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Dossier : 2014-4148(IT)G

ENTRE :

DEANS KNIGHT INCOME CORPORATION,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 13, 14, 15, 16, 19 et 20 février 2018

à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : L’honorable juge B. Paris


Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me J. Kelly Hannan

Me Heather DiGregorio

Me Darian Khan

Avocats de l’intimée :

Me Robert Carvalho

Me Perry Derksen

Me Shannon Currie

 

JUGEMENT

Les appels interjetés des nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2009, 2010, 2011 et 2012 sont accueillis, conformément aux motifs de jugement ci-joints.

Les parties disposent d’un délai de 30 jours à compter de la date du présent jugement pour parvenir à un accord sur les dépens, faute de quoi elles seront invitées à déposer leurs observations écrites sur les dépens dans les 60 jours suivant la date du présent jugement. Leurs observations devront tenir sur quinze pages.


Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 5e jour d’avril 2019.

« B. Paris »

Le juge Paris

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de juillet 2019.

François Brunet, réviseur


 

Référence : 2019 CCI 76

Date : 20190405

Dossier : 2014-4148(IT)G

ENTRE :

DEANS KNIGHT INCOME CORPORATION,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Paris

[1]  L’appel porte sur la déduction par l’appelante de pertes autres qu’en capital et de crédits d’impôt au titre des dépenses de recherche scientifique et développement expérimental (« RS&DE ») et à l’investissement (« CII ») accumulés et non réclamés (collectivement, les « attributs fiscaux ») par suite d’une série d’opérations réalisées en 2008 et en 2009. Lesdites opérations avaient pour objectif de transférer la totalité des éléments d’actif et de passif de l’appelante dans une nouvelle société, d’utiliser la société coquille laissée derrière pour lancer un premier appel public à l’épargne (« PAPE ») et de réunir des fonds pour financer une nouvelle entreprise dont les bénéfices seraient protégés par la déduction des attributs fiscaux. C’est ce que les fiscalistes appellent une « opération de recapitalisation et de relance ».

[2]  Les opérations en cause ont été montées par un intermédiaire, Matco Capital Ltd. (« Matco »), une société de capital-risque. Matco a également investi une somme considérable dans la société de l’appelante, dans l’espoir de réaliser un bénéfice sur cet investissement à la suite des opérations susmentionnées.

Questions en litige

[3]  Tout d’abord, la Cour est appelée à décider si, par suite des opérations, Matco a obtenu une option d’achat sur la majorité des actions avec droit de vote de l’appelante et, en conséquence, si elle a acquis le contrôle de l’appelante aux termes du paragraphe 256(8) et de l’alinéa 251(5)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») [1] . Si Matco avait acquis le contrôle de l’appelante, il était impossible à celle-ci de déduire les attributs fiscaux aux termes des paragraphes 111(5), 37(6.1) et 127(9.1) de la Loi, que je désignerai collectivement les restrictions relatives au transfert des attributs fiscaux.

[4]  Subsidiairement, l’intimée soutient que la règle générale anti-évitement (la « RGAÉ ») de l’article 245 de la Loi joue et que l’appelante n’a donc pas le droit de déduire les attributs fiscaux.

Faits

[5]  Les parties ont déposé un exposé conjoint partiel des faits lors de l’audience. L’appelante a également cité à témoigner cinq personnes, dont David Goold, qui a été son président-directeur général de 2004 à 2010, et Alan Ross, directeur général chez Matco et avocat-fiscaliste principal chez Bennett Jones LLP, à Calgary.

[6]  Constituée en 1985, la société de l’appelante menait à l’origine des activités d’exploration minière. En 1992, elle a mis fin à ses activités d’exploration pour se tourner vers la recherche sur les médicaments et les additifs alimentaires nutritifs.

[7]  Les actions de l’appelante ont été inscrites à la Bourse de Toronto en 1999, puis à la Bourse NASDAQ en 2000.

[8]  En 2007, l’appelante a connu des problèmes de liquidités en raison des résultats décevants de l’essai clinique d’un médicament en cours de mise au point. La chute du prix de ses actions l’exposait à une radiation de la cote de la Bourse NASDAQ.

[9]  Vu ces difficultés, l’appelante a sollicité l’aide de PricewaterhouseCooper (« PwC ») pour trouver des moyens de tirer parti de ses attributs fiscaux. Sa situation précaire faisait douter l’appelante de sa capacité d’utiliser un jour ses attributs fiscaux, qui valaient autour de 90 millions de dollars.

[10]  En mai 2007, M. Goold s’est adressé au conseil d’administration de l’appelante et lui a présenté un plan de restructuration qui lui permettrait d’utiliser ses attributs fiscaux pour réaliser un bénéfice de 4 à 4,5 cents par dollar, soit un total de 3,5 à 4 millions de dollars. Selon le procès-verbal de cette réunion, M. Goold a informé les administrateurs que la restructuration nécessiterait le transfert de tous les éléments d’actif et de passif de l’appelante à une nouvelle société dont les actionnaires seraient les mêmes que ceux de l’appelante, et l’acquisition de celle-ci – qui à ce stade serait essentiellement une coquille possédant les attributs fiscaux – par une autre entité canadienne qui pourrait utiliser les attributs.

[11]  La situation financière de l’appelante a continué de se détériorer et, en novembre 2007, il lui restait des liquidités pour six mois.

[12]  Le 9 novembre 2007, M. Goold a annoncé au conseil d’administration que l’appelante avait reçu deux propositions à l’égard de la restructuration envisagée, dont une de Matco. Le procès-verbal de la réunion du 9 novembre 2007 du conseil d’administration fait état du projet de Matco [traduction] « d’incorporer la société acquise dans une entreprise gazière et pétrolière que Matco avait déjà repérée [...], moyennant des honoraires et l’acquisition d’une participation dans cette entreprise ».

[13]  Le 13 novembre 2007, Matco et l’appelante ont signé une lettre d’intention (la « lettre d’intention de novembre ») énonçant notamment les conditions suivantes : [traduction]

  • - Matco verserait à l’appelante une somme de 4 millions de dollars par l’achat d’une débenture convertible d’une valeur de 2,9 millions de dollars à l’appelante et le versement d’une somme additionnelle de 1,1 million de dollars (tel qu’il sera expliqué plus loin) au courant de l’année suivante.

  • - Dans la mesure où les attributs fiscaux valaient plus de 92 millions ou moins de 90 millions de dollars, le prix serait rajusté selon un rapport de 0,0414 $ par dollar.

  • - La débenture convertible détenue par Matco serait convertible à raison de 35 % des actions avec droit de vote et de toutes les actions sans droit de vote de l’appelante, qui, ensemble, constitueraient 77,78 % de la totalité des actions émises et en circulation.

  • - L’actif et le passif de l’appelante seraient transférés à une nouvelle société (« Newco »), dont les actions seraient détenues par les actionnaires actuels de l’appelante. Newco deviendrait la société mère de l’appelante.

  • - Newco aurait la garantie de pouvoir vendre le reste des actions de l’appelante pour un produit minimal de 1,1 million de dollars dans l’année suivante.

[14]  En décembre 2007, Matco a informé M. Goold qu’elle ne donnerait pas suite à la proposition. M. Ross a témoigné que les pourparlers relatifs à l’entreprise pétrolière et gazière avaient achoppé et que les attributs fiscaux n’étaient plus requis. Matco a également fait part à l’appelante de son intérêt pour une nouvelle opération en 2008.

[15]  Au début de 2008, l’appelante a mis en œuvre un arrangement aux termes duquel la société 0813361 B.C. Ltd. (ci-après, « Newco ») était constituée et la totalité des actions ordinaires en circulation, des options et des bons de souscription détenus par l’appelante étaient échangés contre des options d’acquisition d’actions ordinaires et des bons de souscription d’actions de Newco selon un rapport de huit pour un.

[16]  Newco a été constituée le 10 janvier 2008 et le plan d’arrangement est venu à échéance le 27 février 2008. Par suite de l’échange d’actions, l’appelante est devenue une filiale à cent pour cent de Newco, dont les actions ont commencé à remplacer les actions ordinaires de l’appelante aux bourses de Toronto et NASDAQ.

[17]  Selon la circulaire d’information diffusée le 14 janvier 2008 par la direction de l’appelante, la restructuration visait notamment à faciliter l’adhésion aux exigences d’inscription du NASDAQ relativement au cours acheteur minimal. La circulaire indiquait également :

[traduction] La direction [de l’appelante] estime que la nouvelle structure, en plus d’assurer la conformité aux exigences d’inscription du NASDAQ relativement au cours acheteur minimal, offrira un modèle plus souple qui permettra à Forbes d’apporter les rajustements nécessaires pour tirer parti de certaines occasions de financement dans l’avenir.

[18]  MM. Ross et Goold ont tous deux déclaré que les négociations entre Matco et l’appelante avaient repris en janvier 2008, mais qu’aucune entente n’avait été scellée quand le plan d’arrangement a été mis en œuvre.

[19]  Le 4 mars 2008, Matco et l’appelante ont signé une autre lettre d’intention (la « lettre d’intention de mars ») dont les conditions étaient essentiellement identiques à celles de la lettre d’intention de novembre. La lettre d’intention de mars stipulait ce qui suit : [traduction]

-  Newco recevrait 3,8 millions de dollars à l’acquisition par Matco d’une débenture convertible de 3 millions de dollars émise par l’appelante (convertible à raison de 35 % des actions avec droit de vote et de 100 % des actions sans droit de vote de l’appelante, ce qui constitue 79 % des actions à revenu variable de l’appelante) et une somme supplémentaire de 800 000 $ au cours de l’année suivante. Ces montants étaient sujets à rajustements en fonction du montant des attributs fiscaux.

- La totalité de l’actif existant de l’appelante et le montant du prix payé par Matco pour la débenture seraient transférés à Newco, laquelle prendrait en charge l’intégralité des dettes de l’appelante (l’« opération de scission partielle »).

[20]  La lettre d’intention de mars stipulait que le produit encaissé par l’appelante ferait l’objet d’un rajustement à la hausse ou à la baisse de 4,2 cents par dollar d’attributs fiscaux en sus ou en deçà de 90,8 millions de dollars.

[21]  Le 19 mars 2008, conformément à la lettre d’intention de mars, Matco, l’appelante et Newco ont conclu une entente (la « convention d’investissement »). Matco a convenu d’acheter une débenture de 3 millions de dollars (montant ultérieurement rajusté à 2,96 millions de dollars), convertible à raison de 35 % des actions ordinaires avec droit de vote et de 100 % des actions ordinaires sans droit de vote de l’appelante (la « débenture convertible »), et l’appelante a convenu de mener à terme l’opération de scission partielle et de s’abstenir de toute activité susceptible de réduire à néant la valeur des attributs fiscaux.

[22]  Selon la convention d’investissement, Matco autorisait Newco à vendre les actions restantes de l’appelante pour un prix minimal de 800 000 $ (le « montant garanti »). Cependant, la convention stipulait que Newco ne serait à aucun moment tenue de vendre ses actions de l’appelante à Matco. Les actions restantes constituaient 65 % des actions avec droit de vote de l’appelante.

[23]  La convention d’investissement donnait à Matco un délai d’un an pour proposer une « occasion d’affaires » à l’appelante et à Newco. Selon la définition donnée par M. Ross, l’occasion d’affaires en question consistait en une offre qui permettrait à l’appelante de démarrer une nouvelle entreprise avec une nouvelle équipe de gestion. Cette entreprise était celle dont les éventuels bénéfices pourraient être utilisés aux fins de déduction des attributs fiscaux. Advenant le refus de Newco de profiter de l’occasion d’affaires proposée par Matco, celle-ci serait dégagée de l’obligation de verser le montant garanti.

