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Dossier : 2012‑1261(GST)G

ENTRE :

BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 10 et 11 avril 2017, à Toronto (Ontario)

Devant : L'honorable juge Henry A. Visser


Comparutions :

Avocats de l'appelante :

Mes Al Meghji, Al Nawaz‑Nanji et Andrew Boyd

 

Avocats de l'intimée :

Mes Marilyn Vardy et Craig Maw

 

JUGEMENT

  L'appel formé en vertu de la Loi sur la taxe d'accise contre l'avis de cotisation du 25 mars 2011 est rejeté.

  Les parties ont 30 jours à compter de la date du présent jugement pour s'entendre sur les dépens, à défaut de quoi l'intimée disposera d'un autre délai de 30 jours pour déposer des observations écrites sur cette question, et la Banque de Commerce disposera d'un autre délai de 30 jours pour déposer une réponse écrite. Ces observations auront au plus dix pages. Si les parties n'avisent pas la Cour qu'elles sont parvenues à une entente et ne déposent pas d'observations sur les dépens, ceux‑ci seront adjugés à l'intimée conformément au tarif.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour d'avril 2019.

« Henry A. Visser »

Le juge Visser


Référence : 2019 CCI 79

Date : 20190416

Dossier : 2012‑1261(GST)G

ENTRE :

BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Visser

[1]  La Banque canadienne impériale de commerce (la Banque de Commerce) demande le remboursement d'environ 44,6 millions de dollars qu'elle a payés par erreur au titre de la TPS sur des sommes qu'elle a versées à la société en commandite Aéroplan (Aéroplan) au titre du programme de fidélisation Aéroplan (le programme de milles Aéroplan). Pour trancher le présent appel, la Cour doit donc établir si les fournitures effectuées par Aéroplan à la Banque de Commerce au titre du programme de milles Aéroplan étaient assujetties à la TPS pendant la période visée par l'appel. Pour les motifs qui suivent, je conclus par l'affirmative, de sorte que la Banque de Commerce n'a pas payé par erreur la TPS en cause et ne peut donc prétendre au remboursement en litige dans le présent appel.

I. INTRODUCTION

[2]  Du 25 mars 2005 au 26 février 2007 (la période en cause), la Banque de Commerce était un partenaire d'accumulation du programme de milles Aéroplan exploité par Aéroplan. En application des accords entre les parties, la Banque de Commerce a fait à Aéroplan des paiements considérables (les paiements à Aéroplan) [1] pendant la période en cause au titre de sa participation au programme de milles Aéroplan. Les paiements à Aéroplan étaient en grande partie calculés en fonction du nombre de milles Aéroplan attribués par Aéroplan aux clients de la Banque de Commerce au cours de la période en cause. Conformément à l'article 165 (partie IX) de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi) [2] , Aéroplan a facturé la taxe sur les produits et services (la TPS) [3] afférente aux paiements à Aéroplan, et la Banque de Commerce a payé la TPS, en se fondant sur la prémisse que les fournitures effectuées par Aéroplan à la Banque de Commerce durant la période en cause (les fournitures d'Aéroplan) étaient des fournitures taxables pour l'application de la Loi.

[3]  La Banque de Commerce a par la suite adopté la thèse selon laquelle les fournitures d'Aéroplan à elle‑même étaient des fournitures de services financiers exonérés et n'étaient donc pas assujetties à la TPS sous le régime de la Loi. Elle a en conséquence présenté au ministre du Revenu national (le ministre), le 26 mars 2007, en vertu de l'article 261 de la Loi, une demande générale de remboursement de la TPS/TVH (formulaire GST189E(06)) (le formulaire de demande de remboursement) de 44 631 063,32 $ pour la période en cause, au motif qu'elle avait payé par erreur la TPS sur les fournitures d'Aéroplan [4] . Le 13 mai 2009, la Banque de Commerce a révisé le montant du remboursement demandé (le remboursement) pour le porter à 44 784 563,64 $ (soit une majoration de 153 500,32 $), invoquant une erreur dans le calcul des crédits de taxe sur les intrants qu'elle avait demandés au titre des fournitures d'Aéroplan pour la période en cause [5] . Le 25 mars 2011, le ministre a délivré, en vertu de l'article 297 de la Loi, un avis de cotisation (la cotisation) rejetant intégralement la demande de remboursement de la Banque de Commerce [6] au motif que les fournitures d'Aéroplan étaient des fournitures taxables [7] . C'est cette cotisation qui forme l'objet du présent appel. Dans un avis de requête qu'elle a déposé le 18 janvier 2013, l'intimée note que l'appelante a en outre demandé des remboursements de TPS semblables de 79 838 793,63 $ pour la période allant du 27 février 2007 au 30 juin 2010. Ces demandes additionnelles de remboursement présentées par la Banque de Commerce ne sont pas directement en litige dans le présent appel [8] .

II. LES QUESTIONS EN LITIGE

[4]  Le motif invoqué par la Banque de Commerce pour demander le remboursement en litige au titre de l'article 261 de la Loi a varié avec le temps. Dans sa lettre du 26 mars 2007 et le formulaire de demande de remboursement qui l'accompagnait [9] , de même que dans sa lettre du 13 mai 2009 [10] , la Banque de Commerce soutenait que les fournitures d'Aéroplan étaient des fournitures exonérées de services financiers. Dans l'avis d'appel qu'elle a déposé le 28 mars 2012, la Banque de Commerce a d'abord avancé que les fournitures d'Aéroplan étaient des fournitures exonérées de services financiers, ou, subsidiairement, que le programme de milles Aéroplan constituait une coentreprise, ou, encore à titre subsidiaire, que les milles Aéroplan étaient des certificats‑cadeaux. Elle a cependant modifié son avis d'appel plusieurs fois avant l'instruction, abandonnant certains de ses moyens, pour ne retenir à l'instruction qu'une seule thèse, qu'elle a formulée comme suit :

[TRADUCTION]

La question à trancher dans le présent appel est celle de savoir si les paiements à Aéroplan constituaient une contrepartie pour la délivrance ou la vente d'un « certificat‑cadeau » selon l'article 181.2 de la Loi [11] .

[5]  La Banque de Commerce soutient essentiellement que les milles Aéroplan attribués par Aéroplan à ses clients constituaient des « certificats‑cadeaux », et que les fournitures d'Aéroplan étaient par conséquent réputées ne pas être une fourniture aux termes de l'article 181.2 de la Loi, de sorte qu'elles n'étaient pas assujetties à la TPS sous le régime de cette Loi.

[6]  L'intimée soulève les trois questions suivantes au paragraphe 28 de sa nouvelle réponse à l'avis d'appel modifié une seconde fois :

[TRADUCTION]

a)  Existe‑t‑il une possibilité de double remboursement de la taxe versée en raison des CTI antérieurement demandés par l'appelante et admis par le ministre pour la période visée par l'appel?

b)  L'appelante a‑t‑elle rempli les conditions requises pour produire une demande valable de remboursement dans le délai prescrit?

c)  Air Canada ou Aéroplan délivrait‑il ou vendait‑il des « certificats‑cadeaux »?

[7]  À l'instruction, les avocats de l'intimée ont défini encore plus étroitement leur thèse en abandonnant la première des questions précitées. Par conséquent, la question principale à trancher dans le présent appel est celle de savoir si les fournitures d'Aéroplan à la Banque de Commerce (et donc les paiements à Aéroplan par la Banque de Commerce) pendant la période en cause étaient des fournitures taxables assujetties à la TPS ou si elles étaient exclues de l'application de cette taxe au motif qu'elles étaient réputées ne pas être une fourniture aux termes de l'article 181.2 de la Loi. Les parties ont énoncé la question comme étant celle de savoir si les paiements à Aéroplan ont été effectués en contrepartie de la délivrance ou de la vente de « certificats‑cadeaux » par Aéroplan à la Banque de Commerce ou aux clients de celle‑ci. À titre subsidiaire, l'intimée a défini la question comme étant celle de savoir si les paiements à Aéroplan ont été faits en contrepartie de la fourniture par celle‑ci à la Banque de Commerce d'un service de promotion et de mise en marché. Essentiellement, la question principale à trancher dans le présent appel est celle de savoir si les fournitures d'Aéroplan devraient être décrites, pour les besoins de la TPS, comme une fourniture taxable de services de promotion et de mise en marché ou comme une fourniture de « certificats‑cadeaux » qui est réputée ne pas être une fourniture selon l'article 181.2.

[8]  Une question secondaire se rapporte au calcul de la demande de remboursement de la Banque de Commerce et ne se pose que si l'appelante a gain de cause sur la question principale. Plus précisément, cette question secondaire est celle de savoir si la Banque de Commerce peut recouvrer, lors du présent appel, la TPS de 2 254 282,60 $ qu'elle a payée le 28 février 2007, soit deux jours après le 26 février 2007, date qui marquait la fin de la période visée par la demande de remboursement selon le formulaire de l'appelante. L'appelante soutient que le formulaire de demande de remboursement comprenait une erreur d'écriture sans importance ni pertinence quant à la fin de la période pour laquelle elle demandait un remboursement et qu'elle devrait pouvoir recouvrer la TPS de 2 254 282,60 $ payée le 28 février 2007 malgré cette erreur. L'intimée affirme que le paiement du 28 février 2007 a été effectué après la période visée par l'appel et que l'appelante ne peut donc recouvrer cette somme lors du présent appel.

[9]  Pour les motifs qui suivent, j'estime que les fournitures d'Aéroplan étaient des fournitures taxables de services de promotion et de mise en marché par Aéroplan à la Banque de Commerce. À titre subsidiaire, je suis d'avis que les milles Aéroplan en cause dans le présent appel ne constituaient pas des « certificats‑cadeaux » au sens de l'article 181.2 de la Loi, de sorte que les fournitures d'Aéroplan ne sont pas réputées, en raison de cet article, ne pas être une fourniture pour l'application de la Loi. En conséquence, je conclus que les fournitures d'Aéroplan étaient assujetties à la TPS durant la période en cause et que le ministre a donc valablement rejeté la demande de remboursement de la Banque de Commerce. Bien que ma conclusion sur la question principale prive la question secondaire de portée pratique, j'ajouterai que la Banque de Commerce aurait à mon sens le droit de demander le remboursement de la TPS de 2 254 282,60 $ versée le 28 février 2007 si elle avait par ailleurs le droit de demander le remboursement.

III. RAPPEL DES FAITS

[10]  Les faits ne sont généralement pas en litige. Les parties ont produit un exposé conjoint (partiel) des faits qu'on trouvera reproduit à l'annexe A. Elles ont également produit un recueil conjoint de documents [12] comprenant notamment des copies des conventions applicables qui régissaient les rapports entre la Banque de Commerce et Aéroplan pendant la période en cause, ainsi que des copies du formulaire de demande de remboursement et des factures se rapportant aux paiements à Aéroplan et au remboursement en litige. En outre, l'appelante a fait témoigner M. Stephen Webster. M. Webster est entré à la Banque de Commerce en 1992 et, au moment de l'instruction, y était vice‑président responsable des cartes de voyage. La direction du programme de milles Aéroplan pour la Banque de Commerce faisait partie de ses attributions. Le témoignage de M. Webster portait sur la manière dont la Banque de Commerce utilisait le programme Aéroplan pour commercialiser ses services financiers, sur les rapports entre les deux sociétés et sur les rapports de celles‑ci avec les clients. Il a aussi décrit comment on distribuait des milles Aéroplan comme primes de fidélisation, et comment on en faisait cadeau pour attirer et conserver les clients. En outre, il a expliqué que les clients des divers produits financiers de la Banque de Commerce accumulaient des milles Aéroplan à des rythmes différents. M. Webster m'a paru être un témoin crédible. Chacune des parties a également consigné en preuve des extraits d'interrogatoires préalables [13] .

[11]  C'est Air Canada qui détenait et exploitait à l'origine le programme de milles Aéroplan, avant de le céder à Aéroplan. La Banque de Commerce et Air Canada ont passé, concernant le programme de milles Aéroplan, une convention relative aux cartes de crédit le 1er janvier 1995, modifiée par une convention modificative du 18 octobre 1999 et par une lettre du 25 avril 2000 (ces instruments étant ci‑après désignés collectivement la « convention de 1995 »). Le 1er avril 2003, Air Canada a obtenu de la Cour supérieure de justice de l'Ontario, sous le régime de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (Canada), une ordonnance relative à sa restructuration financière. Par la suite, et simultanément à l'ouverture par la Banque de Commerce d'un crédit de 350 millions de dollars à Air Canada, les deux sociétés ont passé une nouvelle convention relative aux cartes de crédit du 16 avril 2003 (la convention de 2003), qui a remplacé la convention de 1995 [14] . La convention de 2003 a elle‑même été modifiée par les accords complémentaires suivants :

a)  la lettre d'entente du 31 octobre 2003 entre Air Canada et la Banque de Commerce [15] ;

b)  la lettre d'entente du 28 novembre 2003 entre Air Canada et la Banque de Commerce [16] ;

c)  la lettre d'entente du 7 avril 2004 entre Air Canada et la Banque de Commerce [17] ;

d)  la convention de cession et de prise en charge du 5 juillet 2004 entre Air Canada (cédante), la société en commandite Aéroplan (cessionnaire) et la Banque de Commerce [18] ;

e)  la convention de cession et de prise en charge du 29 juin 2005 entre la société en commandite APLN (auparavant dénommée « société en commandite Aéroplan ») (cédante), la société en commandite Aéroplan (cessionnaire), la Banque de Commerce et Air Canada [19] ;

f)  la convention modificative du 28 septembre 2006 entre la Banque de Commerce et la société en commandite Aéroplan [20] ;

g)  la convention modificative du 2 octobre 2006 entre la Banque de Commerce et la société en commandite Aéroplan [21] ;

h)  la lettre d'entente du 16 novembre 2006 entre la Banque de Commerce et la société en commandite Aéroplan [22] .

[12]  La convention de 2003, telle que modifiée et cédée, régissait la participation de la Banque de Commerce au programme de milles Aéroplan pendant la période en cause et est donc le fondement des fournitures d'Aéroplan et des paiements à Aéroplan qui font l'objet du présent appel [23] .

IV. LE DROIT APPLICABLE ET DISCUSSION

A.   Introduction — La question principale : les fournitures d'Aéroplan sont‑elles des fournitures taxables?

[13]  L'article 165 de la Loi dispose que les fournitures taxables effectuées au Canada sont assujetties à la TPS. L'article 123(1) définit comme suit l'expression « fourniture taxable » : « Fourniture effectuée dans le cadre d'une activité commerciale ». Quant à l'expression « activité commerciale », elle est ainsi définie au même article :

« activité commerciale » Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

a) l'exploitation d'une entreprise (à l'exception d'une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l'ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l'entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

b) les projets à risque et les affaires de caractère commercial (à l'exception de quelque projet ou affaire qu'entreprend, sans attente raisonnable de profit, un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l'ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où le projet ou l'affaire comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

c) la réalisation de fournitures, sauf des fournitures exonérées, d'immeubles appartenant à la personne, y compris les actes qu'elle accomplit dans le cadre ou à l'occasion des fournitures.

[14]  Selon la définition de l'article 123(1) de la Loi, une « fourniture exonérée » est une « Fourniture figurant à l'annexe V » de la Loi. La partie VII de l'annexe V de la Loi dispose que certaines fournitures de services financiers sont exonérées de la TPS, sauf certains services financiers exportés qui sont des fournitures détaxées selon la partie IX de l'annexe VI de la Loi. Dans la présente instance, la Banque de Commerce avait d'abord soutenu que les fournitures d'Aéroplan constituaient des fournitures exonérées de services financiers pour l'application de la Loi, mais elle a abandonné ce moyen avant l'instruction. Je note également qu'aucune des deux parties n'a avancé qu'Aéroplan n'exploitait pas d'entreprise au Canada pendant la période en cause ni que les fournitures d'Aéroplan ne constituaient pas par ailleurs des fournitures taxables. Par conséquent, les fournitures d'Aéroplan à la Banque de Commerce pendant la période en cause seront assujetties à la TPS, sauf application d'une disposition d'allègement de la Loi, par exemple l'article 181.2, selon lequel la fourniture de certains certificats‑cadeaux est réputée ne pas être une fourniture.

[15]  En l'espèce, comme on l'a vu plus haut, la Banque de Commerce a demandé un remboursement en vertu de l'article 261 de la Loi au motif qu'elle avait payé la TPS par erreur sur les fournitures d'Aéroplan. La Banque de Commerce soutient à cet égard que les fournitures d'Aéroplan ne sont pas assujetties à la TPS parce qu'elles sont des « certificats‑cadeaux », et sont par conséquent réputées ne pas être des fournitures selon l'article 181.2 de la Loi. L'intimée affirme de son côté que les fournitures d'Aéroplan ne sont pas des « certificats‑cadeaux » ou, à titre subsidiaire, qu'elles sont des fournitures de services de promotion ou de mise en marché. Avant d'examiner les observations des parties sur la disposition relative aux « certificats‑cadeaux » de l'article 181.2 de la Loi, il me paraît nécessaire de définir les fournitures d'Aéroplan pour les besoins de la TPS et d'établir si elles constituent une fourniture unique de biens ou de services. Si les fournitures d'Aéroplan sont des fournitures multiples de biens ou de services, il est en outre nécessaire d'établir si l'une ou plusieurs des fournitures multiples sont accessoires à une autre fourniture, de telle sorte que ces fournitures accessoires seraient réputées faire partie de cette autre fourniture en application de l'article 138 de la Loi [24] . Après avoir qualifié les fournitures d'Aéroplan pour les besoins de la TPS, il faudra établir si elles sont assujetties à la TPS, ou si elles constituent la fourniture de certificats‑cadeaux et sont donc réputées ne pas être une fourniture selon l'article 181.2 de la Loi (de sorte qu'elles ne seraient pas assujetties à la TPS).

B. La qualification des fournitures d'Aéroplan

[16]  Le critère permettant de distinguer la fourniture unique des fournitures multiples pour les besoins de la TPS a été exposé et examiné dans les termes suivants aux paragraphes 31 à 46 de l'arrêt Calgary (Ville) c. Canada, 2012 CSC 20, [2012] 1 R.C.S. 689 :

31  Bien que les décisions judiciaires sur la question de savoir si un fournisseur a effectué une fourniture unique comportant un certain nombre d'éléments ou des fournitures multiples de biens ou de services distincts ne portent pas précisément sur la question en litige dans la présente affaire, on peut s'inspirer de la manière dont les tribunaux y statuent pour déterminer s'il y a eu une ou deux fournitures en l'espèce.

32  Dans O.A. Brown Ltd. c. Canada, [1995] A.C.I. no 678 (QL) (C.C.I.), appelé à déterminer si un fournisseur était à l'origine d'une fourniture unique ou de fournitures multiples, le juge Rip (maintenant Juge en chef de la Cour canadienne de l'impôt) a résumé les principes applicables. Son analyse a été confirmée par la Cour d'appel fédérale dans Hidden Valley Golf Resort Assn. c. Canada, 2000 CanLII 15583.

33  L'appelante O.A. Brown Ltd. (« OAB ») achetait du bétail pour ses clients, mais à son nom et à ses risques, et non à titre de mandataire. Ses clients communiquaient avec un représentant pour passer commande et précisaient alors le type de bovins recherchés. Outre le coût du bétail, OAB facturait à ses clients les frais engagés, notamment pour le marquage et les inoculations, ainsi qu'une commission. Le bétail est une fourniture détaxée aux fins de la TPS, de sorte que le vendeur ne paie pas de TPS sur l'acquisition du bétail, ni n'en perçoit du client. Le ministre a établi une cotisation au titre de la TPS sur la commission et les frais. L'appel interjeté portait principalement sur la question de savoir si OAB offrait un service d'acquisition de bétail selon les exigences de ses clients ou si elle fournissait du bétail et autre chose, auquel cas elle devait percevoir et verser la TPS sur l'autre fourniture.

34  Le juge Rip a conclu que de nombreuses dispositions de la Value Added Tax du Royaume‑Uni s'apparentaient aux dispositions canadiennes sur la TPS (Value Added Tax Act (UK), 1983, ch. 55). La jurisprudence anglaise formulait la question comme suit : la fourniture en cause est‑elle mixte ou multiple? Une fourniture mixte est une fourniture unique constituée de plusieurs éléments dont certains, s'ils étaient fournis séparément, seraient taxés et d'autres pas. Les fournitures multiples sont effectuées et taxées séparément.

35  Le critère suivant se dégage de la décision O.A. Brown pour déterminer si un ensemble de faits donné révèle l'existence d'une fourniture unique ou de fournitures multiples pour les besoins de la LTA :

Le critère qui ressort de la jurisprudence anglaise est de savoir si, au fond et en réalité, la [prétendue] fourniture séparée fait partie intégrante ou est un élément constitutif de la fourniture globale. Il faut examiner la nature véritable de l'opération pour en déterminer les attributs fiscaux. [par. 21]

36  Pour arriver à sa conclusion, le juge Rip a fait observer ce qui suit :

... il faudrait se demander dans quelle mesure les services qui constitueraient [...] une fourniture unique sont liés les uns aux autres, quelle est l'étendue de leur interdépendance et de leur enchevêtrement, et si chaque service fait partie intégrante d'un ensemble [composite] ... [par. 22]

(Citant Mercantile Contracts Ltd. c. Customs & Excise Commissioners, dossier no LON/88/786, R.‑U. (non publié).)

37  Le juge Rip a également relevé l'importance de s'en remettre au bon sens pour trancher. Dans Gin Max Enterprises Inc. c. La Reine, 2007 CCI 223 (CanLII), le juge McArthur, également de la Cour de l'impôt, a opiné dans le même sens :

L'examen de la jurisprudence révèle que la question de savoir si deux éléments forment une fourniture unique ou deux ou de multiples fournitures exige une analyse de la nature véritable des opérations, et il s'agit d'une question de fait tranchée avec une généreuse dose de bon sens. [par. 18]

38  Au regard du critère, le juge Rip a conclu que les frais et la commission n'avaient pas été exigés pour des services qui constituaient des « fournitures distinctes, indépendantes de l'activité dans son ensemble » (par. 29). Les activités d'achat, de marquage, d'inoculation et autres ne formaient un service utile que si elles étaient considérées ensemble. Il a conclu :

Au fond et en réalité, la [prétendue] fourniture séparée, soit un service d'achat, fait partie intégrante de la fourniture globale, à savoir la fourniture de bétail. Il n'est pas possible, en réalité, d'enlever de la fourniture globale les [prétendues] fournitures séparées car celles‑ci constituent en fait l'essence de cette fourniture. Les [prétendues] fournitures séparées sont liées à la fourniture de bétail à un point tel qu'elles font partie intégrante de l'ensemble au complet. [...] L'appelante effectue une fourniture unique de bétail et la commission et les [frais] exigés font partie intégrante de la contrepartie y afférente. Ils n'équivalent pas à des fournitures séparées. [par. 29]

39  Dans O.A. Brown, le juge Rip a considéré que la commission et les frais d'inoculation, de marquage et de transport n'étaient pas exigés pour des services distincts, mais qu'ils constituaient des intrants du bétail et faisaient partie de ce qu'il en coûtait pour fournir le bétail. Si l'on adhère à la même démarche en l'espèce, les installations de transport en commun constituent non pas une fourniture distincte, mais bien un intrant — ou un élément essentiel — de la fourniture du service municipal de transport à la population de Calgary.

40  L'arrêt Canada c. Maritime Life Assurance Co., 2000 CanLII 16374 (C.A.F.), étaye également la thèse selon laquelle les travaux préparatoires ou nécessaires à la fourniture ne deviennent pas un service distinct assujetti à la TPS. Dans cette affaire, Maritime Life délivrait différentes sortes de police d'assurance, dont un certain nombre de contrats de rente différée. Le titulaire d'un tel contrat versait périodiquement une prime à l'entreprise en contrepartie du droit de toucher, à une date ultérieure précise, une somme d'argent ou une rente de valeur équivalente.

41  Le juge de la Cour de l'impôt a estimé que des services de deux sortes étaient fournis aux titulaires de police de Maritime Life : un service d'assurance lié à la délivrance et à l'administration des polices, et un service de gestion des fonds réservés. La Cour d'appel fédérale a conclu que seule la délivrance des polices constituait une fourniture par Maritime Life aux titulaires de police. Maritime Life administrait les polices et gérait les placements qui garantissaient ses obligations d'assureur, mais elle devait le faire pour pouvoir continuer à s'acquitter de ses obligations suivant les polices. La Cour d'appel fédérale a estimé que tout comme les mesures prises par un service d'entretien pour garder son matériel en bon état ne pouvaient constituer un service fourni à ses clients, l'exercice de ces fonctions par Maritime Life ne devait pas être assimilé à un service de sa part aux titulaires de police. Si l'on applique le même raisonnement en l'espèce, l'acquisition et la construction des installations de transport, à savoir les travaux entrepris par la ville pour mettre en place un service municipal de transport répondant aux besoins de la population de Calgary, ne seraient pas considérées comme une fourniture distincte de celle du service municipal de transport lui‑même.

42  Au regard du critère établi dans O.A. Brown, il faut se demander si, au fond et en réalité, la fourniture de « services liés aux installations de transport » que la ville prétend distincte fait partie intégrante de la fourniture globale des « services de transport en commun ». Il appert de la jurisprudence que lorsqu'une fourniture est préparatoire à une autre (un « intrant » de cette autre fourniture), elle fait partie de la fourniture unique globale.

43  À mon avis, le bon sens veut que, de par leur nature véritable, les « services liés aux installations de transport » fournis par la ville soient préparatoires à la fourniture d'un service municipal de transport à la population. Les installations de transport ont été construites, acquises et mises à disposition en vue de la fourniture d'un service municipal de transport aux résidants de Calgary. J'en conclus que les « services liés aux installations de transport » que l'on prétend distincts sont en fait un élément de la fourniture globale de « services de transport en commun » aux citoyens de Calgary.

44  De plus, il appert que pour recourir à l'analyse opposant fourniture unique et fournitures multiples, il faut pouvoir distinguer les différents éléments ou composants d'une fourniture. Or, en l'espèce, les fournitures que l'on prétend distinctes sont si liées les unes aux autres qu'il serait difficile d'en distinguer les différents éléments ou composants.

45  L'achat d'un véhicule TLR (dans le cadre des prétendus « services liés aux installations de transport » fournis à la province) et son exploitation aux fins d'un service municipal de transport (dans le cadre des « services de transport en commun » offerts à la population de Calgary) sont des activités distinctes. Toutefois, il est plus juste de considérer ces activités comme des mesures prises en vue d'établir un service municipal de transport que d'y voir des éléments ou des composants distincts de ce service de transport. L'acquisition et la construction des installations de transport par la ville visaient à permettre à celle‑ci d'offrir à ses citoyens un service de transport. Au final, ces activités ont permis l'exploitation d'un service municipal de transport, lequel a fait l'objet de plusieurs expansions et améliorations. Rien d'autre n'a résulté de ces activités. À cet égard, la présente espèce s'apparente à l'affaire O.A. Brown, où tous les frais et services facturés aux clients permettaient finalement à OAB de livrer le bétail commandé. En outre, les installations de transport n'ont d'utilité et ne fournissent un service que dans la mesure où elles sont intégrées au service municipal de transport de Calgary. L'interdépendance et l'interconnexion des « services liés aux installations de transport » et des « services de transport en commun » sont évidentes.

