autre raison, Mme Green devenait très anxieuse.

[21]  Bien que son beau-père voulait qu’elle réponde au téléphone au bureau, elle n’était pas en mesure de le faire et lorsque des visiteurs se présentaient au bureau, Mme Green ne parlait pas avec eux. Mme Green a déclaré qu’elle voulait partir et se cacher si un client arrivait. Son beau-père a décrit ce comportement comme difficile pour son entreprise. Alors qu’il savait qu’il était très difficile pour Mme Green d’interagir avec les clients, vu de l’extérieur, il semblait que Mme Green était simplement impolie.

[22]  Le beau-père de Mme Green a témoigné que le rendement de Mme Green au bureau a commencé à baisser lorsque l’entreprise a déménagé en 2013. Le nouvel emplacement était mieux pour l’entreprise, mais l’espace de bureau était plus petit. Au départ, ils ont rénové les locaux pour que Mme Green puisse être dans un bureau éloigné des clients. Cependant, lorsque les activités de l’entreprise se sont développées, ils ont ultimement eu besoin de cet espace pour stocker des pièces. Ainsi, Mme Green a dû déménager de ce bureau pour s’installer à la réception. La situation est ensuite devenue très difficile parce que Mme Green était devant, là où les clients arrivaient. Les affaires ont pris de l’ampleur ce qui fait que beaucoup plus de clients venaient au bureau. Mme Green trouvait que traiter avec les gens était très stressant et, parce qu’elle ne répondait pas aux clients, son beau-père a eu quelques expériences difficiles et frustrantes à l’égard de ceux-ci. Il a décrit un client sortant le retrouver parce que Mme Green ne voulait pas lui parler. Cela pouvait donner l’impression qu’elle choisissait délibérément de négliger le client, quand en fait elle ne pouvait pas se résoudre à lui parler. À l’automne 2014, son beau-père était extrêmement préoccupé à l’égard de l’entreprise et de son mariage.

[23]  Au début de 2015, la mère de Mme Green a décidé de congédier cette dernière. Sa mère a décrit la situation comme une décision difficile à prendre. Elle sentait toutefois qu’elle devait la prendre en tant qu’employeur. Le rendement de Mme Green baissait, elle arrivait au travail sale ou ne se présentait pas du tout, elle était submergée par le stress et, comme l’a dit sa mère, ce n’est pas ce qu’un employeur souhaite. Selon sa mère, Mme Green avait besoin d’arrêter de travailler pour obtenir de l’aide et aller mieux. Sa mère a pris cette décision sans en discuter avec son mari. Elle l’a plutôt mis devant les faits accomplis après avoir congédié Mme Green. Il a affirmé qu’il avait été surpris, mais soulagé, car il pensait que c’était ce qu’il y avait de mieux pour toutes les parties, y compris les autres employés de l’entreprise.

[24]  La mère de Mme Green l’a décrite comme une artiste de talent. Mme Green avait commencé à peindre dans le cadre de sa thérapie et certains de ses amis lui ont demandé de peindre des tableaux de leurs animaux de compagnie. Il semble que ses tableaux aient été aimés et, à la fin de 2017, Mme Green a décidé d’essayer de gagner de l’argent en sollicitant des mandats de portraits d’animaux pour Noël. Cependant, ayant accepté trop de mandats, Mme Green a été dépassée et est devenue extrêmement stressée. Elle avait des difficultés majeures à gérer la situation et à achever le travail.

[25]  Mme Green prépare ses propres repas, peut s’habiller et se laver d’elle-même et est généralement capable d’effectuer ses achats à l’épicerie Sobeys locale. Cependant, elle évite autrement tous les magasins de détail, sauf si elle est accompagnée par quelqu’un. Sa mère gère habituellement ses affaires bancaires et effectue ses déclarations de revenus, prend ses rendez-vous médicaux et autres et prend en charge toutes les communications avec des tiers pour Mme Green. Mme Green n’assiste à aucun rendez-vous médical sans sa mère. Une fois au rendez-vous, elle va parfois dans le bureau du médecin seule, mais elle a clairement fait savoir qu’elle n’irait pas à ses rendez-vous si elle avait à s’y rendre seule, peu importe la gravité de sa maladie.