[24]  Dans l’éventualité d’une prise de contrôle de Newco ou de l’appelante par suite de mesures prises à leur initiative, Matco serait dégagée de l’obligation de verser le montant garanti et Newco serait obligée de racheter la débenture convertible de Matco et de lui verser une somme supplémentaire de 1 million de dollars.

[25]  La convention d’investissement stipulait en outre qu’à part celles qui y étaient visées, Newco et l’appelante ne pouvaient pas, sans le consentement de Matco, prendre l’une ou l’autre des mesures suivantes :

-  émettre des actions, des options, des bons de souscription, des appels de fonds, des privilèges de conversion ou des droits de quelque nature en vue de l’acquisition d’actions de l’appelante;

-  vendre, transférer, donner en nantissement ou en gage, céder ou convenir de vendre, de transférer, de donner en nantissement ou en gage, ou de céder des actions, des options, des options, des bons de souscription, des appels de fonds, des privilèges de conversion ou des droits de quelque nature en vue de l’acquisition d’actions de l’appelante;

-  modifier ou rectifier les actes constitutifs ou les statuts de l’appelante;

-  scinder, regrouper ou reclasser les actions en circulation de l’appelante;

-  racheter ou acheter des actions de l’appelante;

-  restructurer, regrouper ou fusionner l’appelante;

-  prendre quelque mesure ou engagement ayant pour but ou pour effet de liquider ou de dissoudre l’appelante, ou mettant autrement un terme à ses activités;

-  déclarer ou verser des dividendes ou réduire le capital de l’appelante;

-  opérer un changement de contrôle de Newco ou de l’appelante ou agir d’une manière susceptible d’entraîner un tel changement;

-  conclure, céder, résilier ou modifier un contrat ou une entente à l’égard de l’appelante;

-  créer une charge quelconque visant l’actif de l’appelante;

-  en ce qui a trait à l’appelante, créer, contracter, garantir ou assumer une dette quelconque au titre d’un emprunt, ou autrement engager sa responsabilité concernant les obligations d’une autre personne;

-  en ce qui a trait à l’appelante, consentir un prêt, une avance, un apport en capital ou un investissement à une autre personne;

-  modifier de quelque façon une pratique ou un principe comptable appliqué par Newco ou l’appelante, sauf si une modification concurrente aux principes comptables généralement reconnus l’exige;

-  se livrer à une autre activité que l’examen et la poursuite d’occasions liées à l’engagement de Matco de verser la somme additionnelle de 800 000 $.

[26]  Peu avant la signature de la convention d’investissement, la société 1250280 Alberta Ltd. (la « société 125 »), une société de portefeuille détenue à part entière par M. Ross, a acheté de Newco 100 actions de l’appelante au prix de 10 $. L’acquisition d’actions de l’appelante par la société 125, qui n’était pas partie à la convention d’investissement, avait pour objet notamment d’empêcher qu’il ait valeur de convention unanime des actionnaires.

[27]  Le 9 mai 2008 :

-  Newco a acheté l’actif de l’appelante en contrepartie d’un billet à ordre en faveur de l’appelante et de la prise en charge de ses dettes.

-  Matco a souscrit la débenture convertible de 2 960 000 $.

-  L’appelante a transféré les 2 960 000 $ et cédé le billet à ordre à une filiale de Newco.

-  Tous les administrateurs de l’appelante, sauf un, ont démissionné, et MM. Goold et Ross ont été élus administrateurs.

[28]  Durant l’été et l’automne 2009, Matco a recherché une entreprise qui pourrait se prévaloir des attributs fiscaux de l’appelante.

[29]  En décembre 2008, Matco a appris que Deans Knight Capital Management (« DKCM »), une société de gestion de fonds communs de placement, était intéressée à lancer une entreprise d’investissement dans les instruments de créance à haut rendement. DKCM a vu des possibilités dans les obligations à haut rendement, qui se vendaient à faible prix de vente en raison de la crise financière. Pour s’assurer que le capital des investisseurs serait immobilisé suffisamment longtemps, DKCM avait estimé préférable de monter l’opération d’investissement en recourant à une société plutôt qu’à un fonds commun de placement.

[30]  DKCM comptait réunir les fonds d’investissement par le truchement d’un premier appel public à l’épargne (« PAPE ») et d’utiliser le rendement des instruments ou le produit de leur rachat pour rétribuer les investisseurs.

[31]  En décembre 2008, Matco a proposé à DKCM de recourir à l’appelante comme entité juridique aux fins du PAPE prévu, et DKCM a préféré recourir à l’appelante plutôt qu’à une société nouvellement constituée en raison de l’existence des attributs fiscaux. Dans les observations soumises à la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique, DKCM a expliqué qu’elle escomptait que les attributs fiscaux serviraient d’abri à la majorité des revenus et des gains en capital du portefeuille pendant les cinq années d’exploitation qui étaient projetées pour l’appelante.

[32]  Conformément à la convention d’investissement, Matco a présenté la proposition de DKCM comme « occasion d’affaires » pour l’appelante. MM. Goold et Ross ont tous les deux déclaré que le conseil d’administration de l’appelante avait examiné la proposition, mené une enquête sur les antécédents de DKCM et finalement donné son approbation.

[33]  Le 19 décembre 2008, DKCM et l’appelante ont signé une lettre d’intention qui prévoyait la restructuration du capital de l’appelante pour en faire une société versant des dividendes et lui permettre de se prévaloir des attributs fiscaux. La lettre d’intention stipulait les conditions suivantes : [traduction]

-  L’appelante pourrait déduire au moins 95 millions de dollars (aux fins d’impôt sur le revenu) du revenu gagné par la société au Canada.

-  DKCM serait désignée à titre de gestionnaire de l’appelante.

-  Quatre des cinq administrateurs de l’appelante seraient désignés par DKCM.

-  L’appelante accepterait de servir d’instrument juridique dans le cadre d’un appel public d’une valeur minimale de 100 millions de dollars (le « PAPE »), dont le produit servirait à l’achat de titres de créance de la société en vue de dégager un revenu et des gains qui pourraient être protégés par les attributs fiscaux.

-  Lors du PAPE, le prix serait établi de sorte à attribuer une valeur comptable de 5 millions de dollars aux actions ordinaires existantes de l’appelante.

[34]  Au début de 2009, l’appelante a confié la préparation du PAPE à des courtiers en valeurs mobilières.

[35]  Le 5 février 2009, le président de DKCM est devenu administrateur de l’appelante, qui a alors adopté sa dénomination actuelle, Deans Knight Income Corporation.

[36]  Le 18 mars 2009, immédiatement avant l’émission du PAPE, Matco a converti sa débenture en 35 % d’actions avec droit de vote et 100 % des actions sans droit de vote de l’appelante. Matco a également obtenu une dérogation à la période d’immobilisation de six mois postérieure au PAPE pour acheter les actions restantes de Newco avant le 30 avril 2009, soit la date d’échéance de la période de garantie d’un an.

[37]  Le 18 mars 2009, M. Ross et quatre autres personnes désignées par DKCM ont été désignés à titre d’administrateurs de l’appelante, et trois dirigeants de DKCM ont été désignés à titre de dirigeants de l’appelante.

[38]  Le PAPE arrivait à échéance le 18 mars 2009, et 10 036 890 actions ordinaires ont été émises au prix de 10 $ l’unité, ce qui donnait un produit de 100 368 900 $. Les actions de Matco dans l’appelante valaient donc 4 148 000 $.

[39]  Le 16 avril 2009, Matco, par l’entremise d’une société liée, a offert à Newco d’acheter les actions restantes en contrepartie du montant garanti. Newco a accepté l’offre le 20 avril 2009.

[40]  M. Goold a témoigné que Newco avait accepté l’offre même si elle était inférieure au prix du PAPE parce qu’elle avait besoin de liquidités pour ses opérations et que son conseil d’administration craignait une baisse du cours de l’action avant l’échéance de la période d’immobilisation.

[41]  L’investissement de l’appelante dans les obligations à haut rendement s’est révélé fructueux et, au cours des quatre premières années, elle a versé régulièrement des dividendes à ses actionnaires. Au cours de la cinquième année d’exploitation, l’appelante a amorcé l’opération de liquidation, conformément au plan initial.

[42]  Dans sa déclaration de revenus de l’année d’imposition se terminant le 31 décembre 2009, l’appelante a déduit un montant de 1 961 758 $ au titre d’une perte finale pour l’année d’imposition se terminant le 31 décembre 2007 et les années précédentes.

[43]  Dans sa déclaration de revenus de l’année d’imposition se terminant le 31 décembre 2009 jusqu’à l’année d’imposition se terminant le 31 décembre 2012, ainsi que dans le calcul de son revenu, l’appelante a déduit des pertes autres qu’en capital et des frais de RS&DE reportés de l’année d’imposition se terminant le 31 décembre 2007 et des années précédentes, comme suit :

[EN BLANC]

Pertes autres qu’en capital

RS&DE

31 décembre 2009

26 968 031 $

Néant

31 décembre 2010

21 491 406 $

937 370 $

31 décembre 2011

Néant

5 943 668 $

31 décembre 2012

Néant

9 382 189 $

 

[44]  Par avis du 16 juillet 2014, le ministre du Revenu national (le « ministre ») établissait une nouvelle cotisation pour les années d’imposition 2009 à 2012 afin de refuser à l’appelante la déduction des attributs fiscaux et de la perte finale.

Matco a-t-elle obtenu le droit d’acquérir la majorité des actions avec droit de vote de l’appelante?

[45]  Il s’agit en premier lieu de trancher la question de savoir si la convention d’investissement conférait à Matco le droit d’acquérir la majorité des actions avec droit de vote de l’appelante et, ainsi, le contrôle de l’appelante sous le régime du paragraphe 256(8) et de l’alinéa 251(5)b) de la Loi.

[46]  Selon le paragraphe 256(8), la personne qui acquiert le droit visé à l’alinéa 251(5)b) (le « droit visé à l’article 251 »), et s’il est raisonnable de conclure que l’un des principaux motifs de l’acquisition du droit était de contourner une restriction quant à la déductibilité de certains attributs fiscaux, y compris ceux qui sont en cause en l’espèce, le contribuable est réputé être dans la même position relativement au contrôle de la société que si le droit avait été exercé au moment de l’acquisition, y compris pour ce qui est de déterminer si le contrôle a été acquis. S’il y a eu acquisition de contrôle, le contribuable ne peut pas déduire les attributs fiscaux visés par une exception prévue par les règles relatives au transfert des attributs fiscaux.

[47]  Au cours des périodes visées, le paragraphe 256(8) était libellé ainsi :

Pour ce qui est de déterminer, d’une part, si le contrôle d’une société a été acquis pour l’application des paragraphes 10(10) et 13(24), de l’article 37, des paragraphes 55(2), 66(11), (11.4) et (11.5), 66.5(3) et 66.7(10) et (11), de l’article 80, de l’alinéa 80.04(4)h), du sous-alinéa 88(1)c)(vi), de l’alinéa 88(1)c.3), des articles 111 et 127 et des paragraphes 181.1(7), 190.1(6) et 249(4) et, d’autre part, si une société est contrôlée par une personne ou par un groupe de personnes pour l’application de l’article 251.1, le contribuable qui a acquis un droit visé à l’alinéa 251(5)b) afférent à une action est réputé être dans la même position relativement au contrôle de la société que si le droit était immédiat et absolu et que s’il l’avait exercé au moment de l’acquisition, dans le cas où il est raisonnable de conclure que l’un des principaux motifs de l’acquisition du droit consistait :

a) à éviter une restriction à la déductibilité d’une perte autre qu’une perte en capital, d’une perte en capital nette, d’une perte agricole ou de frais ou d’autres montants visés aux paragraphes 66(11), 66.5(3) ou 66.7(10) ou (11);

b) à éviter l’application des paragraphes 10(10) ou 13(24), de l’alinéa 37(1)h) ou des paragraphes 55(2) ou 66(11.4) ou (11.5), de l’alinéa 88(1)c.3) ou des paragraphes 111(4), (5.1), (5.2) ou (5.3), 181.1(7) ou 190.1(6);

c) à éviter l’application des alinéas j) ou k) de la définition de crédit d’impôt à l’investissement au paragraphe 127(9);

d) à éviter l’application de l’article 251.1;

e) à influer sur l’application de l’article 80.