46  L'application du critère permettant d'établir le caractère distinct d'une fourniture mène à la conclusion qu'il n'y a eu en l'espèce qu'une seule fourniture. Cependant, les décisions de principe sur le sujet résultent d'affaires où les fournitures que l'on prétendait distinctes n'avaient qu'un seul acquéreur. Elles ne visent pas le cas où il y aurait deux acquéreurs d'une ou de plusieurs fournitures. Outre le critère établi dans O.A. Brown, d'autres considérations pertinentes doivent être prises en compte. En l'espèce, on prétend que les « services liés aux installations de transport » qui, au final, profitent à la population de Calgary, procurent un avantage distinct à la province. Pour déterminer si la province a obtenu un service ou un avantage de la ville, il faut analyser la nature des obligations qui incombent respectivement à la ville et à la province suivant les accords, compte tenu du contexte législatif.

[17]  La Cour d'appel fédérale a elle aussi examiné le critère permettant d'établir s'il y a une fourniture unique ou des fournitures multiples dans une situation donnée, aux paragraphes 21 à 26 de l'arrêt Global Cash Access (Canada) Inc. c. La Reine, 2013 CAF 269, que je reproduis ici :

L'historique des procédures

21  Au départ, les casinos pensaient que les commissions qu'ils avaient reçues de Global pour les transactions effectuées dans le cadre de services d'accès à des fonds étaient exonérées de la TPS. Par conséquent, ils n'ont pas perçu la TPS de Global sur lesdites commissions. Le ministre du Revenu national en a conclu autrement et a établi une cotisation initiale à l'égard de Global en ce qui a trait à la TPS non perçue. Les casinos ont payé la TPS et ont été remboursés par Global. Global a ensuite rempli une demande de remboursement au motif que la TPS avait été payée par erreur. Le ministre n'a pas fait droit à la demande et a établi la cotisation à l'égard de Global en ce qui a trait à la TPS. L'avis de cotisation a permis à Global de présenter une opposition et, n'obtenant pas gain de cause, d'interjeter appel devant la Cour de l'impôt.

22  Comme nous l'avons vu, la question déférée à la Cour de l'impôt était de savoir si les commissions payées par Global aux casinos constituaient la contrepartie d'un « service financier » fourni par les casinos. La juge Woods a conclu que les casinos avaient fourni à Global, contre le versement de commissions, un ensemble de services comprenant trois éléments, définis comme suit au paragraphe 63 de ses motifs :

63.  Par conséquent, l'ensemble de fournitures effectuées par les casinos comporte trois principaux aspects : 1) permettre que des kiosques soient installés dans les locaux; 2) fournir des services de soutien aux cages des caisses, par exemple quant au processus de transaction et aux transactions effectuées pour le compte des clients; 3) encaisser les chèques de Global.

23  Elle a conclu que ces trois éléments n'étaient pas suffisamment interdépendants pour constituer une « fourniture unique » et qu'aucun de ces trois éléments ne pouvait à juste titre être considéré comme accessoire aux autres. Par conséquent, elle a considéré qu'il était nécessaire de décider lequel de ces trois éléments, le cas échéant, constitue un « service financier » au sens de la loi. Elle a conclu que seul le troisième élément « encaisser les chèques de Global » répondait à cette définition de la loi. Elle a estimé que le troisième élément représentait 25 p. cent de la valeur totale des services que les casinos ont fournis à Global et, sur ce fondement, elle a conclu que seulement un montant de 25 p. cent des commissions était exonéré de la TPS.

Discussion

24  Il n'est pas controversé entre les parties qu'il s'agit d'un cas de fourniture unique de services par les casinos et non de fourniture de plusieurs choses dont une seule répondait à la définition de « service financier » figurant dans la loi. Je retiens ce point de vue.

25  Il ressort clairement du contrat et des faits non controversés qu'aucun des trois éléments des services fournis énumérés par la juge Woods n'est en soi efficace sur le plan commercial. Point plus important encore, rien ne prouve que Global aurait été prête à verser de son propre gré une contrepartie aux casinos pour l'un des trois éléments. Étant donné que les trois éléments sont totalement interreliés et qu'une seule contrepartie a été versée, il y a fourniture unique de services.

26  Pour rechercher si la fourniture unique est visée par la définition énoncée dans la loi de ce qui constitue le « service financier », il faut répondre aux questions suivantes : 1) Après interprétation des contrats conclus entre les casinos et Global, quels sont les services fournis par les casinos à Global qui ont justifié le versement de commissions par Global? 2) Ces services sont‑ils visés par la définition que la loi donne à l'expression « service financier »?

[18]  La Cour d'appel fédérale a en outre formulé les observations suivantes sur ce critère aux paragraphes 80 à 82 de l'arrêt Club Intrawest c. La Reine, 2017 CAF 151 :

80  Pour déterminer si une fourniture dans son ensemble comprend plus d'une fourniture, autrement dit si la fourniture en question comprend une fourniture mixte ou une fourniture multiple, il est nécessaire de déterminer si « la présumée fourniture séparée fait partie intégrante ou est un élément constitutif de la fourniture globale. [...] Un facteur à prendre en considération est de savoir si, de façon réaliste, la présumée fourniture séparée peut être omise de la fourniture globale » (O.A. Brown, paragraphes 22 et 23).

81  Plus récemment, dans la décision Global Cash Access, notre Cour se penche sur l'efficacité commerciale d'une entente afin d'établir l'élément prédominant d'une fourniture unique. Étant donné que cet élément prédominant est visé par la définition de « service financier » au paragraphe 123(1) de la Loi et n'est visé par aucune exception, la contrepartie reçue par le contribuable en échange de la fourniture n'est pas assujettie à la TPS.

82  Ce que je tire de la décision Global Cash Access, c'est l'attention qu'il faut porter à l'élément prédominant d'une fourniture unique en vue d'appliquer la Loi. C'est une erreur de droit que d'appliquer la Loi en portant attention aux services qui ne font pas partie de l'élément prédominant de la fourniture unique (voir également la décision Great‑West, Compagnie d'assurance-vie c. Canada, 2016 CAF 316, [2016] A.C.F. no 1408, au paragraphe 43).

[19]  Avant d'appliquer le critère de la décision O.A. Brown tel que l'a décrit la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Calgary (Ville) et la Cour d'appel fédérale dans les arrêts Global Cash Access et Club Intrawest, il faut établir les fournitures (ou les éléments des fournitures) qu'effectuait Aéroplan à la Banque de Commerce, soit les « fournitures d'Aéroplan ». En l'espèce, les fournitures d'Aéroplan étaient effectuées en vertu de la convention de 2003 qui, comme on l'a vu plus haut, régissait la participation de la Banque de Commerce au programme de milles Aéroplan pendant la période en cause. Les parties ont résumé le fonctionnement de ce programme dans les termes suivants aux paragraphes 3 à 14 de l'exposé conjoint (partiel) des faits reproduit à l'annexe A des présents motifs [25]  :

[TRADUCTION]

Le programme de milles Aéroplan

3.  Air Canada exploitait un programme de fidélisation (le programme de milles Aéroplan) qu'elle a par la suite cédé à la société en commandite Aéroplan.

4.  La Banque de Commerce a passé avec Air Canada une convention le 16 avril 2003, qui a été modifiée de temps à autre (la convention) et qui a par la suite été cédée à la société en commandite Aéroplan.

5.  Comme le prévoyait la convention, la Banque de Commerce a offert des primes de fidélisation « milles Aéroplan » aux titulaires de certaines de ses cartes Visa (les cartes Visa Aéro) et aux débiteurs de certains de ses prêts hypothécaires (les AéroHypothèques).

6.  L'ensemble de la convention, y compris les modifications, comprenait les éléments suivants :

a.  la convention relative aux cartes de crédit entre la Banque de Commerce et Air Canada du 16 avril 2003;

b.  la lettre modificative d'entente entre la Banque de Commerce et Air Canada du 31 octobre 2003;

c.  la lettre modificative d'entente entre la Banque de Commerce et Air Canada du 28 novembre 2003;

d.  la lettre modificative d'entente entre la Banque de Commerce et Air Canada du 7 avril 2004;

e.  la convention de cession et de prise en charge du 5 juillet 2004 entre Air Canada, la société en commandite Aéroplan (l'ancien Aéroplan) et la Banque de Commerce;

f.  la convention de cession et de prise en charge du 29 juin 2005 entre la société en commandite APLN (auparavant dénommée l'« ancien Aéroplan »), la société en commandite Aéroplan, la Banque de Commerce et Air Canada;

g.  la convention modificative du 28 septembre 2006 entre la Banque de Commerce et la société en commandite Aéroplan;

h.  la convention modificative du 2 octobre 2006 entre la Banque de Commerce et la société en commandite Aéroplan;

i.  la lettre modificative d'entente du 16 novembre 2006 entre la société en commandite Aéroplan et la Banque de Commerce.

7.  Le programme de milles Aéroplan fonctionnait en général comme suit :

a.  Aéroplan concluait avec divers vendeurs de biens ou de services (les partenaires d'accumulation) des accords en vertu desquels ces partenaires d'accumulation ajoutaient des primes de fidélisation « milles Aéroplan » à certains de leurs produits pour consommateurs.

b.  Le membre d'Aéroplan pouvait gagner des milles Aéroplan à l'achat de produits déterminés chez les partenaires d'accumulation.

c.  Le partenaire d'accumulation informait Aéroplan du montant des achats de ce membre qui donnaient droit à des milles Aéroplan et payait ces milles à Aéroplan.

d.  Aéroplan attribuait au membre les milles Aéroplan en question.

e.  Une fois qu'il avait accumulé un nombre suffisant de milles dans son compte Aéroplan tenu par Aéroplan, le membre pouvait les échanger avec Aéroplan contre des biens ou des services (les primes), qu'il choisissait à partir d'une liste établie par Aéroplan de temps à autre.

f.  Aéroplan achetait les primes à des fournisseurs (les partenaires d'échange) avec lesquels elle avait conclu des accords en vue de leur fourniture.

g.  Le membre d'Aéroplan recevait la prime qu'il avait choisie.

8.  Pour ce qui concerne la Banque de Commerce, le programme de milles Aéroplan fonctionnait en général comme suit relativement à sa carte Visa Aéro :

a.  La Banque de Commerce délivrait une carte de crédit Visa Aéro à un client (le titulaire de carte), et si ce client n'était pas déjà membre d'Aéroplan, elle demandait pour lui à Aéroplan de l'inscrire au programme.

b.  Le titulaire de carte faisait porter des achats à son compte Visa Aéro.

c.  À la fin de la période de facturation du compte Visa Aéro du titulaire de carte, la Banque de Commerce facturait celui‑ci et recouvrait la somme exigible portée à son compte conformément à une convention passée entre elle et le titulaire de carte.

d.  La Banque de Commerce indiquait sur le relevé de compte Visa Aéro la quantité de milles Aéroplan que le titulaire avait accumulés par les achats portés sur sa carte de crédit.

e.  En général, le titulaire de carte gagnait un mille Aéroplan par dollar d'achats portés sur son compte Visa Aéro, mais cette proportion variait parfois.

f.  La Banque de Commerce communiquait à Aéroplan le montant des achats du titulaire donnant droit à des milles Aéroplan, et Aéroplan attribuait les milles en question au compte de membre d'Aéroplan du titulaire.

g.  Aéroplan facturait ensuite à la Banque de Commerce les milles Aéroplan gagnés au prix fixé à l'annexe D de la convention relative aux cartes de crédit du 16 avril 2003, ou au prix convenu selon une modification de l'entente.

h.  Le titulaire de carte pouvait accumuler des milles Aéroplan de la manière décrite ci‑dessus à la condition que son compte Visa Aéro reste en règle. Si ce compte tombait en souffrance, le titulaire n'avait plus le droit d'accumuler des milles et ne le retrouvait qu'une fois son compte acquitté.

i.  Sous réserve des modalités de la convention, de l'entente avec le titulaire de carte et du guide des primes, le membre d'Aéroplan pouvait accumuler des milles Aéroplan sur son compte de membre d'Aéroplan et, après en avoir accumulé un nombre déterminé, il lui était permis de les échanger en tout ou en partie avec Aéroplan contre les primes — biens ou services — qu'Aéroplan offrait à ce moment.

9.  La Banque de Commerce remettait à chaque titulaire de carte une entente avec le titulaire de carte et un guide des primes, où étaient énoncées les modalités et les primes afférentes à la carte Visa Aéro de la Banque de Commerce. Ces documents décrivaient en général les primes et les modalités du programme de fidélisation « milles Aéroplan » de la carte Visa Aéro.

10.  La Banque de Commerce accordait des milles Aéroplan à ses clients dans certains autres cas, par exemple pour le paiement d'intérêts sur un prêt AéroHypothèque, pour l'ouverture d'un nouveau compte bancaire ou à titre de courtoisie. Dans ces cas, la Banque de Commerce payait à Aéroplan les milles ainsi accordés, et Aéroplan portait ces milles au crédit du compte du membre d'Aéroplan.

11.  Aéroplan proposait une liste de primes, qui variait de temps à autre. Ces primes étaient des biens et des services qu'Aéroplan achetait aux partenaires d'échange avec lesquels elle avait conclu des accords. La liste des primes offertes à un moment donné pouvait comprendre notamment des voyages en avion, des séjours dans un hôtel ou un centre de villégiature, des locations de voiture, des produits électroniques, un large éventail de produits de marque, des billets de spectacles, des forfaits de spa, des repas au restaurant, ainsi que des cartes‑cadeaux d'un réseau de plus de 20 chaînes de détaillants réputés tels que Gap, Body Shop, Holt Renfrew, Pier One et Pottery Barn, pour n'en citer que quelques‑uns.

12.  Aéroplan avait en général la faculté de changer les primes offertes aux membres d'Aéroplan ou le nombre de milles Aéroplan requis pour obtenir une prime déterminée.

13.  Lorsque le membre d'Aéroplan échangeait ses milles Aéroplan contre une prime, Aéroplan supportait les frais d'acquisition de la prime du partenaire d'échange.

14.  En octobre 2006, Aéroplan a annoncé qu'à compter du 1er janvier 2007, les milles Aéroplan non échangés après sept ans seraient annulés. Les milles Aéroplan accumulés avant le 1er janvier 2007 se périmeraient ainsi le 31 décembre 2013. Cette politique d'expiration après sept ans a par la suite été annulée, et diverses modifications du programme de milles Aéroplan ont été mises en œuvre à partir du 1er janvier 2014. À partir du 1er juillet 2007, les membres d'Aéroplan devaient en général avoir effectué au moins une opération — d'accumulation ou d'échange — au cours des 12 derniers mois, faute de quoi les milles Aéroplan accumulés seraient annulés. Cependant, selon la lettre d'entente du 16 novembre 2006 entre la Banque de Commerce et Aéroplan, celle‑ci a accepté que la Banque de Commerce puisse lui acheter un mille Aéroplan pour chaque titulaire de carte dont les milles accumulés seraient annulés selon la nouvelle règle, de sorte que les milles Aéroplan d'un titulaire de carte actuel ou futur ne seraient jamais annulés en raison de cette règle.

[20]  J'examinerai maintenant la convention de 2003, qui comprenait en résumé les stipulations suivantes [26]  :

a)  article 3 — La convention de 1995 était résiliée.

b)  article 4 — La Banque de Commerce s'engageait à produire, à délivrer et à administrer diverses cartes de crédit, notamment la carte Visa Aéro Or, et Aéroplan s'engageait à accepter tous les titulaires de ces cartes comme membres du programme de milles Aéroplan et à porter des milles à leur crédit conformément aux modalités de la convention de 2003.

c)  article 5 — Aéroplan s'engageait à exercer diverses activités de commercialisation pour la Banque de Commerce, notamment :

i.  communiquer à la Banque de Commerce des renseignements sur les membres d'Aéroplan [TRADUCTION] « dont la Banque de Commerce pourrait avoir besoin aux fins de la planification de ses activités de commercialisation et du développement de modèles [...] »;

ii.  communiquer à la Banque de Commerce la liste des membres d'Aéroplan au moins trois fois par période de douze mois afin de permettre aux parties d'envoyer de la publicité au sujet des cartes de crédit de la Banque de Commerce aux personnes figurant sur cette liste;

iii.  permettre à la Banque de Commerce d'insérer des annonces dans quatre lettres à certains membres d'Aéroplan par période de douze mois et inclure des formulaires de demande de carte de la Banque de Commerce dans les trousses de bienvenue d'Aéroplan;

iv.  insérer des articles sur les cartes de la Banque de Commerce dans trois des six bulletins d'Aéroplan publiés chaque année;

v.  réserver de l'espace pour la présentation des formulaires de demande de carte de la Banque de Commerce dans les salons Feuille d'érable et d'autres comptoirs d'Air Canada;

vi.  réserver de l'espace d'affichage publicitaire pour les cartes de crédit dans les passerelles d'embarquement.

d)  article 6 — La Banque de Commerce devait, à ses frais, examiner toutes les demandes de carte et envoyer une carte et la trousse de bienvenue correspondante à chaque personne dont elle accueillait la demande. La Banque de Commerce devait également, à ses frais, communiquer à Aéroplan la liste des demandeurs de carte qui n'étaient pas membres d'Aéroplan; Aéroplan attribuait ensuite à chacun de ces demandeurs un numéro de compte Aéroplan, qu'elle communiquait à la Banque de Commerce. Cette dernière jouissait du droit exclusif de gérer et d'administrer ses services Visa et son programme de cartes de crédit.

e)  article 7 — Aéroplan et la Banque de Commerce concevaient ensemble l'apparence des cartes de la banque, qui les produisait à ses frais.

f)  article 8 — Les parties s'engageaient à effectuer la promotion des cartes de la Banque de Commerce, notamment :

i.  Les parties devaient élaborer de concert, chaque année, une stratégie commerciale relative à ces cartes, comprenant notamment la répartition des coûts y afférents.

ii.  Le budget de mise en marché pour les cartes de la Banque de Commerce serait conforme à l'annexe B de la convention de 2003.

iii.  Aucune des parties ne pouvait utiliser dans sa publicité la raison sociale, la marque de commerce ou une autre désignation de l'autre partie sans son consentement préalable.

iv.  La Banque de Commerce s'engageait à présenter des formules de demande de carte dans toutes ses succursales.

v.  La Banque de Commerce permettait à Aéroplan de joindre des annonces aux relevés de compte de ses cartes au maximum trois fois par an.

vi.  Aéroplan s'engageait à ne pas diluer le programme Aéroplan de telle sorte qu'il perde sensiblement de sa valeur commerciale.

vii.  Les parties s'engageaient à examiner la possibilité d'améliorer les attributs Aéroplan des cartes de la Banque de Commerce.

viii.  Le coût par mille Aéroplan pour une carte d'entreprise était fixé à l'article 2 de l'annexe D de la convention de 2003.

ix.  Les parties convenaient de frais supplémentaires minimaux que la Banque de Commerce devrait payer à Aéroplan relativement aux nouveaux produits ou options, ainsi que du nombre de milles qu'Aéroplan attribuerait à leur égard.

x.  La Banque de Commerce avait le droit de désigner un nombre déterminé de ses clients utilisateurs de services financiers commercialisés avec Aéroplan comme remplissant les conditions d'accès aux salons Feuille d'érable d'Air Canada et comme ayant droit à la catégorie Prestige d'Aéroplan, dans les deux cas contre le versement de frais par la Banque de Commerce à Aéroplan.

xi.  Selon le programme de primes Advantex, les titulaires de carte de la Banque de Commerce recevaient des milles Aéroplan additionnels sur les achats effectués dans les commerces participants, tels que restaurants, clubs de golf, fournisseurs de divertissements, auberges et centres de villégiature. La Banque de Commerce payait ces milles Aéroplan additionnels les frais stipulés à l'article 5 de l'annexe D de la convention de 2003.

xii.  Les parties s'engageaient à poursuivre leurs discussions concernant l'élaboration et l'exécution du « projet Maple ».

g)  article 9 — Cet article prévoit le paiement par la Banque de Commerce à Aéroplan des frais stipulés à l'annexe D de la convention de 2003.

h)  article 10 — Cet article fixe certaines conditions afférentes au programme d'affinité; Aéroplan y prend notamment des engagements déterminés concernant l'utilisation des noms commerciaux et des marques de commerce.

i)  article 11 — Cet article soumet à certaines restrictions l'utilisation par chacune des parties des marques de commerce, des désignations de services, des logos et des autres marques de l'autre partie.

j)  article 12 — Les parties s'engageaient à coopérer en vue d'assurer une communication efficace des renseignements entre elles et à partager le coût des changements nécessaires aux systèmes de la Banque de Commerce.

k)  article 13 — Cet article prévoit l'inscription de milles Aéroplan au crédit des nouveaux titulaires de carte, aussi bien l'attribution initiale que celle afférente aux achats réalisés par la suite. Il prévoit aussi l'attribution de milles Aéroplan lors de programmes de conservation de la clientèle et à titre de courtoisie envers les clients.

[21]  Comme on l'a vu plus haut, la convention de 2003 a été modifiée par une série d'accords complémentaires énumérés ci‑dessus. Je ne décrirai pas en détail toutes ces ententes modificatives, me bornant aux observations suivantes :

a)  La lettre d'entente du 7 avril 2004 modifiait certains des frais fixés à l'article 2 de l'annexe D de la convention de 2003.

b)  Par la convention modificative du 28 septembre 2006, les parties ont ajouté à la convention de 2003 une initiative de revitalisation, définie à la nouvelle annexe M de la convention de 2003. Cette initiative comprenait l'adjonction, au profit des titulaires de carte Visa Aéro Or et de carte pour PME de la Banque de Commerce, d'un programme de maximisation des primes qui permettait à ceux‑ci d'obtenir, dans des cas déterminés, 1,5 mille Aéroplan par dollar lors d'achats remplissant les conditions requises. Aéroplan s'engageait à fournir un soutien promotionnel à cette option de maximisation des primes, notamment en donnant accès à ses circuits de commercialisation, par exemple par courriel et à son site Web, où la Banque de Commerce pourrait afficher de la publicité.

c)  Par la convention modificative du 2 octobre 2006, les parties ont renouvelé le programme de primes Advantex pour les cartes de la Banque de Commerce et ont fixé les frais à payer par la banque au titre des milles Aéroplan qui seraient attribués pour ce programme.

d)  Par la lettre d'entente du 16 novembre 2006, les parties ont convenu de réduire, au titre des changements annoncés au programme Aéroplan le 16 octobre 2006, le prix à payer par la Banque de Commerce à Aéroplan aux termes de la convention de 2003. Selon ces changements, les membres d'Aéroplan qui n'avaient pas effectué au moins une opération d'accumulation ou d'échange dans le programme au cours d'une période de douze mois perdaient la totalité de leurs milles Aéroplan. La nouvelle entente conférait à la Banque de Commerce le droit d'acheter un mille Aéroplan pour chaque titulaire de carte de la Banque de Commerce dont les milles Aéroplan risquaient d'être annulés selon cette règle, de sorte qu'aucun titulaire de carte de la Banque de Commerce ne perdrait les milles Aéroplan qu'il avait accumulés. Aéroplan consentait aussi à une réduction globale des frais ultérieurs à payer en exécution de la convention de 2003. En outre, les parties annulaient la convention modificative du 28 septembre 2006 et fixaient de nouvelles conditions relativement au programme de maximisation des primes.

[22]  L'article 9 de la convention de 2003 me paraît particulièrement éclairant pour la qualification des fournitures d'Aéroplan pour les besoins de la TPS. Cet article stipule ce qui suit :

[TRADUCTION]

9.  Frais d'aiguillage

La Banque de Commerce s'engage à payer à AC, au titre des titulaires de carte, des frais calculés selon l'annexe D en contrepartie d'activités encourageant ou aidant les membres d'Aéroplan et d'autres personnes de présenter des demandes de carte, et en contrepartie des autres obligations prévues à la présente convention qui sont accessoires à ces activités.

[23]  L'annexe D de la convention de 2003 est intitulée : [TRADUCTION] « TARIF DES MILLES AÉROPLAN ». Cette annexe fixait les divers frais que la Banque de Commerce devait payer à Aéroplan aux termes de la convention de 2003. Voici un résumé des stipulations de l'annexe D :

a)  L'article 1 de l'annexe D prévoyait le paiement de frais d'aiguillage à Aéroplan aux termes de l'article 9 de la convention de 2003. Il dispose notamment ce qui suit :

[TRADUCTION]

1.  Frais d'aiguillage (alinéa 9a))

a)  La Banque de Commerce s'engage à payer à AC, au titre des titulaires de carte, des frais calculés comme suit en contrepartie d'activités encourageant ou aidant les membres d'Aéroplan et d'autres personnes de présenter des demandes de carte, et en contrepartie des autres obligations prévues à la présente convention qui sont accessoires à ces activités :

(i)  le montant des achats de biens et de services facturés à tous les comptes de carte pour lesquels le titulaire a payé au moins le paiement minimal, exception faite des avances de fonds, des intérêts et des frais de carte, et soustraction faite des notes de crédit,

moins

(ii)  le solde impayé de tous les comptes de carte pour lesquels la Banque de Commerce n'a pas reçu le paiement minimal dans les six mois suivant la facturation et de ceux dont le titulaire a fait faillite, et les soldes que la Banque de Commerce a radiés conformément à ses pratiques habituelles, sauf les montants impayés au titre des avances de fonds et des frais de cartes,

cette différence étant multipliée par le « coût d'un mille Aéroplan » entendu au sens suivant [...]

b)  L'article 1 de l'annexe D prévoyait aussi que d'autres cartes de la Banque de Commerce participent au programme de milles Aéroplan. Il stipulait en outre que les sommes exigibles aux termes de la convention de 2003 ne comprenaient pas les taxes et que la Banque de Commerce paierait les taxes applicables en sus de ces sommes.

c)  L'article 2 de l'annexe D fixait les frais à payer par mille Aéroplan pour les cartes d'entreprise.

d)  L'article 3 de l'annexe D prévoyait les frais supplémentaires minimaux à payer aux termes de l'article 8 de la convention de 2003.

e)  L'article 4 de l'annexe D fixait les frais dont la Banque de Commerce était redevable au titre de l'accès aux salons et de l'inclusion dans la catégorie Prestige aux termes de l'article 8 de la convention de 2003.

f)  L'article 5 de l'annexe D fixait les frais à payer au titre des primes Advantex aux termes de l'article 8 de la convention de 2003.

g)  L'article 6 de l'annexe D fixait le prix que la Banque de Commerce devait payer par mille Aéroplan pour les produits offerts conformément au projet Maple.

h)  L'article 7 de l'annexe D établissait le nombre maximal de milles Aéroplan pouvant être utilisé pour les programmes de conservation de la clientèle au cours d'une période ultérieure de douze mois.