[26]  Sa mère affirme que Mme Green a des difficultés à s’adapter socialement, à participer à des activités sociales et récréatives ou à travailler. Elle prend l’autobus seule pourvu qu’elle connaisse bien le trajet, mais elle n’aime pas le faire, estimant que la situation est stressante et évite de le faire si elle peut. Mme Green a affirmé qu’elle a parfois besoin d’envoyer un message texte à sa mère pour se rassurer quand elle est dans l’autobus.

[27]  Même si Mme Green est capable de faire sa propre lessive, elle l’apporte à la maison de sa mère plutôt qu’à la buanderie de son immeuble d’habitation. La maison de sa mère est située à environ 20 minutes en voiture de la sienne. Toutefois, étant donné que Mme Green ne conduit pas, elle rentre à la maison avec sa mère pour faire sa lessive après un rendez-vous auquel elles sont allées ensemble. Cela est évidemment peu pratique et prend plus de temps que si elle faisait la lessive dans son immeuble d’habitation. Il serait toutefois trop stressant de le faire, car elle craint de rencontrer un autre résident de l’immeuble. Elle ne se rendra tout simplement pas à la buanderie de l’immeuble.

[28]  Mme Green prend des médicaments à l’égard de sa dépression et de son anxiété depuis le temps où elle était au secondaire et estime qu’elle a essayé entre 10 et 15 médicaments différents. Il a été difficile d’en trouver un qui soit efficace. Elle a été soignée par son médecin de famille qui, avec sa famille, a essayé au cours de la dernière décennie de trouver un psychiatre prêt à la prendre comme patiente. Il y a une pénurie de psychiatres en Nouvelle-Écosse. Les deux psychiatres qui ont rencontré Mme Green indiquent dans leurs rapports qu’ils sont incapables de la prendre comme patiente. Ils ont plutôt convenu de la rencontrer, à la demande de son médecin de famille, pour diagnostiquer sa maladie et faire des recommandations de traitement. En réponse à une question d’un troisième psychiatre, la mère de Mme Green a été avisée que le psychiatre fournirait une évaluation initiale et, lorsque cela est indiqué, une psychothérapie à court terme. Toutefois, cette psychiatre a été claire à l’égard du fait qu’elle ne suivrait pas Mme Green à long terme et qu’elle ne connaissait aucun autre psychiatre prenant de nouveaux patients.

[29]  Mme Green travaillait auparavant avec un thérapeute particulier, et sa mère a dit que cela fonctionnait bien. Toutefois, lorsque ce thérapeute a déménagé, Mme Green a trouvé difficile de s’ajuster. C’était presque comme s’ils avaient à recommencer à zéro.

[30]  Je n’ai aucun doute à l’égard du fait que la difficulté d’accès à un traitement approprié est une cause de frustration et d’inquiétude considérable. Toutefois, sa mère a affirmé que Mme Green se rend maintenant régulièrement à des consultations. Avec l’aide d’un thérapeute et de médicaments, Mme Green travaille à surmonter ses angoisses et ses phobies. Elle a eu quelques petits succès, qui doivent bien sûr être soulignés, mais ils sont modestes. Par exemple, elle affirme qu’elle a récemment surmonté son anxiété face à la sortie de ses ordures ménagères. Il reste beaucoup de travail et elle continue de dépendre fortement de sa mère.