[48]  Les parties pertinentes de l’alinéa 251(5)b) aux fins d’examen du présent argument sont les suivantes :

b) [...] en vertu d’un contrat, en equity ou autrement, a un droit, immédiat ou futur, conditionnel ou non :

(i) à des actions du capital-actions d’une société ou de les acquérir ou d’en contrôler les droits de vote [...]

[49]  L’intimée soutient que la convention d’investissement a permis à Matco d’obtenir le droit d’acquérir de Newco la totalité des actions avec droit de vote de l’appelante, exception faite des 100 actions appartenant à la société 125. Comme le droit d’acquérir des actions tombe sous le coup de l’alinéa 251(5)b) de la Loi, et comme l’intimée fait valoir que Matco a acquis ce droit pour se soustraire aux restrictions relatives au transfert des attributs fiscaux, le paragraphe 256(8) doit jouer de manière à ce que Matco soit réputée avoir exercé ce droit et avoir acquis ainsi le contrôle de l’appelante. Il s’ensuivrait que l’appelante ne pourrait pas déduire les attributs fiscaux.

[50]  Au titre de la débenture convertible prévue dans la convention d’investissement, Matco pouvait acquérir 35 % des actions avec droit de vote et 100 % des actions sans droit de vote de l’appelante en exerçant son droit de conversion.

[51]  L’intimée soutient de surcroît que la convention d’investissement donnait à Matco le droit (que l’intimée a appelé le [traduction] « droit résiduel ») d’acquérir les actions restantes en contrepartie du montant garanti.

[52]  Dans ses observations, l’intimée affirme que l’un des principaux objectifs de l’acquisition par Matco de la débenture convertible et du droit résiduel était de contourner les restrictions à la déductibilité des attributs fiscaux.

[53]  Comme il n’est pas controversé par l’appelante que la débenture convertible conférait à Matco le droit d’acquérir des actions de l’appelante, je discuterai l’argument de l’intimée concernant ce qui a été désigné comme le droit résiduel.

[54]  Aux dires de l’intimée, il s’agissait d’un élément central de l’entente entre Matco, Newco et l’appelante, et il est manifeste que l’intention de toutes les parties était que Matco acquière les actions restantes au titre du droit résiduel. Il est affirmé que la nature, l’objet ou l’effet véritable du droit résiduel était l’acquisition d’actions de l’appelante, et que toute condition de la convention d’investissement qui donnait à penser autrement était en fait un [traduction] « trompe-l’œil ». Il est aussi ajouté que Matco se devait de protéger son droit d’acquérir les actions restantes de l’appelante pour tirer profit de leur valeur accrue une fois qu’elle aurait convaincu un tiers d’utiliser les attributs fiscaux.

[55]  L’intimée soutient que Matco ne pouvait pas ne pas acquérir les actions restantes, vu qu’elle était tenue de verser le montant garanti, qu’elle achète, ou non, les actions. Elle ajoute que l’appelante était obligée de vendre les actions pour toucher le montant garanti et, comme toute vente par l’appelante de ses actions à un tiers exigeait l’approbation de Matco, celle-ci disposait du plein contrôle sur toute opération de vente.

[56]  L’intimée soutient en outre qu’il ressort clairement de la conduite subséquente des parties qu’elles considéraient le droit résiduel comme une option puisque Newco a finalement vendu les actions restantes à Matco à un prix moindre que celui qu’elle aurait pu en tirer si elle avait attendu la fin de la période d’immobilisation du PAPE). De plus, Newco n’a pas cherché à obtenir de dérogation pour ses actions durant la période d’immobilisation et elle n’a pas participé aux négociations avec DKCM relativement au prix des actions existantes de l’appelante.

[57]  Pour les motifs exposés ci-après, je conclus que, selon l’interprétation loyale de la convention d’investissement, elle ne conférait pas à Matco le droit d’acquérir les actions restantes.

[58]  Matco était tenue d’offrir à Newco une [traduction] « occasion de vente » à l’égard des actions restantes de l’appelante dans l’année suivant l’échéance de la convention d’investissement, et de lui verser un montant minimal de 800 000 $ pour ces actions (sous réserve de certains ajustements). Même si Matco avait manqué à son obligation d’offrir une occasion de vente ou une occasion de vente partielle, elle aurait quand même été tenue de verser le montant garanti. Advenant une décision de Newco de ne pas profiter d’une occasion de vente présentée par Matco, celle-ci aurait été dégagée de son obligation de verser le montant garanti.

[59]  La convention d’investissement stipulait expressément que Newco n’était pas obligée de vendre les actions restantes avant ou pendant la période de garantie, ou à aucun autre moment. Aux termes de l’article 5.8 de la convention d’investissement :

[traduction] 5.8 [Newco] ne sera pas tenue de vendre les actions restantes avant ou pendant la période de garantie, ou à aucun autre moment.

[60]  L’intimée n’a pas démontré que cette condition constituait un trompe-l’œil ou qu’elle était incompatible avec un autre droit découlant de la convention ou avec la convention dans son ensemble.

[61]  Premièrement, la convention d’investissement ne donnait pas à Matco le plein contrôle sur la vente des actions restantes, et Newco n’avait aucune obligation de demander le consentement de Matco pour conclure une vente, comme le soutient l’intimée. Voici la partie pertinente de l’alinéa 6.1b) de la convention d’investissement :

[traduction] En dehors de celles visées à la convention (y compris au titre de la restructuration, d’une occasion de vente, d’une occasion de vente partielle ou d’une occasion d’affaires), [Newco] ne pourra pas et, dans la mesure applicable, fera en sorte que [l’appelante] ne puisse pas, sans le consentement de Matco, agissant raisonnablement,

[...]

vendre, transférer, donner en nantissement ou en gage, céder ou convenir de vendre, de transférer, de donner en nantissement ou en gage, ou de céder des actions, des options, des bons de souscription, des appels de fonds, des privilèges de conversion ou des droits de quelque nature en vue de l’acquisition d’actions [de l’appelante];

[62]  Une « occasion de vente » est définie généralement par la convention d’investissement comme une opération débouchant sur la vente des actions restantes à un ou à plusieurs tiers n’ayant pas de lien de dépendance. Rien dans la convention d’investissement n’exigeait que Matco soit la partie présentant l’occasion de vente. Par ailleurs, la convention d’investissement semble envisager la possibilité de vente des actions restantes (ou d’une partie de ces actions) à un tiers sans le consentement de Matco puisque l’obligation prévue par l’alinéa 6.1b) concernant l’obtention de ce consentement ne visait pas les cas visés par la convention, y compris l’occasion de vente. Il est par conséquent inexact de prétendre que la vente des actions de l’appelante exigeait le consentement de Matco, et il ne peut être considéré non plus que Matco avait le plein contrôle sur une quelconque vente par Newco des actions restantes.

[63]  Je conclus que, lorsque l’intimée parle de la [traduction] « dimension économique de l’opération », elle tente en substance de requalifier les rapports juridiques entre les parties en se fondant sur ce qui, de son point de vue, constitue l’essence de la convention d’investissement. Cela n’est pas permis. La Cour suprême du Canada expose ainsi ce principe dans l’arrêt Shell Canada Ltée c. Canada :

[…] en l’absence d’une disposition expresse contraire de la Loi ou d’une conclusion selon laquelle l’opération en cause est un trompe-l’œil, les rapports juridiques établis par le contribuable doivent être respectés en matière fiscale. Une nouvelle qualification n’est possible que lorsque la désignation de l’opération par le contribuable ne reflète pas convenablement ses effets juridiques véritables (renvois omis) [2] .

[64]  De plus, les témoignages de MM. Ross et Goold infirment la thèse de l’intimée selon laquelle toutes les parties à la convention d’investissement souhaitaient que Matco acquière les actions restantes. Plus particulièrement, M. Goold a affirmé que jamais Newco ni l’appelante n’ont pensé que Matco allait forcément acheter les actions à un moment ou un autre. Il a aussi expliqué que Newco avait décidé de son plein gré de vendre les actions restantes à Matco et que, même si son conseil d’administration savait qu’il pouvait attendre l’échéance de la période d’immobilisation pour vendre les actions, il a décidé d’accepter l’offre présentée par Matco en avril 2009 parce que Newco avait besoin de liquidités pour ses activités et s’inquiétait d’un possible repli de la valeur des actions avant l’échéance de la période d’immobilisation. Je retiens le témoignage de M. Goold à ce sujet. Il n’avait aucun intérêt dans l’issue de l’instance et il avait un souvenir clair et irréfuté des événements rattachés à l’offre de Matco d’acheter les actions ainsi qu’à la décision du conseil d’administration de les vendre. Je conclus donc qu’il est un témoin crédible. On peut aussi penser que Newco a préféré vendre ses actions plus rapidement en raison de la précarité des marchés financiers en 2009.

[65]  Je ne relève non plus aucun élément allant dans le sens de l’idée que Matco devait absolument acquérir les actions restantes pour monétiser les attributs fiscaux de l’appelante. Après la conversion de la débenture convertible payée 2,96 millions de dollars, Matco détenait 35 % des actions avec droit de vote et 100 % des actions sans droit de vote, qui ensemble étaient évaluées à plus de 4 millions de dollars dans le PAPE. Manifestement, Matco a réalisé un bénéfice considérable sans même avoir acquis les actions restantes. J’ajouterai que le bénéfice supplémentaire qu’elle aurait pu tirer des actions restantes était d’à peine 200 000 $ ou à peu près. Je suis d’avis que Matco a structuré les opérations avec soin afin de ne pas créer un droit d’acquisition des actions restantes et d’éviter une prise de contrôle au sens de la Loi. Il est plutôt probable qu’elle a préféré renoncer à certains avantages pour atteindre cet objectif.

[66]  Je conclus par conséquent que Matco n’a pas acquis un droit visé par l’article 251 à l’égard des actions restantes et que, partant, elle n’a pas pris le contrôle de l’appelante.

Règle générale anti-évitement

[67]  L’analyse découlant de la RGAÉ porte sur trois questions : Y a-t-il eu avantage fiscal? Les opérations ayant généré l’avantage fiscal ont-elles donné lieu à un évitement et, dans l’affirmative, étaient-elles abusives [3] ?

[68]  Le ministre a tenu pour acquis que les opérations suivantes ont donné lieu à un évitement (les « opérations d’évitement ») au sens du paragraphe 245(3) de la Loi :

-  l’adoption par l’appelante d’une stratégie visant la [traduction] « réalisation de la valeur d’une perte fiscale » en vue de la vente de ses attributs fiscaux;

-  l’offre de Matco d’émettre une débenture convertible à l’appelante;

-  la conclusion d’une convention d’investissement entre Matco et l’appelante aux fins de restructuration de celle-ci;

-  la constitution de Newco;

-  la répartition des actions de Newco entre les actionnaires existants de l’appelante;

-  la vente à Newco de l’actif de l’appelante (à perte);

-  l’émission par Matco d’une débenture convertible en faveur de l’appelante;

-  la conversion de la débenture par Matco;

-  l’achat par Matco de la totalité des actions de l’appelante détenues par Newco après l’échéance du PAPE;

-  la déduction des pertes autres qu’en capital, des pertes finales ainsi que des frais de RS&DE de l’appelante durant les années 2009 à 2012.