[24]  Les factures présentées par Aéroplan à la Banque de Commerce relativement au programme de milles Aéroplan au cours de la période en cause se trouvent aux onglets 23 à 46 de la pièce A‑1 et sont récapitulées dans l'annexe jointe au formulaire de demande de remboursement [27] . Ces factures mensuelles d'Aéroplan couvrent la période du 1er février 2005 au 31 janvier 2007. Aéroplan délivrait chaque mois à la Banque de Commerce des factures portant sur chacun des produits de la banque liés au programme Aéroplan, notamment la carte Visa Aéro Or, les promotions de cette carte, la carte Aéro pour PME, les promotions de cette carte, la carte d'entreprise Aéro et la carte Aéro Classique. Sauf quelques exceptions mineures, chacune des factures en question porte la mention [TRADUCTION] « Participation de la Banque de Commerce [...] au programme Aéroplan ». En outre, le montant à payer pour chaque facture renvoie au nombre de milles Aéroplan et au taux applicable par mille correspondant à chaque activité, notamment les achats nets par carte de crédit, l'attribution de milles à l'inscription, les promotions et les primes, selon le cas. Chaque facture précise également les montants applicables au titre de la TPS et de la TVQ. On y trouve en outre des crédits ou autres redressements, relatifs par exemple aux milles Aéroplan rejetés ou aux notes de crédit.

[25]  Comme il a été précisé plus haut, la Banque de Commerce a d'abord décrit les fournitures d'Aéroplan comme des fournitures exonérées de services financiers dans sa demande de remboursement, dans ses lettres du 26 mars 2007 et du 13 mai 2009, et dans son premier avis d'appel du 28 mars 2012. À en juger d'après le libellé de cet avis d'appel, il semble que la Banque de Commerce considérait les fournitures d'Aéroplan comme une fourniture unique, puisqu'il n'y est pas fait mention de fournitures multiples ni de l'article 138 de la Loi. Cependant, elle fait valoir ce qui suit au paragraphe 20 de son avis d'appel modifié une seconde fois du 25 novembre 2015 :

[TRADUCTION]

La seule fourniture réelle effectuée par Aéroplan à la Banque de Commerce conformément au programme Aéroplan était la délivrance ou la vente de milles Aéroplan, ce qui constitue un « certificat‑cadeau » sous le régime de la Loi.

[26]  S'il est vrai que la Banque de Commerce n'a explicitement invoqué ni la distinction entre fourniture unique et fournitures multiples ni l'article 138, elle a essentiellement soutenu dans ses actes de procédure aussi bien qu'à l'instruction que les fournitures d'Aéroplan constituaient une fourniture unique, soit une fourniture de biens, ces biens étant les milles Aéroplan, et que ces milles étaient des « certificats‑cadeaux » pour l'application de la Loi. À cet égard, la Banque de Commerce a avancé que la convention de 2003 devait être [TRADUCTION] « lue comme un tout et les désignations employées par les parties ne font pas foi de la nature réelle de ce qu'elle décrit » [28] . La Banque de Commerce affirme également : [TRADUCTION] « S'il est vrai que l'objectif commercial de la Banque de Commerce était d'inciter les clients à acquérir et à utiliser les cartes Visa Aéro, l'opération entre elle et Aéroplan consistait en la vente et en l'achat de milles Aéroplan [29] . »

[27]  À l'alinéa 19s) de sa nouvelle réponse à l'avis d'appel modifié une seconde fois, l'intimée a formulé l'hypothèse de fait suivante du ministre :

[TRADUCTION]

[...] selon la convention, l'appelante a fait des paiements à Air Canada / Aéroplan selon le prix par mille Aéroplan, et ces paiements constituaient la contrepartie d'une fourniture de milles Aéroplan, que les titulaires de carte échangeaient contre des vols [...]

[28]  Cette hypothèse s'accorde avec la thèse principale de l'intimée, selon laquelle les fournitures d'Aéroplan devraient être décrites comme une fourniture de biens pour l'application de la Loi, mais non de certificats‑cadeaux. Je note cependant que les parties n'ont pas inclus intégralement cette hypothèse dans l'exposé conjoint (partiel) des faits [30] . J'observe aussi que l'intimée a soutenu à titre subsidiaire que les fournitures d'Aéroplan devraient être décrites comme des fournitures d'un service pour l'application de la Loi. À cet égard, l'intimée a formulé l'hypothèse de fait suivante à l'alinéa 19j) de sa nouvelle réponse à l'avis d'appel modifié une seconde fois :

[TRADUCTION]

Services de mise en marché et de promotion fournis par Aéroplan

j)  Aux termes de la convention, Air Canada / Aéroplan s'engageait à fournir des « services d'aiguillage », notamment les services de mise en marché et de promotion suivants :

i.  communiquer à l'appelante des renseignements sur les membres d'Aéroplan pour ses activités de promotion et de développement de ses cartes de crédit;

ii.  communiquer à l'appelante la liste de membres d'Aéroplan pour ses envois faisant la promotion des cartes de la Banque de Commerce;

iii.  permettre à l'appelante d'insérer des encarts visant à promouvoir les cartes de la Banque de Commerce dans les envois d'Air Canada / Aéroplan;

iv.  offrir de l'espace pour la publicité des cartes de la Banque de Commerce et la présentation des formulaires de demande y afférents dans les salons Feuille d'érable d'Air Canada et aux aéroports;

v.  permettre l'adhésion gratuite au programme Aéroplan à chaque demandeur de carte dont l'appelante accueillerait la demande;

vi.  élaborer conjointement une stratégie commerciale annuelle pour la carte de la Banque de Commerce et partager les coûts de sa promotion;

vii.  préparer à ses frais la trousse de bienvenue Aéroplan;

viii.  administrer et gérer à ses frais tous les aspects de la délivrance et de l'échange des certificats de prime relatifs aux milles Aéroplan accumulés;

ix.  accroître le nombre de places disponibles à bord des vols pour l'échange de milles Aéroplan et régler les problèmes qui se poseraient à cet égard aux clients;

x.  assurer le soutien promotionnel des produits Aéroplan de la Banque de Commerce.

[29]  Je constate au vu de l'ensemble de la preuve que les fournitures d'Aéroplan comprenaient les éléments suivants énoncés dans la convention de 2003 :

a)  Selon l'article 4 de cette convention, Aéroplan s'engageait à :

i.  accepter tous les titulaires de cartes de la Banque de Commerce au programme de milles Aéroplan;

ii.  porter des milles Aéroplan au crédit de ces adhérents conformément à la convention.

b)  Selon les articles 5 et 8, notamment, de la convention, Aéroplan s'engageait à exercer des activités d'aiguillage précises ou à fournir des services précis de mise en marché relativement aux cartes de la Banque de Commerce. Ces services de mise en marché et de promotion sont énumérés à l'alinéa 19j) de la nouvelle réponse de l'intimée à l'avis d'appel modifié une seconde fois.

[30]  Comme je le notais plus haut, les parties ont soutenu toutes deux pour l'essentiel que les fournitures d'Aéroplan devraient être considérées, pour les besoins de la TPS, comme une fourniture unique par Aéroplan à la Banque de Commerce. À ce propos, j'estime que les divers éléments des fournitures d'Aéroplan sont tous des éléments constitutifs d'une fourniture mixte unique, soit la fourniture, par Aéroplan à la Banque de Commerce, du programme de milles Aéroplan. Il me paraît également que les éléments des fournitures d'Aéroplan sont étroitement liés les uns aux autres et que chacun d'eux fait partie intégrante de la fourniture globale du programme de milles Aéroplan par Aéroplan à la Banque de Commerce. J'observe de plus que rien dans la preuve ne tend à établir que la Banque de Commerce aurait été disposée à verser une contrepartie à Aéroplan pour l'un quelconque de ces éléments isolément, et qu'Aéroplan a délivré à la Banque de Commerce des factures faisant état de sa [TRADUCTION] « participation au programme Aéroplan » pour chacune des cartes de crédit de la banque, factures dont le montant était généralement calculé en fonction du nombre de milles Aéroplan attribués pendant la période de facturation applicable. Dans le même ordre d'idées, j'estime en outre que la Banque de Commerce était le seul « acquéreur » des fournitures d'Aéroplan, au sens que donne à ce terme le paragraphe 123(1) de la Loi.

[31]  Il reste cependant à établir si les fournitures d'Aéroplan devraient être considérées comme une fourniture mixte unique de biens ou une fourniture mixte unique de services. Selon le critère O.A. Brown élaboré par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Calgary (Ville), ainsi que par la Cour d'appel fédérale dans ses arrêts Global Cash Access et Club Intrawest, il faut à cette fin examiner tous les éléments de la fourniture mixte unique et établir lequel d'entre eux en constitue l'élément prédominant. Autrement dit, il faut se demander quelle est la nature véritable ou la raison d'être de la fourniture mixte unique.

[32]  À mon sens, le programme de milles Aéroplan est un programme ou un service de mise en marché et de promotion. La véritable nature ou la raison d'être du programme de milles Aéroplan, de la convention de 2003 et des fournitures d'Aéroplan y afférentes me paraît être l'incitation à demander des cartes de crédit participantes de la Banque de Commerce (et d'autres produits financiers de la Banque de Commerce, tels que les prêts hypothécaires) et l'accroissement de leur utilisation. Ce fait ressort à l'évidence du libellé de la convention de 2003 aussi bien que des factures délivrées par Aéroplan à la Banque de Commerce. Comme on l'a vu plus haut, tant l'article 9 que l'annexe D de la convention de 2003 portent explicitement que les paiements à Aéroplan seront faits [TRADUCTION] « à AC en contrepartie d'activités encourageant ou aidant les membres d'Aéroplan et d'autres personnes de présenter des demandes de carte, et en contrepartie des autres obligations prévues à la présente convention qui sont accessoires à ces activités ». En fait, l'article 9 de la convention de 2003 stipule expressément que les services de mise en marché et de promotion (les activités d'aiguillage) constituent l'élément prédominant des fournitures d'Aéroplan, et que toutes les autres fournitures y sont accessoires. En outre, chacune des factures mensuelles délivrées à la Banque de Commerce par Aéroplan relativement aux fournitures d'Aéroplan porte comme objet la [TRADUCTION] « participation de la Banque de Commerce [...] au programme Aéroplan ». Je relève enfin les passages suivants du témoignage de M. Webster concernant les motifs du choix d'Aéroplan par la Banque de Commerce et les raisons commerciales qu'avait cette dernière d'utiliser ce programme [31] :

[TRADUCTION]

La Banque de Commerce, à mon avis, a choisi Aéroplan pour deux raisons principales, qui me semblent être restées assez constantes tout au long de la période où nous avons offert ce programme.

La première est que le programme pour grands voyageurs d'Air Canada, le programme Aéroplan, est attrayant pour les gens qui voyagent beaucoup par avion, lesquels constituent un groupe démographique intéressant pour la Banque de Commerce, parce qu'ils dépensent en général plus que d'autres et forment une clientèle rentable du point de vue des cartes de crédit.

La seconde raison, étroitement liée à la première, est que l'offre de milles Aéroplan lors de l'utilisation de sa carte de crédit incite le client à grouper ses achats sur notre carte plutôt que faire porter des achats sur des cartes concurrentes [32] .

[...]

Donc, notre principe commercial était que les milles Aéroplan constituaient une prime très attrayante pour les clients, et qu'ils nous permettraient par conséquent, comme je le disais, d'attirer plus de clients vers la Banque de Commerce, ce qui a effectivement été le cas, et de faire en sorte que ces clients utilisent davantage leur carte de la Banque de Commerce, ce qui a aussi été le cas [33] .

[33]  En résumé, j'estime que les services de mise en marché et de promotion constituent l'élément prédominant des fournitures d'Aéroplan, et que les paiements à Aéroplan étaient calculés en fonction du nombre de milles Aéroplan attribués pendant une période de facturation déterminée, manière commode de mesurer la valeur des services fournis par Aéroplan à la Banque de Commerce [34] .

[34]  Si j'avais conclu que les éléments des fournitures d'Aéroplan étaient séparés et formaient par conséquent des fournitures multiples, j'aurais aussi conclu que la fourniture de milles Aéroplan était à considérer, aux termes de l'article 138 de la Loi, comme accessoire à la prestation des services de mise en marché et de promotion fournis par Aéroplan à la Banque de Commerce, de sorte que, selon le même article, les fournitures multiples seraient réputées être la fourniture d'un service, à savoir la fourniture du programme de milles Aéroplan par Aéroplan à la Banque de Commerce.

[35]  Au vu de tout ce qui précède, j'estime que les fournitures d'Aéroplan constituaient une fourniture mixte unique de services de promotion et de mise en marché par Aéroplan à la Banque de Commerce. À titre subsidiaire, si les fournitures d'Aéroplan formaient des fournitures multiples, dont l'une était la fourniture distincte de milles Aéroplan, je conclurais que cette fourniture était accessoire à la fourniture de services de promotion et de mise en marché par Aéroplan à la Banque de Commerce, de telle sorte que la fourniture de milles Aéroplan serait réputée, aux termes de l'article 138 de la Loi, faire partie de la fourniture de services de promotion et de mise en marché. Dans l'un ou l'autre cas, les fournitures d'Aéroplan doivent à mon avis être définies comme étant la fourniture d'un service pour l'application de la Loi. Comme il me paraît qu'un certificat‑cadeau, pour l'application de l'article 181.2 de la Loi, doit être un bien, et constatant que la définition du terme « service » à l'article 123(1) de la Loi exclut explicitement les biens, j'estime qu'un service ne peut être un certificat‑cadeau au sens de l'article 181.2. J'en déduis que les fournitures d'Aéroplan à la Banque de Commerce pendant la période en cause ne peuvent être des fournitures de certificats‑cadeaux pour l'application de l'article 181.2 de la Loi. Je conclus donc que les fournitures d'Aéroplan étaient des fournitures taxables pour l'application de la Loi, de sorte que la Banque de Commerce a valablement payé la TPS sur ces fournitures et sur les paiements à Aéroplan. Cette conclusion me paraît trancher toutes les questions mises en litige par les parties dans le présent appel, mais je n'en examinerai pas moins ici les autres questions.

C. Les milles Aéroplan sont‑ils des certificats‑cadeaux?

[36]  Malgré ma conclusion que les fournitures d'Aéroplan étaient des fournitures de services et qu'elles ne peuvent donc pas être des fournitures de certificats‑cadeaux pour l'application de l'article 181.2 de la Loi, j'examinerai à titre subsidiaire le point de savoir si les fournitures d'Aéroplan constituaient des fournitures de « certificats‑cadeaux » pour les besoins de cet article pour la raison qu'elles devraient être considérées comme une fourniture mixte unique de biens incorporels (soit des milles Aéroplan) [35] . Pour les motifs dont l'exposé suit, j'estime que les milles Aéroplan (et, par extension, les fournitures d'Aéroplan) en question dans le présent appel ne constituaient pas des « certificats‑cadeaux » au sens de l'article 181.2 de la Loi.

[37]  L'article 181.2 de la Loi est libellé comme suit :

181.2 Certificats‑cadeaux — Pour l'application de la présente partie, la délivrance ou la vente d'un certificat‑cadeau à titre onéreux est réputée ne pas être une fourniture. Toutefois, le certificat‑cadeau donné en contrepartie de la fourniture d'un bien ou d'un service est réputé être de l'argent. [Non souligné dans l'original.]

[38]  Le terme « certificat‑cadeau » n'est pas défini dans la Loi, et il n'y en a que quelques occurrences. La plus pertinente de ces autres occurrences, quant à la question qui nous occupe, est celle de l'article 181, qui énonce les règles applicables aux bons pour les besoins de la TPS. Le paragraphe 181(1) définit comme suit le terme « bon » :

« bon » Sont compris parmi les bons les pièces justificatives, reçus, billets et autres pièces. En sont exclus les certificats‑cadeaux et les unités de troc au sens de l'article 181.3. [Non souligné dans l'original.]

[39]  Comme je le faisais observer plus haut, la définition du terme « bon » est large et inclusive, mais exclut explicitement les « certificats‑cadeaux ». Par conséquent, les règles applicables aux bons qu'énonce l'article 181 de la Loi ne s'appliquent pas aux certificats‑cadeaux, auxquels s'applique plutôt l'article 181.2, en supposant qu'ils remplissent les conditions de cet article. Il est cependant important de noter que le certificat‑cadeau non délivré ou vendu à titre onéreux pourrait être exclu de l'application des articles 181 et 181.2 de la Loi [36] . Je note de plus qu'il est au moins théoriquement possible pour une pièce d'être un certificat‑cadeau sans être un bon [37] .

[40]  L'article 181.2 vise deux opérations liées, soit la délivrance ou la vente d'un certificat‑cadeau (la première opération) et son échange ultérieur (la seconde opération). Plus précisément, il porte que la délivrance ou la vente d'un certificat‑cadeau à titre onéreux est réputée ne pas être une fourniture, et n'est donc pas assujettie à la TPS. Il dispose en outre que l'échange ultérieur du certificat‑cadeau en contrepartie d'un bien ou d'un service est réputé un paiement en argent. La fourniture du bien ou du service en question est alors assujettie à la TPS, si elle est par ailleurs taxable, et le prix total, y compris la TPS le cas échéant, est réduit de la valeur du certificat‑cadeau donné en contrepartie. On peut soutenir que les deux opérations sont liées, puisque l'emploi de l'article défini à l'article 181.2 à l'égard de la seconde opération (« le certificat‑cadeau ») paraît signifier que seul un certificat‑cadeau délivré ou vendu à titre onéreux (dans la première opération) est réputé ne pas être une fourniture (aux fins de la première opération) et sera réputé être de l'argent au moment de son échange (aux fins de la seconde opération). Ainsi, on pourrait soutenir que le certificat‑cadeau qui n'est pas délivré ou vendu à titre onéreux ne sera pas réputé être de l'argent, sous le régime de l'article 181.2, au moment de son échange, même s'il remplit par ailleurs les critères pour être un certificat‑cadeau. Je rappelle cependant que le présent appel ne porte que sur la première de ces deux opérations, soit la délivrance ou la vente d'un certificat‑cadeau à titre onéreux.

[41]  Les principes d'interprétation des lois applicables à l'espèce sont constants; la Cour suprême du Canada les a résumés dans les termes suivants au paragraphe 10 de l'arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601 :

10  Il est depuis longtemps établi en matière d'interprétation des lois qu'« il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. L'interprétation d'une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s'harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d'une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d'interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d'un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L'incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l'objet sur le processus d'interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d'une loi comme formant un tout harmonieux.

[42]  Si l'article 181.2 de la Loi semble dénué d'ambiguïté quant à la façon de l'appliquer à la TPS, il est souvent difficile à appliquer dans les faits pour plusieurs raisons, dont les suivantes :

a)  la Loi ne définit pas le terme « certificat‑cadeau »;

b)  les entreprises ont utilisé au Canada une grande diversité d'opérations et de moyens promotionnels semblables;

c)  plusieurs autres dispositions de la Loi peuvent s'appliquer, selon la manière dont une opération ou un moyen promotionnel déterminé est décrit pour les besoins de la Loi.

[43]  Le sens du terme « certificat‑cadeau », d'un point de vue textuel, ne me paraît pas clair. En l'absence de toute définition ou de liste d'attributs nécessaires, il est souvent difficile d'établir si l'article 181.2 s'applique à une opération ou à un moyen déterminé ou si une autre disposition de la Loi s'applique. Par exemple, les dispositions suivantes de la Loi énoncent les règles de la TPS applicables aux opérations ou moyens promotionnels suivants :

a)  article 181 — les bons (à l'exclusion des certificats‑cadeaux et des unités de troc);

b)  article 181.1 — les remises (par exemple les remises du fabricant);

c)  article 181.2 — les certificats‑cadeaux délivrés à titre onéreux;

d)  article 181.3 — les réseaux de troc (les unités de troc);

e)  paragraphe 232(1) — les remboursements et redressements de taxe;

f)  paragraphe 232(2) — les redressements (réduction de la contrepartie);

g)  paragraphe 232(3) — les notes de crédit ou de débit;

h)  article 232.1 — les ristournes promotionnelles.

[44]  Étant donné la diversité des opérations et des moyens promotionnels utilisés par les entreprises au Canada, la démarcation entre ces dispositions relatives à la TPS est souvent floue. Par exemple, dans la décision Nestlé Canada Inc. c. La Reine, 2017 CCI 33, il s'agissait d'établir si les « bons‑rabais instantanés » (les BRI) qui réduisaient le prix des produits Nestlé achetés par les consommateurs dans les magasins de Costco Wholesale Canada Ltd. devaient être considérés comme des bons (au sens de l'article 181) ou des ristournes promotionnelles (sous le régime de l'article 232.1). Si les bons‑rabais instantanés étaient considérés comme des bons au sens de l'article 181 de la Loi, Nestlé pourrait avoir droit, à leur égard, à un crédit de taxe sur les intrants en vertu du paragraphe 181(5) de la Loi. Dans cette affaire, la juge en chef adjointe Lamarre a conclu que les « bons‑rabais instantanés » constituaient des ristournes promotionnelles pour les besoins de la TPS, de sorte qu'ils étaient visés par l'article 232.1 de la Loi. Je reproduis ici le raisonnement qu'elle a suivi, aux paragraphes 28 à 30 et 37 à 45, dans son examen de l'application possible des articles 181 et 232.1 :

28  Ce qui prête à confusion en l'espèce, c'est que, au cours de la période pertinente, Nestlé a mis à la disposition des clients de Costco des bons papier (qui leur étaient remis à leur entrée dans les entrepôts de Costco, comme le précisent les observations écrites de l'appelante, au paragraphe 12), et il n'est pas contesté que Nestlé considérait que les BRI présentaient les mêmes caractéristiques que les bons papier. La preuve en est que la TPS/TVH facturée aux clients de Costco qui profitaient des BRI était facturée sur le prix avant rabais, comme l'exige le paragraphe 181(2) dans le cas où un inscrit accepte à titre de contrepartie pour une fourniture taxable un bon qui permet à l'acquéreur de cette fourniture de bénéficier d'une réduction de prix égale au montant fixe indiqué sur le bon. De plus, l'opération entre Nestlé et Costco semble donner à penser qu'un système de bons s'appliquait à la fois aux bons papier et aux BRI, car les deux étaient régis par les modalités du même contrat entre Nestlé et Costco.

29  Cependant, le fait que Nestlé et Costco aient traité les BRI comme des bons ne suffit pas à en faire des bons. Pour que ce soit le cas, les conditions de l'article 181 doivent être remplies. Dans l'arrêt Société Télé‑Mobile, la CAF a clairement indiqué qu'il ne peut y avoir de bon que si l'acquéreur présente quelque chose pour acceptation en contrepartie totale ou partielle de la fourniture taxable, et le bon ainsi présenté, qu'il soit matériel ou électronique, doit permettre à l'acquéreur de bénéficier d'une réduction de prix qui est égale au montant fixe indiqué sur la pièce matérielle ou électronique.

30  En l'espèce, quand le client achetait le produit de Nestlé, il ne présentait aucun bon (matériel ou électronique) à la caisse. La carte de membre de Costco, même si elle donnait accès aux produits de Costco, ne contenait aucune information précise sur les BRI, car aucune réduction d'un montant fixe applicable au produit de Nestlé en question n'y figurait.

[...]

37  La conclusion selon laquelle les BRI répondent mieux aux critères de la définition du terme « ristourne promotionnelle » que du terme « bon » est également logique en principe.

38  Au titre du paragraphe 181(2), Costco est tenue de percevoir la TPS/TVH sur le prix avant rabais des produits de Nestlé.

39  Le paragraphe 181(2) exige donc que le client paie un montant excédentaire de TPS/TVH sur les produits de Nestlé et il considère ensuite que le client n'a payé la TPS/TVH que sur le prix après rabais. L'avocat de l'intimée a expliqué les raisons de la mise en œuvre de cette pratique dans ses observations orales, dans lesquelles il a invoqué devant la Cour les principes à l'origine du traitement des bons‑rabais. La pratique avait pour but de simplifier le traitement des bons pour les petits épiciers qui, dans les années 1990, n'avaient pas facilement accès à des caisses enregistreuses qui, pour la perception de la TPS/TVH, pouvaient faire la distinction entre les bons applicables à des fournitures taxables et les bons applicables à des fournitures non taxables (ou détaxées).

40  La TPS/TVH payée en trop n'est toutefois pas destinée au gouvernement. Le paragraphe 181(5) autorise plutôt le fournisseur du bon, Nestlé en l'occurrence, à obtenir des CTI pour la TPS/TVH payée en trop par le client de Costco.

41  L'avantage que représente ces CTI additionnels, reçus aux dépens des clients, est la raison pour laquelle Nestlé demande que ses transactions soient considérées comme ayant été faites sous le régime des bons prévu à l'article 181, plutôt que sous celui des ristournes promotionnelles prévu à l'article 232.1. Par contraste, sous le régime des ristournes promotionnelles prévu à l'article 232.1, le client paie la TPS/TVH sur le prix réduit de la fourniture

42  En l'espèce, Nestlé et Costco ont considéré que le rabais relevait du régime des bons, aux dépens des clients.

43  Dans l'arrêt Société Télé‑Mobile, la Cour d'appel fédérale a dit s'inquiéter qu'un assouplissement de l'exigence de présentation du bon permette que n'importe quel type de rabais soit considéré comme un bon, ce qui, par ricochet, obligerait le client à payer un montant excédentaire de TPS/TVH et permettrait au fournisseur du bon de bénéficier de ces paiements en trop grâce à des CTI. Une telle interprétation atténuerait l'importance de la formalité — symbolique, pourrait‑on dire — que représente l'exigence de présentation du bon, qui doit être remplie pour que le fournisseur obtienne les CTI. C'est donc dire que les clients paieraient toujours trop de TPS/TVH et que les fournisseurs de bons obtiendraient toujours l'avantage des CTI, ce qui, sous un certain angle, s'assimilerait à une quasi-subvention accordée par le gouvernement aux fournisseurs de bons au moyen du régime de TPS/TVH. Une telle interprétation de la loi dépouillerait aussi de tout sens, ou presque, une disposition — l'article 232.1 en l'occurrence — et serait donc contraire aux lignes directrices en matière d'interprétation des lois qu'a établies la Cour suprême du Canada (voir l'arrêt Canada (Procureur général) c. JTI‑Macdonald Corp., précité).

44  Selon l'interprétation de l'article 181 qui ressort des décisions Société Télé‑Mobile, le législateur exige, comme condition déterminante pour rendre le fournisseur du bon admissible à bénéficier de CTI pour la TPS/TVH payée en trop par les clients, que ces derniers produisent une sorte de bon. Si cette condition n'est pas remplie, la transaction relèvera du régime des ristournes promotionnelles, qui constitue une catégorie résiduelle.

45  Je conclus donc que les BRI étaient des ristournes promotionnelles, et non des bons. Nestlé ne pourra donc pas demander des CTI sur les BRI et le client ne recouvrera pas la taxe payée en trop. Dans le contexte des ristournes promotionnelles, il n'aurait fallu percevoir la TPS/TVH que sur le prix après rabais. Je n'ignore pas que, dans ces circonstances, le ministre a reçu un gain fortuit [...]