[31]  Mme Green reçoit actuellement un soutien du revenu provincial en raison de sa déficience. Elle travaille de nouveau dans l’entreprise familiale, mais seulement une dizaine d’heures par mois. Elle participe également à une thérapie, prend des médicaments et utilise de l’huile de CBD. Elle se décrit comme passant la plupart de son temps dans son appartement en raison de ses attaques de panique. Elle a tendance à tout dramatiser; à imaginer le pire scénario pouvant arriver si elle va quelque part ou fait quelque chose. Elle éprouve parfois des difficultés à s’endormir ou à rester endormie et ne se sent pas reposée ou revigorée après le sommeil. Mme Green a décrit que certains jours elle reste au lit toute la journée en raison d’une humeur sombre et d’un manque de motivation. Elle se décrit comme vivant seule, mais pas de façon autonome. Sa mère est tout à fait d’accord.

[32]  Mme Green semble faire des progrès dans certains domaines de sa vie. Elle voudrait être en mesure de travailler à temps plein et de subvenir à ses besoins, mais sent qu’elle aurait besoin d’avoir un emploi où elle ne doit parler à personne ou ne pas répondre au téléphone.

[33]  Les rapports médicaux présentés par Mme Green sont largement cohérents avec son témoignage et celui de ses parents. En remplissant le Certificat pour le crédit d’impôt pour personnes handicapées (formulaire T2201), le médecin de famille de Mme Green a estimé que Mme Green était limitée de façon marquée dans l’accomplissement des fonctions mentales nécessaires à la vie quotidienne. Il décrit ce qu’il comprend des effets de ses déficiences, mais reconnaît que sa description est largement fondée sur ce que des tiers lui ont décrit. Cela n’est pas surprenant. Comme l’a souligné la juge Woods dans la décision Gibson c. La Reine [9] , les médecins en général n’ont pas une connaissance personnelle des activités de la vie quotidienne d’un patient. Le médecin ne serait pas témoin de la plupart des détails que l’ARC exige qu’un médecin décrive, plus précisément lorsque la déficience est mentale, plutôt que physique.

[34]  Néanmoins, il est son médecin de famille depuis très longtemps [10] et contribue à l’obtention de soins psychiatriques pour Mme Green. Je suis convaincu qu’il a une expérience significative dans l’écoute de ses difficultés au cours des années et qu’il a lu les rapports des autres professionnels de la santé auxquels il a référé Mme Green.

[35]  Après avoir reçu le certificat rempli, l’ARC a demandé des renseignements supplémentaires au médecin de famille de Mme Green sous la forme d’une lettre préimprimée comportant une liste de questions auxquelles il faut répondre par « oui » ou « non » et un espace pour qu’il fournisse des détails à l’égard de ses réponses. Le formulaire exige des détails seulement là où la réponse à la question semblerait soutenir une détermination d’admissibilité au CIPH.

[36]  Selon ses réponses, le médecin de famille de Mme Green était tenu de fournir des détails au sujet de seulement deux des six questions, ce qui laisse supposer que ses réponses à quatre des questions indiquaient qu’elle n’était pas admissible au CIPH. Il est peut-être par conséquent compréhensible que le ministre ait déterminé que Mme Green n’était pas admissible au CIPH. Cependant, bien qu’il ne soit pas tenu de le faire, le médecin de famille de Mme Green a ajouté des détails pour chaque question. Ce détail fournit un contexte important à ses réponses. Par exemple, il a répondu oui à la question suivante :

[traduction] Votre patiente peut-elle appliquer ses compétences à l’égard de la vie quotidienne indépendamment (p. ex., prendre soin d’elle, aller dans la communauté, faire des achats simples sans l’aide ou la surveillance d’une autre personne)?

[37]  Des détails étaient requis uniquement si sa réponse était négative. Bien qu’il ait répondu positivement, il a précisé que cela était difficile pour Mme Green et que la plupart du temps ses déplacements dans les magasins, le paiement des factures, etc., se faisaient avec sa mère. Il a souligné que l’anxiété sociale de Mme Green provoque beaucoup d’évitement, de procrastination et de repli et fait qu’elle ne s’est jamais bien débrouillée de manière indépendante.