[69]  Les mots « avantage fiscal » sont définis comme suit au paragraphe 245(1) de la Loi :

Réduction, évitement ou report d’impôt ou d’un autre montant exigible en application de la présente loi ou augmentation d’un remboursement d’impôt ou d’un autre montant visé par la présente loi. Y sont assimilés la réduction, l’évitement ou le report d’impôt ou d’un autre montant qui serait exigible en application de la présente loi en l’absence d’un traité fiscal ainsi que l’augmentation d’un remboursement d’impôt ou d’un autre montant visé par la présente loi qui découle d’un traité fiscal.

[70]  L’appelante soutient qu’aucune des opérations qui, de l’avis de l’intimée, auraient donné lieu à l’avantage fiscal n’a débouché sur la déduction des attributs fiscaux par l’appelante, et que l’avantage fiscal en jeu a été le fruit des activités exercées par l’appelante après la clôture du PAPE. Il a été soutenu que si l’appelante n’avait tiré aucun revenu de ses activités après la clôture du PAPE, elle n’aurait pas pu déduire les attributs fiscaux. Selon l’appelante, ses activités productrices de revenus ne peuvent pas être incluses dans la série d’opérations et, même si ces opérations ont permis de préserver les attributs fiscaux, cette préservation ne constituait d’aucune façon une réduction, un report ou un évitement d’impôt. L’appelante se fonde sur l’observation suivante de l’arrêt Copthorne :

Les parties reconnaissent dans l’exposé conjoint des faits que la vente de VHHC Holdings à Big City et la fusion subséquente de VHHC Holdings et de Copthorne I pour former Copthorne II font partie d’une série. Toutefois, ces opérations n’ont pas généré d’avantage fiscal. Il n’y a eu avantage fiscal que lorsque Copthorne III a racheté ses actions sans que son actionnaire n’encoure d’obligation fiscale immédiate. Il faut donc établir si l’opération de rachat fait partie de la série d’opérations qui comprend la vente de VHHC Holdings à Big City, puis la fusion de Copthorne I et de VHHC Holdings [4] .

[71]  L’appelante nie avoir obtenu un avantage fiscal par suite de la préservation des attributs fiscaux, pas plus que la préservation du capital versé qui a découlé de la première série d’opérations visée dans l’arrêt Copthorne n’a généré d’avantage fiscal.

[72]  Enfin, l’appelante souligne que les attributs fiscaux sont le fruit de ses propres activités au cours des années antérieures au PAPE, et qu’aucun nouvel attribut fiscal n’a été créé par suite des opérations d’évitement alléguées.

[73]  Je conclus que les observations de l’appelante à l’égard de l’avantage fiscal sont infondées. De toute évidence, les opérations en cause ont réduit son impôt puisqu’elle a déduit les attributs fiscaux durant les années visées. Comme l’a fait remarquer la Cour suprême dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada, « [d]ans les cas où une déduction est demandée à l’égard d’un revenu imposable, il est évident qu’il existe un avantage fiscal étant donné qu’une déduction entraîne une réduction d’impôt » [5] .

[74]  Il n’est pas nécéssaire que les opérations d’évitement englobent la réclamation d’un avantage fiscal, contrairement à ce que soutient l’appelante. Il suffit que l’avantage fiscal découle directement ou indirectement d’une ou de plusieurs opérations d’évitement.

[75]  La thèse portant que l’avantage fiscal découlait du revenu gagné après le PAPE plutôt que des opérations d’évitement alléguées occulte le fait que n’eût été de ces opérations, nul attribut fiscal n’aurait pu être déduit du revenu gagné après le PAPE. Par conséquent, des attributs fiscaux ont pu être déduits parce que les opérations d’évitement alléguées ont eu lieu.

[76]  L’une des méthodes possibles pour établir l’existence d’un avantage fiscal consiste à faire une comparaison avec un autre mécanisme raisonnablement envisageable. C’est cette méthode que la Cour suprême du Canada a appliquée à l’occasion de l’affaire Copthorne :

Notre Cour affirme dans Trustco que l’existence d’un avantage fiscal peut être établie en comparant la situation du contribuable à celle qu’aurait produit un autre mécanisme (par. 20), auquel cas il faut que l’autre mécanisme en soit un qui [traduction] « aurait pu raisonnablement avoir été employé n’eût été l’avantage fiscal » (D. G. Duff, et autres, Canadian Income Tax Law (3e éd. 2009), p. 187). En s’attachant à ce que la société aurait fait si elle n’avait pas cherché à bénéficier de l’avantage fiscal, cette démarche vise à isoler l’effet fiscal avantageux de la motivation non fiscale du contribuable [6] .

[77]  En l’espèce, la base de comparaison indiquée consisterait à imaginer l’utilisation par DKCM d’une nouvelle société pour poursuivre ses activités d’investissement. Cette voie avait été envisagée par DKCM, mais elle a préféré utiliser seulement l’appelante en raison de l’existence des attributs fiscaux. Il s’agit d’une preuve tangible que les opérations en jeu produisaient un avantage fiscal.

[78]  Sur la question de savoir si les opérations mises en cause par l’intimée constituaient des opérations d’évitement, l’appelante soutient que toutes ces opérations ont été réalisées de bonne foi dans un objectif commercial.

[79]  L’appelante attire notre attention sur la preuve dont il ressort qu’à la fin de 2006 et en 2007, elle était à la recherche de nouveaux fonds et de nouvelles occasions d’affaires, et fait valoir l’importance d’envisager son plan de monétisation de ses attributs fiscaux dans ce contexte. Elle a signé la convention d’investissement et la lettre d’intention de DKCM, puis elle a pris les mesures nécessaires pour restructurer et recapitaliser sa société dans le but de démarrer une nouvelle entreprise.

[80]  L’intimée soutient que l’appelante ne peut pas soulever cet argument parce qu’elle ne mentionne nulle part dans son avis d’appel que les opérations n’étaient pas a priori de nature fiscale et qu’elle n’a invoqué aucun fait à l’appui.

[81]  Je retiens la thèse de l’intimée. Il ressort du dossier qu’un peu avant l’audition, l’appelante a sollicité l’autorisation d’ajouter ledit argument à son avis d’appel et de plaider de nouveaux faits à l’appui, demande qui a été rejetée. La décision n’a pas été portée en appel. Par conséquent, l’appelante ayant omis de faire valoir cet argument et les faits matériels pertinents en temps et lieu, elle ne peut pas alléguer maintenant que les opérations d’évitement n’étaient pas fondamentalement de nature fiscale.

[82]  Cependant, si j’avais eu à trancher la question, j’aurais conclu que l’appelante n’a pas réussi à réfuter les hypothèses de l’intimée concernant l’objet de ses opérations.

[83]  Il ressort des éléments de preuve, sans l’ombre d’un doute, que l’appelante a conclu la convention d’investissement et effectué sa restructuration ainsi que l’ensemble des opérations connexes avant tout pour « monétiser » les attributs fiscaux. Le témoignage de M. Goold sur ce point était clair et pleinement étayé par les documents contemporains. Même si l’appelante a tenté de nous faire admettre que ses opérations visant à réunir des fonds n’avaient pas une fin fiscale, force est de constater qu’elles n’auraient pas eu lieu autrement. Pour réunir des fonds, l’appelante a opté pour une « monétisation » de ses attributs fiscaux, et il est manifeste que la réduction d’impôt était l’objet premier des opérations effectuées à cette fin.

[84]  La Cour doit ensuite chercher à déterminer si les opérations d’évitement équivalaient à évitement fiscal abusif sous le régime du paragraphe 245(4) de la Loi.

[85]  Le paragraphe 245(4) impose à la Cour de procéder à une analyse en deux volets. Premièrement, elle doit faire l’analyse textuelle et téléologique des dispositions qui confèrent l’avantage fiscal afin d’en cerner l’esprit et l’objet. Deuxièmement, la Cour doit déterminer si l’opération mise en cause est contraire à l’objet et à l’esprit des dispositions invoquées. La Cour suprême se prononce comme suit dans l’arrêt Copthorne :

69 Pour conclure au caractère abusif d’une opération, la cour doit d’abord déterminer « l’objet ou l’esprit des dispositions [. . .] qui sont invoquées pour obtenir l’avantage fiscal, eu égard à l’économie de la Loi, aux dispositions pertinentes et aux moyens extrinsèques admissibles » (Trustco, par. 55). Un auteur assimile cet objet ou cet esprit à la [traduction] « raison d’être qui sous-tend des dispositions particulières ou interdépendantes de la Loi » (V. Krishna, The Fundamentals of Income Tax Law (2009), p. 818).

70 L’objet ou l’esprit peuvent être circonscrits grâce à la méthode qu’emploie notre Cour pour toute interprétation législative, à savoir une méthode « textuelle, contextuelle et téléologique unifiée » (Trustco, par. 47; Lipson c. Canada, 2009 CSC 1, [2009] 1 R.C.S. 3, par. 26). Bien que la méthode d’interprétation soit la même dans le cas de la RGAÉ, l’analyse vise en l’espèce à dégager un aspect différent de la loi. Dans un cas classique d’interprétation législative, la cour applique l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique pour établir le sens du texte de la loi. Dans le cas de la RGAÉ, l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique vise à établir l’objet ou l’esprit d’une disposition. Il est alors possible que le sens des mots employés par le législateur soit suffisamment clair. La raison d’être de la disposition peut ne pas ressortir de la seule signification des mots eux-mêmes. Il ne faut cependant pas confondre la détermination de la raison d’être des dispositions applicables de la Loi avec le jugement de valeur quant à ce qui est bien ou mal non plus qu’avec les conjectures sur ce que devrait être une loi fiscale ou sur l’effet qu’elle devrait avoir [7] .

[86]  Les dispositions pertinentes sont les alinéas 111(1)a) et 37(1)a), ainsi que le paragraphe 127(9) de la Loi, qui prévoient le report des pertes autres que des pertes en capital, des frais de RS&DE et des CTI, les restrictions relatives au transfert des attributs fiscaux des paragraphes 111(5), 37(6.1) et 127(9.1), et certaines dispositions de la Loi portant sur le contrôle, dont le paragraphe 256(8) et l’alinéa 251(5)b).

[87]  Aux fins des présents motifs, je propose une discussion de l’objet et de l’esprit de l’alinéa 111(1)a) et du paragraphe 111(5). Parce que les restrictions relatives au transfert des pertes autres qu’en capital, des frais de RS&DE et des CTI qui découlent des paragraphes 111(5), 37(6.1) et 127(9.1) ont toutes pour conséquence d’exclure leur report ou leur déduction à la suite de l’acquisition du contrôle par une personne ou un groupe de personnes, je bornerai mon analyse au paragraphe 111(5) et en étendrai les résultats aux autres restrictions relatives au transfert des attributs fiscaux. Cette démarche est conforme à la manière dont les parties ont présenté leurs arguments. De plus, je m’attarderai à l’objet et à l’esprit du paragraphe 256(8) et de l’alinéa 251(5)b) dans mon analyse du deuxième argument de l’intimée.

[88]  Selon l’appelante, la politique sur le report des pertes consacrée par l’alinéa 111(1)a) de la Loi repose sur la règle générale selon laquelle les pertes autres qu’en capital peuvent être déduites des bénéfices sans restriction. L’appelante affirme de surcroît que l’intimée n’a pas fait la démonstration de la présence dans la Loi d’une règle explicite interdisant au contribuable de réaliser la valeur de ses attributs fiscaux d’une manière qui n’est pas visée par l’une ou l’autre des règles anti-évitement.