[45]  La présente affaire soulève des incertitudes et inquiétudes semblables. La Banque de Commerce soutient que les milles Aéroplan constituent des certificats‑cadeaux pour l'application de l'article 181.2 de la Loi et qu'elle était par conséquent fondée à demander le remboursement de la TPS qu'elle affirme avoir payée par erreur. L'intimée avance quant à elle que les milles Aéroplan n'étaient pas des certificats‑cadeaux pour l'application de cet article et que la Banque de Commerce a valablement payé la TPS sur les fournitures d'Aéroplan (et les milles Aéroplan), de sorte qu'elle n'avait pas droit à un remboursement de la TPS qu'elle aurait versée par erreur. L'intimée fait aussi valoir que, dans l'examen du point de savoir si les milles Aéroplan étaient des certificats‑cadeaux, notre Cour n'a pas à établir s'ils constituaient un autre type d'opération ou de moyen promotionnel pour l'application de la Loi (par exemple des bons). La Cour n'a plutôt à trancher que la question de savoir si les milles Aéroplan étaient ou non des certificats‑cadeaux pour l'application de la Loi. Je souscris à ce point de vue. S'il peut se révéler utile ou nécessaire d'examiner le libellé de diverses autres dispositions de la Loi qui pourraient s'appliquer aux milles Aéroplan lors de l'analyse textuelle, contextuelle et téléologique de l'article 181.2, il ne s'ensuit pas que la Cour doive conclure formellement que les milles Aéroplan sont à considérer, par exemple, comme des bons, dans le cas où elle conclurait qu'ils ne sont pas des certificats‑cadeaux.

[46]  L'article 181.2 de la Loi a été examiné dans les décisions Canasia Industries Ltd. c. La Reine, 2003 CCI 33, et Banque Royale du Canada c. La Reine, 2007 CCI 281.

[47]  Le regretté juge en chef Garon a formulé les observations suivantes aux paragraphes 19 à 36 de la décision Canasia lors d'un examen de la question de savoir si les certificats de voyage constituaient des certificats‑cadeaux pour l'application de l'article 181.2 de la Loi :

19  La question en litige est de savoir si la vente par l'appelante d'un certificat de voyage du type décrit précédemment constitue la fourniture d'un certificat‑cadeau au sens de l'article 181.2 de la Loi sur la taxe d'accise.

20  L'article 181.2 de la Loi sur la taxe d'accise se lit en anglais comme suit :

For the purposes of this Part, the issuance or sale of a gift certificate for consideration shall be deemed not to be a supply and, when given as consideration for a supply of property or a service, the gift certificate shall be deemed to be money.

21  En interprétant cette disposition, et plus particulièrement l'expression « gift certificate » (certificat‑cadeau), il convient, comme les tribunaux l'ont souligné à plusieurs reprises, de considérer la règle moderne d'interprétation des lois formulée par E. A. Driedger dans l'ouvrage Construction of Statutes (2e éd., 1983), à la page 87 :

[TRADUCTION]

Aujourd'hui, il n'y a qu'un seul principe ou solution : il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

22  L'expression « certificat‑cadeau » n'est pas définie dans la Loi sur la taxe d'accise. Il est donc nécessaire de se reporter aux définitions figurant dans les dictionnaires.

23  Dans le Canadian Oxford Dictionary, Oxford University Press 1998, l'expression « gift certificate » (« certificat‑cadeau ») est définie comme suit :

« gift certificate » [TRADUCTION] : « certificat‑cadeau : un certificat ou un bon présenté comme un cadeau et échangeable contre des biens d'une valeur nominale, habituellement dans un magasin donné. »

24  Dans le Ninth New Collegiate Dictionary, A Merriam-Webster, 1986, la définition de l'expression « gift certificate » (« certificat‑cadeau ») se lit comme suit :

« gift certificate » [TRADUCTION] : « certificat‑cadeau : une déclaration certifiée donnant droit au porteur de choisir des marchandises dans l'établissement de l'émetteur d'une valeur équivalente, au montant précisé sur le certificat‑cadeau. »

25  Pour déterminer la signification de l'article 181.2 de la Loi sur la taxe d'accise, il convient de considérer les dispositions de l'article 13 de la Loi sur les langues officielles, qui se lit comme suit :

Tous les textes qui sont établis, imprimés, publiés ou déposés sous le régime de la présente partie dans les deux langues officielles le sont simultanément, les deux versions ayant également force de loi ou même valeur. [C'est le juge en chef Garon qui souligne.]

26  Il convient donc d'examiner également la version française de l'article 181.2 de la Loi sur la taxe d'accise qui est formulée dans les termes suivants :

Pour l'application de la présente partie, la délivrance ou la vente d'un certificat‑cadeau à titre onéreux est réputée ne pas être une fourniture. Toutefois, le certificat‑cadeau donné en contrepartie de la fourniture d'un bien ou d'un service est réputé être de l'argent.

27  Il appert de la version française de l'article 181.2 de la Loi sur la taxe d'accise que l'expression « gift certificate » se traduit par « certificat‑cadeau ».

28  Les dictionnaires français réputés comme la Grande Encyclopédie Larousse 1971, Quillet 1975, le Grand Larousse Universel 1989, le Nouveau Larousse Encyclopédique 2001 et Le Grand Robert de la langue française 2001 ne contiennent aucune définition de l'expression « certificat‑cadeau ». Par ailleurs, dans le Multidictionnaire des difficultés de la langue française, par Marie‑Eva de Villers, une publication canadienne, les commentaires suivants sont formulés à l'égard de cette expression : « Calque de l'anglais “gift certificate” pour chèque‑cadeau ». Dans le même dictionnaire, « chèque‑cadeau » est défini comme suit : « Bon autorisant une personne à recevoir un produit, un service ». Dans le Robert & Collins Super Senior, les expressions « gift token » et « gift voucher » sont traduites par l'expression « chèque‑cadeau ».

29  Au cours des plaidoyers, les avocats des deux parties ont invoqué plusieurs exemples de situations commerciales où l'expression « certificat‑cadeau » est utilisée. Aucune preuve n'a été fournie à l'égard des divers types de certificats‑cadeaux. Toutefois, il semble généralement reconnu que « certificat‑cadeau » est une expression générale qui englobe un bon qui accorde le droit au détenteur de l'échanger contre des biens ou des services ou contre une valeur applicable au prix d'achat de biens ou de services, conformément aux modalités qui le régissent. Il n'est aucunement contesté que l'expression « certificat‑cadeau » est une expression familière qui englobe plusieurs types de documents attestant toutes sortes de droits.

30  Les avocats des deux parties semblent convenir qu'il s'agit de certificats‑cadeaux dans deux types de scénarios. Dans l'un de ces scénarios, une société fournit à une personne intéressée un bon portant une valeur monétaire nominale, disons 100 $, pour une contrepartie de 100 $. En général, l'acheteur du bon fait ensuite cadeau à un tiers en lui remettant gratuitement le bon. Dans ce scénario, l'article 181.2 de la Loi sur la taxe d'accise a pour effet de différer la TPS jusqu'à la seconde opération dans laquelle le certificat est remis à l'émetteur en échange de biens ou de services. Il est admis que, dans un tel cas, la première opération d'achat d'un certificat pour une contrepartie équivalente à sa valeur nominale n'est pas assujettie à la taxe. Dans le deuxième scénario, l'émetteur du certificat‑cadeau remet tout simplement le bon à un client ou à un client potentiel à titre gratuit. Le certificat n'a aucune valeur nominale. Cette opération n'est pas visée par l'article 181.2 de la Loi sur la taxe d'accise car le certificat n'a pas été émis à titre onéreux.

31  Nous devons déterminer quels sont les éléments constitutifs d'un certificat‑cadeau d'après ces exemples, d'après le libellé de l'article 181.2 de la Loi sur la taxe d'accise et d'après les définitions figurant dans les dictionnaires.

32  Comme je viens de le mentionner, un certificat‑cadeau doit avoir été émis à titre onéreux, étant donné la condition prévue à l'article 181.2 de la Loi sur la taxe d'accise. Il n'est pas nécessaire que la contrepartie soit équivalente à la valeur nominale si une telle valeur est indiquée sur le certificat puisque cet article exige seulement qu'il doit y avoir une contrepartie.

33  L'élément essentiel est que le porteur du certificat, qui pourrait être quiconque à qui le certificat a été transféré par l'acheteur initial du certificat ou par un détenteur ultérieur, a le droit de recevoir gratuitement de l'émetteur du certificat soit un produit ou un service, soit la valeur nominale à l'achat d'un produit ou d'un service. Je ne crois pas qu'il soit important que le porteur du certificat ait ou non versé une contrepartie ou ait offert une contrepartie pour obtenir le certificat‑cadeau de l'acheteur initial du certificat ou de n'importe quel intermédiaire ultérieur. À mon avis, le concept de « certificat‑cadeau » dans le contexte d'une situation visée par l'article 181.2 de la Loi sur la taxe d'accise implique nécessairement que le produit ou le service mentionné dans le certificat soit fourni gratuitement au porteur du certificat lorsque le certificat est échangé par son émetteur. La partie « cadeau » de l'expression « certificat‑cadeau » serait autrement dénuée de sens.

34  En l'espèce, le porteur du certificat qui l'a acquis de l'acheteur du certificat ou d'un porteur ultérieur n'a pas le droit de recevoir gratuitement la partie attribuable aux déplacements par avion du certificat de l'émetteur, The Travel Card Center, Inc., car il doit au préalable satisfaire les conditions suivantes :

1.  Il doit payer les frais d'inscription de 39,95 $ US à The Travel Card Center, Inc. Je crois que nous pouvons raisonnablement déduire que ce montant représente en fait le coût du traitement de la demande. De plus, le montant en question est mentionné dans le certificat comme étant des « frais d'inscription ». Cette condition n'a probablement pas pour effet d'exclure le certificat de voyage de la définition de certificat‑cadeau. Tout compte fait, je suis disposé à ne pas tenir compte de cette condition.

2.  La deuxième condition est que le porteur du certificat doit, selon la destination, acheter un séjour d'au moins sept jours dans un hôtel sélectionné de la destination de choix de The Travel Card Center, Inc., tel qu'il appert des paragraphes 17 et 18 de l'exposé conjoint des faits. Le porteur du certificat doit payer pour l'hébergement choisi par l'émetteur du certificat.

35  Selon moi, la deuxième condition constitue un élément essentiel du forfait-vacances global. De toute évidence, on ne peut affirmer, à cause de la deuxième condition qui oblige le porteur du certificat à engager une dépense substantielle, que le porteur a le droit de recevoir gratuitement de l'émetteur du certificat la portion de déplacement par avion. À cet égard, l'auteur de l'ouvrage Canada GST Service, M. David M. Sherman, semble avoir adopté une approche semblable à l'égard de l'application de l'article 181.2 de la Loi sur la taxe d'accise à une situation factuelle. Ses commentaires relatifs à la distinction entre un coupon de rabais et un certificat‑cadeau sont particulièrement riches en enseignement :

[TRADUCTION]

La distinction entre un coupon et un certificat‑cadeau n'est pas toujours claire. Supposons qu'un magasin de vêtements vend à un client régulier, pour une somme de 1 ¢, un document libellé comme suit : « CERTIFICAT‑CADEAU — valeur de 50 $ sur tout achat de 75 $ et plus ». Ce document est‑il un certificat‑cadeau ou un coupon de rabais? S'il n'y avait pas l'exigence d'un achat de 75 $ ou plus, il s'agirait clairement d'un certificat‑cadeau. Si l'exigence d'achat était de, disons 1 000 $, il s'agirait presque certainement d'un coupon de rabais malgré le titre du certificat. Dans ce cas, le certificat a clairement une valeur intrinsèque et n'est pas utilisé uniquement à titre d'instrument de promotion pour vendre des vêtements d'une valeur de 75 $.

36  Je conclus par conséquent que le certificat de voyage en l'espèce n'est pas un certificat‑cadeau au sens de l'article 181.2 de la Loi sur la taxe d'accise. [Non souligné dans l'original.]

[48]  Le juge Hershfield a formulé le raisonnement suivant aux paragraphes 43 à 61 de la décision Banque Royale du Canada afin de répondre à la question de savoir si les paiements faits par la Banque Royale du Canada à la société Lignes aériennes Canadien International Ltée (LACI) en exécution d'une convention relative à des cartes de crédit d'affinité (qui prévoyait l'attribution par LACI de points de grands voyageurs à certains titulaires de cartes de crédit de la Banque royale) avaient été effectués à l'égard de certificats‑cadeaux pour l'application de l'article 181.2 de la Loi :

B. Certificats‑cadeaux

43  Subsidiairement, l'appelante a fait valoir que l'achat des points ne devrait pas être assujetti à la TPS lors de leur acquisition, les points étant des certificats‑cadeaux selon l'article 181.2. L'appelante s'appuie sur l'article 181.2 pour justifier le report du paiement de l'impôt jusqu'au moment du rachat des points par le titulaire de carte.

44  L'article 181.2 dispose :

181.2 Certificats‑cadeaux — Pour l'application de la présente partie, la délivrance ou la vente d'un certificat‑cadeau à titre onéreux est réputée ne pas être une fourniture. Toutefois, le certificat‑cadeau donné en contrepartie de la fourniture d'un bien ou d'un service est réputé être de l'argent.

45  Les notes explicatives de l'article indiquent que la vente d'un certificat‑cadeau n'est pas considérée comme une fourniture (malgré la contrepartie) et donc qu'elle n'est pas assujettie à la TPS. Ce n'est que lorsqu'un certificat‑cadeau est subséquemment échangé contre des biens ou services que sa valeur de rachat doit être traitée comme faisant partie intégrante de la contrepartie versée pour l'obtention de ces biens ou services.

46  À cette étape‑ci, quelques observations préliminaires s'imposent afin d'aider à mettre les choses en perspective :

  Le mot « certificat‑cadeau » n'étant pas défini dans la Loi, il faut tenir compte de ce que l'interprétation commune du terme englobe. Selon l'ARC, le certificat‑cadeau doit avoir une valeur attribuée ou nominale. Comme les points n'ont pas de valeur attribuée ou nominale, ils ne peuvent pas, selon les pratiques administratives, être des certificats‑cadeaux.

  L'article 181 traite d'un autre type d'instrument d'une façon entièrement différente. Cet instrument s'appelle un « bon » et il est simplement défini comme une pièce autre qu'un certificat‑cadeau. En termes généraux, contrairement au certificat‑cadeau, le bon n'est pas traité par rapport à l'utilisation qu'en fait le consommateur en contrepartie de ce qu'il a payé. C'est‑à‑dire que le consommateur final paie la taxe sur la valeur de la contrepartie versée pour les services ou biens acquis après déduction du montant de la réduction correspondant au bon. L'avocat de l'intimée fait valoir que la vente de points est une vente de bons, laquelle, contrairement à la vente de certificats‑cadeaux, est une fourniture taxable. Suivant ce principe, lorsque les titulaires de carte de crédit échangent leurs points contre du transport aérien, ils n'ont pas à payer de TPS selon l'article 181, ce qui reflète les pratiques courantes de l'ARC pour l'établissement des cotisations.

  Pour aider à faire la distinction entre les deux instruments, l'ARC leur a conféré à des fins de commodité (ou peut‑on dire par nécessité) des caractéristiques qui ne sont pas prescrites par la Loi. Sur le plan administratif, l'ARC a déterminé que le certificat‑cadeau devait avoir une valeur attribuée et être acquis pour un montant égal à cette valeur attribuée. Les bons peuvent avoir ou ne pas avoir de valeur attribuée, ils offrent, généralement du moins, un rabais au lieu d'une fourniture gratuite et ils sont émis sans contrepartie.

47  Lorsque j'examine tout d'abord l'argument de l'intimée, selon lequel les points ne peuvent être des certificats‑cadeaux en raison du défaut de valeur attribuée ou nominale, je ne trouve rien dans la Loi ou la jurisprudence qui justifie cette position. Malgré cela, l'intimée fait valoir que parce que le certificat‑cadeau est réputé être de l'« argent » aux termes de la Loi, il est soumis à une exigence implicite de la loi relativement à la valeur attribuée lorsque l'article 181.2 est lu conjointement avec la définition de l'« argent » figurant au paragraphe 123(1) :

« argent » Y sont assimilés la monnaie, les chèques, les billets à ordre, les lettres de crédit, les traites, les chèques de voyage, les lettres de change, les bons de poste, les mandats‑poste, les versements postaux et tout autre effet, canadien ou étranger, de même nature. La présente définition exclut la monnaie dont la juste valeur marchande dépasse la valeur nominale dans le pays d'origine et celle fournie ou détenue pour sa valeur numismatique.

48  Cette définition commande certainement que l'« argent » ait une valeur attribuée. L'avocat de l'intimée demande ensuite effectivement : « Comment l'article 181.2 peut‑il dire qu'une chose est réputée être ce qu'elle ne peut pas être, étant donné qu'elle ne possède pas une caractéristique essentielle de ce qu'elle est réputée être? » Or, c'est exactement ce que fait une disposition déterminative. L'avocat de l'intimée prétend ensuite que considérer le certificat comme étant de l'argent sans exiger qu'il ait une valeur attribuée rend la disposition déterminative inapplicable. Comment peut‑il fonctionner comme de l'argent alors qu'il ne possède pas la caractéristique même qui lui est nécessaire à cette fin? Cet argument présuppose une définition limitée du certificat‑cadeau. Une telle présupposition n'est pas justifiée par la jurisprudence ou les dispositions de la Loi.

49  Quant à l'interprétation commune du certificat‑cadeau, peut-être est‑il présomptueux de penser qu'une telle chose existe. L'argument de l'avocat de l'intimée, que j'interprète comme l'obligation implicite pour un instrument d'être doté d'une valeur attribuée pour être considéré comme un certificat‑cadeau, peut être valable si, par exemple, l'interprétation commune du certificat‑cadeau est que, comme l'argent, il confère à son utilisateur une certaine discrétion quant à son utilisation. Si tel est le cas, un certificat donnant droit à un « lavage de voiture extérieur de base » chez Joe Lave‑auto, auquel aucune valeur n'aurait été attribuée, ne serait pas un « certificat‑cadeau » même si cette mention figure sur le certificat et que j'en ai fait l'acquisition en tant que tel. Comme acheteur d'un tel certificat, je comprendrais que j'ai fait l'acquisition d'un certificat‑cadeau. D'autre part, l'utilisateur d'un tel certificat pourrait s'attendre à ce que la TPS à l'égard du certificat ait été préalablement payée, c'est‑à‑dire que l'utilisateur pourrait alors comprendre que le certificat du lave‑auto n'est pas un certificat‑cadeau au sens de la Loi.

50  Bien qu'il puisse être présomptueux de statuer que le terme « certificat‑cadeau » signifie une chose ou une autre, ce ne l'est pas de penser que les décisions qui seront rendues par la présente Cour sur la façon d'interpréter le terme seront prises en compte. La Cour a énoncé clairement qu'il n'est pas nécessaire que le certificat‑cadeau, au sens de l'article 181.2, ait une valeur attribuée et soit applicable à des biens ou services identifiables. Dans Canasia Industries Limited c. La Reine, le juge en chef Garon, tout en faisant remarquer que le mot « certificat‑cadeau » est une expression familière pouvant englober divers documents et transactions, a ainsi décrit les éléments constitutifs d'un certificat‑cadeau :

L'élément essentiel est que le porteur du certificat, qui pourrait être quiconque à qui le certificat a été transféré par l'acheteur initial du certificat ou par un détenteur ultérieur, a le droit de recevoir gratuitement de l'émetteur du certificat soit un bien ou un service, soit la valeur nominale à l'achat d'un bien ou d'un service. Je ne crois pas qu'il soit important que le porteur du certificat ait ou non versé une contrepartie ou ait offert une contrepartie pour obtenir le certificat‑cadeau de l'acheteur initial du certificat ou de n'importe quel intermédiaire ultérieur. À mon avis, le concept de « certificat‑cadeau » dans le contexte d'une situation visée par l'article 181.2 de la Loi sur la taxe d'accise implique nécessairement que le bien ou le service mentionné dans le certificat soit fourni gratuitement au porteur du certificat lorsque le certificat est échangé par son émetteur. La partie « cadeau » de l'expression « certificat‑cadeau » serait autrement dénuée de sens.

51  Cet extrait ne dit pas que le certificat‑cadeau doit avoir une valeur indiquée sur le document pour en être un. Il dit que le certificat‑cadeau doit permettre de faire gratuitement l'acquisition de biens ou services ou d'appliquer la valeur qui lui est attribuée sur un bien ou un service. Si le certificat permet à son titulaire de faire l'acquisition d'une fourniture identifiable, il est encore susceptible d'être un certificat‑cadeau. De plus, dans Canasia, le juge en chef Garon souligne qu'il n'est pas nécessaire que la contrepartie soit équivalente à la valeur attribuée « si une telle valeur est indiquée sur le certificat puisque cet article exige seulement qu'il doit y avoir une contrepartie ». Le « si » indique clairement qu'il n'est pas nécessaire qu'une valeur attribuée soit indiquée sur le certificat‑cadeau pour que ce dernier en soit un. En outre, je remarque qu'il n'est pas précisé que le certificat‑cadeau doit avoir une valeur attribuée dans l'une ou l'autre des notes explicatives de l'article 181.2 ou du paragraphe 157(2).

52  Bien que je comprenne la position de l'intimée — selon laquelle la Cour devrait reconnaître que l'article 181.2 exige que le certificat‑cadeau soit traité comme de l'argent et que cela suppose qu'il en possède les attributs —, je me trouve devant ce qui me semble être une analyse raisonnable faite par cette Cour qui arrive à une conclusion différente, à savoir que le certificat‑cadeau peut inclure un instrument donnant droit au porteur d'acquérir sans frais une fourniture identifiable. Je ne suis donc pas prêt — et cela n'est pas nécessaire vu les faits de la présente affaire — à ébranler cette jurisprudence qui met l'accent sur le mot « cadeau ». À ce chapitre, Canasia établit le principe qu'un certificat‑cadeau ne comprend pas un instrument qui ne donne au porteur que des droits conditionnels. Cette réserve repose sur l'acception courante et juridique de ce qu'est un cadeau.

53  Dans Canasia, on a demandé à cette Cour d'établir si les certificats de voyage échangeables contre des tarifs aériens aller‑retour vers des destinations de villégiature étaient des certificats‑cadeaux. La Cour a conclu qu'ils ne constituaient pas des certificats‑cadeaux étant donné que le porteur n'avait droit à rien à moins de verser des frais de traitement et de payer au moins sept nuits d'hébergement à des hôtels sélectionnés de la destination choisie. La Cour a fait remarquer que selon l'usage ordinaire et l'acception courante, le certificat‑cadeau n'inclut pas un instrument exigeant que l'on engage des dépenses substantielles avant qu'il puisse être utilisé. Les certificats de voyage n'étaient pas des certificats‑cadeaux aux termes de l'article 181.2 parce qu'ils ne donnaient pas au titulaire le droit inconditionnel à des biens et services gratuits.

54  Dans le même ordre d'idées, l'achat de points en l'espèce ne constituait qu'une étape parmi une série d'exigences et d'événements — utilisation de la carte de crédit, paiements par la RBC à mesure de l'accumulation des points, utilisation continue de la carte de crédit nécessaire pour permettre l'accumulation des points, programme de récompenses non annulé et cession du nombre de points considérés comme suffisant pour garantir un service de transport aérien précis sans frais. Selon moi, aucune autre mesure, y compris l'achat ou l'émission de points, ne donne de droits inconditionnels à quoi que ce soit.

55  De plus, reprenant à mon sens le même argument, l'intimée prétend que les points ne peuvent pas être considérés comme un certificat‑cadeau selon l'acception courante du terme car aucune corrélation fixe n'est établie entre les points crédités et leur utilisation. Les primes de voyage peuvent être modifiées. La valeur des points dépend en bout de ligne du nombre de points accumulés au fil du temps et du nombre de points requis au moment de la conversion pour recevoir les primes de voyage. En outre, LACI peut annuler les points en tout temps, de sorte qu'il n'y a aucun droit ou autorisation à quoi que ce soit au moment de leur émission. Il n'y a aucun cadeau ou droit identifiable à quoi que ce soit à ce moment‑là. Je souscris à ce raisonnement.

56  Ces conclusions sont suffisantes pour permettre de conclure que les points ne sont pas des certificats‑cadeaux. À ce titre, il n'y a pas de disposition établissant que la provision de points ne constitue pas une fourniture.

57  Bien qu'il ne soit pas nécessaire d'examiner plus à fond cet argument subsidiaire, il convient de faire certaines observations concernant l'argument de l'intimée voulant que les points soient considérés comme des « bons » au sens de l'article 181.

58  L'intimée prétend que les points devraient être considérés comme un « coupon » au sens de l'article 181 de la Loi. En vertu de la Loi, contrairement au certificat‑cadeau qui confère le droit de régler, en partie ou en totalité, le prix demandé pour des biens ou services — la TPS étant payable au moment de la remise du certificat, le bon donne le droit d'acquérir un bien ou un service donné à un prix réduit. Lorsque le coupon est échangé, il ramène la valeur taxable pour le consommateur du bien ou service acquis avec le coupon, au montant net payé.

59  Les paragraphes pertinents de l'article 181 prévoient ce qui suit :

181 (1) Définitions — Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

« bon » Sont compris parmi les bons les pièces justificatives, reçus, billets et autres pièces. En sont exclus les certificats‑cadeaux et les unités de troc au sens de l'article 181.3.

[...]

(4) Acceptation d'autres bons — Pour l'application de la présente partie, lorsqu'un inscrit accepte, en contrepartie, même partielle, de la fourniture d'un bien ou d'un service, un bon auquel les alinéas (2)a) à c) ne s'appliquent pas et qui est échangeable contre le bien ou le service ou qui permet à l'acquéreur de bénéficier d'une réduction ou d'un rabais sur le prix du bien ou du service, la valeur de la contrepartie de la fourniture est réputée égale à l'excédent éventuel de cette valeur, déterminée par ailleurs pour l'application de la présente partie, sur la valeur de rabais ou d'échange du bon.

60  Même si la principale caractéristique du bon est d'être un véhicule de rabais, le libellé de l'article 181 n'empêche pas que ce rabais soit égal au prix intégral des biens ou services lorsque le bon est encaissé. La contrepartie taxable en vertu de la disposition précédente est le montant, « le cas échéant », par lequel le prix des biens ou services excède le rabais. Que le prix payable soit égal à zéro après déduction du rabais démontre que les points peuvent être effectivement des bons même s'ils ne peuvent être utilisés qu'en blocs fixes qui sont suffisants pour assurer que l'excédent taxable est toujours égal à zéro.

61  Par conséquent, je suis d'accord avec l'intimée pour dire que ce n'est pas aller à l'encontre de la Loi que de traiter les points comme des bons. Toutefois, cela étant dit, je me dois d'ajouter que j'ai une certaine réticence à donner l'impression que je donne mon blanc‑seing aux pratiques administratives de l'ARC relativement à l'application de l'article 181 et aux distinctions qu'elle cherche à faire entre les bons et les certificats‑cadeaux. À mon avis, les dispositions ne s'appliquent pas aussi facilement que l'ARC cherche à le faire. L'état du droit reste incertain — situation qui demande que l'on apporte des éclaircissements à la loi. Sans ces éclaircissements, la Loi imposera des obligations de perception et de remise aux fournisseurs qui auront peu d'indications quant à l'issue d'un éventuel différend portant sur ces obligations.

[49]  L'interprétation par le ministre du terme « certificat‑cadeau » est exposée dans la version révisée de l'Énoncé de politique sur la TPS/TVH P‑202 — Certificats‑cadeaux, publié en avril 2012 et qui remplaçait la version du 20 février 1996. Le P‑202 révisé, qui prenait effet le 1er janvier 1991, portait les explications suivantes :

Aux termes de l'article 181.2 de la LTA, la délivrance ou la vente d'un certificat‑cadeau à titre onéreux est réputée ne pas être une fourniture et, par conséquent, n'est pas assujettie à la TPS/TVH. Lorsque le certificat‑cadeau est par la suite utilisé, il est considéré comme tout ou partie d'une contrepartie pour la fourniture de biens ou de services. La TPS/TVH peut s'appliquer à ce moment selon le statut fiscal de la fourniture.