[38]  De la même façon, il a répondu positivement à la question [traduction] « Votre patiente peut-elle prendre des décisions et porter des jugements qui sont appropriés dans des situations de la vie quotidienne? » et a par conséquent pu éviter l’obligation de fournir plus de détails. Néanmoins, il a poursuivi en commentant comme suit : [traduction] « Mme Green ne traverserait pas la rue sur un feu rouge », mais [traduction] « ses choix sont influencés par son anxiété et elle pourrait éviter des interactions sociales ou d’aller au travail ».

[39]  Ces exemples illustrent les lacunes des formulaires de l’ARC. Comme la juge Woods l’a souligné dans la décision Gibson, les formulaires constituent peut-être une façon pratique pour l’ARC d’obtenir des renseignements, mais ils ne donnent pas toujours une représentation exacte et les questions posées peuvent ne pas correspondre aux circonstances. En outre, les réponses affirmatives ou négatives aux questions seront nécessairement influencées par la manière dont la question est interprétée par la personne à qui on a demandé de remplir le formulaire, comme l’illustrent les deux exemples ci-dessus. Étant donné les choix s’offrant à lui, le médecin de famille de Mme Green a répondu par « oui » ou « non », comme il était tenu de le faire. Toutefois, étant donné les détails qu’il a fournis, il me semble que dans chaque cas il s’agissait d’un « oui » assorti de réserves. Autrement dit, étant donné les détails qu’il a fournis en ce qui concerne la première d’entre elles, il aurait pu considérer répondre négativement parce que Mme Green éprouve une difficulté extrême à sortir dans la communauté et à effectuer de simples achats sans l’aide d’une autre personne. Elle évite de quitter son domicile autant qu’elle peut. De la même façon, son interprétation de la signification des décisions appropriées (« différencier le bien du mal ») a influencé sa réponse à la deuxième question.

V. LE DROIT

[40]  Plusieurs causes ont traité de la disponibilité du CIPH dans le contexte des déficiences mentales. Toutefois, la question de savoir si un contribuable est admissible au CIPH est principalement une question de fait et ma décision en l’espèce doit être fondée sur les faits relatifs à Mme Green. Néanmoins, en appliquant les dispositions législatives aux faits concernant Mme Green, je m’appuie sur les principes énoncés dans la jurisprudence antérieure. La décision Johnston [11] dans laquelle le juge Létourneau énonce ce qui suit est particulièrement utile :

Objectif et historique des dispositions légales

[10]  L’objectif des articles 118.3 et 118.4 ne vise pas à indemniser la personne atteinte d’une déficience mentale ou physique grave et prolongée, mais plutôt à l’aider à défrayer les coûts supplémentaires liés au fait de devoir vivre et travailler malgré une telle déficience. Comme le juge Bowman le dit dans l’arrêt Radage v. R., à la p. 2528 :

L’intention du législateur semble être d’accorder un modeste allégement fiscal à ceux et celles qui entrent dans une catégorie relativement restreinte de personnes limitées de façon marquée par une déficience mentale ou physique. L’intention n’est pas d’accorder le crédit à quiconque a une déficience ni de dresser un obstacle impossible à surmonter pour presque toutes les personnes handicapées. On reconnaît manifestement que certaines personnes ayant une déficience ont besoin d’un tel allégement fiscal, et l’intention est que cette disposition profite à de telles personnes.

Le juge poursuit à la p. 2529 en faisant la remarque suivante, à laquelle je souscris :

Pour donner effet à l’intention du législateur, qui est d’accorder à des personnes déficientes un certain allégement qui atténuera jusqu’à un certain point les difficultés accrues avec lesquelles leur déficience les oblige à composer, la disposition doit recevoir une interprétation humaine et compatissante.

[11]  En effet, même si elles ne s’appliquent qu’aux personnes gravement limitées par une déficience, ces dispositions ne doivent pas recevoir une interprétation trop restrictive qui nuirait à l’intention du législateur, voire irait à l’encontre de celle-ci.