[89]  L’appelante soutient en outre que l’unique intention du législateur était d’interdire le report des pertes sous le régime du paragraphe 111(5) en cas d’acquisition de jure du contrôle, c’est-à-dire si une ou plusieurs personnes avaient acquis ce faisant le [traduction] « contrôle absolu » de l’administration d’une société. Par conséquent, selon l’appelante, le paragraphe 111(5) [traduction] « impose une restriction à la déductibilité des pertes d’un contribuable seulement si l’ampleur de la participation d’une personne ou d’un groupe de personnes dans une société lui confère un contrôle sur la manière dont le contribuable exploite son entreprise ».

[90]  L’appelante maintient qu’elle n’a pas échangé des pertes en participant aux opérations en cause, et qu’aucune autre partie, à aucun moment, n’en a acquis le contrôle effectif. En signant la convention d’investissement, Matco s’engageait à aider l’appelante à lancer une nouvelle entreprise qui lui permettrait d’utiliser les attributs fiscaux accumulés. La nouvelle entreprise de l’appelante a connu du succès, et elle a effectué des opérations de nature financière qui ont généré une activité économique réelle. L’appelante dit qu’en lui-même, le lancement de sa nouvelle entreprise a été réalisé selon une démarche conforme aux politiques de la Loi et, qui plus est, qui allait tout à fait dans le sens de l’intention du législateur d’encourager les entreprises à opérer un redressement en leur permettant de reporter des pertes, sauf en cas d’acquisition de contrôle.

[91]  L’intimée dit au contraire que l’opération en cause consistait en un échange de pertes qui, au final, a produit un résultat identique à celui d’un simple achat des pertes. Selon elle, comme les opérations d’évitement étaient structurées de manière à contourner les règles sur le transfert des pertes, il est clair qu’elles étaient contraires à l’objet de ces règles et la politique générale de la Loi qui, prises dans leur ensemble, interdisent l’échange de pertes.

[92]  L’intimée soutient que la politique générale de la Loi interdisant l’échange de pertes ne souffre que quelques rares exceptions expresses concernant les transferts entre un groupe de sociétés liées ou dans le cadre d’une opération de redressement d’une entreprise déficitaire. Aux yeux de l’intimée, le transfert de pertes entre l’ancienne entreprise de l’appelante et son entreprise d’investissement dans les obligations à haut rendement est incompatible avec l’objet ou l’esprit de ces exceptions expresses.

[93]  L’intimée ajoute que les opérations d’évitement constituaient un abus du paragraphe 256(8) et de l’alinéa 251(5)b) de la Loi. Il est soutenu que le paragraphe 256(8) constitue une disposition anti-évitement qui élargit les règles sur l’acquisition de contrôle aux échanges d’attributs fiscaux mettant en cause le contribuable qui a le contrôle effectif sur des actions sans en être le propriétaire. L’intimée affirme que même si Matco n’a pas, à strictement parler, acquis un droit visé par l’article 251 sur les actions restantes, elle a néanmoins acquis le contrôle d’une manière qui constituait un abus de l’objet et de l’esprit du paragraphe 256(8).

Objet ou esprit de l’alinéa 111(1)a) et du paragraphe 111(5)

[94]  L’alinéa 111(1)a) autorise le contribuable à déduire de son revenu imposable de l’année courante des pertes autres qu’en capital subies au cours des 20 années d’imposition précédentes et des 3 années d’imposition suivantes.

[95]  À l’époque pertinente, l’alinéa 111(1)a) disposait :

111(1) Pour le calcul du revenu imposable d’un contribuable pour une année d’imposition, peuvent être déduites les sommes appropriées suivantes :

a) ses pertes autres que des pertes en capital subies au cours des 20 années d’imposition précédentes et des 3 années d’imposition suivantes;

[96]  L’alinéa 111(1)a) s’inscrit dans le régime de la Loi se rapportant à la déductibilité des pertes. L’article 111 établit des règles portant sur différents types de pertes, y compris les pertes autres qu’en capital.

[97]  Au fil du temps, la politique d’autorisation du report des pertes s’est assouplie :

[traduction]
Le système fiscal prévoyait d’abord une courte période durant laquelle les pertes subies par une entreprise pouvaient être reportées pour être déduites seulement du revenu de celle-ci. Au fil du temps, le régime a été modifié afin de prolonger la période de report et d’autoriser la déduction des pertes d’un revenu quelconque. […] En 1942, la Loi de l’impôt de guerre a instauré une période d’une année pour le report des pertes d’une entreprise en vue de leur déduction du revenu de celle-ci puis, à partir de 1958, les contribuables ont pu déduire les pertes subies du revenu de l’une ou l’autre de leurs entreprises. Depuis l’adoption de la note de l’article 111 en 1972, les contribuables peuvent déduire les pertes d’entreprise des revenus de toutes provenances. Les périodes de report ont été étendues à maintes reprises depuis 1972 [8] .

[98]  Dans sa version actuelle, l’alinéa 111(1)a) ne restreint nullement le type de revenu dont les pertes peuvent être déduites et il n’exige pas que le contribuable continue d’exploiter l’entreprise qui a subi les pertes déduites. Pour l’appelante, il ressort de cette politique générale que le contribuable peut déduire les pertes liées à une source de revenus d’un revenu provenant d’une autre source.

[99]  Tant l’objet que l’esprit de cette disposition est d’offrir un allégement aux contribuables qui ont subi des pertes étant donné que l’État, quand il prélève un impôt sur le revenu, tire profit de leurs revenus.

[100]  Le paragraphe 111(5) restreignait la capacité d’une société de déduire des pertes autres qu’en capital et des pertes agricoles après l’acquisition du contrôle de la société par une personne ou un groupe de personnes. Les pertes pouvaient être déduites si l’exploitation à profit ou dans une expectative raisonnable de profit de l’entreprise qui avait subi les pertes se poursuivait, et ces pertes pouvaient être déduites uniquement du revenu de cette entreprise et, dans certaines circonstances, d’une entreprise semblable.

[101]  Le paragraphe 111(5) disposait :

En cas d’acquisition du contrôle d’une société par une personne ou un groupe de personnes, aucun montant au titre d’une perte autre qu’une perte en capital ou d’une perte agricole pour une année d’imposition se terminant avant ce moment n’est déductible par la société pour une année d’imposition se terminant après ce moment et aucun montant au titre d’une perte autre qu’une perte en capital ou d’une perte agricole pour une année d’imposition se terminant après ce moment n’est déductible par la société pour une année d’imposition se terminant avant ce moment. Toutefois :

a) la fraction de la perte autre qu’une perte en capital ou de la perte agricole subie par la société pour une année d’imposition se terminant avant ce moment qu’il est raisonnable de considérer comme résultant de l’exploitation d’une entreprise et, si la société exploitait une entreprise au cours de cette année, la fraction de la perte autre qu’une perte en capital qu’il est raisonnable de considérer comme se rapportant à un montant déductible en application de l’alinéa 110(1)k) dans le calcul de son revenu imposable pour l’année, ne sont déductibles par la société pour une année d’imposition donnée se terminant après ce moment :

(i) que si, tout au long de l’année donnée, cette entreprise a été exploitée par la société en vue d’en tirer un profit ou dans une attente raisonnable de profit,

(ii) qu’à concurrence du total du revenu de la société provenant de cette entreprise pour l’année donnée et – dans le cas où des biens sont vendus, loués ou mis en valeur ou des services rendus dans le cadre de l’exploitation de l’entreprise avant ce moment – de toute autre entreprise dont la presque totalité du revenu est dérivée de la vente, de la location ou de la mise en valeur, selon le cas, de biens semblables ou de la prestation de services semblables;

b) la fraction de la perte autre qu’une perte en capital ou de la perte agricole subie par la société pour une année d’imposition se terminant après ce moment qu’il est raisonnable de considérer comme résultant de l’exploitation d’une entreprise et, si la société exploitait une entreprise au cours de cette année, la fraction de la perte autre qu’une perte en capital qu’il est raisonnable de considérer comme se rapportant à un montant déductible en application de l’alinéa 110(1)k) dans le calcul de son revenu imposable pour l’année, ne sont déductibles par la société pour une année d’imposition donnée se terminant avant ce moment :

(i) que si, tout au long de l’année d’imposition et de l’année donnée, cette entreprise était exploitée par la société en vue d’en tirer un profit ou dans une attente raisonnable de profit,

(ii) qu’à concurrence du revenu que la société a tiré pour l’année donnée de cette entreprise et de toute autre entreprise dont la presque totalité des revenus provient de la vente, de la location ou de la mise en valeur de biens semblables aux biens vendus, loués ou mis en valeur ou de la prestation de services semblables aux services rendus dans le cadre de l’exploitation de cette entreprise avant ce moment.

[102]  La restriction rattachée au report de pertes prévue au paragraphe 111(5) jouait dès lors qu’il y avait eu « acquisition [...] du contrôle d’une société par une personne ou un groupe de personnes ».

[103]  Le législateur a introduit le critère de l’acquisition du contrôle aux fins de qualification d’une perte qui en théorie a été transférée à une partie non liée. L’intimée soutient que dans le cadre de la RGAÉ, le contrôle ne constituait pas vraiment un aspect important de l’objet et de l’esprit du paragraphe 111(5), mais je rejette cette thèse. La Cour d’appel fédérale enseigne que la « notion de contrôle est essentielle dans l’application du paragraphe 111(5) » [9] . Par conséquent, il s’agit d’un critère pertinent pour l’analyse de l’objet et de l’esprit de cette disposition. Ne pas en tenir compte serait contraire aux règles d’interprétation des lots.

[104]  Depuis longtemps, la jurisprudence enseigne que le mot « contrôle » se rapporte au contrôle de jure au sens de la Loi. Dans l’arrêt Duha Printers (Western) Ltd. c. Canada, le juge Iacobucci fait remarquer :

35 Il est bien reconnu que, sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu, le « contrôle » d’une société s’entend normalement du contrôle de jure et non pas du contrôle de facto. Notre Cour a cité et approuvé à maintes reprises le critère suivant, énoncé par le président Jackett dans Buckerfield’s, précité, à la p. 507 :

[traduction] On pourrait sans doute adopter de nombreuses méthodes pour la définition du mot « contrôle » figurant dans un texte tel que la Loi de l’impôt sur le revenu. Il pourrait par exemple s’agir du contrôle exercé par les « dirigeants », lorsque les dirigeants et le conseil d’administration sont distincts, ou il pourrait s’agir du contrôle exercé par le conseil d’administration. [. . .] Le mot « contrôle » pourrait peut‑être s’entendre du contrôle de fait exercé par un ou plusieurs actionnaires, qu’ils détiennent ou non la majorité des actions. Je suis d’avis cependant que, dans l’article 39 de la Loi de l’impôt sur le revenu [l’ancien article traitant des sociétés associées], le mot « contrôlées » évoque le droit de contrôle auquel donne lieu le fait de détenir un nombre d’actions tel qu’il confère la majorité des voix à leur détenteur dans l’élection du conseil d’administration. [Je souligne.]

Les arrêts dans lesquels notre Cour a appliqué le critère qui précède sont notamment Dworkin Furs, précité, et Vina‑Rug (Canada) Ltd. c. Minister of National Revenue, 1968 CanLII 66 (SCC), [1968] R.C.S. 193 [10] .