L'expression « certificat‑cadeau » n'est pas définie dans la LTA. Selon l'Agence du revenu du Canada, un certificat‑cadeau possède les caractéristiques suivantes :

1. Il a une valeur d'échange monétaire qui est manifeste sur le certificat ou qui peut facilement être déterminée par les parties à l'opération. La valeur d'échange monétaire peut, par exemple, être précisée au recto du certificat ou elle peut y être stockée électroniquement. Dans certains cas, le client peut avoir le droit d'ajouter des montants à la valeur d'échange monétaire du certificat. Par contre, le certificat‑cadeau peut viser la fourniture donnée d'un bien ou d'un service qui y est mentionné.

2. Il est délivré ou vendu à titre onéreux par le fournisseur du bien ou du service ou par une autre personne en vue d'être utilisé chez un fournisseur donné. La contrepartie payée pour le certificat pourrait ne pas être égale à la valeur d'échange monétaire.

3. Il est accepté comme paiement ou paiement partiel de la contrepartie pour la fourniture d'un bien ou d'un service offert par le fournisseur de ce bien ou service.

4. Le détenteur n'est pas tenu de faire quoi que ce soit pour utiliser le certificat autre que de le présenter à titre de paiement ou de paiement partiel de la contrepartie pour les biens ou les services acquis. Le détenteur du certificat ne devrait pas être tenu de remplir d'autres conditions, telles que d'effectuer un achat correspondant à une valeur donnée (c.‑à‑d. une valeur minimale requise) ou d'acheter un article pour échanger le certificat‑cadeau contre un autre article (p. ex. acheter un article et en obtenir un autre gratuitement) afin d'utiliser le certificat.

5. Il n'a aucune valeur intrinsèque. Le certificat ne devrait pas avoir de valeur autre que sa valeur d'échange monétaire.

Pour l'application de la LTA, un « certificat‑cadeau » inclut une carte‑cadeau pourvu que la carte satisfasse à toutes les conditions pour être considérée comme un certificat‑cadeau.

Lorsque le certificat‑cadeau est utilisé pour la fourniture taxable de biens ou de services, le fournisseur des biens ou des services doit déterminer si le montant accepté à titre de paiement de la contrepartie facturée pour la fourniture taxable inclut ou exclut un montant de taxe. Le fournisseur devrait vérifier toutes les ententes pertinentes, y compris ses pratiques commerciales, afin de faire cette distinction. [Non souligné dans l'original.]

[50]  L'intimée soutient que les milles Aéroplan (et par extension les fournitures d'Aéroplan) ne sont pas des certificats‑cadeaux pour l'application de l'article 181.2 de la Loi au motif qu'ils ne possèdent pas tous les attributs essentiels des certificats‑cadeaux au sens de cet article. À ce propos, l'intimée avance que notre Cour devrait adopter l'interprétation donnée par le ministre du terme « certificat‑cadeau » dans la version d'avril 2012 de l'Énoncé de politique sur la TPS/TVH P‑202 — Certificats‑cadeaux. L'intimée soutient aussi que les milles Aéroplan ne sont pas des certificats‑cadeaux parce qu'ils ne remplissent pas tous les critères exposés dans le P‑202; plus précisément, i) les milles Aéroplan ne possèdent pas de valeur monétaire d'échange précise, évidente ou facile à déterminer, ii) ils récompensent en général l'utilisation d'une carte de crédit de la Banque de Commerce, ou les achats faits chez des établissements précis (plutôt que d'être délivrés ou vendus à titre onéreux comme un certificat‑cadeau prépayé), iii) la délivrance d'un mille Aéroplan, en soi, ne donne pas au détenteur de droit à quoi que ce soit.

[51]  Le mille Aéroplan, poursuit l'intimée, ne donne pas à son détenteur le droit à un quelconque bien ou service précis, pas plus qu'il ne possède de valeur monétaire d'échange évidente ou facile à déterminer. Par conséquent, le mille Aéroplan ne remplit pas les critères exposés dans les décisions Canasia Industries et Banque Royale du Canada. Toujours selon l'intimée, une interprétation contextuelle de l'article 181.2 étaye la thèse exposée par le ministre dans le P‑202, selon laquelle le certificat‑cadeau doit avoir une valeur monétaire d'échange évidente lors de sa délivrance ou de sa vente. Or, rappelle l'intimée, l'appelante a reconnu que le mille Aéroplan n'a pas de valeur nominale au moment de sa délivrance [38] .

[52]  Le paragraphe 123(1) de la Loi définit comme suit les termes « argent », « bien », « fourniture » et « service » pour l'application de la Loi :

« argent » Y sont assimilés la monnaie, les chèques, les billets à ordre, les lettres de crédit, les traites, les chèques de voyage, les lettres de change, les bons de poste, les mandats‑poste, les versements postaux et tout autre effet, canadien ou étranger, de même nature. La présente définition exclut la monnaie dont la juste valeur marchande dépasse la valeur nominale dans le pays d'origine et celle fournie ou détenue pour sa valeur numismatique.

« bien »À l'exclusion d'argent, tous biens — meubles et immeubles — tant corporels qu'incorporels, y compris un droit quelconque, une action ou une part.

« fourniture » Sous réserve des articles 133 et 134, livraison de biens ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation.

« service» Tout ce qui n'est ni un bien, ni de l'argent, ni fourni à un employeur par une personne qui est un salarié de l'employeur, ou a accepté de l'être, relativement à sa charge ou à son emploi.

[Non souligné dans l'original.]

[53]  D'après l'intimée, les définitions reproduites ci‑dessus étayent son interprétation contextuelle du terme « certificat‑cadeau ». Plus précisément, la définition du terme « argent » fait mention de la valeur nominale de la monnaie, et les définitions des termes « fourniture », « bien » et « service » ont pour effet d'exclure l'argent de la définition de « fourniture ». En adoptant l'article 181.2, poursuit l'intimée, le législateur avait pour intention que la délivrance ou la vente de certificats‑cadeaux pourvus d'une valeur monétaire d'échange manifeste ou facile à déterminer (tels que les certificats‑cadeaux ou les cartes‑cadeaux prépayés) soit assimilée à des espèces ou à d'autres formes d'argent pour les besoins de la TPS, de sorte que toutes les formes de contrepartie monétaire reçoivent le même traitement sous le rapport de la TPS. Or, raisonne l'intimée, les milles Aéroplan ne possédant pas de valeur monétaire d'échange fixe ou manifeste, ils ne devraient pas être réputés constituer de l'argent pour les besoins de la TPS.

[54]  L'intimée invoque aussi l'arrêt Falls Management Co. c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CAF 69, [2006] 4 R.C.F. F‑60, où la Cour d'appel fédérale a examiné un programme de fidélisation offert par des casinos. Établissant une distinction entre les certificats‑cadeaux prépayés et les points de fidélisation, la Cour d'appel fédérale a conclu que les points ne constituaient pas une « contrepartie pécuniaire » :

[13]  Pour décider du présent appel, il importe de bien comprendre le lien entre les casinos et leurs clients. Essentiellement, les clients des maisons de jeu risquent une somme d'argent dans l'espoir d'un résultat imprévisible. Que l'on soit membre d'un club ou non importe peu; les risques et les coûts sont les mêmes pour les membres et les non‑membres.

[14]  Il n'y a pas de frais annuels ni de cotisation initiale à payer pour devenir membre du club et pouvoir accumuler et échanger des points de récompense. L'adhésion est gratuite. Les gens peuvent devenir membres par Internet en fournissant aux casinos des renseignements personnels comme leur nom, adresse postale, adresse électronique, numéro de téléphone, sexe, date de naissance et intérêts particuliers. Une photo est aussi requise.

[15]  Selon l'auteur d'un des affidavits déposés pour les casinos, l'objectif du programme de fidélisation est de recueillir et de conserver des renseignements importants sur les clients des casinos. Dans son argumentation, l'avocat des casinos a fait valoir que cette information constituait une contrepartie dans l'échange entre les casinos et les membres de leur club, et qu'elle était partagée avec d'autres établissements commerciaux comme des agences de location de voiture, des restaurants, des hôtels et d'autres. Toutefois, contrairement à d'autres programmes de récompenses mentionnés dans la preuve (Petro‑Points, Primes Hbc et points Shoppers Optimum) qui contiennent des énoncés détaillés sur la protection des renseignements personnels de leurs membres, il n'y a aucune mention dans les documents des casinos au sujet de la collecte et de la conservation de renseignements sur les membres du club ou de leur éventuelle communication à d'autres entreprises commerciales. Dans les circonstances, il est impossible, à mon avis, de soutenir que l'information fournie constitue la contrepartie des points de récompense qui sont donnés et échangés.

[16]  En résumé, il n'y a rien dans les documents des casinos qui indique que le programme de récompenses est autre chose qu'une offre gratuite faite aux clients des casinos. Cette thèse est renforcée par le fait que le programme peut être annulé en tout temps par les casinos, et les points de récompenses confisqués sans possibilité de recours.

[17]  Il n'y a pas de contrepartie pécuniaire en cause dans l'échange de points de récompenses contre des produits du tabac, et le juge saisi de la demande a commis une erreur manifeste et dominante lorsqu'il a décidé que les points de récompense s'apparentaient à de l'argent comptant. Les comptes du club ne contiennent pas de sommes d'argent comme un compte de banque. Ils ne sont qu'un endroit où sont déposés les points accumulés d'un membre. La valeur de ces points varie à l'égard des produits ou services pour lesquels ils peuvent être échangés en fonction uniquement de la valeur que les casinos eux-mêmes décident d'attribuer à chacun de ces produits ou services. Rien dans les documents n'indique que les points accumulés ont une valeur de base fixe et un point commun de référence pécuniaire (par exemple, 100 points valent 10,00 $ et peuvent être échangés contre des biens ou des services sélectionnés) ou qu'ils peuvent être échangés contre de l'argent comptant.

[18]  Le juge saisi de la demande a toutefois eu raison de noter que l'emploi dans le texte anglais de la Loi de l'adjectif « monetary » restreignait le sens du mot « consideration ». Le Oxford English Dictionary (2d ed., Oxford: Oxford University Press, 1998) définit comme suit le mot « monetary » : [TRADUCTION] « relatif à la monnaie d'un pays; relatif à l'argent ou à la monnaie ». Il est certain que l'argent comptant, les chèques, les transactions par carte de crédit ou de débit et les certificats‑cadeaux pré-payés correspondent sans difficulté à cette définition, mais la valeur des points échangés contre des produits du tabac dans ces circonstances étroites n'est pas l'équivalent d'une « monetary consideration » (ou contrepartie pécuniaire) au sens de l'alinéa 29b) de la Loi.

[Non souligné dans l'original.]

[55]  L'arrêt Falls Management de la Cour d'appel fédérale, soutient l'intimée, étaye l'interprétation donnée par le ministre dans le P‑202 du terme « certificat‑cadeau » pour l'application de l'article 181.2 de la Loi, en particulier la condition selon laquelle le certificat‑cadeau doit posséder une valeur monétaire d'échange lors de sa délivrance. Or, explique l'intimée, les milles Aéroplan ne remplissent pas cette condition, puisqu'ils n'ont pas de valeur monétaire d'échange au moment de leur délivrance, qu'Aéroplan peut à son gré changer le nombre de milles Aéroplan nécessaire pour obtenir une prime donnée et que le coût d'acquisition des primes n'est pas communiqué à la Banque de Commerce ni aux membres d'Aéroplan.

[56]  L'intimée avance en outre l'argumentation suivante. Selon la thèse exposée par le ministre dans le P‑202 aussi bien que selon la position de la Cour telle qu'elle se dégage des décisions Canasia Industries et Banque Royale du Canada, l'un des attributs essentiels du certificat‑cadeau pour l'application de l'article 181.2 est l'exigence selon laquelle le détenteur, pour utiliser ou échanger ce certificat, ne doit avoir rien d'autre à faire que de le présenter comme moyen de paiement du bien ou du service qu'il veut acheter. Autrement dit, pour qu'une pièce donnée soit considérée comme un certificat‑cadeau, son utilisation ne doit être restreinte par aucune condition [39] . Or, fait observer l'intimée, le mille Aéroplan ne donne au membre d'Aéroplan le droit d'acquérir aucun bien ou service, puisqu'il doit remplir à n'importe quel moment diverses conditions [40] pour échanger ses milles Aéroplan contre des primes. Le membre d'Aéroplan, poursuit‑elle, a simplement le droit de participer au programme de milles Aéroplan et le droit à une éventuelle réduction ou remise sur le prix (y compris, dans certains cas, à l'acquisition gratuite) des diverses primes qu'Aéroplan peut offrir à un moment donné pour un nombre de milles Aéroplan susceptible de varier de temps à autre.

[57]  L'intimée invoque la conclusion formulée par notre Cour dans la décision Banque Royale du Canada, suivant laquelle les points de grands voyageurs attribués par Lignes aériennes Canadien International Ltée aux utilisateurs de la carte de crédit Visa Canadian Plus de la Banque royale ne constituaient pas des certificats‑cadeaux au sens de l'article 181.2 de la Loi. Selon cette décision, les points ne donnaient pas à leurs détenteurs de droit inconditionnel à quoi que ce soit, et il n'y avait pas de rapport entre les points attribués et leur utilisation. L'intimée fait valoir qu'il en va de même pour les milles Aéroplan [41] .

[58]  Comme la décision Banque Royale du Canada ressemble beaucoup à l'espèce, l'intimée fait en outre valoir que le principe de la courtoisie judiciaire devrait m'inciter à suivre cette décision à moins d'être convaincu de son caractère erroné. L'intimée invoque la jurisprudence suivante au soutien de cet argument : Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., 2015 CF 875, au paragraphe 92; Apotex Inc. c. Allergan Inc., 2012 CAF 308, [2013] 1 R.C.F. F‑11, au paragraphe 48; Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Almrei, 2007 CF 1025, au paragraphe 62; Houda International Inc. c. La Reine, 2010 CCI 622.

[59]  L'appelante affirme quant à elle que les milles Aéroplan (et par extension les fournitures d'Aéroplan) sont des certificats‑cadeaux pour l'application de l'article 181.2 de la Loi, au motif qu'ils possèdent tous les attributs essentiels de ceux‑ci selon l'article. Elle fait valoir que i) la Banque de Commerce a payé les milles Aéroplan, ii) ceux‑ci, comme un certificat‑cadeau typique, donnent aux clients de la Banque de Commerce le droit d'acquérir des biens ou des services pour une contrepartie minime ou nulle. La Banque de Commerce avance aussi que les conditions (exposées dans la version d'avril 2012 du P‑202 — Certificats‑cadeaux) qu'invoque l'intimée à l'appui de la thèse que les milles Aéroplan ne constituent pas des certificats‑cadeaux sont dénuées de pertinence s'agissant de savoir si les milles Aéroplan sont des certificats‑cadeaux, parce qu'elles n'ont rien à voir avec la capacité du client à acquérir des biens ou des services pour une contrepartie minime ou sans contrepartie. L'appelante rappelle à cet égard le témoignage de M. Webster, selon lequel le membre d'Aéroplan, lorsqu'il échangeait des milles Aéroplan, n'était pas tenu de verser de sommes additionnelles, sauf les taxes, ni d'acheter d'autres biens, pourvu qu'il disposât d'un nombre suffisant de milles [42] .

[60]  La Banque de Commerce a aussi avancé l'argumentation suivante concernant l'origine et le contexte législatifs des règles relatives aux certificats‑cadeaux de l'article 181.2 de la Loi ainsi que leur application aux milles Aéroplan :

a)  La loi prévoit des règles spéciales pour le traitement des pièces échangeables contre un bien ou un service ou donnant à leur détenteur le droit à une réduction ou à un rabais sur le prix d'un bien ou d'un service. L'appelante a appelé ces pièces les « pièces échangeables ».

b)  Ces règles spéciales étaient énoncées aux articles 157 et 181 de la première version promulguée de la Loi. Le paragraphe 157(1) réglait le traitement des bons, et le paragraphe 157(2), celui des certificats‑cadeaux, qui n'étaient pas définis. L'article 181 portait sur le cas où un tiers payait le fournisseur lors de l'échange d'un bon.

c)  Les règles relatives aux pièces échangeables se répartissaient donc à l'origine en deux ensembles, soit : i) les règles énoncées au paragraphe 157(1) et à l'article 181, qui s'appliquaient à toutes les pièces échangeables sauf les certificats‑cadeaux (les « règles relatives aux bons » selon la terminologie de l'appelante); ii) les règles énoncées au paragraphe 157(2), qui s'appliquaient aux certificats‑cadeaux (et que l'appelante désigne « règles relatives aux certificats‑cadeaux »).

d)  Les règles relatives aux bons et les règles relatives aux certificats‑cadeaux formaient un code complet pour les pièces échangeables.

e)  Les règles relatives aux bons et les règles relatives aux certificats‑cadeaux ont été modifiées en 1993, avec effet rétroactif à compter de l'introduction de la TPS. Le législateur a fait passer à l'article 181.2 les règles relatives aux certificats‑cadeaux, dont il a légèrement modifié le libellé, mais sans en changer l'objectif. En outre, le législateur a déplacé à l'article 181 les règles relatives aux bons, qu'il a également développées, notamment en y ajoutant une définition du terme « bon ». Quant au terme « certificat‑cadeau », il n'était pas défini, et la définition de « bon » excluait explicitement les certificats‑cadeaux.

f)  L'exclusion explicite des « certificats‑cadeaux » de la définition de « bon » donnée à l'article 181 signifie qu'ils seraient des bons si ce n'était cette exclusion.

g)  Il ressort donc du régime légal que le législateur a conçu un code complet selon lequel toute pièce échangeable contre des biens ou des services, ou donnant à son détenteur le droit à une réduction ou un rabais sur le prix de ces biens ou services, relève, pour la TPS, soit des règles relatives aux certificats‑cadeaux (en tant que certificat‑cadeau), soit des règles par défaut relatives aux bons (en tant que bon).

h)  Comme les pièces échangeables influent sur le montant que l'acheteur est tenu de payer, les règles sur la TPS applicables à ces pièces sont importantes parce qu'elles déterminent les modalités du calcul de la TPS.

i)  Les milles Aéroplan constituent une pièce échangeable parce qu'ils peuvent être échangés contre un bien ou un service offert en prime.

j)  Le client de la Banque de Commerce qui échangeait des milles Aéroplan contre un bien ou un service offert en prime avait droit à une réduction du prix de ce bien ou de ce service, ou à son acquisition gratuite.

k)  La jurisprudence canadienne a défini la nature des milles Aéroplan comme étant le droit d'obtenir des biens ou des services en leur échange et n'établit pas de distinction entre leur caractère au moment de l'attribution et celui qu'ils revêtent lors de l'échange. Le juge Paris a conclu au paragraphe 26 de la décision Johnson c. La Reine, 2010 CCI 321, que les milles Aéroplan, pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada), constituent un droit possédant une valeur susceptible d'être exprimée en argent. De même, au paragraphe 25 de la décision Hope Air c. La Reine, 2011 CCI 248, le juge en chef Rip a conclu que, pour l'application de la Loi sur le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, les milles Aéroplan dont on avait fait don à un organisme de bienfaisance possédaient une valeur commerciale au motif qu'ils donnaient le droit de recevoir en échange des services de transport aérien d'Air Canada. Enfin, dans la décision Nathan v. Hoare, 2014 ONSC 1820, le juge Backhouse a ordonné la cession de milles Aéroplan du mari à l'épouse lors d'un partage des biens à la séparation.

l)  La conclusion selon laquelle les milles Aéroplan constituent un droit d'acquérir des biens ou des services en leur échange s'accorde aussi avec le point de vue adopté par la Cour suprême du Royaume‑Uni, au titre de la taxe britannique sur la valeur ajoutée, concernant les points attribués pour le programme Nectar que gère au Royaume‑Uni la société‑mère d'Aéroplan. Cette Cour a formulé les observations suivantes aux paragraphes 7 à 9 de l'arrêt HMRC v. Aimia Coalition Loyalty UK Limited, [2013] UKSC 15 :

[TRADUCTION]

[7]  [...] dire que les « points » sont « attribués », « achetés » et « échangés », c'est parler métaphoriquement. Les « points » sont un moyen de décrire le droit contractuel du bénéficiaire à recevoir des biens ou des services gratuitement ou à prix réduit. Les commanditaires paient LMUK pour l'attribution de ce droit aux bénéficiaires. LMUK utilise une partie des sommes qu'elle reçoit des commanditaires pour payer les fournisseurs afin qu'ils procurent aux bénéficiaires les biens ou les services auxquels ils ont droit. LMUK tire ses bénéfices de la différence entre les sommes qu'elle reçoit des commanditaires et les paiements qu'elle fait aux fournisseurs.

[8]  Essentiellement, donc, lorsque les commanditaires paient à LMUK les points attribués aux bénéficiaires, ils lui paient l'octroi aux bénéficiaires du droit de recevoir des biens ou des services en échange de leurs points. Les fournisseurs procurent aux bénéficiaires les biens ou les services auxquels leurs points leur donnent droit, et LMUK verse aux fournisseurs la valeur des points à l'échange. C'est donc au moyen de l'exécution par les fournisseurs de leurs obligations contractuelles envers LMUK que cette dernière remplit les obligations qu'elle a elle‑même contractées envers les commanditaires et les bénéficiaires, et exerce ainsi son activité commerciale.

[9]  Comme les bénéficiaires les utilisent pour se procurer des biens ou des services, les points peuvent être considérés comme un moyen de paiement de ces biens ou services. La somme payée pour le droit d'obtenir les biens ou services est la somme que les commanditaires paient à LMUK en contrepartie de l'attribution des points qu'utilise le bénéficiaire. La somme reçue par le fournisseur à la suite de la fourniture des biens ou de la prestation des services est la somme moins élevée que paie LMUK.

m)  Les milles Aéroplan remplissent tous les critères d'un certificat‑cadeau selon la décision Canasia de notre Cour. Dans cette décision, le juge en chef Garon a conclu que le certificat‑cadeau entendu au sens de la Loi doit remplir deux critères : i) il doit être délivré à titre onéreux; ii) son détenteur doit avoir le droit de recevoir gratuitement de l'émetteur soit un produit ou un service, soit une valeur applicable au prix d'achat d'un produit ou d'un service, lorsqu'il l'échange auprès de l'émetteur. Les certificats de voyage en cause dans cette affaire n'étaient pas des certificats‑cadeaux parce que l'utilisateur devait payer des frais d'hôtel considérables. En outre, le juge en chef Garon a fait observer que l'expression « certificat‑cadeau » « est une expression familière qui englobe plusieurs types de documents attestant toutes sortes de droits » [43] .

n)  Le ministre, dans le P‑202 — Certificats‑cadeaux, aussi bien que la jurisprudence, dans la décision Société Télé‑Mobile c. La Reine, 2012 CCI 256, au paragraphe 27, conf. par 2013 CAF 149, ont retenu la thèse qu'un certificat‑cadeau ou un bon peut revêtir une forme électronique.

o)  Les milles Aéroplan sont des pièces échangeables électroniques qui sont des certificats‑cadeaux pour l'application de l'article 181.2 pour les motifs suivants : i) ils étaient vendus à titre onéreux; ii) le client de la Banque de Commerce, quand il échangeait des milles Aéroplan auprès d'Aéroplan, avait le droit d'en recevoir gratuitement un bien ou un service parmi les primes offertes par Aéroplan à ce moment, ou d'appliquer au prix d'achat de cette prime la valeur d'échange des milles Aéroplan.

p)  Le critère établi dans la décision Canasia a été retenu dans la décision Banque Royale du Canada.

q)  Les parties conviennent que la Banque de Commerce payait les milles Aéroplan à Aéroplan, de sorte que le premier volet du critère Canasia est satisfait. La seule question en litige est donc le second volet de ce critère.

r)  Dans la décision Banque Royale du Canada, la Cour a conclu que le premier volet du critère Canasia était rempli au motif que les points de grands voyageurs étaient délivrés et vendus à titre onéreux, mais que le second volet n'était pas rempli, en raison de facteurs liés à la délivrance et à l'accumulation des points en cause.

s)  La Cour a rendu la décision Banque Royale du Canada sans avoir eu la possibilité d'examiner l'analyse et les conclusions précitées de la Cour suprême du Royaume‑Uni dans l'arrêt Aimia.

t)  Dans la décision Banque Royale du Canada, la Cour a eu raison d'appliquer le critère établi dans la décision Canasia, mais s'est trompée dans l'application de son second volet en se penchant sur les conditions relatives à la délivrance et à l'accumulation des points plutôt que sur leur échange. Le critère Canasia est centré sur la question de savoir si, au moment de l'échange, le détenteur peut appliquer le certificat au prix d'achat du bien ou du service en question sans devoir remplir une condition entraînant pour lui une dépense considérable. La décision Canasia appuie le principe que le bien ou le service contre lequel le certificat est échangé doit être « fourni gratuitement au porteur du certificat lorsque le certificat est échangé par son émetteur » [44] .

u)  En l'espèce, les conditions relatives à la délivrance et à l'accumulation des milles Aéroplan ne sont pas pertinentes au critère énoncé dans Canasia. Par exemple, les conditions portant sur l'accumulation de milles Aéroplan en effectuant des achats par carte de crédit ou le droit de continuer à recevoir des milles Aéroplan en réglant le compte de la carte de crédit ne sont pas liées aux conditions de l'échange des milles Aéroplan au moment de l'échange.

v)  Il arrivait que des clients de la Banque de Commerce se voient attribuer des milles Aéroplan autrement qu'en portant des achats sur leur carte de crédit de la banque, par exemple lorsque la Banque de Commerce leur en accordait gratuitement à titre de courtoisie, ou comme cadeau de bienvenue au moment de l'acquisition d'un de ses produits financiers tels qu'une carte de crédit.

w)  Le nombre de milles Aéroplan requis pour l'échange, à tel ou tel moment, pour un bien ou un service déterminé est un facteur afférent à l'accumulation de milles Aéroplan et non une condition obligeant à une dépense considérable au moment de l'échange.

x)  Le fait que les primes disponibles variaient de temps à autre et que le nombre de milles Aéroplan requis pour l'échange contre une prime variait également n'est pas une condition obligeant à une dépense considérable au moment de l'échange.

y)  Le fait que le droit du membre d'Aéroplan à échanger ses milles Aéroplan soit subordonné à la non‑annulation du programme de milles Aéroplan n'est pas non plus une condition obligeant à une dépense considérable au moment de l'échange. Le maintien en activité de l'entité qui délivre le certificat‑cadeau, et son aptitude à remplir ses engagements d'échange, sont une condition ou un risque afférent à n'importe quel certificat‑cadeau.

z)  La possibilité de l'annulation des milles Aéroplan (que ce soit après douze mois ou sept ans) n'est pas non plus une condition obligeant à une dépense considérable au moment de l'échange. La position exposée par le ministre est que l'attribution d'une date d'expiration à la pièce échangeable n'influe pas sur la question de savoir si elle constitue un certificat‑cadeau au sens de l'article 181.2 de la Loi [45] .