[41]  Le juge Bowman a formulé d’autres principes importants dans la décision Radage c. Canada [12] . À cette époque, le critère pertinent visait une limitation marquée de la capacité de percevoir, de penser et de se souvenir. À cet égard, le juge Bowman a déclaré ce qui suit :

[. . .] et c’est le principe le plus difficile à formuler – les critères à employer pour en arriver à déterminer si la déficience mentale est d’une telle gravité que la personne a droit au crédit, c’est-à-dire que la capacité de cette personne de percevoir, de penser et de se souvenir est limitée de façon marquée au sens de la Loi. Il n’est pas nécessaire que la personne soit complètement automate ou dans un état anoétique, mais la déficience doit être d’une gravité telle qu’elle imprègne et affecte la vie de la personne au point où cette dernière est incapable d’accomplir les activités mentales permettant de fonctionner d’une manière autonome et avec une compétence raisonnable dans la vie quotidienne.

[Non souligné dans l’original.]

[42]  Le juge Bowman a également déclaré qu’en cas de doute en ce qui concerne la catégorie dont relève un demandeur, le doute doit être résolu à l’avantage de ce dernier.

[43]  Comme la Cour d’appel fédéral nous l’a enseigné, l’objectif du CIPH est d’offrir un allègement à une catégorie relativement restreinte de personnes handicapées; la portée est limitée aux personnes gravement limitées. Malheureusement, toutes les personnes souffrant d’un handicap ne seront pas admissibles.

VI. ANALYSE

[44]  Il s’agit là d’une cause difficile. D’une part, il est clair que l’anxiété sociale, la dépression et les phobies de Mme Green ont un effet significatif sur sa capacité de fonctionner de la manière à laquelle la société s’attend à ce que des adultes fonctionnent. Elle n’est pas en mesure de mener sa vie quotidienne comme le feraient la plupart des gens. Elle est facilement débordée, évite les contacts sociaux et préfère rester à la maison seule plutôt que de quitter son appartement. Elle est fortement tributaire de sa mère et de ses amis pour l’aider à prendre des décisions que la plupart des gens considèrent banales et faciles et pour mener à bien ce que la plupart des gens considèrent des tâches routinières.

[45]  D’autre part, bien que Mme Green ait souffert d’anxiété sociale, de dépression et de diverses phobies depuis très longtemps, au moins avant 2015, elle a pu, mais avec quelques difficultés, aller à l’école, travailler, assister à des soirées et passer du temps avec des amis.

[46]  Mme Green a été à la barre des témoins pendant une longue période et, même si elle dit qu’elle était assurément stressée de se présenter à la cour, elle ne semblait pas avoir de difficultés particulières à l’égard de son témoignage, tant au cours du témoignage principal qu’au cours du contre-interrogatoire. Les deux avocats se sont toutefois montrés très respectueux à l’égard de ses défis et ont fait des efforts pour s’assurer qu’elle soit à l’aise. Mme Green a un logement stable depuis plus de 5 ans et, avec la thérapie et des médicaments, progresse dans l’atteinte de certains de ses objectifs. Elle travaille un peu dans l’entreprise de ses parents. Elle a cessé les comportements destructeurs auxquels elle se livrait pour faire face à son anxiété et à sa dépression. Elle doit être félicitée pour tout cela, compte tenu notamment de ses difficultés à trouver des soins psychiatriques et des soins thérapeutiques constants. Toutefois, il est également clair que Mme Green demeure fragile en raison de sa maladie, même si on peut souligner de petits (quoique importants) succès.

[47]  L’avocat de l’intimée fait valoir que, compte tenu de ce que la loi prescrit expressément comme étant ou non une activité courante de la vie quotidienne, Mme Green n’est pas admissible au CIPH. Il fait remarquer qu’elle est capable de faire beaucoup de choses seule – prendre son bain, s’habiller, cuisiner, faire l’épicerie, prendre l’autobus – et que la principale difficulté qu’elle a est de travailler ou d’interagir avec des personnes qui ne sont pas de sa famille ou de ses amis. Il souligne que la Loi prévoit expressément que le travail ne doit ne pas être considéré comme une activité courante de la vie quotidienne et, comme je l’ai mentionné ci-dessus, pas plus que l’entretien ménager ou les activités sociales ou récréatives. Une fois de plus, cela fait ressortir les circonstances très étroites dans lesquelles le CIPH est offert.