[105]  Le paragraphe 111(5) ne joue que si le contrôle est acquis par « une personne ou un groupe de personnes ». La Loi ne donnait pas de définition des mots « groupe de personnes », mais voici ce qu’a décidé la Cour d’appel fédérale dans son arrêt Silicon Graphics Ltd. c. Canada : « [...] la simple possession d’une majorité mathématique d’actions par un ensemble d’actionnaires pris au hasard dans une société à grand nombre d’actionnaires [...] sans un lien commun ne constitue pas un contrôle de droit ainsi que le terme a été défini par la jurisprudence [11] . »

[106]  Le paragraphe 111(5) fait partie d’un ensemble de règles précises, énoncées dans les paragraphes 111(4) à (5.3), qui restreignent le report des pertes autres qu’en capital, des pertes en capital nettes, des pertes agricoles et des pertes non réalisées sur le capital, les immobilisations amortissables et admissibles appartenant à la société, ainsi que des créances douteuses. Ces dispositions jouent lorsqu’il y a acquisition du contrôle de la société du contribuable par une personne ou un groupe de personnes.

[107]  Le paragraphe 27(5), qui a servi de précurseur au paragraphe 111(5), a été intégré à la Loi en 1958. Son objet était d’empêcher le report à une année ultérieure des pertes d’une société dont la moitié du capital-actions avait été acquise par une personne ou des personnes qui, à la fin de l’année d’imposition précédente, ne possédaient aucune action du capital-actions de la société (le « critère du changement global de l’actuariat »). Cette disposition a été ajoutée concurremment à la modification de la Loi qui autorisait la déduction de pertes du revenu de l’une ou l’autre des entreprises exploitées par le contribuable.

[108]  En 1963, la Loi a été modifiée par ajout de l’alinéa 27(5)a), qui disposait que le report de pertes était exclu si le contrôle de la société avait été acquis par une personne ou des personnes qui n’avaient pas, à la fin de l’année précédente, le contrôle de la société.

[109]  En 1972, le paragraphe 27(5) a été remplacé par le paragraphe 111(5), lequel maintenait les restrictions concernant le report des pertes après l’acquisition du contrôle et exigeait que l’entreprise ayant subi les pertes continue d’être exploitée, mais qui permettait dorénavant le report de pertes en vue de leur déduction des revenus de toutes provenances d’un contribuable. Il convient de souligner que le critère du changement global de l’actionnariat n’a pas été intégré au paragraphe 111(5).

[110]  De 1981 à 1987, de nouvelles règles resserraient les restrictions sur les reports notamment par l’ajout de l’exigence que l’entreprise déficitaire continue d’être exploitée par la société à profit ou avec une attente raisonnable de profit. Le montant de la déduction a également été limité au revenu généré par cette entreprise et d’autres entreprises semblables. Depuis 1987, le paragraphe 111(5) est resté sensiblement inchangé.

[111]  Selon des dispositions ajoutées à la Loi, il y a ou non contrôle de jure dans des circonstances précises et créent une norme différente pour établir le contrôle d’une société à certaines fins de la Loi.

[112]  Le paragraphe 256(8), dont il a été question précédemment dans les présents motifs, élargit le concept du contrôle de jure au-delà de la stricte propriété des actions avec droit de vote d’une société en imposant la prise en considération les circonstances dans lesquelles l’acquisition du contrôle est réputée avoir eu lieu. Cette disposition vise l’exclusion du transfert d’attributs fiscaux par le contribuable qui voudrait faire jouer certains droits à l’égard d’actions avec droit de vote pour contourner l’acquisition de contrôle.

[113]  Là encore, le paragraphe 256(8) prévoit que si une personne acquiert un droit visé par l’alinéa 251(5)b) principalement pour se soustraire aux règles sur le transfert des pertes et à d’autres dispositions, le contribuable est réputé se trouver dans la même position relativement au contrôle de la société que si le droit avait été exercé au moment de l’acquisition.

[114]  Pour les années en cause, les droits suivants étaient visés par l’alinéa 251(5)b) :

-  un droit à des actions;

-  un droit d’acquérir des actions;

-  un droit de contrôler les droits de vote rattachés aux actions;

-  un droit d’obliger une société à racheter les actions appartenant à d’autres actionnaires;

-  un droit d’obliger une société à acquérir les actions appartenant à d’autres actionnaires;

-  un droit d’obliger une société à annuler les actions appartenant à d’autres actionnaires;

-  un droit aux droits de vote rattachés aux actions;

-  un droit d’acquérir des droits de vote rattachés aux actions;

-  un droit de contrôler des droits de vote rattachés aux actions;

-  un droit d’obliger la réduction des droits de vote rattachés aux actions appartenant à d’autres actionnaires.

[115]  Ainsi, le paragraphe 256(8) donne au ministre le droit de ne pas se limiter au registre des actions d’une société pour déterminer qui détient le contrôle essentiel sur les droits de vote rattachés aux actions de la société et en possède donc le contrôle réel.

[116]  Un autre élément contextuel entre en ligne de compte : le critère du contrôle de facto du paragraphe 256(5.1), qui élargit les facteurs déterminants du contrôle d’une société à certaines fins de la Loi. Le paragraphe 256(5.1) a été inséré dans la Loi en 1987 et prévoit que, sous réserve de certaines exceptions qui ne sont pas pertinentes en l’espèce :

[...] lorsque l’expression « contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, » est utilisée, une société est considérée comme ainsi contrôlée par une autre société, une personne ou un groupe de personnes [...] si, à ce moment, l’entité dominante a une influence directe ou indirecte dont l’exercice entraînerait le contrôle de fait de la société [...] »

[117]  Concurremment à l’adoption du paragraphe 256(5.1), diverses dispositions de la Loi ont été modifiées afin que le critère du contrôle de fait puisse s’y appliquer. Cependant, il n’a pas été adopté aux fins du paragraphe 111(5).

[118]  Il convient de répéter que l’élément cardinal du critère du contrôle de facto réside dans le contrôle des activités d’une société par le fait du contrôle exercé sur son conseil d’administration. Dans l’arrêt McGillivray Restaurant Ltd. c. Canada, le juge Ryer fait cette observation :

Le contrôle de fait, comme le contrôle de droit, porte sur le contrôle exercé sur le conseil d’administration et non sur le contrôle exercé sur les activités quotidiennes de la société. L’alinéa 256(1)b) et le paragraphe 256(5.1) font expressément référence au contrôle exercé sur une société et non au contrôle exercé sur les activités ou l’exploitation d’une société [12] .

[119]  Le juge Ryer reprend à son compte une jurisprudence de la Cour, Silicon Graphics Ltd. c. Canada :

Par conséquent, je suis d’avis que pour que l’on puisse conclure à un contrôle de fait, une personne ou un groupe de personnes doivent avoir le droit et la capacité manifestes de procéder à une modification importante du conseil d’administration ou des pouvoirs du conseil ou d’influencer d’une façon très directe les actionnaires qui auraient autrement la capacité de choisir le conseil d’administration [13] .

[120]  Par conséquent, les critères du contrôle de jure et de facto se distinguent uniquement par la portée des facteurs à examiner pour déterminer qui exerce le contrôle réel sur le conseil d’administration.

[121]  Selon l’appelante, l’insertion de l’article 256.1 à la Loi en 2013 doit aussi être considérée comme faisant partie du contexte pertinent du paragraphe 111(5) pour les années en cause.

[122]  Selon l’article 256.1, aux fins de certaines dispositions de la Loi dont le paragraphe 111(5), il y a acquisition réputée du contrôle d’une société quand la participation d’une personne ou d’un groupe de personnes passe à plus de 75 % de la valeur des actions en circulation de la société.

[123]  L’appelante soutient que l’article 256.1 marquait un changement de l’état du droit et que, avant son adoption, la Loi ne comportait aucune politique faisant un lien entre l’acquisition d’une participation financière importante dans une société et l’acquisition du contrôle aux fins du paragraphe 111(5).

[124]  Toutefois, il n’est pas nécessaire que je me penche sur cette thèse puisque la Cour d’appel fédérale a déjà discuté l’effet des modifications subséquentes à la Loi dans le cadre d’une interprétation des lois intégrée à son arrêt Canada c. Oxford Properties Ltd. Le juge en chef Noël observe :

La question de savoir si une modification clarifie ou modifie l’état antérieur du droit dépend de l’interprétation de l’état antérieur du droit et de la modification. Comme il a été expliqué, la Loi d’interprétation empêche de tirer une conclusion au sujet de l’effet juridique d’un nouveau texte sur l’état antérieur du droit au seul motif que le législateur l’a adopté. Dans cette perspective, la seule façon d’évaluer les incidences d’une modification sur l’état du droit antérieur consiste à déterminer l’effet juridique de la loi telle qu’elle existait avant la modification, puis à déterminer si la modification modifie ou clarifie cet effet juridique [14] . »

[125]  Enfin, les règles énoncées au paragraphe 256(7) établissent dans quelles circonstances le contrôle est réputé acquis ou non. Il y est fait mention de transferts d’actions entre des personnes liées, de réorganisations à l’intérieur d’un groupe de sociétés liées, de fusions et de prises de contrôle inversées. Dans toutes ces circonstances :

[traduction]

la dilution du contrôle, ou la perte de contrôle par une personne ou un groupe de personnes aux mains d’un groupe indéterminé ne sont pas considérées comme un abus, hormis dans certains contextes comme une fusion ou une prise de contrôle inversée. Dans ces circonstances uniquement, on peut considérer un groupe important d’actionnaires dans son ensemble pour déterminer à qui appartient le contrôle [15] .

[126]  Pour ce qui est de l’objet, il est manifeste que le paragraphe 111(5) visait l’exclusion des échanges de pertes fiscales. La restriction concernant l’utilisation des pertes est assortie d’un petit nombre d’exceptions (le redressement d’une entreprise déficitaire et le transfert des pertes entre des sociétés sous contrôle commun).

[127]  Le paragraphe 111(5) reflète la politique générale de la Loi d’interdiction de l’échange de pertes entre des parties sans lien de dépendance. À l’occasion de l’affaire Mathew c. Canada, la Cour suprême du Canada a conclu que la Loi « a comme politique générale d’interdire le transfert de pertes entre contribuables, sous réserve d’exceptions précises » et « qu’en établissant ces exceptions le législateur a voulu favoriser la réalisation d’un objectif particulier à l’égard de certains rapports qui existent entre l’auteur et le bénéficiaire du transfert dans des circonstances précises [16]  ».

[128]  Selon une certaine doctrine, l’interdiction du report des pertes après une acquisition de contrôle est motivée par le fait que la société est assimilable à un nouveau contribuable puisqu’elle a de nouveaux actionnaires.

[129]  Cette thèse a été formulée ainsi :

[traduction]

De prime abord et de manière générale, les politiques fiscales ne cautionnent pas les reports de pertes après un changement de contrôle. En principe, le contribuable ne peut pas utiliser à son profit les pertes d’un autre contribuable. Dans le cas d’une entité artificielle comme une société, on considère essentiellement qu’un changement de contrôle au sein d’une société en fait un nouveau contribuable puisque des actionnaires différents acquièrent indirectement le droit de tirer profit de sa réussite financière [17] .

[130]  Voici une autre formulation de cette thèse :

[traduction]

Il faut en déduire qu’après un changement important parmi les actionnaires d’une société, elle ne doit pas normalement réclamer des pertes puisque les actionnaires qui ont subi les coûts financiers de ces pertes ont cessé de participer à ses activités [18] .

[131]  Malgré la politique fiscale selon laquelle un changement important dans la participation au capital peut servir de fondement à une restriction en matière de report des pertes, ce critère a été supprimé de la version antérieure du paragraphe 111(5) en 1972, et il a fallu attendre 2013 pour qu’un critère semblable soit inséré au paragraphe 256.1. On pourrait en déduire que le législateur n’avait pas l’intention d’utiliser l’acquisition d’une participation importante dans une société déficitaire pour restreindre son droit de reporter ses pertes.