aa)  L'intimée n'a allégué l'existence d'aucune condition obligeant le titulaire de carte à faire une dépense considérable au moment de l'échange qui ferait que le certificat‑cadeau ne comprendrait plus de « cadeau ».

bb)  Le titulaire de carte n'était pas tenu de faire des dépenses considérables pour échanger ses milles Aéroplan, ni de faire quoi que ce soit d'autre que de les présenter en contrepartie totale ou partielle du bien ou du service qui lui était remis en tant que prime, de sorte que le second volet du critère Canasia se trouve rempli.

cc)  Dans la décision Banque Royale du Canada, la Cour, tout en concluant à l'absence de cadeau ou de droit à quoi que ce soit au moment de la délivrance des points, a retenu la thèse que ceux‑ci pourraient constituer des bons sous le régime de l'article 181 au moment de l'échange [46] .

dd)  La nature des milles Aéroplan ne change pas entre leur délivrance et leur échange; ils sont en tout temps le droit pour leur détenteur d'obtenir des biens ou des services gratuitement ou à prix réduit en contrepartie des milles. Par conséquent, les milles Aéroplan constituent une pièce échangeable aussi bien au moment de leur délivrance qu'à celui de leur échange et ils étaient en tout temps des certificats‑cadeaux au sens de l'article 181.2 de la Loi.

ee)  L'obligation pour le titulaire de carte d'accumuler des milles Aéroplan avant de pouvoir les échanger contre des primes ne signifie pas que la nature de ces milles changeait entre le moment de leur délivrance et celui de leur échange. Ce cas est assimilable à celui de la personne qui économise suffisamment pour acheter un produit, ou encore à celui d'une carte‑cadeau prépayée à laquelle il faut ajouter de la valeur avant de pouvoir l'utiliser pour acheter un produit, ce que le ministre reconnaît être un certificat‑cadeau dans le P‑202 — Certificats‑cadeaux. Les certificats‑cadeaux traditionnels sur support papier pouvaient aussi être accumulés avant l'échange.

ff)  La forme mise à part, les milles Aéroplan sont assimilables à des certificats‑cadeaux prépayés, puisque les deux sont des pièces échangeables.

gg)  La prime de bienvenue de 15 000 milles Aéroplan offerte au nouveau détenteur d'une carte de crédit de la Banque de Commerce suffisait à l'obtention d'un vol intérieur court‑courrier.

hh)  Aucune jurisprudence ni aucune disposition de la Loi n'étaye la thèse qu'une caractéristique essentielle d'un certificat‑cadeau est qu'il doit avoir une valeur précise. La Cour l'a même explicitement rejetée dans la décision Banque Royale du Canada [47] . De même, aucune jurisprudence n'indique que le certificat‑cadeau doit posséder une valeur monétaire d'échange qui soit facile à déterminer en tout temps. Lorsqu'il souhaitait échanger des milles Aéroplan contre une prime donnée, le titulaire de la carte savait avec certitude combien de milles il devait avoir. La Cour du Québec, dans la décision Coopersmith c. Air Canada, 2009 QCCQ 5521, au paragraphe 72, a rejeté l'idée que les milles Aéroplan n'avaient pas de valeur d'échange, concluant plutôt qu'ils possédaient une valeur économique.

ii)  Le fait qu'Aéroplan ne traitait pas exclusivement avec un partenaire d'échange donné n'empêche pas les milles Aéroplan de constituer des certificats‑cadeaux pour les besoins de la TPS, selon le critère établi dans la décision Canasia et retenu dans la décision Banque Royale du Canada. Qui plus est, on ne trouve aucune condition de cet ordre dans la Loi.

jj)  Comme les milles Aéroplan étaient vendus à titre onéreux, ils devraient être considérés, sous le régime de la Loi, comme des certificats‑cadeaux et non des bons. Une pièce échangeable qui remplit le second volet du critère Canasia peut être soit un certificat‑cadeau, soit un bon, mais si elle est délivrée à titre onéreux, elle doit être considérée comme un certificat‑cadeau sous le régime de l'article 181.2.

kk)  Les règles énoncées aux articles 181 et 181.2 portent sur le calcul de la TPS au moment de l'échange d'une pièce échangeable, ce qui détermine le montant de TPS que l'acquéreur d'une fourniture taxable doit payer à ce moment.

ll)  Si la pièce échangeable n'est pas délivrée ou vendue à titre onéreux, aucune TPS n'est exigible lors de sa délivrance ou de sa vente. Cependant, si elle est délivrée ou vendue à titre onéreux, il faut une règle pour établir comment cette fourniture doit être traitée pour les besoins de la TPS. Les seules règles relatives aux pièces échangeables qui s'appliquent expressément au cas où la pièce échangeable est délivrée ou vendue à titre onéreux sont les dispositions afférentes aux certificats‑cadeaux de l'article 181.2, qui le font de sorte que l'objet de la Loi soit rempli.

mm)  Au moment de l'introduction des règles relatives aux bons, au paragraphe 157(1) à l'époque, les Notes explicatives du projet de loi portaient que ce paragraphe énonçait « les règles applicables aux bons remis sans contrepartie » [48] . Par conséquent, les règles relatives aux bons ne s'appliquent pas au cas où le bon est délivré ou vendu à titre onéreux. Les pièces délivrées ou vendues à titre onéreux relèvent plutôt des règles relatives aux certificats‑cadeaux à l'article 181.2 de la Loi.

nn)  L'article 181.2 dispose que la délivrance ou la vente d'un certificat‑cadeau est réputée ne pas être une fourniture, et n'entre donc pas en ligne de compte pour les besoins de la TPS. Par suite, il n'y a pas de TPS à payer sur le montant versé en contrepartie d'un certificat‑cadeau. Selon la seconde règle déterminative énoncée à l'article 181.2, le certificat‑cadeau est réputé être de l'argent au moment de son échange. Ces deux règles sont conçues pour faire en sorte que le certificat‑cadeau soit traité comme de l'argent depuis le moment où il est délivré jusqu'au moment où il est échangé, puisque son seul but ou sa seule fonction est de servir de substitut d'argent lorsqu'il est donné en contrepartie de biens ou de services.

oo)  Le fait de considérer une pièce échangeable délivrée ou vendue à titre onéreux comme de l'argent au titre de l'article 181.2 a pour effet que la TPS ne s'applique qu'une seule fois à la valeur de cette pièce, soit au moment où le consommateur final l'échange contre un bien ou un service. La TPS est alors calculée selon la taxe qui s'applique au bien ou au service en question, de sorte que, par exemple, l'achat d'une fourniture détaxée — épicerie, voyages déterminés vers l'étranger, etc. — n'est soumis à aucune TPS.

pp)  Les milles Aéroplan, en tant que substitut d'argent, sont visés par les règles relatives aux certificats‑cadeaux. Les milles Aéroplan en cause dans le présent appel étaient échangeables contre divers biens et services auprès de divers partenaires d'échange d'Aéroplan, et ne servaient pas qu'à l'acquisition d'un bien ou d'un service donné de l'émetteur. On peut donc établir une distinction avec les points de grands voyageurs en cause dans la décision Banque Royale du Canada, qui ne pouvaient s'échanger que contre les services de transport aérien de l'émetteur, à savoir LACI. De plus, les milles Aéroplan pouvaient s'échanger aussi bien contre des fournitures taxables que contre des fournitures détaxées. Si les milles Aéroplan sont assimilés à un certificat‑cadeau pour l'application de l'article 181.2, la TPS n'est percevable (le cas échéant) qu'à l'achat final d'un bien ou d'un service, auquel moment on sait si ce produit ou ce service est taxable ou non.

qq)  Si les milles Aéroplan sont assimilés à des bons ou à des biens d'un autre type pour les besoins de la TPS, ils seraient assujettis à la TPS au moment de leur délivrance ou de leur vente à titre onéreux. Comme la Banque de Commerce est une institution financière exerçant des activités exonérées de la TPS, elle ne recouvrerait pas entièrement la TPS versée sous forme de crédits de taxe sur les intrants. Le consommateur ou autre non‑inscrit qui achète des milles Aéroplan ne pourrait non plus recouvrer la TPS payée sur cet achat. Il s'ensuit qu'un certain montant de TPS serait versé sur la valeur des milles Aéroplan, même s'ils sont échangés pour des produits détaxés, censés ne pas être assujettis à cette taxe. Ce traitement n'est pas conforme à l'esprit et à l'objet de la Loi.

rr)  En résumé, la Banque de Commerce a payé des milles Aéroplan, assimilables à des certificats‑cadeaux selon l'article 181.2 de la Loi et pourvus de tous les attributs des certificats‑cadeaux au sens de la Loi, à savoir : 1) ils ont été délivrés à titre onéreux; ii) lors de l'échange, le client pouvait échanger les milles Aéroplan pour des biens ou des services offerts en prime sans devoir satisfaire à une condition qui l'oblige à faire une dépense considérable. Les milles Aéroplan servaient de substitut d'argent lorsqu'ils étaient donnés en contrepartie de biens ou de services, et assimiler les milles Aéroplan à de l'argent en tout temps est conforme à l'esprit et à l'objet de la Loi, puisque la TPS ne s'appliquerait ainsi qu'à la fourniture au consommateur final des biens ou des services contre lesquels ces milles étaient échangés, selon la TPS qui s'applique à cette fourniture finale. Comme la Banque de Commerce a versé une contrepartie pour les milles Aéroplan, qui étaient des certificats‑cadeaux pour l'application de l'article 181.2 de la Loi, la fourniture de ces milles était réputée, aux termes du même article, ne pas être une fourniture, de sorte que la Banque de Commerce a payé la TPS par erreur au titre des fournitures d'Aéroplan (ou des milles Aéroplan) et a par conséquent droit au remboursement qu'elle a demandé en vertu de l'article 261 de la Loi.

[61]  Ayant examiné les décisions Canasia et Banque Royale du Canada, la position du ministre exposée dans le P‑202 — Certificats‑cadeaux ainsi que les thèses des parties, je reprendrai maintenant l'analyse textuelle, contextuelle et téléologique de l'article 181.2 que l'arrêt Hypothèques Trustco me prescrit d'effectuer. S'il est vrai que je souscris à certains aspects de chacune des décisions et positions susmentionnées, je ne souscris pas à toutes.

[62]  Ainsi qu'on l'a vu plus haut, l'article 181.2 porte sur deux opérations : d'une part, la délivrance ou la vente du certificat‑cadeau, et d'autre part, son échange ultérieur. Il appert du texte de cet article qu'une pièce donnée doit remplir les deux critères suivants pour entrer dans le champ d'application de la première opération qui y est visée :

a)  cette pièce doit être délivrée ou vendue à titre onéreux [49] ,

b)  elle doit être un « certificat‑cadeau ».

[63]   Il est important de noter que ces critères sont distincts (sous réserve de l'analyse ci‑dessous touchant la définition du terme « certificat‑cadeau »), et que la condition du « titre onéreux » n'est pas un attribut du certificat‑cadeau. Par conséquent, une pièce répondant par ailleurs à la définition du « certificat‑cadeau » pourrait donc en être un même si elle est délivrée à titre gratuit.

[64]  S'il est vrai que la seconde opération visée à l'article 181.2, soit l'échange du certificat‑cadeau, n'est pas directement en question dans le présent appel, j'observerai que, d'après le libellé de cet article, une pièce donnée doit remplir les deux critères suivants pour entrer dans le champ d'application de cette seconde opération :

a)  la pièce doit être donnée en contrepartie de la fourniture d'un bien ou d'un service,

b)  elle doit remplir les critères applicables à la première opération, c'est‑à‑dire être un certificat‑cadeau délivré ou vendu à titre onéreux [50] .

[65]  Les deux critères énoncés plus haut à propos de la première opération visée à l'article 181.2 engendrent tous deux de l'incertitude, puisqu'il faut encore répondre aux questions de savoir i) quel est le montant requis de la contrepartie, ii) qu'est‑ce qu'un « certificat‑cadeau ». Je traiterai successivement ces deux questions.

[66]  L'article 181.2 se borne à disposer que le certificat‑cadeau doit être délivré ou vendu « à titre onéreux ». Il ne précise pas, par exemple, qu'il doit être délivré ou vendu pour une contrepartie égale à la juste valeur marchande, ou pour un montant égal à sa valeur nominale ou attribuée. En l'absence de disposition contraire, je souscris en général aux conclusions des décisions Canasia et Banque Royale du Canada selon lesquelles un certificat‑cadeau peut être délivré au rabais (par rapport à sa valeur nominale ou attribuée) et remplir néanmoins le critère du « titre onéreux » à l'article 181.2. Cependant, on ne sait pas avec certitude si le montant du rabais pourrait faire en sorte que le certificat‑cadeau ne remplisse plus ce critère. À supposer par exemple que le rabais lors de la délivrance ou la vente d'un certificat‑cadeau donné se révèle si important que la contrepartie payée soit purement symbolique, on pourrait se demander si le rabais considérable peut empêcher le certificat‑cadeau de remplir le critère du « titre onéreux » énoncé à l'article 181.2 [51] .

[67]  Je note aussi que la délivrance d'un certificat‑cadeau au rabais peut influer sur le montant de TPS payé par la personne qui l'échange, par comparaison avec le mode d'application de la TPS si on prévoit ou traite le rabais d'une autre façon, de sorte qu'un article différent de la Loi s'applique [52] . Par exemple, si le détaillant vend un produit taxable à 100 $ dans une province à taxe de vente harmonisée où le taux de la TPS est de 15 %, le consommateur paierait 15 $ de TPS à l'achat de ce produit. Si, au lieu de cela, le consommateur pouvait acheter un certificat‑cadeau prépayé d'une valeur nominale de 100 $ à un rabais de 99 $ (de sorte que la contrepartie de la délivrance de ce certificat‑cadeau serait de 1 $) et achetait ensuite au détaillant le produit taxable de 100 $ au moyen du certificat, il devrait néanmoins payer 15 $ en TPS sur l'achat du produit selon l'article 181.2. Si l'une des autres dispositions de la Loi s'appliquait à l'opération de manière que le consommateur paie la TPS sur le prix après rabais (1 $), il n'aurait à verser que 0,15 $ au titre de cette taxe. Cependant, en l'absence d'une définition claire du terme « certificat‑cadeau » dans la Loi ou d'une disposition sur la valeur de la contrepartie qu'exige l'article 181.2, le « paiement en trop » de la TPS par le consommateur (de son point de vue) lorsqu'il achète et échange un certificat‑cadeau délivré au rabais est un problème qu'il faut, selon moi, laisser au législateur.

[68]  Dans la présente espèce, il est évident que la Banque de Commerce a payé les fournitures d'Aéroplan (et, par extension, les milles Aéroplan); par conséquent, les milles Aéroplan me paraissent avoir été délivrés à titre onéreux. Je ne crois pas que l'intimée affirme le contraire ou soutienne qu'ils ont été délivrés au rabais. J'observe cependant que, selon la convention de 2003, le prix des fournitures d'Aéroplan, calculé en fonction de la délivrance de milles Aéroplan, a varié d'un moment à l'autre et selon le produit ou la promotion de la Banque de Commerce à l'égard duquel ils ont été délivrés. Je conclus de ce qui précède que la valeur de la contrepartie payée par la Banque de Commerce pour les fournitures d'Aéroplan (et les milles Aéroplan), si l'article 181.2 de la Loi s'applique, n'est pas en litige dans le présent appel.

[69]  J'examinerai maintenant la signification du terme « certificat‑cadeau » pour l'application de l'article 181.2 de la Loi, question qu'il faut trancher dans le présent appel puisqu'elle concerne l'application possible de l'article 181.2 à la fourniture de milles Aéroplan (en tant qu'élément des fournitures d'Aéroplan) à la Banque de Commerce. Comme je le disais plus haut, le texte légal ne me paraît pas clair. Les certificats‑cadeaux sont exclus de la définition que donne l'article 181 du terme « bon » et sont inclus dans le champ d'application de l'article 181.2 s'ils sont délivrés ou vendus à titre onéreux, et ils sont alors réputés être de l'argent au moment de l'échange. Cependant, la Loi ne nous renseigne aucunement sur ce qu'est exactement un « certificat‑cadeau ».

[70]  Le regretté juge en chef Garon a formulé dans la décision Canasia les observations suivantes touchant les types de pièces et d'opérations qu'on pourrait prendre en considération s'agissant de déterminer la signification du terme « certificat‑cadeau » [53]  :

30  Les avocats des deux parties semblent convenir qu'il s'agit de certificats‑cadeaux dans deux types de scénarios. Dans l'un de ces scénarios, une société fournit à une personne intéressée un bon portant une valeur monétaire nominale, disons 100 $, pour une contrepartie de 100 $. En général, l'acheteur du bon fait ensuite cadeau à un tiers en lui remettant gratuitement le bon. Dans ce scénario, l'article 181.2 de la Loi sur la taxe d'accise a pour effet de différer la TPS jusqu'à la seconde opération dans laquelle le certificat est remis à l'émetteur en échange de biens ou de services. Il est admis que, dans un tel cas, la première opération d'achat d'un certificat pour une contrepartie équivalente à sa valeur nominale n'est pas assujettie à la taxe. Dans le deuxième scénario, l'émetteur du certificat‑cadeau remet tout simplement le bon à un client ou à un client potentiel à titre gratuit. Le certificat n'a aucune valeur nominale. Cette opération n'est pas visée par l'article 181.2 de la Loi sur la taxe d'accise car le certificat n'a pas été émis à titre onéreux.

[71]  Le premier exemple donné par le juge en chef Garon dans la décision Canasia est essentiellement un certificat‑cadeau prépayé de type classique, délivré pour une contrepartie égale à sa valeur nominale ou attribuée. Il me paraît évident qu'une telle pièce constitue un « certificat‑cadeau » pour l'application de l'article 181.2 de la Loi.

[72]  J'abonde également dans le sens du juge en chef Garon lorsqu'il note, dans la décision Canasia, que « l'expression “certificat‑cadeau” est une expression familière qui englobe plusieurs types de documents attestant toutes sortes de droits » [54] . Je pense aussi que l'élément « cadeau » de l'expression « certificat‑cadeau » renvoie de façon familière à la pratique répandue consistant à acheter une telle pièce à un détaillant (pour une contrepartie égale à sa valeur nominale ou attribuée) pour en « faire cadeau » à quelqu'un lors d'une occasion spéciale, par exemple un anniversaire. La personne qui a ainsi reçu le « certificat‑cadeau » l'échange ensuite chez le détaillant contre des biens ou des services, en paiement intégral ou partiel. Je ne puis donc souscrire aux décisions Canasia et Banque Royale du Canada en tant qu'elles appuient le principe qu'il faudrait prendre en compte l'élément « cadeau », dans l'interprétation de l'expression « certificat‑cadeau », sauf pour y voir simplement une désignation générale de la pièce en question, de la même façon qu'on emploie le mot « kleenex » pour « mouchoir en papier ». Il me paraît donc que l'élément « cadeau » de l'expression « certificat‑cadeau » se rapporte seulement à la pratique répandue qui consiste à « faire cadeau » de la pièce elle‑même, et non à l'un quelconque des attributs de celle‑ci.

[73]  En résumé, du point de vue textuel, j'estime que la signification du terme « certificat‑cadeau » est incertaine, mais comme il a un sens familier, l'interprétation textuelle donne à penser que ce terme s'applique à des pièces telles que le certificat‑cadeau prépayé de type classique, délivré pour une contrepartie égale à la valeur nominale, de la nature décrite dans le premier exemple qu'on trouve au paragraphe 30 de la décision Canasia. Cependant, toujours du point de vue textuel, on ne sait pas avec certitude quels autres types de pièces (s'il y en a) le terme « certificat‑cadeau » pourrait aussi désigner.

[74]  Je passe maintenant à l'analyse contextuelle et téléologique du terme « certificat‑cadeau » pour l'application de l'article 181.2. Selon l'économie générale de la Loi, la fourniture d'une pièce donnée (par exemple un bon ou un certificat‑cadeau) à titre onéreux dans le cours d'une activité commerciale est une fourniture taxable, donc assujettie à la TPS, sous réserve de l'application d'une disposition d'allègement telle que l'article 181.2. Comme on l'a vu plus haut, la fourniture par Aéroplan de milles Aéroplan à titre onéreux (au Canada) est donc une fourniture taxable et assujettie à la TPS prescrite, sauf application de l'article 181.2.

[75]  Le législateur a formulé aux articles 181, 181.1, 181.2, 181.3, 232 et 232.1 des dispositions particulières pour prendre en compte les opérations et moyens promotionnels ou autres utilisés au Canada, notamment les bons, les unités de troc, les remises du fabricant, les certificats‑cadeaux et les ristournes promotionnelles. Comme je le faisais observer plus haut, il se révèle souvent difficile d'appliquer ces règles dans la pratique en raison des ressemblances qui rapprochent certaines de ces catégories de moyens et d'opérations. Aussi bien la présente affaire que la décision Nestlé illustrent la difficulté que peut présenter l'application de ces règles à un cas particulier. Comme le montrent aussi l'affaire Nestlé et la présente espèce, les effets, quant à la TPS, sur les entreprises d'une chaîne d'approvisionnement donnée et sur le consommateur final peuvent varier selon que telle ou telle disposition particulière s'applique. Le montant de TPS perçu par le ministre variera aussi en conséquence.

[76]  Je note également que, selon l'économie générale de la Loi, la plupart des entreprises exploitées au Canada qui effectuent des fournitures taxables et sont inscrites à la TPS paient cette taxe, le cas échéant, au titre de leurs intrants, pour ensuite en recouvrer le montant au moyen de crédits de taxe sur les intrants. La TPS se trouve ainsi théoriquement retirée de la chaîne d'approvisionnement et passée au consommateur final, qui paie la TPS applicable au moment de la vente. Cependant, les entreprises qui effectuent des fournitures exonérées [55] , comme la Banque de Commerce, ne recouvrent habituellement pas toute la TPS qu'elles paient sur leurs intrants. La TPS se trouve ainsi théoriquement intégrée à la chaîne d'approvisionnement et peut être passée au consommateur au moyen de prix plus élevés. Ainsi, selon le principe normal de la Loi, la Banque de Commerce (comme les autres entreprises qui effectuent des fournitures exonérées) risque de ne pas recouvrer intégralement la TPS qu'elle paie sur ses intrants, sauf application d'une disposition d'allègement de la Loi. Comme les entreprises qui n'effectuent que des fournitures taxables recouvreraient en général intégralement la TPS qu'elles paient à Aéroplan à titre de partenaires d'accumulation du programme de milles Aéroplan, le risque couru par la Banque de Commerce de ne pouvoir recouvrer la TPS payée sur les fournitures d'Aéroplan est de manière générale inhérent à l'économie de la Loi en tant qu'elle s'applique aux entreprises effectuant des fournitures exonérées.

[77]  La Banque de Commerce fait valoir que cela peut entraîner de la double taxation si le client devait payer la TPS sur une prime taxable au moment de l'échange de milles Aéroplan. Je constate toutefois qu'on n'a produit à l'instruction que peu d'éléments de preuve concernant l'application de la TPS au moment de l'échange des milles Aéroplan par le consommateur [56] . On ne sait donc pas, par exemple, si Aéroplan a traité les milles Aéroplan comme un bon au moment de l'échange. L'intimée a affirmé, aussi bien dans la décision Banque Royale du Canada que dans la présente instance, que les milles Aéroplan devraient être considérés comme des bons. Ainsi que la Cour l'a fait observer aux paragraphes 59 et 60 de la décision Banque Royale du Canada, si le paragraphe 181(4) de la Loi s'applique à l'échange des milles Aéroplan, la TPS pourrait ne s'appliquer qu'à l'excédent du prix de la prime (y compris les frais, droits et autres taxes applicables, par exemple sur le tarif aérien) sur la quantité de milles Aéroplan utilisés pour réduire ce prix, c'est‑à‑dire que la TPS ne serait exigible que sur le prix d'achat net [57] . Il se pourrait donc que le membre d'Aéroplan n'ait à payer que peu de TPS, ou aucune, lors de l'échange de milles Aéroplan, de sorte qu'il n'y aurait que peu de TPS ou de double imposition, voire aucune. Par contre, si les milles Aéroplan étaient traités comme des certificats‑cadeaux, ainsi que le propose l'appelante, les membres d'Aéroplan devraient payer la TPS applicable sur le prix intégral (ou la valeur intégrale) de toutes les primes (qui sont des fournitures taxables) acquises d'Aéroplan au moment de l'échange de milles Aéroplan, y compris sur la valeur des milles échangés [58] . La thèse de la Banque de Commerce selon laquelle il conviendrait d'appliquer l'article 181.2 aux milles Aéroplan aurait donc pour effet possible de faire passer le fardeau de la TPS de la Banque de Commerce aux membres d'Aéroplan (ou à Aéroplan si elle ne percevait pas d'eux la TPS sur l'échange de milles Aéroplan).

[78]  L'article 181.2 dispose que les certificats‑cadeaux délivrés à titre onéreux sont réputés être « de l'argent » lorsqu'ils sont échangés. Comme je l'ai déjà noté, l'intimée soutient que les définitions des termes « argent », « bien », « fourniture » et « service », reproduites plus haut, que donne le paragraphe 123(1) de la Loi étayent son approche contextuelle de la signification de « certificat‑cadeau », et en particulier qu'une pièce doit posséder une valeur attribuée pour être un certificat‑cadeau. À ce propos, j'observe que l'« argent » est exclu des définitions de « bien » et de « service », de sorte que la fourniture d'argent n'est pas une fourniture pour les besoins de la TPS. L'intimée affirme donc ainsi que l'article 181.2 prévoit le même traitement pour le « certificat‑cadeau » délivré à titre onéreux en disposant que la délivrance ou la vente du certificat‑cadeau est réputée ne pas être une fourniture. La détermination de la TPS se trouve de cette manière reportée au moment de l'échange du certificat‑cadeau, où l'application de la TPS peut être établie en fonction de la qualification fiscale du produit acheté. L'intimée soutient donc que le certificat‑cadeau devrait avoir les mêmes attributs, ou presque, que l'argent. Dans le P‑202 — Certificats‑cadeaux, le ministre explique que le certificat‑cadeau doit posséder une valeur monétaire d'échange clairement précisée sur le certificat ou facile à déterminer par les parties à l'opération, ou qu'il peut être échangeable contre un bien ou un service précis indiqué sur le certificat. L'appelante réplique que ce n'est pas là une condition requise, invoquant les décisions Canasia et Banque Royale du Canada, qui vont toutes deux à l'encontre de la thèse de l'intimée.

[79]  Pour les besoins de la TPS, l'objet et l'effet de l'article 181.2 me paraissent semblables à ceux du paragraphe 168(9), les deux dispositions reportant en fait le traitement d'un paiement à un moment ultérieur, lorsqu'il y a imputation ou échange, selon le cas. Le paragraphe 168(9) de la Loi porte sur les arrhes, et il dispose que les arrhes ne sont considérées comme la contrepartie payée au titre d'une fourniture que lorsque le fournisseur les considère ainsi.