[48]  Mais, le fondement de la réclamation de Mme Green est sa capacité à accomplir les fonctions mentales nécessaires à la vie quotidienne. Dans l’évaluation de la situation, j’ai demandé si la preuve établissait que la maladie mentale de Mme Green est d’une gravité telle qu’elle influe sur sa vie et l’imprègne au point qu’elle est incapable d’accomplir les fonctions mentales qui lui permettraient de fonctionner d’une manière autonome et avec une compétence raisonnable dans la vie quotidienne. Dans ce contexte, l’accent est mis sur sa mémoire, son apprentissage fonctionnel à l’indépendance et sa résolution de problèmes, l’atteinte de ses objectifs et son jugement (considérés dans leur ensemble). Ces trois éléments des fonctions mentales nécessaires à la vie quotidienne sont considérés de façon disjonctive [13] .

[49]  Un des défis importants dans l’évaluation de l’incidence des déficiences mentales sur la vie quotidienne est que la déficience peut être présente tout le temps, mais les symptômes peuvent ne pas l’être [14] ou, lorsque présents, peuvent ne pas être visibles pour l’entourage du particulier qui souffre des déficiences mentales [15] .

[50]  Au procès, je n’ai rien constaté qui permette de croire que Mme Green avait des difficultés à l’égard de sa mémoire. En effet, dès le début de son témoignage, elle a été capable d’énumérer quelque 16 endroits où elle a vécu. Elle savait l’année de l’obtention de son diplôme de l’école secondaire, quand elle a fréquenté l’université et quand elle a suivi le programme de maquillage de trois mois. Elle a témoigné en ce qui concerne bon nombre de ses expériences de vie datant de l’école primaire. En conséquence, je suis convaincu que Mme Green n’a pas de trouble significatif de la mémoire nuisant à sa capacité d’accomplir les fonctions mentales de la vie courante.

[51]  L’apprentissage fonctionnel à l’indépendance n’est pas défini dans la Loi. Comme je l’ai mentionné ci-dessus, les dispositions relatives au CIPH visaient précédemment une limitation marquée dans la capacité « de percevoir, de penser et de se souvenir ». De nombreuses préoccupations ont été soulevées quant à l’efficacité de ces termes, y compris par les représentants des personnes ayant des déficiences mentales [16] et, depuis 2005, l’expression « de percevoir, de penser et de se souvenir » a été remplacée par « fonctions mentales nécessaires aux activités de la vie courante ». Les notes explicatives accompagnant l’avant-projet de loi [17] référaient à la suggestion du Comité consultatif technique [18] suggestion selon laquelle la langue utilisée par l’ARC sur le formulaire T2201 fournit une description plus claire des effets de la déficience des fonctions mentales que le libellé législatif. Il semble que cela ait influencé le changement dans le libellé de la loi. Toutefois, les notes explicatives sont également claires à l’égard du fait que l’objectif de la modification est de clarifier la législation existante plutôt que d’élargir l’admissibilité au CIPH.

[52]  Les notes explicatives décrivent l’apprentissage fonctionnel à l’indépendance comme étant les fonctions qui ont trait aux soins personnels, à la santé et à la sécurité, aux aptitudes sociales et aux transactions simples et ordinaires. Le formulaire T2201 rempli par le médecin de famille de Mme Green reproduit en grande partie cette formulation. L’apprentissage fonctionnel à l’indépendance a été décrit ailleurs comme [traduction] « la façon dont une personne gère les demandes courantes de la vie et son degré d’autonomie par rapport à d’autres personnes d’âge et de milieu semblables » [19] .