[132]  Selon toute vraisemblance, le législateur a opté pour le critère du contrôle de jure dans un objectif de certitude et de prévisibilité. Telle est la conclusion du juge Iacobucci dans l’arrêt Duha :

Il importe, au départ, de garder à l’esprit la distinction entre les critères du contrôle de jure et du contrôle de facto qu’ont énoncés les tribunaux. À mon avis, la norme de jure a été retenue parce qu’à certains égards elle représente un concept pertinent et relativement certain et prévisible pour l’examen du contrôle. De façon générale, l’expression de jure renvoie aux sources juridiques qui déterminent le contrôle; à savoir la loi qui régit la société et les actes constitutifs de cette dernière, y compris ses statuts et ses règlements administratifs. La notion de facto a été rejetée parce qu’elle oblige à vérifier qui exerce le contrôle de fait, ce qui peut conduire à une multitude d’indices susceptibles d’exister outre ces sources. Voir, par exemple, F. Iacobucci et D.¸ L. Johnston, « The Private or Closely‑held Corporation », dans J. S. Ziegel, dir., Studies in Canadian Company Law (1973), vol. 2, 68, aux pp. 108 à 112 [19] .

[133]  Le juge Iacobucci fait également remarquer que le critère de l’acquisition du contrôle constitue un moyen de déterminer qui assure le contrôle effectif ou ultime d’une société :

Toutefois, il faut reconnaître, au départ, que ce critère est vraiment une tentative de vérifier qui exerce un contrôle effectif sur les affaires et les destinées de la société. Autrement dit, bien que les administrateurs aient généralement, en vertu de la loi qui régit la société, le droit explicite de gérer la société, l’actionnaire majoritaire exerce indirectement ce contrôle en raison de sa capacité d’élire le conseil d’administration. Ainsi, c’est en réalité l’actionnaire majoritaire, et non pas les administrateurs eux‑mêmes, qui exerce un contrôle effectif sur la société. Le président Jackett a reconnu expressément cela en énonçant le critère de l’arrêt Buckerfield’s. En fait, la source invoquée à l’appui de ce critère est l’opinion incidente suivante que le lord chancelier, le vicomte Simon, a exprimée dans British American Tobacco Co. c. Inland Revenue Commissioners, [1943] 1 All E.R. 13, à la p. 15 :

[traduction] Les détenteurs de la majorité des voix dans une société sont ceux qui exercent un contrôle effectif sur ses affaires et ses destinées. [Je souligne.] [20]

[134]  Une certaine doctrine enseigne que le critère de l’acquisition du contrôle du paragraphe 111(5) permet de déterminer si la société participe librement à une opération ou si elle en est une participante passive, à la solde d’une nouvelle personne ou d’un nouveau groupe de personnes dont le seul motif est de tirer avantage de ses pertes ou de ses attributs fiscaux [21] . Je retiens cette analyse et je conclus que l’objet et l’esprit du paragraphe 111(5) appellent la restriction des manipulations des pertes d’une société par une nouvelle personne ou un nouveau groupe de personnes qui assume le contrôle effectif des actions de la société.

Objet et esprit du paragraphe 256(8)

[135]  Comme je l’ai discuté auparavant dans les présents motifs, le paragraphe 256(8) élargit le concept de contrôle d’une société en considérant que la personne qui détient le contrôle effectif d’une majorité des droits de vote rattachés aux actions de la société en exerce le contrôle. Vu le texte, il est clair que cette disposition porte sur l’évitement fiscal. L’article 256 énonce d’autres règles qui élargissent le concept de contrôle pour l’application d’autres dispositions de la Loi.

[136]  Là encore, selon le paragraphe 256(8) la personne jouissant d’un droit consacré par l’alinéa 251(5)b) est réputée se trouver dans la même position sur le plan du contrôle que si le droit avait été exercé à son acquisition dans l’objectif essentiellement d’éviter les restrictions concernant la déductibilité de certains montants, dont les pertes autres qu’en capital, ou l’application de certaines dispositions.

[137]  L’alinéa 251(5)b) énumère les droits d’acquérir des actions, ou d’acquérir ou de contrôler les droits de vote rattachés aux actions, et d’obliger une société à racheter ou à annuler les actions d’un autre actionnaire, et il vise les droits acquis « en vertu d’un contrat, en equity ou autrement [...], immédiat ou futur, conditionnel ou non ». Les exceptions prévues à l’alinéa 251(5)b) concernant les droits dont l’exercice est conditionnel au décès, à la faillite ou à l’invalidité permanente font ressortir son objet : l’évitement fiscal.

[138]  Il est manifeste qu’en élargissant le critère du contrôle aux droits visés à l’alinéa 251(5)b), le législateur souhaitait axer l’examen du contrôle sur le contrôle effectif des actions plutôt que sur la propriété de celles-ci dans les affaires d’évitement fiscal, y compris celles mettant en cause des échanges d’attributs fiscaux. L’objet et l’esprit du paragraphe 256(8) consistent donc à empêcher un contribuable de contourner les dispositions sur l’évitement fiscal en acquérant le contrôle sur les actions ou les droits de vote rattachés aux actions pour s’approprier le contrôle effectif d’une société.

Abus : La trame de fond factuelle

[139]  La seconde étape de l’analyse fondée sur le paragraphe 245(4) consiste à examiner la trame de fond factuelle de l’affaire pour déterminer si l’opération d’évitement est contraire à l’objet ou à l’esprit des dispositions en cause. Si le contribuable a réalisé une série d’opérations pour obtenir un avantage fiscal, l’examen doit porter sur l’ensemble des faits. Une opération d’évitement fiscal peut constituer un abus s’il n’est pas raisonnable de conclure qu’un avantage fiscal est conforme à l’objet ou à l’esprit des dispositions invoquées par le contribuable [22] .

[140]  Tel est le cas lorsque l’opération produit un résultat que la disposition législative vise à exclure, qui est contraire à la raison d’être de la disposition ou qui contourne l’application de la disposition de manière contraire à son objet ou à son esprit. Une ou plusieurs de ces conditions peuvent être remplies dans tel ou tel cas [23] .

[141]  Selon l’intimée, les opérations en cause ont donné lieu à un évitement fiscal abusif parce qu’elles ont produit un résultat que la politique générale de la Loi cherche à éviter, à savoir l’échange d’attributs fiscaux entre contribuables sans lien de dépendance. L’intimée ne voit pas en quoi le résultat obtenu en l’espèce serait différent du résultat d’une prise de contrôle de l’appelante par une autre société afin que celle-ci puisse utiliser ses attributs fiscaux.

[142]  Certes, la Loi a pour politique générale d’interdire l’échange de pertes, mais il ne peut être automatiquement inféré que le paragraphe 111(5) interdit à l’appelante de se prévaloir des attributs fiscaux. Dans l’arrêt Mathew, la Cour suprême du Canada explique qu’une politique générale « n’est qu’un seul des facteurs à considérer pour déterminer l’intention du législateur » en ce qui concerne l’une ou l’autre des dispositions de la Loi [24] . La Cour a aussi dit dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada que « [l]es tribunaux ne peuvent chercher une politique prépondérante de la Loi qui n’est pas fondée sur une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique unifiée des dispositions en cause [25]  ».

[143]  Comme je l’ai déjà indiqué, il ressort de l’interprétation des dispositions pertinentes que, s’agissant des sociétés, le législateur a retenu le mécanisme précis de l’acquisition du contrôle comme critère pour établir s’il y a eu transfert d’un attribut fiscal à un contribuable sans lien de dépendance, et il a intégré ce mécanisme aux règles sur le transfert des pertes. Cet élément ne saurait être exclu de l’analyse de l’abus sous le couvert d’un argument fondé sur une politique générale. Ce critère permet de déterminer s’il y a eu acquisition du contrôle effectif de la société, et non si des changements importants ont été opérés au sein des actionnaires ou de la direction.

[144]  Il s’agit par conséquent de déterminer si, même si elle n’a pas acquis le contrôle de jure, Matco a acquis le contrôle effectif de l’appelante d’une manière qui contournait l’objet et l’esprit du paragraphe 111(5) et des restrictions relatives au transfert d’attributs fiscaux.

[145]  L’intimée soutient qu’il n’est pas nécessaire d’établir que les opérations d’évitement ont débouché sur le transfert d’une perte ou d’autres attributs fiscaux entre différents contribuables, mais seulement qu’il y a eu un transfert effectif à un contribuable non lié étant donné que les personnes associées à la société avant et après les opérations avaient changé du tout au tout.

[146]  L’intimée énumère les facteurs qui selon elle révèlent l’existence d’un transfert effectif des attributs fiscaux. Je rechercherai si ces facteurs permettent de conclure que les opérations ont donné lieu à l’acquisition du contrôle effectif de l’appelante.

-  Après les opérations en cause, la société appartenait à d’autres actionnaires que ceux qui possédaient auparavant l’entreprise de recherche médicale.

-  Après les opérations en cause, l’exploitation et la direction de la société relevaient de personnes qui n’avaient eu aucun lien avec l’entreprise de recherche médicale.

-  Après les opérations en cause, l’entreprise de recherche médicale a cessé d’être exploitée par la société déficitaire (qui avait été transférée à une autre société).

-  Après les opérations en cause, l’exploitation de l’entreprise de recherche médicale a été reprise par une autre société qui appartenait aux mêmes actionnaires et qui était dirigée par les mêmes gestionnaires.

-  Après les opérations en cause, la société a mené des activités complètement différentes, qui n’avaient aucun lien avec l’entreprise déficitaire.

-  Après les opérations en cause, la société n’avait plus aucune ressemblance avec la société déficitaire – ses éléments d’actif et de passif étaient complètement différents, et même sa dénomination avait changé.

[147]  À mon avis, nul de ces facteurs ne joue en l’occurrence. Les changements relatifs à la direction, aux activités commerciales, à l’actif, au passif ou à la dénomination ne constituent pas les indices de prise de contrôle effective d’une société en common law, et les changements au sein de l’actionnariat à la suite du PAPE n’ont pas donné lieu à un changement effectif du contrôle en raison de la prétendue absence de lien commun entre les actionnaires après le PAPE. L’intimée n’a pas allégué que, après le PAPE, les actionnaires constituaient un « groupe de personnes » aux fins de l’objet et de l’esprit du paragraphe 111(5), et sa thèse était que Matco, et non les actionnaires après le PAPE, avait acquis le contrôle de l’appelante. L’intimée n’a pas non plus allégué que le PAPE faisait partie des opérations d’évitement.

[148]  Qui plus est, comme l’a signalé l’appelante, les changements relatifs à la direction, aux activités commerciales, à l’actif, au passif et à la dénomination ne sont pas contraires à la politique découlant de l’alinéa 111(1)a), qui ne restreint d’aucune manière le report des pertes pour ces motifs.

[149]  Par conséquent, l’intimée n’a pas réussi à établir que ces facteurs sont pertinents quant à la question de savoir si Matco a acquis le contrôle effectif de l’entreprise et des activités commerciales de l’appelante par suite des opérations d’évitement.

[150]  Je suis d’avis que Matco, Newco et l’appelante n’ont tenté d’aucune manière de dénaturer les droits de Matco à l’égard de l’appelante. Matco n’avait pas concrètement le contrôle de l’appelante et, dans les faits, n’avait pas besoin de ce contrôle pour mener à bien le plan fiscal.