[80]  En résumé, vu le texte, le contexte et l'objet de l'article 181.2 en tenant compte de l'économie de la Loi dans son ensemble, j'estime que le législateur avait pour intention que le certificat‑cadeau soit considéré comme équivalant à de l'argent et ait des attributs semblables à ceux de l'argent. Par conséquent, le certificat‑cadeau doit à mon sens avoir une valeur monétaire indiquée sur le certificat lui‑même ou consignée de façon électronique. À mon avis, le législateur avait pour intention que le terme « certificat‑cadeau » désigne un certificat‑cadeau prépayé de type classique, délivré ou vendu à titre onéreux, conformément au premier exemple cité par le juge en chef Garon au paragraphe 30 de la décision Canasia. J'estime que le certificat‑cadeau est essentiellement un mécanisme de consignation de l'argent et qu'il doit avoir des attributs semblables à ceux de l'argent. C'est là, il me semble, le critère essentiel qu'une pièce doit remplir pour constituer un « certificat‑cadeau » au sens de l'article 181.2 de la Loi. Ce critère essentiel est aussi à mon sens la lentille à travers laquelle il convient d'examiner tous les autres attributs (par exemple les conditions éventuelles) pour établir si une pièce donnée constitue un certificat‑cadeau pour l'application de l'article 181.2 de la Loi. Par conséquent, une pièce échangeable contre un produit ou un service précis n'est pas un certificat‑cadeau. Je ne puis donc pas souscrire aux affirmations faites dans les décisions Canasia et Banque Royale du Canada et dans le P‑202 — Certificats‑cadeaux.

[81]   Je pense comme l'intimée qu'une pièce pourvue d'une valeur intrinsèque ne serait pas en général considérée comme un « certificat‑cadeau ». Cependant, la fourniture d'une pièce de cette nature pourrait être, pour les besoins de la TPS, une fourniture multiple ou une fourniture mixte unique. Il peut donc être nécessaire de qualifier d'abord la fourniture de cette pièce pour la TPS et d'établir si la fourniture est une fourniture mixte unique ou une fourniture multiple (et, dans ce dernier cas, si une partie est accessoire à l'autre, de telle sorte que l'article 138 s'applique). Il faudrait ensuite établir comment la TPS s'applique à la fourniture de la pièce. Du point de vue de la TPS, l'effet de l'attribut de la pièce qui possède une valeur intrinsèque peut ainsi être déterminé lors de la qualification générale de la fourniture de la pièce (plutôt que comme élément de la définition du terme « certificat‑cadeau »).

[82]  Les parties ont discuté longuement des conditions qui peuvent s'appliquer à une pièce assimilable à un certificat‑cadeau au sens de l'article 181.2 de la Loi. Je note à ce propos que la définition du terme « argent » donnée au paragraphe 123(1) comprend des titres, tels que les chèques, susceptibles d'échoir ou de ne plus avoir cours. J'observe aussi que, si certains certificats‑cadeaux prépayés avaient auparavant des dates d'échéance, certaines provinces ont adopté des dispositions restreignant l'échéance pour certains certificats‑cadeaux prépayés [59] . J'estime donc qu'un certificat‑cadeau peut être soumis à des conditions, mais que celles‑ci doivent être examinées à la lumière de ma conclusion selon laquelle la qualité essentielle d'un certificat‑cadeau est qu'il doit posséder des attributs semblables à ceux de l'argent. Par exemple, une date d'échéance raisonnable, si la loi l'autorise, me paraît acceptable. En outre, le détenteur doit avoir le droit de faire imputer le solde de la valeur monétaire sur le prix d'achat de biens ou de services qu'il acquiert de la personne qui a vendu la pièce (ou de toute autre personne qui l'accepte en paiement). Les autres conditions, à mon sens, doivent être examinées au cas par cas.

[83]  Dans la présente espèce, les milles Aéroplan ne me paraissent pas pourvus d'attributs semblables à ceux de l'argent. En particulier, et de manière fatale, ils n'ont pas de valeur monétaire attribuée. Les milles Aéroplan ont sans aucun doute une valeur pour le membre d'Aéroplan et cette valeur peut être déterminée par une évaluation, mais ils n'en ont pas pour autant une valeur monétaire indiquée sur papier ou consignée de façon électronique. En résumé, je conclus que les milles Aéroplan n'appartiennent pas à ce que le législateur entendait désigner par le terme « certificat‑cadeau » pour l'application de l'article 181.2 de la Loi. Je pense aussi que cette conclusion est conforme à une analyse textuelle, contextuelle et téléologique de l'article 181.2 qui s'harmonise avec la Loi dans son ensemble.

[84]  Au vu de tout ce qui précède, je conclus que ni les milles Aéroplan ni les fournitures d'Aéroplan ne sont en l'espèce des certificats‑cadeaux pour l'application de l'article 181.2 de la Loi. Comme cela excède la portée de ma décision, je ne chercherai pas à établir si les milles Aéroplan ou les fournitures d'Aéroplan devraient être qualifiés de bons pour l'application de l'article 181 de la Loi [60] .

A.  La question secondaire — Le remboursement de la TPS payée après la période visée par l'appel

[85]  Bien qu'elle me paraisse dénuée de portée pratique en raison de ma décision sur la question principale, j'examinerai néanmoins ici la question secondaire soulevée par l'intimée dans le présent appel. Comme je le disais plus haut, cette question secondaire est celle de savoir si la Banque de Commerce peut se voir rembourser, dans le présent appel, la TPS de 2 254 282,60 $ qu'elle a payée le 28 février 2007 (la somme de février 2007). La question se pose parce que, selon le formulaire de demande de remboursement, la « période visée » s'étend du 25 mars 2005 au 26 février 2007, et que la somme de février 2007 a été payée deux jours après la fin de cette période. Pour les motifs dont l'exposé suit, j'estime que la Banque de Commerce aurait droit au remboursement de cette somme si elle avait eu gain de cause sur la question principale.

[86]  La Banque de Commerce soutient que la demande de remboursement (selon le formulaire de demande) inclut valablement la somme de février 2007 parce que celle‑ci figure dans le récapitulatif des factures annexé à cette demande. Elle fait valoir que l'inscription du 26 février 2007 au lieu du 28 février 2007 comme date de fin de la période visée est une erreur d'écriture dénuée de pertinence. La demande de remboursement devait comprendre tous les mois de paiement dont il est fait état dans le récapitulatif des factures, et le ministre dispose de tous les renseignements nécessaires pour accorder le remboursement demandé. La Banque de Commerce fait aussi valoir qu'aux termes du paragraphe 261(1) de la Loi, les demandes de remboursement ont pour objet un « montant » et non une période. Il n'est pas nécessaire de préciser une période, pourvu que la demande de remboursement soit produite dans les deux ans suivant le paiement du montant de TPS, conformément au paragraphe 261(3). La Banque de Commerce affirme donc remplir les conditions fixées par la Loi. Elle cite la jurisprudence suivante au soutien de la thèse que les erreurs d'écriture n'invalident pas une demande de remboursement : Modes Crystal Inc. c. La Reine, 2013 CCI 33, au paragraphe 24, et Senger‑Hammond c. La Reine, [1996] A.C.I. no 1609 (QL) (C.C.I.).

[87]  La Banque de Commerce fait valoir de plus que le ministre avait pris en considération et admis la somme de février 2007 lorsqu'il a établi la cotisation afférente à la demande de remboursement. Il était pleinement informé des dates en question au moment d'établir cette cotisation puisqu'elles étaient inscrites sur les factures. Le ministre, poursuit la Banque de Commerce, ne peut changer sa position après avoir délivré un avis de cotisation sans délivrer un avis de nouvelle cotisation. L'appelante invoque les paragraphes 30 et 31 de l'arrêt Devon Canada Corporation c. La Reine, 2015 CAF 214, au soutien de cette thèse. La Banque de Commerce avance en outre que le moyen invoqué par le ministre sur cette question est irrégulier au motif qu'il mène à une cotisation fondamentalement différente. Il invoque à cet égard le paragraphe 20 de la décision Walsh c. La Reine, 2008 CCI 282, où notre Cour a rejeté le nouvel argument avancé par l'intimée en appel au motif qu'il n'étayait pas la nouvelle cotisation en litige.

[88]  L'intimée soutient que la demande de remboursement se limite aux sommes payées du 25 mars 2005 au 26 février 2007. La Banque de Commerce, fait‑elle valoir, n'a produit aucun renseignement requis pour obtenir l'examen d'une période incluant le 28 février 2007. Il se peut que la somme de février 2007 ait été payable pendant la période en cause, mais elle n'a été payée qu'après cette période. On ne peut demander le remboursement que de sommes déjà payées. Par conséquent, le ministre n'aurait pu inclure la somme de février 2007 dans le remboursement.

[89]  L'intimée fait valoir que l'avis d'appel de la Banque de Commerce n'est pas formulé de manière à viser la somme de février 2007; l'avis d'appel modifié une seconde fois indique que la période en cause est celle du 25 mars 2005 au 26 février 2007. La Cour, soutient l'intimée, n'a pas compétence pour examiner la somme de février 2007 puisqu'elle a été payée après la période en cause. L'intimée invoque la jurisprudence suivante au soutien de cet argument : Burkman c. La Reine, [1997] A.C.I. no 1169 (QL), [1997] G.S.T.C. 98 (C.C.I.), Adamson c. La Reine, [2002] A.C.I. no 127 (QL), [2002] 2 C.T.C. 2469 (C.C.I.), et Reale c. La Reine, 2004 CCI 41. Chacune de ces instances était un appel afférent à une ou plusieurs années d'imposition déterminées, où l'appelant demandait un redressement à l'égard de questions fiscales survenues après ces années d'imposition.

[90]  Le paragraphe 261(1) de la Loi est libellé comme suit :

Dans le cas où une personne paie un montant au titre de la taxe, de la taxe nette, des pénalités, des intérêts ou d'une autre obligation selon la présente partie alors qu'elle n'avait pas à le payer ou à le verser, ou paie un tel montant qui est pris en compte à ce titre, le ministre lui rembourse le montant, indépendamment du fait qu'il ait été payé par erreur ou autrement.

[91]  L'article 261 ne précise pas que le remboursement vise une période donnée. Le droit au remboursement est plutôt déterminé pour un montant qui a été payé, et est soumis à certains délais. L'application de l'article 261 est subordonnée aux trois délais suivants :

a)  Selon le paragraphe 261(1), le contribuable doit avoir déjà payé le montant en question au moment où il produit sa demande de remboursement.

b)  Selon le paragraphe 261(3), le contribuable doit produire sa demande de remboursement dans les deux ans suivant la date où il a payé ou versé le montant en question.

c)  Le paragraphe 261(4) interdit au contribuable de présenter plus d'une demande de remboursement par mois.

[92]  Les articles 261 et 263 de la Loi prévoient d'autres restrictions, qui empêchent par exemple de demander le remboursement d'un montant dont on a déjà demandé le remboursement ou qu'on a auparavant déclaré comme crédit de taxe sur les intrants.

[93]  D'après le libellé de l'article 261, une personne peut produire de multiples demandes de remboursement de taxes payées par erreur pour des périodes qui se chevauchent, de multiples demandes distinctes pour la même période, ou encore une seule demande globale portant sur une période qui peut aller jusqu'à deux années de paiements de TPS (pourvu que soient remplies dans chaque cas les diverses conditions).

[94]  En l'espèce, la Banque de Commerce semble avoir respecté les délais fixés par la Loi. Je constate à cet égard les faits suivants :

a)  La Banque de Commerce a payé la somme de février 2007 le 28 février 2007.

b)  La Banque de Commerce a produit le formulaire de demande de remboursement le 26 mars 2007.

c)  Le formulaire de demande de remboursement était la seule demande de remboursement pour le mois de mars 2007.

[95]  La Banque de Commerce avait le choix entre plusieurs méthodes possibles pour demander le remboursement. Par exemple, elle aurait pu présenter une demande de remboursement par mois en commençant par une demande du 26 mars 2007 qui aurait visé la période du 25 mars 2005 au 25 mars 2007, et ainsi de suite. Il n'y a pas de restrictions à cet égard, sinon les délais énumérés plus haut.

[96]  Le paragraphe 262(1) dispose qu'une demande de remboursement « est présentée au ministre en la forme et selon les modalités qu'il détermine et contient les renseignements requis ». La version anglaise de la Loi utilise le terme « prescribed » (prescrit) pour décrire la forme, les modalités et les renseignements. Il n'y a pas de litige entre les parties quant à la forme et les modalités de la demande de remboursement.

[97]  La version anglaise de la Loi définit ainsi le terme « prescribed » au paragraphe 123(1) :

[TRADUCTION]

« prescrit »

a) Dans le cas d'un formulaire ou de la façon de le produire, de la façon que permet le ministre;

b) dans le cas de renseignements à inscrire sur un formulaire, de la façon déterminée par le ministre;

c) dans le cas des modalités ou du dépôt d'un choix, de la façon que permet le ministre;

d) dans les autres cas, de la façon visée par règlement ou déterminée conformément à un règlement.

[98]  Dans la présente espèce, la « période visée » fait partie des renseignements à indiquer sur le formulaire GST189E(06). Au haut de ce formulaire, on renvoie le contribuable au guide RC4033(E) (Rév. 06), Demande générale de remboursement de la TPS/TVH, qui indique ce qui suit à la page 7 :

La période visée par la demande est habituellement celle visée par les dates indiquées sur les factures que vous inscrivez au verso de la demande et sur tout supplément annexé. Toutefois, cette période doit être comprise dans les délais prévus pour chaque code de motif décrit dans la section suivante.

[99]  Le guide classe les montants payés par erreur sous le « code de motif 1 » et donne à la page 7 des instructions sur la manière d'établir les demandes de remboursement y afférentes. Sous le titre « Délais de production », le guide expose les conditions que fixent les paragraphes 261(3) et 261(4) de la Loi.

[100]  Comme on l'a vu plus haut, le guide définit la période visée en fonction des dates inscrites sur les factures dont il est fait état au verso de la demande et dans les annexes. La Banque de Commerce a inscrit la somme de février 2007 dans l'annexe jointe à sa demande et dans la section des factures au verso du formulaire. La date de la dernière facture comprise dans la somme de février 2007 est le 26 février 2007. Par conséquent, la Banque de Commerce me paraît avoir déterminé la période visée en conformité avec le guide du ministre, de sorte qu'elle n'a pas commis d'erreur d'écriture en désignant cette période dans le formulaire de demande de remboursement.

[101]  Le guide ne semble comporter aucune indication selon laquelle le remboursement d'un montant de taxe payé par erreur ne devrait comprendre que les sommes payées pendant la « période visée » inscrite sur le formulaire de demande de remboursement, ou devrait exclure les sommes payées après cette période. Pour ce qui concerne cette question, le guide n'entre pas en contradiction avec la Loi. Alors que dans d'autres cas de demandes de remboursement, la « période visée » peut influer sur le fond de la demande, elle ne fait guère plus en l'espèce que de servir d'indication au ministre sur la question de savoir si la demande est produite dans le délai de deux ans prescrit au paragraphe 261(3).

[102]  À mon sens, la Banque de Commerce aurait pu inscrire comme date de fin de la période visée n'importe quelle date après le 26 février 2007 jusqu'à la date de production de la demande de remboursement. Même si elle avait commis une erreur d'écriture concernant la période visée, cette erreur n'aurait à mon sens aucun effet sur son droit d'obtenir un remboursement, étant donné que la période visée inscrite dans la demande de remboursement est dénuée de pertinence quant aux conditions légales pour demander le remboursement de taxes payées par erreur. S'il est vrai que ces dates sont sans doute d'une certaine utilité au ministre dans son examen de la demande de remboursement, elles ne correspondent pas nécessairement aux délais que fixe l'article 261 de la Loi.

[103]  Le paragraphe 297(1) de la Loi dispose que le ministre, sur réception de la demande de remboursement, l'examine et établit une cotisation visant le montant du remboursement. Selon le paragraphe 297(2), le ministre peut établir une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire au titre du remboursement. J'observe que ni l'un ni l'autre de ces deux paragraphes ne fait mention d'une quelconque période touchant la demande de remboursement, mais qu'il n'y est question que de cette demande et de la cotisation ou de la nouvelle cotisation y afférente.

[104]  Le paragraphe 301(1.1) de la Loi dispose que la personne qui fait opposition à la cotisation établie à son égard doit présenter son avis d'opposition dans les 90 jours suivant le jour où l'avis de cotisation lui est envoyé. Elle doit « présenter au ministre un avis d'opposition, en la forme et selon les modalités déterminées par celui‑ci, exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents ». Les parties n'ont soulevé aucune question concernant l'opposition. Ce paragraphe ne fait pas mention de « renseignements requis » par le ministre et ne renvoie pas à une « période visée ».

[105]  L'article 306 de la Loi porte que la personne qui a produit un avis d'opposition à une cotisation peut interjeter appel pour faire annuler la cotisation ou en faire établir une nouvelle. Il n'est pas question dans cet article de la période visée selon la demande de remboursement.

[106]  L'article 307 de la Loi dispose que les appels à notre Cour sont interjetés selon les modalités indiquées dans la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt (L.R.C. 1985, ch. T‑2) ou ses règlements d'application, sauf s'il s'agit d'un appel visé à l'article 18.3001 de cette Loi. Les articles 21 et 48 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) (DORS/90‑688a) disposent que l'avis d'appel est établi selon la formule 21(1)a) en l'espèce. L'alinéa b) de cette formule est ainsi rédigé :

Indiquer la ou les cotisations visées par l'appel : inclure la date de chaque cotisation et, si l'appel est interjeté en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, inclure l'année ou les années d'imposition ou, si l'appel est interjeté en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, de la Loi sur les douanes, de la Loi sur le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, de la Loi de 2001 sur l'accise ou de la Loi de 2006 sur les droits d'exportation de produits de bois d'œuvre, inclure la période s'y rapportant. [Non souligné dans l'original.]

[107]  L'exigence générale selon ces règles est que l'appelant précise la cotisation visée par l'appel. Les règles prescrivent ensuite la façon de préciser la cotisation, c'est‑à‑dire l'année d'imposition ou la période s'y rapportant. Dans bien des cas, on précise la cotisation en donnant l'année d'imposition ou la période, mais dans le cas d'une demande de remboursement, lorsque la cotisation indique le montant qui a été payé, la période visée par la demande de remboursement ne correspond pas nécessairement à celle de la cotisation. Par exemple, le contribuable pourrait déposer des avis d'appel qui se chevauchent, où la période visée serait la même, mais les remboursements demandés seraient différents. Dans un tel cas, la période ne précise pas la cotisation en cause. S'il est vrai que la période visée doit figurer dans la demande de remboursement au motif qu'elle fait partie des renseignements requis, elle ne constitue pas nécessairement un renseignement important. En l'espèce, la Banque de Commerce a indiqué la cotisation en litige et a fourni des renseignements au sujet de la période en cause qui l'indiquent avec précision, comme l'exige le guide RC4033. L'avis d'appel modifié une seconde fois de la Banque de Commerce ne me paraît donc comporter aucune erreur qui mettrait en doute la compétence de notre Cour pour examiner la question.

[108]  Au vu de tout ce qui précède, je conclus que la Banque de Commerce a valablement inclus la TPS de 2 254 282,60 $ payée le 28 février 2007 dans la demande de remboursement et qu'il lui était permis, à condition d'en avoir le droit par ailleurs, de demander le remboursement de cette somme.

[109]  Vu mes conclusions, les autres moyens avancés par la Banque de Commerce concernant la question de savoir si le ministre pouvait soulever cette question sont sans portée pratique.

V. CONCLUSION

[110]  En résumé, je conclus que les milles Aéroplan et les fournitures d'Aéroplan ne constituaient pas des certificats‑cadeaux pour l'application de l'article 181.2 de la Loi. En conséquence, Aéroplan a valablement facturé à la Banque de Commerce la TPS applicable aux fournitures d'Aéroplan et aux paiements à Aéroplan, de sorte que la Banque de Commerce n'avait pas droit au remboursement en litige dans le présent appel.

[111]  Pour ces motifs, l'appel de la Banque de Commerce est rejeté.

VI. LES DÉPENS

[112]  Les dépens sont adjugés à l'intimée. Les parties ont 30 jours à compter de la date des présents motifs pour s'entendre sur les dépens, à défaut de quoi l'intimée disposera d'un autre délai de 30 jours pour déposer des observations écrites sur cette question, et la Banque de Commerce disposera d'un autre délai de 30 jours pour déposer une réponse écrite. Ces observations auront au plus dix pages. Si les parties n'avisent pas la Cour qu'elles sont parvenues à une entente et ne déposent pas d'observations sur les dépens, ceux‑ci seront adjugés à l'intimée conformément au tarif.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour d'avril 2019.

« Henry A. Visser »

Le juge Visser


Annexe A

[TRADUCTION]

Exposé conjoint (partiel) des faits

Les parties à la présente instance reconnaissent, uniquement pour les besoins de celle‑ci, la véracité des faits suivants et l'authenticité, selon la définition que donnent de ce terme les Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale), des documents mentionnés dans le présent exposé.

Les parties conviennent que le présent exposé ne les empêche pas de produire des éléments de preuve afin de compléter les faits y convenus ou d'établir d'autres faits qui n'y apparaissent pas, à la condition que ces éléments ne contredisent pas les faits qui suivent.

A. La Banque Canadienne Impériale de Commerce (la Banque de Commerce)

1.  Durant toute la période en cause, la Banque de Commerce était une banque figurant à l'annexe I de la Loi sur les banques, résidente du Canada, et inscrite sous le régime de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. E‑15, dans sa version modifiée (la Loi), pour les besoins de la taxe sur les produits et services (la TPS).

2.  Durant toute la période en cause, la Banque de Commerce offrait trois catégories principales de services à ses clients : des services bancaires de détail et des services bancaires aux entreprises, des services de gestion de patrimoine et des services bancaires de gros. L'un de ses services bancaires de détail était d'offrir des cartes de crédit de marque Visa et des hypothèques à ses clients.

Le programme de milles Aéroplan

3.  Air Canada exploitait un programme de fidélisation (le programme de milles Aéroplan) qu'elle a par la suite cédé à la société en commandite Aéroplan.

4.  La Banque de Commerce a passé avec Air Canada une convention le 16 avril 2003, qui a été modifiée de temps à autre (la convention), et qui a par la suite été cédée à la société en commandite Aéroplan.

5.  Comme le prévoyait la convention, la Banque de Commerce a offert des primes de fidélisation « milles Aéroplan » aux titulaires de certaines de ses cartes Visa (les cartes Visa Aéro) et aux débiteurs de certains de ses prêts hypothécaires (les AéroHypothèques).

6.  L'ensemble de la convention, y compris les modifications, comprenait les éléments suivants :

a.  la convention relative aux cartes de crédit entre la Banque de Commerce et Air Canada du 16 avril 2003 [61] ;

b.  la lettre modificative d'entente entre la Banque de Commerce et Air Canada du 31 octobre 2003 [62] ;

c.  la lettre modificative d'entente entre la Banque de Commerce et Air Canada du 28 novembre 2003 [63] ;

d.  la lettre modificative d'entente entre la Banque de Commerce et Air Canada du 7 avril 2004 [64] ;

e.  la convention de cession et de prise en charge du 5 juillet 2004 entre Air Canada, la société en commandite Aéroplan (l'ancien Aéroplan) et la Banque de Commerce [65] ;

f.  la convention de cession et de prise en charge du 29 juin 2005 entre la société en commandite APLN (auparavant dénommée l'« ancien Aéroplan »), la société en commandite Aéroplan, la Banque de Commerce et Air Canada [66] ;

g.  la convention modificative du 28 septembre 2006 entre la Banque de Commerce et la Société en commandite Aéroplan [67] ;

h.  la convention modificative du 2 octobre 2006 entre la Banque de Commerce et la société en commandite Aéroplan [68] ;

i.  la lettre modificative d'entente du 16 novembre 2006 entre la société en commandite Aéroplan et la Banque de Commerce [69] .

7.  Le programme de milles Aéroplan fonctionnait en général comme suit [70]  :

a.  Aéroplan concluait avec divers vendeurs de biens ou de services (les partenaires d'accumulation) des accords en vertu desquels ces partenaires d'accumulation ajoutaient des primes de fidélisation « milles Aéroplan » à certains de leurs produits pour consommateurs.

b.  Le membre d'Aéroplan pouvait gagner des milles Aéroplan à l'achat de produits déterminés chez les partenaires d'accumulation.

c.  Le partenaire d'accumulation informait Aéroplan du montant des achats de ce membre qui donnaient droit à des milles Aéroplan et payait ces milles à Aéroplan.

d.  Aéroplan attribuait au membre les milles Aéroplan en question.

e.  Une fois qu'il avait accumulé un nombre suffisant de milles dans son compte Aéroplan tenu par Aéroplan, le membre pouvait les échanger auprès avec Aéroplan contre des biens ou des services (les primes), qu'il choisissait à partir d'une liste établie disposition par Aéroplan de temps à autre.

f.  Aéroplan achetait les primes à des fournisseurs (les partenaires d'échange) avec lesquels elle avait conclu des accords en vue de leur fourniture.

g.  Le membre d'Aéroplan recevait la prime qu'il avait choisie.

8.  Pour ce qui concerne la Banque de Commerce, le programme de milles Aéroplan fonctionnait en général comme suit relativement à sa carte Visa Aéro [71]  :

a.  La Banque de Commerce délivrait une carte de crédit Visa Aéro à un client (le titulaire de carte), et si ce client n'était pas déjà membre d'Aéroplan, elle demandait pour lui à Aéroplan de l'inscrire au programme.

b.  Le titulaire de carte faisait porter des achats à son compte Visa Aéro.

c.  À la fin de la période de facturation du compte Visa Aéro du titulaire de carte, la Banque de Commerce facturait celui‑ci et recouvrait la somme exigible portée à son compte conformément à une convention passée entre elle et le titulaire de carte.

d.  La Banque de Commerce indiquait sur le relevé de compte Visa Aéro la quantité de milles Aéroplan que le titulaire avait accumulés par les achats portés sur sa carte de crédit.

e.  En général, le titulaire de carte gagnait un mille Aéroplan par dollar d'achats portés sur son compte Visa Aéro, mais cette proportion variait parfois.

f.  La Banque de Commerce communiquait à Aéroplan le montant des achats du titulaire donnant droit à des milles Aéroplan, et Aéroplan attribuait les milles en question au compte de membre d'Aéroplan du titulaire.

g.  Aéroplan facturait ensuite à la Banque de Commerce les milles Aéroplan gagnés au prix fixé à l'annexe D de la convention relative aux cartes de crédit du 16 avril 2003, ou au prix convenu selon une modification de l'entente.

h.  Le titulaire de carte pouvait accumuler des milles Aéroplan de la manière décrite ci‑dessus à la condition que son compte Visa Aéro reste en règle. Si ce compte tombait en souffrance, le titulaire n'avait plus le droit d'accumuler des milles et ne le retrouvait qu'une fois son compte acquitté.

i.  Sous réserve des modalités de la convention, de l'entente avec le titulaire de carte et du guide des primes, le membre d'Aéroplan pouvait accumuler des milles Aéroplan sur son compte de membre d'Aéroplan et, après en avoir accumulé un nombre déterminé, il lui était permis de les échanger en tout ou en partie avec Aéroplan contre les primes — biens ou services — qu'Aéroplan offrait à ce moment.