[53]  D’une certaine manière, Mme Green est tout à fait capable de prendre soin d’elle-même; elle peut s’habiller, se laver, se nourrir et faire sa propre épicerie. Elle peut faire sa propre lessive, mais uniquement dans un environnement contrôlé. Elle peut gérer ses propres médicaments et vit seule. Elle semble avoir des connaissances à l’égard de sa maladie. Il est également clair que sa maladie mentale influe négativement sur ses capacités relatives aux aptitudes sociales et aux transactions simples et ordinaires (du point de vue de la société). Elle ne peut pas travailler sauf dans une certaine mesure dans l’entreprise familiale, elle évite les interactions sociales avec tout le monde, sauf les membres de sa famille et ses amis proches et elle reste dans son appartement autant qu’elle le peut. Comme sa mère l’a décrit, tant qu’elle reste dans son appartement, elle s’en sort, mais c’est parce qu’alors elle n’a à faire face à aucune situation. Elle est largement tributaire de sa mère pour presque toutes les activités de la vie quotidienne.

[54]  À mon avis, l’évaluation de l’apprentissage fonctionnel à l’indépendance de Mme Green n’est pas un exercice de compilation par lequel on isole ce qu’elle peut faire et le compare à ce qu’elle ne peut pas faire. Il s’agit plutôt d’un exercice pour déterminer si sa maladie mentale porte atteinte de façon marquée à son apprentissage fonctionnel à l’indépendance comme question globale. Sa maladie mentale porte-t-elle atteinte à ses capacités en matière de soins personnels, de santé, de sécurité, d’aptitudes sociales et de transactions simples et ordinaires de la vie (c.-à-d., les fonctions mentales nécessaires à la vie quotidienne) et à son autonomie d’y voir? À la lumière des éléments de preuve, je suis convaincu selon la prépondérance des probabilités que c’est le cas toujours ou presque toujours, à tout le moins depuis 2015.

[55]  Étant donné cette conclusion, je n’ai pas besoin d’examiner le troisième élément des fonctions mentales nécessaires à l’égard de la vie quotidienne : la résolution de problèmes, l’atteinte d’objectifs et le jugement (considérés dans leur ensemble). Toutefois, comme il s’agit d’une cause difficile, j’ai décidé de l’examiner.

[56]  Ces termes ont été définis dans les notes explicatives comme la capacité de résoudre des problèmes, d’établir et d’atteindre des objectifs, de prendre des décisions et de porter des jugements qui sont appropriés, formulation qui est répétée par l’ARC dans le formulaire T2201. Qu’est-ce que cela signifie dans ce contexte? Comme l’a déclaré son médecin de famille, le comportement de Mme Green n’est pas illogique, mais ses choix sont influencés par son anxiété. Elle peut rire de façon inappropriée ou autrement montrer des signes de son anxiété. Mme Green et ses parents citent aussi des exemples de ce qui pourrait être considéré comme un très mauvais jugement, compte tenu des conséquences, mais qui pour elle constitue le seul moyen de s’en sortir. Son anxiété entraîne beaucoup d’évitement, de procrastination et de repli aidant Mme Green à surmonter ses angoisses, mais qui ont mené à d’autres problèmes comme l’échec scolaire, la perte d’emploi, des activités d’automutilation, la réticence à poursuivre une thérapie et l’acceptation de trop de projets. Est-ce que cela indique que sa maladie mentale porte atteinte de façon marquée à sa résolution de problèmes, à l’atteinte de ses objectifs et à son jugement?

[57]  Il s’agit d’une question à laquelle il m’est plus difficile de répondre positivement qu’à la question concernant les répercussions sur l’apprentissage fonctionnel à l’indépendance. Cependant, je dois être conscient que la maladie mentale peut être une maladie invisible et, s’il y a un doute, le bénéfice du doute doit être donné à l’appelante. Partant de là, je suis convaincu que la maladie mentale de Mme Green A une incidence sur sa vie et l’imprègne de manière significative en tout temps et, par conséquent, nuit à ses capacités de résolution de problèmes, d’atteinte de ses objectifs et de jugement en ce qui concerne la vie quotidienne. Comment pourrait-il en être autrement?