[151]  La déduction des attributs fiscaux de l’appelante du revenu de l’entreprise d’investissement aurait été possible même si la convention d’investissement n’avait pas été conclue. L’appelante aurait pu, de son propre chef, s’associer à DKCM pour réunir des fonds par la voie d’un PAPE et poursuivre l’exploitation de l’entreprise d’investissement sans l’aide ou la participation de Matco. En ce sens, les opérations convenues dans la lettre d’intention de DKCM n’étaient pas subordonnées à la convention d’investissement. En l’espèce, l’évitement fiscal a eu lieu essentiellement parce que le PAPE n’a pas débouché sur une acquisition de contrôle puisque les nouveaux actionnaires n’avaient aucun lien de dépendance et ne constituaient donc pas un « groupe de personnes » au sens du paragraphe 111(5). Je réitère que l’intimée n’a pas allégué que le PAPE faisait partie de la série d’opérations censée avoir donné lieu à un évitement fiscal abusif.

[152]  L’intimée admet que Matco est intervenue à titre d’intermédiaire, et qu’elle ne s’est pas prévalue elle-même des attributs fiscaux. L’appelante a participé de son plein gré aux opérations ayant permis la déduction des attributs fiscaux du revenu de l’entreprise d’investissement, et Matco n’avait pas à acquérir le contrôle de l’appelante pour aboutir aux conséquences fiscales visées.

[153]  Je ne propose pas de discuter les allégations de l’intimée portant que les opérations d’évitement contournaient le paragraphe 111(5) de manière contraire à son objet puisqu’il n’y a pas eu d’opération de redressement de l’entreprise déficitaire de l’appelante ni de transfert de pertes à l’intérieur d’un groupe de sociétés liées, et l’appelante ne soutient pas que son entreprise déficitaire a poursuivi ses activités, ni que Matco ou DCKM exerçaient un contrôle commun. L’appelante fonde son argument sur le fait qu’elle n’a pas fait l’objet d’une acquisition de contrôle telle qu’elle s’entend selon l’objet et l’esprit du paragraphe 111(5).

[154]  Pour ces motifs, je conclus que les opérations d’évitement n’ont pas donné lieu à l’abus des restrictions liées au transfert des attributs fiscaux des paragraphes 111(5), 37(6.1) et 127(9.1).

[155]  L’intimée soutient en outre que les opérations d’évitement sont contraires à la politique de la Loi qui étend le critère du contrôle de jure du paragraphe 256(8) étant donné que la convention d’investissement conférait à Matco le contrôle effectif sur les droits de vote rattachés à toutes les actions de l’appelante, y compris les actions restantes (exception faite des actions détenues par la société 125) et que l’intention de Matco, de Newco et de l’appelante avait toujours été que Matco acquière les actions restantes de Newco. Au vu des circonstances, ajoute l’intimée, Matco avait le contrôle effectif des droits de vote rattachés à ces actions avant le PAPE, et a donc contourné artificiellement le paragraphe 256(8) et les règles sur le transfert.

[156]  Plus particulièrement, l’intimée soutient que la convention d’investissement conférait à Matco le contrôle effectif sur la totalité des actions, y compris les actions restantes, avant le PAPE parce que :

-  après la signature de la convention d’investissement, l’appelante n’avait plus le choix d’aider Matco à trouver une occasion d’affaires;

-  Newco ne pouvait pas vendre ou consentir à vendre ses actions de l’appelante, ni en disposer autrement sans le consentement de Matco;

-  seule Matco pouvait proposer des « occasions de vente » à Newco;

-  Matco pouvait faire l’objet elle-même de l’« occasion de vente »;

-  à défaut d’offrir une autre occasion de vente, Matco pouvait soit verser le montant garanti sans contrepartie, soit proposer d’acheter elle-même les actions restantes en contrepartie du montant garanti; si elle avait refusé de vendre les actions à Matco, Newco n’aurait pas touché le montant garanti.

[157]  Aux fins de cet argument, seul compte l’examen des faits liés à un contrôle quelconque de Matco sur les actions restantes, car il n’est pas controversé qu’elle avait le droit d’acquérir les actions au titre de la débenture convertible. Cela dit, je ne pense pas que les éléments de preuve donnent raison à l’intimée au sujet du contrôle effectif de Matco sur les actions restantes de l’appelante.

[158]  J’ai déjà conclu que Newco n’avait pas besoin du consentement de Matco pour vendre les actions restantes.

[159]  Je conclus également que la convention d’investissement ne stipulait pas que seule Matco pouvait présenter une occasion de vente à Newco. Cette condition n’est pas comprise dans la définition de l’ [traduction] « occasion de vente » et ne figure nulle part ailleurs dans la convention.

[160]  Enfin, je ne vois pas de lien entre la restriction des activités de l’appelante par effet de la convention d’investissement et un contrôle des actions de l’appelante. L’intimée ne donne aucune précision sur ce point.

[161]  Elle soutient de plus que les circonstances suivantes confirment que l’appelante, Newco et Matco souhaitaient que cette dernière exerce le contrôle effectif des actions restantes de l’appelante, et qu’elles ont agi en conséquence :

-  Newco ne semble pas avoir fait grand cas de l’occasion d’affaires ou de quelque [traduction] « avantage » (elle s’est comportée comme s’il était inévitable que Matco acquière les actions restantes).

-  Matco a négocié et signé la lettre d’intention de Deans Knight sans avoir consulté Newco, qui selon toute vraisemblance n’a soulevé aucune réserve à cet égard.

-  Après avoir été modifiée, la convention d’immobilisation prévoyait une seule opération durant la période d’entiercement, soit la vente par Newco des actions restantes à Matco.

-  Newco a accepté de vendre les actions restantes à Matco à un prix qui équivalait à 200 000 $ de moins que leur valeur, sans négociation.

[162]  Je commencerai par ce dernier point. Il est inexact de dire que les actions restantes valaient plus que le prix auquel Matco les a payées en avril 2009. Ces actions étaient visées par la condition d’immobilisation et ne pouvaient pas être vendues dans les six mois suivant le PAPE. M. Goold a affirmé que le conseil d’administration de Newco redoutait une baisse du cours des actions restantes pendant cette période. Il aurait été risqué pour l’appelante de conserver les actions jusqu’à la fin de la période d’immobilisation, et ce risque aurait pu avoir une incidence sur leur valeur au moment de leur vente à Matco.

[163]  Par ailleurs, l’exception à la convention d’immobilisation était motivée par le fait que Matco aurait été obligée de verser le montant garanti si l’appelante n’avait pas eu l’occasion de vendre les actions restantes avant le 30 avril 2009. L’exception aurait pu être formulée de telle sorte qu’elle aurait permis à l’appelante de vendre les actions à n’importe qui, mais le point important est qu’elle n’était pas obligée de vendre les actions en raison de cette exception. Autrement dit, même si l’exception limitait la vente à Matco, ce n’est pas une preuve que l’intention des parties a toujours été que Matco achète les actions restantes. En fait, selon M. Goold, Newco considérait qu’elle avait le droit de conserver les actions restantes au-delà de la période de garantie.

[164]  J’ai déjà dit que je retenais le témoignage de M. Goold selon lequel Newco estimait avoir le choix d’accepter ou non l’offre de Matco à l’égard des actions restantes. Il a expliqué que Newco avait accepté l’offre à un prix inférieur à celui du PAPE parce qu’elle avait besoin de liquidités pour ses activités.

[165]   Je ne crois pas davantage que Newco n’attachait aucune importance aux conditions de l’occasion d’affaires. Le fait que leurs intérêts correspondaient à ceux de Matco offrait une certaine garantie qu’elle lui ferait une proposition mutuellement avantageuse. En l’occurrence, il s’agissait d’une solution de rechange viable à une vente à Matco en contrepartie du montant garanti puisque Newco aurait pu se voir proposer un prix plus élevé que le montant garanti pour les actions.

[166]  Par conséquent, je suis d’avis que les circonstances invoquées par l’intimée ne permettent pas de conclure que Matco détenait le contrôle effectif de la majorité des actions avec droit de vote de l’appelante avant le PAPE, et je conclus que les opérations d’évitement n’équivalaient pas à l’abus du paragraphe 256(8) et de l’alinéa 251(5)b) de la Loi.

Conclusion

[167]  Pour tous les motifs exposés ci-devant, j’accueille l’appel.

[168]  Les parties disposent d’un délai de 30 jours à compter de la date du présent jugement pour parvenir à un accord sur les dépens, faute de quoi elles seront invitées à déposer leurs observations écrites sur les dépens dans les 60 jours suivant la date du présent jugement. Leurs observations doivent tenir sur quinze pages.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 5e jour d’avril 2019.

« B. Paris »

Le juge Paris

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de juillet 2019.

François Brunet, réviseur


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 76

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-4148(IT)G

INTITULÉ :

DEANS KNIGHT INCOME CORPORATION c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATES DE L’AUDIENCE :

Les 13, 14, 15, 16, 19 et 20 février 2018

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge B. Paris

DATE DU JUGEMENT :

Le 5 avril 2019

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelante :

Me J. Kelly Hannan

Me Heather DiGregorio

Me Darian Khan

Avocats de l’intimée :

Me Robert Carvalho

Me Perry Derksen

Me Shannon Currie

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me J. Kelly Hannan

Me Heather DiGregorio

Me Darian Khan

Cabinet :

Burnet, Duckworth & Palmer LLP

Pour l’intimée :

Me Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]   L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.).

[2]   Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 RCS 622, au paragraphe 39.

[3]   Copthorne Holdings Ltd. c. Canada, 2011 CSC 63, au paragraphe 33, citant Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, aux paragraphes 18, 21 et 36.

[4]   Copthorne, précité, note 3, au paragraphe 42.

[5]   Hypothèques Trustco Canada, précité, note 3, au paragraphe 20.

[6]   Copthorne, précité, note 3, au paragraphe 35.

[7]   Copthorne, précité, note 3, aux paragraphes 69 et 70.

[8]   John Burghardt et Sarah Chiu, « Loss is Just a Four-Letter Word: Policy, Practice and Proposals », 2013 CTF Conference Report, 14:1 à 43 (p. 14:7).

[9]   Canada c. Duha Printers (Western) Ltd., [1996] 50 DTC 6323 (CAF), au paragraphe 4.

[10]   Duha Printers (Western) Ltd. c. Canada, [1998] 1 RCS 795, aux paragraphes 35 et 36.

[11]   Silicon Graphics Ltd. c. Canada, 2002 CAF 260, au paragraphe 36.

[12]   McGillivray Restaurant Ltd. c. Canada, 2016 CAF 99, au paragraphe 46.

[13]   Ibid, au paragraphe 35.

[14]   Canada c. Oxford Properties Ltd., 2018 CAF 30, au paragraphe 86.

[15]   M. Munoz, « Loss Utilization in Arm's-Length Business Combinations », Canadian Tax Journal (2009), vol. 547, no 3, p. 660 à 698 (à la p. 692).

[16]   Mathew c. Canada, 2005 CSC 55, au paragraphe 49.

[17]   W.J. Strain, D.A. Dodge, V. Peters, « Tax Simplification: The Elusive Goal », 1988 CTF Conference Report, 4:1 (p. 4-52).

[18]   A. Nijhawan, « When Is Loss Trading Permissible? A Purposive Analysis of Subsection 111(5) », CTF Conference Report, p. 9:1 à 26 (p. 9:5).

[19]   Duha, précité, note 10, au paragraphe 58.

[20]   Ibid, au paragraphe 36.

[21]   M. Munoz, « Loss Utilization in Arm’s-Length Business Combinations », Canadian Tax Journal (2009), vol. 547, no 3, p. 660 à 698 (à la page 694).

[22]   Copthorne, précité, note 3, au paragraphe 70; Canada Hypothèques Trustco, précité, note 3, au paragraphe 66.

[23]   Lipson c. Canada, 2009 CSC 1, au paragraphe 40.

[24]   Hypothèques Trustco Canada, précité, note 3, au paragraphe 49.

[25]   Ibid, au paragraphe 41.

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