9.  La Banque de Commerce remettait à chaque titulaire de carte une entente avec le titulaire de carte et un guide des primes, où étaient énoncées les modalités et les primes afférentes à la carte Visa Aéro de la Banque de Commerce [72] . Ces documents décrivaient en général les primes et les modalités du programme de fidélisation « milles Aéroplan » de la carte Visa Aéro.

10.  La Banque de Commerce accordait des milles Aéroplan à ses clients dans certains autres cas, par exemple pour le paiement d'intérêts sur un prêt AéroHypothèque, pour l'ouverture d'un nouveau compte bancaire ou à titre de courtoisie [73] . Dans ces cas, la Banque de Commerce payait à Aéroplan les milles ainsi accordés, et Aéroplan portait ces milles au crédit du compte du membre d'Aéroplan.

11.  Aéroplan proposait une liste de primes, qui variait de temps à autre. Ces primes étaient des biens et des services qu'Aéroplan achetait aux partenaires d'échange avec lesquels elle avait conclu des accords [74] . La liste des primes offertes à un moment donné pouvait comprendre notamment des voyages en avion, des séjours dans un hôtel ou un centre de villégiature, des locations de voiture, des produits électroniques, un large éventail de produits de marque, des billets de spectacles, des forfaits de spa, des repas au restaurant, ainsi que des cartes‑cadeaux d'un réseau de plus de 20 chaînes de détaillants réputés tels que Gap, Body Shop, Holt Renfrew, Pier One et Pottery Barn, pour n'en citer que quelques‑uns [75] .

12.  Aéroplan avait en général la faculté de changer les primes offertes aux membres d'Aéroplan ou le nombre de milles Aéroplan requis pour obtenir une prime déterminée.

13.  Lorsque le membre d'Aéroplan échangeait ses milles Aéroplan contre une prime, Aéroplan supportait les frais d'acquisition de la prime du partenaire d'échange [76] .

14.  En octobre 2006, Aéroplan a annoncé qu'à compter du 1er janvier 2007, les milles Aéroplan non échangés après sept ans seraient annulés [77] . Les milles Aéroplan accumulés avant le 1er janvier 2007 se périmeraient ainsi le 31 décembre 2013 [78] . Cette politique d'expiration après sept ans a par la suite été annulée, et diverses modifications du programme de milles Aéroplan ont été mises en œuvre à partir du 1er janvier 2014 [79] . À partir du 1er juillet 2007, les membres d'Aéroplan devaient en général avoir effectué au moins une opération — d'accumulation ou d'échange — au cours des 12 derniers mois, faute de quoi les leurs milles Aéroplan accumulés seraient annulés. Cependant, selon la lettre d'entente du 16 novembre 2006 entre la Banque de Commerce et Aéroplan, celle‑ci a accepté que la Banque de Commerce puisse lui acheter un mille Aéroplan pour chaque titulaire de carte dont les milles accumulés seraient annulés selon la nouvelle règle, de sorte que les milles Aéroplan d'un titulaire de carte actuel ou futur ne seraient jamais annulés en raison de cette règle [80] .

1)  Les paiements des factures d'Aéroplan

15.  Du 25 mars 2005 au 28 février 2007, la Banque de Commerce a fait, en exécution de la convention, les paiements totaux suivants à Aéroplan au titre des périodes de facturation indiquées, conformément à l'ensemble des factures délivrées par Aéroplan pour chacune de ces périodes de facturation (les factures) [81]  :

 

Période de facturation

Paiement total, TPS et TVQ comprises

TPS comprise dans le paiement

 

Du 1er au 28 février 2005

33 819 392,33 $

2 058 124,29 $

 

Du 1er au 31 mars 2005

30 873 434,93 $

1 878 844,12 $

 

Du 1er au 30 avril 2005

36 177 018,76 $

2 201 600,79 $

 

Du 1er au 31 mai 2005

34 850 651,97 $

2 120 882,96 $

 

Du 1er au 30 juin 2005

39 502 342,51 $

2 403 967,80 $

 

Du 1er au 31 juillet 2005

37 160 673,58 $

2 261 462,43 $

Du 1er au 31 août 2005

42 768 426,27 $

2 602 729,70 $

Du 1er au 30 septembre 2005

40 374 493,59 $

2 457 043,72 $

Du 1er au 31 octobre 2005

38 067 628,81 $

2 316 656,38 $

Du 1er au 30 novembre 2005

40 163 443,52 $

2 444 199,98 $

Du 1er au 31 décembre 2005

42 353 978,74 $

2 572 533,06 $

Du 1er au 31 janvier 2006

37 628 668,69 $

2 289 942,89 $

Du 1er au 28 février 2006

37 444 118,97 $

2 278 711,86 $

Du 1er au 31 mars 2006

33 755 632,27 $

2 054 244,09 $

Du 1er au 30 avril 2006

38 115 733,93 $

2 319 583,89 $

Du 1er au 31 mai 2006

39 416 883,30 $

2 398 767,08 $

Du 1er au 30 juin 2006

42 640 928,73 $

2 245 244,16 $

Du 1er au 31 juillet 2006

39 071 502,78 $

2 057 297,20 $

Du 1er au 31 août 2006

40 919 233,29 $

2 154 588,85 $

Du 1er au 30 septembre 2006

43 668 864,09 $

2 299 689,58 $

Du 1er au 31 octobre 2006

38 566 268,56 $

2 030 694,27 $

Du 1er au 30 novembre 2006

43 757 630,00 $

2 304 043,70 $

Du 1er au 31 décembre 2006

43 373 749,97 $

2 283 830,63 $

Du 1er au 31 janvier 2007

42 812 583,65 $

2 254 282,60 $

Total

937 283 283,24 $

54 288 966,03 $

16.  Le 26 mars 2007, M. Stephen Bobkin, de la Banque de Commerce, a présenté à l'Agence du revenu du Canada (l'ARC) les documents suivants concernant les montants payés par la Banque de Commerce à Aéroplan : i) une demande générale de remboursement de la TPS/TVH (formulaire GST189E(06)); ii) un récapitulatif des factures délivrées par Aéroplan à la Banque de Commerce au titre des périodes de facturation énumérées plus haut (le récapitulatif des factures); iii) une lettre d'accompagnement. La première page de la demande de remboursement portait que la période visée avait pris fin le 26 février 2007 [82] .

17.  Le paiement total et la TPS comprise dans celui‑ci, pour chaque période de facturation figurant dans le récapitulatif des factures, correspondaient au montant global à payer pour cette période et à la TPS globale dans ce montant, selon les factures délivrées par Aéroplan à la Banque de Commerce au titre de la période.

18.  Le récapitulatif des factures indiquait correctement le mois et l'année, mais non le quantième, du paiement fait par la Banque de Commerce à Aéroplan au titre de chaque période de facturation.

19.  Le dernier paiement inscrit dans le récapitulatif des factures, qui s'élevait à 42 812 583,65 $ (la somme de février 2007), dont la TPS de 2 254 282,60 $, correspondait à la période de facturation de janvier 2007. La Banque de Commerce a payé la somme de février 2007 à Aéroplan le 28 février 2007.

20.  La somme de février 2007 comprenait le total de la TPS à payer par la Banque de Commerce à Aéroplan pour la période de facturation de janvier 2007 selon cinq factures (deux du 21 février 2007, deux du 3 février 2007 et une du 30 janvier 2007) et une note de crédit du 26 février 2007 délivrées par Aéroplan à la Banque de Commerce. Cette dernière a dressé un tableau récapitulant ces factures et cette note de crédit (le récapitulatif de paiement de la Banque de Commerce).

21.  En pied de page à droite du récapitulatif de paiement de la Banque de Commerce pour la période de facturation de janvier 2007 sont inscrites une date et une heure : [TRADUCTION] « 26/2/2007 13 h 35 ». Cette inscription indique que le récapitulatif de paiement de la Banque de Commerce a été imprimé à 13 h 35 le 26 février 2007. Ce récapitulatif porte aussi, cette fois en en‑tête à gauche, une [TRADUCTION] « date de paiement », à savoir le [TRADUCTION] « 28 février 2007 ». Cette inscription signifie que la Banque de Commerce a payé la somme de février 2007 à Aéroplan le 28 février 2007 [83] .

22.  Le 27 mars 2007, M. Stephen Bobkin a envoyé à la vérificatrice de l'Agence du revenu du Canada, Mme Elaine Lam — qui à cette époque vérifiait ordinairement les comptes de TPS de la Banque de Commerce — un courriel l'avisant qu'il avait produit la demande de remboursement et qu'il lui en communiquerait une copie la prochaine fois qu'elle se présenterait au bureau qui lui était réservé dans les locaux de la Banque de Commerce. Mme Lam lui a répondu par courriel le même jour [84] .

23.  Le 5 juin 2007, Mme Elaine Lam a présenté à la Banque de Commerce une demande de renseignements sur la demande de remboursement [85] . Elle demandait notamment à la Banque de Commerce une copie du formulaire de demande de remboursement signé au bon endroit, à savoir à la partie F.

24.  Le 9 août 2007, M. Bobkin a écrit à Mme Lam qu'il avait signé par erreur le formulaire de demande de remboursement à la partie E et lui a communiqué une copie de ce formulaire signé à la partie F [86] .

25.  Le 22 novembre 2007, Mme Lam a délivré à la Banque de Commerce une proposition de redressement concernant la demande de remboursement [87] . Le ministre n'a pas par la suite délivré à la Banque de Commerce d'avis de cotisation rejetant la demande de remboursement conformément à cette proposition de redressement.

26.  Le récapitulatif des factures indique notamment le montant de TPS que la Banque de Commerce a payé à Aéroplan pour chaque période de facturation, ainsi que le total général de ces paiements de TPS (54 288 966,03 $). Cependant, compte tenu du fait que tout remboursement auquel aurait droit la Banque de Commerce devrait être réduit du montant des crédits de taxe aux intrants (les CTI) afférents aux paiements de TPS en application de l'article 263 de la Loi, le montant du remboursement demandé que M. Bobkin a inscrit à la première page du formulaire de demande de remboursement (44 631 063,32 $) était net du montant total des CTI que la Banque de Commerce prévoyait alors réclamer au titre des paiements de TPS.

27.  Par courriel du 13 mai 2009, M. Bobkin a remis à Mme Lam, pour la première fois, entre autres choses, deux ensembles spécimens de factures d'Aéroplan, l'un correspondant à la période de facturation du 1er au 31 mars 2005, et l'autre à la somme de février 2007 (afférente à la période de facturation du 1er au 31 janvier 2007) [88] .

28.  Le 15 février 2011, Mme Lam a délivré à la Banque de Commerce une proposition de redressement concernant la demande de remboursement [89] .

29.  Le 24 mars 2011, Mme Lam a signé un rapport de vérification relatif à la demande de remboursement de la Banque de Commerce [90] .

30.  À la même date, Mme Lam a adressé à M. Bobkin une lettre l'informant que la vérification relative à la demande de remboursement était achevée, lettre à laquelle elle avait joint un état des rajustements de vérification portant que le remboursement était refusé au motif que la TPS en question avait été payée sur des fournitures taxables [91] .

31.  Le 25 mars 2011, le ministre a délivré, relativement à la demande de remboursement, un avis de cotisation portant que le remboursement était refusé pour les motifs expliqués dans l'état des rajustements de vérification du 24 mars 2011 [92] .


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 79

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2012‑1261(GST)G

INTITULÉ :

BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATES DE L'AUDIENCE :

Les 10 et 11 avril 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge Henry A. Visser

DATE DU JUGEMENT :

Le 16 avril 2019

COMPARUTIONS :

Avocats de l'appelante :

Mes Al Meghji, Al Nawaz‑Nanji et Andrew Boyd

 

Avocats de l'intimée :

Mes Marilyn Vardy et Craig Maw

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Noms :

Mes Al Meghji, Al Nawaz‑Nanji et Andrew Boyd

 

Cabinet :

Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L./s.r.l.

 

Pour l'intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]   Les paiements à Aéroplan, TPS et TVQ comprises, étaient de 937 283 283,24 $ pour la période du 25 mars 2005 au 28 février 2007; voir le paragraphe 15 de l'exposé conjoint (partiel) des faits. L'intimée soutient que les sommes payées les 27 et 28 février 2007 l'ont été après la période visée par la demande de remboursement, qui selon elle a pris fin le 26 février 2007.

[2]   Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. E‑15, dans sa version modifiée.

[3]   Toute mention de la TPS dans les présents motifs vaut aussi mention de toute TVH exigible sous le régime de la Loi.

[4]   Voir l'exposé conjoint (partiel) des faits, paragraphes 16 et 26, et la pièce A‑1, recueil conjoint de documents, onglet 47.

[5]   Voir l'exposé conjoint (partiel) des faits, paragraphe 27, et la pièce A‑1, recueil conjoint de documents, onglet 52.

[6]   Voir l'exposé conjoint (partiel) des faits, paragraphe 31, et la pièce A‑1, recueil conjoint de documents, onglet 56.

[7]   Voir l'exposé conjoint (partiel) des faits, paragraphe 30, et la pièce A‑1, recueil conjoint de documents, onglet 55.

[8]   Avis de requête, paragraphe 4. Bien que ces sommes ne soient pas directement en litige dans le présent appel, l'intimée fait observer au paragraphe 6 de son avis de requête que l'issue du présent appel pourrait influer sur la décision que prendra en fin de compte le ministre touchant les oppositions présentées par l'appelante au rejet de ces demandes de remboursement. Il n'est pas précisé si d'autres demandes de remboursement semblables visant des périodes postérieures à juin 2010 sont en cours d'examen.

[9]   Voir la pièce A‑1, recueil conjoint de documents, onglet 47.

[10]   Voir la pièce A‑1, recueil conjoint de documents, onglet 52.

[11]   Voir les paragraphes 15, 20 et 21 de l'avis d'appel modifié une seconde fois du 25 novembre 2015 déposé le 7 décembre 2015.

[12]   Voir la pièce A‑1, recueil conjoint de documents, volumes 1 et 2.

[13]   Voir la pièce A‑2, extraits consignés en preuve de l'interrogatoire préalable de M. John Phillips, la pièce R‑1, recueil des extraits consignés en preuve par l'intimée, et la pièce R‑2, extraits supplémentaires consignés en preuve par l'intimée.

[14]   Voir la pièce A‑1, recueil conjoint de documents, onglet 1.

[15]   Voir la pièce A‑1, recueil conjoint de documents, onglet 2.

[16]   Voir la pièce A‑1, recueil conjoint de documents, onglet 3.

[17]   Voir la pièce A‑1, recueil conjoint de documents, onglet 4.

[18]   Voir la pièce A‑1, recueil conjoint de documents, onglet 5.

[19]   Voir la pièce A‑1, recueil conjoint de documents, onglet 6.

[20]   Voir la pièce A‑1, recueil conjoint de documents, onglet 7.

[21]   Voir la pièce A‑1, recueil conjoint de documents, onglet 8.

[22]   Voir la pièce A‑1, recueil conjoint de documents, onglet 9.

[23]   La convention de 2003, telle que modifiée et cédée par ces accords, sera ci‑après désignée la « convention de 2003 », sauf si le contexte indique le contraire. Pour la commodité de la lecture, toute mention dans les présents motifs d'Aéroplan vaut mention d'Air Canada ou d'AC et inversement, sauf indication contraire du contexte.

[24]   On pourrait soutenir que le critère élaboré par les tribunaux canadiens pour distinguer une fourniture unique de fournitures multiples a dans une certaine mesure intégré la règle de la fourniture accessoire à l'article 138 dans le critère applicable à la fourniture mixte unique.

[25]   L'exposé conjoint (partiel) des faits définit certains termes d'une façon qui ne coïncide pas nécessairement avec les définitions utilisées dans les présents motifs. Signalons en outre que les notes de bas de page figurant dans l'exposé ont été ici retranchées. On trouvera ces notes de bas de page dans le texte intégral de l'exposé reproduit à l'annexe A des présents motifs.

[26]   Voir la pièce A‑1, recueil conjoint de documents, onglet 1.

[27]   Voir la pièce A‑1, recueil conjoint de documents, onglet 47.

[28]   Voir le paragraphe 117 des observations écrites de l'appelante, où l'on renvoie aux décisions PACCAR Financial Services Ltd. v. Win‑Storm Trucking Inc., 2001 ABQB 596, [2001] A.J. no 941 (QL), aux paragraphes 9 et 10, Viceroy Rubber and Plastics Ltd v. M.N.R., no 90‑3295(IT), 17 février 1993 (C.C.I.), 93 D.T.C. 347, à la page 352, et Vauban Productions v. Minister of National Revenue, 75 D.T.C. 5371 (C.F. 1re inst.), à la page 5373.

[29]   Voir le paragraphe 119 des observations écrites de l'appelante.

[30]   L'alinéa 8g) de l'exposé conjoint (partiel) des faits comprend le premier volet de l'hypothèse formulée à l'alinéa 19s) de la nouvelle réponse de l'intimée à l'avis d'appel modifié une seconde fois, mais pas le second, selon lequel [TRADUCTION] « ces paiements constituaient la contrepartie d'une fourniture de milles Aéroplan ».

[31]   Transcription de l'audience, page 26, lignes 16 à 28.

[32]   Transcription de l'audience, page 26, lignes 16 à 28.

[33]   Transcription de l'audience, page 33, lignes 13 à 17.

[34]   Il me paraît y avoir contradiction entre, d'une part, certains des éléments de preuve produits à l'instruction (en particulier le témoignage de M. Webster et la convention de 2003) et, d'autre part, certains des faits énoncés dans les hypothèses du ministre et dans l'exposé conjoint (partiel) des faits, pour ce qui concerne la qualification des fournitures d'Aéroplan. Lorsqu'il y avait contradiction, j'ai retenu la preuve produite à l'instruction (en particulier le témoignage de M. Webster et la convention de 2003).

[35]   Les fournitures d'Aéroplan pourraient être définies comme une fourniture mixte unique de biens incorporels si j'avais conclu qu'elles constituaient une fourniture mixte unique et que les milles Aéroplan en formaient l'élément prédominant.

[36]   L'article 181 exclut tous les « certificats‑cadeaux » de la définition de « bon », mais on pourrait soutenir que l'article 181.2 ne s'applique qu'aux certificats‑cadeaux délivrés ou vendus à titre onéreux.

[37]   L'exclusion des « certificats‑cadeaux » de la définition du terme « bon » ne me paraît pas avoir pour conséquence que tous les « certificats‑cadeaux » devraient nécessairement, si ce n'était cette exclusion explicite, être inclus dans la définition. Ils ne sont exclus qu'au cas où ils seraient néanmoins visés par la définition. Dans les faits, cependant, étant donné la large portée de la définition de « bon », un grand nombre des certificats‑cadeaux, si ce n'est la plupart, seraient visés par l'expression « autres pièces » et donc par la définition du terme « bon », si ce n'était l'exclusion des certificats‑cadeaux.

[38]   Voir la pièce R‑1, extraits des interrogatoires préalables consignés en preuve par l'intimée, onglet 43.

[39]   Dans la décision Canasia, la condition interdite était celle qui obligeait le détenteur du certificat de voyage à payer des frais d'hôtel considérables pour avoir droit aux vols.

[40]   Par exemple, faire porter des achats sur une carte de crédit de la Banque de Commerce pour accumuler des milles Aéroplan, effectuer des opérations pour éviter l'expiration des milles, et en avoir accumulé suffisamment pour obtenir d'Aéroplan le bien ou le service souhaité; Aéroplan a le droit de changer le nombre de milles Aéroplan nécessaire pour l'obtention d'une prime donnée.

[41]   Il est intéressant de noter, comme le juge Hershfield l'a rappelé au paragraphe 12 de la décision Banque Royale du Canada, que la société Lignes aériennes Canadien International a introduit en mars 2000 une instance sous le régime de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et qu'elle a par la suite fusionné avec Air Canada.

[42]   Voir la transcription de l'audience, témoignage de M. Webster, de la ligne 28 de la page 32 à la ligne 10 de la page 33. On ne sait pas avec certitude si M. Webster entendait par [TRADUCTION] « taxes » seulement la TPS applicable, ou aussi tous les autres frais et droits applicables à l'échange de milles Aéroplan contre une prime telle qu'un voyage, y compris un voyage à l'étranger. M. Webster a aussi déclaré dans son témoignage que [TRADUCTION] « les services de transport aérien sont la prime que les clients choisissent le plus souvent » (voir la transcription de l'audience, témoignage de M. Webster, lignes 13 et 14 de la page 32).

[43]   Canasia, au paragraphe 29.

[44]   Canasia, au paragraphe 33.

[45]   Voir GST/HST Questions for Revenue Canada 2012, Association du Barreau canadien, 23 février 2012, question 34.

[46]   Banque Royale du Canada, aux paragraphes 55 à 61.

[47]   Banque Royale du Canada, au paragraphe 47.

[48]   Taxe sur les produits et services — Notes explicatives du projet de loi C‑62 adopté par la chambre des communes le 10 avril 1990, ministère des Finances Canada, mai 1990, paragraphe 157(1).

[49]   On ne sait pas avec certitude si une pièce donnée pourrait être créée ou exister si elle n'était ni délivrée ni vendue. Dans l'affirmative, on pourrait avoir affaire à un troisième critère, à savoir que la pièce doit être délivrée ou vendue plutôt que d'être créée d'une autre façon.

[50]   Comme on l'a vu plus haut, l'emploi de l'article défini (« le certificat‑cadeau ») en renvoyant à l'échange (plutôt que l'article indéfini, « un certificat‑cadeau ») implique que le certificat‑cadeau dont il est question lors de l'échange est le même que celui visé lors de la première opération, c'est‑à‑dire qu'il est un certificat‑cadeau délivré ou vendu à titre onéreux.

[51]   Autrement dit, le critère du « titre onéreux » est‑il soumis à une quelconque exigence minimale?

[52]   Tel qu'un des articles mentionnés plus haut, notamment l'article 232.1 ou l'article 181 (selon le système de bons qu'on utilise).

[53]   Canasia, au paragraphe 30.

[54]   Canasia, au paragraphe 29.

[55]   C'est‑à‑dire les entreprises qui fournissent des services exonérés et ne facturent pas la TPS, par exemple les services financiers.

[56]   Comme je le constatais plus haut, M. Webster a parlé du paiement des taxes applicables à l'échange de milles Aéroplan par le membre du programme, mais il n'est pas entré dans les détails concernant le montant des frais, droits, autres taxes ou TPS lors de l'échange.

[57]   Sous réserve, bien sûr, des dispositions d'allègement, par exemple des règles applicables à la détaxation.

[58]   Sous réserve, bien sûr, des dispositions d'allègement, par exemple des règles applicables à la détaxation.

[59]   Pour ce qui concerne l'Ontario, par exemple, voir la Loi de 2002 sur la protection du consommateur, et en particulier l'article 25.3 du Règlement de l'Ontario 17/05.

[60]   Comme on l'a vu plus haut, le ministre et l'intimée ont pour thèse que les milles Aéroplan constituent des bons au sens de l'article 181 de la Loi.

[61]   Convention relative aux cartes de crédit, recueil conjoint de documents, onglet 1.

[62]   Lettre, recueil conjoint de documents, onglet 2.

[63]   Lettre, recueil conjoint de documents, onglet 3.

[64]   Lettre, recueil conjoint de documents, onglet 4.

[65]   Convention de cession et de prise en charge, recueil conjoint de documents, onglet 5.

[66]   Convention de cession et de prise en charge, recueil conjoint de documents, onglet 6. Le nom « Aéroplan » désigne, selon le cas, Air Canada, l'ancien Aéroplan, la société en commandite APLN ou la société en commandite Aéroplan.

[67]   Convention modificative, recueil conjoint de documents, onglet 7.

[68]   Convention modificative, recueil conjoint de documents, onglet 8.

[69]   Lettre, recueil conjoint de documents, onglet 9.

[70]   Notice annuelle initiale du Fonds de revenu Aéroplan, 2 mars 2006, page 9, recueil conjoint de documents, onglet 10, et rapport annuel d'Aéroplan, 2007, pages 22, 24 et 26, recueil conjoint de documents, onglet 21.

[71]   Notices annuelles du Fonds de revenu Aéroplan de 2006 à 2008, recueil conjoint de documents, onglets 10 à 12; guides des avantages à l'intention du titulaire de carte, recueil conjoint de documents, onglet 13 à 15; ententes types avec le titulaire de carte, recueil conjoint de documents, onglets 16 à 18; relevé type de carte Visa Aéro Or, recueil conjoint de documents, onglet 19; convention relative aux cartes de crédit entre la Banque de Commerce et Aéroplan, recueil conjoint de documents, onglet 1.

[72]   On trouvera des exemples de guides des avantages à l'intention du titulaire de carte et d'ententes avec le titulaire de carte aux onglets 13 à 15 et 16 à 18 respectivement du recueil conjoint de documents.

[73]   Convention relative aux cartes de crédit, recueil conjoint de documents, onglet 1, article 13.

[74]   Rapport annuel d'Aéroplan, 2007, pages 22 à 26, recueil conjoint de documents, onglet 21.

[75]   Guides des avantages à l'intention du titulaire de carte, recueil conjoint de documents, onglets 13 à 15; notice annuelle initiale du Fonds de revenu Aéroplan, 2 mars 2006, pages 10 et 11, recueil conjoint de documents, onglet 10.

[76]   Voir, par exemple, la notice annuelle initiale du Fonds de revenu Aéroplan, 2 mars 2006, pages 5 et 6, recueil conjoint de documents, onglet 10; rapport annuel d'Aéroplan, 2006, pages 12 et 15, recueil conjoint de documents, onglet 20; rapport annuel d'Aéroplan, 2007, pages 24 et 26, recueil conjoint de documents, onglet 21.

[77]   Rapport annuel d'Aéroplan, 2007, recueil conjoint de documents, onglet 21, page 24.

[78]   Rapport annuel d'Aéroplan, 2007, recueil conjoint de documents, onglet 21, pages 22 à 24.

[79]   Rapport annuel d'Aéroplan, 2014, recueil conjoint de documents, onglet 22, page 90.

[80]   Lettre, recueil conjoint de documents, onglet 9, page 2.

[81]   Récapitulatif de paiement de la Banque de Commerce et factures, recueil conjoint de documents, onglets 23 (période de facturation du 1er au 28 février 2005) à 46 (période de facturation du 1er au 31 janvier 2007).

[82]   Formulaire de demande de remboursement, récapitulatif des factures et lettre d'accompagnement, recueil conjoint de documents, onglet 47.

[83]   Récapitulatif de paiement de la Banque de Commerce, liasse de factures et note de crédit pour la somme de février 2007, recueil conjoint de documents, onglet 46.

[84]   Copie de la chaîne de courriels, recueil conjoint de documents, onglet 48.

[85]   Demande de renseignements, recueil conjoint de documents, onglet 49.

[86]   Copie de la lettre avec note, recueil conjoint de documents, onglet 50.

[87]   Proposition de redressement et pièces jointes, recueil conjoint de documents, onglet 51.

[88]   Copie du courriel du 13 mai 2009, recueil conjoint de documents, onglet 52.

[89]   Proposition de redressement sans pièces jointes, recueil conjoint de documents, onglet 53.

[90]   Copie du rapport de vérification avant paiement, recueil conjoint de documents, onglet 54.

[91]   Copie de la lettre et de l'état des rajustements de vérification y annexé, recueil conjoint de documents, onglet 55.

[92]   Avis de cotisation, recueil conjoint de documents, onglet 56.

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