[58]  Mme Green a fait appel de la détermination du ministre pour les années d’imposition 2010 à 2017. À la fin de l’audience, l’avocat de l’intimée a suggéré que dans le cas où je déterminerais que Mme Green est admissible au CIPH, je devrais limiter cette admissibilité à l’année d’imposition 2015 et aux années subséquentes. Selon la preuve, il semble qu’à bien des égards Mme Green s’en tirait avec plus de succès avant 2015. En contre-interrogatoire, Mme Green elle-même a dit qu’avant 2015, elle avait moins de difficulté à se débrouiller. Une fois de plus, il s’agit d’une décision difficile, mais la position avancée par l’avocat de l’intimée a un certain fondement. Alors que je ne nie pas que Mme Green ait souffert de sa maladie mentale pendant de nombreuses années avant 2015, je ne suis pas convaincu qu’avant 2015 on puisse dire que cette maladie mentale limitait toujours ou presque toujours de façon marquée ses fonctions mentales à l’égard de la vie quotidienne.

VII. CONCLUSION

[59]  Par conséquent, l’appel de la détermination du ministre est accueilli avec effet à partir de l’année d’imposition 2015. Chaque partie assumera ses propres dépens.

  Signé à Calgary (Alberta), ce 3e jour d’avril 2019.

« K.A. Siobhan Monaghan »

La juge Monaghan


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 74

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2018-879(IT)I

INTITULÉ :

AMBER GREEN c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 7 janvier 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge K.A. Siobhan Monaghan

DATE DU JUGEMENT :

Le 3 avril 2019

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me Kevin MacDonald

Avocat de l’intimée :

Me Max Kruger

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Kevin MacDonald

Cabinet :

Crowe Dillon Robinson LLP

Halifax (Nouvelle-Écosse)

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] Voir l’alinéa 118.4(1)b).

[2] Nonobstant cela, l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) indique généralement que toujours ou presque toujours signifie 90 % ou plus.

[3] Voir l’alinéa 118.4(1)d).

[4] Voir le sous-alinéa 118.4(1)c)(ii).

[5] Voir les alinéas 118.4(1)e) et f).

[6] Voir le sous-alinéa 118.4(1)c)(i).

[7] Voir l’alinéa 118.4(1)c.1).

[8] La Cour d’appel fédérale a déclaré que l’expression temps excessif dans ce contexte renvoie à un temps beaucoup plus long que ce que l’on considère comme normal. Voir Johnston c. La Reine, 98 D.T.C. 6169 (CAF).

[9] 2014 CCI 236.

[10] Il a déclaré l’avoir été depuis 1998 dans le formulaire T2201 et la mère de Mme Green a affirmé qu’il est le médecin de famille depuis des années.

[11] Johnston, précitée, note 8.

[12] [1996] 3 C.T.C. 2510 (C.C.I.)

[13] Radage, ibid et Gibson, précitée, note 9.

[14] Voir, par exemple, Bergeron c. La Reine, 2003 CCI 297.

[15] Buchanan c. La Reine, dossier 2000-1865-IT-I, conf. par 2002 CAF 231, constitue une bonne illustration de cette situation.

[16] À cet égard, voir l’analyse détaillée des significations diverses pouvant être attribuées à ces termes dans la décision Radage, précitée, note 12, commençant au paragraphe 20.

[17] Avant-projet de loi et notes explicatives relatifs à la mise en œuvre des mesures résiduelles du budget de 2005 modifiant l’impôt sur le revenu datés du 15 août 2005. Voir aussi l’annexe 8, « Mesures fiscales : renseignements supplémentaires » dans le budget fédéral du 23 février 2005.

[18] Comité consultatif technique sur les mesures fiscales pour les personnes handicapées. Ce comité a publié un rapport intitulé « Une fiscalité équitable pour les personnes handicapées » en décembre 2004.

[19] Community Living British Columbia, fiche technique, février 2011.

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